Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Discipline - Congédiement - Utilisation de renseignements protégés en vue d'en tirer des avantages personnels - Préclusion promissoire - Indemnisation au lieu de la réintégration - le fonctionnaire s'estimant lésé, chef d'équipe à Revenu Canada, a subtilisé les questions et réponses se rapportant à un concours auquel il avait posé sa candidature dans le bureau d'un des membres du comité de sélection - le fonctionnaire s'est ensuite servi de ces renseignements lors de l'examen écrit et de l'entrevue subséquente - sept semaines après l'examen et l'entrevue, le fonctionnaire a avoué s'être servi des renseignements protégés - le fonctionnaire traversait une période stressante sur le plan personnel - le superviseur du fonctionnaire, qui a fait enquête sur le comportement du fonctionnaire, estimait qu'une suspension d'un mois serait appropriée dans les circonstances - l'employeur a soutenu que le fonctionnaire n'avait pas simplement agi sous l'impulsion du moment en soulignant qu'il avait plusieurs fois eu l'occasion de changer d'avis au sujet de l'utilisation des renseignements protégés - l'employeur a fait valoir que le fonctionnaire, à titre de chef d'équipe, comprenait fort bien l'importance de protéger l'intégrité du processus de sélection vu qu'il était lui-même membre d'un autre comité de sélection - le fonctionnaire a répondu qu'il s'était comporté de manière irrationnelle et que ce n'était pas dans sa nature de voler - il a soutenu regretter sincèrement son geste - il a prétendu que la direction lui avait dit que, s'il avouait s'être servi des renseignements protégés, la mesure disciplinaire se limiterait à une réprimande écrite - le fonctionnaire a demandé une indemnisation au lieu de la réintégration - l'employeur a répondu que l'arbitre ne doit pas intervenir si la peine se situe dans les limites du raisonnable - il a précisé qu'il n'y avait pas eu d'entente limitant la mesure disciplinaire à une réprimande écrite en échange d'aveux du fonctionnaire - l'employeur a également fait valoir qu'il n'y avait pas lieu d'accorder des dommages-intérêts - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire avait agi de manière spontanée, sans préméditation - il a en outre conclu que l'important stress personnel que subissait le fonctionnaire était un facteur atténuant non négligeable - il a conclu que le congédiement n'était pas justifié et qu'une suspension de quatre mois aurait été appropriée dans les circonstances - toutefois, à la demande du fonctionnaire, l'arbitre a accordé une indemnisation correspondant à neuf mois de salaire au lieu de la réintégration. Grief admis en partie. Décisions citées : Toronto East General Hospital (1975), 9 L.A.C. (2d) 311; Thomas (466-H-155); McMorrow (166-2-23967); Lawrence (166-2-21341); Anonsen (166-2-17113); Slattery (166-13-17850).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28445 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE RONALD HAMPTON fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Impôt)

employeur

Devant : P. Chodos, vice-président Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Robert Fredericks, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Harvey Newman, avocat Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique), les 7, 8 et 9 octobre 1998.

DÉCISION M. Hampton, comptable général licencié, a travaillé à Revenu Canada pendant 13 ans, les trois dernières à titre de chef d'équipe de la vérification (AU-2), Division de la vérification et de l'exécution, Bureau de services fiscaux (BSF), île de Vancouver, jusqu'à son congédiement le 29 septembre 1997. Les motifs de son licenciement sont exposés dans une lettre de M. Fred Vivash, directeur du BSF de l'île de Vancouver, à M. Hampton. La lettre est reproduite ci-dessous.

(Pièce E-1) [Traduction] À la suite de certaines irrégularités qui auraient été commises lors d'un concours tenu récemment en vue de doter un poste de chef d'équipe de la vérification (AU-3), la direction du bureau a examiné les allégations selon lesquelles vous vous seriez illicitement approprié des renseignements protégés, plus particulièrement les questions et réponses du concours susmentionné, et que vous vous seriez servi de ces renseignements lors d'une entrevue en vue d'en tirer un avantage déloyal dans le but d’obtenir un poste d'un niveau supérieur à celui de votre poste d'attache actuel.

La preuve a révélé que, le dimanche 6 juillet 1997, vous êtes entré dans les bureaux de Revenu Canada situés au 747, rue Fort à Victoria, et que vous avez accédé, sans autorisation, aux questions et réponses d'un comité de sélection relativement à un concours auquel vous aviez posé votre candidature. Ces questions et réponses se trouvaient dans le bureau d'un des membres du comité. Vous n'aviez aucun motif valable d'y entrer.

La preuve recueillie durant l'enquête a en outre révélé que, le 9 juillet 1997, pendant l’entrevue pour le poste de AU-3, les réponses que vous avez données correspondaient à ce point, quant au contenu, à la phraséologie et à la présentation, à celles de la feuille de réponses préparée par le comité qu’elles n'avaient pu être formulées qu'à l'aide de ladite feuille de réponses.

La preuve a également révélé que, le 7 août 1997, durant l’entrevue avec le directeur adjoint des Services régionaux de sécurité, vous avez délibérément tenté de tromper l'enquêteur quant à la raison pour laquelle vous vous êtes rendu dans les bureaux situés au 747, rue Front dans la soirée du 6 juillet.

Le mardi 11 août 1997, les membres du comité de sélection vous ont informé que votre candidature n'avait pas été retenue parce qu'ils estimaient que vous aviez obtenu à

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 2 l'avance les réponses proposées et que vous les aviez utilisées à l'entrevue du 9 juillet. Vous avez toutefois nié ces allégations. En outre, le 11 août, vous avez eu l'occasion de discuter de cette situation avec le comité de sélection, et, le 13 août 1997, M. Bruce Donaldson, directeur adjoint, Division de la vérification et de l'exécution, vous a informé qu’il croyait également que vous aviez obtenu et utilisé les réponses proposées par le comité. Vous avez continué de le nier. En dépit des occasions qui vous ont été offertes d'expliquer à la direction le motif véritable de votre visite du 6 juillet, vous avez attendu jusqu'au 28 août 1997 pour avouer par écrit à M. Donaldson le véritable motif de votre visite du 6 juillet dans les bureaux du 747, rue Fort.

En résumé, vous avez obtenu sans motif valable des renseignements protégés en vous servant de vos privilèges d'accès à Revenu Canada après les heures de travail. Vous avez subséquemment utilisé ces renseignements obtenus frauduleusement pour essayer d’obtenir un avantage déloyal sur vos collègues dans le cadre d'un concours tenu pour combler un poste qui vous aurait rapporté personnellement et financièrement. Vous avez à maintes reprises nié vos actions malgré les occasions que la direction vous a offertes de tirer l'affaire au clair. Ces actions très graves et délibérées sont la preuve que vous n’avez pas l'honnêteté et l'intégrité qui sont indispensables pour occuper un poste de vérificateur ou n'importe quel autre poste de responsabilité. Par vos actions, vous avez irrémédiablement rompu le lien de confiance qui est essentiel pour continuer de participer aux activités quotidiennes du Ministère.

Un certain nombre de chefs d'équipes de la vérification travaillent dans cette division, notamment M. Ken Cormack (AU-4) et M. Glen Heatley (AU-4); ils relèvent du directeur adjoint de la division, M. Bruce Donaldson, qui lui relève de M. Vivash. M. Hampton était, semble-t-il, le seul chef d'équipe de niveau AU-2, et, à 37 ans, il était le plus jeune chef d'équipe dans cette organisation. Il a supervisé, à divers moments, de 14 à 16 employés environ.

En 1997, on a demandé à M. Cormack de présider un comité de sélection dans le cadre d'un concours visant à doter jusqu'à trois postes de AU-3; M. Gordon Heatley et M me Cheryl Hildebrand, du Bureau de services fiscaux de Vancouver, faisaient également partie de ce comité. Un mois environ avant l'entrevue du premier candidat prévue pour le 4 juillet, MM. Cormack et Heatley ont, au cours d’une période de deux semaines, préparé une série de questions et réponses pour le concours; une quinzaine

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Décision Page 3 de candidats devaient participer aux entrevues, et le comité de sélection avait l'intention d'établir une liste d'admissibilité pour ces postes très convoités.

