Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (15 jours) - Insubordination - Redressement - au cours d'une période de trois semaines le fonctionnaire a critiqué certains gestionnaires et leur a manqué de respect dans les commentaires écrits qu'il a envoyés à divers employés - comme c'était la deuxième fois qu'il agissait de la sorte en moins de 24 mois, l'employeur lui a imposé une suspension de 20 jours - toutefois, au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a ramené la suspension à 15 jours parce que le fonctionnaire avait fait des efforts importants pour régler le problème en consultant un professionnel du counseling pour l'aider à mieux maîtriser sa colère - même si le fonctionnaire s'était mal conduit et que l'imposition d'une mesure disciplinaire était justifiée, l'arbitre a conclu que la sanction était trop sévère dans les circonstances et l'a ramenée à une suspension de 10 jours - en arrivant à cette conclusion, l'arbitre a tenu compte des 31 ans de service du fonctionnaire, du fait qu'il était un travailleur productif et qu'il traversait une période de stress dans sa vie personnelle. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-27968 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE J. HARVEY MacLEAN fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada Douanes, Accise et Impôt)

employeur

Devant : Donald MacLean, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Yvette Michaud, avocate, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Harvey J. Newman, avocat Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 juin 1998

Décision DÉCISION Page 1 Il s’agit ici d’un grief que M. Harvey MacLean a présenté pour contester sa suspension en juin 1996. L’employeur a au départ imposé une suspension de 20 jours à M. MacLean. Au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, il a ramené la suspension à 15 jours.

M. MacLean est un vérificateur des dossiers d’entreprise (AU-2) à Revenu Canada, à Halifax (Nouvelle-Écosse). Ses tâches principales ont trait aux vérifications fiscales effectuées auprès des petites et moyennes entreprises. Son superviseur et coordonnateur d’équipe est M. Herb Minard. À l’époque les incidents ont eu lieu, M. MacLean exerçait en outre à titre intérimaire les fonctions de vérificateur des dossiers de base (AU-3). Pour ses fonctions intérimaires, il relevait de M. Angus MacGillvary.

Une lettre datée du 28 juin 1996 que lui a adressée son gestionnaire, M. James McNeely, directeur adjoint de la Vérification et de l’application de la loi pour le Ministère à Halifax, présente le contexte de l’affaire. Voici la teneur de cette lettre adressée à M. MacLean (pièce 1) :

[Traduction] Au cours de la période du 22 mars au 10 avril 1996 vous vous êtes comporté d’une manière telle que vos actions ont perturbé considérablement le milieu de travail. Plus particulièrement, vos commentaires écrits concernant des gestionnaires ont porté atteinte de manière fondamentale et flagrante au respect de l’autorité et de la conduite au travail qui sont les fondements de la relation employeur-employé. De plus, certaines de vos actions comportaient une menace à la sécurité personnelle d’un certain nombre d’employés ou attaquaient leur compétence personnelle. C’est la deuxième fois en moins de 24 mois que vous manifestez un tel comportement. Vous savez que ce genre de conduite est totalement inacceptable à Revenu Canada puisqu’on vous a déjà informé officiellement des normes ministérielles.

[...] Si vous continuez de vous comporter de cette façon vous risquez de subir des mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller jusqu’au congédiement. [...]

Dans sa réponse au grief au troisième palier, M. Daniel Tucker, sous-ministre adjoint, Opérations régionales, Atlantique, a écrit notamment ce qui suit le 15 avril 1997 (pièce 4) :

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Décision Page 2 [Traduction] [...] Lorsque, le 30 mai 1996, le Ministère a reçu de Santé Canada la confirmation de votre aptitude au travail, le Ministère a en outre fait préciser par Santé Canada que votre comportement au travail n’était attribuable à aucun trouble de santé. Les renseignements récents fournis par votre médecin ont aussi été communiqués à Santé Canada, qui a une fois de plus confirmé qu’un rapport détaillé d’un spécialiste avait établi, en mai 1996, que vous étiez apte à travailler à ce moment-là.

Après avoir déterminé que votre comportement au travail n’était pas hors de votre volonté, la direction a jugé qu’une sanction disciplinaire était à la fois appropriée et justifiée.

Cela étant dit, je sais que vous avez fait des efforts importants pour faire face à cette situation en consultant un professionnel du counseling, qui a pu vous aider notamment à mieux maîtriser votre colère. En reconnaissance de ces efforts, j’estime qu’il convient de ramener votre suspension de 20 à 15 jours. On vous remboursera donc 5 jours de salaire, duquel seront retenus les montants habituels.

Les incidents qui ont dérangé l’employeur ont commencé le 26 mars 1996, dans une note de service adressée par M. MacLean à M. McNeely. Dans cette lettre, le fonctionnaire se disait préoccupé par le fait que M. Angus MacGillvary avait autorisé qu’on reporte de six mois la vérification dont une compagnie devait faire l’objet par le ministère. M. Herb Terris avait accepté le report de six mois après que la contrôleur de la compagnie qui en avait fait la demande lui ait dit qu’elle était sur le point de partir en congé de maternité.

M. McNeely a informé M. MacLean que M. Terris se trouvait à agir en son nom, à titre de directeur adjoint, lorsqu’il a autorisé le report de six mois.

La réponse de M. MacLean a été de communiquer à M. McNeely (pièce 9) ce qu’il pensait de M. Terris à propos de la demande de report. Il a dit que [traduction] « si Terris s’en mêlait il allait certainement tout foutre en l’air ». Selon M. MacLean, la réponse que « le froussard » Terris a fait à la demande du contrôleur allait dans le sens de la « médisance sournoise habituelle de Terris. Vous insistiez pour que la vérification soit faite maintenant, alors j’ai insisté (auprès du contrôleur de la compagnie) pour que ce soit le cas. Puis Terris vient s’en mêler et fout tout en l’air. »

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Décision Page 3 Le 27 mars 1996, M. MacLean a envoyé à M. McNeely une lettre de plainte contre M. Terris dans laquelle il a notamment mis en doute le report de la vérification pour les motifs suivants (pièce 10) :

[Traduction] J’enregistre une plainte officielle contre Terris pour avoir nui à cette vérification en accordant un report de six mois ou plus de la date de début à cause du fait qu’une personne partait en congé de maternité.

