Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Indemnité de départ - Contrôleur de la circulation aérienne - Incidence de l'indemnité de départ reçue des Forces armées canadiennes avant l'embauche dans la fonction publique fédérale - Préclusion - lorsqu'il a quitté les Forces armées (FA) après 19 ans de service pour accepter un poste dans la fonction publique fédérale, le fonctionnaire a reçu une indemnité de départ équivalant à 50 % du taux prévu dans la disposition pertinente de la convention collective en vigueur dans la fonction publique parce qu'il avait travaillé moins de 20 ans dans les FA - avant d'accepter un poste à la fonction publique, et par après, le fonctionnaire et d'autres personnes dans la même situation que lui avaient été informés par l'employeur qu'au moment où ils quitteraient la fonction publique ils auraient droit, au titre de leurs années de service dans les FA, à une indemnité de départ égale à la différence entre le taux prévu dans la fonction publique et le montant qu'ils avaient reçu des FA - la convention collective prévoyait que le service immédiatement antérieur dans les FA entrait dans le calcul de l'emploi continu dans certaines circonstances - subséquemment, l'employeur a prétendu que, selon le libellé de la convention collective, le fonctionnaire n'avait pas droit à une autre indemnité pour ses années de service dans les FA à son départ de la fonction publique parce qu'il avait déjà reçu une indemnité de départ pour ces mêmes années de service - l'arbitre a rejeté l'interprétation de la convention collective proposée par l'employeur et a conclu que le fonctionnaire avait droit aux prestations de départ pour ses années de services dans les FA dans la mesure où la somme qu'il avait reçue en quittant les FA était inférieure au montant auquel il aurait eu droit en vertu de la convention collective - quoi qu'il en soit, l'arbitre a conclu que la doctrine de la préclusion empêchait l'employeur de refuser de verser au fonctionnaire les prestations de départ qu'il a réclamées par suite de la promesse faite par l'employeur avant que le fonctionnaire commence à travailler dans la fonction publique fédérale. Grief admis. Décisions citées : Goodine (166-2-15874); Goodine c. Canada (Conseil du Trésor) (C.A.F.), (Dossier de la Cour no A-741-86).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28191 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE HAROLD WARREN MARTIN fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant : Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Peter Barnacle, avocat, Association canadienne du contrôle du trafic aérien

Pour l'employeur : Harvey Newman, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), les 6 et 7 avril et le 15 septembre 1998.

DÉCISION La présente décision fait suite à l'audition d'un grief renvoyé à l'arbitrage par M. Harold Warren Martin, contrôleur de la circulation aérienne (AI-6), qui travaille à NAV Canada NAVCAN ») depuis 1996 à titre d'agent des besoins opérationnels.

Le fonctionnaire a déposé le présent grief quand il travaillait encore pour Transports Canada. Il demande [traduction] « que soient prises les dispositions nécessaires pour lui verser l'indemnité de départ qu'il n'a pas reçue relativement aux neuf années (environ) de service militaire effectuées avant sa mutation à Transports Canada. »

L'article de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien (Code : 402/91) (pièce B-2), qui traite de l'indemnité de départ, est reproduit ci-dessous : ARTICLE 18 INDEMNITÉ DE DÉPART 18.01 Dans les cas suivants et sous réserve de la clause 18.02, l'employé bénéficie d'une indemnité de départ calculée selon son taux de rémunération hebdomadaire.

** a) Licenciement (i) Dans le cas d'une première mise en disponibilité survenant après le 21 mars 1979, deux (2) semaines de rémunération pour la première année complète d'emploi continu et une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu supplémentaire, l'indemnité ne devant pas dépasser trente (30) semaines de rémunération.

(ii) Dans le cas de toute mise en disponibilité subséquente survenant après le 21 mars 1979, une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu, l'indemnité ne devant pas dépasser vingt-neuf (29) semaines de rémunération, moins toute période pour laquelle il a déjà reçu une indemnité de départ en vertu de la clause 18.01a)(i) ci-dessus.

** b) Retraite (En vigueur le 1 er janvier 1991) Lors de la retraite, lorsque l'employé a droit à une pension à jouissance immédiate ou à une allocation

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Décision Page 2 annuelle à jouissance immédiate, aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique, une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu, l'indemnité ne devant pas dépasser trente (30) semaines de rémunération.

** c) Décès Si l'employé décède, il est versé à sa succession une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu jusqu'à un maximum de trente (30) semaines de rémunération, sans tenir compte des autres indemnités payables.

** d) Renvoi pour incapacité L'employé renvoyé pour incapacité en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique a droit, à la cessation de son emploi, à une indemnité de départ à raison d'une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu, l'indemnité ne devant pas dépasser vingt-huit (28) semaines de rémunération.

** 18.02 Les indemnités de départ payables à l'employé en vertu du présent article sont réduites dans la mesure de toute période d'emploi continu pour laquelle il a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi au sein de la fonction publique, d'une société d'État, des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada. En aucun cas doit-il y avoir cumul des indemnités de départ maximales prévues à l'article 18.01.

18.03 Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question dans les clauses ci-dessus est le taux de rémunération hebdomadaire auquel l'employé a droit à la date de cessation de son emploi, conformément à la classification indiquée dans son certificat de nomination.

Preuve La preuve produite par le fonctionnaire s'estimant lésé peut être ainsi résumée. Le fonctionnaire est devenu membre des Forces canadiennes (ministère de la Défense nationale (MDN)) en 1971. En 1989, il a été muté de Cornwall au Quartier général du MDN à Ottawa. Durant la même année, alors qu'il lui restait deux années de service à effectuer avant de toucher sa pension de retraite des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 3 Forces canadiennes, il a participé à un concours d’AI-NOP-5 à Transports Canada. Le 16 janvier 1990, il a reçu une offre d'emploi de Transports Canada.

Avant d'accepter l'offre, le fonctionnaire a songé au fait qu'il « perdrait » 50 % de son indemnité de départ s'il partait avant d'avoir accumulé 20 années de service dans les Forces canadiennes et de devenir admissible à sa pleine pension.

À l'époque, les militaires qui partaient avant d'avoir accumulé neuf années de service n'avaient pas droit à une indemnité de départ. S'ils partaient après neuf années de service, mais avant la fin de la 20 e année, ils avaient droit à 50 % de l’indemnité de départ. (Ils avaient donc droit à 19 semaines de rémunération divisé par deux s'ils partaient après 19 années de service.) S'ils partaient après 20 années ou plus, ils avaient droit au montant intégral de l'indemnité de départ, soit 20 semaines de rémunération pour 20 années de service. Le fonctionnaire avait presque 19 années de service.