Les entrevues se sont déroulées dans la salle de conférence du sixième étage du BSF au 747, rue Fort à Victoria. Tous les membres du comité de sélection avaient une copie des questions ainsi que des réponses proposées. Après la première entrevue le vendredi 4 juillet, M. Cormack a déposé les questions et réponses dans une chemise qu'il a rangée dans le classeur de son bureau situé au troisième étage. M. Cormack a fait remarquer que la porte de son bureau se verrouille automatiquement et qu'un double de la clé est gardé au poste de travail d'un commis, M. Paul Wilson, qui est contigu au bureau de M. Cormack. Ce dernier a déclaré que la clé est normalement gardée sous une moulure qui n’est pas visible. Il est habituel de cacher la clé à cet endroit, ce dont le personnel est généralement au courant. M. Cormack a précisé que le bureau de M. Hampton est situé au sixième étage de telle sorte qu'il n'a pas normalement affaire au troisième étage.

Avant l'examen et les entrevues pour combler les postes de AU-3, les candidats ont effectuer un exercice « de décisions courantes » préparé par la Commission de la fonction publique. Cet exercice valait 60 points sur un total de 200; les candidats qui n'obtenaient pas 27 points, la note de passage, étaient éliminés; toutefois, les résultats de l’exercice de « décisions courantes » n'étaient pas connus avant le début des entrevues. M. Hampton a en fait obtenu la deuxième note la plus élevée; plusieurs candidats ont échoué et ont donc été éliminés. On s'attendait à ce que M. Hampton obtienne de bons résultats à la sélection; il était le seul candidat à assumer déjà les fonctions de chef d'équipe, et M. Donaldson, son supérieur immédiat, le considérait comme un « excellent gestionnaire » et un employé très compétent.

Le mercredi 9 juillet 1997, M. Hampton a passé l’examen écrit préparé par le comité de sélection, lequel était suivi d'une entrevue. M. Cormack a fait remarquer que l'entrevue de M. Hampton s'est très bien déroulée; il a répondu aux questions relativement rapidement, de façon concise et très complète. Quand les membres du comité ont examiné ses réponses, ils ont tous trouvé qu’elles ressemblaient énormément à celles qu’ils avaient préparées; un des membres, M me Hildebrand, a même lancé en farce : [traduction] « Ouais! Serait-ce qu'il peut lire à l'envers? ». À ce moment-là, les membres du comité ne se doutaient de rien. Le lendemain, M. Cormack

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Décision Page 4 et M. Heatley ont corrigé les examens de tous les candidats; après en avoir noté sept ou huit, mais avant de passer à celui de M. Hampton, ils ont relevé que les candidats n'avaient pas, en règle générale, réussi aussi bien que prévu. Ils se sont alors demandé si l’examen n'avait pas été trop difficile. M. Hampton a, pour sa part, obtenu le maximum de points possibles à l’examen écrit, y compris à une série de questions sur la taxe sur les produits et services, qui n'était pas son domaine de spécialisation; en fait, il a été le seul à obtenir une note parfaite aux questions sur la TPS. Dans certains cas, la similitude entre les réponses de M. Hampton et celles de la clé de correction préparée par le comité était « frappante »; même l'ordre des réponses possibles était le même. M. Cormack a alors conclu que M. Hampton avait réussir, de quelque façon, à obtenir les réponses à l'avance.

M. Cormack est donc allé voir M. Ken Esplen, l'agent de sécurité sur place, pour lui dire qu'il y avait peut-être eu un manquement à la sécurité du fait que quelqu'un était peut-être entré dans les bureaux sans autorisation. Les relevés informatisés d'accès à l'immeuble ont en fait indiqué que, le dimanche 6 juillet 1997, M. Hampton a utilisé sa carte d'accès pour se rendre au 6 situé le bureau de M. Cormack, à 20 h 31; il serait retourné au 6 au 3 e étage à 20 h 47, pour revenir de nouveau au 6 n'indiquent pas à quelle heure il aurait quitté l'immeuble ce jour-là.

Au cours de son témoignage en chef, M. Hampton a décrit ce qu’il avait fait le 6 juillet. Il est arrivé au bureau à 20 h15 et s'est rendu au 6 e étage se trouve son poste de travail. Il a retiré de son classeur une chemise contenant les questions et réponses préparées en prévision d'un concours de PM qu'il devait présider. Il voulait mettre la dernière main à une question en particulier pour laquelle il devait obtenir le libellé exact de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il avait également l'intention d'apporter la chemise chez lui en vue d'y travailler encore un peu. Pendant qu'il se trouvait à son bureau, il est tombé sur une liste de « choses à faire » sur laquelle il a lu le nom de Clinton Marr. Il s'est alors rappelé que M. Marr, une connaissance personnelle, lui avait demandé des renseignements généraux concernant l'homologation de successions. Il avait été incapable de lui répondre, mais il connaissait un collègue, M. Calvin Poon, qui saurait lui répondre. Il était allé voir M. Poon à ce sujet un peu avant le 6 juillet. M. Poon l'avait renvoyé au manuel de la CCH (Commerce Clearing House) sur les successions et les fiducies, notamment au chapitre intitulé : [traduction] « Comment Commission des relations de travail dans la fonction publique

e étage à 20 h 24, puis au 3 e étage, est e étage à 20 h 39, puis e étage à 20 h 50. Les relevés

Décision Page 5 éviter les droits d’homologation »; M. Hampton a indiqué qu'il n'avait pas eu le temps de le lire au complet et qu'il avait donc décidé de retourner en terminer la lecture. Par conséquent, le 6 juillet, il est descendu au 3 e étage en vue de prendre le manuel que M. Poon gardait sur son bureau. En revenant du poste de travail de ce dernier, il est passé devant le bureau de M. Cormack; il s'est ensuite dirigé vers le bureau de M. Paul Wilson, a pris une clé qui se trouvait dans le premier panier de la corbeille de ce dernier et s'en est servi pour pénétrer dans le bureau de M. Cormack. Il est allé au classeur de M. Cormack; le tiroir du bas était ouvert. Il a aperçu une chemise bleue portant la mention « Concours AU-3 ». Il a rapporté la chemise et le manuel de la CCH au 6 e étage. Il a examiné les documents qui se trouvaient dans la chemise et photocopié les questions et réponses ainsi que les 20 pages du chapitre du manuel; il est ensuite retourné au 3 e étage pour déposer le manuel et la chemise, puis il est remonté au 6 e étage, a rétabli le système d’alarme et est parti. Il estime avoir été dans l'immeuble pendant une vingtaine ou une trentaine de minutes en tout. Il s'était rendu au bureau ce jour-là pour une seule raison, soit prendre la chemise du concours de PM, mettre la dernière main à une question et apporter la chemise chez lui pour y travailler encore un peu. Il était pressé par le temps, a-t-il indiqué, parce que l'agent du personnel, M. Boyer, voulait examiner les questions durant la semaine du 7 au 11 juillet avant de prendre ses vacances. Il a aussi affirmé avoir initialement eu l'intention d'aller au 3 e étage seulement pour obtenir le chapitre sur les successions; il ne projetait pas de prendre les questions du concours de AU avant d'arriver à l'étage. L'idée lui est venue seulement quand il est passé près du bureau de M. Cormack; [traduction] « Je ne sais pas ce qui m'a pris », a-t-il affirmé. Il a examiné les questions et réponses en arrivant chez lui et de nouveau le mardi 8 juillet.

M. Hampton a maintenu s'être énormément préparé pour le concours, notamment avoir étudié pendant quelque 150 heures. Le samedi 26 juillet, il est parti en congé annuel jusqu'au 10 août à Penticton (Colombie-Britannique).

