Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Fraude - le fonctionnaire avait authentifié des faux rapports d'heures supplémentaires que son superviseur avait préparés afin de le rémunérer pour des heures supplémentaires non demandées et de courtes périodes d'affectation intérimaire non rémunérées - cela s'est produit sur une période de deux ans, au cours de laquelle le fonctionnaire a reçu environ 18 000 $ auxquels il n'avait pas droit - l'employeur a licencié le fonctionnaire - l'employeur a soutenu que le fonctionnaire avait accepté des paiements irréguliers en sachant qu'il n'aurait pas droit autrement à des heures supplémentaires ou à une rémunération d'intérim - le fonctionnaire a répondu qu'il n'avait fait aucune démarche auprès de son superviseur à propos des heures supplémentaires - le fonctionnaire a ajouté qu'un autre employé qui s'était conduit comme lui avait été réintégré par l'employeur - l'arbitre a conclu que le comportement du fonctionnaire constituait une grave faute de conduite - cependant, à la lumière des circonstances atténuantes de l'affaire, l'arbitre a substitué une suspension de dix mois - un fait important de l'affaire était la décision de l'employeur de réintégrer l'autre employé. Grief admis en partie. Décision citée : Re Canpar and Transportation Communications Union (1998), 66 L.A.C. (4th) 1.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28149 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE TASSO VASILAS fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

Devant : P. Chodos, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur : Michel LeFrançois, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario), du 2 au 4 mars 1998.

Décision Page 1 DÉCISION Jusqu’à son congédiement le 20 juin 1997, M. Vasilas occupait un poste de niveau PM-3 à la Division des services aux employeurs du Centre fiscal d’Ottawa. Les motifs de son licenciement sont exposés dans une lettre de la même date signée par M. Pierre Middlestead, directeur du Centre fiscal d’Ottawa. Voici les parties pertinentes de cette lettre : [Traduction] (pièce E-13) L’enquête concernant votre conduite à l’égard de la rémunération d’heures supplémentaires est terminée. L’enquête a révélé que vous aviez conspiré en vue de frauder Sa Majesté en obtenant le paiement illégitime d’heures supplémentaires. En outre, l’enquête a révélé que vous aviez délibérément fait de fausses entrées d’heures supplémentaires.

Vos faits et gestes -- accepter la rémunération frauduleuse d’heures supplémentaires à laquelle vous n’aviez pas droit, conspirer et comploter en vue de frauder Sa Majesté, effectuer délibérément de fausses entrées d’heures supplémentaires, et contrevenir à la LGFP -- constituent une faute de conduite délibérée, préméditée et répétée de votre part et contrevient sérieusement aux Normes de conduite du Ministère. En agissant comme vous l’avez fait, vous avez rompu le lien de confiance essentiel qui doit exister entre un employeur et ses employés. À la lumière de ces faits, le Ministère ne peut plus envisager que vous continuiez de travailler à ses opérations courantes.

La plupart des faits de l’espèce ne sont pas contestés. M. Vasilas a commencé sa carrière dans la fonction publique à Revenu Canada en 1983 à titre de CR-1. Il a reçu une séries de promotions qui l’ont mené à son poste d’attache de PM-3 à la fin de 1995. Depuis 1991, son supérieur immédiat était M. Don Régimbal, le directeur adjoint de la Division des services aux employeurs, exception faite d’une brève période d’avril 1997 jusqu’à son congédiement, pendant laquelle il a été détaché à la Division des déclarations des particuliers et des successions, sous la supervision de Christina Harenclak. De février 1996 à avril 1997, M. Vasilas avait également suivi des cours de français.

En avril 1997, M. Middlestead a été informé que M. Régimbal avait encouragé plusieurs de ses subalternes à soumettre de fausses demandes de rémunération

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Décision Page 2 d’heures supplémentaires; M. Régimbal, avait-on allégué, avait par ailleurs insisté pour que certains des employés lui versent des commission secrètes représentant sa part des recettes obtenues au titre de la rémunération des heures supplémentaires. En réponse à ces allégations, M. James Wardhaugh, un enquêteur aux Affaires internes du Ministère, a reçu instruction de faire enquête dans cette affaire et de soumettre un rapport. M. Wardhaugh a interrogé un grand nombre de personnes travaillant au Centre fiscal d’Ottawa, dont le fonctionnaire s’estimant lésé. M. Wardhaugh a préparé des notes détaillées de son entrevue avec M. Vasilas le 6 mai 1997, notes que M. Vasilas a examinée et signées (pièces E-2 et E-3). On peut notamment lire dans ces notes : (pièce E-3) [Traduction] Le 1 er avril 1997, j’étais rémunéré par Christina Harenclak. Je travaillais dans son unité depuis le 15 février 1997 (environ).

Entre le mois de février ou mars 1996 environ jusqu’à la mi-février 1997, j’étais à Hull (Québec), au Centre de formation Asticou.

Lorsque j’effectuais des heures supplémentaires, je ne remplissais pas de formule, c’est Monique Laurin qui entrait mes heures.

Un nombre important d’heures supplémentaires vous ont été rémunérées. Est-ce que vous avez effectué toutes ces heures aux dates indiquées dans les rapports SGA? Non, je ne les ai pas faites.

Pourquoi avez-vous réclamé ces heures supplémentaires? Je n’ai pas réclamé ces heures. J’ai été rémunéré.

Depuis 1991-1992 ou à partir du moment la modernisation est entrée en vigueur, je travaillais de 7 h 15 à 16 h 00-16 h 30, 5 jours par semaine. Je n’ai demandé à personne de remplir des RC 505 pour être rémunéré pour ces heures.

Lorsque Don s’absentait, c’est sur moi qu’il comptait pour le remplacer. Aucune demande de rémunération d’intérim n’était remplie. Le tout se faisait par le processus des heures supplémentaires.

Vous étiez rémunéré pour quoi?

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Décision Page 3 Pour les heures que j’avais effectuées en sus de 37 heures et demie, ainsi que pour la période avant que je suive des cours de français. J’ai été remplacé par Rick Lalonde afin de pouvoir travailler à titre intérimaire à la dotation avec Monique Laurin et Christine Larocque.

Entre novembre 1995 et février 1996, j’ai effectué des heures à travailler aux avis de concours en plus de mes 37 heures et demie par semaine.

En 1993 ou 1994, Don m’a expliqué que puisque j’effectuais des heures supplémentaires, il chercherait à me rémunérer de temps en temps pour les heures travaillées. Don et moi-même avons eu la même conversation à quelques occasions. J'ai remercié Don pour les chèques reçus et il m'a dit que c’était pour me rémunérer pour les heures que j’avais faites au fil des ans.