Cette compagnie a des revenus de plus de 100 millions de dollars et maintenant la vérification est retardée au moins jusqu’en novembre.

Terris a agi de la sorte pour mettre un terme à ma nomination intérimaire à titre de AU-3. Cela fait chier Terris que j’aie obtenu une affectation intérimaire de AU-3.

Ce qu’il voulait, c’était d’y mettre fin. Considérez qu’il s’agit d’une plainte officielle contre Terris pour sa conduite [...]

M. McNeely a témoigné que cette lettre n’était pas digne d’un professionnel. Il n’y avait aucune preuve comme quoi M. Terris cherchait à nuire à M. MacLean en tant que AU-3 intérimaire. De plus, les reports tels que celui qui a été accordé ici ne sont pas inhabituels.

M. McNeely a rencontré M. MacLean le 29 mars 1996 afin de discuter de ses préoccupations concernant le retard dans la vérification. M. McNeely a informé M. MacLean que son pouvoir à titre d’AU-3 intérimaire n’était nullement menacé. Il a dit à M. MacLean de communiquer avec M. Herb Minard, son coordonnateur d’équipe et superviseur, si des situations de conflit devaient surgir à l’avenir. À l’issue de la réunion, la situation était considérée comme résolue et close. M. MacLean n’allait pas déposer de plainte contre M. Terris.

Le 29 mars 1996, M. MacLean a envoyé une lettre sarcastique (pièce 12) à M. Bob MacGillvary, le vérificateur principal chargé des gros dossiers. Avec un humour à froid, il soulevait les pratiques concernant le report des vérifications dans les cas de grossesse. (Il s’était agi d’une « plaisanterie ».) Le 1 er avril 1996, M. MacLean a envoyé un message électronique à « Pat Cookson, Morte cérébrale, Ressources inhumaines ».

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Décision Page 4 M. McNeely a de nouveau rencontré M. MacLean le 3 avril 1996. M. McNeely a invité M. Angus MacGillvary à la réunion. L’objet de la rencontre était de discuter des préoccupations de la direction à propos des lettres adressées par M. MacLean à M me Cookson et à M. Bob MacGillvary. M. McNeely a dit à M. MacLean que les commentaires adressés à M me Cookson et à M. Bob MacGillvary étaient à la fois indignes d'un professionnel et non appréciés. Il a prévenu M. MacLean qu’il devait cesser d’envoyer des lettres de ce genre, sinon il ferait l’objet de mesures disciplinaires. Aux yeux de M. McNeely, ce genre de plaisanterie n’était ni normal ni respectueux.

Au cours de la réunion, M. MacLean a informé M. McNeely que le Personnel lui avait envoyé un énoncé de qualités pour un poste AU-3 en français. Il n’y avait pas de lettre d’accompagnement indiquant qui l’avait envoyé. M. MacLean a en outre signalé que sa demande pour le poste AU-3 n’était pas à son dossier au Personnel. Elle était manquante. Or il la leur avait envoyée quelques deux semaines auparavant.

M. MacLean a soutenu que la lettre envoyée à M. Bob MacGillvary était une plaisanterie qu’il avait faite parce qu’il était contre le fait de reporter la vérification de six mois. À propos de la note envoyée à M cérébrale », M. MacLean a affirmé que celle-ci était la personne responsable du service du personnel. M. McNeely a fait remarquer que ce n’était pas M Personnel, s’occupait du concours de AU-3. C’était quelqu’un d’autre, en l’occurrence Terry Wright.

Au cours de la réunion, M. McNeely a informé M. MacLean que M s’était excusée d’avoir envoyé l’énoncé de qualités en français. Néanmoins, M. MacLean a tenu à dire que c’était M. Bob MacGillvary étaient troublés par ses notes de service.

M. MacLean a réagi à la réunion du 3 avril avec M. McNeely et M. Angus MacGillvary en envoyant au premier une note de service portant la même date (pièce 16). Dans cette note de service, M. MacLean se dit frustré que sa demande la plus récente pour un poste de AU-3 n’avait toujours pas été trouvée. Il a ajouté à son commentaire comme quoi M m e Cookson était une « morte cérébrale » l’affirmation suivante : [traduction] « Vous devriez faire ce que les hôpitaux font aux personnes en

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m e Cookson et la qualifiant de « morte me Cookson qui, au

m e Cookson « dommage » si M me Cookson et

Décision Page 5 état de mort cérébrale : les débrancher. » M. MacLean estimait que dans un concours de AU-3 antérieur, en 1991, M. Terris et M. Bob MacGillvary avaient truqué les notes. En l’absence de preuves à cet effet, M. McNeely estimait que les commentaires de M. MacLean étaient non « professionnels », offensants et diffamatoires.

Dans une lettre datée du 3 avril 1996 adressée à M. MacLean, M excusée de l’erreur de langue concernant l’énoncé de qualités. Elle lui a en outre dit qu’elle considérait sa lettre comme extrêmement offensante et indigne d'un professionnel. Elle l’a incité à faire en sorte qu’à l’avenir sa correspondance ne s’écarte pas du travail et demeure entièrement « professionnelle ».

Le lendemain, M. MacLean a répondu à M m e Cookson (pièce 18) qu’il n’était pas du tout impressionné par son rendement. Si elle voulait être traitée comme un professionnel, a-t-il dit, il fallait qu’elle change sa façon d’agir et qu’elle commence à se conduire en conséquence. Il a insinué qu’elle travaillait au Personnel parce qu’elle ne pouvait faire la différence entre le français et l’anglais. Tout autre travail aurait été trop compliqué pour elle.

