Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (environ 3 mois) - Insubordination - Représentant syndical - Licenciement (motif disciplinaire) - Fumer dans une zone interdite et consommer de l'alcool au travail - Incident déterminant - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été élu agent chargé des questions de harcèlement pour le compte de l'agent négociateur - il avait un dossier disciplinaire assez lourd, qui tenait dans une large mesure à ses différends avec l'employeur concernant ses droits et responsabilités en tant que représentant syndical - le fonctionnaire savait que, en l'absence de circonstances urgentes, il devait obéir d'abord et se plaindre ensuite lorsqu'un tel différend surgissait - certains employés étaient mécontents du style de supervision du nouveau surveillant de l'atelier des contrôles et deux d'entre eux avaient déposé des plaintes de harcèlement auprès de l'employeur - à cause des différends qui continuaient d'exister entre le superviseur et les employés, l'employeur a convoqué une réunion du personnel afin de discuter de l'affaire, bien qu'il n'ait pas avisé les employés du motif de la réunion - les deux employés croyaient que la réunion porterait sur leurs plaintes et ont demandé au fonctionnaire s'estimant lésé d'y assister - l'employeur a ordonné au fonctionnaire s'estimant lésé de ne pas y assister puisqu'il s'agissait d'une réunion générale du personnel de l'atelier des contrôles - l'employeur a avisé le fonctionnaire que s'il n'obtempérait pas il serait accusé d'avoir fait preuve d'insubordination - le fonctionnaire est néanmoins entré dans la salle de réunion - le fonctionnaire a finalement été suspendu pendant environ trois mois pour cette action - l'arbitre a conclu que, puisqu'il ne s'agissait pas d'une affaire urgente, le fonctionnaire aurait dû obéir à l'ordre de l'employeur et déposer ensuite un grief s'il estimait que l'ordre n'était pas justifié - cependant, compte tenu du temps qu'il a fallu à l'employeur pour aviser le fonctionnaire de la sanction qui lui était imposée (environ deux mois), l'arbitre a ramené la peine à un mois - peu de temps après son retour au travail à la suite de sa suspension, le fonctionnaire a été congédié pour avoir fumé dans un secteur interdit et pour avoir consommé de la bière pendant l'exercice de ses fonctions - le fonctionnaire s'estimant lésé a concédé qu'il avait fait ce que l'employeur lui reprochait - à la lumière du dossier disciplinaire du fonctionnaire, qui incluait un incident antérieur où celui-ci avait consommé de l'alcool au travail, l'arbitre a rejeté le grief. Grief concernant la suspension admis en partie. Grief concernant le congédiement rejeté. Décisions citées : Anten (166-2-25442, 25873 à 25875 et 25791); Re Culinar Foods Inc. and American Federation of Grain Millers, Local 242 (1985), 48 L.A.C. (4th) 106; U.S.W.A. Local 12998 v. Liquid Carbonic Inc. (1996), 29 O.R. (3d) 468 (Cour div. de l'Ontario).

Contenu de la décision

Dossiers : 166-2-27491 166-2-27499

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CLIFF ANTEN fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant : Joseph W. Potter, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur : S. Maureen Crocker, avocate Affaire entendue à Medicine Hat (Alberta), du 27 au 30 mai; le 29 juillet; et du 30 septembre au 2 octobre 1997.

D D É ÉC CI IS SI I O O N N M. Cliff Anten, un GL&T ELM-10, travaille à la Base des Forces canadiennes (BFC) Suffield, ministère de la Défense nationale. Il a déposé deux griefs que les parties m’ont demandé de régler dans la même décision. Le premier concerne une longue suspension et le deuxième le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé.

1. Suspension (dossier 166-2-27491) Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu du 10 novembre 1995 au 29 février 1996 à la suite d’un incident qui s’est produit le 26 octobre 1995, et il demande la révocation de la sanction qui lui a été imposée et le remboursement intégral du salaire perdu.

Les faits Les faits à l’origine de l’affaire ne sont pas contestés et peuvent être résumés comme suit.

En septembre 1995, la section du Génie construction à la BFC Suffield a été restructurée. À la suite de cette restructuration, M. John Roche a été nommé superviseur du secteur appelé « Atelier des contrôles ». Certains des employés qui travaillaient dans l’atelier n’aimaient pas le style de supervision de M. Roche et s’en sont plaints au superviseur de ce dernier, le capitaine V. K. Banerjee. Les parties ont décidé de discuter du problème à l’occasion d’une réunion du personnel prévue pour le 18 octobre 1995. Un des membres du personnel ayant s'absenter ce jour-là, la réunion a être reportée; le capitaine Banerjee a toutefois rencontré les employés individuellement pour entendre leurs doléances. Les notes qu’il a prises au cours de ces rencontres individuelles ont été présentées en preuve (pièce E-1). En règle générale, les employés se plaignaient de faire l’objet d’une supervision trop étroite dans l'exécution de leurs tâches, d'être traités comme des enfants et de ne pas être suffisamment louangés pour leurs efforts. Ils se disaient victimes de harcèlement. Le capitaine Banerjee les a écoutés, mais il a conclu que M. Roche s’acquittait de ses responsabilités de supervision de façon convenable et il l'a dit aux employés. Il a toutefois été convenu que la question serait soulevée à l’occasion d’une réunion du personnel tous les employés seraient présents.

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Décision Page 2 Le 26 octobre, M. Roche est allé voir le capitaine Banerjee pour lui montrer deux notes de service aller-retour (pièces E-2 et E-3) qu’il avait reçues de deux de ses employés, MM. Serge Giurissevich et Reme Lantican. Tous les deux demandaient que le superviseur cesse son harcèlement. Le capitaine Banerjee a demandé à M. Roche de répondre par écrit et aussi de reconvoquer la réunion du personnel pour la fin de la journée puisque tous les employés étaient présents. M. Roche a informé les employés que la réunion du personnel se tiendrait à 15 h ce jour-là sans toutefois en préciser le motif.

Étant donné que MM. Giurissevich et Lantican ont tous les deux supposé que la réunion concernait leur note de service au sujet du harcèlement, M. Giurissevich est parti à la recherche de M. Cliff Anten qui venait d’être élu agent chargé des questions de harcèlement pour l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada. M. Anten était au courant des plaintes de harcèlement déposées par les employés de l’atelier des contrôles; il a donc demandé à son superviseur la permission de quitter son poste de travail pour assister à la réunion.

À 15 h, M. Anten s’est présenté à la salle de conférence devait se tenir la réunion. Le capitaine Banerjee attendait à l’extérieur. Selon la déposition des témoins, tout le personnel de l’atelier des contrôles se trouvait à l’intérieur de la salle à ce moment-là et attendait le début de la réunion. Lorsque M. Anten a voulu entrer dans la salle, le capitaine Banerjee l'a intercepté et lui a dit que c’était une réunion du personnel et qu’il n’était pas invité. M. Anten a affirmé dans sa déclaration (pièce G-9) au sujet des événements de la journée que le capitaine Banerjee lui avait interdit d’assister à la réunion et l'avait en outre prévenu que le fait de désobéir à cet ordre serait considéré comme un acte d'insubordination et qu'il serait accusé de mauvaise conduite. L’avertissement a été répété deux fois avant que M. Anten passe la tête par la porte de la pièce pour demander si les employés voulaient toujours qu’il les représente. Lorsque certains d’entre eux ont répondu par l’affirmative, il l'a fait savoir au capitaine Banerjee qui était resté à l’extérieur.

À ce moment-là, le capitaine Banerjee et M. Anten se sont éloignés de l’entrée de la salle afin de ne pas être entendus des employés, puis le capitaine Banerjee a de nouveau interdit à M. Anten d’assister à la réunion en précisant que s’il décidait malgré tout d’y assister il ferait l’objet d’une mesure disciplinaire appropriée.

