Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Discipline - Suspension de 10 jours - Conseiller ou susciter la participation à une grève illégale - Articles 102 et 103 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Immunité d'un représentant syndical - Caractère approprié de la sanction - Agent des douanes - le fonctionnaire s'estimant lésé était le président du Customs Excise Union Douanes Accise, succursale du district de Toronto (CEUDA), une composante de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, et travaillait comme agent des douanes à l'Aéroport international Pearson (AIP) - en avril 1997, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait parvenir au premier ministre et à deux députés une lettre dans laquelle il formulait un certain nombre d'observations, d'irritants et de plaintes relativement à un certain nombre de questions intéressant les inspecteurs des douanes, et dans laquelle il indiquait, au dernier paragraphe : " compte tenu de la question d'ouverture, je recommanderais aux inspecteurs des douanes de n'effectuer aucune autre inspection, à moins qu'un collègue soit présent et puisse être témoin " - la direction s'est beaucoup inquiétée du contenu de cette lettre, estimant que, si les inspecteurs des douanes décidaient d'effectuer toutes les inspections par équipes de deux, il en résulterait des retards - le directeur de district des opérations passagers à l'Aéroport international Pearson a appelé le fonctionnaire s'estimant lésé pour lui parler de la lettre et le mettre au courant du point de vue de la direction - la direction a communiqué également avec le bureau national du syndicat, informant le président national du CEUDA que l'Agence avait l'intention de traiter une telle situation, si elle se produisait, comme une grève illégale - en mai 1997, la direction des terminaux 2 et 3 a trouvé des copies d'un avis affiché qui énumérait plusieurs enjeux d'intérêt pour la section locale du syndicat et conseillait aux membres de la section locale de ne pas toucher le contenu des bagages des voyageurs, d'obtenir l'aide de leur surintendant si un passager refusait de coopérer et si, en raison d'un personnel insuffisant, ils ne pouvaient obtenir de l'aide, d'utiliser leur discrétion pour décider s'ils devaient laisser partir le passager sans effectuer d'inspection - les avis ont été retirés rapidement et l'employeur a reconnu qu'aucun moyen de pression n'avait été entrepris - le fonctionnaire s'estimant lésé a écopé d'une suspension de dix jours puisque la direction considérait que, par cet avis, il avait conseillé à ses membres de participer à une grève illégale (ralentissement de travail), contrairement aux articles 102 et 103 de la LRTFP, de contrevenir à la politique de la direction suivant laquelle les inspecteurs des douanes doivent manipuler les marchandises qui se trouvent dans les valises des voyageurs en vue d'y découvrir des objets interdits, et qu'il leur avait conseillé également de laisser partir des passagers sans avoir effectué d'inspection, ce qu'ils n'avaient pas le pouvoir de faire - en imposant la suspension, la direction a pris en considération le poste qu'occupait le fonctionnaire s'estimant lésé (président d'une succursale du syndicat), la jurisprudence pertinente, le dossier disciplinaire du fonctionnaire s'estimant lésé et le fait qu'il avait été averti à deux reprises que ses conseils risquaient d'entraîner des mesures disciplinaires pour ses membres - le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir qu'il n'y avait eu aucune inconduite et qu'il n'y avait aucune preuve qu'il y avait eu activité concertée destinée à limiter ou à restreindre le rendement, soulignant qu'aucun moyen de pression n'avait été entrepris - l'arbitre a conclu qu'en affichant l'avis, le fonctionnaire s'estimant lésé avait tenté de susciter une activité concertée par les membres dans le seul but de ralentir le travail ou le rendement à l'AIP - l'arbitre a conclu que l'employeur avait pris tous les facteurs pertinents en considération pour imposer la mesure disciplinaire et que la sanction était tout à fait acceptable compte tenu du comportement en cause. Grief rejeté. Décisions citées : King c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 1929, 2001 FCT 1407; Tipple c. Canada (Conseil du Trésor) (1985), A.C.F. no 818 (C.A.); Re Bell Canada and C.E.P. (Hofstede) (1996), 57 L.A.C. 289.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-06-20
  • Dossier:  166-2-28310
  • Référence:  2003 CRTFP 48

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JOHN KING
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

employeur

Devant :  D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Debra Prupas, avocate, et Joseph Cheng, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 20 au 22 janvier 2003
(observations écrites déposées le 25 février ainsi que les 2 et 16 avril 2003).