Vous est-il déjà passé par l’esprit que cela était répréhensible? Pour être franc, non. Ces heures-là, je les travaillais.

Avez-vous effectué des heures supplémentaires pendant que vous suiviez des cours de français? Non.

Avez-vous fait des heures supplémentaires avec Harenclak à sa demande? Non. Je travaille toujours de 7 h 30 à 16 h 15, parfois plus tard. Je ne demande pas à être rémunéré.

Don vous a-t-il demandé supplémentaires? Non. Absolument pas.

Les heures supplémentaires déclarées en 1994 et 1995 correspondent-elles à ce qui est indiqué dans les rapports SGA? Non, mais à quelques occasions j’avais rempli des fonctions à titre intérimaire pendant cette période j’avais effectué des heures supplémentaires toute la journée.

À quoi servent les RC 505 et les formules de rémunération d’intérim? Pour contrôler les fonds utilisés pour les heures supplémentaires et faire les inscriptions voulues dans le SEPC et le SGA.

Avez-vous d’autres choses à dire? Je n’ai jamais fait sentir que je voulais être rémunéré ni exercé de pressions en ce sens. J’ai travaillé les heures en question et l’argent que j’ai reçu, c’était pour du travail que

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de partager des heures

Décision Page 4 j’avais fait. Il va sans dire que ces heures auraient être consignées sur une RC 505 ou dans un horaire comprimé. Je sais que ces formulaires vont partout. Je n’ai pas accepté ça, de ne pas avoir travaillé les heures.

Connaissez-vous quelqu’un d’autre qui a été rémunéré pour des heures supplémentaires qu’il n’avait pas effectuées? Je ne sais pas vraiment. Don ne m’a pas dit à qui il versait des heures supplémentaires. Lorsque je le remplaçais à titre intérimaire, je n’ai jamais reçu de RC 505 à faire autoriser.

T. Vasilas (notes originales de l’enquêteur signées) La procédure normale à suivre pour recevoir la rémunération d’heures supplémentaires est de faire autoriser le travail en question par le superviseur compétent. Lorsqu’il a terminé son travail, le fonctionnaire doit remplir un formulaire RC 505 « Enregistrement du travail supplémentaire », que revoit et approuve ensuite le superviseur du fonctionnaire; au Centre fiscal d’Ottawa, les RC 505 sont transmises à l’adjointe administrative de la Division des services aux employeurs, Monique Laurin, qui entre les données dans un système informatisé appelé le Système de gestion des activités (SGA). Ces renseignements sont ensuite transférés automatiquement au rapport mensuel du fonctionnaire produit par le Système d’enregistrement des présences et des congés (SEPC), lequel est signé par M. Régimbal en sa qualité de directeur adjoint, puis transmis à la Division des ressources humaines pour l’émission du chèque au fonctionnaire. Citée par l’employeur, M me Laurin a témoigné que M. Régimbal lui avait donné instruction d’entrer dans le SGA des heures supplémentaires pour un certain nombre de fonctionnaires, dont M. Vasilas et elle-même, bien qu’aucune formule RC 505 n’ait été remplie ni signée par aucun de ces fonctionnaires.

Il n’est pas contesté que, de février 1995 au 27 mars 1997, 512 heures supplémentaires ont été réclamées au nom de M. Vasilas, qui a touché environ 18 000 $ pour ces heures supplémentaires (pièces E-11 et E-5). Selon M. Wardhaugh, M. Vasilas a reconnu ne pas avoir travaillé les heures précises pour lesquelles on avait demandé le paiement en temps supplémentaire; cependant, il a soutenu avoir effectué au moins ce nombre d’heures supplémentaires à diverses occasions; de plus, le fonctionnaire a soutenu que M. Régimbal lui avait dit qu’on le rémunérerait pour les périodes pendant lesquelles il avait remplacé M. Régimbal à titre intérimaire pendant son absence, périodes pour lesquelles il n’avait touché aucune rémunération.

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Décision Page 5 M. Wardhaugh a signalé que M. Vasilas n’avait fait aucune mention d’un registre qu’il aurait tenu des heures supplémentaires qu’il avait effectuées. M. Wardhaugh a signalé que M. Régimbal avait été congédié et qu’on avait également porté des accusations contre lui en vertu du Code criminel; il avait plaidé coupable à des accusations d’abus de confiance et avait été condamné à six mois d’emprisonnement.

En contre-interrogatoire, M. Wardhaugh a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve comme quoi M. Vasilas aurait versé des sommes d'argent M. Régimbal. Selon M. Wardhaugh, sept ou huit personnes avaient été impliquées dans le « racket des heures supplémentaires » et avaient été licenciées. M me Laurin, M. Melanson et M m e Larocque, a-t-il signalé, avaient admis avoir payé M. Régimbal. Bien que M. Vasilas ait prétendu avoir travaillé les heures supplémentaires en question, M. Wardhaugh n’a pas vérifié si cela était vrai; il est impossible, a-t-il fait remarquer, de vérifier les dates spécifiques d’éventuelles heures supplémentaires si on n’a pas de document écrit auquel se reporter. M. Wardhaugh a convenu que M. Vasilas avait répondu franchement à ses questions; il avait en outre refusé la présence d’un représentant syndical à l’entrevue. M. Wardhaugh s’est rappelé que M. Vasilas avait mentionné que s’il arrivait régulièrement au travail tôt, c’était en raison de ses arrangements de covoiturage. M. Vasilas a déclaré qu’il n’avait pas consigné les heures supplémentaires qu’il était censé avoir travaillé. M. Vasilas lui a en outre signalé qu’il n’avait jamais soumis de formules de rémunération d’intérim. M. Wardhaugh a reconnu que M me Laurin lui avait dit que, vers la fin de l’exercice, M. Régimbal aimait dépenser le reste de son budget, ce qu’il faisait en accordant des heures supplémentaires pour récompenser ses employés. Il a convenu que M. Régimbal avait approché M. Vasilas, c’est-à-dire que l’initiative de la « fraude » était venue de M. Régimbal et non de ses employés. M. Wardhaugh a précisé qu’il ne contestait pas le fait que, de temps à autre, M. Vasilas avait pu remplacer M. Régimbal en tant que directeur adjoint.