Le 10 avril 1996, M. MacLean a écrit à M. McNeely pour lui dire qu’il ne voulait plus relever de M. Angus MacGillvary (pièce 19) :

[Traduction] Je vous informe par la présente que je ne veux plus relever d’Angus MacGillvary, alors vous allez devoir changer ça.

Je ne vois pas pourquoi vous avez placé ce type-là dans ce groupe de toute façon.

Le groupe allait bien et MacGillvary est un parfait incompétent.

Il fait tout foirer. [...] 5 jours d’Angus MacGillvary, c’est plus que ce que je peux supporter de ce type.

Alors faites le changement nécessaire sinon MacGillvary aura besoin de son invalidité de longue durée.

Je ne veux pas relever d’Angus MacGillvary! Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Cookson s’est

Décision Page 6 M. McNeely a une fois de plus considéré que cette lettre était indigne d'un professionnel. Le fait de mentionner l’invalidité de longue durée impliquait une menace à l’endroit de M. MacGillvary. M. McNeely a une fois de plus rencontré M. MacLean le 10 avril 1996 à propos de sa lettre la plus récente. Il a informé M. MacLean qu’il n’avait à communiquer avec M. MacGillvary qu’au sujet des dossiers de base. M. McNeely a ajouté que, si M. MacLean tenait vraiment à ne plus relever de M. MacGillvary, il n’aurait d’autre choix que de réassigner les dossiers de base que M. MacLean avait entre les mains. Cela ferait perdre à M. MacLean sa rémunération d’intérim à titre de AU-3. Lorsqu’il a entendu ces remarques, M. MacLean s’est levé et est parti. M. McNeely a subséquemment envoyé à M. MacLean ses notes concernant la rencontre.

Le 10 avril 1996, M. Tucker a envoyé une note de service à M. Don Gibson, directeur du bureau fiscal de Halifax. Dans cette note de service, il se dit préoccupé par les propos que M. MacLean tenait dans une note de service datée du 15 mars 1996 qu'il lui avait fait parvenir. Dans sa lettre, M. MacLean faisait principalement état de son divorce en cours et de la garde contestée des enfants, ainsi que de sa suspension antérieure. Dans sa note, M. Tucker disait notamment ce qui suit (pièce 22) :

[Traduction] Je suis de nouveau préoccupé par le bien-être de M. MacLean, compte tenu de la nature de la note ci-jointe, et je me demande de nouveau s’il n’y a pas des raisons de santé sous-jacentes qui expliquent son comportement. Sinon, je n’aurais d’autre choix que de considérer la note ci-jointe comme de l’insubordination de la part de M. MacLean et comme une violation des instructions explicites qui lui ont été communiquées lors d’un autre incident il avait envoyé des lettres de ce genre.

M. McNeely a témoigné que le bureau fiscal avait également reçu, à la fin de mars, trois dessins humoristiques : le premier provenait de la bande Peanuts qui paraissait dans les journaux, le deuxième présentait des personnages de Sesame Street et le troisième était une caricature d’un journal dont on avait modifié le texte. On y présentait des employés actuels et anciens de Revenu Canada d’une manière peu flatteuse et menaçante. Le dessin le plus déconcertant était une caricature du premier ministre de la Nouvelle-Écosse d’alors, dessin dont on avait modifié comme suit la

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Décision Page 7 légende : nous cherchons, moi et mon Uzi (revolver), Paul Reynolds. M. Reynolds est un cadre supérieur du bureau fiscal. M. MacLean a admis avoir envoyé les dessins.

M. McNeely a téléphoné à la police à cause de la menace de violence qui était sous-jacente dans les notes de service (la mention de l’invalidité de longue durée par rapport à M. Angus MacGillvary) et de ce que représentaient les dessins. Il a rencontré la police les 10 et 11 avril 1996. À l’issue de cette rencontre, il a été décidé de ne porter aucune accusation. M. MacLean serait renvoyé chez lui avec traitement et son cas serait évalué par Santé Canada.

M. McNeely et un agent de police ont rencontré M. MacLean le 11 avril 1996. M. McNeely a informé M. MacLean que son comportement au travail était considéré comme erratique et irrationnel. Il lui a dit qu’il craignait que sa conduite soit liée à son état de santé. Il lui a ordonné de quitter l’immeuble et de rentrer chez lui. M. McNeely a demandé à la police d’escorter le fonctionnaire à l’extérieur de l’immeuble.

La lettre en date du 12 avril 1996 que M. McNeely a envoyée à M. MacLean a confirmé que ce dernier devait rentrer chez lui avec traitement, et qu’il aurait à subir une évaluation à Santé Canada. En outre, le même jour, M. Tucker a avisé officiellement M. MacLean que, en vertu de la Protection of Property Act, il ne lui était plus permis de se trouver dans les locaux occupés par Revenu Canada.

Le 30 mai 1996, le D r Karen MacDonald, médecin-chef au bureau de Santé Canada à Halifax, a informé M. McNeely que M. MacLean était apte à travailler. Toutefois, il était important que M. McNeely explique clairement à M. MacLean quelles étaient les attentes de la direction relativement à son comportement au travail. De plus, le médecin a conseillé à M. McNeely de définir les limites acceptables de comportement et les conséquences auxquelles M. MacLean s’exposait s'il devait les dépasser.

Dans une lettre subséquente, le D r MacDonald a clarifié sa conclusion sur l’aptitude au travail de M. MacLean. Celui-ci n’était pas considéré comme dangereux ou violent. Il était possible que les idées énoncées précédemment par M. MacLean refassent périodiquement surface. C’était pourquoi M. McNeely devait faire connaître

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Décision Page 8 clairement à M. MacLean ce qu’on attendait de lui par rapport à son rendement au travail et à son comportement.

Le 25 juin 1996, M. McNeely a informé M. MacLean que, à la lumière de son comportement récent et de son évaluation médicale établissant qu’il était apte à travailler, il pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires. Il a fixé une rencontre pour le 28 juin 1996.