M. Gilles Croze est le directeur adjoint, Services de sécurité, région du Pacifique. Il a lu un rapport d'incident de sécurité (pièce E-6) établi par M. Cormack qui faisait part de ses préoccupations au sujet [traduction] « d’une personne qui se serait introduite sans autorisation dans mon bureau en dehors des heures ouvrables pour obtenir des questions et réponses se rapportant au concours. » M. Vivash a indiqué à M. Croze qu'il voulait faire effectuer deux enquêtes distinctes. La première, qui Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 amènerait M. Croze à interviewer M. Hampton, avait pour objectif d'établir si le fonctionnaire s'était trouvé dans l'immeuble le 6 juillet; la deuxième, qui concernait le concours comme tel, ne devait pas être menée par M. Croze. Le 29 ou le 30 juillet, M. Hampton a reçu un coup de fil d'un collègue, M. Brian Miller, qui lui a dit que M. David Watson, chef des finances et de l'administration, voulait lui parler. M. Hampton a téléphoné à M. Watson qui lui a dit que M. Croze voulait l'interviewer et qu'il serait à Penticton la semaine suivante. M. Hampton aurait alors demandé à M. Watson de quoi il retournait; ce dernier a répondu que M. Croze le lui expliquerait lors de la rencontre et qu'il (M. Watson) ne voulait pas en discuter. M. Hampton a ensuite téléphoné à son supérieur immédiat, M. Bruce Donaldson, pour lui demander s'il savait pourquoi M. Croze voulait le rencontrer. M. Donaldson a répondu qu'il savait que M. Watson devait lui téléphoner, mais qu'il ne savait pas pourquoi. M. Croze a pris contact avec M. Hampton à Penticton et ils ont convenu de se rencontrer à 16 h le 7 août au Bureau de services fiscaux de Penticton. M. Croze a indiqué à M. Hampton qu'il pouvait être accompagné d'un représentant syndical.

M. Hampton s'est rendu au rendez-vous en compagnie de M. Mark Marischuk, un délégué syndical de la région de Penticton. Était également présent, M. Len Laughlin, un agent de sécurité de la région de Penticton, qui a pris des notes pour M. Croze. M. Laughlin et M. Croze ont tous les deux pris des notes (pièces E-9 et E-10). M. Croze a affirmé avoir d’abord expliqué qu'il s’agissait d’une rencontre d'ordre administratif, que ce n’était pas une enquête et qu'il voulait savoir si M. Hampton était allé au 747, rue Fort dans la soirée du 6 juillet; dans l'affirmative, il voulait savoir pourquoi. M. Hampton a répondu qu'il avait accès à l'immeuble, qu'il y était entré dans la soirée du 6 juillet et qu'il était allé à son poste de travail situé au 6 e étage pour travailler à un concours de PM qui allait se tenir sous peu; il s’était rendu au 3 e étage pour aller chercher des renseignements pour une connaissance, M. Clinton Marr, au sujet des droits de succession; les renseignements en question se trouvaient dans le poste de travail de M. Calvin Poon.

M. Croze a déclaré avoir demandé au moins deux autres fois à M. Hampton au cours de la rencontre pourquoi il était entré dans l'immeuble le 6 juillet. Chaque fois, M. Hampton a parlé d'un concours de PM et de renseignements à obtenir sur une question de succession. Il a dit être retourné à son étage pour photocopier un chapitre du manuel traitant des successions. M. Croze a déclaré ne pas avoir expliqué à Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 M. Hampton qu'on le soupçonnait d'avoir triché pendant le concours; il ne lui a pas demandé s'il s'était rendu au 3 e étage pour obtenir des renseignements au sujet du concours de AU-3, et M. Hampton n'en a pas parlé dans ses réponses. M. Croze a reconnu, lors du contre-interrogatoire, avoir dit à M. Hampton qu'il ne savait rien d’autre au sujet de l'enquête. Il a convenu que l'entrevue avait eu lieu dans le cadre de cette enquête qui aurait pu mener à une mesure disciplinaire; il a aussi dit à M. Hampton que ce n'était « pas une enquête ». M. Croze a indiqué que, à sa connaissance, personne n'avait contacté M. Marr au sujet de cette affaire. Selon M. Hampton, M. Croze a terminé la rencontre en affirmant qu'on lui avait demandé de déterminer si M. Hampton s’était trouvé dans l'immeuble et, le cas échéant, pour quelle raison, et que du fait que M. Hampton avait confirmé avoir été dans l'immeuble, il n’avait pas d’autres questions à poser.

Après la rencontre, M. Hampton a communiqué avec M. David Gray, un vérificateur au Bureau de services fiscaux de Revenu Canada à Victoria et également le délégué syndical des membres de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) qui travaillent pour Revenu Canada en Colombie-Britannique et au Yukon; il est aussi président du sous-groupe AU, président du comité exécutif régional de l'Institut professionnel en Colombie-Britannique et au Yukon et membre du conseil d'administration national de l'IPFPC. M. Hampton lui a décrit ce qui s'était passé lors de la rencontre. Selon M. Gray, M. Hampton était « tout à fait déconcerté » quant au motif de l'entrevue. Avant de le rencontrer, M. Gray avait communiqué avec M. Donaldson pour obtenir des explications au sujet de la rencontre; M. Donaldson avait refusé de lui en donner. M. Gray avait alors décidé de communiquer avec M. Vivash pour connaître le motif de la rencontre. M. Vivash avait indiqué à M. Gray que la rencontre devait avoir lieu avant la fin des vacances de M. Hampton et qu'il lui en expliquerait le but après.

Le 8 août, M. Gray a de nouveau communiqué avec M. Vivash, qui lui a dit que la rencontre avait été organisée à la demande du comité de sélection du concours de AU-3 qui soupçonnait M. Hampton d'avoir eu accès aux questions et réponses du concours et qui avait l'intention de le rencontrer le 11 août au retour de ses vacances. M. Hampton a vainement essayé de rejoindre M. Gray le 8 août; il a toutefois réussi à parler à M. Donaldson, qui lui a expliqué que la rencontre avec M. Croze concernait le concours de AU-3. M. Donaldson s'est excusé de lui avoir menti quand il lui a dit qu'il ne savait pourquoi M. Croze voulait lui parler. Il lui a aussi dit que MM. Cormack et Heatley le Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 8 rencontreraient le 11 août pour revoir avec lui les questions et réponses du comité de sélection.

Dans la matinée du 11 août, M. Heatley a demandé à M. Hampton de l'accompagner jusqu'à la salle de conférence du 6 e étage. M. Cormack a affirmé avoir d’abord précisé à M. Hampton qu'à cause de la très grande similitude entre les réponses qu’il avait données et celles des membres du comité, ceux-ci étaient convaincus qu'il connaissait les questions à l'avance. On lui a alors demandé de s’expliquer. Selon M. Cormack, M. Hampton a répondu que ses réponses ressemblaient beaucoup à celles du comité parce qu'il était superviseur depuis un certain nombre d'années, qu'il avait assisté à de nombreuses réunions avec des gestionnaires pendant cette période et que, par conséquent, il connaissait bien leur façon de penser. Il a nié avoir eu accès aux questions et réponses avant l'entrevue. M. Heatley a de nouveau affirmé que M. Hampton avait certainement eu accès aux questions et réponses, ce que ce dernier a de nouveau nié. Après la rencontre, MM. Heatley et Cormack ont encore une fois comparé les réponses de M. Hampton aux leurs et ont de nouveau conclu qu'il avait certainement eu accès aux renseignements avant les entrevues.