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Décision Page 3 M. Anten a déclaré qu’il estimait que les employés avaient le droit d’être représentés et c’est ce qu’il a dit au capitaine Banerjee avant de se rendre à la réunion. Le capitaine Banerjee l’a suivi et a annoncé que la réunion débuterait comme prévu tout en précisant que M. Anten était présent même s’il lui avait interdit d’assister à la réunion.

Toutes les parties ont déclaré que la réunion avait porté sur les points soulevés plus tôt lors des rencontres individuelles, soit les doléances des employés concernant leur superviseur. La réunion a pris fin sans autre incident.

Le lendemain, soit le 27 octobre, l’officier du Génie construction de la Base, le capitaine Michael Pieters, a fait enquête. Après avoir interviewé tous les intéressés, il a conclu que M. Anten devait être congédié pour insubordination compte tenu de son dossier disciplinaire chargé (voir les dossiers 166-2-25442; 25873; 25874; 25875 et 25971). Il a envoyé sa recommandation au commandant de la Base, le colonel P. G. Kenwood, le 8 novembre 1995. Les parties ont toutefois convenu que M. Anten n’avait pas reçu de copie de ce document.

Le 10 novembre, le colonel Kenwood a écrit à M. Anten (pièce E-30) pour lui annoncer qu’il était suspendu en attendant de connaître la mesure disciplinaire qui serait imposée par les autorités supérieures.

Le 15 novembre, le colonel Kenwood a envoyé la recommandation au major-général C. J. Addy, commandant de la Base, pour qu’il y donne suite (pièce E-31). Cette recommandation se lit en partie comme suit :

[Traduction] 2. Depuis juillet 1992, M. Anten a été suspendu six fois pour mauvaise conduite. Quatre de ces suspensions ont été maintenues à l’arbitrage. Le licenciement motivé a été remplacé par une suspension de dix mois sans solde. Une suspension de vingt jours n’a pas été contestée par voie de grief. M. Anten a fait l’objet de nombreuses entrevues-conseils en vue de l’amener à corriger son comportement. Depuis son retour le 26 janvier 1995, il n'a pas manifesté l'intention de corriger ce comportement. J’estime que beaucoup trop de temps et d’efforts sont consacrés à la réhabilitation de M. Anten, sans grand succès notable. On lui a clairement expliqué, mais en vain, ce qu’il devait faire pour corriger son

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Décision Page 4 attitude défiante. À son retour au travail le 26 janvier 1995, M. Anten a été accueilli par la direction qui l'a de nouveau informé qu'il pouvait demander de l’aide s’il en avait besoin. À ce jour, M. Anten n’en pas demandé.

Les parties ont convenu que M. Anten n’avait pas reçu de copie de ce document. En réalité, M. Anten a essayé à deux autres occasions (pièces G-15 et G-17) de se renseigner au sujet de la mesure disciplinaire qui était recommandée, mais en vain.

Enfin, par lettre datée du 19 janvier 1996 (reçue par M. Anten le 8 février 1996), le major-général Addy a informé à M. Anten que la décision avait été prise de le suspendre du 10 novembre 1995 au 29 février 1996 pour mauvaise conduite.

Argument de l’employeur L’argument de l’employeur porte sur trois points : l'insubordination; le principe selon lequel il faut « obéir d'abord, se plaindre ensuite »; la durée de la suspension.

Pour ce qui est du premier point, l’avocate déclare que le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé d’obéir à un ordre de la direction en ne quittant pas la réunion qui avait été convoquée par l’employeur le 26 octobre 1995. La réunion avait pour but de discuter de deux préoccupations soulevées par les employés de l’atelier des contrôles, soit un manque de compréhension des responsabilités de supervision et un manque de communication au sujet du rôle de l’atelier des contrôles. La réunion a coïncidé avec la réception de deux notes de service aller-retour (pièces E-2 et E-3) dans lesquelles les auteurs se plaignaient d’être victimes de harcèlement par le superviseur.

L’avocate déclare que le fonctionnaire avait été clairement averti au moins cinq fois qu’il n'était pas autorisé à assister à la réunion et que la direction lui avait ordonné de s’en aller. Selon l’avocate, les éléments essentiels pour conclure qu’il y avait eu insubordination étaient réunis, comme on peut le lire dans l’ouvrage Canadian Labour Arbitration (Brown et Beatty, troisième édition, 1984, paragraphe 7:3612). Les instructions étaient claires; elles ont été clairement communiquées au fonctionnaire s’estimant lésé qui a refusé d’obtempérer.

Quant au principe selon lequel il faut « obéir d'abord, se plaindre ensuite », l’avocate cite la décision du commissaire Barry Turner concernant ce même fonctionnaire (supra) le principe est invoqué pas moins de quatre fois. Le

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Décision Page 5 fonctionnaire le connaissait donc fort bien. L’avocate fait remarquer qu’il existe des exceptions, mais qu'elles ne s’appliquent pas aux faits de la présente affaire.

En ce qui concerne la sévérité de la sanction, l’avocate mentionne un certain nombre de facteurs. La mauvaise conduite était grave compte tenu du dossier du fonctionnaire s’estimant lésé. C’était le sixième incident de mauvaise conduite depuis 1992 et il était relié à des incidents de mauvaise conduite antérieurs. Le fonctionnaire venait de rentrer d’une suspension de 10 mois et il est revenu à ses mauvaises habitudes sitôt qu'il a repris ses fonctions syndicales, c’est-à-dire désobéir aux ordres de la direction. De plus, il fallait bien faire comprendre au fonctionnaire l’importance de corriger son comportement, mais celui-ci ne semblait pas vouloir saisir le message. Il refuse d’assumer la responsabilité de sa mauvaise conduite et il ne manifeste aucun remords.

L’avocate aborde aussi la question du délai écoulé entre la lettre imposant la suspension pour une période indéfinie et la lettre imposant la sanction. Elle fait remarquer que trois mois se sont écoulés entre l’incident et la lettre de suspension, et que cela est raisonnable vu que le commandant a mener une enquête indépendante. Le délai a favorisé le fonctionnaire étant donné que la recommandation initiale était le licenciement alors que la décision définitive a été une suspension de presque quatre mois.

Le dernier point soulevé par l’avocate est la question de la crédibilité. Selon elle, le fonctionnaire était un représentant syndical chevronné qui connaissait très bien ses responsabilités. Il savait que la réunion du 26 octobre n’avait rien à voir avec un grief ou avec une enquête de harcèlement. Il savait qu'en raison de la nature confidentielle de ces deux questions elles ne seraient pas discutées en public, à une réunion du personnel, par exemple.

L’avocate invoque et cite les décisions suivantes : Dearnaley (dossiers 166-2-15008; 15009; 15154 et 15155); Enniss (dossiers 166-2-17728 à 17732 et 17849); Schuberg (dossiers 166-2-15123; 15159; 15350 et 15424); Higgins (dossier 166-2-3578); Re Clarke Transport Canada Inc. and Teamsters Union, Local 938 (1990), 16 L.A.C. (4th) 160; Da Cunha (dossier 166-2-24725); Quigley (dossier 166-2-18034); Brierley (dossier 166-2-14653); McDonald (dossier 166-2-15417); Skibicki (dossier 166-2-20723); Chong

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Décision Page 6 (dossier 166-2-16249); Sarin (dossier 166-2-15600); et Tipple c. Canada (Conseil du Trésor) [1985] C.F. 818 (appel n o A-66-85). Argument du fonctionnaire Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé déclare que celui-ci n’a pas agi par intérêt personnel le 26 octobre. Il avait été invité à assister à une réunion par le personnel de l’atelier des contrôles en vue de défendre leurs intérêts. En fait, il ne s’est présenté qu’après avoir été autorisé par son superviseur à s’absenter de son poste de travail. Il tentait simplement de s’acquitter de ses fonctions à titre de représentant syndical chevronné. Il savait que les fonctionnaires avaient le droit d’exiger la présence d’un représentant syndical de leur choix et, comme la réunion du 26 octobre concernait des questions telles que le harcèlement, qui intéressent le syndicat, les employés avaient le droit d’être représentés.