À cette réunion M. McNeely, ainsi que M. Wright du Personnel, ont rencontré M. MacLean qui, à son tour, était accompagné de M. Ed Sweet, un représentant de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. M. McNeely estimait qu’une suspension de 20 jours était méritée étant donné qu’il s’agissait du deuxième manquement à la discipline en 24 mois pour un comportement semblable. Il a signalé que M. MacLean avait été jugé apte au travail. En outre, il avait précédemment été informé des normes de conduite du Ministère. M. McNeely estimait que les lettres de M. MacLean étaient indignes d'un professionnel et qu'elles perturbaient le lieu de travail. Ses actions devaient être prises au sérieux. La suspension de 20 jours, a-t-il précisé, était de nature corrective et non punitive.

M. MacLean était censé retourner au travail le 29 juillet 1996, après sa suspension. Cependant, il est parti en congé de maladie et n’est pas retourné avant le 16 septembre 1996. Au total, M. MacLean a été absent du travail pendant cinq mois : pendant deux mois et demi en raison des circonstances entourant Santé Canada, pendant un mois à cause de sa suspension et pendant un mois et demi en congé de maladie.

Pendant son congé de maladie, M. MacLean a rencontré M. David Pilon, Ph.D, un psychologue. M. MacLean dit avoir consulté M. Pilon afin de cerner ses problèmes au travail et d’apprendre à y faire face. M. Pilon estimait que le comportement de M. MacLean pouvait avoir été relié au stress qu’il subissait en raison de ses relations tendues, tant au travail qu’avec son ex-épouse.

Du 11 au 13 mars 1996, M. MacLean a été en congé de maladie à cause de troubles intestinaux. Il ne se sentait pas bien à l’époque. Ce facteur a ajouté à son stress.

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Décision Page 9 Dans son témoignage, M. MacLean a reconnu que certains des propos qu’il avait tenus dans ses notes de service étaient déplacés. Il s’est aussi excusé auprès de M me Cookson pour l’avoir traitée de « morte cérébrale ». Il a témoigné qu’il ne se conduirait plus comme il l’avait fait par le passé. Il a affirmé qu’au départ il ne considérait pas ses actes comme sérieux, mais que les choses avaient quelque peu « dérapé ». Il avait se laisser un peu emporter. Les choses avaient en quelque sorte fait boule de neige. Son comportement offensant, a-t-il dit, s’était limité à une courte période. Il est le genre de personne qui dit ce qu’il pense, a-t-il ajouté. Par ailleurs, certaines des choses qu’il a dites à propos de ses supérieurs sont vraies. M. MacLean a déclaré que si ses superviseurs étaient irrespectueux à son endroit il allait à son tour être irrespectueux envers eux.

M. MacLean a maintenu que, bien qu’il n’eût pas tenir, verbalement ou par écrit, certains des propos qu’il a tenus, il avait uniquement voulu être sarcastique. C’était sa façon de mettre en question ce qui se passait au travail, concernant le report de six mois de la vérification, l’énoncé de qualité en français et la demande de AU-3 manquante, ainsi que ses affrontements avec M. Reynolds. Il n’avait pas voulu que l’on prenne toutes ses notes de service et ses dessins à la lettre. Il se vengeait de certains des torts qu’on lui avait fait subir.

Résumé des arguments présentés au nom des parties Argumentation de l’employeur L’avocat de l’employeur fait remarquer que la suspension de 15 jours imposée en l’espèce l’a été pour le même type de comportement qui avait mérité à M. MacLean une suspension en décembre 1994. M. MacLean avait été informé en 1994 des attentes de la direction à la suite de son insubordination et de son comportement perturbateur. Son comportement est inacceptable.

M. MacLean a manifesté un comportement de plus en plus irrationnel et insolite. Il envoyait des notes de service indignes d'un professionnel qui étaient offensantes, sarcastiques et dénigrantes à l’endroit de diverses personnes au travail. En voyant la caricature d’un homme tenant un revolver et recherchant M. Reynolds, une personne raisonnable conclurait qu’il était prêt à user de violence physique.

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Décision Page 10 M. MacLean est un employé averti qui compte plus de trente ans d’expérience dans la fonction publique. Il se doit de traiter le public avec tact.

M. MacLean ne saisit pas l’ampleur des problèmes qu’il a causés au travail. En 1994, la direction a pris la bonne décision en suspendant M. MacLean pour trois jours. Au cours de la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage, elle a ramené la suspension à une journée. Cette réduction de sa suspension en 1994 n’a pas corrigé la situation et une réduction de sa sanction aujourd'hui n’aurait pas plus d’effet.

M. MacLean a agi d’une façon totalement inacceptable en envoyant des notes de service offensantes, diffamatoires et menaçantes et en diffusant les dessins humoristiques en question. Il ne manifeste aucun regret sincère d’avoir troublé des personnes au travail et semble penser qu’il est correct de diffamer les gens.

M. MacLean aurait du savoir que sa conduite allait le mettre dans le trouble. Il ne reconnaît pas que c’est lui qui cause les problèmes au travail. Il a choisi sa propre façon de régler lui-même ses problèmes. Par son attitude, il a gâché ses rapports avec son entourage.

M. MacLean n’a aucun problème de santé important qui excuserait ses actes. De nombreux employés peuvent penser que leurs collègues veulent « avoir leur peau », mais cela ne les décharge pas de la responsabilité de leurs actes. M. MacLean est un homme intelligent qui est sensible à ses propres sentiments, mais il n’est pas sensible à ceux d’autrui.

Il se rend compte qu’il doit être respectueux envers le public, mais il réserve son humeur massacrante pour ceux et celles qu’ils croisent sur son chemin au bureau.