Le fonctionnaire a eu un entretien avec son futur superviseur, M. Don Maclean, surintendant, Traitement des données de vol, Transports Canada, et avec la conseillère en personnel, M me Ginette Leroux, Transports Canada, qui lui a offert (pièce B-3) le poste au Service de la circulation aérienne à Transports Canada.

Après sa conversation avec M. Maclean et M me Leroux, le fonctionnaire a décidé d'accepter la « pénalité » imposée, soit la déduction d’un montant d'environ 10 000 $ de l'indemnité de départ, du fait qu’il démissionnait des Forces canadiennes avant d'avoir accumulé 20 années de service, parce que M. Maclean et M me Leroux lui avaient tous les deux garanti qu'il ne perdait pas les 10 000 $ (environ), qu'il les récupérerait à son départ de Transports Canada. M me Leroux lui avait dit qu'à la fin de sa carrière Transports Canada lui verserait le montant intégral de l'indemnité de départ et que, s'il comptait 30 années de service emploi continu »), il recevrait 30 semaines de rémunération, moins le nombre de semaines payées par le MDN.

À la suggestion de M me Leroux, le fonctionnaire a parlé à M préposée à la rémunération, qui travaillait sous la supervision de M superviseure, Rémunération et avantages sociaux, APRAB. M confirmé que le montant de l'indemnité de départ auquel il aurait droit serait calculé en soustrayant le nombre de semaines payées par le MDN.

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me Céline Tougas, me Lina Canonico, me Tougas a elle aussi

Décision Fort de ces garanties, le fonctionnaire a téléphoné à M qu'il acceptait le poste à Transports Canada, il a travaillé de mai 1990 à novembre 1996, date à laquelle il est passé à NAVCAN.

Le fonctionnaire a déclaré que, si on lui avait dit que l'indemnité de départ de Transports Canada ne comprendrait pas l'indemnité de départ qu'il n’avait pas reçue parce qu’il avait quitté le MDN avant d'avoir accumulé 20 années de service, il aurait « sérieusement réfléchi avant d'accepter l'emploi à Transports Canada et il serait peut-être resté au MDN ». Il a également précisé que le poste à Transports Canada l'avait intéressé parce qu'il lui offrait l'avantage d'une résidence permanente.

En mai et juin 1991 (pièces B-4 et B-5), le fonctionnaire s'est rendu compte qu’il n’était pas sur la même longueur d’ondes que le ministère sur la question de l’indemnité de départ à laquelle il aurait droit quand il quitterait Transports Canada.

Le 29 mai 1991, ou aux environs de cette date, le fonctionnaire a téléphoné à M me Céline Tougas après avoir reçu la note de service (pièce B-4) de cette dernière et avoir constaté qu'elle ne mentionnait pas l'indemnité de départ : [Traduction] Vous êtes avisé, par la présente, que la Division des pensions de retraite a confirmé le virement de votre fonds de pension des Forces canadiennes. À titre documentaire, vous trouverez ci-joint la formule MAS 2097, Avis concernant le service à option. Veuillez prendre note que votre service dans les Forces canadiennes n’est pas pris en considération aux fins du calcul des congés.

J’espère que les renseignements fournies ci-dessus répondent à vos questions.

Son interprétation du montant de l’indemnité de départ à laquelle il aurait droit ne correspondait pas à ce qu’elle lui avait dit avant son arrivée à Transports Canada; ce montant serait maintenant calculé comme « s’il avait été embauché de l’extérieur ».

Toutefois, le 26 juillet 1991, M me Lina Canonico, superviseure, Rémunération et avantages sociaux (Groupe Aviation), a indiqué à M. Harold Martin (pièce B-6) que le « service continu » du fonctionnaire serait calculé à compter du 3 novembre 1971. Dans sa note de service, elle n'abordait pas directement la question de l'indemnité de

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Page 4 me Leroux pour lui dire

Décision Page 5 départ. M. Harold Martin lui a téléphoné pour en discuter avec elle. Il a pris en note (pièce B-6) ce qu'elle lui a dit, soit : [Traduction] M me Canonico a confirmé par téléphone que l'indemnité de départ en fin de carrière sera le montant intégral de l'indemnité de départ correspondant au nombre total d'années de service, moins le nombre de semaines payées par les Forces canadiennes à la cessation d'emploi dans les Forces canadiennes.

Cette conversation avec M me Canonico a confirmé l'interprétation du fonctionnaire et « réglé l'affaire à ses yeux de telle sorte qu'il n'y a plus pensé pendant deux ou trois ans ».

Lorsque est venu le moment de décider s’ils allaient travailler pour NAVCAN, les employés ont reçu un « relevé » de pension de retraite. Le fonctionnaire, jugeant le sien inexact, a téléphoné à M me Mona Roy, APBA, pour en discuter. Par la suite, cette dernière lui a adressé la note de service suivante (pièce B-8), datée du 6 juin 1996 : [Traduction] Par les présentes, je confirme que votre indemnité de départ sera calculée en tenant compte de la totalité de vos états de service à compter du 3 novembre 1971, moins toute indemnité de départ versée par le MDN. J'ai envoyé un message télécopié au MDN pour obtenir confirmation de ces renseignements.

[...] Par la suite, M me Mona Roy a téléphoné au fonctionnaire pour lui dire qu'après avoir discuté de son cas avec sa superviseure elle devait l’informer qu'elle avait commis une erreur. Le fonctionnaire s'est alors entretenu avec la superviseure de M me Mona Roy, M me Lucie Cheff, le 15 octobre 1996. Cette dernière, APRBC, Opérations de la rémunération, a répondu dans les termes suivants (pièce B-10) : [Traduction] La présente fait suite à votre note de service concernant les questions susmentionnées.

Pour ce qui est de votre service au gouvernement, vous ne devez pas oublier que vous avez été embauché dans les Forces canadiennes en vertu de la Loi sur la Défense

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Décision Page 6 nationale et que vous étiez un cotisant en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

Vous avez été embauché dans la fonction publique en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et vous avez choisir entre transférer le service ouvrant droit à pension dans les Forces canadiennes au Régime de pensions de retraite de la fonction publique (RPRFP), ou y renoncer. Vu que vous avez choisi de cotiser au titre de votre service dans les Forces canadiennes, en vertu de la LPFP, celui-ci est réputé faire partie de la période d’emploi continu dans le calcul de l'indemnité de départ. Toutefois, il continuera de figurer à la partie relative au choix de l'estimation de la pension de retraite.

