Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Suspension - Vol à l'étalage - Préméditation - Obligation pour un fonctionnaire d'informer l'employeur de l'existence d'accusations criminelles portées contre lui - Coopération du fonctionnaire s'estimant lésé à l'enquête de l'employeur - Crédibilité - Critères de la décision Millhaven - Valeur du vol - Réintégration - le fonctionnaire s'estimant lésé, un gardien de prison, a commis un vol à l'étalage d'une valeur de 34,01 $ dans une quincaillerie à grande surface - des accusations criminelles ont été portées contre lui, ce dont il n'a pas informé l'employeur - l'employeur a appris l'existence des accusations du service de police ayant procédé à l'arrestation du fonctionnaire s'estimant lésé - le fonctionnaire s'estimant lésé a nié avoir commis un vol - l'arbitre a conclu que le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas crédible - il avait la certitude que l'employeur avait présenté une preuve claire, convaincante et forte établissant, par prépondérance, l'existence du vol - il a cependant ajouté que la preuve n'établissait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé avait planifié ce vol - l'arbitre a conclu que, le fonctionnaire s'estimant lésé ayant plaidé non coupable aux accusations criminelles portées de contre lui, celui-ci avait adopté une ligne de conduite où il aurait été inconséquent de reconnaître, devant l'employeur, avoir commis un vol - l'arbitre était d'avis que l'existence d'un des critères mentionnés dans la décision Millhaven ne justifiait pas nécessairement le licenciement; qu'il fallait plutôt considérer l'éventail de mesures disciplinaires disponibles à la lumière de l'ensemble des circonstances entourant l'inconduite - l'arbitre n'était pas convaincu que l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé était suffisamment reliée à ses fonctions de gardien de prison pour justifier le licenciement - l'arbitre a conclu que l'employeur n'avait pas établi que sa réputation a été entachée par l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé - de plus, la preuve n'établissait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé était devenu inapte à remplir ses fonctions ni que l'employeur ne pouvait plus avoir confiance en lui - l'arbitre a annulé le licenciement et lui a substitué une suspension de 20 mois - l'arbitre a réintégré le fonctionnaire s'estimant lésé dans son poste ou, si ce dernier y consentait, dans un poste équivalent dans la même région ou ailleurs au Canada. Grief admis en partie. Décisions citées :Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354; Walcott (166-2-25590); Re Toronto East General Hospital Inc. and Service Employees International Union (1975), 9 L.A.C. (2d) 311; Hampton (166-2-28445); Millhaven Fibres Ltd., Millhaven Works, and Oil, Chemical and Atomic Workers Int'l. Union, Local 9-670 (1967), 1 (A) Union-Management Arbitration Cases 328; Flewwelling (166-2-14236); Re Emergency Health Services Commission and Ambulance Paramedics of British Columbia, C.U.P.E., Local 873 (1987), 28 L.A.C. (3d) 77; Re Government of the Province of Alberta and Alberta Union of Provincial Employees (1998), 72 L.A.C. (4th) 403; Re City of Port Moody and Canadian Union of Public Employees, Local 825 (1996), 63 L.A.C. (4th) 203; Fraternité des policiers (C.U.M.) c. C.U.M., [1985] 2 R.C.S. 74; Re City of Moncton and Canadian Union of Public Employees, Local 51 (1990), 10 L.A.C. (4th) 226; Cie minière Québec Cartier c. Québec, [1995] 2 R.C.S. 1095; Canada c. Tourigny (1989), 97 N.R. 147.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27992 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ISAAC JALAL fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur Général - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant : Guy Giguère, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Robert P. Morissette, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Michel LeFrançois, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec), du 21 au 24 septembre 1998.

Décision DÉCISION Page 1 Jusqu’à son licenciement, M. Isaac Jalal était un employé du ministère du Solliciteur général, Service correctionnel Canada, à l’Établissement Leclerc, comme agent de correction de niveau CX-01. Le 11 septembre 1996, il a été suspendu sans solde pendant l’enquête administrative dont il faisait l’objet.

Cette enquête visait à faire la lumière sur une demande d’intenter des procédures criminelles et une citation à comparaître, datées du 28 août 1996, déposées par le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal : M. Jalal était accusé d’avoir volé des articles de plomberie au magasin Réno-Dépôt de Pointe-Claire.

Quelque temps après, dans une lettre du 18 octobre 1996 (pièce G-6), M. Michel Deslauriers, directeur de l’Établissement Leclerc, annonçait à M. Jalal qu’il était licencié. Les trois paragraphes suivants en exposent les raisons : […] Suite à l’enquête effectuée par le Service correctionnel du Canada, il a été établi que vous avez volé des articles dans un établissement commercial à Pointe-Claire, le 28 août 1996.

Les gestes que vous avez posés étaient planifiés et sont tout à fait inacceptables. De plus, vous avez omis d’avertir votre supérieur, avant de reprendre vos fonctions, que vous avez eu des accusations criminelles. Tout cela constitue des infractions très graves à notre code de discipline.

Votre version des faits a changé lors des différents interrogatoires et vous avez nié complètement vos gestes lors de l’enquête de l’employeur, malgré certaines évidences. Vos gestes sont incompatibles avec votre rôle d’agent de la paix. Vous avez terni l’image du S.C.C. et vous avez perdu toute la confiance de l’employeur.

[…] Le 24 octobre 1996, M. Jalal a déposé le grief qui est étudié dans la présente décision. Ce grief conteste sa suspension sans solde et son licenciement et demande les mesures correctives suivantes :

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Décision Page 2 Annexe A 1- À être représenter par un membre de mon choix (habilité par mon syndicat) à tous les paliers de la procédures du grief

2- Qu’une réponse écrite me soit donne a chaque palier de la procédure de grief

3- Déclare injuste mon congédiment suite a une enquête administrative

4- Ordonner que je sois rembourser pendant tout le temps de la procédure de grief sans perte de droits et privilèges. Rattache à mon emploi depuis le 11 semotmbre 96

5- Constater que l’enquête administratif, ses recommandation et la mesure prise a mon égard était abusif et contraire, au droit et liberté de la charte du Québec art:I7 chapitre I8.2 (culpabilité à une infraction)

6- Que me soit versé une compensation de I0,000.00 pour atteinte à ma santé et à ma réputation

7- Ordonner que les montants qui sont dues portes les intérêts deouis mon congédiment

8- Ce qui précède ne constitue pas une liste exhautive des manquement qui entachent les mesures prises a mon égard. Je me réserve le droit de faire valoir tout autre moyen.

[Texte original sans correction] Initialement, l’audience de ce grief avait été fixée aux 28 et 29 janvier 1998, mais, les parties se sont entendues pour qu’elle soit remise après le procès criminel de M. Jalal. L’audience a alors été inscrite au rôle pour les 11 et 12 juin 1998, mais n’a pu procéder à ces dates et a finalement eu lieu du 21 au 24 septembre 1998.

À l’audition du grief, M. Jalal a témoigné en anglais, et les autres témoins, en français. Afin de faciliter la lecture de la présente décision, toutes les citations attribuées à M. Jalal ont été traduites en français. Il y a deux versions des faits quant aux allégations de vol d’articles de plomberie. M. Jalal a nié avoir volé les articles, alors que l’employeur a retenu la version des agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt. L’employeur avait le fardeau de la preuve, mais on retrouve dans le texte

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Décision Page 3 qui suit la version de M. Jalal en premier, car celui-ci situe le contexte précédant les observations faites par les agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt.

Version de M. Jalal Le 30 août 1996, M. Jalal attendait des visiteurs à la maison à l’occasion du mariage de son fils aîné. Pour cette occasion, M. Jalal avait décidé de rénover ses salles de bain et son cabinet de toilette powder room »), car certains robinets fuyaient et il y avait de la rouille dans les éviers. Sa maison comptait en tout deux salles de bain, une au sous-sol et une au rez-de-chaussée, ainsi qu’un cabinet de toilette avec deux éviers identiques.

Le 15 août 1996, M. Jalal a acheté un ensemble complet de bouchons d’évier mobiles de marque « Delta » à la Quincaillerie 4-Sous, au montant de 18,94 $. M. Jalal a témoigné qu’il a remplacé le cylindre de l’évier du sous-sol sans avoir besoin de changer la pièce mobile pop-up »), les raccords, les agrafes et les obturateurs connectors, clips et stoppers »), qu’il a conservés pour usage futur.

Le 27 août 1996, M. Jalal a acheté trois ensembles de robinets et deux éviers blancs de marque « Crane » au magasin Réno-Dépôt. Il est ensuite retourné à la maison, son beau-frère l’a aidé à débrancher et à enlever les deux éviers du cabinet de toilette. M. Jalal a ouvert les boîtes dans lesquelles les éviers étaient emballés et son beau-frère a constaté que, pour un des éviers, il manquait la bande d’étanchéité seal cushion ») en caoutchouc. Le beau-frère de M. Jalal a indiqué qu’il installerait tout de même l’évier et y appliquerait du mastic en attendant que M. Jalal aille au magasin acheter une autre bande d’étanchéité. Le beau-frère de M. Jalal ne s’est pas servi de la bande d’étanchéité, il l’a plutôt donnée à M. Jalal en disant : « montre-leur cette bande comme exemple et ils vont t’en donner une autre. »

Le lendemain, le 28 août 1996, M. Jalal s’est rendu chez Réno-Dépôt, il a apporté dans sa fourgonnette un sac qui contenait une bande d’étanchéité blanche, une pièce mobile de marque « Delta », des raccords, des agrafes et une liste d’achats. Il avait écrit sur un papier jaune une liste des articles qu’il devait acheter, l’avait attachée à la bande d’étanchéité avec du ruban transparent et s’est dirigé vers le magasin. Lorsqu’il est entré dans le magasin, il a montré la bande d’étanchéité au préposé qui se trouvait à la barrière et ce dernier l’a laissé passer sans identifier le

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Décision Page 4 paquet d’aucune façon. M. Jalal a précisé qu’il s’est d’abord dirigé vers le comptoir de service et a montré la bande d’étanchéité à une dame, qui a faire appel au commis du rayon de la plomberie. Le commis a informé M. Jalal que Réno-Dépôt ne vendait pas les pièces séparément et lui a suggéré de retourner l’ensemble d’évier au complet. « Il m’a dit de me rendre chez Plomberium pour acheter la pièce séparément. Je n’étais pas content. » M. Jalal a donc répondu qu’il désirait acheter un ensemble d’évier neuf et se faire rembourser celui pour lequel manquait une bande d’étanchéité. M. Jalal et le commis se sont rendus au rayon de la plomberie, le commis a montré à M. Jalal deux boîtes d’évier. L’une était ouverte et ne contenait pas de bande d’étanchéité. M. Jalal a pris la seconde boîte et l’a mise dans son chariot. Avant d’arriver à la caisse, il a regardé dans la boîte et a constaté qu’elle non plus ne contenait pas de bande d’étanchéité. Il l’a donc laissée là. En contre-interrogatoire, M. Jalal a témoigné qu’il ne se souvenait pas s’être rendu dans le rayon des luminaires et a nié avoir ouvert la boîte dans ce rayon. Il a quitté le magasin sans acheter quoi que ce soit.