Nous vivons dans une époque dangereuse l’on assiste à des massacres d’enfants dans les écoles, et des gens décident de régler leurs différends par correspondance. En bref, il faut prendre très au sérieux les menaces de violence. Il ne faut pas considérer comme une plaisanterie la caricature utilisée par M. MacLean et montrant un homme, un revolver à la main, cherchant M. Reynolds. Une personne raisonnable pourrait conclure que M. MacLean serait capable de passer aux actes, dans le sens de ce qu’indiquait la caricature.

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Décision Page 11 M. MacLean a de la difficulté à maîtriser sa colère et à avoir de saines relations au travail. Il est son pire ennemi. Il doit apprendre à faire face à ses problèmes au travail. Autrement, la direction devra réagir en lui imposant des sanctions disciplinaires plus sévères, même si elle n’a rien à lui reprocher pour ce qui est de la qualité de son travail.

Il est important que l’arbitre envoie un message clair concernant les limites acceptables de comportement au travail et les conséquences de tout écart de conduite. Il se peut que M. MacLean prenne ce message plus au sérieux s’il vient d’un arbitre qu’il ne l’a fait de la direction.

Selon l’avocat, M. MacLean s’est conduit avec un abandon insouciant, spécialement en ce qui concerne les insultes et les dessins humoristiques menaçants. Il espère que M. MacLean a appris de ses erreurs. L’arbitre devrait renforcer les leçons apprises en maintenant la suspension. M. MacLean doit être mis au pas pour son propre bien et celui du bureau. Cela ne le dérangeait pas qui voyait les dessins. C’était sa façon à lui de se venger contre les personnes qui, estimait-il, voulaient « avoir sa peau ». Ses excuses ne traduisent pas une contrition sincère. Il serait dangereux de fermer les yeux sur les actes de M. MacLean.

L’avocat fait valoir que les représailles et les escortes policières préoccupent sérieusement la direction. La direction reconnaît que M. MacLean peut être stressé et que les employés frustrés peuvent écrire des lettres du genre qu’on reproche au fonctionnaire. Toutefois, M. MacLean doit vivre avec le stress lié au travail. Il doit être responsable de ses actes.

M. MacLean a été jugé « apte à travailler » avant que l’employeur ne lui impose la suspension. Le professionnel de la santé consulté a conseillé à la direction de le mettre au pas, administrativement parlant. La suspension visait à aider M. MacLean à se prendre en main.

M. MacLean n’est pas un cas désespéré. L’arbitre pourrait sauver la carrière de M. MacLean en rejetant le grief. M. MacLean est sur le point de tout perdre. La direction a simplement suivi la suggestion du médecin de traiter toute difficulté éventuelle d’une façon administrative. La direction a pris en considération toutes les

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Décision circonstances atténuantes, notamment : M. MacLean; ses années de service; son dossier disciplinaire; et ses excuses.

Si un message fort n’est pas envoyé à M. MacLean, nous le verrons de nouveau dans une affaire de congédiement. À la lumière des longs états de service de M. MacLean, cela serait dommage.

L’avocat soutient que l’inconduite de M. MacLean a été prouvée. La suspension était à la fois modérée et appropriée. Il serait contreproductif de modifier celle-ci.

M e Newman demande que le grief soit rejeté. Argumentation de M. MacLean et du syndicat L’avocat de M. MacLean fait valoir que ce dernier n’a fait l’objet de mesures disciplinaires qu’une fois depuis qu’il est fonctionnaire, c’est-à-dire depuis 1965. Cela remonte à 1994.

En l’occurrence, les incidents s’échelonnent sur une période relativement courte, soit du 22 mars au 10 avril 1996.

M. MacLean était en congé de maladie à cause de troubles intestinaux du 11 au 13 mars 1996. Par conséquent, il ne se sentait pas bien à ce moment-là.

Dans la lettre que M. MacLean a envoyée à M. Tucker ainsi que dans la note de service subséquente que ce dernier a fait parvenir à M. Gibson (pièce 22), il est question d’un incident survenu avant le 22 mars 1996. Dans sa lettre, M. MacLean a dit à M. Tucker qu’il trouverait par l’entremise de l’AIPRP certains renseignements à propos de ses disputes avec son épouse.

Dans la première lettre que M. MacLean a envoyée à M. McNeely, le fonctionnaire a fait part de ses préoccupations à propos du report que M. Terris avait accordé à un contribuable relativement à la vérification dont il devait faire l’objet. Cette lettre est une plainte, rien de plus.

Les autres lettres peuvent être considérées comme offensantes, mais elles n’étaient pas du tout menaçantes. Par exemple, M. MacLean s’est plaint à M Il était contrarié par le fait que sa demande pour un poste de AU-3 n’avait pas été

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Page 12 les antécédents professionnels de

me Cookson.

Décision reçue par le Personnel, et il était perturbé d’avoir reçu en français l’énoncé de qualités pour le poste de AU-3. Dans sa réponse M avait reçu sa note de service offensante. Toutefois, elle ne paraît pas avoir été menacée ni intimidée par cette note.

Le 3 avril 1996, M. MacLean avait envoyé à M. McNeely une lettre (pièce 16) dans laquelle il expliquait la frustration qu’il éprouvait à traiter avec M. Terris et M me Cookson. Il a rencontré M. McNeely et M. MacGillvary afin de discuter de leurs préoccupations au sujet des lettres. À ce moment-là, M. McNeely a accepté de fournir à M. MacLean une copie de la lettre prolongeant son affectation intérimaire à titre de AU-3.

Les trois ou quatre premières notes de service envoyées à M. MacLean établissent l’état de santé dans lequel il se trouvait, à savoir que quelque chose le dérangeait. Les dessins humoristiques ont été envoyés au bureau. Il s’agissait uniquement de bandes dessinées de Sesame Street et de Charlie Brown, ainsi que d’une caricature politique qu’il avait modifiée. Elles ne s’adressaient à personne en particulier. M. MacLean ne les a pas envoyées aux personnes visées (M. Squires, M. Tucker ou M. Reynolds).