Au sujet de l'indemnité de départ, comme je l'ai mentionné plus haut, votre service au MDN fait partie de la période d'emploi continu. Le Manuel du Conseil du Trésor, Administration de la paie, volume 15, article 3.4.1 prévoit ce qui suit : « on calcule l'indemnité de départ en déterminant le nombre d'années complètes d'emploi ininterrompu jusqu'au maximum autorisé et l'on soustrait la période de service ayant fait l'objet d'un versement antérieur d'indemnité de départ ». Par conséquent, seulement la période de service à l'égard de laquelle une indemnité de départ a été payée est prise en considération pour déterminer le montant de l'indemnité de départ à verser, peu importe le nombre de semaines ayant déjà fait l'objet d'un versement.

Je regrette de ne pas pouvoir vous donner une réponse plus favorable. Si vous avez d'autres questions à ce sujet, peut-être y aurait-il lieu de communiquer avec votre syndicat vu que nous n'avons pas le pouvoir de modifier un règlement ou une convention collective.

La lecture de cette note de service a déclenché la colère du fonctionnaire, d'où sa décision de déposer un grief. Il croyait avoir droit à 16 semaines d'indemnité de départ, soit 25 semaines de rémunération moins les neuf semaines de rémunération reçues au moment de son départ du MDN. Plus précisément, il croyait avoir droit à 17 semaines de rémunération puisqu'un employé a droit à deux semaines de rémunération pour la première année (clause 18.01 de la convention collective) d'emploi continu. Toutefois, il n'a reçu que six semaines de rémunération.

Le fonctionnaire a fait valoir que, s'il avait quitté les Forces canadiennes avant d’avoir accumulé neuf années de service, il n'aurait pas reçu d'indemnité de départ; s'il était parti après 20 années de service, il aurait reçu 20 semaines d'indemnité de départ; il a donc été pénalisé du fait qu'il est parti après 19 années de service.

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Décision Page 7 Au cours du contre-interrogatoire, le fonctionnaire a convenu que son salaire était plus élevé à Transports Canada (63 000 $, au lieu de 54 000 $ au MDN). Il a ajouté qu'il aurait pu travailler 11 années de plus dans les Forces canadiennes (55 ans étant l'âge de la retraite obligatoire), mais qu'il avait accepté le poste à Transports Canada pour une question de style de vie afin de créer de meilleures conditions pour son fils.

Le fonctionnaire a souligné qu'il lui manquait 11 mois pour cumuler 20 années de service lorsqu'il a quitté les Forces canadiennes pour aller travailler à Transports Canada. Il ne savait pas quelle aurait été sa décision si on lui avait dit combien il recevrait en guise d'indemnité de départ en quittant Transports Canada, parce qu'ayant obtenu des garanties à ce moment-là il n'avait pas eu à choisir entre demeurer dans les Forces canadiennes, au moins jusqu'à ce qu'il ait accumulé 20 années de service pour avoir droit au montant intégral de l'indemnité de départ, ou accepter un poste à Transports Canada avant d'avoir complété sa 19 e année dans les Forces canadiennes.

Il se rappelle avoir parlé à M me Céline Tougas (Transports Canada, préposée à la rémunération et aux avantages sociaux) avant de quitter Transports Canada, et par après. Il a également parlé à M me Bettie Murdoch en août 1990. Celle-ci lui a dit qu'il ne perdrait pas les privilèges conférés par une clause des droits acquis, ni ses droits acquis.

La déposition du deuxième témoin du fonctionnaire peut être ainsi résumée. M. Serge Paquin est instructeur des contrôleurs de la circulation aérienne (AI-5) à l'institut de formation à Cornwall (Ontario) depuis le 1 er novembre 1996. Il a commencé à travailler à Transports Canada le 22 mai 1990, après avoir été instructeur des contrôleurs de la circulation aérienne à l'école militaire du MDN. Il a commencé à travailler au MDN le 24 août 1974.

M. Paquin a quitté les Forces canadiennes le 3 octobre 1990. Il a reçu la moitié de 16 semaines de rémunération en guise d’indemnité de départ, soit huit semaines de rémunération (pièce E-1). À Transports Canada, on a considéré que son service dans les Forces canadiennes faisait partie de son « emploi continu ».

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Décision Page 8 Le représentant de M. Paquin à l'ACCTA, M. Larry Varin, lui a dit qu'il avait une période d’emploi continu et que son indemnité de départ, lorsqu’il quitterait Transports Canada, correspondrait au nombre total d'années de service, moins l'indemnité de départ reçue du MDN. M. Varin a écrit à M me Pugh, conseillère financière à Transports Canada, à ce sujet (pièce B-12). Lors d'une rencontre entre le témoin et M me Pugh vers la fin de septembre 1990, celle-ci a confirmé l'interprétation que M. Varin faisait de l'indemnité à laquelle M. Paquin aurait droit. Elle lui a dit de conserver le talon du chèque du MDN indiquant le montant versé parce qu'il en aurait besoin pour réclamer son indemnité de départ au moment de la retraite (pièce E-1).

Lors d'une deuxième rencontre entre M. Paquin et M me Pugh, cette dernière lui a dit que, pour calculer son indemnité de départ on allait [traduction] « additionner ses années de service dans les Forces canadiennes à ses années de service à Transports Canada et soustraire le montant payé par le MDN ».

La question de l'indemnité de départ a de nouveau été soulevée au moment de la mutation de M. Paquin à NAVCAN. Pour calculer l'indemnité de départ que devait lui verser Transports Canada, on n'a pas tenu compte de ses 16 années de service au MDN.

La déposition du troisième témoin du fonctionnaire peut être ainsi résumée. M. Lorne MacAulay travaille pour NAVCAN depuis le 1 er novembre 1996 à titre d’analyste de la recherche et de spécialiste des opérations au Centre de simulation du service de la circulation aérienne (AI-ONOPS-6). Avant 1996, il occupait le même poste à Transports Canada, à Moncton (Nouveau-Brunswick). Il avait auparavant passé 12 ans dans les Forces canadiennes, qu'il a quittées en août 1972. À son arrivée à Transports Canada, il a fait transférer son service dans les Forces canadiennes aux fins de la pension. Il a reçu 42 jours d'indemnité de départ (pièce B-13), soit la moitié du montant intégral de l'indemnité de départ, lequel aurait été de 84 jours s'il avait accumulé 20 années de service ou plus dans les Forces canadiennes.

