Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Temps supplémentaire - Répartition équitable - Agents de correction - Convention collective du Groupe CX - L'employeur est-il justifié de considérer le niveau de classification d'un employé avant de lui offrir du temps supplémentaire - le fonctionnaire s'estimant lésé, un agent de correction, a présenté un grief à l'encontre de la pratique de l'employeur d'offrir le temps supplémentaire, d'abord aux employés nommés à des postes du niveau de celui à combler, et ensuite aux employés nommés à des postes de niveau inférieur - l'employeur a admis que, sur une période d'un an, 49 agents de correction de niveau CX-2 s'étaient partagé 9 457,25 heures supplémentaires, alors que 71 agents de correction de niveau CX-1 s'en sont partagé 7 644,75 - le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que les agents de correction de niveau CX-1 sont qualifiés pour combler les postes d'agent de correction de niveau CX-2 de façon temporaire et que l'employeur l'admet - l'employeur a répondu que, bien que les agents de correction CX-1 soient qualifiés pour combler des postes d'agent de correction de niveau CX-2 de façon temporaire, il n'en demeure pas moins qu'ils ne peuvent pas accomplir toutes les tâches d'un agent de correction de niveau CX-2 - l'employeur a ajouté que sa pratique pour l'attribution du temps supplémentaire résulte d'une entente, vieille de 20 ans, avec l'agent négociateur - l'employeur a soutenu qu'il avait besoin de flexibilité dans la distribution du temps supplémentaire - l'arbitre a conclu que les agents de correction de niveau CX-1 sont qualifiés pour combler les postes d'agent de correction de niveau CX-2 de façon temporaire - il a aussi conclu que la pratique de l'employeur pour l'attribution du temps supplémentaire était inéquitable - l'arbitre a invité l'employeur et l'agent négociateur à négocier de nouvelles modalités de répartition du temps supplémentaire. Grief admis. Décisions citées :Johnston et al. (166-2-17488); Sumanik (166-2-395); Bretzel et al. (166-2-10385 à 166-2-10387); Conrad (166-2-13056); Leighton (166-2-17211).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28007 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE ROLLAND LAGACÉ fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant : Guy Giguère, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Robert Morissette, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Stéphane Arcelin, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec), le 29 septembre 1998.

Décision DÉCISION Page 1 Le 20 mars 1996, M. Rolland Lagacé, un agent de correction CX-1 (aussi désigné comme AC I) de Service correctionnel Canada travaillant à l’Établissement Archambault, déposait le grief suivant : Je dépose ce grief car l’employeur ne fait pas tout effort raisonnable pour répartir le temps supplémentaire de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s.

ref : article 21;11 groupe cx Par ce grief, il demandait en fait comme mesure corrective une déclaration à l’effet que l’employeur ne respecte pas la clause 21.11 a) de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Codes : 601/89, 651/89). La clause se lit comme suit : 21.11 Répartition des heures supplémentaires Sous réserve des nécessités du service, l'employeur fait tout effort raisonnable pour

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles;

Le 7 mai 1996, M. Ferno Truchon, Gérant de l’unité à l’Établissement Archambault, rejetait le grief au premier palier de la procédure des griefs, pour les motifs suivants : [...] j’estime qu’opérationnellement il est plus efficace de s’en tenir aux politiques actuelles. Ces politiques, consignées dans l’ordre permanent 065-1, assure une répartition des heures supplémentaires sur une base équitable.

[...] Au deuxième palier de la procédure des griefs, le grief était aussi rejeté, et, dans sa lettre du 3 septembre 1996, M. Jean-Claude Perron, Sous-commissaire, Région du Québec, Service correctionnel Canada, indiquait que : [...] L’utilisation actuelle des listes de disponibilité pour les AC-I et les AC-II fait suite à une entente de longue date entre l’employeur et votre syndicat et elle permet de répartir le temps supplémentaire de façon équitable parmi les employés

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Décision Page 2 qualifiés et facilement disponibles et ce, conformément à votre convention collective. Je vous souligne qu’une nouvelle procédure de rappel en temps supplémentaire pourrait être mise en application pour les AC-I et les AC-II à la condition de respecter la convention collective. Je vous invite à discuter s’il y a lieu avec votre syndicat et avec la gestion locale afin d’étudier les possibilités d’appliquer une nouvelle procédure qui conviendrait aux deux parties.