Les dessins ont fini par être joints aux notes de services envoyées entre le 22 mars et le 10 avril 1996. Au pire, les dessins étaient uniquement agaçants ou ennuyeux. La note de service déterminante a été adressée le 10 avril 1996. M. MacLean a alors écrit à M. McNeely qu’il ne voulait plus travailler avec M. MacGillvary. À la suite de cette note, M. MacLean s’est excusé auprès de M. MacGillvary et lui a dit qu’il n’avait aucunement voulu le menacer physiquement. M. MacGillvary est un homme costaud qui pèse plus de 300 livres.

L’avocate précise que le Ministère considérait M. MacLean comme irrationnel parce qu’il avait écrit un certain nombre de notes de service. Celui-ci a été suspendu avec traitement en attendant la réception de rapports précisant qu’il était apte à travailler. La police a escorté M. MacLean hors du lieu de travail. On a interdit au fonctionnaire l’accès des lieux pendant un certain temps. M. MacLean a été traité comme un criminel à la suite de la maladresse de la direction.

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Page 13 me Cookson a signalé à M. MacLean qu’elle

Décision Page 14 Le Ministère était tellement convaincu que M. MacLean avait des troubles de santé qu’il a mis en question l’évaluation de Santé Canada comme quoi il était « apte à travailler ». Cet échange entre Santé Canada et M. McNeely a prolongé d’un mois la suspension de M. MacLean avec traitement. Après que Santé Canada eut déclaré que M. MacLean était apte au travail, la direction a suspendu ce dernier pour 20 jours. La suspension de 20 jours signifiait en outre que M. MacLean perdait deux jours de congé pendant le mois en question.

M. MacLean a suivi le conseil de Santé Canada et a obtenu de l’aide médicale. Il a eu de nombreuses consultations avec M. Pilon. Selon ce dernier, le stress émotionnel que M. MacLean subissait (relations tendues au travail et difficultés conjugales avec son ex-épouse) a pu avoir des répercussions négatives sur le jugement et le comportement de M. MacLean. Ainsi, c’est le stress que vivait M. MacLean qui explique son comportement durant les incidents en question.

Le stress que vivait M. MacLean l’a obligé à prolonger son congé de maladie au-delà de la date à laquelle l’employeur avait dit qu’il pouvait retourner au travail. Il n’est pas retourné au travail avant le 16 septembre 1996. Le stress de M. MacLean était à des facteurs liés à sa santé et au travail. C’est la combinaison de tous les facteurs qui a mené à son comportement irrationnel. Par conséquent, il aurait être en congé de maladie à compter du 1 er juillet 1996. La direction n’a pas tenu compte de toutes les circonstances atténuantes en l’occurrence. L’avocate soutient ce qui suit : (1) prises individuellement, la plupart des notes de service n’étaient pas sérieuses; (2) toutes les notes de service ont été envoyées sur une courte période; (3) M. MacLean s’est excusé par écrit; (4) il a témoigné qu’il n’aurait pas envoyer les notes en question et qu’il ne le referait plus; (5) il est un travaillait compétent ayant de longs états de service à Revenu Canada; et (6) il n’a pas un dossier disciplinaire important.

Rien ne permet d’affirmer que M. MacLean est un homme violent. Le médecin de Santé Canada n’entrevoyait aucun comportement violent à l’avenir. M. MacLean a simplement écrit des lettres à la direction lorsqu’il était frustré.

Le fonctionnaire est un employé respecté. L’avocate reconnaît que M. MacLean s’est conduit de façon bizarre; par contre, la situation a été résolue. M. MacLean s’est

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Décision Page 15 excusé tant par écrit que dans son témoignage. Ses collègues de travail ont été ennuyés par sa conduite. Néanmoins, ils ne se sentaient pas menacés par ce comportement. Le sarcasme de M. MacLean visait à faire passer un message. C’est ce que M. MacLean croyait faire à l’époque.

En conclusion, l’avocate ajoute que M. MacLean n’a plus envoyé de notes de service douteuses à des collègues de travail depuis les incidents en question. Elle soutient que, puisque le comportement erratique de M. MacLean était relié au stress, ce comportement mérite tout au plus une réprimande.

Subsidiairement, les incidents en question ne devraient entraîner qu’une suspension de trois à cinq jours tout au plus. L’on impose une suspension de 15 jours à la suite de bagarres à coups de poing ou de la consommation d’alcool au travail.

L’avocate se reporte à la jurisprudence suivante : (1) Marineau, dossier de la Commission 166-2-26226; (2) Tanciu, dossier de la Commission 166-2-27712. M e Michaud demande qu’il soit fait droit au grief. Elle demande que la suspension soit annulée et qu’on y substitue un congé de maladie, ou encore que l’on impose une peine moins sévère.

Conclusion et motifs de la décision Les faits de l’espèce ne sont pas contestés. La question principale en litige est de savoir si les actes de M. MacLean méritent une sanction disciplinaire. Si tel est le cas, il reste à déterminer la durée de la suspension et la question de savoir si l’employeur avait un motif valable pour imposer cette suspension.

Initialement, le fonctionnaire a été suspendu pour 20 jours parce qu'il avait envoyé des notes de service offensantes à des collègues de travail et à ses supérieurs. Sa suspension a par la suite été ramenée à cinq jours au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

La sanction a été réduite notamment pour les motifs suivants (pièce 4) : Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 16 [Traduction] Je sais que vous avez fait des efforts importants pour faire face à cette situation en consultant un professionnel du counseling qui a pu vous aider entre autres à mieux maîtriser votre colère. En reconnaissance de ces efforts, j’estime qu’il convient de ramener votre suspension de 20 à 15 jours. On vous remboursera donc 5 jours de salaire duquel seront retenus les montants habituels.

L’avocate de M. MacLean me demande de substituer un congé de maladie à la suspension de 15 jours de M. MacLean, ou de réduire la suspension davantage. Elle soutient que la suspension de 15 jours représente une peine excessive compte tenu de l’ensemble des circonstances. À l’appui de son argument, elle cite la décision rendue dans Marineau (supra), affaire dans laquelle le fonctionnaire a été suspendu pour seulement trois jours pour avoir écrit des commentaires déplaisants à son employeur.