Avant d'être muté à NAVCAN, le témoin a reçu de Transports Canada un document (pièce B-14) précisant ce à quoi il avait droit en matière de prestations de retraite, de prestation de décès et d'indemnité de départ. Le montant de l'indemnité de départ correspondait à 24 semaines de rémunération (ce qui incluait le service dans les Forces canadiennes) calculé selon le taux de rémunération hebdomadaire.

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Décision Page 9 Toutefois, en octobre 1996, le témoin n'a reçu que 17,72 semaines d'indemnité de départ (pièce B-15). On lui a dit que son service dans les Forces canadiennes ne comptait pas. Il a téléphoné à M me Mona Roy, qui lui a dit qu'il y avait eu erreur en ce sens que son indemnité de départ aurait être réduite de six semaines seulement (pour tenir compte de l'indemnité de départ qu'il avait reçue en quittant les Forces canadiennes) au lieu de 12 semaines (il avait accumulé 12 années et 102 jours de service dans les Forces canadiennes). En bout de ligne, il a reçu l'indemnité de départ maximale à laquelle il avait droit, soit 30 semaines (étant donné qu’il comptait en tout 36 années de service, de 1960 à 1996) moins 12 semaines et un tiers de rémunération, ce qui correspondait à son service dans les Forces canadiennes, pour un total de 17,72 semaines. Il estime que six semaines de rémunération seulement auraient être déduites du nombre maximal de 30 semaines auquel il avait droit. Il a lui aussi déposé un grief.

La déposition du quatrième témoin du fonctionnaire peut être ainsi résumée. M. Gordon Sorochan a pris sa retraite de Transports Canada le 30 juillet 1995. À ce moment-là, il était superviseur du contrôle de la circulation aérienne à l'unité de contrôle terminal de Calgary (UCT). Il avait accumulé 23 années de service à Transports Canada. Avant de travailler pour Transports Canada, il avait servi pendant 16,5 années dans les Forces canadiennes. Il a commencé à travailler à Transports Canada en novembre 1972. En quittant les Forces canadiennes, il a reçu huit semaines (ou 56 jours) de rémunération en guise d'indemnité de départ, soit la moitié du montant intégral de l'indemnité de départ qui aurait correspondu à 112 jours de rémunération, soit 16 années multipliées par sept jours.

Lorsqu'il a reçu la note de service (pièce B-18) de M. A. Chapman, agent régional des services du personnel, datée du 14 août 1975, le fonctionnaire a communiqué avec M. Ken Charman, directeur de l'unité du Centre de Moncton, pour en discuter car elle lui paraissait ambiguë. M. Charman lui a dit : [traduction] « lorsque vous quitterez la fonction publique vous recevrez la totalité de l’indemnité à laquelle vous avez droit, comme c'est indiqué ici ». Il lui a garanti qu'il avait reçu la moitié du montant en question. M. Sorochan n'a pas confirmé cette conversation par écrit. Il a conclu que, du fait qu'il recevait huit semaines de rémunération en guise d'indemnité de départ, huit autres semaines lui seraient versées lorsqu'il quitterait la fonction publique.

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Décision Page 10 En 1992, M. Gordon Sorochan songeait à se retirer. Il a demandé qu'on lui prépare un relevé de ce à quoi il aurait droit. Le relevé en question (pièce B-19) contenait une erreur selon lui (pièce B-19, page 4) puisqu'il indiquait qu'il avait droit à une indemnité de départ correspondant à 13 semaines de rémunération, ce qui n'incluait pas les huit semaines non payées lorsqu'il avait quitté les Forces canadiennes.

M. Gordon Sorochan a téléphoné à la porte-parole du service de la rémunération et des avantages sociaux à Edmonton, M me Effie Yau (CR-5). Leur conversation a confirmé l'erreur. Il a conclu, à l'issue de cette conversation, qu'il recevrait huit semaines additionnelles de rémunération en guise d'indemnité de départ lorsqu'il prendrait sa retraite.

Avant de prendre sa retraite en juillet 1995, M. Sorochan a reçu un autre relevé (pièce B-20). Celui-là indiquait qu'il allait recevoir 22 semaines de rémunération en guise d'indemnité de départ, ce qui correspondait au montant convenu lors de la conversation qu'il avait eue avec M me Effie Yau, ainsi qu’à ses propres calculs. Toutefois, après son départ, il a reçu environ 13 semaines de rémunération, soit 19 019,82 $ (pièce B-21) au lieu du montant auquel il s'attendait, soit 31 018,25 $, selon le dernier relevé (pièce B-20) qui indiquait qu'il avait droit à 22 semaines de rémunération. Il a de nouveau téléphoné à M me Effie Yau. Elle l’a informé que, depuis leur dernière conservation, elle avait appris que, vu qu'il avait reçu huit semaines de rémunération en guise d'indemnité de départ pour son service dans les Forces canadiennes, le montant versé correspondait à l’indemnité à laquelle il avait droit pour ses 16 années de service dans les Forces canadiennes. Peu après, il a reçu un coup de fil de M. Benoit Chartrand, conseiller régional en relations du travail, qui lui a dit qu'il avait reçu le montant intégral de l'indemnité de départ à laquelle il avait droit pour son service dans les Forces canadiennes. M. Gordon Sorochan a alors décidé de déposer un grief.

Lors du contre-interrogatoire, M. Gordon Sorochan a affirmé qu'il avait accepté l'indemnité de départ de huit semaines à cause des garanties obtenues avant d’accepter le poste dans la fonction publique. Il estime avoir été lésé parce qu'il aurait pu opter pour les 16 semaines et les faire transférer à la fonction publique. À l'issue de sa

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Décision Page 11 conversation avec M. Ken Charman, il croyait qu’il recevrait les huit autres semaines de rémunération en quittant la fonction publique.

En bout de ligne, M. Gordon Sorochan a décidé de ne pas déposer de grief parce qu'il croyait qu'il était hors délai et également parce qu’il éprouvait des problèmes de santé. Toutefois, il n'oubliera jamais M. Benoit Chartrand qui, selon lui, a essayé de l'intimider pour qu'il ne dépose pas de grief.