M. Pierre Middlestead avait reçu le rapport d’enquête de M. Wardhaugh indiquant que quatre superviseurs -- Baron, Vasilas, Lalonde et Guerin -- avaient été rémunérés pour des heures supplémentaires auxquelles ils n’avaient pas droit (page 15 de la pièce E-4). M. Wardhaugh a en outre conclu ce qui suit dans son rapport : [traduction] « La preuve révèle que plusieurs employés ont sciemment et délibérément participé à un acte frauduleux, obtenant ainsi la rémunération d’heures supplémentaires à laquelle il n’avait pas droit. » (page 16 de la pièce E-4). À partir de Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 cette information, M. Middlestead a conclu que M. Vasilas avait conspiré en vue de frauder l’employeur de 18 000 $ en heures supplémentaires qu’il n’avait pas effectuées, et qu’il avait ainsi contrevenu à l’article 80 de la Loi sur la gestion des finances publiques. M. Middlestead a reconnu les pièces E-17 et E-18 comme étant les rapports du SEPC établissant, entre autres, les heures supplémentaires travaillées par M. Vasilas pour les exercices 1994-1995 et 1995-1996. Il a signalé que ce document avait été signé tant par M. Vasilas que par M. Régimbal, qui en avaient ainsi attesté l’exactitude.

M. Middlestead a par ailleurs expliqué qu’il avait tenu compte des explications de M. Vasilas, telles qu’elles sont exposées dans la pièce E-10, selon lesquelles celui-ci avait remplacé M. Régimbal à titre intérimaire à plusieurs occasions, et que, au cours des cinq dernières années, il avait tous les jours travaillé pendant quarante-cinq minutes de plus que ce que prévoyait son horaire normal; lorsqu’il a demandé à M. Vasilas des précisions, celui-ci a répondu qu’il était resté au bureau après ses heures normales à cause de ses arrangements de covoiturage. M. Middlestead a signalé qu’il s'agissait d’une décision personnelle et que ce temps ne pouvait constituer des heures supplémentaires autorisées; de plus, il n’y a aucun document prouvant qu’il avait été autorisé à effectuer des heures supplémentaires, ni même qu’il avait effectivement fait du travail supplémentaire. En contre-interrogatoire, M. Middlestead a en outre mis en doute le fait que M. Vasilas ait remplacé M. Régimbal pendant son absence. Bien qu’on ait demandé à M. Vasilas de s’acquitter de certaines responsabilités administratives, selon M. Middlestead, il n’avait jamais reçu de pouvoir de signature et on ne lui avait jamais officiellement demandé d’assumer les responsabilités de M. Régimbal. Il a reconnu que M. Vasilas avait assisté à quelques réunions de gestion pendant l’absence de M. Régimbal. Cependant, c’est M. Lalonde qui remplaçait en fait M. Régimbal et qui exécutait la plupart de ses tâches pendant son absence.

M. Middlestead a précisé les motifs qui l'avaient amené à conclure que M. Vasilas devait être licencié. Dans le domaine de l’impôt, a-t-il signalé, l’intégrité des fonctionnaires du Ministère est critique; il est important que le public perçoive les fonctionnaires du Ministère comme étant en tout temps honnête. À son avis, M. Vasilas a obtenu des sommes d’argent importantes auxquelles il n’avait pas droit; cela a rompu le lien de confiance entre l’employeur et le fonctionnaire. De plus, il Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 avait été fait beaucoup état du « racket des heures supplémentaires » dans les médias (pièce E-16); le Ministère était très préoccupé par cette attaque contre son image; de nombreux fonctionnaires, a-t-il dit, avaient fait savoir qu’ils auraient de la difficulté à faire de nouveau confiance aux gestionnaires et qu’ils avaient honte de ce qui s’était passé. M. Middlestead a en outre pris en considération le fait que M. Vasilas, en sa qualité de superviseur, aurait bien connaître les procédures ministérielles concernant les heures supplémentaires et aurait être plus sensible aux répercussions de ses actes que d’autres fonctionnaires. M. Vasilas était bien placé pour savoir que les gestionnaires n’avaient pas droit en général à des heures supplémentaires, sauf s’ils étaient affectés en tant qu’agents de service de nuit au cours de la période de février à juin chaque année; M. Vasilas n’avait jamais été affecté à ce genre de fonctions.

En contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire a posé à M. Middlestead des questions au sujet de M. Richard Lalonde, un autre superviseur qui était nommé dans le rapport d’enquête comme ayant été rémunéré pour des heures supplémentaires sans y avoir droit. M. Middlestead a reconnu que M. Lalonde avait été réintégré à l’automne de 1997. M. Middlestead a insisté pour dire qu’il y avait des différences importantes entre la conduite de M. Lalonde et celle de M. Vasilas. M. Lalonde n’avait réclamé des heures supplémentaires que pour une période limitée de quatre à cinq semaines; M. Lalonde avait en fait remplacé M. Régimbal à titre intérimaire, et l’on considérait que M. Lalonde avait droit à quelque chose pour avoir fait ce travail. Par ailleurs, de signaler M. Middlestead, M. Lalonde relevait du directeur adjoint des Finances et de l'administration, et son travail ne l’obligeait pas à traiter avec le public au même degré que M. Vasilas aux Services aux employeurs. Il a reconnu qu’à sa connaissance il n’y avait eu aucun problème à la suite de la réintégration de M. Lalonde.

M m e Monique Laurin a témoigné qu’à la demande de M. Régimbal elle consignait dans le SGA les demandes de rémunération d’heures supplémentaires de nombreuses personnes, dont elle-même. Les fonctionnaires dont les heures avaient été ainsi consignées recevaient par la suite un chèque à titre de rémunération. Aucune RC 505 n’était établie pour les heures supplémentaires en question.

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Décision Page 8 M me Laurin ignorait si M. Vasilas avait déjà inscrit ses propres données dans le système. Elle se souvient d'avoir vu M. Vasilas entrer des heures supplémentaires dans le système à une occasion; cependant, elle n’était pas sûre si ces heures étaient inscrites à son nom à lui ou au nom de quelqu’un d’autre, et elle ignorait si, cette fois-là, les heures supplémentaires avaient effectivement été travaillées. Lorsque M. Wardhaugh l’a questionnée à ce sujet, elle a répondu avoir supposé que M. Vasilas tentait d’entrer ses propres heures supplémentaires, mais elle en n’était pas certaine. En 1996, elle a vu M. Vasilas entrer des heures supplémentaires pour M. Marcel Guerin; à cette occasion, elle a demandé à M. Vasilas pourquoi il entrait des heures supplémentaires pour M. Guerin, puisqu’elle savait que ce dernier n’avait pas fait de temps supplémentaire; selon M m e Laurin, M. Vasilas a répondu que M. Régimbal lui avait demandé d’entrer ces heures pour M. Guerin. Elle avait elle-même entré des heures supplémentaires pour M. Guerin à la demande de M. Régimbal, afin de le rémunérer pour du travail qu’il avait accompli à titre intérimaire au niveau CR-5; M. Régimbal calculait la différence entre le salaire d’un CR-5 et celui d’un CR-3 (le niveau du poste d’attache de M. Guerin), puis il calculait le salaire au prorata et faisait verser le montant équivalent en temps supplémentaire.