M. Jalal s’est dirigé vers sa fourgonnette avec la bande d’étanchéité qu’il avait en entrant au magasin et a vérifié sa liste d’achats. Il s’est rendu compte qu’il devait acheter des raccords, de la peinture en aérosol de couleur laiton, du débouche-conduits et un ensemble de bouchons d’évier mobiles. Il est retourné au magasin, dans le rayon de la plomberie, et a demandé au commis si Réno-Dépôt vendait des pièces mobiles de marque « Delta » et des raccords. Le commis lui a répondu que Réno-Dépôt ne vendait pas de produits de marque « Delta », mais que le magasin avait une autre marque qui conviendrait tout aussi bien. Le commis a donc remis à M. Jalal un ensemble de marque « Master Plumber » qui contenait des tiges et brides. M. Jalal a aussi acheté deux bouteilles de débouche-conduits Liquid Plumber ») et de la peinture en aérosol et est passé à la caisse pour payer.

En arrivant à sa fourgonnette, M. Jalal a ouvert la portière du passager et a mis son sac d’achats sur la banquette avant. Il a ensuite pris sa pièce de marque « Delta » et l’a comparée avec l’ensemble qu’il venait d’acheter. Il a remarqué que les pièces n’étaient pas tout à fait pareilles et que leur tête était différente. M. Jalal est retourné dans le magasin, cette fois au comptoir des remboursements, et a retourné l’ensemble, qui ne convenait pas. La commis lui a demandé la facture, a pris l’ensemble et l’a lancé derrière, avec les autres articles remboursés. « Je n’ai pas ouvert le paquet, je l’ai retourné tel quel. La commis l’a pris et n’a pas appelé de commis. » Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 Cependant, en contre-interrogatoire, M. Jalal a indiqué que le paquet n’était pas scellé lorsqu’il l’a retourné.

Après avoir obtenu son remboursement, M. Jalal a acheté quatre tuyaux flexibles et est retourné à sa fourgonnette. M. Jalal a témoigné « qu’il n’était jamais sorti du magasin avec des pièces qui ne lui appartenaient pas. »

Alors qu’il se dirigeait vers sa fourgonnette, M. Jalal a été intercepté par deux agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt, MM. Labelle et Cartin. M. Cartin lui a pris le sac d’achats des mains et lui a demandé s’il en avait la facture. Au même moment, M. Labelle tenait un sac d’achats qu’il avait apparemment pris dans la fourgonnette de M. Jalal plus tôt. Dans son témoignage, M. Jalal a insinué que MM. Cartin et Labelle avaient fabriqué de la preuve et a indiqué que « la camionnette était déverrouillée ». De plus, M. Jalal a témoigné que « les deux agents de sécurité ne se sont pas identifiés et ils ne m’ont jamais lu mes droits ». Ils sont retournés au magasin en emportant deux sacs d’achats. M. Cartin tenait M. Jalal et lui a serré le bras tellement fort que M. Jalal a eu une ecchymose qui a duré quatre semaines. C’est pour cette raison qu’il est allé voir un médecin le 16 septembre 1996. Lorsqu’ils étaient dans le stationnement, M. Jalal avait insisté pour que les agents de sécurité appellent la police, mais ces derniers avaient répondu : « pas ici ».

Une fois dans le magasin, les deux agents ont emmené M. Jalal dans un petit bureau et lui ont demandé de vider ses poches. Il n’y avait rien de spécial dans ses poches, rien que son portefeuille, ses clés de voiture et de la monnaie. Les agents de sécurité lui ont demandé de s’asseoir. M. Cartin l’a interrogé au sujet de la bande d’étanchéité, si elle lui appartenait et ce qui était écrit sur le papier enroulé autour d’elle avec du papier transparent. M. Jalal leur a répondu : « Une liste d’achats. » M. Jalal a ajouté : « Ils ont apporté un paquet scellé de tiges et brides et m’ont accusé d’en avoir volé l’agrafe ». Plus tard, MM. Cartin et Labelle sont revenus et ont lancé un des deux sacs d’achats sur la table; du sac est tombée la pièce mobile qu’il avait apportée avec lui, mais ils ne l’ont pas montrée à M. Jalal. À un certain moment, M. Cartin a dit à M. Jalal : « faisons un arrangement », mais il est ensuite sorti de la pièce et n’a jamais reparlé de cet arrangement. M. Jalal a témoigné que : « en aucun temps je n’ai avoué avoir volé. »

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Décision Page 6 M. Jalal a témoigné que les articles qu’on l’accusait d’avoir volés se détaillaient à 34,01 $, incluant les taxes, et non à 166,73 $, contrairement à ce qu’ont rapporté les agents de sécurité qui, eux, faisaient référence à la valeur au détail des ensembles dont les articles faisaient partie, y compris les éviers. À l’appui, deux factures ont été produites : pièce E-5, une facture du 15 août 1996 pour la pièce mobile de marque « Delta » (pièce E-6) achetée à la Quincaillerie 4-Sous au montant de 18,94 $, plus un montant de 2,64 $ qui représentait les taxes; et, enfin, une autre facture en date du 23 septembre 1996 pour la bande d’étanchéité achetée chez Plomberium au montant de 5,65 $ et une tige, un raccord et une agrafe, au montant de 5,25 $. Le montant total de la facture du 23 septembre 1996 s’élevait, avec les taxes, à 12,43 $.

M. Jalal a refusé de s’identifier aux agents de sécurité; il leur a indiqué qu’il ne parlerait qu’à la police. Lorsque les policiers sont arrivés, ils lui ont lu ses droits et lui ont donné le numéro de téléphone d’un avocat. M. Jalal a communiqué avec cet avocat, M e Bélanger, qui lui a fixé un rendez-vous pour le lundi suivant et lui a mentionné que, à cette date, il déposerait une plainte de voie de fait au nom de M. Jalal. Lorsque les policiers lui ont demandé une pièce d’identité, M. Jalal leur a montré sa carte de l’Établissement Leclerc. « Je n’ai pas montré ma carte du Service correctionnel dans le but d’obtenir des faveurs ou des privilèges. J’essayais plutôt de la cacher, mais ils insistaient. »

M. Jalal a indiqué qu’il n’avait pas mentionné aux policiers qu’un des agents de sécurité avait utilisé une force excessive lorsqu’ils l’ont appréhendé. M. Jalal a témoigné qu’il a porté plainte, le 12 septembre 1996, contre les deux agents au sujet de la procédure qu’ils ont suivie lorsqu’ils l’ont appréhendé et de la force qu’ils avaient employée à cette occasion. En contre-interrogatoire, M e LeFrançois, le représentant de l’employeur, a produit la pièce G-11, soit le rapport de police sur la plainte de M. Jalal. Le policier Luc Dumas a conclu ainsi son enquête sur la plainte de M. Jalal : […] Ce présent dossier sera classé non-fondé; après enquête de ce dossier et dossier connexe […] je viens à la conclusion que le plaignant désire seulement nuire aux employés du commerce Reno Dépôt […] car ces derniers l’ont accusé de vol […]

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Décision Page 7 […] Il porte plainte 14 jours après son arrestation […] Il va voir un médecin pour ces [sic] blessures 18 jours après les incidents initial [sic] […]

[…] À l’appui de la version des faits de M. Jalal, un des deux policiers qui l’a arrêté au magasin Réno-Dépôt, M. Michel Bolduc, a témoigné. Il a déclaré que, à son arrivée, il a rencontré les deux agents de sécurité du magasin pour connaître leur récit des faits. Puis il a vu M. Jalal, qu’il a arrêté, et lui a lu ses droits. M. Bolduc a demandé à M. Jalal de s’identifier. Il a déclaré : Je lui ai dit qu’il faut qu’il soit identifié positivement, par exemple, permis de conduire, et il m’a donné sa carte du Service correctionnel, car je dois indiquer son employeur. M. Jalal n’a pas montré sa carte de lui-même; c’est lorsque je lui ai demandé de s’identifier, quand je lui ai demandé son occupation, qu’il m’a donné sa carte. Il n’a pas tenté d’obtenir de faveurs en montrant sa carte. Il était très calme, il était arrêté, il semblait fatigué.

M. Bolduc a témoigné qu’il n’a pas porté de jugement à savoir si M. Jalal avait commis un vol; son travail consistait à s’assurer que les rapports soient bien faits et les personnes bien identifiées. « Je n’ai pas demandé la version de M. Jalal. » Et lorsque M. Jalal a tenté de la lui donner, M. Bolduc lui a dit : « dites-la au juge. » Sur la question de la valeur du vol, M. Bolduc a indiqué : Je dois vous avouer, moins de 10 $ je n’aurais pas pris de rapport, je l’aurais déjudiciarisé. Mais les agents de sécurité m’ont dit que les pièces à acheter en individuel valaient entre 20 $ et 30 $. Les agents disaient que ce n’était pas possible de vendre individuellement et qu’il fallait prendre la valeur totale des articles […] Le montant du vol, dans mon livre à moi, était de 20 $.

À la question de M e LeFrançois, à savoir si M. Jalal s’était plaint auprès de M. Bolduc d’avoir été molesté, ce dernier a répondu : « non, et généralement c’est la première chose qu’ils disent. Il était très calme et coopératif. » M. Bolduc a aussi indiqué : « il n’y a pas eu de brasse camarade, s’il y en avait eu, il serait inscrit au

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Décision Page 8 rapport. » Et M. Bolduc a indiqué qu’il n’était pas au courant s’il y avait eu une plainte de voie de fait déposée par M. Jalal contre les deux agents de sécurité du magasin.

La version des agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt MM. Labelle et Cartin, deux agents de sécurité de plancher au magasin Réno-Dépôt, ont été impliqués lors des événements du 28 août 1996. Ils sont venus témoigner et ont expliqué qu’ils avaient l’habitude de travailler en équipe pour filer un client suspect. C’est M. Labelle qui a tout d’abord remarqué M. Jalal, car il trouvait son comportement louche. M. Jalal regardait de droite à gauche, comme pour voir s’il était observé. Selon l’expérience de M. Labelle, c’était l’habitude des clients qui volent de regarder ainsi pour voir s’ils étaient surveillés. M. Labelle s’est mis à suivre M. Jalal et l’a vu dissimuler une boîte de carton dans le rayon des luminaires. Tout en continuant à suivre M. Jalal, il a demandé par radio walkie-talkie ») à son collègue, M. Laurent Cartin, de l’assister en allant vérifier ce qu’il y avait dans la boîte dissimulée.

M. Cartin est allé voir dans le rayon des luminaires et il a trouvé une boîte d’éviers de marque « Crane » qui avait été ouverte. Il l’a rapportée au commis du rayon de la plomberie, qui lui a indiqué qu’il y manquait la bande d’étanchéité. Le commis lui a aussi dit que le client suspect était venu quelques jours auparavant pour acheter deux éviers de marque « Crane » du même modèle que celui de la boîte ouverte.

M. Labelle a ensuite vu M. Jalal se diriger vers la caisse et payer pour deux bouteilles de débouche-conduits, de la peinture en aérosol de couleur laiton et un ensemble de tiges et brides de marque « Master Plumber ». M. Jalal est sorti du magasin et les deux agents l’ont suivi. Ils ont vu M. Jalal se diriger vers sa fourgonnette, ouvrir la portière du côté du passager, puis ouvrir le paquet de tiges et brides, en retirer un morceau de métal qu’il a jeté sur la banquette avant et retourner au magasin. M. Cartin a témoigné qu’il a vu M. Jalal « lancé le morceau dans la camionnette » et que, après que M. Jalal soit retourné au magasin, il a pu constater qu’il s’agissait d’une agrafe de métal clip de métal »).