[...] Finalement, le 18 juillet 1997, le grief était rejeté au dernier palier de la procédure des griefs par M. John Rama, Commissaire adjoint, Personnel et formation, Service correctionnel Canada, en ces termes : [...] Pour ce qui est de la répartition du temps supplémentaire entre les AC-I et les AC-II, la pratique locale en vigueur depuis plusieurs années respecte le principe d’équitabilité [sic], tout en tenant compte des nécessités du service.

[...] Le 29 août 1997, le grief était renvoyé à l’arbitrage. Dès le début de l’audience, les représentants des parties se sont entendus pour dire que le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire s’estimant lésé. L'exclusion des témoins a été demandée et accordée.

Par ailleurs, il faut noter que les témoignages et les pièces réfèrent à deux classifications : les CX et les AC. Ces deux désignations s’appliquent aux mêmes postes. En conséquence, dans cette décision, on doit considérer comme synonymes CX-1 et AC-1; CX-2 et AC-2; et CX-3 et AC-3.

Les faits non contestés Voici, en résumé, la façon dont les heures de travail supplémentaires sont réparties à l’Établissement Archambault. Ces faits, dans l’ensemble, n’étaient pas contestés et sont ressortis des témoignages de M. Lagacé et de M. Richard Sauvageau, CX-3, Surveillant, opérations correctionnelles à l'Établissement Archambault.

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Décision Page 3 La façon de répartir les heures supplémentaires à l’Établissement Archambault se retrouve à l’« Ordre permanent - Temps supplémentaire - Groupe correctionnel » daté du 92-11-12, qui a été déposé comme pièce G-4.

À la lecture de l’Ordre permanent, on constate qu’un minimum opérationnel doit être assuré en premier lieu avant d'engager des gens en temps supplémentaire. Son article 13 précise que : 13. Il est de la responsabilité du surveillant opérations correctionnelles en charge au bureau opérationnel, d'autoriser le temps supplémentaire en établissement. Par contre, celui-ci devra, dans un premier temps, assurer le minimum opérationnel s'il y a lieu avant d'engager en temps supplémentaire.

Pour illustrer ceci, M. Sauvageau a donné l'exemple d’un matin il manquerait trois CX-1 et deux CX-2. Ce qu'il ferait serait de prendre deux CX-1 avec suffisamment d’expérience, qui viennent de se présenter pour leur quart de travail, et de les affecter pour la journée comme CX-2 et d'engager cinq agents à temps partiel qui iraient combler les trois postes de CX-1 qui ne sont pas couverts et le poste des deux CX-1 qui ont été déplacés pour remplacer les CX-2, afin d'assurer le minimum opérationnel avant d'accorder du temps supplémentaire.

Aussi, M. Lagacé a témoigné qu’il arrive qu'il se présente à l'Établissement pour son quart de travail et qu’on lui dise qu'il remplace un CX-2 pour la journée. À ce moment, il est nommé CX-2 à titre intérimaire pour la journée et payé au tarif régulier de CX-2. Par contre, son poste de CX-1 est comblé par un agent à temps partiel, s'il y a un besoin, à moins qu’il n'y ait un CX-1 pour le remplacer. Les talons de chèque de M. Lagacé pour le mois d'août 1998 (pièce E-3) ont été déposés et, à titre intérimaire CX-2 pour une période de huit heures, son revenu brut additionnel est de 7,28 $ par journée.

Deuxièmement, le minimum opérationnel étant assuré, la répartition du temps supplémentaire se fait par l’établissement de deux listes distinctes d’employés disponibles; une liste pour les CX-1, et l’autre pour les CX-2. Ces listes ne sont valides que pour une période d'un mois. L’article 20 a), paragraphe 1, de l’Ordre permanent, mentionne que :

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Décision Page 4 20 a) Personnel CX - Postes de sécurité et unités: les agents étant du groupe et du niveau du poste à combler au moment du besoin ont priorité.