[1]   Le 7 juillet 1997, John King a présenté un grief pour contester une suspension de 10 jours en alléguant que ses droits avaient été enfreints en dépit de l'article M-15 de la convention cadre conclue entre l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le Conseil du Trésor, parce qu'il aurait [traduction] « participé à une grève illégale qui n'a pas eu lieu, d'après la direction. »

[2]   Le grief de M. King a été porté à l'arbitrage le 1er décembre 1997. Il a été entendu à Toronto par l'ancienne commissaire Rosemary Vondette Simpson, du 26 au 29 octobre 1998 ainsi que du 13 au 16 avril et du 23 au 26 novembre 1999. Mme Simpson a rendu sa décision le 11 mai 2000, accueillant en partie le grief de M. King et substituant à la suspension de dix jours une suspension de cinq jours.

[3]   M. King a interjeté appel de la décision de Mme Simpson devant la Section de première instance de la Cour fédérale, en réclamant un contrôle judiciaire. Le 20 décembre 2001, la juge Simpson a rendu un jugement (King c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n Mo 1929, 2001 CFTI 1407) en concluant : « La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et une ordonnance envoyant le grief à un autre arbitre de grief pour un nouvel examen sera prononcée. »

[4]   Par suite de ce jugement de la Cour, de nouvelles dates d'audience ont été fixées, du 13 au 16 mai 2002, mais l'audience a été reportée à plusieurs reprises, à la demande des deux parties, qui ont tenté de résoudre le différend grâce aux services de médiation de la Commission, mais sans succès. De nouvelles dates d'audience ont alors été fixées, du 20 au 22 janvier 2003.

[5]   L'avocate de l'employeur a déposé dix pièces et fait comparaître six témoins. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déposé deux pièces et fait comparaître deux témoins, dont le fonctionnaire s'estimant lésé lui-même.

[6]   L'avocate de l'employeur et le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé ont convenu que l'article M-15 de la convention cadre et l'article 102 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) n'étaient pas contestés. Ils reconnaissent aussi qu'aucun moyen de pression n'a été pris par suite de l'avis que M. King avait fait afficher le 28 mai 1997 à l'intention de ses membres (observations écrites déposées le 25 février ainsi que les 2 et 16 avril 2003).

[7]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soulevé plusieurs objections au cours de l'audience. J'y ai répondu à la satisfaction des deux parties; en fait, il ne s'agissait que de demandes d'éclaircissements qui n'ont pas influé sur mes motifs de décision.

[8]   Norm Sheridan est au service de ce qui était alors le Ministère depuis 1979. Il est actuellement directeur de district des Opérations passagers à l'Aéroport international Pearson (AIP). Auparavant, il a été inspecteur des douanes pendant quatre ans et surintendant des douanes également pendant quatre ans.

[9]   M. Sheridan a témoigné que, du 14 avril au 2 mai 1997, il remplaçait Barbara Hébert, directrice régionale des Douanes de la Région du Grand Toronto. à ce titre, il était responsable du traitement des passagers et des activités relatives à la prestation des services du programme.