M me Laurin se souvient par ailleurs que lorsque M. Régimbal s’absentait pour quelques jours, M. Vasilas lui demandait si elle avait reçu instruction de la part de M. Régimbal d’entrer des heures supplémentaires, afin de le rémunérer pour avoir remplacé M. Régimbal. À cinq ou six occasions entre 1994 et 1997, M. Vasilas avait remplacé M. Régimbal pour une période de deux à cinq jours à chaque fois. Conformément aux instructions de M. Régimbal, elle entrait des heures supplémentaires afin que M. Vasilas soit rémunéré en temps supplémentaire plutôt que par le versement d’une rémunération d’intérim. Elle se souvient d’avoir inscrit les heures supplémentaires au nom de M. Vasilas après que celui-ci eut quitté le bureau pour aller suivre des cours de français en 1997.

M me Laurin a en outre témoigné qu’elle se souvenait d’avoir à une occasion entré des heures supplémentaires au nom de M. Lalonde. Elle a signalé que M. Lalonde avait effectué de nombreuses heures supplémentaires à la maison. Elle l’avait aidé à imprimer des disquettes contenant des travaux qu’il avait effectués chez lui.

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Décision Page 9 En contre-interrogatoire, M m e Laurin a déclaré que la demande de consigner des heures supplémentaires lui avait toujours été faite par M. Régimbal, et non par d’autres fonctionnaires. M me Laurin travaillait pour sa part de 7 h 00 à 15 h 00; elle était souvent au bureau à 6 h 30 pour ouvrir la porte. M me Laurin a fait remarquer que M. Régimbal n’acceptait pas qu’on lui dise non lorsqu’il était question de la rémunération d’heures supplémentaires. Elle considérait par ailleurs que le fait de recevoir une rémunération d’heures supplémentaires l’indemnisait pour ne pas avoir reçu de rémunération d’intérim et pour être entrée au bureau tôt. M. Régimbal avait l’habitude de faire faire des chèques d’heures supplémentaires à la fin de chaque exercice à titre de primes qu'il remettait à tout son personnel. À d’autres occasions, lorsqu’il disposait des fonds nécessaires dans son budget, il accordait une telle rémunération pour avoir rempli des fonctions à titre intérimaire,.

M. Vasilas a témoigné pour lui-même. Il est entré dans la fonction publique en 1993 en tant que commis à la salle du courrier, au niveau CR-1, à Revenu Canada. Il a eu plusieurs promotions qui l’ont finalement mené au poste de PM-3 qu’il occupait à la fin de 1995. M. Vasilas a fait remarquer que son rendement avait toujours été coté supérieur ou très satisfaisant, et qu’il n’avait jamais subi de mesure disciplinaire.

M. Vasilas a témoigné que, de janvier 1991 à février 1996, période au cours de laquelle son horaire était de 7 h 30 à 15 h 30, il arrivait toujours à 7 h 15 et travaillait jusqu’à 16 h 00. À cette époque il voyageait avec son beau-frère, M. John Maroukas, qui travaillait lui aussi au Ministère. Il ne quittait pas le bureau avant 16 h 00 parce que M. Maroukas travaillait selon un horaire comprimé, c’est-à-dire de 7 h 15 à 16 h 00. Cependant, selon M. Vasilas, entre dix et quinze pour cent du temps M. Maroukas devait l’attendre, parfois jusqu’à 17 h 00 ou 18 h 00, à cause des responsabilités de superviseur de M. Vasilas. Au cours des mois de janvier à juin surtout, il devait tous les jours superviser le personnel du poste de nuit relevant de lui qui était affecté au programme T-4. Il pouvait y avoir jusqu’à 400 fonctionnaires dans ce programme. Il était responsable de ces fonctionnaires par l’entremise de ses subalternes, qui occupaient des postes de CR-5 ou AS-2. Toutefois, il arrivait que ces fonctionnaires viennent le consulter après que leurs superviseurs eurent quitté pour la journée, et il devait s’occuper de leurs problèmes.

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Décision Page 10 M. Vasilas a déclaré avoir reçu son premier chèque d’heures supplémentaires vers le 6 mars 1995; cela l’a étonné puisqu’il n’avait effectué aucune heure supplémentaire, pas plus qu’il n’avait rempli de RC-505 pour réclamer du temps supplémentaire; il a demandé à M. Régimbal pourquoi il avait reçu un chèque. M. Régimbal lui a répondu qu’il savait qu’il avait effectué ces heures et qu’il voulait le rémunérer de temps à autre sous forme de chèques d’heures supplémentaires. M. Régimbal lui a en outre dit que cette rémunération remplaçait la rémunération d’intérim, puisque M. Vasilas avait remplacé M. Régimbal de nombreuses fois avant février 1995, lorsque ce dernier prenait ses congés annuels d’environ quatre semaines par année et quand il s’absentait en congé de maladie ou pour effectuer un voyage en service commandé pouvant durer d’une à deux semaines. M. Vasilas a signalé qu’à ces occasions il était « officiellement » désigné pour remplacer M. Régimbal; autrement dit, le personnel, y compris le directeur du Centre fiscal, était avisé par courrier électronique que M. Vasilas serait responsable de la Division en l’absence de M. Régimbal. M. Vasilas a précisé qu’il était la seule personne à remplacer M. Régimbal, puisqu’il était l’employé le plus expérimenté et averti relevant de celui-ci. À ces occasions, M. Vasilas a dit qu’il remplaçait M. Régimbal dans toutes ses fonctions, et qu’il assistait notamment à toutes les réunions hebdomadaires; sa présence est consignée dans le procès-verbal de ces réunions. M. Vasilas a fait remarquer qu’il avait toujours été membre du syndicat et qu’il connaissait bien les dispositions de sa convention collective concernant les heures supplémentaires. Il n’avait pas présenté de demandes de rémunération d’heures supplémentaires parce qu’il estimait que les heures additionnelles qu’il travaillait faisaient partie de ses responsabilités, et il ne s’attendait pas qu’on lui paie des heures supplémentaires.