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Décision Page 9 M. Labelle a continué de filer M. Jalal, qui s’est dirigé vers le comptoir des remboursements et a obtenu un remboursement pour l’ensemble de tiges et brides. Comme on peut le constater à la pièce G-1, l’heure du remboursement est 14 h 49, alors que l’achat a été fait à 14 h 45. Puis, M. Labelle a suivi M. Jalal, qui est retourné dans le rayon de la plomberie.

Pendant ce temps, M. Cartin est allé voir le commis aux remboursements, qui lui a indiqué que M. Jalal avait demandé un remboursement en disant qu’il manquait un morceau au paquet de tiges et brides. M. Cartin a pris le paquet de tiges et brides retourné et est allé voir le commis du rayon de la plomberie. Le commis lui a indiqué que M. Jalal était venu plus tôt pour demander si les agrafes étaient vendues séparément, ce à quoi il lui avait répondu que non.

Pendant ce temps, M. Labelle a vu M. Jalal prendre une tige de pivotement et un écrou de retenue d’un évier en démonstration, qu’il a dissimulés dans la poche droite de son pantalon. M. Labelle en a alors informé, par radio, son collègue Cartin, qui lui aussi surveillait le suspect. M. Cartin a témoigné que M. Jalal avait demandé à un commis si des bouchons mobiles pour évier de marque « Delta » étaient vendus séparément. M. Cartin a aussi observé M. Jalal regarder à droite et à gauche pour voir s’il était suivi et défaire le bouchon mobile d’un évier de marque « Delta » en démonstration et qu’il a dissimulé dans la poche droite de son pantalon.

M. Jalal a ensuite choisi quatre tuyaux flexibles et est passé à la caisse et a payé seulement pour les tuyaux. Les agents de sécurité Cartin et Labelle l’ont suivi jusqu’à sa fourgonnette et c’est qu’ils l’ont intercepté, en s’identifiant. M. Jalal leur a ouvert la portière du passager et ils ont récupéré l’agrafe ainsi qu’un sac d’achats provenant de chez Réno-Dépôt. Les agents ont ramené M. Jalal au magasin. M. Cartin a spécifié en contre-interrogatoire qu’il a tenu le suspect par le coude pour le faire avancer, mais sans force excessive. M. Cartin a témoigné que, à mi-chemin entre la fourgonnette et le magasin, M. Jalal leur a dit : « je n’ai rien fait, c’était mes morceaux. »

Les agents de sécurité ont emmené M. Jalal dans un petit bureau du magasin et ce dernier les a suivis de plein gré. Pendant qu’ils se dirigeaient vers le bureau, M. Cartin observait M. Jalal, qui jouait avec ses poches. En entrant dans le bureau, les deux agents ont demandé à M. Jalal de vider ses poches. À ce moment, M. Cartin a vu

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Décision Page 10 M. Jalal jeter par terre le bouchon d’évier mobile de marque « Delta ». Ils l’ont ramassé et ils ont redemandé à M. Jalal de vider ses poches. C’est alors que M. Jalal a sorti des objets personnels, ainsi que la tige de pivotement et l’écrou de retenue.

M. Cartin a interrogé M. Jalal parce que ce dernier ne parlait pas français. M. Cartin a débuté en lui lisant ses droits en anglais. Pendant l’interrogatoire, M. Jalal a maintenu qu’il n’avait rien fait. Cependant, après un certain temps, il a avoué à M. Cartin avoir pris la bande d’étanchéité. M. Jalal a dit « oui, je l’ai fait » ou « oui, je l’ai pris » yes, I did it » ou « yes, I took it »), tout en maintenant que les autres objets lui appartenaient.

Pendant ce temps, M. Labelle prenait des photos des objets volés et complétait le rapport d’enquête sur l’incident (pièce G-1), dans lequel il a indiqué comme valeur des objets : […] 1 bouchon mobile avec tige provenant d’un lavabo Delta # 120576 $88.48)

1 tige de pivotement + écrou retenue « Master Plumber » # 121810 $15.94)

1 clip provenant d’une tige de relevage à bouchon « Master Plumber » $5.84)

1 rubber provenant d’un lavabo « Crane » $50.53) TOTAL : $166.73 […] M. Labelle a témoigné que le prix indiqué comme valeur de chaque objet volé était le prix de vente de l’ensemble dont il provenait, parce que le magasin Réno-Dépôt ne pouvait plus vendre un tel ensemble s’il y manquait une pièce. Il a donné l’exemple du prix d’un bouchon mobile, qui ne valait pas 88,48 $, mais qui était plutôt le prix de l’évier « Delta » qui ne pouvait plus être vendu sans bouchon.

Pendant qu’il complétait son rapport, M. Cartin a dit à M. Labelle : « OK, il a avoué pour le caoutchouc blanc ». En aucun moment, M. Jalal ne s’est plaint et il n’y a pas eu de marchandage pour conclure un arrangement avec lui.

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Décision Page 11 M. Morissette, le représentant de M. Jalal, m’a demandé de noter que M. Labelle devait se référer à son rapport (pièce G-1) pour se rappeler des détails entourant l’arrestation de M. Jalal.

En contre-interrogatoire, M. Labelle n’a pu se rappeler différents points, tel que : s’il avait argumenter avec M. Jalal pour le faire entrer au magasin après l’avoir appréhendé; l’angle duquel il avait vu M. Jalal sortir l’agrafe, une fois rendu à sa fourgonnette, du côté du passager; et si le sac d’achats dans la fourgonnette de M. Jalal avait été ramené au bureau ou seulement l’objet volé. Dans l’ensemble, M. Labelle a maintenu les éléments principaux entourant l’arrestation de M. Jalal.

M. Cartin a indiqué en contre-interrogatoire que les pièces n’avaient pas été remises aux policiers, ce qui était la procédure habituelle; ces derniers gardaient seulement une photo avec leur rapport. Par ailleurs, M. Cartin n’était pas certain s’il avait poussé M. Jalal, s’il y avait eu un contact physique. M. Cartin n’était pas certain si, au moment de l’arrestation de M. Jalal à la fourgonnette, c’était M. Jalal qui avait ouvert la portière du passager. M. Cartin a témoigné que la bande d’étanchéité de l’évier « Crane » était entourée d’un élastique et d’un papier sur lequel M. Jalal avait probablement écrit, mais cela ne voulait pas dire pour autant que c’était un morceau qui lui appartenait; c’est un stratagème que les voleurs utilisent pour faire croire que la pièce leur appartient.

Faits postérieurs aux événements survenus au magasin Réno-Dépôt M. Deslauriers, directeur de l’Établissement Leclerc, a témoigné qu’il avait été informé, le 28 ou le 29 août 1996, des événements survenus chez Réno-Dépôt, par le biais d’une télécopie (pièce G-4) provenant du bureau d’enquêtes du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal - District 11. La page couverture de la télécopie indiquait « pour votre info. Accusé travaille chez vous. » La télécopie était adressée au Service correctionnel du Canada, au numéro de télécopieur de l’Établissement Leclerc. Joint à la page couverture, se trouvait un document intitulé « Demande d’intenter des procédures » qui est le rapport de police complété par les policiers suite à l’arrestation de M. Jalal chez Réno-Dépôt le 28 août 1996.

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Décision Page 12 M. Deslauriers a témoigné qu’il avait constaté, comme directeur, que trois possibilités peuvent survenir lorsque des fonctionnaires font face à des accusations criminelles. Habituellement, le fonctionnaire en informe l’employeur, car le Code de discipline (pièce G-7) en fait un devoir (règle 2, page 6, alinéa 5, l’employé qui « omet d’avertir son supérieur, avant de reprendre ses fonctions, de ce qu’il a été accusé d’une infraction criminelle ou d’une infraction à une autre loi » commet une infraction). À d’autres occasions, la police avertit le Service correctionnel parce que le fonctionnaire a montré sa carte d’employé au policier. Parfois, le fonctionnaire n’informe pas l’employeur et celui-ci ignore l’existence des accusations, mais peut les découvrir plus tard au cours de vérifications sécuritaires. En contre-interrogatoire, M. Deslauriers a précisé que deux ou trois employés avaient conservé leur emploi malgré des accusations criminelles pour conduite en état d’ébriété. M. Deslauriers a expliqué la distinction qu’il faisait pour ces cas : Ces gens-là étaient venus nous déclarer et c’est pour ça qu’on les a gardés. Il y a un cas on n’avait pas été averti et c’est suite à une vérification systématique pour la question de cote de sécurité au bout de sept ans qu’on l’a découvert. Ce n’était pas le seul facteur, on avait découvert autre chose, et cette personne a été licenciée.

M. Jalal était en congé annuel du 28 août au 2 septembre 1996 et il n’a pas informé son employeur des accusations de vol portées contre lui. M. Jalal a témoigné qu’il ignorait l’existence du Code de discipline avant décembre 1996 : « En décembre 1996, un ami m’a apporté le Code pour que je me prépare pour l’audition. Je n’étais pas au courant qu’il y en avait un, je n’ai jamais reçu de copie. J’avais connaissance de certaines règles de conduite professionnelle, mais pas du Code. » En contre-interrogatoire, M e LeFrançois a demandé à M. Jalal pourquoi il avait demandé à son avocat s’il devait informer l’employeur des incidents. M. Jalal a répondu : « je ne savais pas, j’ai vérifié avec mon avocat. » M e LeFrançois a demandé à M. Jalal s’il connaissait les raisons pour lesquelles certains de ses collègues avaient été suspendus; M. Jalal a déclaré : « je ne savais pas pourquoi certains avaient été suspendus; les règlements principaux qu’on connaissait c’était de porter l’uniforme, ne pas dormir au travail et de rester loin des détenus. » Questionné sur la pratique de l’employeur d’informer les employés sur les raisons justifiant leur suspension, M. Jalal a répondu : « oui, c’est la pratique, mais je n’ai pas demandé la raison et elle

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Décision Page 13 ne m’a pas été fournie; je ne connaissais pas tous les cas, j’en connaissais certains, d’autres non. »

Vers le 6 septembre 1996, M. Deslauriers a mandaté un comité pour enquêter sur les accusations de vol déposées contre M. Jalal et, le 10 septembre 1996, a informé M. Jalal qu’il le suspendait pendant l’enquête du comité. M. David Lévesque, gérant d’unité à l’Établissement Leclerc, et M. Christian Hébert, coordonnateur pavillonnaire à l’Établissement Leclerc, ont mené cette enquête et en ont rédigé le rapport. Ils ont eu trois entrevues avec M. Jalal, dont une téléphonique. Le représentant de l’agent négociateur, M. Brisson, a accompagné M. Jalal à toutes ces rencontres et a aussi pris part à l’entrevue téléphonique. Tout s’est déroulé en français, sauf la conversation téléphonique, au cours de laquelle M. Jalal a demandé si quelqu’un pouvait parler anglais pour lui expliquer certaines choses, ce que M. Hébert a fait.

M. Lévesque a témoigné à l’effet que, pendant l’une de ces rencontres, M. Jalal lui a dit qu’il connaissait le Code de discipline et quelques-unes des règles de conduite professionnelle. M. Lévesque l’a questionné sur la raison qui l’avait poussé à demander à son avocat s’il devait informer l’employeur des accusations de vol. M. Jalal lui a répondu : « j’ai demandé conseil, si je devais rapporter l’incident à l’employeur ou à ma femme. » L’avocat m’a dit, « non ce n’est pas nécessaire, pas à ce stade. » À l’audition, M. Jalal a précisé qu’il ne savait pas qu’il avait l’obligation d’en informer l’employeur et M. Lévesque a indiqué qu’il n’avait pas posé de question directe à cet effet à M. Jalal puisque cela lui semblait évident.