[...] [Emphase dans l’original] Troisièmement, l’employé est appelé selon son rang sur la liste des CX-1 ou CX-2; la priorité va aux employés dont la rémunération horaire est la moins élevée, soit le temps et demi et, ensuite, le temps double. Il est indiqué à l’article 25 de l'Ordre permanent : 25. Les employés dont le taux de rémunération est moins élevé et dont le nom apparaîtra en premier sur la liste, ont priorité c'est-à-dire pour tout rappel au travail, pour un besoin de personnel, un employé à temps et demi sera considéré en premier et [sic] après [sic] les employés à temps double, le tout en tenant compte des priorités par groupe.

[Emphase dans l’original] Si l’employé refuse, parce qu'il n'est pas disponible pour cette journée, ou si l’appel est sans réponse, son refus n'est pas documenté et il demeure au même rang pour la prochaine offre de temps supplémentaire.

Dernièrement, après avoir épuisé la liste des CX-1 ou CX-2, selon le cas, les employés d’un autre niveau pourront être rappelés.

L’article 20 a), paragraphes 4 et 5, de l’Ordre permanent spécifie l’ordre de priorité à suivre : Au deuxième rang, les agents de même groupe et de niveau inférieur.

Au troisième rang, les agents du même groupe et de niveau supérieur.

La preuve n’est pas à l’effet qu’il a été effectivement nécessaire de se servir des listes des autres niveaux, mais M. Sauvageau a expliqué que, s’il n’y avait plus personne de disponible dans la liste des CX-2, à temps et demi ni à temps double, la liste des CX-1 serait utilisée et, s’il n’y avait pas de CX-1 de disponible, on utiliserait la liste des CX-3.

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Décision Page 5 À la connaissance des témoins, tous les établissements de Service correctionnel Canada au Québec, sauf un, fonctionnaient sur la base de deux listes de temps supplémentaire. Le seul établissement qui ne fonctionne pas ainsi est l'Établissement Leclerc, il n’existe qu’une seule liste pour les CX-1 et les CX-2 et le temps supplémentaire est réparti également entre eux.

L'Ordre permanent a fait l'objet de consultations avec l’agent négociateur et, d'ailleurs, a été révisé en 1992, suite à la demande de ce dernier. En contre-interrogatoire, M. Lagacé a reconnu qu'il y avait, depuis 20 ans, « une entente sur le balancement des cédules avec le syndicat », mais, d'après lui, elle aurait être rajustée pour tenir compte des agents de correction à temps partiel. Il a témoigné qu’il y avait eu un vote syndical sur l’utilisation de deux listes distinctes d’employés disponibles pour le temps supplémentaire, mais qu’il contestait la légitimité de ce vote, car il n'y avait pas assez de membres présents lors du vote. D’autre part, M. Sauvageau a indiqué que, lorsque la gestion désire introduire de nouvelles procédures administratives, elle essaie toujours de conclure une entente avec l’agent négociateur, mais, en cas de désaccord, c'est elle qui tranche.

Les faits contestés les parties ne sont pas d’accord est à savoir si le temps supplémentaire est réparti de façon équitable, en ayant recours à deux listes distinctes pour les CX-1 et les CX-2. Voici, brièvement, un résumé des témoignages sur ce point.

M. Lagacé a témoigné que, lors de son grief, il travaillait au pavillon Ste-Anne des Plaines de l’Établissement Archambault. Il était disponible pour faire du temps supplémentaire sur tous les quarts de travail. Il a admis qu’il considérait équitable la répartition à l'intérieur du niveau AC-1 mais, le fait qu'il existe deux listes posait un problème. Selon M. Lagacé, tous les AC-1 sont qualifiés pour exercer les fonctions de AC-2 et c'est pour ça qu’ils sont régulièrement appelés à agir comme AC-2 à titre intérimaire. Cependant, un AC-1 ne peut pas faire de temps supplémentaire comme AC-2, car son nom n’apparaît que sous la liste des AC-1.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé en preuve un document intitulé « Temps supplémentaire - Établissement Archambault - Avril 1995 à mars 1996 » (pièce E-4). M. Lagacé a témoigné que ce tableau a été préparé par l’employeur et qu’il