M. Vasilas a en outre signalé que ni lui ni M. Régimbal n’avaient consigné les heures supplémentaires qu’il avait effectuées. De plus, M. Régimbal n’a jamais rempli le formulaire TPA 151 concernant les affectations intérimaires. M. Régimbal ne lui avait jamais demandé une partie de l’argent qu’il recevait et il ignorait, avant le début de l’enquête, l’existence des commissions secrètes que versaient d’autres fonctionnaires.

M. Vasilas a par ailleurs nié avoir jamais consigné des données dans le SGA, que ce soit pour lui-même ou pour quelqu’un d’autre. En particulier, il n’avait jamais fait d’entrées au nom de M. Guerin, qui n’était ni son subalterne ni un ami. Il a insisté Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 11 pour dire que le racket des commissions secrètes l’avait totalement pris par surprise; il l’a appris lorsqu’une collègue, Christine Larocque, lui a téléphoné à son domicile en mai 1997 pour lui dire qu’elle versait de telles commissions à M. Régimbal. M. Vasilas a affirmé qu’aucun cadre de rang supérieur ne l’avait jamais approché concernant la rémunération qu’il recevait pour des heures supplémentaires. Il a reconnu avoir signé les documents du SEPC (pièces E-17 et E-18) indiquant qu’il était d’accord avec les crédits de congé inscrits sur la première page des documents. Il a soutenu ne pas avoir examiné les documents, si ce n’est de vérifier les crédits de congé de maladie et les crédits de congé annuel.

M. Vasilas a signalé qu’au cours du dernier mois de sa formation linguistique il avait reçu un chèque pour la rémunération d’heures supplémentaires. Il a de nouveau approché M. Régimbal pour obtenir des explications à son retour de formation. M. Régimbal lui a dit que, puisque c’était la fin de l’exercice, il était en mesure de le rémunérer pour les heures supplémentaires qu’il avait effectuées plus tôt; de plus, M. Régimbal lui a expliqué que puisqu’il commencerait à travailler dans une nouvelle division sous la direction de M me Harenclak il ne pourrait plus le rémunérer. M. Vasilas a déclaré qu’il n’avait plus reçu de chèques d’heures supplémentaires après le 1 er avril 1997, et qu’il n’avait plus eu de contact avec M. Régimbal depuis le mois de juin.

En contre-interrogatoire, M. Vasilas a reconnu qu’il n’avait pas mentionné à M. Wardhaugh qu’il restait au bureau après 16 h 00 entre dix à quinze pour cent du temps. De plus, il a reconnu que, dans la pièce E-10, une note de service qu’il a remise à son syndicat, il n’était pas fait mention qu’il travaillait jusqu’à 17 h 00 ou 18 h 00. Il a convenu qu’il n’avait pas de note de service de M. Régimbal concernant les fois il l’aurait remplacé à titre intérimaire. Il a en outre reconnu que lorsque des fonctionnaires relevant de lui avaient besoin de faire des heures supplémentaires ceux-ci lui présentaient une formule RC 505, qu’il autorisait, et qu’il utilisait le formulaire TPA 151 lorsque ses subalternes étaient appelés à remplir des fonctions à titre intérimaire. M. Vasilas a reconnu que M. Régimbal n’avait pas suivi les procédures établies concernant la rémunération d’heures supplémentaires pour lui-même. Il a convenu en outre qu’il n’avait jamais été obligé de faire des heures supplémentaires, et qu’il était au courant que, aux termes de sa convention collective, il fallait travailler dix jours dans un poste à titre intérimaire avant de toucher la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 12 rémunération s’y rattachant. M. Vasilas a insisté pour dire que les heures supplémentaires pour lesquelles il avait été rémunéré concernaient des périodes d'intérim dépassant dix jours. Cependant, il n’était pas en mesure d’affirmer avec certitude combien de fois il avait remplacé M. Régimbal à titre intérimaire pendant plus de dix jours. Il a accepté sans vérifier l’affirmation de M. Régimbal comme quoi il se trouvait à le rémunérer pour des heures de travail effectuées. Il a reconnu qu’il ne gérait pas ses propres employés de cette façon et que, en rétrospective, l’approche de M. Régimbal était probablement répréhensible. Il n’a aucune idée du montant que le Ministère lui doit toujours au titre des heures supplémentaires; lorsqu’il travaillait pour M m e Harenclak, il ne lui a pas demandé à être rémunéré pour les 45 minutes supplémentaires qu’il effectuait chaque jour. Il a reconnu qu’il n’avait pas été tenu de faire des heures supplémentaires en 1997; les chèques qu’il a reçus cette année-là concernaient des heures supplémentaires qui remontaient à février 1996. Il ne s’était jamais arrêté pour se demander s’il avait été rémunéré pour plus ou moins d’heures que le nombre qu’il avait effectivement travaillé. M. Vasilas était conscient qu’il était nécessaire de consigner les heures supplémentaires pour contrôler les fonds affectés à cette fin, tel qu’il l’a signalé à M. Wardhaugh. Il ignorait quel mécanisme de contrôle M. Régimbal utilisait, mais il était évident qu’il n’utilisait pas les RC 505. Il a reconnu que, dans la pièce E-10, il n’avait pas tenu compte de ses périodes de congé annuel. Enfin, M. Vasilas a déclaré que, sachant maintenant ce qui était arrivé à M. Régimbal et à son racket, il aurait dit à M. Régimbal d’appliquer les bonnes procédures, c’est-à-dire qu’il aurait insisté pour qu’il remplisse les formules RC 505 ou TPA 151 pour le rémunérer.

Arguments L’avocat de l’employeur maintient que, tel qu’il est précisé dans la lettre de licenciement, M. Régimbal et M. Vasilas ont conclu un accord selon lequel M. Régimbal rémunérerait M. Vasilas avec des fonds publics, auxquels ce dernier n’avait pas droit. Il s’est agi de conspiration ou de collusion dans le but de frauder l’État, au sens courant que donne à ces termes le Concise Oxford Dictionary, 9 e édition. M. Vasilas connaissait très bien les procédures qu’il était censé suivre concernant la rémunération des heures supplémentaires et la rémunération d’intérim; il appliquait ces règles à la lettre lorsqu’il était question de ses propres employés. Selon M e LeFrançois, il est impossible que M. Vasilas ait considéré la rémunération des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 heures supplémentaires comme légitime, puisqu’il n’avait jamais consigné les heures qu’il avait effectivement travaillées, sauf après son congédiement.