Suite à l’enquête, M. Lévesque a conclu que M. Jalal était peu crédible, puisque son témoignage ne concordait ni avec celui des agents de sécurité, ni avec celui du commis du magasin, ni avec celui du policier Bolduc. M. Lévesque a accordé de l’importance au témoignage du policier Bolduc qui, avec 15 ans d’expérience, croyait M. Jalal coupable de vol. Les témoignages de MM. Labelle et Cartin étaient encore plus importants, parce que ces derniers avaient vu ce qui s’était passé et étaient très crédibles.

M. Lévesque n’a pas cru M. Jalal lorsque ce dernier a déclaré avoir été agressé physiquement par un des détectives, car M. Jalal n’est allé voir son médecin que deux semaines après l’incident. M. Lévesque a considéré que M. Jalal avait tenté de tirer un

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Décision Page 14 privilège du fait de son emploi lorsqu’il a montré sa carte d’employé aux policiers et qu’il a ainsi porté atteinte à la réputation du Service correctionnel. En outre, M. Jalal n’a pas reconnu avoir commis de vol, ce qui est contraire au comportement habituel des agents de la paix qui font face à des circonstances semblables. Dans le rapport d’enquête, M. Lévesque, ainsi que son collègue M. Hébert, a conclu à la culpabilité de M. Jalal.

Suite à cette enquête, M. Deslauriers a licencié M. Jalal par lettre datée du 18 octobre 1996 (pièce G-6). Dans son témoignage, M. Deslauriers a expliqué les raisons du licenciement, que l’on retrouve dans cette lettre. Il y avait le vol des articles d’une part et, d’autre part, le va-et-vient à la fourgonnette et le nombre de pièces qui indiquaient que ce vol était planifié. M. Jalal a fait l’objet d’accusations criminelles et a omis d’en avertir l’employeur avant de reprendre ses fonctions. Le fonctionnaire avait eu l’occasion de le faire et l’obligation demeurait, même si son avocat lui avait donné un mauvais conseil. M. Jalal est un fonctionnaire avec 10 ans d’expérience et cette obligation d’informer l’employeur constitue une condition essentielle d’emploi au Service correctionnel Canada.

M. Deslauriers a ajouté que le comportement de M. Jalal était incompatible avec son rôle d’agent de la paix. À l’Établissement Leclerc, près de 180 détenus ont été réincarcérés pour des délits mineurs, tel le vol à l’étalage commis pendant qu’ils étaient en liberté conditionnelle. Ces détenus ont été réincarcérés parce qu’ils ont été trouvés coupables d’accusations similaires à celles auxquelles M. Jalal faisait face.

M. Deslauriers a témoigné qu’il n’y avait pas eu de reportage médiatique sur ces événements, mais que les gestes de M. Jalal avaient terni l’image de l’employeur lorsqu’il s’est identifié auprès des policiers comme agent du Service correctionnel Canada. L’employeur a été avisé de la conduite de M. Jalal par des policiers du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, ce qui entache la réputation de l’employeur et peut miner les bonnes relations avec les corps policiers.

Finalement, M. Jalal a perdu toute la confiance de l’employeur, car il n’a pas admis sa faute. C’est un élément très important : « il n’y a pas que le vol, il y a le fait de ne pas l’avouer... » La perte de confiance est plus importante que le vol lui-même.

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Décision Page 15 M. Deslauriers a expliqué qu’il a été nommé directeur de l’Établissement Leclerc en 1995, suite à une enquête sur une perte de contrôle des prisonniers dans cet établissement. Vingt-huit recommandations avaient été formulées dans cette enquête pour la reprise de contrôle des prisonniers et il les a suivies. Dans le passé, il y a eu des incidents qui ont mis en péril la sécurité de l’établissement, comme l’entrée massive de stupéfiants. Des détecteurs à ions ont été installés pour empêcher l’entrée de stupéfiants dans l’établissement et la sécurité du périmètre de la prison a été renforcée. Le dernier facteur de vulnérabilité était la corruption éventuelle de gardiens. En parlant de M. Jalal, M. Deslauriers a déclaré : « quelqu’un d’accusé qui ne le dit pas, on peut le faire chanter; quelqu’un qui risque son emploi pour un vol à l’étalage pourrait être vulnérable au chantage. » M. Deslauriers a ajouté que M. Jalal serait plus susceptible d’être victime de chantage s’il était réintégré au Service correctionnel. Un coup pourrait être monté contre lui (il pourrait être « framé ») parce qu’il a perdu la confiance de l’employeur; M. Deslauriers a cependant reconnu que cet argument était plus ou moins valable.

Sur la sévérité de la peine par rapport à la valeur réelle des objets volés, M. Deslauriers a déclaré : « ce qui était important c’est pourquoi n’est-il pas venu nous voir, avouer; c’est la façon de se comporter qui est plus importante que la valeur du vol. » M. Deslauriers a expliqué que, en considération du fait que M. Jalal travaillait dans un milieu sécuritaire, ici un établissement carcéral, la sévérité de la peine découlait du refus de M. Jalal de reconnaître son comportement. M. Deslauriers a ajouté : Je n’ai aucune raison de le croire s’il est innocent. M. Jalal ne dit pas la vérité. C’est une question de principes, de confiance. Pourquoi a-t-il refusé de rétablir le lien en admettant. Il a préféré maintenir son image. C’est la première fois que je vois, en 14 ans, des circonstances similaires, la personne qui nie le fait. J’aurais pu accepter de réduire la peine. Le problème c’est que le lien de confiance est brisé et c’est ça qui est fondamental.

Suite à sa suspension, M. Jalal a présenté une demande de prestations d’assurance-chômage, qui a été rejetée le 8 novembre 1996 (la pièce E-9) par Développement des ressources humaines Canada, parce qu’il n’avait pas droit aux prestations, étant donné qu’il avait perdu son emploi pour cause d’inconduite. M. Jalal a fait appel de cette décision et le conseil arbitral lui a donné raison et a conclu que Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 16 M. Jalal ne savait pas qu’il mettait son emploi en jeu en n’avisant pas l’employeur qu’il avait reçu la sommation en question. D’après la décision du conseil arbitral, il faut accorder le bénéfice du doute à M. Jalal. En second lieu, Développement des ressources humaines Canada n’a pas communiqué aux membres du conseil arbitral des faits précis qui peuvent être pris en considération dans une affaire d’inconduite. De plus, le conseil arbitral a conclu que M. Jalal « ne savait pas qu’il mettait son emploi en jeu en n’avisant pas l’employeur qu’il avait reçu la sommation en question. » [Traduction]

M. Jalal a comparu en février 1998 quant aux accusations de vol portées contre lui. Le juge a cependant exprimé de fortes réserves sur la crédibilité de M. Jalal, comme on peut le lire dans cet extrait de sa décision (pièce G-9) : [Traduction] […] Et, en l’espèce, même si la Cour croit que l’accusé est un menteur et qu’il s’est approprié certains articles sans les payer, la Cour se doit de lui accorder le bénéfice d’un petit doute, non pas à cause de son témoignage, mais à cause de l’absence de preuve corroborante de la part de l’autre témoin impliqué dans son arrestation ainsi que de l’absence des articles en question pour étayer plus solidement la preuve de la poursuite.

[…] M. Deslauriers a témoigné que l’acquittement de M. Jalal n’apportait pas d’éléments lui permettant de changer sa décision; au contraire, l’acquittement en confirmait la justesse. Il a aussi indiqué qu’il n’y avait pas de directive en cas d’acquittement : « c’est du cas par cas ».

M. Jalal a aussi témoigné sur l’impact qu’avait eu le licenciement sur sa vie. À ce moment, il était marié depuis 32 ans et père de quatre enfants, dont trois à la maison et un qui se mariait le 30 août 1996. Il était propriétaire de sa maison depuis 1982. Après son licenciement, il a déclarer faillite, il a perdu sa maison et son épouse a demandé et obtenu la séparation.

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Décision Page 17 M. Jalal était déprimé par tous ces événements et il lui était difficile de se trouver un autre emploi après son licenciement. Il a presque réussi à obtenir un emploi comme gardien de sécurité à l’hôtel Delta de Montréal, et plus tard à l’Hôtel De La Montagne, mais il n’a pas obtenu ces emplois car il n’avait pas de bonnes références du Service correctionnel.

M. Jalal a ensuite suivi un cours d’informatique, pour lequel il a reçu un diplôme du Collège Dawson. Juste avant d’être licencié, il avait obtenu une maîtrise ès arts en administration publique, avec concentration en justice criminelle, de l’Université Carleton d’Ottawa. Il a lui-même payé pour ces cours; le Service correctionnel ne l’a pas aidé. Cela lui a pris cinq ans, à temps partiel. Il est aussi titulaire d’une maîtrise en éducation, qu’il a obtenue en 1985 de l’Université McGill, et d’un baccalauréat ès arts, obtenu en 1974 de l’Université Sir George William.

M. Jalal a finalement commencé à travailler au Casino de Montréal le 3 août 1998. Il s’agit d’un poste permanent à temps partiel et il est en attente commandée : selon l’horaire, il travaille deux jours par semaine et, le reste du temps, il doit demeurer en attente. Il travaille comme « aide général » : lorsqu’il manque un employé, il aide. Il a accès à l’argent et a être accrédité auprès de la Sûreté du Québec comme étant une personne fiable, au point de vue sécurité. M. Jalal a aussi été nommé commissaire à l’assermentation en août 1998 par le ministre de la Justice du Québec (pièce E-22).

L’audience de ce grief prévue pour le 11 juin 1998 n’a pas eu lieu, le représentant de M. Jalal ayant informé l’arbitre qu’il ne procéderait pas en l’absence de services de traduction simultanée. Les parties ont alors convenu de procéder à une médiation menée par l’arbitre alors responsable du dossier. Durant le contre-interrogatoire de M. Jalal, M e LeFrançois a produit en preuve une lettre en date du 12 juin 1998, le jour suivant cette médiation. Dans cette lettre, adressée à M. Andy Scott, alors Solliciteur général du Canada, M. Jalal se plaignait de son licenciement, qu’il attribuait à de la discrimination raciale de la part de M. Deslauriers. Cette allégation n’a pas été poursuivie par M. Jalal à l’audience devant moi. La médiation a échouée et, par la suite, j’ai été nommé arbitre dans cette affaire.

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Décision Page 18 Plaidoiries Pour l’employeur Pour commencer, M e LeFrançois a déclaré que je devais trancher deux questions. Premièrement, est-ce que l’employeur a établi que les allégations contre M. Jalal sont fondées? Deuxièmement, dans l’affirmative, est-ce que la sanction est trop sévère?

Pour répondre à ces questions, l’arbitre doit tenir compte de la crédibilité des témoins, car il s’agit d’un facteur très important. M. Labelle était un témoin objectif; il n’avait pas de parti pris. M. Labelle est un agent de sécurité d’expérience : il a plus de 600 arrestations à son compte. Il a remarqué le comportement suspect de M. Jalal et c’est alors qu’il s’est mis à le suivre. M. Labelle était en contact visuel avec M. Jalal de façon constante. Il l’a observé enlever l’agrafe de métal de l’ensemble de tiges et brides; il l’a vu défaire le bouchon mobile de l’évier de marque « Delta » en démonstration; et il l’a vu prendre une tige de pivotement et un écrou de retenue et les mettre dans sa poche.