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Décision Page 6 est signé par la secrétaire de l’administration. D’après ce tableau, un total de 7 644,75 heures pour les AC-1 et de 9 457,25 heures pour les AC-2 ont été travaillées en temps supplémentaire pour cette période. Comme il y avait, en janvier 1996, 71 AC-1 et 49 AC-2, cela donne une moyenne, d'avril 1995 à mars 1996, pour les AC-1, de 107,67 heures par personne et, pour les AC-2, de 193 heures par personne. M. Lagacé a calculé que, s’il n’y avait eu qu’une seule liste, chaque employé aurait pu effectuer une moyenne de 142,51 heures de temps supplémentaire.

Selon M. Lagacé, la mesure corrective appropriée serait l’utilisation d’une seule et unique liste, comme c’est la pratique à l'Établissement Leclerc, ou une autre mesure, pour que la répartition du temps supplémentaire devienne égale. En contre-interrogatoire, M. Lagacé a reconnu qu'il existe une autre liste d’employés disponibles pour occuper, pour de plus longues périodes, des fonctions de AC-2 sur une base intérimaire. Par contre, il n’est pas intéressé à s'inscrire sur celle-ci : « Ça ne m'intéresse pas à être déporté [sic], mais ça m'arrive et, quand j'ai refusé, on m'a dit que c'était un ordre. »

M. Lagacé a aussi témoigné qu'il considérait les fonctions de AC-2 comme des fonctions plus complexes que celles de AC-1. Lorsqu’il y a une situation de crise ou d’urgence, le AC-2 se retrouve en charge des AC-1, donc il leur est supérieur. Il mentionne aussi qu’il fait un peu de gestion de cas, de façon limitée, et que, règle générale, il ne remplit pas de formulaires.

M. Richard Sauvageau a indiqué que, en tant que Surveillant, opérations correctionnelles, il supervise 25 agents CX-1 et 15 agents CX-2. Il a expliqué l’existence de deux listes de la façon suivante : « On priorise la qualité de travail et l'expertise en faisant deux listes, car le travail de CX-1 et de CX-2 n'est pas le même; une partie du travail de CX-2 est en réinsertion sociale et en gestion de cas, que les CX-1 n'ont pas. » Il y a aussi une formation spéciale que doivent recevoir les CX-2, qui rédigent des rapports mensuels et ont une relation directe avec les détenus caseload »). Les CX-2 participent aussi, à l'occasion, aux audiences de libérations conditionnelles.

M. Sauvageau a expliqué qu’une des différences entre les fonctions des CX-1 et celles des CX-2 est que le CX-1 est un poste de « sécurité statique », plus stationnaire par rapport à celui du CX-2, qui est un poste de sécurité dynamique. Le CX-2 est

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Décision Page 7 appelé à recommander des programmes pour les détenus à l'agent de gestion de cas. Aussi, il y a un lien hiérarchique entre le CX-2 et le CX-1; en situation de crise ou lors d'une situation corsée, on voudra qu’un CX-2 agisse comme responsable. Les pièces G-1 et G-2, qui sont les descriptions de tâches des postes CX-1 et CX-2, sont déposées à l’appui.

M. Sauvageau témoigne au sujet de la pièce G-3, qui est une liste de personnes disponibles pour occuper d'autres postes que le leur à l'Établissement Archambault. Il indique qu’on ne voit sur cette liste que le nom de personnes intéressées à occuper un poste intérimaire comme AC-2. Il ajoute que, l'an passé, aucun employé ne s’y était montré intéressé et qu’on avait recourir aux services d'une employée à temps partiel.