Le représentant fait valoir que l’agent négociateur a le droit de s'acquitter de certaines responsabilités sur les lieux de travail aux termes des dispositions de l’article M-8 de la convention collective, pourvu que cela ne nuise pas aux opérations de l’employeur. En l’occurrence, les employés ont demandé à la direction de convoquer une réunion en vue de discuter de problèmes de supervision, et l’employeur a accepté. Vu que les notes de service aller-retour (pièces E-2 et E-3) ont été reçues avant la réunion et que la réunion concernait des questions soulevées dans les notes de service, les employés avaient le droit de se faire représenter. Le fonctionnaire n’a enfreint aucune règle légitime. Il s’est rendu à la réunion croyant que les employés avaient le droit d’être accompagnés d’un représentant pour discuter des questions de harcèlement. Le représentant du fonctionnaire cite le paragraphe 9:1400 de l’ouvrage de MM. Brown et Beatty, on peut lire ce qui suit :

[Traduction] Les syndicats négocieront normalement une foule d’autres dispositions afin de pouvoir s’acquitter efficacement de leur responsabilité de surveiller l’application de la convention collective et de défendre convenablement les intérêts légitimes de leurs membres [...]

Le représentant soutient que cette situation remet en question le rôle du représentant syndical, c’est-à-dire la personne qui est élue pour représenter les

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Décision Page 7 intérêts des membres. C’est exactement ce que M. Anten essayait de faire et c’est ce qu’il a expliqué au capitaine Banerjee.

M. Anten a occupé divers postes de direction au syndicat au cours des quelque 29 dernières années et il connaît très bien les droits des employés. Ces postes sont énumérés dans la décision du commissaire Turner (supra).

Le représentant du fonctionnaire cite MM. Brown et Beatty, paragraphe 7:3620, page 140, l'on peut lire ce qui suit :

[Traduction] [...] lorsque le refus d’obéir à un ordre ne nuit pas à la capacité de l’employeur de maintenir la production ou ne conteste pas son autorité symbolique, le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé ne devrait pas être considéré comme étant grave, voire comme étant de l’insubordination [...]

Comme les actions de M. Anten n’ont pas nui à la production vu que l’autorité du capitaine Banerjee n’a pas été contestée, le refus de partir de M. Anten ne devrait pas entraîner de sanction disciplinaire.

En ce qui concerne le délai, le représentant du fonctionnaire fait remarquer que M. Anten a été avisé le 6 novembre 1995 que l’employeur le croyait coupable de mauvaise conduite (pièce E-7). Par la suite, la seule question à déterminer était la sanction elle-même, et M. Anten a attendre jusqu'au 8 février pour connaître cette sanction. Aucune preuve n’a été présentée qu’il s’est passé quoi que ce soit après le 6 novembre, sinon un échange de correspondance interne. Ce délai a causé un tort considérable au fonctionnaire du fait qu’il a encaisser sa police d’assurance-vie et qu’il n’a commencé à toucher de l’assurance-chômage que le 5 février 1996. En plus, le ministère a délibérément omis de dire au fonctionnaire ce qu’il entendait faire, ce qui est venu aggraver le tort causé par le délai.

En réponse à une question que je lui pose, le représentant déclare qu’il ne conteste pas le fait qu’un ordre a été donné et que M. Anten a compris cet ordre. Toutefois, les problèmes qui ont été discutés lors de la réunion du 26 octobre étaient essentiellement les mêmes que ceux qui ont été soulevés dans les pièces E-2 et E-3,

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Décision Page 8 c’est-à-dire le style de supervision de M. Roche, ce qui a fait croire à M. Anten que les employés avaient le droit d’être accompagnés d’un représentant syndical.

Le représentant du fonctionnaire invoque et cite les décisions suivantes : Evans (dossier 166-2-25641); Thibodeau (dossier 166-2-20955); Côté et Bissonnette (dossiers 166-2-17654 et 17656); Marineau (dossier 166-2-26226); Lessard (dossier 166-2-24980); Cahill (dossier 166-2-25854); Rioux (dossiers 166-2-25234 et 25235); Legère (dossier 166-2-17971); Englehart (dossier 166-2-9065); Chafe (dossier 166-2-13485); Re Gulf Canada Ltd., Clarkson Refinery, and Energy and Chemical Workers’ Union, Local 593 (1982), 3 L.A.C. (3d) 348; Re Whitaker Cable and International Union of Electrical Workers, Local 574 (1974), 6 L.A.C. (2d) 109; Re Newfoundland (Treasury Board) and Newfoundland Association of Public Employees (Gillingham) (1993), 36 L.A.C. (4th) 236; Re Treasury Board (Transport Canada) and Godfrey (1989), 7 L.A.C. (4th) 153; Re Municipality of Metropolitan Toronto and Canadian Union of Public Employees, Local 43 (1990), 10 L.A.C. (4th) 272; Re FBM Distillery Co. Ltd. and United Brewery Workers, Local 304 (1978), 20 L.A.C. (2d) 161; Re Canada Post Corp. and Association of Postal Officials of Canada (Harris) (1992), 27 L.A.C. (4th) 126; Re Auto Haulaway Ltd. and Teamsters Union, Local 938 (1994), 44 L.A.C. (4th) 77; Re Dallas and the Crown in Right of Ontario (Liquor Control Board of Ontario) (1980), 28 L.A.C. (2d) 369; Peeke (dossier 166-2-13996); Rempel (dossier 66-2-14941); et Re British Columbia Telephone Co. Ltd. and Federation of Telephone Workers of British Columbia (1976), 13 L.A.C. (2d) 312.

Réfutation de l’employeur Les exceptions au principe selon lequel il faut «obéir d'abord, se plaindre ensuite» sont clairement définies par MM. Brown et Beatty (supra) au paragraphe 7:3620, pages 7-140, 7-145 et 7-146 de leur ouvrage. L’avocate de l’employeur soutient que le fonctionnaire doit prouver qu'une de ces exceptions s'applique à lui et pour ce faire, il doit démontrer qu’un tort irréparable aurait été causé aux autres employés s’il avait obéi aux ordres; il doit démontrer qu’il a communiqué ses craintes à l’employeur à cet égard et que le tort était suffisamment considérable pour justifier son refus d’obtempérer.

L’avocate fait valoir que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ce critère vu que sa seule réponse à la direction a été de dire qu’il allait assister à la réunion. M. Anten a

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Décision Page 9 déclaré qu’il estimait que les employés avaient le droit d’être accompagnés d’un représentant et il n’a jamais dit à la direction qu’il jugeait que les circonstances justifiaient de faire exception à la règle.

De plus, en tant que représentant chevronné de l’agent négociateur, il savait que les employés conservaient le droit de déposer un grief, de déposer des plaintes de harcèlement ou encore de se plaindre à la Commission de la fonction publique ou à la Commission des relations de travail dans la fonction publique aux termes de l’article 8 ou de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les mêmes recours s'offraient aussi à M. Anten s’il obtempérait à l’ordre et se conformait au principe selon lequel il faut « obéir d’abord, se plaindre ensuite ».