Comme l’a souligné M. Morissette, il est vrai que M. Labelle lisait ses notes, mais il ne l’a pas fait pendant tout son témoignage. M. Labelle a témoigné, sans l’aide de ses notes, sur la distance de laquelle il observait M. Jalal quand ce dernier était à sa fourgonnette. M. Labelle est conscient de l’impact du licenciement sur la vie de M. Jalal, mais il n’a pas changé sa version, car il était certain de ce qu’il disait.

Le témoignage de M. Cartin était objectif et sans parti pris. Il a observé M. Jalal, qui jouait avec ses poches, et l’a vu lancer le bouchon d’évier mobile dans le bureau. De façon générale, M. Cartin a corroboré, par ses vérifications, ce que M. Labelle a affirmé dans son témoignage, même s’il n’a pas toujours été en contact visuel avec M. Jalal.

Les explications fournies par M. Jalal pendant son témoignage ne sont pas cohérentes, ce qui mine sa crédibilité. Il a dit que, le 28 août 1996, il est entré chez Réno-Dépôt avec une liste d’achats collée sur une bande d’étanchéité blanche. Mais, à cette première visite au magasin, il n’a rien acheté parce qu’il n’avait pas pu obtenir la bande d’étanchéité qu’il recherchait.

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Décision Page 19 Puis, M. Jalal est allé vérifier dans sa fourgonnette ce qu’il y avait sur une autre liste d’achats et est retourné une deuxième fois au magasin. M. Jalal a expliqué qu’il était retourné au magasin parce qu’il avait besoin d’un ensemble de bouchons d’évier mobiles de marque « Delta », mais qu’il n’avait pas apporté avec lui, pour fins de comparaison, la pièce qu’il avait dans sa fourgonnette. Il a alors acheté un paquet de tiges et brides, du liquide pour déboucher les conduits et de la peinture en aérosol de couleur laiton.

Après ces achats, M. Jalal a expliqué qu’il est retourné à sa fourgonnette et qu’il a constaté que le paquet de tiges et brides ne convenait pas. Il est donc retourné chez Réno-Dépôt, il affirme s’être fait rembourser un paquet scellé de tiges et brides. Mais, en contre-interrogatoire, il a admis que le paquet n’était pas scellé. Il a dit qu’il avait plusieurs agrafes dans sa fourgonnette. M e LeFrançois soumet que cette version des faits est incohérente et qu’il n’y avait qu’une seule agrafe, soit celle que M. Jalal avait prise du paquet de tiges et brides. Ensuite, M. Jalal a dit qu’il est retourné au magasin pour acheter des tuyaux. Or, selon M e LeFrançois, cette histoire ne tient pas et M. Jalal s’est, en fait, donné des occasions pour subtiliser des objets.

Puis, pour répondre à la deuxième question, à savoir si la sanction est trop sévère, M e LeFrançois a fait référence au témoignage de M. Deslauriers, qui a expliqué que, pour prendre sa décision, il s’était basé sur le témoignage des deux agents de sécurité et non sur celui du policier Bolduc.

La suspension de M. Jalal pendant l’enquête était justifiée et l’enquête a été rapide. Quant à la suspension, on se retrouve devant des circonstances similaires à celles de l’affaire Re Kimberly-Clark of Canada Ltd. and Canadian Paperworkers Union, Local 307 (1981), 30 L.A.C. (2d) 316, à la page 320 en particulier, il est indiqué : [Traduction] […] […] La présence du plaignant à titre d’employé aurait gravement mis en péril les intérêts légitimes de l’employeur, et il n’est donc plus en mesure de travailler pour l’entreprise du fait des accusations criminelles […]

[…]

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Décision Page 20 Dans l’affaire Kimberly-Clark, l’employé était accusé d’avoir mis le feu à son lieu de travail, une usine de papier; l’employeur avait donc un intérêt légitime à imposer une sanction disciplinaire. Dans le présent cas, M. Jalal est un gardien de prison accusé d’avoir commis un vol à l’étalage et qui travaille à l’Établissement Leclerc, des détenus sont réincarcérés pour des actes similaires.

L’Établissement Leclerc est maintenant pourvu d’un détecteur à ions et d’un nouveau système qui assure la sécurité de son périmètre. La sécurité de l’établissement ayant été renforcée au plan technologique, sa vulnérabilité se retrouve maintenant au niveau du personnel.

Comme M. Deslauriers l’a expliqué, il est essentiel pour un employeur de pouvoir avoir confiance en ses employés. Or, M e LeFrançois soumet que M. Jalal n’a pas dit la vérité. Il n’a donc pas établi qu’il était à nouveau digne de confiance. Dans les cas de jurisprudence arbitrale des employés ont été réintégrés dans leurs fonctions, il y avait eu des aveux. Comme en a témoigné M. Deslauriers, le vol dans la présente affaire est anodin et il se serait attendu à un aveu de la part de M. Jalal. Mais, M. Jalal n’a pas reconnu sa conduite et, en plus, il a accusé les agents de sécurité du magasin d’avoir fabriqué de la preuve.

Le 12 septembre 1996, M. Jalal a déposé une plainte auprès du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Il s’est plaint, 15 jours après l’incident, de la façon dont les agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt avaient procédé à son arrestation. Mais le policier Bolduc, appelé à témoigner par M. Jalal, a dit qu’il n’y avait pas eu de brasse camarade. En outre, 19 jours après l’incident, M. Jalal est allé voir son médecin relativement aux blessures qu’il dit avoir subies suite à son arrestation par les agents de sécurité. Cependant, il n’a pas apporté en preuve de photos de ses blessures.

Dans une lettre du 12 juin 1998 (pièce G-13) à M. Andy Scott, Solliciteur général du Canada, M. Jalal a accusé M. Deslauriers et le Service correctionnel Canada de discrimination raciale et d’avoir violé la Charte canadienne des droits et libertés à son égard. Premièrement, l’attitude qu’on relève dans cette lettre peut certainement nous amener à nous poser des questions quant au degré de confiance que l’employeur peut placer en M. Jalal. Deuxièmement, cette attitude mine la crédibilité de M. Jalal, car on

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Décision Page 21 voit qu’elle est un « pattern » à l’effet que, lorsqu’il est attaqué, M. Jalal, au lieu de reconnaître ses torts, attaque, comme il l’a fait en déposant une plainte contre les agents de sécurité du magasin Réno-Dépôt et contre M. Deslauriers. De toute façon, avant cette lettre du 12 juin 1998 (pièce G-13), M. Jalal n’avait formulé aucune allégation de discrimination raciale contre M. Deslauriers.

M e LeFrançois a soumis que M. Jalal avait été acquitté au criminel, bien que le juge ne le croyait pas (pièce G-9). De plus, selon M e LeFrançois, l’arbitre n’est pas lié par l’acquittement de M. Jalal des accusations portées contre ce dernier. Il a cité à l’appui l’affaire Re Ministry of Finance & Corporate Relations and British Columbia Government Employees’ Union (1987), 33 L.A.C. (3d) 284, particulièrement aux pages 287 et 288 : [Traduction] […] […] Dans de telles circonstances, les arbitres ont conclu que l’employeur et l’arbitre ne sont pas liés par les résultats du processus criminel. Le conseil d’arbitrage est plutôt tenu, aux termes du Code du travail, d’instruire l’affaire sur le fond […]

[…] M e LeFrançois a plaidé que l’employeur avait le fardeau de la preuve, mais que ce n’était pas le même que pour une affaire criminelle, soit « hors de tout doute raisonnable », mais celui que l’on retrouve en droit civil, soit « la prépondérance de preuve ». Puis, il a cité l’affaire Flewwelling (dossier de la Commission n o 166-2-14236), l’arbitre MacNeil indique que, à son avis, la preuve d’un seul des « critères de Millhaven » suffit pour justifier le licenciement. À la page 16 de cette décision, on retrouve les critères de Millhaven énoncés par l’arbitre Anderson dans l’affaire Millhaven Fibres Ltd., Millhaven Works, and Oil, Chemical and Atomic Workers Int’l. Union, Local 9-670 (1967), 1 (A) Union-Management Arbitration Cases 328 : […] Un certain nombre d’affaires d’arbitrage portent sur des questions disciplinaires découlant de la conduite d’employés hors du lieu de travail. De façon générale, il est clair que le droit, d’un employeur, de congédier un employé pour actes reprochables hors du lieu de travail dépend des répercussions de cette conduite sur le fonctionnement de l’entreprise.

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Décision Page 22 En d’autres termes, pour que le congédiement puisse découler de la conduite de l’employé hors du lieu de travail, la direction a la charge de prouver :

1) que la conduite de l’employé en cause fait du tort à l’entreprise ou à ses produits;

2) que la conduite de l’employé le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement;

3) que la conduite de l’employé amène ses compagnons de travail à refuser de travailler avec lui ou les rend réticents à le faire ou incapables de le faire;

4) que l’employé a été reconnu coupable d’une grave infraction au Code criminel portant atteinte à la réputation de l’entreprise et à celle de ses employés;

5) que la conduite de l’employé nuit à la gestion des opérations et du personnel de l’entreprise.

[…] M e LeFrançois plaide que l’image du Service correctionnel Canada a été ternie par l’incident, ce qui correspond au premier des critères de Millhaven. Pour ce qui est du deuxième critère, comme M. Deslauriers l’a démontré, pour des raisons de sécurité, la conduite de M. Jalal a rendu ce dernier inapte à remplir ses fonctions. Quant au cinquième critère, le lien de confiance est rompu et ce lien est particulièrement important en milieu carcéral; cette rupture du lien de confiance nuit à la gestion des opérations et du personnel de l’établissement. Le cas de M. Jalal satisfait donc à trois critères, alors que, selon l’affaire Flewwelling (supra), la présence d’un seul suffit à justifier le licenciement.

Finalement, l’argument de M e LeFrançois porte sur la sécurité en milieu carcéral. Il cite l’affaire Courchesne (dossier de la Commission n o 166-2-12299) et les commentaires de l’arbitre Smith dans l’affaire Kikilidis (dossiers de la Commission n os 166-2-3180 à 3182) à la page 5. M e LeFrançois plaide que l’arbitre n’a pas à substituer son jugement à celui de l’employeur, le Service correctionnel Canada, en matière de sécurité.

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Décision Page 23 Pour le fonctionnaire s’estimant lésé M. Morissette indique qu’il est d’accord avec M e LeFrançois sur les deux questions auxquelles je dois répondre : premièrement, est-ce que les allégations sont fondées et, deuxièmement, est-ce que l’arbitre doit intervenir pour changer la décision de l’employeur, soit en réduisant ou en annulant toute forme de sanction disciplinaire.