Le fait que M. Vasilas ne soit pas lui-même à l’origine du stratagème frauduleux visant à lui obtenir la rémunération d’heures supplémentaires, ou que l’initiative soit venue de son supérieur, ne diminue pas le fait qu’il a participé à une fraude en consignant des heures supplémentaires qu’il n’avait pas faites. L’avocat signale que M me Laurin, dans son témoignage, a dit avoir vu M. Vasilas faire de fausses entrées concernant M. Guerin. M e LeFrançois se reporte aux Normes de conduite du Ministère, qui font état de la violation des alinéas 80a), b) et d) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

L’avocat fait remarquer que M. Vasilas a reçu le paiement illégitime d’heures supplémentaires pendant une période de plus de deux ans, exception faite d’une période de 11 mois. Le fonctionnaire a donc eu amplement de temps pour réfléchir à ses actes. M. Vasilas a prétendu que c’était en partie pour les fonctions qu’il avait remplies à titre intérimaire qu’il avait reçu cet argent; or il n’a pu produire aucune preuve indiquant qu’il avait rempli une partie importante des fonctions de son superviseur, pas plus qu’il n’a pu établir qu’il avait travaillé pendant plus des dix jours qu’exige la convention collective. M. Vasilas n’avait pas droit à la rémunération d’heures supplémentaires puisqu’il n’avait pas été tenu de faire du travail supplémentaire. Bien qu’il considérât cela comme la rémunération d’heures qu’il avait passées au bureau, son comportement n’est pas plus légitime pour autant.

L’avocat se reporte au témoigne de M. Middlestead concernant la rupture du lien de confiance ainsi que la nécessité, pour le Ministère, de pouvoir compter sur l’intégrité absolue de ses fonctionnaires; dans ces circonstances, il ne fait aucun doute que le lien de confiance a été rompu puisque le fonctionnaire a accepté 18 000 $ auxquels il n’avait pas droit, et qu’il ne s’est jamais posé de question à ce sujet avant son licenciement.

Selon M e LeFrançois, la jurisprudence de la Commission prévoit que, pour des actes graves comme le vol ou la fraude, le congédiement est présumé être la sanction indiquée (voir Williams (dossier 166-2-5097); King (dossier 166-2-25956); Crevier (dossier 166-2-7947) et Cole (dossier 166-2-25466), confirmée par la Cour fédérale,

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Décision Page 14 Section de première instance, dans un jugement daté du 22 mars 1996, dossier de la Cour T-2671-94). Les actes frauduleux sont considérés comme particulièrement graves lorsqu’ils sont commis sur une longue période, comme c’est le cas en l’espèce. L’avocat fait valoir que, conformément à ce qu’on peut lire dans l’ouvrage de Brown et Beatty intitulé Canadian Labour Arbitration, 3 e édition, c’est à l’employé qu’il incombe de faire la preuve de facteurs atténuants. M e LeFrançois soutient qu’il n’y a pas de facteurs atténuants en l’occurrence. En ce qui concerne le fait que M. Lalonde aurait bénéficié d’un traitement moins sévère, l’avocat signale que, tel que l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Barratt et Clarke et autres, (1984), 53 N.R. 60 (CAF), la preuve qu’un autre employé a pu bénéficier d’un traitement moins sévère ne constitue pas un facteur atténuant. De toute façon, il n’y a aucune preuve de discrimination ici; le cas de M. Lalonde est très différent; le fait de traiter quelqu’un différemment n’est pas synonyme de discrimination. De plus, M. Vasilas ne saurait invoquer des facteurs atténuants puisqu’il n’a pas reconnu la gravité de ses actes, pas plus qu’il n’a manifesté de remords. Il y a lieu d’envoyer un message clair comme quoi une telle conduite est considérée comme frauduleuse et sera traitée en conséquence.

Selon le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, cette affaire est plus simple que l’image qu’en a donné l’employeur. Ce qui s’est passé, c’est que le directeur adjoint avait l’habitude de récompenser ses employés pour le travail supplémentaire et les affectations intérimaires en leur payant des heures supplémentaires. Les témoignages de M me Laurin, de M. Vasilas et de M. Wardhaugh concordent tous sur ce point. M. Vasilas devait toujours répondre, après ses heures normales, aux besoins du personnel du poste de nuit qu’il supervisait; il aurait très bien pu justifier la rémunération de ses heures supplémentaires en invoquant les dispositions pertinentes de la convention collective. Pour ce qui est des affectations intérimaires, M me Laurin et M. Vasilas s’accordent pour dire que ce dernier avait remplacé M. Régimbal chaque fois qu’il avait s’absenter.

M. Done soutient qu’il incombe à l’employeur de prouver les allégations spécifiques énoncées dans la lettre de licenciement. Autrement dit, il doit prouver que le fonctionnaire a « délibérément fait de fausses entrées d’heures supplémentaires »; or il n’y a aucune preuve comme quoi M. Vasilas a fait de fausses entrées, encore moins qu’il l’ait fait délibérément. Pour ce qui est des entrées qui auraient été faites au nom de M. Guerin, M m e Laurin ignorait pour quelles dates M. Vasilas aurait fait des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision entrées pour le compte de M. Guerin. Le témoignage de M ne pouvait affirmer avec certitude que M. Guerin n’avait pas fait d’heures supplémentaires après son départ à elle, à 15 h 00.

M. Done fait valoir par ailleurs que M. Vasilas et M. Régimbal ne s’étaient jamais entendus pour commettre une fraude. S’il est vrai que M. Régimbal a décidé de fournir de faux renseignements concernant les heures supplémentaires, M. Vasilas n’a pas pour sa part participé à cette déclaration trompeuse. Tout ce que M. Régimbal lui avait dit, c’était qu’il allait utiliser le budget des heures supplémentaires pour le rémunérer. M. Vasilas ignorait que M. Régimbal faisait de fausses déclarations en ce qui a trait aux heures supplémentaires que M. Vasilas avait travaillées. En fait, M. Vasilas n’a fourni aucune précision à propos du travail supplémentaire qu’il avait accompli; de plus, aucune preuve n’a été présentée quant aux discussions qui auraient eu lieu sur la façon dont M. Régimbal s’y prendrait pour faire payer le temps supplémentaire. M. Vasilas n’a pas demandé d’heures supplémentaires pour lui-même, il n’a fourni aucune donnée à cet égard et il n’a pas approuvé le paiement de telles heures non plus; il a tout simplement accepté aveuglement l’affirmation de son patron, à savoir qu’il avait droit à cette rémunération. Selon M. Done, si M. Vasilas a eu tort d’accepter l’assurance que lui donnait M. Régimbal, cela ne constitue pas de la fraude pour autant. M me Laurin a elle aussi témoigné que, à ses yeux, elle avait reçu cet argent en reconnaissance du travail qu’elle avait accompli, comme c’était le cas pour M. Vasilas. Le représentant du fonctionnaire fait remarquer qu’il n’est pas inhabituel que les gestionnaires déplacent des montants d’un poste du budget à un autre. M. Vasilas n’a rien concocté, et il n’a de son propre chef rien fait de répréhensible.