En sortant de la rencontre, M. Hampton s'est rendu au bureau de M. Donaldson. Il a remis à ce dernier une chemise contenant les documents dont il s'était servi pour préparer son entrevue devant le comité de sélection et lui a raconté ce qui s'était passé lors de la rencontre avec MM. Cormack et Heatley. M. Donaldson lui a dit qu'il demanderait au bureau du personnel de lui expliquer ce qui se passait. Au cours de l'après-midi, M. Donaldson a demandé à M. Hampton de passer le voir. Il lui a indiqué qu'il avait examiné les questions et réponses et qu'il lui avait adressé une lettre (pièce G-8) l'informant que M me K. Etches était l'heureuse candidate; une liste d'admissibilité contenant sept noms était jointe à la lettre, mais le nom de M. Hampton n'y figurait pas. Ce dernier a de nouveau nié avoir eu accès aux questions et aux réponses.

Le 12 août, M. Gray a rencontré MM. Heatley et Cormack, qui lui ont remis les réponses de M. Hampton ainsi que la clé de correction en lui signalant les similitudes. Par la suite, M. Gray a rencontré M. Hampton pour lui dire qu'il avait examiné la preuve et que le fonctionnaire aurait certainement gain de cause s'il faisait appel de la décision du comité de sélection vu qu'on ne lui avait donné aucun point pour les qualités

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Décision Page 9 personnelles. Il l'a toutefois prévenu que les accusations deviendraient alors publiques, et que les conséquences sur le plan disciplinaire seraient plus graves s'il n’admettait rien (pièce G-10, les notes prises par M. Gray lors de la rencontre du 12 août avec MM. Heatley et Cormack).

M. Gray a aussi rencontré M. Vivash, seul à seul, le 12 août. Il lui a demandé la direction voulait en venir dans le cas de M. Hampton, si on avait l'intention de constituer un comité de discipline, quelles étaient les options et qu'est-ce que qu'on envisageait comme mesure disciplinaire. M. Vivash a mentionné diverses possibilités; il a indiqué que, d'après lui, la décision du comité de sélection serait confirmée en appel; il a ajouté qu'il était très important qu'il y ait une preuve quelconque de remords et un aveu de culpabilité. M. Gray s'est également rappelé que M. Vivash a mentionné la possibilité de ne pas aller plus loin que la réprimande écrite si M. Hampton faisait des aveux. Lors d'une autre rencontre avec M. Vivash, le 20 août, celui-ci a clairement indiqué qu'il s'en tiendrait à une réprimande si M. Hampton faisait des aveux. M. Gray a déclaré que, immédiatement après ces rencontres, il avait consigné de ce qui avait été convenu (pièces G-11 et G-12).

M. Vivash avait un tout autre souvenir de ces rencontres. Quoiqu’il ne se rappelât pas les dates précises des rencontres avec M. Gray il n'avait pas pris de notes —, il était certain d’avoir discuté des diverses sanctions possibles et des facteurs à prendre en considération, mais de ne pas avoir promis de s'en tenir à une réprimande écrite si M. Hampton faisait des aveux. Ce dernier s'est rappelé que M. Gray lui avait dit que M. Vivash avait déclaré que l'affaire était grave, qu'il pourrait y avoir des sanctions allant jusqu'au congédiement, mais que si M. Hampton avouait avoir eu accès aux questions et réponses, la mesure disciplinaire pourrait se limiter à une réprimande écrite qui resterait dans le dossier pendant deux ans. M. Gray a invité M. Hampton à avouer qu’il avait eu accès aux questions, si tel était le cas; autrement, il devrait interjeter appel des résultats du concours.

M. Hampton a essayé de rejoindre M. Donaldson le 14 août, mais on lui a dit qu'il ne serait pas au bureau ce jour-là ni le lendemain, soit le vendredi 15 août. M. Hampton est parti en congé annuel du lundi 18 août jusqu’au 22 août. Il est allé au bureau le 18 août pour s'entretenir avec M. Donaldson, qui n'était pas là. Il est retourné le lendemain, mais M. Donaldson n'y était toujours pas. Le 19 août, il a parlé à M. Gray

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Décision Page 10 au téléphone; ce dernier lui a dit qu'il avait rencontré M. Vivash plus tôt ce jour-là et qu’il lui avait donné l'assurance que la mesure disciplinaire se limiterait à une réprimande écrite si M. Hampton avouait avoir eu accès aux questions. M. Gray l'a également informé qu'un réunion disciplinaire était prévue pour le 5 septembre.

M. Hampton est retourné au travail le 25 août; M. Gray n'était pas au bureau ce jour-là, ni le lendemain. M. Hampton l'a rencontré le 27 août. M. Gray lui a dit qu'il était censé rencontrer M. Vivash pour faire le point. M. Gray a parlé à M. Vivash au téléphone le 27; ce dernier lui a dit qu’il était encore temps et que, si M. Hampton avouait avoir triché, la mesure disciplinaire se limiterait à une réprimande écrite. M. Hampton a déclaré que M. Gray l'a de nouveau invité à faire des aveux, s'il était coupable, ou à interjeter appel des résultats du concours. Il a rédigé une lettre d'excuses à l’intention de M. Donaldson et la lui a remise ce jour-là. La lettre est reproduite ci-dessous :

(Pièce E-13) [Traduction] Il est essentiel à l'exécution de mes fonctions à la Division de la vérification et de l'exécution qu’il existe un lien de confiance entre l'employeur et l'employé.

C’est avec énormément de regrets que je confirme avoir obtenu les questions et réponses du comité de sélection le 6 juillet 1997. Je traversais alors une période extrêmement occupée et stressante. Je ne peux expliquer pourquoi j'ai agi de la sorte étant donné que je m’étais très bien préparé à l’entrevue devant le comité. Une telle conduite n’est absolument pas dans mon tempérament.

Je suis profondément désolé m’embarrasse au plus haut point, et j’offre humblement toutes mes excuses à tous les intéressés.

J'ai à coeur de mettre cet incident isolé derrière moi en vue de commencer immédiatement à rétablir la confiance que le Ministère a placé en moi ces treize dernières années. Je puis vous assurer que mon intégrité et mon honnêteté seront sans reproche.

M. Hampton a déclaré que, dès le 11 août, il savait qu'il allait « faire ce qu’il fallait et avouer sa faute ». S’il a attendu aussi longtemps par la suite pour rencontrer M. Donaldson, c’est qu’il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé. Il estimait en outre que M. Donaldson était la personne à qui il devait s'expliquer; en plus, durant la

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de cet incident, qui

Décision Page 11 période en question M. Donaldson, lui-même ou M. Gray avaient été absents une bonne partie du temps; les 27 et 28 août étaient les deux seules journées ils avaient été au bureau en même temps. M. Hampton a affirmé avoir lui-même rédigé la lettre et n'en avoir pas discuté avec qui que ce soit auparavant.

M. Gray et M. Hampton ont rencontré M. Donaldson à 16 heures le 28 août; c'est à ce moment-là que M. Hampton a remis la lettre à M. Donaldson. D'après M. Hampton, M. Donaldson lui aurait dit que la conduite reprochée n’était absolument pas dans son tempérament et qu'il savait qu'il s'agissait d'un incident isolé. Il a également précisé que l'affaire était grave et qu'il y aurait une réunion disciplinaire le 3 septembre. M. Hampton s'est rappelé que M. Donaldson a également affirmé qu'il ne croyait pas que M. Hampton avait commis une « crime pendable », mais qu'il méritait plus qu'une réprimande verbale. Lors de son témoignage en chef, M. Hampton a affirmé qu'il était « reconnaissant » à M. Vivash d’avoir accepté de limiter la sanction disciplinaire à une réprimande écrite, mais il savait qu’il ferait des aveux, même sans « entente ». Il a également fait remarquer que l'entente n'y est pour rien dans sa décision de passer aux aveux. M. Gray s'est également rappelé que M. Donaldson a affirmé à la rencontre qu'il n'était pas question de le licencier. Lors de rencontres antérieures avec M. Donaldson au sujet de cette affaire, M. Donaldson avait indiqué à M. Gray qu'il pensait que la faute de conduite de M. Hampton allait nuire à sa carrière, mais que ce n'était rien d’irrécupérable; il s'est aussi rappelé que M. Donaldson avait bien dit qu’une entente était intervenue au sujet de la mesure disciplinaire.