M. Sauvageau affirme aussi qu’« il est important d'avoir des CX-2 dans les postes CX-2; c'est la priorité, pour qu'ils puissent accomplir toutes les tâches du poste; le CX-2 va continuer à faire son travail dans son poste habituel et va être capable de faire la gestion de cas. » À la question de M e Arcelin sur les effets d'une seule liste sur les opérations, M. Sauvageau certifie qu’ils seraient négatifs. En reprenant l'exemple des cinq postes à combler, deux CX-2 et trois CX-1, en ayant une seule liste, on se retrouverait avec des CX-2 qui remplaceraient des CX-1 et des CX-1 qui remplaceraient des CX-2 à cause de l'ordre de priorité. Face à une situation de crise ou une situation corsée, l’expertise d’un CX-2 est nécessaire, il ne serait pas avantageux de procéder ainsi.

Aux questions de M. Morissette sur la situation d'un CX-2 qui remplace un autre CX-2, le témoin affirme que, lors de cette situation, le CX-2 va continuer de s'occuper de son propre groupe de détenus caseload »), et qu’il ne gérera pas le groupe caseload ») de celui qu'il remplace; il pourra cependant faire plus qu’un CX-1. Par exemple, si un détenu se présente avec un problème, le CX-2 va pouvoir l'aider, parce qu’il a les connaissances appropriées. Il peut aussi faire des rapports au registre d'activités qu'il fera parvenir au CX-2 qu'il remplace. Il peut faire du « counselling », il peut régler des conflits en entrevue avec les détenus et il pourra aller voir directement l'agent de libération ou discuter de programmes avec l’agent qu’il remplace, au retour de celui-ci.

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Décision Page 8 Plaidoiries Pour le fonctionnaire s'estimant lésé M. Morissette a d’abord indiqué qu’on doit étudier le grief en relation avec la clause 21.11 a) de la convention collective.

Le débat n'est pas d’établir si, lors d'un concours, le CX-1 pourrait se qualifier comme CX-2 ou si, à long terme, il pourrait se qualifier à titre intérimaire dans un tel poste. Le débat se limite à savoir si, pour une période de quatre ou huit heures, un CX-1 appelé par l'employeur à accomplir des fonctions de CX-2, ou obligé par celui-ci à le faire, est qualifié pour le faire. Il y a eu admission de la part de l'employeur que des CX-1 sont qualifiés pour remplacer des CX-2 pendant quelques heures. La convention collective indique que le travail doit être réparti sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifié-e-s. Par ailleurs, M. Morissette rappelle que l'Ordre permanent, qui a été déposé comme pièce G-4, n'est pas un document négocié : il y a eu des consultations, mais, en bout de piste, c'est l'employeur qui a décidé; il a exercé son droit de gérance.

Comme les pièces E-1, E-4 et E-5 le démontrent, il y a un groupe pool ») de personnes et il y a un nombre d’heures supplémentaires disponibles. On constate qu'il y a une disproportion dans la répartition du temps supplémentaire entre les niveaux CX-1 et CX-2. À l'appui de cette prétention, M. Morissette cite deux décisions de la Commission, la première étant l’affaire Jutras (dossier de la Commission n o 166-2-20534), qui traite de l’Ordre permanent qui a été modifié en 1992 et de la question à savoir si un employé est qualifié pour faire du temps supplémentaire dans un autre groupe que le sien. L'autre étant l’affaire Leighton (dossier de la Commission n o 166-2-17211), qui a été décidée par le président suppléant P. Chodos, tel qu’il était à l’époque. M. Morissette cite particulièrement les pages 13 et 14 de cette décision : [...] La question en litige ici est de savoir si l'employeur, dans l'exercice de cette prérogative, a le droit de refuser d'assigner ce travail à un employé, visé par la convention collective du groupe PI, du seul fait de son niveau de classification élevé, nonobstant l'obligation qui lui incombe en vertu de la clause 21.14a) de la convention de répartir équitablement les heures supplémentaires entre "les employés qualifiés immédiatement disponibles".