Les décisions suivantes sont invoquées et citées par l’avocate : Re Spruce Falls Power & Paper Co. Ltd. and International Brotherhood of Pulp, Sulphite & Paper Mill Workers, Local 89 (1972), 2 L.A.C. (2d) 91; Re Douglas Aircraft Co. of Canada Ltd. and United Automobile Workers, Local 1967 (1972), 1 L.A.C. (2d) 109; Re International Woodworkers of America, Local 2-500, and Stancor Central Ltd. (Peppler Division) (1970), Vol. 22, 184; Re Canada Post Corp. and Canadian Union of Postal Workers (Matthews) (1992), 30 L.A.C. (4th) 88; Re Felec Services Inc. and I.B.E.W., Local 2085 (1986), 28 L.A.C. (3d) 440; Nelson (dossiers 166-2-12351 à 12353); Canadian Union of Public Employees, Metropolitan Toronto Civic Employees’ Union, Local 43 v. Metropolitan Toronto (Municipality) (1990), 74 D.R. (2d) 239.

Motifs de la décision La question que je dois trancher est de savoir si une longue suspension (du 10 novembre 1995 au 29 février 1996) était une mesure disciplinaire justifiée pour un incident survenu le 26 octobre 1995.

La preuve a démontré qu’une réunion de tout le personnel de l’atelier des contrôles a été convoquée pour 15 h, le 26 octobre. Nous savons également qu’aucun membre du personnel n’était au courant de l'objet de la réunion et que certains employés croyaient que c’était pour discuter de harcèlement. À cet égard, les employés avaient demandé au fonctionnaire de les représenter puisqu’il avait été élu agent chargé des questions de harcèlement pour le syndicat. Nous savons également que

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Décision Page 10 certains employés de l’atelier des contrôles étaient mécontents de la façon dont le superviseur de l’atelier s’acquittait de ses responsabilités de supervision.

À son arrivée sur les lieux de la réunion, le fonctionnaire s’est fait interdire l’accès à la salle par le capitaine Banerjee. En fait, il a lui-même déclaré au cours de son témoignage que le capitaine lui a dit que, s’il entrait dans la salle de conférence, il se trouverait en situation d’insubordination et ferait l’objet d’une mesure disciplinaire. Il est quand même entré dans la salle et la réunion s’est poursuivie. De l’avis du fonctionnaire, la réunion a été convoquée pour discuter des problèmes de harcèlement. De l’avis de l’employeur, la réunion était une réunion générale du personnel et non pas une enquête relative à des plaintes de harcèlement, et la présence de l’agent négociateur n’était pas nécessaire dans ces circonstances.

Le fait que M. Anten ait été informé le 10 novembre qu’il était suspendu en attendant que les autorités supérieures aient décidé de la sanction à lui imposer n'a pas été contesté. M. Anten a cherché à savoir quelle sanction avait été recommandée, mais le ministère a comme politique de ne rien dire tant qu’une décision finale n’a pas été prise. Ce n’est que lorsqu’il a reçu la lettre du major-général C. J. Addy, datée du 19 janvier 1996, que M. Anten a appris que ses actions du 26 octobre lui avaient valu d’être suspendu du 10 novembre 1995 au 29 février 1996. Aucune preuve n’a été déposée pour expliquer pourquoi le ministère jugeait qu'une suspension de cette durée était appropriée, quoiqu’il était évident que le ministère ne croyait pas que les actions justifiaient le congédiement.

À n’en pas douter, M. Anten a clairement défié un ordre direct. À n’en pas douter également l’ordre était clair et il a été bien compris par le fonctionnaire. M. Anten a choisi de faire fi de l'avertissement parce qu’il jugeait que les employés avaient le droit d'être représentés par l’agent négociateur lorsqu'il y avait harcèlement. Avant d'entrer dans la salle de conférence, M. Anten a peut-être cru que la réunion avait été convoquée pour discuter des questions de harcèlement. Toutefois, lorsqu’il a vu que tout le personnel de l’atelier des contrôles était présent et lorsque le capitaine Banerjee lui a dit qu’il s’agissait d’une réunion du personnel, ce représentant chevronné de l’agent négociateur a se rendre compte qu’il était fort peu probable qu'il serait question de plaintes confidentielles de harcèlement et qu'il n’aurait pas entrer dans la salle.

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Décision Page 11 Dans une décision antérieure relativement à ce même fonctionnaire (supra) et concernant à peu près la même question, le commissaire Turner a déclaré, aux pages 68 et 69 : [...] Toutefois, pour faire valoir cette différence sur le plan des principes, la meilleure démarche qu'aurait adopter M. Anten aurait été d'«Obéir d'abord, se plaindre ensuite«. M. Anten aurait renvoyer à l'arbitrage toute mesure, directive ou restriction émanant de son employeur qui, à son avis, violait la convention collective. En outre, il aurait pu déposer une plainte en invoquant l'article pertinent de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique si, selon lui, ses droits étaient violés en vertu de la Loi. Il ne l'a pas fait. Il a préféré se lancer dans des initiatives personnelles et continuer à défier son employeur en se comportant telle une personne, résignée à son sort, poussée par un instinct suicidaire aveugle.

Le commissaire Turner ajoute plus loin, page 69 : [...] Même si, de l'avis du fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur viole la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou la convention collective, le principe qu'il doit observer en dépit de tout c'est d'«Obéir d'abord, se plaindre ensuite». La seule exception à cette règle s'applique à «certaines circonstances urgentes» comme celles qui sont mentionnées par MM. Brown et Beatty dans leur livre. Je suis convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas su démontrer qu'il tombe sous le coup de cette exception en ce qui concerne les griefs dont je suis saisi.

Le commissaire Turner a rendu sa décision quelque neufs mois avant les incidents du 26 octobre. Il y a lieu de croire que le fonctionnaire devait encore avoir l'affaire fraîchement en mémoire et qu’il devait, en l’occurrence, bien connaître le principe suivant lequel il faut « obéir d'abord, se plaindre ensuite ». M. Anten a déclaré qu’il était au courant de l’existence d’exceptions à cette règle et cela a été également discuté dans la décision du commissaire Turner qui a déclaré, à la page 31 :

Canadian Labour Arbitration (supra) dit plus loin (7:3623): Un autre arbitre a dit d'une façon plus succincte : «Lorsqu'il agit en sa qualité de représentant, un délégué syndical se trouve sur un pied d'égalité avec la direction». Quoiqu'il semble exister quelques variations dans les normes à appliquer pour qu'un représentant syndical puisse invoquer cette exception, il est clair qu'il devra prouver qu'il existait un

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Décision Page 12 élément d'urgence dans la réunion syndicale à laquelle il a assisté. Cet élément d'urgence a été établi lorsqu'il a été prouvé que le représentant syndical était tenu d'assister immédiatement à la menace d'un débrayage illégal ou au règlement de griefs qui autrement auraient été irrecevables en raison des délais fixés par la convention.

Le commissaire Turner a conclu dans sa décision que l’exception ne s’appliquait pas aux circonstances de l'affaire dont il était saisi; j'en viens moi aussi à la même conclusion. M. Anten aurait respecter le principe selon lequel il faut « obéir d'abord, se plaindre ensuite ».

Par conséquent, il n'y avait rien, selon moi, de suffisamment urgent qui eût pu justifier la décision de M. Anten de désobéir à un ordre direct de ne pas assister à la réunion.

J'en viens maintenant à la sévérité de la sanction. Le personnel du ministère a jugé que la recommandation initiale de congédiement était trop sévère et la peine a été réduite à une suspension d’environ trois mois et demi. Normalement, cela aurait été acceptable vu mes conclusions ci-dessus.