M. Gray a déclaré que, le 2 septembre, il a eu une autre conversation avec M. Vivash au sujet de cette affaire; celui-ci l'a informé que M. Donaldson allait présider le comité. M. Gray a affirmé avoir ensuite communiqué avec M. Donaldson qui lui a dit s’être entretenu avec M. Vivash, et que, sauf erreur, la mesure disciplinaire se limiterait à une réprimande écrite.

M. Donaldson a déclaré avoir dit à M. Hampton, le 11 août, que « l'affaire était grave » qu'il fallait la tirer au clair. Il s'est également rappelé lui avoir dit que le comité de sélection était certain de ce qu'il affirmait et qu'il devait tout avouer. M. Hampton a nié l'accusation à ce moment-là. M. Donaldson a maintenu ne pas avoir soufflé mot à M. Hampton des conséquences d’aveux de sa part, et ne pas avoir discuté de sanction. Il croit l'avoir rencontré entre le 11 et le 28 août bien qu'il ne le mentionne pas dans la

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Décision Page 12 chronologie des événements qu'il a préparée relativement à cette période (pièce E-12). Il pense s'être absenté durant une partie de cette période; au cours du contre-interrogatoire, il a reconnu s'être peut-être trompé au sujet d'une rencontre entre le 11 et le 28 août. Il a mentionné que le souvenir qu'a M. Hampton des incidents est sans doute plus juste que le sien. Il a convenu avoir peut-être dit le 28 août que la conduite reprochée n’était absolument pas dans le tempérament de M. Hampton et que ce n’était pas un « crime pendable ». Il croit avoir dit à M. Gray que cela nuirait à la carrière de M. Hampton, mais qu'il n’y avait rien d’irrécupérable. Il ne se souvenait pas avoir fait allusion à une discussion avec M. Vivash au sujet d'une réprimande écrite. Il n'a jamais laissé entendre qu'une réprimande écrite serait une sanction appropriée, et il n'a rien promis à qui que ce soit.

M. Vivash a demandé à M. Donaldson s'il était disposé à présider un comité de discipline avec M. Gary Boyer, l'agent de dotation, et M me Susan Allen, qui venait d'être nommée directrice adjointe au Bureau de services fiscaux de Victoria. M. Donaldson a accepté. Le 3 septembre, le comité a rencontré M. Hampton qui était accompagné de M. Gray et de M. Rob Fredericks de l'Institut professionnel. Au début de la rencontre, M. Donaldson a exposé les conclusions du rapport des services de sécurité et du comité de sélection. Il a indiqué que les actions de M. Hampton étaient considérées comme une faute de conduite grave. Il a aussi fait remarquer que le fait d'avoir finalement avoué jouait en sa faveur. M. Fredericks a pris la parole au nom de M. Hampton en disant qu'une réprimande écrite était la sanction correspondant à la faute de conduite de M. Hampton. Celui-ci n'a pas pris la parole; on lui avait dit qu'il devait se limiter à répondre aux questions; toutefois, personne ne lui en a posées. Il n'a pas donné d’autres détails au sujet de sa lettre d'excuses; il a affirmé avoir voulu, par cette lettre, présenter des excuses claires, sans invoquer de prétextes.

M. Donaldson a déclaré que les membres du comité étaient d’avis que l'incident justifiait plus qu'une réprimande écrite. M. Boyer et M me Allen croyaient fortement que le congédiement devait être considéré comme une option possible. Le comité a aussi indiqué qu'il voulait que M. Hampton explique sa conduite plus en détail. Par conséquent, le lundi 8 septembre, M. Donaldson a demandé à M. Gray de demander à M. Hampton de fournir des renseignements additionnels par écrit sur ce qui se passait dans sa vie personnelle au moment de l'incident. Le 9 septembre 1997, M. Hampton a donc rédigé, à l’intention de M. Donaldson, une longue lettre décrivant en détail Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 certains événements qui l’avaient perturbé avant l'incident en question (pièce E-14). Il a également fourni d'autres précisions à ce sujet lors de son témoignage en direct. En résumé, il était aux prises avec des problèmes conjugaux, familiaux, financiers et autres durant la période en question, plus particulièrement la grossesse de sa femme et des pertes de placements qui mettaient en péril la quasi-totalité de ses économies (pièces G-14, 15, 16).

Le comité disciplinaire s'est réuni le 15 septembre pour étudier ses recommandations. M. Boyer était toujours d’avis qu’un licenciement était justifié. M. Donaldson croyait qu'il y avait plusieurs facteurs atténuants dont il fallait tenir compte et que, par conséquent, une mesure disciplinaire plus appropriée serait une suspension d'un mois. Selon M. Donaldson, M me Allen n'était pas à l'aise ni avec l'une ni avec l'autre de ces solutions et a changé d'avis plusieurs fois; elle a finalement accepté d'imposer une suspension d'un mois. M. Donaldson a préparé l'ébauche d'une lettre à cet effet et l'a envoyée à M me June Lensen, gestionnaire des ressources humaines (pièce E-15).

M. Vivash, qui avait été tenu au courant des activités du comité disciplinaire, a été informé par M. Donaldson qu'il y avait divergence d'opinion au sujet de la mesure disciplinaire à imposer. Il a donc rencontré chaque membre du comité individuellement. M. Boyer était convaincu que le licenciement était justifié; M me Allen aurait dit que cette mesure ne lui convenait pas; elle avait d’abord penché en faveur du licenciement, puis elle s'était rangée à l’avis de M. Donaldson. M. Vivash a conclu que le comité n'avait pu en venir à une décision unanime. Il a informé M. Donaldson qu'il examinerait l'affaire lui-même. Il a alors consulté M me Lensen ainsi que les agents des relations de travail à l'administration centrale, et il a conclu que le rapport du comité ne tenait pas compte du code de conduite du Ministère. Il a donc rédigé la lettre de licenciement (pièce E-1, supra). M. Donaldson a été informé de sa décision à l'avance. Quoiqu’il ne souscrivît pas à la mesure disciplinaire retenue, il reconnaissait que M. Vivash avait l'ultime responsabilité de déterminer la sanction à imposer. Lors du contre-interrogatoire, il a admis qu’il continuait de croire qu'une suspension d'un mois était appropriée vu que les remords de M. Hampton lui semblaient sincères et qu’il estimait que ce dernier pouvait retourner au travail. Il a aussi reconnu qu'il avait fait partie de six comités disciplinaires et que c'était la première fois que la recommandation du comité était écartée. M. Donaldson a aussi convenu que Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 14 M. Hampton était un « gestionnaire très respecté et très compétent » qui avait « énormément » de responsabilités.

Lors de son témoignage, M. Vivash a expliqué plus en détail pourquoi il avait décidé de congédier M. Hampton. À ses yeux, M. Hampton avait pris une « série de décisions mûrement réfléchies »; autrement dit, sa conduite avait été jalonnée d’étapes distinctes il aurait pu prendre la décision de ne pas aller plus loin, mais il ne l'avait pas fait. D'après M. Vivash, M. Hampton a également eu plusieurs occasions de faire des aveux, mais il a attendu de faire face à une mesure disciplinaire pour agir. Il a conclu que ses aveux étaient insuffisants en plus d’être venus trop tard. Il n'avait avoué sa faute qu'après l’avoir niée plusieurs fois. En ce qui a trait aux difficultés personnelles qu’il éprouvait, M. Vivash estimait qu'elles n'étaient pas différentes de celles de la majorité des gens. Il a fait remarquer que, durant toute la période en cause, M. Hampton avait quand même été capable de faire son travail. M. Vivash s’inquiétait aussi du fait qu'à titre de vérificateur M. Hampton avait beaucoup de latitude pour régler des dossiers d’entreprises mettant en cause des millions de dollars de revenus. Il craignait que M. Hampton accepte de l’argent de ces entreprises, et c'était un risque inacceptable pour l'organisation. Il a convenu qu'il n'y avait rien de négatif dans le dossier disciplinaire de M. Hampton, que la décision était fondée seulement sur la série d'incidents en question, lesquels, à son avis, constituaient une faute de conduite grave au point on ne pouvait plus faire confiance à M. Hampton comme vérificateur.