La déposition du premier témoin de l'employeur peut être ainsi résumée. Depuis juillet 1997, M. Benoît Chartrand est coordonnateur : négociations et projet spécial; de 1993 à 1997, il a été conseiller régional en relations du travail pour Transports Canada à Edmonton (Alberta).

M. Chartrand ne se souvient pas d'avoir téléphoné à M. Gordon Sorochan, ni de lui avoir jamais parlé. Il n'est pas un spécialiste de la rémunération et des avantages sociaux. Selon lui, les années de service dans les Forces canadiennes des employés qui quittent celles-ci pour accepter un poste dans la fonction publique entrent dans le calcul du « service continu », et l'indemnité de départ qu'ils reçoivent lorsqu'ils quittent les Forces canadiennes est déduite de celle qu'ils reçoivent lorsqu'ils quittent Transports Canada.

Le deuxième et dernier témoin de l'employeur a été M déposition peut être ainsi résumée.

M me Madeline Grierson occupe le poste de chef, Opérations de la rémunération, au ministère des Transports. Elle dirige le service de la rémunération et des avantages sociaux dans la région de la capitale nationale et « joue un rôle national » en matière de rémunération. Ses fonctions consistent à superviser le personnel de la rémunération et à s'assurer qu’il connaît les règles à cet égard, ainsi que les conditions d'emploi et les lois et règlements pertinents. Entre 1990 et 1995, elle s'est occupée des questions de rémunération relatives au transfert des opérations à NAVCAN.

M me Betty Murdoch était l’une des subalternes de M me Grierson, ainsi que M me Mona Roy. M me Betty Murdoch était une spécialiste de la rémunération. Elle a pris sa retraite il y a un an et elle a été réembauchée aux termes d'un contrat de six mois. Elle Commission des relations de travail dans la fonction publique

la conversation qu'il a eue avec

me Madeline Grierson. Sa

Décision Page 12 a travaillé pour le ministère en avril et août dernier (1998). Elle a quitté en août 1998 et M me Madeline Grierson croit qu'elle se trouve maintenant en Saskatchewan ou à Vancouver. M me Mona Roy était une spécialiste de la rémunération et des avantages sociaux durant les années 1980 et au début des années 1990.

M me Madeline Grierson ne connaît pas très bien la question du calcul de l'indemnité de départ. Elle ne travaille pas dans ce domaine tous les jours et il lui faudrait consulter le manuel d'administration de la paie avant de pouvoir donner des réponses définitives.

Cela complète la preuve de l'employeur. Les deux avocats ont convenu que c'était à M me Betty Murdoch (pièce B-5) que M. Harold Martin avait parlé, et non pas à M me Céline Tougas. Argumentation L'argumentation de l'avocat du fonctionnaire peut être ainsi résumée. La méthode employée pour calculer l'indemnité de départ du fonctionnaire au moment de sa mise en disponibilité à Transports Canada, à la fin d'octobre 1996, était erronée et contraire à la convention collective, aux directives pertinentes et aux pratiques antérieures, ainsi qu'à l'interprétation fournie au fonctionnaire.

Le libellé de la clause 18.02 étaye la revendication de M. Harold Martin selon laquelle l'indemnité de départ à laquelle il avait droit quand il a quitté Transports Canada devait être calculée en fonction de ses années « d'emploi continu », soit les années de service dans les Forces canadiennes plus les années à Transports Canada, en soustrayant l'indemnité de départ reçue à son départ des Forces canadiennes.

Le libellé de la clause 18.02 est manifestement ou potentiellement équivoque. De même, l'interprétation que fait l'employeur de la clause 18.02 est elle aussi équivoque.

Subsidiairement, on s’est explicitement engagé à l’endroit du fonctionnaire en lui disant que son interprétation de l’indemnité à laquelle il avait droit l’emporterait. Ces engagements ont été pris avant qu'il accepte un poste à Transports Canada. Le fonctionnaire s'y est fié, et l'employeur est préclus de changer d’opinion sur la

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Décision Page 13 question. Par conséquent, le fonctionnaire devrait recevoir, en guise d'indemnité de départ, les neuf semaines ou neuf semaines et demie de rémunération qui ne lui ont pas été versées.

Le témoignage du fonctionnaire n'a pas été contredit. Avant et après son arrivée à Transports Canada, les représentants de l'employeur ont confirmé son interprétation de l’indemnité à laquelle il avait droit.

L'interprétation est affaire de bon sens. Autrement, le particulier qui quitte les Forces canadiennes après neuf années de service pour accepter un poste à Transports Canada serait mieux traité que celui qui part après 10 années de service.

La clause 18.02 a véritablement pour but d’éviter qu’un particulier excède le maximum de 30 années d'emploi continu et cumule les indemnités de départ.

Il serait insensé de dire que le but de la clause 18.02 est de faire en sorte que le service d'un particulier qui a travaillé pendant 11 années dans les Forces canadiennes et qui n'a reçu que cinq semaines et demie de rémunération en guise d'indemnité de départ quand il a quitté les Forces canadiennes ne soit pas reconnu, et que la totalité du service d'un particulier qui a travaillé dans les Forces canadiennes pendant neuf ans soit pris en compte dans le calcul de l'indemnité de départ. La clause 18.02 ne peut pas viser un tel but. Il y a aussi lieu de relever l'incongruité qui consiste à déduire du temps d’une indemnité versée en vertu de la clause 18.02.

Les trois fonctionnaires, MM. Martin, Paquin et Sorochan, interprétaient de la même façon l'indemnité de départ qu'ils recevraient lorsqu’ils quitteraient Transports Canada.

Le but de la clause 18.02 n'est pas de léser les fonctionnaires qui ont travaillé 10 ans et plus, mais moins de 20 ans, dans les Forces canadiennes. Si M. Harold Martin avait su que l'employeur reviendrait sur sa parole et ne lui verserait pas l'indemnité de départ suivant les engagements pris, il aurait peut-être décidé de demeurer dans les Forces canadiennes jusqu'à ce qu’il ait accumulé 20 années de service puis d’accepter un poste à Transports Canada.

En plus de recevoir des garanties verbales avant de quitter les Forces canadiennes, M. Harold Martin a soulevé la question en 1991 (pièce B-5); il a reçu des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 14 garanties de M me Lina Canonico (pièce B-6); il a reçu les mêmes garanties de M me Mona Roy en 1996 (pièce B-8); qui plus est, la directive sur la rémunération (pièce B-9) confirme cette interprétation dans les lettres types qu'elle contient (pièce B-9, « Indemnité de départ », page 3). L'interprétation du fonctionnaire, qui a été confirmée par les garanties données par l'employeur, est compatible avec une interprétation sensée de la clause 18.02 et s’applique de la même façon aux personnes qui, avant d’accepter un poste à Transports Canada, ont travaillé neuf ans, 10 ans et plus, mais moins de 20 ans, ou 20 ans et plus dans les Forces canadiennes.