Ce n’est pas la première fois que M. MacLean est suspendu pour ce genre de comportement. L’employeur l’a suspendu en décembre 1994 pour des raisons semblables.

Voici les parties pertinentes de la lettre que M. Tucker a envoyée en 1994 à M. MacLean. Elle énonce certains des facteurs sur lesquels repose ma décision (pièce 6) :

[Traduction] Au fil des ans Revenu Canada a établi un lieu de travail les employés peuvent s’attendre à être productifs dans un milieu exempt de comportements menaçants ou perturbateurs. Cela est basé sur des normes de conduite fondées sur les attentes normales, à savoir que la direction respectera le personnel et ses droits, que les employés respecteront la direction et ses prérogatives et, enfin, que les employés à tous les niveaux feront preuve de la même considération à l’endroit de leurs collègues et de leurs droits également.

Comme nous l’avons signalé au cours de notre rencontre, votre correspondance du 21 septembre 1994 adressée à un certain nombre de vos collègues de travail faisait preuve d’insubordination à l’endroit de la direction. Ces lettres ont perturbé nombre des employés qui les ont reçues, ainsi que d’autres personnes au travail une fois que leur contenu a été

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Décision Page 17 connu. Votre lettre du 18 novembre ne fait état ni d’un motif acceptable pour vos actes ni de renseignements qui pourraient atténuer votre culpabilité. De plus, il a été déterminé qu’aucune raison de santé ou cause connexe n’excusait votre conduite.

Je considère que cette insubordination envers la direction et la perturbation que vous avez causée au travail constituent des manquements graves aux règles de conduite qui s’appliquent au travail. Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’est délégué par le sous-ministre en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, je vous suspens de vos fonctions sans traitement pour une période de trois jours, à savoir du 13 au 15 décembre 1994 inclusivement.

Je vous préviens que, si vous ne satisfaisez pas aux attentes qui vous ont été communiquées par votre superviseur dans une note de service datée du 15 novembre 1994, à propos de votre conduite future à cet égard, vous pourriez faire l’objet de mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller jusqu’au licenciement.

Après que cette suspension a été renvoyée à l’arbitrage, l’employeur a convenu avec le fonctionnaire s’estimant lésé et l’agent négociateur de la ramener à une suspension d’une journée. Néanmoins, cette lettre est importante pour deux raisons. Premièrement, elle montre que M. MacLean avait déjà subi des sanctions disciplinaires pour avoir fait preuve d’insubordination dans des notes de service envoyées à ses collègues de travail. Deuxièmement, la direction avait déjà par le passé communiqué clairement à M. MacLean ses attentes, ainsi que les conséquences de tout écart de conduite à cet égard,.

J’examinerai maintenant certaines des notes de service que M. MacLean a envoyées à ses collègues et à ses supérieurs afin de montrer ce dont l’employeur se plaignait.

Dans la pièce 9, l’un des premiers messages électroniques qu'il a envoyés, M. MacLean ne mâche pas ses mots. Il qualifie M. Terris de « froussard ». Selon lui, si M. Terris intervient, « il fout tout en l’air, c’est sûr »; en parlant du report de six mois de la vérification, il dit de M. Terris qu’il a fait preuve de sa « médisance sournoise habituelle ».

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Décision Page 18 Dans la pièce 10, M. MacLean allègue que M. Terris cherche à « passer par-dessus » M. MacLean en ce qui concerne le report de la vérification. « Cela fait chier Terris que j’aie obtenu l'affectation intérimaire de AU-3 », d’ajouter M. MacLean. Dans la pièce 11, ce dernier écrit une lettre sarcastique à M. MacGillvary décrivant la façon dont une entreprise s'y prend pour faire retarder une vérification en cas de grossesse. Dans la pièce 12, il adresse sa note à M me Pat Cookson, « Morte cérébrale, Ressources inhumaines ». Dans la pièce 16, il allègue le truquage des notes dans un concours de AU-3 tenu en 1991. Puisque M m e Cookson est en état de mort cérébrale, dit-il, la direction devrait faire ce que les hôpitaux font en pareil cas, c’est-à-dire « la débrancher ». Dans la pièce 18, il dit à M me Cookson que si elle veut être traitée comme un professionnel, alors elle doit changer et commencer à se conduire en conséquence. Il ajoute que si elle ne peut dire la différence entre le français et l’anglais, ce doit être pour cela qu’elle est au Personnel. Tout autre emploi serait trop compliqué pour elle, ajoute-t-il. Dans la pièce 19, M. MacLean qualifie M. MacGillvary de parfait incompétent. S’il continue de relever de ce dernier, le fonctionnaire dit que M. MacGillvary aura besoin de ses prestations d’invalidité de longue durée. Enfin, dans la pièce 23, on trouve les dessins humoristiques offensants, en particulier celui qui présente un personnage, avec un revolver à la main, qui est à la recherche de M. Paul Reynolds.

À mon avis, la seule personne qui s’est conduite d'une façon indigne d'un professionnel en l’occurrence fut M. MacLean. En effet, l’employeur a fait preuve d’un degré remarquable de retenue dans ses rapports avec lui. Si M. MacLean pense que ses commentaires sarcastiques et ses grossièretés sont la marque d’une personne ayant une conscience professionnelle, il se trompe souverainement. Ce n’est pas le cas. C’est lui qui doit changer sa conduite et commencer à se conduire comme un professionnel.

Lorsque je considère les diatribes que contiennent ces lettres, ainsi que le nombre d’incidents et les écarts de langage que renferment ses commentaires, sans compter le fait que M. MacLean s’était déjà vu imposer des sanctions disciplinaires à la suite d’une situation semblable, je ne puis que conclure que M. MacLean devait savoir que ses actes allaient ennuyer ses collègues et lui causer des problèmes. Il ne pouvait en être autrement puisque M. McNeely est intervenu à une occasion au cours de cette avalanche de lettres pour informer M. MacLean que sa conduite était

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Décision Page 19 considérée comme offensante et qu’il s'exposait à des mesures disciplinaires s’il continuait.