M. Done maintient qu’il y a de nombreux facteurs atténuants; M. Vasilas a reçu ses chèques d’un gestionnaire qui était autorisé à faire ces paiements. M. Vasilas comptait 14 ans de service et il était considéré comme un très bon employé; il avait reçu de nombreuses promotions et de très bonnes appréciations de rendement, sans compter qu’il n’avait jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires auparavant. M. Done fait remarquer que M. Vasilas a répondu aux questions de M. Wardhaugh d’une manière franche et directe. M. Vasilas n’a jamais nié ne pas avoir effectué les heures spécifiques en question, pas plus qu’il n’a demandé à être accompagné par un représentant syndical au moment de l’enquête.

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Page 15 m e Laurin a été vague et elle

Décision Page 16 M. Done compare par ailleurs la conduite de M. Lalonde à celle de M. Vasilas. Il signale que, aux pages 9 et 10 de la pièce E-4, il est dit que M. Lalonde avait nié avoir été rémunéré pour des heures supplémentaires qu’il n’avait pas travaillées; ce n’est que plus tard qu’il a changé sa position. M. Lalonde a reçu 3 400 $ sur une période de quelques semaines, et pourtant il a été réintégré. M. Lalonde et M. Vasilas étaient tous deux des gestionnaires; ils connaissaient l’existence des formulaires RC 505 et TPA 151 et savaient quand il fallait les utiliser. Dans l’enquête, les deux sont désignés comme ayant commis la même faute de conduite. Il n’y a aucune raison de conclure que le lien de confiance a été rompu dans un cas, et qu’il ne l’a pas été dans l’autre.

En ce qui concerne le redressement, M. Done soutient que l’employeur ne devrait pas pouvoir recouvrer le montant net de 10 000 $, étant donné que l’employeur avait autorisé le versement de ces sommes. L’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire était coupable de fraude ou d’avoir effectué de fausses entrées. S’il est vrai que M. Vasilas, en sa qualité de gestionnaire, aurait insister pour que son superviseur applique les règles comme il les avait appliquées lui-même, il n’y a aucune preuve comme quoi il se conduirait de la même façon aujourd’hui; par conséquent, rien ne justifie l’imposition de la sanction ultime de congédiement.

Motifs de la décision Je dois en l’occurrence trancher deux questions : premièrement, le fonctionnaire est-il coupable de la faute mentionnée dans la lettre de congédiement? Deuxièmement, si M. Vasilas est coupable de la faute que lui reproche l’employeur, le licenciement est-il la sanction indiquée?

À mon avis, le fonctionnaire s’estimant lésé était un participant consentant dans un stratagème visant à obtenir le paiement d’heures supplémentaires auquel il savait, ou aurait savoir, qu’il n’avait pas droit. M. Vasilas était un gestionnaire qui, de temps à autre, autorisait le paiement d’heures supplémentaires pour son propre personnel; il savait fort bien quelles procédures devaient être suivies pour traiter des demandes d’heures supplémentaires, et il savait pertinemment, en particulier, qu’il fallait remplir, signer et soumettre la formule RC 505. Il a reconnu d’emblée qu’il connaissait fort bien les dispositions de sa convention collective concernant les heures supplémentaires. M. Vasilas a fait remarquer qu’il n’avait jamais demandé à être

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Décision Page 17 rémunéré pour les heures additionnelles qu’il passait à son bureau, et pour lesquelles il maintient aujourd’hui que M. Régimbal le rémunérait. Je suis d’avis qu’il n’a pas demandé à être rémunéré pour ces heures parce qu’il savait à l’époque que l’employeur ne l’avait pas tenu de les effectuer, et qu’il n’avait donc pas droit, aux termes de la convention collective, à être rémunéré pour ce travail. D’autre part, je ne suis pas convaincu que M. Vasilas ait jamais satisfait aux exigences concernant la rémunération d’intérim. Ici encore, M. Vasilas connaissait très bien les procédures à suivre pour réclamer une rémunération d’intérim, or il n’a fait aucun effort pour s'y conformer. Lorsqu’il soutient que les 18 000 $ qu’il a reçus pour des heures supplémentaires s’appliquaient en partie aux périodes pendant lesquelles il avait rempli des fonctions à titre intérimaire, il avance une justification qui est bien mince dans les circonstances.

Bien M. Vasilas ne soit pas à l’origine des demandes de paiement d’heures supplémentaires (elles émanaient de M. Régimbal), non seulement il en a profité, mais il a joué un rôle actif en signant les états du SEPC attestant l’exactitude des paiements d’heures supplémentaires qui y étaient inscrits. Je n’accepte pas le témoignage de M. Vasilas selon lequel il ne s’était pas enquis du contenu des états du SEPC lorsqu’il avait signé ces documents. Ou bien il ment, ou bien il a délibérément et consciemment fermé les yeux sur les conséquences de ses actes afin de pouvoir en bénéficier illégitimement. D’une façon ou d’une autre , ces actes constituent une faute de conduite grave et délibérée, conduite qui lui a procuré de façon illégitime une somme d’argent importante. Par conséquent, je conclus que l’employeur a prouvé dans une large mesure les allégations qui sont énoncées dans la lettre de licenciement.

Il ne fait aucun doute que la faute de conduite décrite ci-dessus est grave, étant donné surtout l’importance du montant que le fonctionnaire a reçu. La réaction de l'employeur face à une telle inconduite est compréhensible, compte tenu de son mandat et de la nécessité évidente pour le Ministère de veiller à ce que le public ait entièrement confiance dans l’intégrité de ses opérations et de ses employés. Néanmoins, je suis tenu de prendre en considération un certain nombre de facteurs atténuants qui sont pertinents dans le contexte de la présente affaire.

Les arbitres sont presque universellement d’avis que, même lorsqu’on a affaire à des fautes graves comme le vol ou la fraude, il devrait être tenu compte des

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Décision Page 18 circonstances atténuantes, le cas échéant, au moment de déterminer la sanction à imposer. Par exemple, dans une décision récemment publiée (Re Canpar and Transportation Communications Union (1998), 66 L.A.C. (4th) 1 (M. Picher), l’arbitre a fait les observations suivantes à l’égard du renvoi d’un employé qui avait volé le porte-monnaie appartenant à un client de son employeur : [Traduction] la page 2) La position de la compagnie est compréhensible, compte tenu de la jurisprudence concernant l’importance de la relation de confiance si essentielle au lien qui existe entre l’employeur et l’employé. Lorsqu’ils se penchent sur un tel cas, cependant, les conseils d’arbitrage tiennent compte d’un certain nombre de facteurs, y compris des facteurs atténuants qu’il y a lieu de prendre en considération en déterminant la sanction appropriée. [...]