Il y a lieu de faire remarquer qu'un des témoins (M en trois mois (pièces B-8 et B-16).

Il y a lieu également de faire ressortir la concordance des dépositions des quatre témoins du fonctionnaire et l'absence de contestation de la part de l'employeur.

La question du droit du fonctionnaire à l’indemnité de départ s’est posée en 1996 quand l’intéressé a quitté Transports Canada. La clause 18.02 est fondée sur deux notions : la récupération, pour empêcher le paiement en double de l'indemnité de départ, et l'interdiction de cumuler les indemnités de départ pour ne pas excéder les 30 semaines maximales payables.

L'interprétation du fonctionnaire ne change rien à ces deux notions. Les affaires suivantes ont été citées : Association canadienne du contrôle du trafic aérien et Conseil du Trésor (dossier de la Commission 161-2-302); Le Noury et Reid (dossiers de la Commission 166-2-22228 et 166-2-22243); Deniger et Miller (dossiers de la Commission 166-2-21583 et 21584); Ennis (dossier de la Commission 166-2-13608); et Knapman (dossier de la commission 166-2-16247).

L'argumentation de l'avocat de l'employeur peut être ainsi résumée. L'unique question à trancher en l'espèce est l'interprétation de la convention collective et, plus particulièrement, de l'article 18. Le fonctionnaire était réputé avoir été mis en disponibilité aux termes de la loi créant NAVCAN. Il avait le fardeau de la preuve. Il ne s'en est pas déchargé ni aux termes de la convention collective ni aux termes du principe en équité de la préclusion.

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me Mona Roy) a changé d'avis

Décision Page 15 Le fonctionnaire a travaillé pendant environ 19 ans dans les Forces canadiennes avant d’accepter un poste à Transports Canada. Il a eu une période « d'emploi continu ». En vertu de la clause 18.01, il avait droit à un maximum de 30 semaines de rémunération en quittant Transports Canada.

En quittant les Forces canadiennes, il a reçu une indemnité de cessation d'emploi. Le montant de celle-ci n'a pas d'importance. La convention collective est muette sur les montants. La période visée par l’indemnité de départ était la totalité de la période dans les Forces canadiennes. Par conséquent, selon le libellé clair de la convention collective, le ministère devait déduire cette période de sa période d'emploi continu aux fins du calcul de l'indemnité de départ payable au moment de la mise en disponibilité. C'est la « période » qui réduit le montant de l’indemnité de départ.

L'indemnité de départ est fondée sur l'emploi continu. Elle doit être réduite de toute période pour laquelle un paiement a déjà été effectué. Un employé ne peut recevoir une indemnité de départ qu’à l’égard de la période pour laquelle il n'a reçu aucune forme d’indemnité.

Si le fonctionnaire n'avait pas reçu d'indemnité de départ en quittant les Forces canadiennes, toutes ses années d'emploi continu auraient été prises en compte aux fins du calcul de son indemnité de départ. L'indemnité de départ qu'il a reçue tenait compte de toute sa période de service militaire, soit environ 19 années. L'affaire Goodine (dossier de la Commission 166-2-15874) étaye la prétention selon laquelle la « période » de service militaire doit être déduite en l'espèce aux fins du calcul de l'indemnité de départ.

Pour ce qui est de l'application du principe de la préclusion, il faut tenir compte du fait que le fonctionnaire n'a pas catégoriquement affirmé qu'il aurait refusé l'emploi à Transports Canada s'il avait su que son indemnité de départ serait inférieure au montant auquel il s'attendait. En outre, la preuve ne démontre pas clairement qu'en échange de son acceptation du poste à Transports Canada on avait promis de lui verser l'indemnité de départ à laquelle il s'attendait lorsqu’il quitterait Transports Canada. Aucune preuve documentaire n'a été présentée à ce sujet, sauf une note laconique (pièce B-6) écrite par le fonctionnaire en 1991. Celui-ci n'a pas fait témoigner M me Canonico. La conversation avec M me Tougas n'a pas eu lieu. En revanche, il y en a eu Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 16 une avec M me Betty Murdoch, laquelle n'a pas témoigné. Au mieux, le fonctionnaire avait mal compris le montant auquel il aurait droit. Aucune preuve crédible n'a été produite d'une promesse lui ayant été faite dans le but d’influer sur les relations juridiques entre les parties. Nous avons affaire à des fantômes, à des ombres du passé. Les témoins du fonctionnaire n'ont rien apporté de plus. M. Serge Paquin a reçu une interprétation de son représentant syndical (pièce B-12), non pas de la représentante de l'employeur, M me Maryse Bélanger, et le dernier mot du ministère (pièce B-12) était une citation de la convention collective. Ce qui a été dit à M. Lorne MacAulay ne peut pas être qualifié d’engagement non équivoque. La valeur de la preuve de M. Gordon Sorochan est douteuse, ce dernier n'ayant pas confirmé ses prétentions par écrit.

Pour trancher cette affaire, l'arbitre doit supposer que le fonctionnaire aurait accepté le poste à Transports Canada peu importe ce à quoi il croyait avoir droit en guise d'indemnité de départ. L'emploi est arrivé à point nommé. Il offrait plusieurs avantages, l'un d'eux étant une augmentation de salaire substantielle. Même si le fonctionnaire était demeuré une année de plus dans les Forces canadiennes en vue de cumuler 20 années de service, il aurait été perdant sur le plan financier si l'on tient compte du fait qu'il a reçu une augmentation de salaire substantielle.