M. MacLean travaille au Ministère depuis 31 ans et son superviseur l’a décrit comme un travailleur productif. Il a une vaste expérience au Ministère, ainsi qu'auprès de ses collègues et du public. Il sait comment se conduire. J’estime qu’il n’aurait pas laisser la situation dégénérer comme il l'a fait. Bien qu’il se soit excusé pour certaines de ses actions, je ne crois pas que cela le décharge de la responsabilité de ce qu’il a fait.

Bien qu’une certaine jovialité soit acceptable au travail, la présente affaire met en lumière le problème d’un employé qui ne sait pas quand s’arrêter. Pour paraphraser M. MacLean, il s’est en quelque sorte laissé emporter et les choses ont fait boule de neige. C’est le moins qu’on puisse dire. Sans l’intervention de la direction, qui sait pendant combien de temps les incidents auraient continué.

Les incidents en question sont des exemples classiques illustrant pourquoi les employés ne doivent pas perdre de vue qu’ils ont un travail à accomplir tandis que la direction en a un autre. La direction et les employés doivent avoir à l’endroit l’un de l’autre un respect de ce que leur emploi exige d’eux. De plus, ils doivent s’accorder mutuellement la liberté dont ils ont besoin pour exécuter efficacement leurs tâches respectives.

Lorsqu’il y a des divergences d’opinions sur la façon de faire les choses le report de six mois de la vérification en est un exemple –, il existe des voies pour exprimer ses vues. Un employé ne devrait pas penser qu’il lui est loisible d’envoyer des lettres grossières, offensantes, sarcastiques ou indignes d'un professionnel à ses superviseurs ou collègues de travail. Cela n’est tout simplement pas de nature à favoriser un milieu de travail harmonieux et exempt de danger. Il est possible de faire valoir son point de vue sans recourir à des commentaires indignes d'un professionnel.

Je reconnais que M. MacLean a pu avoir subi un certain stress à cause de son travail et de sa vie personnelle. Ce stress a pu d’une façon ou d’une autre avoir été relié à l’envoi des notes de service offensantes. Bien que je comprenne le stress que vivait M. MacLean, j’estime que celui-ci doit accepter la responsabilité de ses actes. Le

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Décision Page 20 stress peut expliquer jusqu’à un certain point pourquoi il s’est conduit comme il l’a fait. Il ne le décharge toutefois pas de la responsabilité de sa conduite.

On a jugé que M. MacLean était un travailleur productif et une personne apte à travailler. Il ne s’est plus conduit de façon offensante depuis la date de sa suspension. Il semble avoir appris de ses erreurs. Je félicite M. MacLean d’avoir ainsi amélioré son comportement.

Cependant, je souligne qu’il incombe à M. MacLean de demeurer vigilant s’il veut respecter son engagement. Sinon, il serait tragique de le voir fermer la porte sur 30 ans et plus de service à cause de ce qui semble être un comportement maîtrisable.

En conclusion, comme l’avocat de l’employeur j’estime que la suspension d’une journée et l’avertissement qu’il a reçus en 1994 ne lui ont pas fait comprendre qu’il ne devait pas se conduire de façon semblable.

Toutefois, j’ai des réserves à propos de la durée de la suspension imposée par l'employeur en l’occurrence.

Je dois dire que je ne partage pas l’avis de l’avocat de M. MacLean, à savoir qu’une suspension de trois ou de cinq jours serait plus appropriée. Cela équivaudrait à une simple tape sur les doigts.

L’employeur veut que sa réponse soit corrective mais non punitive. Il veut que la suspension soit efficace. On peut affirmer qu’il se trouve à donner une autre chance au fonctionnaire. À mon avis, une suspension de 10 jours fera comprendre à M. MacLean qu’il doit changer son attitude. Elle l’obligera en outre à changer sa façon d’entrer en rapport avec le reste des employés et les superviseurs, s’il entend demeurer au Ministère. Il doit se rendre compte qu’il n’est pas nécessaire de traîner les gens dans la boue, de recourir au sarcasme ou de proférer des menaces afin d’exprimer sa désapprobation à l’égard de la conduite d’autrui. S’il n’arrive pas à le comprendre à la suite d’une suspension de 10 jours, il ne le comprendra pas plus à la suite d’une suspension plus longue.

L’employeur n’a pas à recourir à une suspension de 15 jours pour obtenir le résultat souhaité de M. MacLean. Si une suspension de 10 jours ne l’arrête pas net,

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Décision Page 21 rien n’y réussira, et le fonctionnaire tracera lui-même le chemin qui mènera à son renvoi du Ministère.

J’estime qu’il est plus raisonnable de ramener la suspension du fonctionnaire de 15 jours à 10 jours. Une suspension de 10 jours fait encore comprendre à M. MacLean et au reste des employés qu’on ne tolère pas des actes de la sorte. Il s’agit d’une suspension relativement sévère. En revanche, M. MacLean peut se dire qu’il a encore une autre chance de se reprendre en main. La suspension montre que l’employeur a des limites quant au degré de conduite qu’il est prêt à tolérer et au-delà desquels il prendra des mesures disciplinaires.

En conclusion, j’estime que la suspension de 15 jours est trop sévère dans les circonstances. Une suspension de 10 jours me semble plus raisonnable.

Par conséquent, il est fait droit au grief en partie. J’ordonne à l’employeur de substituer une suspension de 10 jours à celle de 15 jours qui a été imposée au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. L’employeur remboursera à M. MacLean la rémunération de cinq jours et les autres avantages sociaux qui lui ont été retirés.

Donald MacLean, arbitre commissaire

Moncton, le 7 janvier 1999. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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