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Décision Page 9 À mon avis, en refusant d'assigner ce travail supplémentaire à l'employé s'estimant lésé, l'employeur se trouve à violer la disposition susmentionnée. Tel que l'a fait remarquer l'avocate de M. Leighton, la clause 21.14 ne prévoit aucune restriction quant au genre d'employé membre de l'unité de négociation qui a le droit de se voir attribuer des heures supplémentaires, si ce n'est qu'il doit être immédiatement disponible et qualifié. Cette disposition ne dit absolument rien de considérations telles que la classification et le coût; par conséquent, ces facteurs ne sauraient entrer en ligne de compte dans l'obligation qui est faite à l'employeur de répartir équitablement les heures supplémentaires. [...]

M. Morissette conclut en disant que l'employeur a fait des efforts raisonnables pour répartir le temps supplémentaire de façon équitable, mais, à la fin d'une période raisonnable, qui doit être déterminée par la Commission, cette répartition se doit d'être équitable pour tous les employés, ce qui n'est pas le cas ici. La pièce E-5 porte sur une période de 12 mois. La période aurait pu être moindre, comme trois mois, mais le principe demeure. La liste n'est peut-être pas la seule solution, il existe peut-être une autre façon de faire la répartition de façon équitable. Par ailleurs, on devrait considérer l’absence de réponse d’un employé à une offre de temps supplémentaire comme un refus et la documenter comme tel, sinon les personnes absentes ou qui refusent se retrouveraient, comme c’est le cas présentement, toujours au début de la liste.

Pour l'employeur M e Arcelin a débuté en disant que le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire s'estimant lésé, qui n’y a pas satisfait. Le fait de produire une liste de volontaires disponibles, comme la pièce E-2, et un tableau des heures de temps supplémentaire, comme les pièces E-4 et E-5, ne prouve pas qu'il y a eu une répartition inéquitable du temps supplémentaire. À cet égard, dans sa décision dans l'affaire Halabecki (dossier de la Commission n o 166-2-28423), le commissaire Potter, tel qu’il était à l’époque, précise ce qui suit à la page 8 : Des preuves ont été produites au sujet du nombre total d'heures supplémentaires effectuées par tous les PI-04 depuis quatre ans (pièce E-6) et par tous les PI-01, PI-03 et PI-04 en 1997 (pièce E-7). Toutefois, le fait qu'au cours d'une année donnée un employé de niveau PI-04 a effectué moins d'heures supplémentaires que d'autres PI-04 ne permet pas en soi de conclure qu'il y a eu violation de la clause 21.14 a).

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Décision Page 10 Je souscris à l'argument de M e Lindey selon lequel il est impossible de tirer une conclusion définitive à partir des listes puisqu'elles n'indiquent pas le nombre de fois un employé a effectué des heures supplémentaires parce que son nom y figurait. Les deux parties ont convenu que certains silos céréaliers étaient plus occupés que d'autres et que les heures supplémentaires indiquées dans les deux pièces ci-dessus pouvaient simplement être le fait d'un silo céréalier très occupé les heures supplémentaires ont été effectuées à l'« interne ».

Plus particulièrement, la pièce E-2 est une liste de tous les employés AC-1 et AC-2. Les employés sont appelés pour savoir s'ils sont disponibles; s'il n'y a pas de réponse on passe au suivant. Tous les employés sont inscrits sur cette liste. C'est un document de travail. L’employeur ne conteste pas les chiffres de temps supplémentaire que l’on retrouve à la pièce E-5, mais l’information est fragmentaire et la preuve que présente M. Morissette est donc incomplète.

Il y a répartition équitable du temps supplémentaire parmi les employés qualifiés. M. Lagacé a d’ailleurs témoigné sur une entente entre l’employeur et l’agent négociateur sur l'existence de deux listes, qui remonte à 20 ans.

Le raisonnement de M. Lagacé ne tient pas. D’un coté, il n'inscrit pas son nom sur la liste des employés intéressés à occuper des postes CX-2 de façon intérimaire parce qu’il n'aime pas être déplacé. De l’autre, il aimerait faire du temps supplémentaire dans un poste CX-2.