Quand M. Gray a été informé de la décision de M. Vivash de congédier M. Hampton, il a demandé à M. Vivash pourquoi il n'avait pas respecté leur « entente », ce à quoi M. Vivash aurait répondu : « L'avez-vous par écrit ?», M. Gray a mis en doute la crédibilité de M. Vivash. Il lui a dit qu'à titre de directeur national il donnerait des instructions à l'Institut professionnel pour qu'on cesse toute communication avec lui et toute participation aux réunions des comités syndicaux-patronaux avec le Bureau de services fiscaux de l'île de Vancouver. En outre, les griefs ne seraient plus présentés à M. Vivash au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. M. Gray a affirmé avoir donné suite à sa menace; entre autres choses, il a donné des instructions au bureau national de l'Institut professionnel à Ottawa et a indiqué à tous les AU et CS des bureaux de services fiscaux de l'île de Vancouver qu'il ordonnait, à titre de directeur national, que l'Institut mette fin à toute relation syndicale-patronale parce que M. Vivash lui avait menti à trois reprises et qu'il ne fallait pas lui faire confiance. À Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 15 l'appui de son témoignage, M. Gray s'est reporté aux notes prises lors de la réunion du comité de discipline le 3 septembre et de la rencontre avec M. Vivash le 24 septembre (voir la note du 24 septembre, pièce G-13).

M. Vivash se souvient d'avoir précisé à M. Gray qu'il déciderait de la mesure disciplinaire à imposer à M. Hampton et qu'il la lui communiquerait. Selon M. Vivash, M. Gray s'est dit consterné par la décision et a déclaré qu’à titre de représentant syndical il refuserait dorénavant de faire affaire avec lui. M. Vivash ne se rappelle pas qu'il ait demandé : « Qu'est-il arrivé à notre entente? »; il nie toutefois avoir répondu : « L'avez-vous par écrit? ». Il s'est rappelé que M. Gray n’en revenait pas du « manque d'intégrité » de M. Vivash du fait qu’il avait décidé de licencier M. Hampton. M. Vivash a de nouveau affirmé qu'il n'avait conclu aucune entente concernant la mesure disciplinaire à imposer à M. Hampton, ni ne l’avait incité à faire des aveux dans le but d’étayer sa décision de le licencier.

Argumentation L'avocat de l'employeur décrit le fonctionnaire comme un professionnel doué et compétent qui a commis plusieurs erreurs graves et qui a agi de manière honteuse; bien que les conséquences de ses actions soient tragiques pour lui, il a fait son propre malheur. M e Newman maintient que M. Hampton s'est rendu au bureau le dimanche 6 juillet uniquement pour obtenir les questions et réponses du concours de AU -3. Même si ce n’était pas le cas, il n’a pas simplement agi sous l’impulsion du moment.

M e Newman soutient que le fonctionnaire a eu plusieurs occasions de faire marche arrière après qu’il se fut engagé sur la voie de la fraude, de la dissimulation et de la tromperie. Il savait à quel point il est important de préserver l'intégrité du comité de sélection surtout qu'il avait lui-même fait partie de tels comités. En outre, à titre de vérificateur, il occupe un poste qui exige le maximum de confiance.

M e Newman affirme que M. Vivash avait le pouvoir ultime de déterminer la mesure disciplinaire à imposer à M. Hampton. Il a sollicité l’avis de M. Donaldson, qui préconisait une peine moins sévère; toutefois, après avoir apprécié tous les éléments et avoir pris en considération les points de vue divergents des membres du comité disciplinaire, il est arrivé à une autre conclusion. M e Newman maintient que les remords de M. Hampton sont loin d’être convaincants vu qu’ils ont été formulés si

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Décision Page 16 tardivement; sa contrition est davantage reliée à la crainte de perdre son emploi qu'à ses agissements. Il fait remarquer que M. Hampton est passé aux aveux presque deux mois après les incidents en question. Dans l'intervalle, il a trompé le comité de sélection durant l'enquête ainsi que ses supérieurs. Il a eu de nombreuses occasions d'avouer sa faute, mais il ne les a pas saisies. En fait, il y a eu une série ininterrompue de fautes de conduite marquées au coin de la turpitude morale et de la dissimulation; M. Hampton n’est en réalité passé aux aveux qu’en désespoir de cause.

L'avocat soutient également qu'il n'y avait pas d'« entente » entre M. Vivash et l'agent négociateur; de toute façon, la pseudo entente n'est pas pertinente vu le témoignage du fonctionnaire selon lequel elle ne l’a pas poussé aux aveux. Les problèmes du fonctionnaire décrits dans la pièce E-14 ne justifient pas du tout sa mauvaise conduite. Il doit y avoir un lien de causalité entre le stress et la mauvaise conduite en question; autrement dit, le fonctionnaire doit démontrer que le stress subi avait affecté ses facultés mentales. En outre, il ne s’agissait pas d’actions spontanées commises dans ce qu’on pourrait appeler un moment d'aberration. L'avocat m'exhorte à tenir compte du fait que le fonctionnaire était un superviseur et un vérificateur qui doit avoir la confiance du public. Quelles que soient les facteurs atténuants en l’espèce, ils ne compensent pas pour la gravité de la faute de conduite. Dans les circonstances, la décision de la direction était raisonnable, et elle ne doit pas être infirmée.

Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que je manquerais à mes obligations si, comme l'avocat de l'employeur m’exhorte à le faire, je ne tenais pas compte des facteurs atténuants tels que les aveux, les circonstances personnelles ou d'autres facteurs pertinents. M. Hampton a avoué sa faute de conduite; il reconnaît pleinement la gravité de ses actions et comprend qu'elles justifient plus qu'une réprimande écrite. M. Fredericks convient que les actes de malhonnêteté qui nuisent directement à l'intégrité du régime fiscal justifient le congédiement. Toutefois, ce n'est pas le cas en l'espèce. M. Hampton s’est visiblement comporté de manière irrationnelle, à preuve il avait déjà très bien réussi 30 % de l’examen, il s'était extrêmement bien préparé, il était le seul chef d'équipe à participer au concours et tout le monde s'attendait à ce qu'il fasse bonne figure. En outre, compte tenu de la façon dont il a utilisé les questions et réponses, il était inévitable que des soupçons en viennent à peser sur lui.

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Décision Page 17 M. Fredericks maintient que l'employeur était de mauvaise foi quand il a mené son enquête. En pareil cas, la mauvaise foi devrait devenir un facteur atténuant quand il s’agit d’imposer la mesure disciplinaire. Autrement, cela revient à dire que le non-respect des promesses est sans conséquence. Bien que l'« entente » n'ait pas incité M. Hampton à avouer sa faute de conduite, il est clair dans son esprit que c'est ce à quoi elle devait servir. M. Fredericks maintient également que M. Hampton a nié avoir mal agi lors de la rencontre du 11 août seulement; il existe amplement d'éléments de preuve selon lesquels il s’est mis à s’interroger sur la conduite à adopter presque immédiatement après et a conclu qu'il devait d'abord se confier à M. Donaldson, son superviseur direct, avec qui il entretenait d’étroits rapports. Toutefois, à cause de circonstances indépendantes de sa volonté, il n’a pu lui parler que le 28 août. Pourtant, M. Vivash a clairement affirmé que c’est à cause de ce délai que les aveux étaient insuffisants en plus d’être venus trop tard.