Le fonctionnaire n'a pas été contraint d'accepter l'emploi; aucune promesse ne lui a été faite; il a accepté l'emploi peu importe le montant de l’indemnité de départ; il n'a pas été lésé parce qu'il n'avait pas droit à plus d'argent de la part des Forces canadiennes à ce moment-là étant donné qu'il lui aurait fallu y demeurer une autre année pour accumuler 20 années de service et ainsi recevoir 20 semaines de rémunération en guise d'indemnité de départ. Il faut supposer qu'il n'aurait pas refusé l'emploi si quelqu'un lui avait dit que ses années dans les Forces canadiennes seraient déduites de son indemnité de départ. Bref, la convention collective a été appliquée correctement; il n'y a aucune raison d'invoquer le principe de la préclusion promissoire, et le grief devrait être rejeté. Les décisions et auteurs suivants ont été cités : Goodine (supra) et la Cour d'appel fédérale (dossier de la Cour A-741-86); Hicks (dossier de la Commission 166-2-27345); Molbak (dossier de la Commission 166-2-26472); Wilson (dossiers de la Commission 166-2-27330 et 149-2-165); Long c. Canada (Conseil du Trésor) [1990] 1 C.F. 3; La Reine c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien

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Décision Page 17 [1984] 1 C.F. 1081; Hicks (dossier de la Commission 166-2-27345) et Canadian Labour Arbitration, Donald J.M. Brown, c.r. et David M. Beatty.

En réfutation, l'avocat du fonctionnaire a ajouté ce qui suit. Même si le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire, ce fardeau s'est déplacé sur l'employeur pendant le témoignage du fonctionnaire. L'employeur n'a produit aucune preuve pour contredire les revendications précises du fonctionnaire. En évaluant la preuve du fonctionnaire, il ne faut pas oublier qu'il a démontré que des déclarations, semblables à celles qu’ont faites M ont été faites à d'autres fonctionnaires dans d'autres régions.

Le fardeau de la preuve est la prépondérance des probabilités. Même si les événements se sont produits il y a quelque temps déjà, il est clair que les dépositions des témoins du fonctionnaire concordent avec la preuve documentaire.

Le fonctionnaire a été victime d'une injustice manifeste. M me Betty Murdoch aurait pu être assignée à témoigner par l'employeur. Ce dernier avait accès à tous les renseignements concernant le fonctionnaire. Ses représentants auraient prendre en note les renseignements qu'ils lui donnaient.

Dans le cas de M. Gordon Sorochan, les déclarations de M incontestables.

Dans le cas du fonctionnaire, la superviseure de M me Betty Murdoch ne savait quels renseignements M me Murdoch avait donnés au fonctionnaire. En appliquant le principe de la préclusion, il ne faut pas oublier qu'une « promesse » est une autre façon de désigner un « engagement », que cet engagement peut être en paroles ou en actes et qu'il n'est pas nécessaire de prouver que les mots « Je promets » ont été prononcés pour conclure que des engagements ont été pris. Il suffit qu’on ait voulu que la personne s’appuie sur ces paroles ou ces actes.

En l'espèce, il faut se poser la question suivante : quelle conclusion une personne raisonnable aurait-elle tirée des engagements pris par l'employeur?

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me Roy, M me Canonico et M me Murdoch,

me Effie Yau sont

Décision Page 18 Motifs de décision Il est fait droit au grief pour les motifs qui suivent. Je suis convaincue que le fonctionnaire s'est déchargé du fardeau qui lui incombait d'établir qu'il avait droit à l'indemnité de départ qu'il réclame.

Les parties ne contestent pas le fait que les années que le fonctionnaire a passées dans les Forces canadiennes sont comprises dans la période « d'emploi continu ». Par conséquent, en quittant Transports Canada, le fonctionnaire avait droit, conformément à la clause 18.01 a), à « deux (2) semaines de rémunération pour la première année complète d'emploi continu et à une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu supplémentaire, l'indemnité ne devant pas dépasser trente (30) semaines de rémunération. ».

Le fonctionnaire avait droit à cette indemnité de départ « sous réserve de la clause 18.02 », comme on peut le lire à la clause 18.01.

Lorsqu'il s'agit d'interpréter et d'appliquer la clause 18.02, il ne faut pas oublier le but de cette clause. Je conviens avec l'avocat du fonctionnaire que le but de la clause 18.02 est d'empêcher le paiement en double de l'indemnité de départ et le cumul des indemnités de départ. J'en tiens compte dans mon interprétation de la clause 18.02. Je prends note du fait que l'interprétation proposée par le fonctionnaire ne va pas à l’encontre de ce but; en fait, elle s’accorde avec celui-ci.

Si on fait une interprétation littérale de la clause 18.02, les « indemnités de départ [...] sont réduites dans la mesure de toute période d'emploi continu pour laquelle [le fonctionnaire] a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi au sein [...] des Forces canadiennes, [...]. ».

Bien qu’aucun des termes de la clause 18.02 ne soit équivoque en soi, une application littérale de la clause n'est pas possible, tant dans l’idéal que dans la pratique. Comment peut-on soustraire du temps, soit « une période d'emploi continu », d’une somme d'argent, soit l’« indemnité de départ »? Le libellé de cette phrase est à la fois illogique et absurde, ce qui oblige le lecteur à déterminer l’intention des parties. De même, il contient une équivoque qui devient apparente quand on tente de l'appliquer.

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Décision Page 19 Premièrement, l'intention des parties est que les employés reçoivent « une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu » et « deux (2) semaines de rémunération pour la première année complète d'emploi continu ». Cette intention ressort de la clause 18.01 a) et il faut la respecter pour interpréter et appliquer le libellé de la clause 18.02 qui, comme je l'ai dit, contient une prémisse manquant de logique.

L'intention des parties (une semaine de rémunération par année d'emploi continu) et le but de la clause 18.02 (empêcher le paiement en double de l'indemnité de départ et le cumul des indemnités de départ) peuvent être respectés en appliquant une interprétation de la clause 18.02 fondée sur une prémisse logique, soit qu’un paiement est déduit d’un paiement et qu'il ne peut pas être déduit du temps. Par conséquent, l'indemnité de départ du fonctionnaire aurait être calculée en soustrayant du montant de l'indemnité de départ qui lui était due, et qui a été calculée en fonction de son emploi continu, le montant de l'indemnité de départ qu'il a reçue quand il a quitté les Forces canadiennes. Cela respecte l'intention des parties et le but de la clause 18.02.

L'interprétation proposée par l'employeur créerait des classes d'employés : d’une part, les employés ayant 19 années de service qui n'ont pas reçu d'indemnité de départ lorsqu’ils ont quitté les Forces canadiennes pour aller travailler à Transports Canada recevraient une semaine de rémunération pour chaque année d'emploi continu, y compris les 19 années de service dans les Forces canadiennes; d’autre part, les employés qui, comme le fonctionnaire, comptent le même nombre d'années de service dans les Forces canadiennes ne se verraient pas créditer ces années d’emploi continu parce qu'ils ont déjà accepté une indemnité de départ pour un certain nombre de ces années. En outre, selon l'interprétation proposée par l'employeur, les employés comptant tout au plus neuf années de service au sein des Forces canadiennes auraient droit à une indemnité de départ plus élevée au moment de leur départ de Transports Canada que les employés comptant 10 années et plus, mais moins de 20 années de service, qui ont accepté une indemnité de départ en quittant les Forces canadiennes. Je ne crois pas que c’était l'intention des parties.