Premièrement, les allégations de vol ne sont pas fondées et l’employeur n’a pas relevé le fardeau de preuve qui lui incombait. Selon M. Morissette, le fardeau de la preuve auquel l’employeur doit répondre se situe ici entre le « hors de tout doute raisonnable » du droit criminel et la « prépondérance de la preuve » du droit civil. Il cite, à l’appui, la décision Walcott (dossier de la Commission n o 166-2-25590), à la page 53 : […] […] En fait, ce genre de faute de conduite peut également être considéré comme un acte criminel pouvant avoir des conséquences encore plus graves qu’un congédiement et, en l’espèce, le fonctionnaire a fait l’objet d’accusations criminelles. Selon la prépondérance de la jurisprudence arbitrale, dans de tels cas, il faut, pour satisfaire au critère de la force probante, présenter une preuve proportionnelle à la gravité des allégations et aux conséquences qui peuvent en découler, tout en respectant les limites du fardeau de la preuve en matière civile. Selon une description couramment acceptée du critère de la force probante, l’employeur doit apporter des preuves « claires et convaincantes » à l’appui de ses allégations. […]

[…] M. Morissette indique que l’affaire Melcher (dossier de la Commission n o 166-2-27604), à la page 11, est aussi à cet effet : […] […] bien que ce soit le fardeau de la preuve en matière civile qui s’applique, compte tenu de la nature des allégations et du fait que la sanction ultime a été infligée, l’employeur doit prouver sa cause en s’appuyant sur une preuve claire et forte. […]

[…] Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 24 M. Morissette signale le paragraphe 7:2500 Standard of Proof: Criminal Misconduct ») du « Canadian Labour Arbitration », troisième édition, Canada Law Books, de MM. Brown et Beatty, à la page 7-25. Il cite aussi la décision Chandler (dossier de la Commission n o 166-2-17041), à la page 10 : […] […] Il a continué d’avoir des soupçons. Cependant, le seul fait d’avoir des soupçons n’est pas suffisant pour fonder une déclaration de culpabilité. Il faut donc conclure que les accusations ne sont pas prouvées. L’employeur n’a pas réussi à justifier l’imposition d’une sanction. Il y a même un manque de preuves circonstancielles solides.

[…] M. Morissette plaide que l’employeur n’a pas fourni une preuve claire et convaincante de vol. En fait, la preuve soumise est faible, qu’il n’y a pas eu de continuité dans la preuve, car la chaîne de possession est brisée. L’employeur n’a pas déposé en preuve les pièces que M. Jalal est accusé d’avoir volées et n’a donc pu établir un lien direct entre M. Jalal et les pièces que les agents de sécurité ont dit l’avoir vu voler. Au mieux, l’employeur a fait une preuve circonstancielle, mais pas directe, de vol.

Pendant son témoignage, M. Labelle a répété qu’il ne se rappelait pas de certains faits et il devait lire ses notes. Les agents de sécurité ont dit qu’ils ont vu, à travers les vitres des voitures, M. Jalal retirer l’agrafe du paquet de tiges et brides, mais cela ne tient pas. M e LeFrançois fait un procès d’intention à M. Jalal lorsqu’il dit qu’il est illogique que M. Jalal soit retourné trois fois au magasin alors qu’il était pressé par le temps. Or, comme la pièce E-5 (la séquence des factures) le démontre, l’achat a été effectué à 14 h 45 et le remboursement, à 14 h 49; quatre minutes se sont écoulées entre ces deux événements.

M e LeFrançois dit qu’il n’est pas important que M. Jalal ait été acquitté des accusations portées contre lui, mais M e LeFrançois n’est pas conséquent lorsqu’il invoque les commentaires du juge. Selon M. Morissette, l’employeur devait faire une preuve indépendante de celle soumise devant la cour criminelle et l’arbitre doit se faire une opinion indépendante de celle du juge.

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Décision Page 25 Deuxièmement, l’arbitre doit-il intervenir pour changer la décision de l’employeur, soit en réduisant ou en annulant la mesure disciplinaire? On doit d’abord faire lecture de la lettre de licenciement (pièce G-6). On y retrouve les motifs du licenciement et on voit que, essentiellement, trois choses sont reprochées à M. Jalal : 1) l’accusation criminelle; 2) l’infraction au Code de discipline (pièce G-7); et 3) la rupture du lien de confiance.

M. Morissette plaide qu’il a démontré que M. Jalal n’est pas coupable de l’accusation de vol et qu’il a été acquitté de toute accusation criminelle. De plus, M. Jalal ne connaissait pas le Code de discipline, particulièrement les dispositions qui l’obligeaient à avertir l’employeur des accusations criminelles. À l’appui, il cite la décision d’un conseil arbitral en matière d’assurance-chômage (pièce E-12), qui reconnaît ce fait. M. Morissette soutient que l’arbitre devrait en venir à la même conclusion, même s’il n’est pas régi par la même règle de preuve que le conseil arbitral.

Pour ce qui est du lien de confiance, il s’agit d’une question subjective et M. Morissette demande à l’arbitre de rejeter les arguments de l’employeur. La plainte de discrimination raciale que M. Jalal a déposée auprès du Ministre (pièce G-13) était postérieure à la décision de M. Deslauriers et elle ne devrait pas être considérée dans la décision de l’arbitre.

Les mesures correctives demandées par M. Jalal dans son grief étaient exhaustives, mais M. Morissette a indiqué que M. Jalal était d’accord pour les limiter aux demandes suivantes.

M. Morissette a soumis que toute mesure disciplinaire prise contre M. Jalal en raison de l’incident devrait être annulée et son salaire et autres avantages devaient lui être remboursés pour la période de suspension. Si l’arbitre vient à la conclusion qu’une mesure disciplinaire est requise, une suspension aussi courte que possible devrait être substituée au licenciement.

M. Morissette ne croit pas qu’une sanction soit appropriée, particulièrement lorsqu’il considère les montants en jeu et la gravité de l’incident. Les agents de sécurité ont quantifié la valeur du vol en considérant la valeur marchande de l’ensemble des biens affectés par les pièces manquantes et non pas la valeur

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Décision Page 26 marchande des pièces mêmes. Or, la valeur réelle des pièces manquantes était de 34,01 $, taxes incluses, et, selon la décision McManus (dossiers de la Commission n os 166-2-8048 et 8078), à la page 25, ce montant doit être pris en considération. On peut se demander aussi quelle est la justesse de la sanction imposée à M. Jalal quand on regarde le paragraphe 7:3314 Penalty ») du « Canadian Labour Arbitration » (supra) : [Traduction] […] Par exemple, les arbitres ont remplacé le congédiement d’une personne reconnue coupable de vol par une suspension : lorsque les biens volés avaient une valeur minime; lorsque le fonctionnaire avait de longs états de service irréprochables au point la mauvaise conduite dont était saisi le conseil pouvait être perçue comme un incident isolé; […]

Dans sa décision, l’arbitre devrait prendre en considération les conséquences qu’a entraînées la décision de l’employeur sur la vie de M. Jalal. La perte d’emploi a contribué à l’échec de son mariage, à sa faillite et à la perte de sa maison.

M. Jalal a été acquitté des accusations portées contre lui et il n’a aucun dossier criminel (pièce E-18). Il a continué à acquérir des connaissances et s’est impliqué dans sa communauté. C’est une personne digne de confiance et, après une enquête de nature sécuritaire, il a été engagé au Casino de Montréal et nommé commissaire à l’assermentation par le ministre de la Justice du Québec (pièce E-22).

Réplique de l’employeur M e LeFrançois indique qu’il accepte les termes « clair », « convaincant » et « fort » clear, cogent and coherent ») par rapport au fardeau de la preuve que doit relever l’employeur.

M. Morissette a soumis que les pièces que M. Jalal a été accusé d’avoir volées auraient être déposées en preuve. Ces pièces ont été identifiées et M. Labelle précise les avoir photographiées. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de continuité, que la chaîne de possession a été brisée, parce que les agents de sécurité avaient ces pièces en vue en tout temps, bien qu’en alternance, puisqu’ils effectuaient une filature en équipe. Les agents de sécurité ont photographié et identifié les pièces. De plus,

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Décision pour les fins de l’audience, M. Jalal a acheté les pièces individuellement et les a présentées en preuve; il n’y a donc pas de doute sur leur nature. M que, à certains moments, les agents de sécurité avaient la mémoire défaillante, mais ils se souviennent du vol, qui est l’essence de l’incident.

Quant à la plainte de discrimination raciale, M e LeFrançois indique qu’elle ne constitue pas un motif de licenciement, mais ajoute que « ça rend la réintégration impossible selon l’employeur ». La plainte est postérieure au licenciement et il est vrai qu’on ne peut pas ajouter cet élément aux motifs du licenciement, mais l’arbitre a la discrétion voulue pour considérer des éléments postérieurs au licenciement. M. Morissette invoque des faits postérieurs au licenciement, comme la faillite de M. Jalal et sa séparation. Selon M e LeFrançois, ce serait une erreur de droit que de ne pas considérer la plainte de discrimination raciale.

Motifs de la décision La principale question à trancher dans cette affaire est de savoir si l’employeur a établi que M. Jalal avait volé des pièces chez Réno-Dépôt. Les autres questions de fait sont de déterminer si le vol était prémédité, si M. Jalal connaissait le Code de discipline et l’obligation qu’il avait d’informer l’employeur des accusations criminelles qui pesaient contre lui. De plus, est-ce que le fait que M. Jalal a nié avoir volé et le fait qu’il aurait changé sa version des faits sont des motifs de licenciement? Suivant la réponse à ces questions, il pourra rester à déterminer si la suspension pendant l’enquête était justifiée et si la sanction disciplinaire doit être annulée, maintenue ou modifiée.

M e LeFrançois a reconnu que, bien que ce soit le fardeau de la preuve en matière civile qui s’applique, la preuve sur les allégations de vol doit être une preuve « clear, cogent and coherent », qu’on peut traduire en français par « claire, convaincante et forte ». Par ailleurs, M. Morissette a reconnu que je n’étais pas lié par le verdict d’acquittement et a indiqué que je devais me « faire une opinion indépendante de celle du juge au criminel ». Je partage ces points de vue sur ces deux questions importantes.

La détermination des questions identifiées plus haut repose en grande partie sur la crédibilité de M. Jalal, d’une part, et celle des témoins de l’employeur, d’autre part. M. le juge O’Halloran, de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, a énoncé dans

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Page 27 e LeFrançois admet

Décision Page 28 l’affaire Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, aux pages 356-358, les principes qui nous guident pour déterminer la crédibilité des témoins.

Lorsqu’il a témoigné, M. Labelle avait de la difficulté à se rappeler certains faits et devait se servir du rapport d’événements qu’il avait rempli au moment de l’arrestation de M. Jalal. Cependant, il se souvenait clairement avoir vu M. Jalal voler les pièces et son témoignage a été confirmé par celui de M. Cartin, qui, lui, se rappelait clairement les faits et avait aussi vu M. Jalal subtiliser des pièces.

Le témoignage de M. Jalal était spontané, bien qu’il se soit aussi servi de la pièce E-4 à quelques reprises, qui est sa version écrite des faits. Néanmoins, j’ai trouvé que sa version des faits contenait trop de contradictions et qu’elle manquait de cohérence. Ainsi, selon M. Jalal, il entre la première fois au magasin avec une liste d’achats collée sur la bande d’étanchéité, mais n’achète rien parce qu’il n’avait pas pu obtenir une bande d’étanchéité de remplacement. Puis, il revient à sa fourgonnette et vérifie ce qu’il y avait sur une autre liste d’achats, alors qu’il aurait très bien pu regarder sur la liste collée sur la bande d’étanchéité. Il retourne alors au magasin pour acheter une pièce mobile de marque « Delta », mais il n’apporte pas l’échantillon qu’il a dans sa fourgonnette et qu’il a pris la peine d’apporter de son domicile. Un commis l’informe que les pièces mobiles de marque « Delta » ne sont pas vendues chez Réno-Dépôt; il achète donc un paquet de tiges et brides de marque « Master Plumber » et retourne à sa fourgonnette pour constater que la tête de la tige de cette marque ne s’apparie pas avec celle de la tige de marque « Delta ». Il explique qu’il retourne alors le paquet scellé de tiges et brides au magasin. Ainsi, à la page 3A de la pièce E-5, il a noté « […] alors je l’ai retourné dans le même emballage, sans l’ouvrir […] l’emballage était transparent, alors je pouvais voir sans l’ouvrir. » [traduction] Mais, en contre-interrogatoire, il a admis que le paquet n’était pas scellé.