M. Fredericks prétend également que la preuve étaye la conclusion selon laquelle M. Vivash a effectivement conclu une entente limitant la mesure disciplinaire à une réprimande écrite si M. Hampton faisait des aveux, lesquels devaient servir à étoffer le dossier de l'employeur à l'arbitrage.

Le représentant du fonctionnaire soutient également que la jurisprudence n'étaye pas le point de vue selon lequel ce genre de faute de conduite s'apparente à un vol, ou la conclusion voulant qu'un tel comportement justifie le congédiement. Il cite à l'appui les affaires suivantes : Hydro-Electric Commission of City of Ottawa and International Brotherhood of Electrical Workers, Local 1569 (1991), 19 L.A.C. (4th) 338 (Bendel); et Public Utilities Commission of City of Scarborough and Utility Workers of Canada, Local 1 (1996), 54 L.A.C. (4th) 442 (Craven). M. Fredericks fait également valoir qu'il existe une jurisprudence abondante à l'appui du principe selon lequel des circonstances personnelles et un aveu ainsi que la preuve de remords sont des facteurs atténuants à prendre en considération (voir Green c. Canada, [1997] C.F. n o 964; Green (dossier de la Commission 166-2-26720); Canpar and Transportation Communications Union (1997), 66 L.A.C. (4th) 1 (Picher); Sample (dossier de la Commission 166-2-27610); International Minerals and Chemical Corp. Canada Ltd. and Energy & Chemical Workers Union, Local 892 (1990), 12 L.A.C. (4th) 244 (Norman); Sunnybrook Health Science Centre and Service Employees’ International Union, Local 777 (1995), 47 L.A.C. (4th) 44 (Kaplan)). Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 18 M. Fredericks invoque également l'affaire Toronto East General Hospital Inc. and Service Employees International Union (1975), 9 L.A.C. (2d) 311 (Beatty) à l'appui de la proposition selon laquelle le fait de nier une faute de conduite ne doit pas être considéré comme une faute de mauvaise conduite distincte. M. Fredericks soutient en outre que les arbitres devraient encourager les employés à décharger leur conscience en reconnaissant que les aveux et les manifestations de remords sont des facteurs atténuants.

En résumé, le représentant du fonctionnaire soutient que la faute de conduite de ce dernier n'était pas préméditée, qu'il a de son propre gré décidé de passer aux aveux et qu'il a exprimé des remords sincères. En outre, il s'agit d'un employé exemplaire qui compte 13 années de service et qui a toujours la confiance de son superviseur immédiat. M. Fredericks estime qu'en raison de la tension qui continue d'exister au bureau et du délai écoulé depuis le licenciement du fonctionnaire il serait préférable en l'espèce d'accorder des dommages-intérêts au lieu d'ordonner la réintégration. Il fait remarquer que les arbitres ont plus d'une fois accordé des dommages-intérêts au lieu d'ordonner la réintégration lorsque le congédiement était jugé injustifié et que la réintégration du fonctionnaire posait des difficultés. Il a invoqué les affaires McMorrow (dossier de la Commission 166-2-23967); Lawrence (dossier de la Commission 166-2-21341); Anonsen (dossier de la Commission 166-2-17113); et Slattery (dossier de la Commission 166-13-17850). Il suggère d'accorder un ou deux ans de salaire en guise de dommages-intérêts. Subsidiairement, il demande que le fonctionnaire soit réintégré après une suspension de courte durée.

En réfutation, l'avocat de l'employeur soutient que l’arbitre doit exercer avec circonspection son pouvoir discrétionnaire d'infirmer la décision de l'employeur; il ne doit pas intervenir si la peine se situe dans les limites du raisonnable. M e Newman fait valoir qu’il y a en l’espèce une constante dans la mauvaise conduite, qui pourrait même être qualifiée de criminelle; il y a eu entrée par effraction et perversion du processus de sélection. M e Newman maintient aussi que les facteurs atténuants évoqués par M. Fredericks ont été examinés par la direction, mais que celle-ci a conclu qu'ils ne l’emportaient pas sur les motifs de congédiement. M e Newman doute qu'il y ait eu une entente; il soutient qu'il aurait été insensé de conclure une entente vu la preuve convaincante dont M. Vivash disposait contre M. Hampton à ce moment-là; en outre, il ne fait aucun doute qu'une réprimande écrite aurait été une peine tout à fait Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 19 insuffisante compte tenu de la gravité de la faute de conduite. En ce qui a trait à la jurisprudence invoquée par M. Fredericks, l'avocat de l'employeur indique que ces affaires comportaient diverses circonstances atténuantes; dans la décision Green (supra), par exemple, l'élément important est l'absence d'emploi semblable pour les contrôleurs de la circulation aérienne. L'affaire Toronto East General Hospital (supra) portait sur le vol d'une quantité négligeable de biens qui avait été considéré comme un écart de conduite fortuit. Dans l'affaire International Minerals and Chemical Corp. (supra) le fonctionnaire souffrait de troubles mentaux. En outre, la faute de conduite concernait un vol de peu d’importance.

M e Newman soutient également qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réintégration ou d'accorder des dommages-intérêts en l'espèce; le fonctionnaire a effectivement reconnu avoir rompu le lien de confiance qui existait. Subsidiairement, M e Newman maintient qu'un bon critère pour déterminer le montant des dommages-intérêts serait l'indemnité de départ qu'aurait obtenu le fonctionnaire s'il avait démissionné de son poste.

Motifs de décision Essentiellement, la question que je dois trancher en l'espèce est celle de savoir si le faute de conduite avouée du fonctionnaire justifiait l'imposition de la peine ultime, soit le congédiement. Personne ne conteste que, dans la soirée du dimanche 6 juillet 1997, M. Hampton s'est servi de sa carte d'accès pour entrer dans l'immeuble situé au 747, rue Fort, qu'il s'est rendu au 3 e étage il a pénétré sans autorisation dans le bureau fermé à clé de M. Cormack pour subtiliser et photocopier les questions et réponses du concours de AU-3; qu’il a par la suite étudié les documents et que, le 9 juillet, il s'est servi des renseignements lors du processus de sélection. Personne ne conteste non plus que, lorsque la direction lui a fait part de ses soupçons, il a nié plusieurs fois devant M. Donaldson, son superviseur immédiat, et les membres du comité de sélection, avoir commis quelque faute de conduite que ce soit. Le 28 août, il a remis à M. Donaldson une lettre dans laquelle il avouait ses actions et exprimait ses remords; dans une autre lettre à M. Donaldson, datée du 14 septembre (pièce E-14), dans laquelle il réitère ses remords, il explique le stress et les pressions dont il était l'objet à l'époque de l'incident en question ou aux environs de cette époque.

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Décision Page 20 Les points en litige sont, à mon avis, moins importants et moins pertinents pour trancher l'affaire. Je suis prêt à accepter le témoignage de M. Hampton qui affirme avoir décidé de subtiliser les questions et réponses seulement quand il s'est retrouvé au 3 e étage le 6 juillet, et non avant. Il n'a pas été contredit à cet égard; l'employeur aurait pu produire des éléments de preuve au sujet, par exemple, de l'authenticité du renseignement demandé par M. Marr ou de la communication antérieure avec M. Poon; il ne l'a pas fait. En réalité, il n'existe absolument aucun élément de preuve indiquant que M. Hampton est enclin à la malhonnêteté. Le directeur adjoint, M. Donaldson, qui le connaît bien, a déclaré que la conduite reprochée n’était absolument pas dans le tempérament de M. Hampton. Voilà qui tend à appuyer l'affirmation du fonctionnaire selon laquelle il a agi de manière spontanée, sans préméditation, lorsqu’il a décidé de subtiliser les questions et réponses.