. . . la page 4) En l’occurrence, il y a des facteurs impérieux à prendre en considération. L’employé s’estimant lésé compte quelque quinze années de service. Pendant toutes ces années, il n’a été l’objet que de deux sanctions disciplinaires mineures. En mai 1996, il s’est vu décerner un certificat de prudence au volant par la compagnie pour avoir conduit un véhicule de la compagnie pendant quinze ans sans subir d’accident de la route évitable. M. Nelson est l’un des employés qui comptent le plus d’ancienneté et, il est juste de le souligner, un des employés les plus exemplaires que l’on puisse trouver à l’établissement de Vancouver ou au sein de l’unité de négociation nationale.

Se reporter également à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (3 e édition) (1996), au chapitre 7, et à Palmer et Palmer, Collective Agreement Arbitration in Canada (3 e édition) (1991), à la page 294. À cet égard, les facteurs atténuants qui ont plus de poids sont sans doute la durée de service du fonctionnaire et le dossier de sa bonne conduite. En l’occurrence, le fonctionnaire compte 14 années de service sans tache. En fait, il a reçu de nombreuses promotions durant cette période. À mon avis, il s’agit d’un facteur qui milite beaucoup en sa faveur. De plus, il est clair que le fonctionnaire n’est d’aucune façon à l’origine du paiement des

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Décision Page 19 heures supplémentaires, et il n’a apparemment rien fait pour s’en cacher non plus. Il a apparemment été franc et direct avec M. Wardhaugh lors de la première enquête concernant cette affaire, répondant à toutes ses questions sans la présence d’un représentant syndical, bien qu’on lui ait offert une telle représentation. Je suis d’autre part conscient de la personnalité dominante de M. Régimbal et du style de gestion très relâchée qu’il appliquait, ce dont a fait état M m e Laurin dans son témoignage, sans compter les mentions à cet effet dans le rapport d’enquête de M. Wardhaugh. Je suis convaincu que M. Vasilas n’aurait pas songé à accepter ainsi le paiement illégitime d’heures supplémentaires n’eût été de l’initiative de M. Régimbal. En outre, je tiens compte du fait que M. Vasilas n’a apparemment rien eu à voir avec le stratagème des commissions secrètes, et qu’il n’était apparemment pas au courant de son existence non plus. Ce fait est corroboré, en partie tout au moins, par le rapport d’enquête de M. Wardhaugh (voir la pièce E-4, page 6, quatrième point).

J’ai tenu compte de la position du Ministère, à savoir que le lien de confiance avait été irrémédiablement rompu à la suite des actions du fonctionnaire, situation qui avait été exacerbée par l’attention accordée à l’affaire par les médias. Bien que la position de l’employeur soit entièrement compréhensible à la lumière de son mandat, je demeure un peu sceptique face à cet argument. Presque chaque fois que l’employeur décide de congédier un employé, il soutient, sans doute sincèrement, que le lien de confiance a été rompu. Si les arbitres devaient accepter cet argument sans le remettre en question chaque fois que l’employeur a justifié une sanction disciplinaire, il n’y aurait plus de place pour l’examen de facteurs atténuants. En l’occurrence, je ne suis pas convaincu que M. Vasilas ne pourrait être réintégré avec succès dans ses fonctions au Ministère, à la lumière notamment des circonstances de cette affaire. Mon scepticisme à l’égard des arguments invoqués par le Ministère est renforcé par le traitement qui a été accordé à M. Lalonde. Sans pour autant affirmer que M. Vasilas a été victime de discrimination, je conviens néanmoins avec M. Done qu’il est difficile de comprendre pourquoi le fait de toucher illégitimement la rémunération d’heures supplémentaires, dans le cas de M. Lalonde, totalisant environ 3 400 $ sur une période de quatre à cinq semaines n’a pas eu pour effet de « rompre le lien de confiance », alors que c’est la conséquence qu’aurait eue la conduite de M. Vasilas. On pourrait fort bien se demander quel est le montant, ou la période, qui a pour effet de rompre le lien de confiance! Je signale par ailleurs que, contrairement à M. Vasilas, M. Lalonde a au

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Décision Page 20 départ nié devant l’enquêteur qu’il avait reçu le paiement illégitime d’heures supplémentaires (pièce E-4, pages 9 and 10). Je note les observations suivantes concernant M. Lalonde qui figurent dans le rapport de M. Wardhaugh : [traduction] « [...] [M. Lalonde] n’a pas rempli les formules RC505, pas plus qu’il ne savait comment on faisait le suivi de ses heures supplémentaires... Il sait qu’on doit remplir les RC505 lorsqu’on effectue des heures supplémentaires afin de faciliter l’entrée du temps supplémentaire dans le SGA par le personnel administratif. Un examen des dossiers du SGA concernant M. Lalonde indique que ce dernier a reçu environ 3 400 $ pour le paiement d’heures supplémentaires auxquels il n’avait pas droit. » (pièce E-4, supra). Je conviens avec l’employeur que M. Vasilas mérite une sanction plus sévère étant donné qu’il a reçu de façon illégitime un montant d’argent beaucoup plus considérable, et ce, sur une plus longue période. Néanmoins, je ne partage pas le point de vue du Ministère, à savoir que M. Lalonde peut être réintégré dans ses fonctions, tandis que M. Vasilas ne peut l’être. Dans ce contexte, je fais remarquer que M. Lalonde a reçu une suspension d’environ quatre mois, selon le témoignage de M. Middlestead.

À la lumière de l’ensemble des circonstances, je conclus que M. Vasilas est coupable d’une faute grave; cependant, de nombreux facteurs militent contre l’imposition de la sanction ultime du congédiement. Par conséquent, j’ordonne la réintégration de M. Vasilas dans les deux semaines suivant la date de la présente décision, mais sans indemnisation pour les salaires ou les avantages sociaux perdus. J’estime que, en l'occurrence, une suspension sans rémunération d’environ dix mois est une sanction plus appropriée que le congédiement. Par conséquent, il est fait droit en partie au grief. Je demeure saisi de l’affaire pendant une période de six semaines à compter de la date de la présente décision, dans l’éventualité les parties éprouveraient des difficultés à appliquer la décision.

P. Chodos, vice-président

OTTAWA, le 24 avril 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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