Toutefois, le processus suivi pour recommander une mesure disciplinaire me laisse perplexe. Le 27 octobre, M. Anten a reçu une lettre (pièce E-6) l’informant qu’il y aurait enquête et qu’il aurait l’occasion de s’expliquer lors d’une rencontre le 30 octobre. Cette rencontre a eu lieu (pièce G-9). Puis, M. Anten a été suspendu le 10 novembre « en attendant de connaître la mesure disciplinaire qui serait déterminée par les autorités supérieures » (pièce E-30). M. Anten ne savait pas quelle sanction disciplinaire avait été recommandée. À ce moment-là, l’enquête était terminée et, le 15 novembre, le commandant de la Base, le colonel P. G. Kenwood, a envoyé sa recommandation de licenciement. Toutefois, M. Anten n'en a toujours pas été informé! À diverses occasions, en novembre, décembre et janvier, M. Anten a cherché en pure perte à savoir quelle était la recommandation.

Entre le 15 novembre 1995 et le 19 janvier 1996, il ne s'est rien passé à ce que je sache relativement à l’enquête. Tous les employés en cause avaient fait leur déclaration et l’unique question à régler demeurait celle de la sanction. Entre-temps, le fonctionnaire a été suspendu indéfiniment. Aucune explication ne m'a été donnée pour justifier le délai de plus de deux mois entre la date de la recommandation et celle

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Décision Page 13 de la décision. Dans ce genre de situation, l’employé ne sait pas s’il doit pendant ce temps se mettre à se chercher du travail temporaire, du travail à temps partiel ou du travail permanent. En réalité, il se trouve dans les limbes. Il sait qu’il a été suspendu, mais il ne sait pas combien de temps durera cette suspension ni ce qui a été recommandé.

Que M. Anten soit coupable de mauvaise conduite, personne ne le conteste. Que ce soit grave n’est pas la question non plus, ni le fait que M. Anten a un dossier disciplinaire chargé. Il n'en demeure pas moins que plus de deux mois se sont écoulés entre la fin de l’enquête et la date à laquelle il a été informé des résultats. On ne m’a pas expliqué pourquoi. Vu les circonstances de cette affaire et les difficultés qu’ont connu l’employeur et le fonctionnaire par le passé, je conclus que c’est plus qu’une simple coïncidence que la suspension a duré à peu près le temps que le fonctionnaire a attendu pour connaître la sanction qui lui était imposée. Compte tenu de ces faits, je conclus qu’une suspension d’un mois est une mesure disciplinaire plus appropriée, et j’ordonne à l'employeur de rembourser la différence à M. Anten.

Il est fait droit au grief dans cette mesure. 2. Licenciement (dossier 166-2-27499) M. Anten a déposé le deuxième grief le 5 juin 1996 suite à son congédiement. Ce grief se lit comme suit : [Traduction] Je conteste mon licenciement le 10 mai 1996 duquel j’ai été informé le 13 mai 1996 et ma suspension le 13 mars 1996 en attendant de connaître la décision de me licencier.

Je me plains d'avoir déjà été victime de harcèlement, ce qui a teinté mon jugement; je me plains de m'être vu refuser l'accès au PAE pour corriger cette situation.

Je me plains du fait que le principe de justice naturelle n'a pas été appliqué puisque la personne (capitaine W. P. Pieters) qui m'a harcelé est également celle qui m’a accusé de mauvaise conduite, qui a fait enquête et qui a recommandé la sanction.

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Décision Page 14 Le fonctionnaire demande le redressement suivant : Que je sois réintégré dans mon ancien poste et qu'on me rembourse en entier le salaire et les avantages sociaux perdus; que le ministère verse ma part des cotisations d’assurance-chômage et des cotisations aux régimes de santé ainsi que mes cotisations syndicales; que le ministère soit reconnu responsable de toute perte de mes biens et que je sois autorisé à participer au PAE afin de me réhabiliter.

Que le ministère me dédommage aussi pour mes souffrances et douleurs.

J’ai entendu cinq témoins. Les pièces E-1 à E-21 et G-1 à G-12 ont été déposées en preuve. J'ai accédé à une demande d’exclusion des témoins.

Au cours de l'audience, l’avocate de l’employeur a fait valoir que la présente audience se trouve à remédier à toute violation des règles de justice naturelle qui a pu se produire durant les événements eux-mêmes (aux dires du fonctionnaire s’estimant lésé). Le représentant du fonctionnaire en ayant convenu, il ne me restait donc à trancher que la question du caractère approprié de la mesure disciplinaire.

Essentiellement, M. Anten a été licencié parce qu’il a fumé dans un endroit c'était interdit de le faire, parce qu’il a consommé de l’alcool durant les heures de travail et parce que son dossier disciplinaire était chargé.

Les faits eux-mêmes ne sont pas contestés et peuvent être résumés comme suit. Les faits Le 4 mars 1996 au matin, il faisait relativement froid à Medicine Hat, la température se situant entre -14 ºC et -20 ºC (pièce G-9). C’était le premier jour de travail de M. Anten, après la suspension de quatre mois mentionnée précédemment. Ce jour-là, il devait travailler à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment 349. Il a commencé par travailler seul, mais le caporal Plante a été chargé de l'aider après la pause de 9 h 30. Les deux hommes avaient reçu instruction de vérifier les prises de courant extérieures utilisées pour les voitures parce qu'elles semblaient défectueuses. Selon M. Anten, ils ont terminé cette tâche assez rapidement, après quoi le caporal Plante a suggéré de rentrer à l’intérieur pour savoir quelle température il faisait vraiment au canal météo à la télévision. Selon le témoignage du capitaine Pieters,

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Décision Page 15 M. Anten a d'abord dit qu'il voulait entrer dans le bâtiment parce qu’il croyait que les prises étaient contrôlées par un thermostat et qu’il devait vérifier le disjoncteur de surcharge (pièce E-11). Au cours de son témoignage en direct, toutefois, il a déclaré qu’il était entré dans le bâtiment avec le caporal Plante pour voir s'il ne faisait pas trop froid pour travailler dehors, car on leur avait confié d'autres tâches à l'extérieur.

Peu importe le motif, en entrant dans le bâtiment, M. Anten a allumé une cigarette que, par étourderie, il a oublié d’éteindre, a-t-il déclaré. La ligne directrice sur l’usage du tabac de la Base du MDN (pièce E-1) interdit de fumer sur tous les lieux de travail du MDN depuis le 1 er janvier 1989. La politique du Conseil du Trésor adoptée en 1992 (pièce E-2) interdit de fumer sur les lieux de travail. M. Anten a déclaré qu’il était au courant des interdictions de fumer. L’officier de l'hébergement, M me Fay Chapman, est entrée dans le bâtiment 349 le matin du 4 mars et a aperçu le fonctionnaire et le caporal Plante qui regardaient la télévision dans la salle commune. M me Chapman a déclaré qu’il y avait beaucoup de fumée dans la pièce et qu’elle a vu M. Anten, assis sur le divan, en train de fumer. Elle leur a demandé ce qu’ils faisaient là. Ni l’un ni l’autre n’a répondu. Elle a répété sa question, et M. Anten a déclaré qu’il devait vérifier les disjoncteurs de surcharge dans le local de service électrique et il a éteint sa cigarette. M me Chapman s’est servi du passe-partout pour le laisser entrer dans le local en question où, selon le témoignage de M. Anten, lui-même et le caporal Plante ont vérifié les disjoncteurs qui alimentaient les prises des voitures puis ils sont ressortis.

Les pièces E-4 à E-9 ont été présentées en preuve par M photographies prises le 24 septembre 1997 des portes principales du bâtiment 349 ainsi que de l’intérieur de la salle commune.

La pièce E-4 montre deux pancartes non-fumeurs sur les portes d'entrée du bâtiment, et bien que M. Anten ait témoigné être entré par ces portes, il ne se souvient pas d’avoir vu les pancartes. La pièce E-8 montre une grande pancarte non-fumeurs sur le mur au-dessus de la télévision de la salle commune, mais M m e Chapman a déclaré que le 4 mars il y avait deux petites pancartes dans la salle, l'une près de la télévision et l’autre de l’autre côté de l’entrée, toujours sur le même mur. M. Anten a réitéré qu'il n’a pas vu les pancartes en précisant que la salle commune était un endroit il était permis de fumer en 1995.