La clause 21.11 a) de la convention collective (pièce G-5) parle d’employés « qualifiés » et « disponibles » et, comme on l'a vu aux pièces G-1 et G-2, la description de tâches est bien différente pour les postes CX-1 et CX-2. Le fait qu'un employé soit affecté à un poste CX-2 de façon intérimaire pour une journée ne veut pas dire qu’il est qualifié pour faire toutes les tâches d'un CX-2. Il est clair que les CX-1, lorsqu’ils occupent un poste CX-2 de façon intérimaire pour la journée, exercent certaines tâches de CX-2. M e Arcelin est d'accord avec M. Morissette sur ce point, mais, d’après lui, il s’agit uniquement des tâches de « sécurité statique » de CX-2. L’employeur s’attend, par contre, qu’un CX-2 qui remplace, en temps supplémentaire, un autre CX-2 accomplisse plus de tâches qu’uniquement les tâches de « sécurité statique ».

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Décision Page 11 Enfin, dans la mesure il n'y aurait qu'une seule liste, les mains de la gestion seraient liées et elle aurait moins de latitude pour traiter ses priorités.

Motifs Par son grief, M. Lagacé soumet que le système mis en place par l’employeur pour répartir les heures supplémentaires entre les employés ne respecte pas les termes de la convention collective.

Pour y répondre, je dois déterminer, premièrement, si un CX-1 est un employé qualifié, au sens de la clause 21.11 a) de la convention collective, pour remplacer en temps supplémentaire un CX-2. C’est d’ailleurs sur ce point que porte l’essentiel de l’argument du représentant de M. Lagacé.

La preuve est à l’effet que, de façon régulière, les CX-1 remplacent à titre intérimaire des CX-2 afin d’assurer un minimum opérationnel. Avant d’appeler des employés à faire du temps supplémentaire, le surveillant responsable des opérations correctionnelles sélectionne, parmi les CX-1 présents, ceux qu’il juge suffisamment expérimentés pour remplacer de façon intérimaire les CX-2 absents. Ainsi, M. Lagacé se retrouve fréquemment parmi les CX-1 sélectionnés. Lorsqu’il remplace de façon intérimaire un CX-2, il n’accomplit pas toutes les tâches d’un CX-2, mais il peut en exécuter certaines. Cela revient à dire que M. Lagacé est qualifié pour remplacer, pendant une courte période, des CX-2. Faut-il distinguer, comme le soumet l’employeur, entre le remplacement comme intérimaire et le remplacement en temps supplémentaire?

L’arbitre R. Young dans Johnston (dossiers de la Commission n os 166-2-17488 à 17490) indique, au contraire, que l’on ne doit pas faire une telle distinction : Lorsqu’on demande à des employés tels que les employés s’estimant lésés de travailler au sein d’une unité particulière sur une base quotidienne par suite du manque de personnel ou d’une surcharge de travail, il est difficile de comprendre pourquoi ceux-ci doivent être considérés comme n’étant plus capables d’aider simplement parce que le travail doit être effectué en dehors des heures régulières de travail. Si un employé est capable ou suffisamment “qualifié” pour travailler pendant la journée, il est à coup sûr tout aussi capable ou “qualifié” pour accomplir ces tâches pendant la soirée.

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Décision Page 12 Par ailleurs, il a été admis par l’employeur que, à l’Établissement Leclerc, il n’y a pas de telle distinction et qu’une seule liste est utilisée pour les CX-1 et CX-2. Ce qui veut dire que, dans cet établissement, l’employeur considère que les CX-1 sont qualifiés pour remplacer en temps supplémentaire les CX-2.

Selon l’article 20 a), paragraphes 4 et 5, de l’Ordre permanent, après avoir épuisé la liste des CX-2 disponibles, la liste des CX-1 disponibles sera utilisée, puis, s’il manque toujours du personnel disponible pour faire du temps supplémentaire, la liste des CX-3 sera employée. Dans l’Ordre permanent, l’employeur reconnaît implicitement que les CX-1 sont qualifiés pour remplacer en temps supplémentaire les CX-2.

J’estime donc bien fondé l’argument de M. Morrissette que les CX-1 sont qualifiés pour remplacer en temps supplémentaire les CX-2. Mais, après avoir déterminé que les CX-1 sont qualifiés, il me faut établir si le système mis en place pour répartir le temps supplémentaire, en utilisant des listes distinctes pour les CX-1 et les CX-2, est équitable.