Il est vrai que, si le fonctionnaire avait simplement quitté les Forces canadiennes sans accepter de poste à Transports Canada, il n'aurait eu droit qu'à l'indemnité de départ qu'il a reçue et qui a été calculée en fonction de ses années de service, soit 10 et

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Décision Page 20 plus, mais moins de 20. C'était la méthode en vigueur dans les Forces canadiennes. Toutefois, à Transports Canada, la méthode décrite dans la convention collective pour calculer l'indemnité de départ est devenue intégralement applicable au fonctionnaire, et son indemnité de départ aurait être calculée en se fondant sur le fait qu'il avait droit à une semaine de rémunération pour chaque année d'emploi continu et en soustrayant l'indemnité de départ qu'il avait déjà reçue des Forces canadiennes.

Cela étant dit, et au cas j'aurais mal interprété la clause 18.02, je crois subsidiairement que je peux m’appuyer sur la preuve produite par le fonctionnaire et conclure que, avant de quitter les Forces canadiennes, il a reçu des garanties, auxquelles il s'est fié à son désavantage, selon lesquelles il recevrait neuf autres semaines de rémunération en guise d'indemnité de départ lorsqu’il quitterait Transports Canada. Le désavantage qu'il a subi est qu’en s’appuyant sur les garanties de l'employeur il a été préclus d'évaluer les choix qui s’offraient à lui du fait qu’on ne lui a pas dit, au départ, qu'il n'aurait pas droit aux neuf autres semaines de rémunération et qu’on a refusé de les lui verser lorsqu’il a quitté Transports Canada. Je peux également conclure, d'après la preuve, que même les représentants de l'employeur en sont venus à se contredire sur la façon d’interpréter la clause 18.02.

Après avoir entendu le fonctionnaire et évalué la cohérence de son témoignage, je conclus qu'il est une personne crédible et que son témoignage est véridique. J'accepte sa preuve même si elle n'est pas corroborée par les personnes qui lui ont donné les garanties (M. Maclean, M mes Leroux, Murdoch et Canonico et, initialement, M me Mona Roy) avant et après l’acceptation du poste à Transports Canada. J’accepte cette preuve parce que : (1) le fonctionnaire est crédible, (2) les garanties qu'on lui a données sont les mêmes que celles qui ont été données à certains de ses collègues dans d'autres régions, et (3) l'employeur n'a pas fait témoigner les personnes qui auraient pu contredire son témoignage, soit M. Maclean et M mes Leroux, Murdoch et Canonico. En outre, la directive de l'employeur sur la rémunération (pièce B-9) contient un modèle de lettre à envoyer aux fonctionnaires qui, au dernier paragraphe, confirme les engagements pris au dire du fonctionnaire. La lettre en question est reproduite ci-dessous. [Traduction] INDEMNITÉ DE DÉPART Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 21 En vertu de l'article de la convention collective , l'indemnité de départ est calculée en fonction du nombre d'années « d'emploi continu ». Pour que votre service antérieur (dans les FC, la GRC) soit pris en compte dans le calcul de « l'emploi continu » :

- vous devez exécuter des tâches de nature continue (c.-à-d., autrement qu’à titre d'employé occasionnel); - vous ne devez pas avoir eu d’interruption d’emploi de plus de trois mois à compter de la date de votre libération honorable des (FC, de la GRC), et de la date de votre nomination dans la fonction publique; - vous devez faire ou avoir fait un choix valable à l’égard des cotisations au titre du service (dans les FC, la GRC) en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique.

Le cas échéant, ce choix doit porter sur la totalité de la période de service (dans les FC, la GRC). Si le choix ne porte que sur une partie du service antérieur (dans les FC, la GRC), ce service ne pourra entrer dans le calcul de l'indemnité de départ.

La convention collective prévoit également une réduction de l'indemnité de départ de manière à tenir compte de toute période d'emploi continu pour laquelle l'employé a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi (c.-à-d., indemnité de départ, prime en espèces, congé de retraite, congé de réadaptation, etc.). L’employé qui fait porter son choix sur une partie seulement de son service antérieur (dans les FC, la GRC) ne peut pas faire entrer ce service dans le calcul de l'indemnité de départ et n'est donc pas visé par cette réduction.

Si vous faites porter votre choix sur la totalité de votre service antérieur (dans les FC, la GRC), votre date d'emploi continu aux fins de l'indemnité de départ sera le . Votre indemnité de départ sera toutefois réduite du montant de toute indemnité de cessation d'emploi que vous avez reçue en quittant (les FC, la GRC).

[C'est moi qui souligne] Bref, ayant donné ces garanties au fonctionnaire, l'employeur, selon moi, ne peut, en vertu du principe de la préclusion, changer d'avis et retenir les neuf semaines d'indemnité de départ.

Enfin, je souhaite ajouter que l'affaire Goodine (supra) n'est pas utile en l’occurrence étant donné que l'arbitre et les juges de la Cour fédérale dans cette affaire ont examiné la question de savoir si un « congé de réadaptation » constituait une

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Décision Page 22 « indemnité de départ » et qu’ils ne se sont pas penchés sur une autre question, soit le montant et la méthode de calcul de l'indemnité payable.

En résumé, j'estime que la question du droit à l'indemnité de départ s’est posée au moment du départ de Transports Canada, que le montant de l'indemnité de départ est calculé à raison d’une semaine de rémunération par année « d'emploi continu » (jusqu'à concurrence de 30 semaines de rémunération, ce qui comprend deux semaines de rémunération pour la première année d'emploi continu) et que du montant ainsi obtenu doit être déduite l'indemnité de départ reçue par le fonctionnaire quand il a quitté les Forces canadiennes.

Pour ces motifs, il est fait droit au grief, et j'ordonne à l'employeur de remettre au fonctionnaire le montant qu'il aurait reçu si son indemnité de départ avait été calculée selon la méthode indiquée ci-dessus.

Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante

OTTAWA, le 29 octobre 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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