Les agents de sécurité ont vu M. Jalal retirer un morceau de métal du paquet de tiges et brides, puis M. Jalal a jeté ce morceau de métal sur la banquette avant de sa fourgonnette et, après son départ, M. Cartin a constaté que ce morceau était une agrafe de métal. Je trouve cette version des faits beaucoup plus vraisemblable que l’explication de M. Jalal, à l’effet qu’il avait plusieurs agrafes dans sa fourgonnette.

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Décision Page 29 Le témoignage de M. Jalal n’est pas aussi crédible que celui des agents de sécurité et plusieurs autres facteurs m’amènent à préférer celui de ces derniers. Si la version des faits des agents de sécurité est retenue, le vol des objets s’expliquerait par le fait que les pièces n’étaient pas vendues séparément au magasin Réno-Dépôt et que M. Jalal aurait préféré se les approprier plutôt que d’aller les acheter à la Quincaillerie 4-Sous, située beaucoup plus loin de son domicile.

De plus, les accusations de M. Jalal contre les deux agents de sécurité ne sont pas crédibles : il ne s’est pas plaint au policier Bolduc qu’il venait d’être malmené par les deux agents de sécurité du magasin; il n’a porté plainte contre eux que 14 jours après son arrestation; et il n’a consulté un médecin relativement à son ecchymose que 18 jours après son arrestation.

La preuve soumise par l’employeur est claire, convaincante et forte et démontre, par prépondérance, que M. Jalal a volé les objets chez Réno-Dépôt. En appliquant ici le critère du juge O’Halloran dans l’arrêt Faryna c. Chorny (supra), je ne crois pas que la version des faits de M. Jalal concorde « avec la prépondérance des probabilités qu’une personne avisée et pratique pourrait facilement discerner dans les circonstances. » Je suis d’avis que l’employeur, pour reprendre les propos du président suppléant Chodos, tel qu’il l’était à l’époque, dans Walcott (supra), a satisfait au critère de la force probante et qu’il a présenté une preuve proportionnelle à la gravité des allégations et aux conséquences qui peuvent en découler. J’en conclus donc que l’allégation de vol a été établie.

M. Cartin a témoigné que M. Jalal avait demandé à différents commis du magasin si la bande d’étanchéité, l’agrafe et la pièce mobile de marque « Delta » étaient vendues séparément et, d’après moi, cela indique que M. Jalal voulait initialement acheter ces articles. Il s’est fait répondre que non et, vraisemblablement, ce n’est qu’après qu’il a décidé de les subtiliser; son geste n’était donc pas planifié d’avance. J’estime que toutes ces allées et venues au magasin, dans une courte période de temps, indiquent davantage que M. Jalal n’avait pas prémédité s’approprier les pièces, mais plutôt qu’il était nerveux et pressé d’aller porter dans sa fourgonnette les articles qu’il venait de chaparder. J’en conclus donc que le vol n’était pas prémédité.

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Décision Page 30 M. Lévesque a témoigné que M. Jalal lui avait dit connaître le Code de discipline et quelques-unes des règles de conduite professionnelle. M. Jalal a reconnu, dans son témoignage, que l’employeur avait comme pratique d’informer le personnel lorsque des employés étaient suspendus de leurs fonctions en indiquant la raison. Il a admis qu’il en connaissait la raison dans certains cas. Après dix ans d’emploi au Service correctionnel Canada et cette pratique d’informer les employés lors de suspension, je ne trouve pas vraisemblable l’explication de M. Jalal à l’effet qu’il ne connaissait pas le Code de discipline et l’obligation qu’il avait d’informer l’employeur des accusations criminelles portées contre lui. La preuve prépondérante est qu’il savait qu’il avait ce devoir et que c’est pour cette raison qu’il a demandé conseil à son avocat. J’estime qu’il espérait simplement que l’employeur n’obtiendrait pas connaissance de ces accusations.

Dans la lettre de licenciement du 18 octobre 1996, l’employeur a reproché à M. Jalal d’avoir changé de versions au cours des différents interrogatoires et d’avoir nié complètement ses gestes. La preuve de l’employeur a surtout porté sur le deuxième point, car la seule preuve que M. Jalal avait changé sa version des faits a trait à l’interrogatoire de M. Cartin dans le bureau du magasin Réno-Dépôt. Selon M. Cartin, M. Jalal aurait avoué avoir pris la bande d’étanchéité. M. Jalal le nie. J’estime que la preuve ayant trait aux changements de versions ne justifie pas l’imposition de mesures disciplinaires

Le second motif « d’avoir nié complètement vos gestes » a été expliqué par M. Deslauriers dans son témoignage. M. Deslauriers a mentionné que le vol lui-même était banal et que, en refusant d’admettre sa faute, l’employé avait commis un acte malhonnête qu’il considérait plus grave que le vol. Il a expliqué ainsi la raison du licenciement : « ce qui était important c’est pourquoi n’est-il pas venu nous voir, avouer. C’est la façon de se comporter qui est plus importante que la valeur du vol. » Je dois donc déterminer si l’omission de M. Jalal d’avouer le vol constitue un second acte malhonnête qui s’ajoute à la première faute.

Le passage suivant de la décision Re Toronto East General Hospital Inc. and Service Employees International Union (1975), 9 L.A.C. (2d) 311, à la page 324, auquel le vice-président Chodos se réfère dans la décision Hampton (dossier de la Commission n o 166-2-28445), porte justement sur ceci : Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 31 [Traduction] [...] Toutefois, ce n'est pas le cas de l’employé en l'espèce. Si, comme nous l'avons conclu, la découverte de six boîtes de jus dans son manteau est, selon la prépondérance de la preuve, conforme à ce qu’il les ait subtilisées, le fait qu’il ait fait preuve de malhonnêteté en niant cette conclusion doit être considéré comme faisant partie intégrante de la faute de conduite initiale. Dans un sens, il s'est simplement laissé prendre au jeu de sa malhonnêteté. En refusant d'avouer son inconduite, il demeurait fidèle à la ligne de conduite. Il n’a pas eu d’autre choix par la suite que de continuer à mentir.

[…] M. Jalal a fait face à des accusations criminelles; il bénéficiait de la présomption d’innocence et du privilège de ne pas s’incriminer. Après avoir décidé de plaider non coupable aux accusations criminelles et de bénéficier de ses droits, M. Jalal a adopté une ligne de conduite il aurait été inconséquent de s’incriminer en reconnaissant avoir subtilisé les pièces. Pour reprendre les termes employés par le vice-président Chodos, dans la décision Hampton (supra), « […] le fonctionnaire s'est engagé sur une pente glissante […] » qui l’a amené à nier le fait à l’employeur et, par la suite, à le faire à l’audition de son grief. Cela ne veut pas dire que je ne dois pas tenir compte de ce facteur, tel qu’il a été décidé dans l’affaire Re Toronto East General Hospital Inc. and Service Employees International Union (supra), à la page 323 : [Traduction] […] Il est vrai, comme nous l'avons fait remarquer, que M. Hogan aurait mérité une peine beaucoup moins sévère s'il avait effectivement avoué l’infraction. En outre, la falsification d’un témoignage sous serment constitue, en soi, un acte extrêmement grave. Pour que le processus d'arbitrage ait un sens et serve à quelque chose, ce genre de comportement ne peut tout simplement pas être toléré. Toutefois, il est également vrai que cette deuxième manifestation d’abus de confiance et de malhonnêteté est inextricablement reliée à la première. Nous n'avons pas simplement affaire à un employé qui, ayant fait l'objet d'une mesure disciplinaire à cause d'agissements malhonnêtes graves, commet subséquemment la même infraction ou une infraction analogue sans vraisemblablement se soucier de la première sanction

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Décision Page 32 imposée. Dans ce genre de situation, il serait raisonnable de conclure que l'employé est insensible à une mesure disciplinaire moins sévère et qu’il est tout simplement incapable de corriger son comportement ou qu’il ne veut pas le faire. Dans ce genre de situation, la répétition de ce qui est généralement considéré comme une faute de conduite extrêmement grave peut justifier le congédiement de cet employé.

[…] Bien que l’absence d’aveu par M. Jalal ne doive pas être considérée comme une nouvelle faute, elle sera plutôt considérée dans l’appréciation de la sanction disciplinaire appropriée dans les circonstances.

Ayant répondu à ces questions, je dois maintenant déterminer qu’elle est la sanction appropriée. Il est vrai que l’aveu de sa faute par M. Jalal aurait été préférable. Or, j’estime que ce n’est pas une raison suffisante pour confirmer son licenciement, mais justifie plutôt une suspension plus longue que celle qui aurait autrement été appropriée dans les circonstances.

M e LeFrançois soutient qu’il a été satisfait aux critères 1, 2 et 5 de l’affaire Millhaven (supra) et que, suivant la décision dans l’affaire Flewwelling (supra), si je considère qu’un seul desdits critères s’applique, je dois conclure que la seule sanction disciplinaire appropriée dans les circonstances est le licenciement de M. Jalal.

Je ne suis pas de cet avis. Il y a eu une évolution dans la jurisprudence arbitrale depuis la décision de l’arbitre Anderson dans l’affaire Millhaven (supra). Initialement, les arbitres concluaient au licenciement même si on satisfaisait à un seul des critères de Millhaven, alors que, selon la tendance plus récente, ils considèrent aussi le contexte et peuvent imposer des mesures disciplinaires autres que le licenciement. Selon cette approche plus récente, une fois que l’employeur a démontré que l’un des critères de Millhaven s’applique, les arbitres considèrent particulièrement la nature de la faute, des accusations et l’impact qu’elles ont sur les intérêts de l’employeur pour évaluer si la mesure disciplinaire est appropriée.

Je préfère cette approche, qui va de pair avec celle que l’on retrouve de plus en plus en matière de vol sur les lieux de travail. Les auteurs Palmer et Palmer en font état dans leur « Collective Agreement Arbitration in Canada », 3 e édition, Butterworths, Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 33 1991, à la page 361, et Brown et Beatty, au paragraphe 7:3422 de leur « Canadian Labour Arbitration » (supra). Les auteurs D’Aoust, Leclerc et Trudeau, dans Les mesures disciplinaires: étude jurisprudentielle et doctrinale, Monographie 13, Université de Montréal, 1982, préfèrent nettement cette dernière approche, aux pages 339 à 351 :

[…] Le premier courant maintient la mesure patronale quelle que soit la valeur de l’objet volé. Les tenants favorables à cette approche considèrent que le vol est une faute d’une telle gravité qu’il ne convient pas d’y appliquer la doctrine des circonstances atténuantes. Dans tout les cas de vol, la confiance nécessaire à la survie du contrat de travail disparaîtrait. […]

[...] Le second courant conteste les postulats rapportés ci-haut de même que le carcan que l’on veut imposer à l’arbitre. Tout en admettant que le vol constitue une faute majeure qui peut justifier à la limite le congédiement, les tenants de ce courant plus libéral évitent l’automatisme et jugent qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances particulières du cas d’espèce, propres à l’acte per se et aux caractéristiques personnelles du salarié déviant. […]

[...] […] Comme pour toutes les fautes disciplinaires, il convient de situer ces manquements dans leur contexte et de ne pas sauter aux conclusions trop hâtivement. Le courant jurisprudentiel libéral enfin correspond le mieux, selon nous, au rôle que les parties attendent des arbitres et ces derniers ne devraient pas s’y soustraire sous prétexte qu’il s’agit de fautes graves sujettes à des poursuites criminelles.