Les propos de l’arbitre en chef E.B. Jolliffe dans l’affaire Sumanik (dossier de la Commission n o 166-2-395) (page 18) nous guident ici : Ce qui peut être équitable n’est pas nécessairement égal. Toutefois, les heures supplémentaires devraient être réparties équitablement dans ce sens que sur une période de 28 jours il n’y aurait pas de différences très marquée entre le nombre d’heures faites par chacun des employés, respectivement. Sur une période d’une année, les totaux devraient être approximativement égaux [...]

À première vue, la pièce E-4, qui est un tableau du temps supplémentaire fait à l’Établissement Archambault d’avril 1995 à mars 1996, nous démontre qu’il y a répartition inégale du temps supplémentaire. On y constate que, pour une période d’un an, 49 CX-2 ont travaillé 9 457,25 heures en temps supplémentaire, contre 7 644,75 heures pour les 71 CX-1. L’avocat de l’employeur ne conteste pas ces chiffres, mais plaide que cette preuve est incomplète. Cependant, le grief de M. Lagacé porte sur la validité du système mis en place pour répartir le temps supplémentaire. Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis que la preuve est complète puisqu’elle démontre que le système des listes distinctes ne répartit pas de façon équitable le temps supplémentaire entre tous les employés du groupe CX. Il n’est donc pas nécessaire

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Décision Page 13 dans ce cas d’examiner le nombre de fois les CX-1, les CX-2 et M. Lagacé ont effectué des heures supplémentaires parce que leurs noms figuraient sur la liste des volontaires disponibles.

L’article 20 a), paragraphe 1, de l’Ordre permanent, en fait, accorde une priorité de temps supplémentaire aux agents du groupe et du niveau du poste à combler au moment du besoin. En d’autres mots, lorsqu’on doit remplacer en temps supplémentaire un CX-2, la liste des CX-2 est d’abord utilisée. Hors, la clause 21.11 a) de la convention collective ne prévoit aucune restriction si ce n’est que l’employé doit être qualifié et disponible. Cette clause ne spécifie pas que l’employé doit être du même niveau que le poste dans lequel il peut faire du temps supplémentaire. Une analyse de la jurisprudence arbitrale, en particulier des décisions de la Commission dans les affaires Bretzel (dossiers de la Commission n os 166-2-10385 à 10387), Conrad (dossier de la Commission n o 166-2-13056) et Leighton (supra) m’amène à conclure que le niveau de poste de l’employé, CX-1, CX-2 ou CX-3, ne devrait pas entrer en ligne de compte dans l’obligation de l’employeur de répartir équitablement le temps supplémentaire.

En conséquence, je fais droit au grief de M. Lagacé : les CX-1 étant qualifiés pour effectuer des heures supplémentaires dans des postes CX-2, j’estime que l’employeur, par son système de listes distinctes pour les CX-1 et les CX-2, ne respecte pas les termes de la clause 21.11 a) de la convention collective.

J’inviterais les parties à se rencontrer pour discuter de nouvelles modalités de répartition du temps supplémentaire. J’interprète dans ce sens la lettre du 3 septembre 1996 de M. Jean-Claude Perron invitant M. Lagacé à discuter, s’il y a lieu, avec son agent négociateur et la gestion locale, d'une nouvelle procédure.

Cela pourrait être l'occasion d'examiner plus à fond la procédure de l'Établissement Leclerc, qui n’utilise qu’une seule liste. Cela n’a pas été plaidé et les parties pourraient aussi analyser la portée de l’expression « sous réserve des nécessités de service » de la clause 21.11 a) de la convention collective dans son contexte. Il est louable que, dans le passé, l’agent négociateur et l’employeur aient réussi à s’entendre sur la répartition du temps supplémentaire. Je ne veux pas, par ma

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Décision Page 14 décision, porter ombrage à ce climat de bonnes relations et j’espère qu’ils parviendront à trouver à nouveau un terrain d’entente.

Guy Giguère, commissaire

OTTAWA, le 22 février 1999

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