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me Chapman. Il s’agit de

Décision M. Herman, le premier témoin cité par le représentant du fonctionnaire et un délégué syndical à l’époque, a déclaré qu’il s'était rendu à la salle commune le 12 mars 1996 après avoir été informé de l’incident et qu’il y avait vu deux pancartes non-fumeurs aux endroits indiqués par M me semblaient avoir été installées depuis peu, puisque en en soulevant une, il avait remarqué que le mur n’avait pas changé de couleur. M arrivait souvent de remplacer les pancartes parce que les gens les enlevaient.

L’incident a été signalé au capitaine Pieters qui a déclaré, lors de son témoignage, avoir commencé son enquête. M. Anten ne savait pas à ce moment-là que l’incident faisait l’objet d’une enquête. Il s’est présenté au travail comme à l’habitude le 5 mars. Une des choses qu’il avait à faire au cours de la journée était de déterminer pourquoi il n’y avait pas de chauffage dans le bâtiment 206, le Club de la troupe Crowfoot. Il travaillait pour l'occasion avec un dénommé Russell, un électricien embauché pour une période déterminée. La personne qui semblait en charge du bâtiment 206 était le sgt é-m Low qui a rencontré MM. Anten et Russell le 5 mars pour leur décrire le problème. Les deux ouvriers ne sont pas parvenus pas à régler tous les problèmes de chauffage ce jour-là et ils devaient poursuivre leurs travaux le lendemain. Avant leur départ, le sgt é-m Low leur a offert une bière, selon M. Anten. Il a déclaré avoir refusé parce qu’il connaissait la politique de la Base qui interdisait toute consommation d’alcool durant les heures de travail.

Les deux ouvriers sont retournés terminer leur travail le lendemain, 6 mars. Dans sa déclaration écrite (pièce G-4), le sgt é-m Low affirme qu’après que les réparations nécessaires eurent été effectuées au cours de l’après-midi, il leur a offert un verre. Le plus jeune des deux a pris un coke diète et l’autre a demandé une Budweiser, et il les a servis. M. Anten a déclaré qu’il était celui qui avait pris la bière et que son collègue, M. Russell avait pris un coke. M. Anten a déclaré avoir accepté la bière parce qu’il croyait qu'elle lui avait été offerte en guise de remerciement pour le travail effectué. Il n’a pas pensé à la politique ou aux règles de la Base concernant la consommation d'alcool à ce moment-là parce qu’il était plutôt déprimé du fait de sa suspension de quatre mois. Personne n’a contesté le fait que M. Anten a continué de travailler pendant qu’il buvait sa bière en ce sens qu'il a attendu, comme il devait le faire, que les divers cycles du système de chauffage s’enclenchent.

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Page 16 Chapman. Toutefois, il a déclaré qu’elles m e Chapman a déclaré qu’il lui

Décision Page 17 Quelqu’un a vu M. Anten en train de boire une bière pendant qu’il était en service et en a informé le capitaine Pieters dans la matinée du 9 mars, avant de le mettre par écrit le 11 mars 1996 (pièce E-11).

Le matin du 11 mars, le capitaine Pieters a rencontré M. Anten et son représentant syndical pour discuter de l’incident de la cigarette. Une lettre confirmant la rencontre a été remise à M. Anten (pièce E-12). Il y était précisé qu’une rencontre officielle aurait lieu le lendemain en vue de réunir tous les faits. M. Anten a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d'organiser une rencontre officielle étant donné qu’il n’avait pas nié avoir fumé dans un endroit il était interdit de fumer.

Au cours de l’après-midi du 11 mars, le capitaine Pieters a de nouveau rencontré M. Anten et son représentant syndical pour discuter de l’incident de la consommation de boisson. Une lettre confirmant cette rencontre a également été remise à M. Anten (pièce E-13). De nouveau, M. Anten a avoué avoir consommé de la boisson pendant qu’il était en service et il a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d'organiser une rencontre officielle le lendemain.

En dépit des aveux de M. Anten, on a organisé une rencontre officielle le 12 mars pour discuter de chacune des questions. De nouveau, M. Anten a reconnu avoir fumé dans un endroit il était interdit de fumer et avoir consommé de l’alcool pendant les heures de travail. Il a aussi admis être au courant des lignes directrices du ministère et du Conseil du Trésor sur l'usage du tabac ainsi que de la politique interdisant la consommation d’alcool pendant les heures de travail (E-14). M Anten a aussi demandé de participer au Programme d’aide aux employés (PAE) pour l’aider à cesser de fumer.

Le 13 mars 1996, M. Anten a été informé par écrit qu’il était suspendu en attendant de connaître la sanction qui lui serait imposée (pièce E-17). Le 30 avril, il a reçu une lettre du major-général C. J. Addy l’informant qu’il était licencié pour avoir commis les infractions susmentionnées ainsi qu'en raison de son dossier disciplinaire chargé (pièce E-19). Le grief a été déposé par la suite.

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Décision Page 18 Argument de l’employeur L’avocate de l’employeur déclare que le dossier disciplinaire de M. Anten a démontré qu'on en était rendu au point l’on ne pouvait lui faire confiance pour respecter les règles de travail les plus élémentaires. Les conditions de travail du fonctionnaire sont telles qu’il ne travaille pas toujours sous supervision et qu'il doit accomplir ses tâches de façon autonome. Au stade en est le fonctionnaire dans sa carrière, de dire l'avocate, l’employeur ne peut lui faire confiance pour obéir aux règles de travail comme le montrent son dossier et les deux derniers incidents.

L’avocate déclare que M. Anten a admis avoir fumé dans un endroit il était interdit de fumer même s’il connaissait la politique sur l'usage du tabac. De plus, M. Anten a admis avoir consommé de l’alcool durant les heures de travail tout en étant au courant de la politique interdisant de le faire.

L’avocate affirme en outre que la crédibilité de M. Anten est en cause vu qu’il a déclaré au capitaine Pieters, au cours de l’enquête, qu’il était entré dans le bâtiment le 4 mars pour vérifier le thermostat qui contrôlait les prises. Au cours de son témoignage, cependant, il a déclaré être entré pour des raisons de sécurité, soit pour vérifier la température extérieure au canal météo. D'après ce qu'il a dit au capitaine Pieters, il n'avait pas de raison de se trouver dans la salle commune à regarder la télévision; l’avocate m’exhorte donc à retenir cette version plutôt que celle qu'il a présentée en preuve.

Enfin, en ce qui concerne cet incident, l’avocate déclare qu’il s’est produit deux heures après le retour au travail du fonctionnaire à la suite d’une suspension de quatre mois et qu’aucune preuve n’a été présentée pour confirmer l’affirmation de M. Anten selon laquelle il était déprimé ou distrait lorsqu’il s’est présenté au travail. Quant à la demande d'aide du PAE, le fonctionnaire aurait pu s'adresser directement au programme, mais aucune preuve n’a démontré qu’il l’a fait.

En ce qui concerne l’incident lié à la consommation d'alcool, l’avocate affirme que la preuve a indiqué que M. Anten s’est fait offrir quelque chose à boire et qu’il a demandé une bière. Il aurait pu demander un coke comme son collègue. Mais il a pris une chance. Qui plus est, M. Anten avait déjà reçu une suspension de cinq jours le 30 novembre 1992 parce qu’il avait consommé de l’alcool pendant les heures de

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Décision Page 19 travail (comme l’indique la pièce E-13 du grief de suspension et comme il est mentionné dans la décision du commissaire Turner (supra)).