J'accorde également peu d'importance à la question de savoir si M. Hampton a « trompé » ou non M. Croze lors de l'entrevue avec ce dernier le 7 août. Je suis convaincu que M. Hampton avait une bonne idée des raisons pour lesquelles il avait été convoqué à l'entrevue et qu'il a décidé de ne pas révéler la véritable nature de ses activités le 6 juillet. Ce qui importe, c'est qu’il a nié catégoriquement les actions qui lui étaient reprochées, le 11 août. C’est ce jour-là ou dans les jours suivants qu’il aurait faire des aveux soit à M. Donaldson, soit à un autre membre de la direction parce que le moment était des plus propices. Bien que je trouve crédible son témoignage selon lequel il s'est senti obligé de tout avouer à M. Donaldson, cela ne change rien au fait qu'il n'a pas avoué plus tôt. Toutefois, ses aveux, quoique tardifs, sont pris en compte dans une certaine mesure.

En outre, je ne suis pas d'accord avec l'employeur lorsqu’il dit que M. Hampton a commis plusieurs fautes de conduite distinctes. En prenant la décision fatidique de subtiliser les questions et réponses dans le bureau de M. Cormack, le fonctionnaire s'est engagé sur une pente glissante; autrement dit, il était à peu près inévitable que cela l'amènerait à se servir des questions et réponses lors du processus de sélection et à nier par la suite avoir agi de la sorte quand il a initialement été mis devant les faits. Dans ce contexte, les conclusions suivantes dans l'affaire Toronto East General Hospital (supra) sont instructives : [Traduction] Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 21 [...] (p.323) Il est vrai, comme nous l'avons fait remarquer, que M. Hogan aurait mérité une peine beaucoup moins sévère s'il avait effectivement avoué l’infraction. En outre, la falsification d’un témoignage sous serment constitue, en soi, un acte extrêmement grave. Pour que le processus d'arbitrage ait un sens et serve à quelque chose, ce genre de comportement ne peut tout simplement pas être toléré. Toutefois, il est également vrai que cette deuxième manifestation d’abus de confiance et de malhonnêteté est inextricablement reliée à la première. Nous n'avons pas simplement affaire à un employé qui, ayant fait l'objet d'une mesure disciplinaire à cause d'agissements malhonnêtes graves, commet subséquemment la même infraction ou une infraction analogue sans vraisemblablement se soucier de la première sanction imposée. Dans ce genre de situation, il serait raisonnable de conclure que l'employé est insensible à une mesure disciplinaire moins sévère et qu’il est tout simplement incapable de corriger son comportement ou qu’il ne veut pas le faire. Dans ce genre de situation, la répétition de ce qui est généralement considéré comme une faute de conduite extrêmement grave peut justifier le congédiement de cet employé.

Toutefois, ce n'est pas le cas du fonctionnaire s’estimant lésé en l'espèce. Si, comme nous l'avons conclu, la découverte de six boîtes de jus dans son manteau repose sur la prépondérance de la preuve selon laquelle il les a subtilisées, le fait qu’il a fait preuve de malhonnêteté en niant cette conclusion doit être considéré comme faisant partie intégrante de la faute de conduite initiale. Dans un sens, il s'est simplement laissé prendre au jeu de sa malhonnêteté. En refusant d'avouer sa faute de conduite il adoptait en effet une ligne de conduite. Il n’a pas eu d’autre choix par la suite que de continuer à mentir.

J'estime également qu'il faut tenir compte des circonstances personnelles de M. Hampton à titre de facteur atténuant. Il existe en fait une jurisprudence assez abondante appuyant la conclusion selon laquelle un grave stress personnel peut conduire à des actions isolées ou aberrantes qui n’auraient pas été commises dans d'autres circonstances et qui, par conséquent, justifient de lui accorder valeur de circonstances atténuantes (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3 e édition, paragraphe 7 : 4424, plus particulièrement le renvoi en bas de page n o 4 et les affaires qui y sont citées). Je crois que la combinaison d'un certain nombre d’événements très stressants dans la vie de M. Hampton, lesquels événements semblent plutôt extraordinaires lorsqu’ils sont pris dans leur globalité, a justement eu

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Décision Page 22 ce genre d'incidence sur le fonctionnaire. Le fait que ces incidents malheureux se soient produits au cours des semaines précédant ses actions du 6 juillet (pièces E-14 et G-14) et le témoignage de M. Donaldson selon lequel la conduite reprochée n’était absolument pas dans le tempérament du fonctionnaire militent fortement en faveur de cette conclusion, plus particulièrement si l'on tient compte de ses treize années de service exemplaire. Par conséquent, je trouve que l’énorme stress personnel que subissait le fonctionnaire à l'époque pertinente constitue un facteur atténuant d’importance.

Je me suis également demandé quelle incidence devrait avoir en l’espèce la promesse censément faite par M. Vivash à M. Gray, le représentant syndical. Vu le témoignage du fonctionnaire à ce sujet, j'ai conclu que la pseudo « entente » est en fait essentiellement sans importance. Le fonctionnaire a affirmé avoir pris la décision d'avouer sa faute et de faire des excuses parce qu’il éprouvait du remords, non pas à cause de la supposée promesse. On ne peut pas soutenir de façon convaincante que le principe de la préclusion promissoire s'applique en l'espèce vu que le fonctionnaire ne s'est visiblement pas fié à cette promesse. Par conséquent, je ne vois aucune raison juridique de conclure que la promesse ou l'« entente » devrait entrer en ligne de compte pour trancher le grief de M. Hampton. Par conséquent, je ne me prononce pas sur la question de savoir s'il y a eu ou non une « entente ».

Vu l'ensemble des circonstances, j'ai conclu que, bien que le fonctionnaire ait commis une faute de conduite grave (voir, par exemple, la décision Maria Thomas (dossier de la Commission 466-H-155) l'arbitre a maintenu le congédiement d'une proposée aux examens linguistiques qui a été reconnue coupable d'avoir subtilisé et utilisé un examen linguistique pour en retirer des avantages personnels), ses actions ne justifiaient pas la peine ultime qu’est le congédiement. Je comprends très bien que ce ministère en particulier soit contraint d’appliquer des normes élevées de probité et d'intégrité; je ne doute pas que la décision de congédier M. Hampton a été motivée par ces préoccupations légitimes. Toutefois, je tiens à faire remarquer que la mauvaise conduite du fonctionnaire ne concernait pas son travail de vérification comme tel ou la clientèle du ministère. En outre, comme je l'ai expliqué plus haut, je dois tenir compte d'autres facteurs atténuants non négligeables qui sont pertinents en l'espèce.

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Décision Page 23 Compte tenu de ces faits, je conclurais normalement qu’une suspension de quatre mois est plus appropriée qu’un licenciement, et j'ordonnerais donc à l'employeur de réintégrer le fonctionnaire. Toutefois, je tiens compte de la demande du représentant du fonctionnaire qui a fait valoir que ce dernier aimerait mieux être indemnisé pour la perte de son emploi que d’être réintégré. Un certain nombre de décisions arbitrales rendues par la Commission (supra) ainsi que dans le secteur privé reconnaissent qu’une indemnisation est parfois plus appropriée que la réintégration dans certaines circonstances, une fois qu’il a été déterminé que le congédiement était une peine trop sévère. Je crois que c'est le cas en l'espèce. Par conséquent, je suis prêt à accorder des dommages-intérêts au fonctionnaire au lieu d'ordonner sa réintégration. Pour déterminer le montant approprié de l'indemnisation, j'ai tenu compte des facteurs suivants :

1. les treize années de service du fonctionnaire; 2. sa relative jeunesse (37 ans); 3. sa situation professionnelle et ses compétences à titre de comptable général agréé; 4. sa faute de conduite et la suspension qui aurait lui être imposée. Compte tenu de ces facteurs, j'ordonne que soit versé au fonctionnaire un montant correspondant à neuf mois de salaire auquel on ajoutera la valeur pécuniaire de ses autres avantages sociaux. Je demeure saisi de l'affaire pendant une période de

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Décision Page 24 six semaines à compter de la date de la présente décision, au cas les parties auraient de la difficulté à la mettre en œuvre.

P. Chodos, vice-président

OTTAWA, le 23 novembre 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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