[…] Comme cela se fait pour l’employé qui a volé sur les lieux de son travail, il est logique de considérer toutes les circonstances et l’éventail des mesures disciplinaires disponibles dans le cas d’un employé dont la délinquance s’est manifestée hors des heures et du lieu de travail. L’arbitre McColl commente l’application des critères de Millhaven dans l’affaire Re Emergency Health Services Commission and Ambulance Paramedics of British Columbia, C.U.P.E., Local 873 (1987), 28 L.A.C. (3d) 77. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 34 Ses commentaires sont particulièrement pertinents à l’affaire devant moi. Il précise, aux pages 86-87 : [Traduction] […] À ces commentaires, j’ajouterais que le consensus parmi les arbitres est à l’effet qu’il n’est pas nécessaire pour un employeur de démontrer que tous les critères sont présents, mais, dépendamment de la gravité de la faute, que l’une ou l’autre des conséquences peut justifier une sanction disciplinaire ou un congédiement […]

[…] […] Pour justifier le congédiement, la faute doit être grave au point de démontrer qu’il y a incompatibilité entre la conduite de l’employé et le maintien du lien d’emploi.

En l’espèce, les faits démontrent clairement que la relation entre les accusations et les intérêts de l’employeur est suffisamment étroite pour permettre à l’employeur de considérer l’imposition d’une sanction disciplinaire. Or, la question est de savoir si la conduite de l’employé est répréhensible au point de justifier le congédiement. […]

[…] En outre, dans la cause Re Government of the Province of Alberta and Alberta Union of Provincial Employees (1998), 72 L.A.C. (4th) 403, à la page 420, le conseil d’arbitrage a repris ce propos en ces termes : [Traduction] […] […] La question est à savoir si les actes que l’employée a commis à l’extérieur du travail démontrent « une incompatibilité totale entre sa conduite et le maintien du lien d’emploi. » Pour en arriver à cette conclusion, il nous faudrait trouver « un lien de causalité ou une relation entre les actes criminels de l’employée et les fonctions de son emploi. » Nous sommes d’avis que le lien n’est pas suffisamment étroit pour justifier le congédiement. […]

[…]

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Décision Page 35 À la lumière de ces commentaires, j’ai examiné la preuve concernant les trois critères de Millhaven qui, selon M e LeFrançois, s’appliquent en l’espèce. Je considère, pour les raisons que j’explique dans les paragraphes suivants, que la conduite de M. Jalal, et les accusations de vol qui ont suivi, ont eu un impact sur les intérêts de l’employeur et que cette conduite était reliée à son emploi de gardien de prison. Mais, ce lien the nexus ») n’est pas assez étroit pour justifier le licenciement. La gravité de la faute justifie une suspension, mais ne rend pas la réintégration de M. Jalal totalement incompatible avec les intérêts de l’employeur.

Ainsi, selon le premier critère de Millhaven, il faudrait que la réputation du Service Correctionnel Canada ait été entachée suite aux accusations de vol déposées contre M. Jalal. Bien que l’on comprenne que l’employeur ait pu craindre pour sa réputation, dans les faits, rien n’amène à croire qu’elle ait été entachée. Le crainte de l’employeur que sa réputation a été atteinte n’est pas suffisante en soit. À cet effet, voir la décision de l’arbitre Lainz dans Re City of Port Moody and Canadian Union of Public Employees, Local 825 (1996), 63 L.A.C. (4th) 203. M. Deslauriers a témoigné qu’il n’y a pas eu de reportage médiatique sur ces événements et je n’ai pas eu de preuve à l’effet que la réputation du Service Correctionnel Canada avait été affectée auprès de ses partenaires, dont le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. La police a à faire face à sa part d’incidents similaires. Comme l’affaire Fraternité des policiers (C.U.M.) c. C.U.M. (D.T.E. 83T-170); [1985] 2 R.C.S. 74, dans laquelle la Cour suprême du Canada a confirmé la décision d’un arbitre substituant au licenciement une suspension de 13 mois dans le cas d’un policier trouvé coupable de vol à l’étalage d’une valeur de 60 $.

Selon le deuxième critère de Millhaven, il faudrait que la conduite de M. Jalal l’ait rendu incapable de remplir ses fonctions. M. Deslauriers a expliqué que, en faisant l’objet d’accusations, M. Jalal était devenu inapte à occuper son emploi parce que certains détenus incarcérés à l’Établissement Leclerc ont commis des crimes mineurs s’apparentant à celui de M. Jalal. Étant donné l’acquittement de M. Jalal, le fait qu’il a été accusé de vol ne peut justifier en soi son licenciement. Cependant, il démontre que, dans les circonstances de ce cas, les intérêts de l’employeur ont été affectés par les accusations qui pesaient contre M. Jalal et justifiaient la suspension de M. Jalal pendant l’enquête et même jusqu’à son acquittement.

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Décision Page 36 Quant au cinquième critère de Millhaven, M e LeFrançois a expliqué qu’il s’appliquait parce que le lien de confiance était rompu, ce qui a nuit à la gestion des opérations et du personnel de l’Établissement. M. Deslauriers a témoigné que « j’aurais pu accepter de réduire la peine; le problème c’est que le lien de confiance est brisé et c’est ça qui est fondamental; pourquoi a-t-il refusé de rétablir le lien en admettant. » M. Deslauriers estime donc que le lien de confiance a été brisé et ne peut être restauré, ce qui veut dire que M. Jalal ne peut être réintégré.

Je crois effectivement que le fait que M. Jalal ait fait l’objet d’accusations criminelles, qu’il n’en ait pas informé son employeur et qu’il n’ait pas avoué sa faute a affecté la confiance que son employeur avait en lui. Il est raisonnable de croire que, dans un établissement carcéral, ce lien de confiance est particulièrement important et que toute atteinte suffisamment grave au lien de confiance nuit aux intérêts de l’employeur. Mais, pour évaluer si la gravité de la faute de M. Jalal a affecté à tout jamais la confiance qui peut être placée en lui, on doit analyser toutes les circonstances de l’affaire. Ainsi dans la cause Re City of Moncton and Canadian Union of Public Employees, Local 51 (1990), 10 L.A.C. (4th) 226, le conseil d’arbitrage a écrit à la page 230 : [Traduction] […] […] Tout comme il ne suffit pas pour un employé de se disculper en admettant volontairement avoir commis un vol lorsqu’il est confronté, un employeur ne peut pas non plus simplement affirmer que le lien de confiance est rompu. La détermination doit être raisonnable dans les circonstances et celles-ci doivent permettre de raisonnablement conclure qu’à l’avenir l’employé n’est plus digne de confiance. […]

[…] Tout d’abord, je crois que, dans la présente affaire, il est particulièrement important pour la relation de confiance que le vol ne se soit pas produit sur les lieux de travail. En effet, les auteurs D’Aoust, Leclerc et Trudeau déclarent ce qui suit à la note 925 de la page 348 de leur ouvrage Les mesures disciplinaires : étude jurisprudentielle et doctrinale (supra) : « au plan de la poursuite du lien contractuel, il est plus grave de voler son employeur […] qu’un tiers, hors des heures et lieux de travail. » Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 37 Depuis 10 ans dans son poste, le rendement de M. Jalal satisfaisait son employeur et ce dernier ne lui avait jamais fait de reproches sur son comportement. M. Jalal n’a jamais été accusé de vol dans le passé; il s’agissait donc d’un acte isolé. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, j’estime que le vol n’était pas prémédité puisque la preuve démontre que, au départ, il n’est pas allé chez Réno-Dépôt avec l’intention de s’approprier les pièces. Il a acheté les objets qui étaient disponibles individuellement, comme les tuyaux flexibles, le débouche-conduits et la peinture en aérosol de couleur laiton, mais a dérobé les objets pour lesquels il devait aller dans un autre commerce, comme la Quincaillerie 4-Sous. Sans l’excuser, je considère que ce geste correspond davantage à ce que le professeur Palmer décrit comme du chapardage plutôt que du vol ou qui peut être attribué à un moment d’égarement momentary aberration ») (voir « Collective Agreement Arbitration in Canada », (supra), à la page 361). La décision Re Government of the Province of Alberta and Alberta Union of Provincial Employees, (supra) indique, à la page 420, qu’il faut aussi évaluer le risque que court l’employeur pour un crime qui ne correspond pas à la personnalité ni au comportement habituel de l’employé : [Traduction] […] […] À la lumière de la preuve présentée devant nous, nous devons évaluer le risque si l’employée est placée dans ce poste. La preuve nous indique que sa collaboration à cet étrange crime ne lui ressemblait pas et qu’il est fort peu probable que cela se reproduise. Ses évaluations au cours des années la décrivent comme une personne compatissante et humaine avec les clients. Le profil personnel et professionnel de l’employée nous force à ne pas tenir compte des risques associés à son retour au travail à son ancien poste. […]

[…] Le droit criminel traite différemment des vols selon leur valeur et punit différemment celui qui a commis un petit vol de celui qui a commis un vol important. C’est ce qu’on appelle le principe de la proportionnalité des délits et des peines. Selon le témoignage de l’agent Bolduc, la politique du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal est de déjudiciariser les vols de 10,00 $ et moins. Je crois aussi que l’on doit considérer comme une circonstance atténuante le fait que le prix des pièces, achetées individuellement, était, au plus, de 34,01 $, taxes incluses. Depuis

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 38 son licenciement, M. Jalal a réussi à se trouver un emploi dans un domaine le degré de confiance que son nouvel employeur exige de lui est aussi très important. Il s’agit d’un autre facteur qui aide à clarifier que le licenciement en question n’était pas raisonnable et approprié au moment il a été ordonné (voir Cie minière Québec Cartier c. Québec [1995] 2 R.C.S. 1095).

En conséquence, je suis convaincu que le geste de M. Jalal était un geste isolé qui, tout en étant grave, résulte davantage d’une erreur de jugement que d’un manque d’intégrité rendant impossible le maintien du lien de confiance nécessaire à la relation d’emploi. Je conclus que l’affirmation par l’employeur que le lien de confiance est irrémédiablement rompu n’est pas raisonnable dans les circonstances et que la preuve indique raisonnablement que, à l’avenir, M. Jalal peut être digne de confiance.

Je fais droit, en partie, au grief de M. Jalal contre la décision prise par l’employeur de le licencier, en date du 18 octobre 1996, et je substitue au licenciement une suspension de 20 mois, qui tient compte des délais attribuables à M. Jalal. Je rejette, en partie, le grief de M. Jalal et considère que la suspension de M. Jalal pendant l’enquête était justifiée. Je ne peux réintégrer M. Jalal que dans le poste qu’il occupait lorsqu’il a été licencié, mais, en me fondant sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, Canada c. Tourigny (1989), 97 N.R. 147, je laisse l’option suivante à l’employeur, si M. Jalal y consent. J’accorde à l’employeur l’option de nommer M. Jalal à un poste équivalent de la fonction publique ailleurs dans la région montréalaise, ou si M. Jalal y consent, ailleurs au Canada. Si l’employeur ne trouve pas un tel poste dans les 60 jours qui suivent la date de la présente décision, M. Jalal réintégrera son poste de CX-1 à l’Établissement Leclerc à la fin de cette période.

J’ordonne à l’employeur de réintégrer M. Jalal dans son poste, ou dans un autre, si les parties en conviennent ainsi, et qu’il soit compensé, compte tenu de ce qu’il a pu gagner durant cette période, pour toute perte au titre du traitement et autres avantages, depuis le 18 juin 1998.

Guy Giguère, commissaire

OTTAWA, le 21 avril 1999

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