L’avocate a déclaré que M. Anten était au courant de la politique interdisant la consommation d’alcool durant les heures de travail et qu'il y avait même pensé en refusant une offre semblable la veille. Il était interdit de consommer de l’alcool durant les heures de travail en 1992, lorsqu’il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire, et c’était toujours interdit en 1996.

En ce qui concerne la sévérité de la sanction, l’avocate soutient que le dossier du fonctionnaire indique des écarts de conduite de plus en plus graves au point que des sanctions de plus en plus longues étaient justifiées. Celles-ci ont toutes été énumérées dans la décision du commissaire Turner (supra). De plus, la direction avait fait tout ce qu’elle pouvait faire pour signaler ces problèmes à M. Anten et l’amener à se corriger. La lettre disciplinaire reçue relativement au grief mentionné plus tôt se voulait en fait une deuxième « dernière chance ».

L’avocate déclare que même avec un dossier vierge, ce qui n'est certainement pas le cas du fonctionnaire s’estimant lésé, boire au travail est quelque chose de grave. En l’occurrence, il n’est pas nécessaire que l’incident invoqué à l’appui du licenciement soit grave au point de justifier le licenciement lui-même, mais il faut conclure qu’il y a eu mauvaise conduite, comme le précisent MM. Brown et Beatty au paragraphe 7-166 de leur ouvrage.

Subsidiairement, l’avocate m’exhorte d'indemniser M. Anten plutôt que de le réintégrer.

L'avocate de l'employeur invoque les affaires suivantes : Toronto Electric Commissioners and Canadian Union of Public Employees, Local 1 (1990), 19 L.A.C. (4th) 105; National Auto Radiator Manufacturing Co. Ltd. and Canadian Automobile Workers, Local 195 (1988), 2 L.A.C. (4th) 346; Surrey Memorial Hospital and Registered Nurses’ Association of British Columbia (1979), 24 L.A.C. (2d) 342; Gourlie and Fawcett (dossiers 166-2-13479 et 13481); Dearnaley (supra); Schuberg (supra); Enniss (supra) and Higgins (supra).

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Décision Page 20 Argument du fonctionnaire Le représentant du fonctionnaire fait valoir que la preuve démontre que M. Anten est entré à l’intérieur du bâtiment 349 uniquement après que le caporal Plante eut suggéré de vérifier la température à la télévision. Il avait oublié d’éteindre sa cigarette, mais il l’a éteinte dès qu’il a aperçu M me Chapman. Il n’a pas essayé de nier sa culpabilité; il a volontiers reconnu avoir fumé dans un endroit il était interdit de fumer lorsque le capitaine Pieters l’a interrogé.

Le fait qu'il soit entré par inadvertance dans l’immeuble une cigarette allumée à la main pouvait être attribuable au fait qu'il venait de rentrer d’une suspension de quatre mois qu’il estimait injuste et qui lui avait causé des difficultés financières. Le représentant soutient qu’il est raisonnable de supposer que M. Anten travaillerait plus lentement, qu’il aurait de la difficulté à raisonner et oublierait certaines choses après une suspension de quatre mois. C'est effectivement ce qui s'est produit et cela devrait être considéré comme un facteur atténuant pour déterminer la peine. Vu cette situation, le représentant fait remarquer que la Loi sur la santé des non-fumeurs prévoit une amende de 50 $ dans ces situations et il suggère d'imposer cette peine à la place d'une mesure disciplinaire.

Le fonctionnaire a demandé l'aide du PEA pour deux raisons, soit dans l’espoir de faire annuler la mesure disciplinaire et en vue d’obtenir de l’aide pour régler ses problèmes personnels. Il faudrait en tenir compte au moment de déterminer la peine à imposer.

En ce qui concerne le deuxième incident, soit la consommation d’alcool, le représentant déclare qu’en fait le fonctionnaire ne connaissait pas bien la politique. Même s’il a consommé de la bière pendant les heures de travail, il ne l’a pas fait dans l'intention délibérée de passer outre à la politique. Au contraire, selon le représentant, la bière lui a été offerte pour le remercier des efforts supplémentaires qu’il avait déployés en vue de régler le problème de chauffage. La bière a été offerte et elle a été poliment acceptée et cela ne constituait pas un acte de mauvaise conduite se devant d’être puni, étant donné qu’il y avait absence d’intention. Aucune preuve n’a été présentée qui indique que M. Anten a voulu faire fi de la politique ou des directives de la direction.

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Décision Page 21 Le représentant déclare que le fonctionnaire a assumé la responsabilité des deux actes dès que le capitaine Pieters lui en a parlé le 11 mars. Il n’y avait pas lieu de convoquer une réunion officielle le 12 mars parce que les faits avaient été volontiers admis. M. Anten n’a pas essayé de cacher quoi que ce soit, ce qui étaye le point de vue selon lequel il n’avait pas l’intention d’enfreindre les règles ou les procédures. Il a par inadvertance pénétré dans un bâtiment une cigarette allumée à la main. Cela ne dénote pas une volonté de désobéir à la politique de la direction comme l’avocate de l’employeur l’affirme. M. Anten s’est fait offrir une bière et il l’a acceptée volontiers. Cela montre également qu’il ne cherchait pas à désobéir à la politique de la direction. Les deux actes étaient non intentionnels.

Le représentant du fonctionnaire a fait référence aux commentaires de MM. Brown et Beatty, au paragraphe 7:4310 de leur ouvrage, il est indiqué que l'utilisation du dossier disciplinaire est discrétionnaire. À cet égard, le représentant me suggère d’utiliser mon pouvoir discrétionnaire et d’imposer une peine mieux assortie à la gravité (ou à l’absence de gravité) des deux infractions. Il me rappelle que M. Anten est âgé de 52 ans et qu’il prendra bientôt sa retraite. Étant donné que les deux incidents n’ont pas nui aux opérations de l’employeur, et compte tenu des facteurs atténuants et de la jurisprudence qui suggère une peine peu sévère pour ce type d’infraction, le représentant soutient que le licenciement est une peine trop sévère.

Le représentant déclare aussi que si M. Anten était réintégré et que la mesure était assortie de conditions dont des séances de counselling, cela serait en fait bien reçu.

Le représentant invoque les affaires suivantes : Carmichael and Gilchrist (dossiers 166-2-3013 et 3014); Cook (dossiers 166-2-19584 et 19585); Nutter and Wallace (dossiers 166-2-8709 et 8710); Swinimer (dossier 166-2-20756); McNamara (dossier 166-2-18291); Krawiec (dossier 166-2-17822); MacCullough (dossiers (dossiers 149-2-105 et 166-2-21667); (dossier 166-2-19519); Marsh (dossier 166-2-16486); Roy (dossier 166-2-15176); et Blouin (dossier 166-2-12632).

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(dossier 166-2-13966); Morrison 166-2-22839 et 22840); Gros-Louis Edison (dossier 166-2-19659); Roy

Décision Page 22 Motifs de la décision Le congédiement découle d’un incident déterminant, en l’occurrence le fait d'avoir fumé dans une salle réservée aux non-fumeurs et d'avoir consommé de l’alcool durant les heures de travail. Étant donné que le fonctionnaire a admis les deux incidents, il n’est pas nécessaire que j’établisse s'ils se sont effectivement produits. De plus, le fonctionnaire reconnaît être au courant des politiques et directives interdisant l'usage du tabac ainsi que de la directive interdisant la consommation d’alcool pendant les heures de travail.

Le représentant du fonctionnaire a soutenu que l’incident de la cigarette devrait donner lieu, au pire, à une simple amende et, vu qu’il y avait absence d’intention pour ce qui est de la consommation d’alcool, cet incident ne devrait pas entraîner l’imposition d’une peine. Subsidiairement, on m'a cité de nombreuses décisions d’arbitrage des infractions mettant en cause la consommation d'alcool avaient donné lieu à l’imposition d’une sanction disciplinaire minimale, et on m'a exhorté à adopter la même ligne de conduite.

Respectueusement, je ne puis tout simplement pas souscrire à la suggestion d’imposer une suspension minimale en l’occurrence. Les faits indiquent clairement que l’employeur a invoqué le dossier disciplinaire du fonctionnaire s’estimant lésé et que les deux derniers incidents ont tout simplement été la goutte qui a fait déborder le vase, pour ainsi dire.

Dans l'affaire Re Culinar Foods Inc. and American Federation of Grain Millers, Local 242, (1995), 48 L.A.C. (4th), l’arbitre Brandt a écrit, page 106 : [Traduction] Dans des cas comme celui-ci, l’incident déterminant est en soi relativement peu important, la sanction disciplinaire semble toujours trop sévère étant donné qu’il semble, à première vue, que le fonctionnaire a été congédié parce qu’il est arrivé 35 minutes en retard!!! C'est parce que l’incident déterminant est examiné hors contexte. Il est préférable de dire que le fonctionnaire a été congédié parce qu’il en est au dernier stade des mesures disciplinaires progressives qui n'ont eu de cesse de laisser entrevoir l’éventualité d'un congédiement et qui la suite du dernier incident qui s’est produit en août) ont clairement indiqué que

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Décision Page 23 la prochaine infraction « entraînera la cessation de votre emploi ». De plus, il y a lieu de souligner que le fonctionnaire a atteint ce dernier stade des mesures disciplinaires progressives en relativement peu de temps. La mesure de temporisation de la convention collective est de courte durée et offre aux employés une possibilité relativement simple de se blanchir. Dans ce contexte, il est approprié d'étudier attentivement le dossier d’un employé qui a, au cours d’une aussi courte période, atteint le stade du licenciement.

La situation sur laquelle a été appelé à se prononcer l’abrite Brandt ne diffère pas énormément de celle dont je suis saisi.

Le 10 mai 1994, M. Anten a reçu une lettre de licenciement, laquelle, avec d'autres suspensions, a fait l’objet d’une décision arbitrale du commissaire Turner (supra). En novembre 1994, M. Anten a été réintégré afin de lui donner ce que l’on pourrait décrire comme une dernière chance de modifier un comportement inacceptable.

Le 10 novembre 1995, le fonctionnaire a été suspendu pendant quelque trois mois et demi. Initialement, on avait recommandé le congédiement, mais M. Anten a bénéficié, comme l’a dit l’avocate de l’employeur, d’une deuxième « dernière chance » pour modifier son comportement.

Le fonctionnaire est rentré au travail le 4 mars 1996 et quelqu’un l’a vu, deux heures seulement après le début du quart, en train de fumer et de regarder la télévision dans une salle réservée aux non-fumeurs! Il est tout à fait raisonnable de s’attendre, après deux « dernières chances », que M. Anten se comporte de façon irréprochable. Malheureusement, cela n’a pas été le cas étant donné que des incidents justifiant l’imposition d’une sanction disciplinaire se sont produits le 1 de son retour.

Le représentant du fonctionnaire m’a exhorté à utiliser mon pouvoir discrétionnaire et à appliquer une peine moins sévère. En prenant ma décision à ce sujet, j’ai examiné les facteurs atténuants établis par la jurisprudence et décrits dans Culinar Foods (supra), page 107, l’on peut lire ce qui suit : [Traduction] La jurisprudence a établi un certain nombre de facteurs à l’intention des arbitres appelés à déterminer s'ils

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er et le 3 e jour

Décision Page 24 doivent ou non exercer leur pouvoir discrétionnaire et remplacer un licenciement par une autre peine. Ces facteurs sont le dossier du fonctionnaire s’estimant lésé, ses états de service, si l’infraction est un incident isolé, si le fonctionnaire a été provoqué ou s’il a commis l’infraction de façon irréfléchie à la suite d’une aberration momentanée, s’il a agi de façon préméditée ou non intentionnelle, si la peine a causé des difficultés économiques particulières, si le fonctionnaire a été victime de discrimination dans l’application des règles de la compagnie, si l’infraction était grave compte tenu de la politique de la compagnie et des obligations et, enfin, s’il y a d’autres circonstances (telles que des excuses ou un engagement futur) qui devraient être prises en considération : voir Re U.S.W.A., Loc 3257 and Steel Equipement Co. (1964), 14 L.A.C. 356 (Reville).

Je conclus qu’il n’y a pas lieu de modifier la peine. Il suffit d’examiner le dossier disciplinaire du fonctionnaire pour constater que l’employeur a imposé à M. Anten des mesures disciplinaires progressives dans l’espoir de l’amener à modifier son comportement. Malheureusement, M. Anten a fait son propre malheur. Le dossier indique ce qui suit : 1) juin 1992 : suspension d’une journée maintenue à l’arbitrage

2) novembre 1992 : suspension de cinq jours grief retiré

3) juin 1993 : suspension de dix jours maintenue à l’arbitrage

4) septembre 1993 : suspension de vingt jours maintenue à l’arbitrage

5) mai 1994 : licenciement ramené à une suspension de dix mois à l’arbitrage

6) novembre 1995 : suspension de trois mois et demi - ramenée à une suspension d’un mois

7) mars 1996 : licenciement Le plus déconcertant ici c’est le fait que le licenciement est fondé, en partie, sur la consommation d’alcool pendant les heures de travail, une situation qui s’était

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Décision Page 25 également produite en novembre 1992 et qui avait donné lieu à une suspension de cinq jours. M. Anten semble croire que l’incident dont il est question ici est différent de la dernière infraction du fait qu’il n’a pas payé pour la bière que lui a offert le sgt é-m Low. Je ne fais pas de distinction entre payer pour une boisson alcoolique ou la recevoir gratuitement si la politique ou la pratique interdit la consommation d'alcool durant les heures de travail. M. Anten n’a pas nié que cela s’était produit, pas plus qu’il a nié connaître la politique. Il a pris une chance et il s’est fait prendre.

Le représentant du fonctionnaire m’a demandé de réintégrer le fonctionnaire à certaines conditions. En rejetant cette possibilité, je n’oublie pas la décision de l’arbitre et celle de la Cour divisionnaire dans U.S.W.A. Local 12998 v. Liquid Carbonic Inc. (1996), 29 O.R. (3d) 468, l’arbitre a déclaré : [Traduction] [...] La réintégration moyennant certaines conditions présuppose et, en fait, nécessite davantage d'attentes raisonnables que l’employé réintégré voudra changer de comportement et d’attitude et sera capable de le faire pour poursuivre la relation d’emploi sans que se produisent les problèmes de comportement qui ont nui à la relation par le passé. Autrement, la réintégration moyennant certaines conditions est généralement considérée comme une mesure inutile qui entraîne d’autres problèmes, lesquels mèneront inévitablement au congédiement et à l’arbitrage. [...]

Cette conclusion s’applique à la situation de M. Anten également. Comme l’a fait remarquer l’avocate de l’employeur, il n’y a pas eu de preuve indiquant que M. Anten a demandé l'aide du Programme d’aide aux employés à quelque moment par le passé en dépit du fait qu’il aurait pu le faire de son propre chef. En d’autres termes, le programme ne lui a jamais été refusé; c'est plutôt qu'il n’y a tout simplement jamais eu recours. Je ne suis pas convaincu que la réintégration moyennant certaines conditions réglera le problème du non-respect continu, par M. Anten, des politiques et des directives de la direction.

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Décision Page 26 En bout de ligne, je ne vois aucune raison de modifier la décision de l’employeur, et le grief de M. Anten est rejeté.

Joseph W. Potter, commissaire

OTTAWA, 7 novembre 1997. Traduction certifiée conforme

Ginette Côté

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