[10]   Il a témoigné que, le 25 avril 1997, il avait découvert dans le panier d'arrivée de Mme Hébert une copie d'une lettre datée du 3 avril 1997 (pièce E-1; onglet 11 – « la lettre »), signée par John King, président de la Succursale du district de Toronto de la Customs Excise Union Douanes Accise (CEUDA) adressée à l'honorable Jean Chrétien, l'honorable Jane Stewart, l'honorable Allan Rock et l'honorable David Anderson. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

En tant que Canadiens, nous sommes fiers de vivre dans le meilleure pays du monde. Ce qui fait la grandeur du Canada, c'est que sa société est fondée sur des principes reconnaissant la suprématie de Dieu et la règle du droit. Ces principes d'équité et d'égalité sont enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés. à quel point la Constitution est-elle importante pour nous, et jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour la protéger?

Depuis que j'ai commencé à travailler, il y a huit ans, j'ai été témoin de bien des choses dans le fonctionnement interne du gouvernement canadien. Dire que la vie n'est pas juste est un euphémisme, quand on compare les normes et conditions d'emploi légiférées pour protéger les employés du secteur privé à celles qui s'appliquent aux fonctionnaires de l'État. La question que j'ai posée en 1995 à l'ancien ministre du

Revenu, au ministre de la Justice et au premier ministre du Canada consistait à savoir si la Charte canadienne des droits et libertés protège en principe les fonctionnaires ou non. Ils ne m'ont jamais répondu.

Si nous sommes tenus de collaborer avec les Affaires internes dans la mesure où nous devons nous aligner pour qu'un avocat et un client puissent nous identifier, n'avons-nous pas des droits égaux de représentation par un avocat si nous le demandons, que nous soyons officiellement détenus ou pas?

Je vous écris aujourd'hui au nom de tous les fonctionnaires, et plus particulièrement au nom de l'un d'eux qui a récemment été mis en accusation, puis congédié sans qu'on lui donne la possibilité de se défendre contre les allégations qui pesaient contre lui. On ne l'a pas informé de toutes les accusions dont on le soupçonnait et il n'a pas eu droit non plus à l'avertissement légal, pas plus qu'il ne s'est fait rappeler qu'il avait le droit de consulter un avocat avant d'être interrogé. Il n'a jamais été accusé d'un crime et n'a jamais été prouvé coupable d'en avoir commis un non plus. Il n'y a jamais eu d'audience où il aurait pu se faire entendre pour contester le rapport de l'enquêteur qui a mené à son congédiement. Malgré les divergences et les contradictions que ce rapport contenait, le directeur des Services frontaliers des douanes – intérieurs de la Région du sud de l'Ontario l'a congédié, en dépit de notre demande de différer sa décision.

Il est important de souligner que ce fonctionnaire s'était acquitté de ses fonctions de façon entièrement satisfaisante pendant plus de 25 ans, qu'il n'avait jamais été réprimandé et qu'il n'avait jamais fait l'objet de mesures disciplinaires. Il est clair aussi qu'il n'a pas bénéficié de l'équité nécessaire dans le processus qui a mené à son congédiement; c'est à cause de cela qu'on l'a privé de son gagne-pain. Qu'est-il advenu du principe qu'on est présumé innocent jusqu'à ce qu'on soit prouvé coupable? Au cas où vous vous demanderiez quelle était la nature de son crime, c'était la présentation d'une demande erronée de frais de voyage (qui n'ont jamais été payés).

Ce qui précède me force à contester ce qui semble être un système de justice à deux niveaux au sein du gouvernement fédéral. Il m'est impossible de ne pas parler de l'absence d'imputabilité, de la duperie et des abus dont j'ai été témoin en travaillant pour Revenu Canada dans la Région du sud de l'Ontario. Les pouvoirs manifestement étendus de la direction ont pour corollaire une responsabilité tout aussi étendue d'administrer les politiques et la loi de façon uniforme et équitable, ce qui n'est pas une pratique courante dans cette région.

Veuillez m'expliquer pourquoi le fonctionnaire susmentionné s'est immédiatement fait interdire l'accès à son lieu de travail habituel et a été congédié de cette façon, pendant qu'au même lieu de travail une arme prohibée saisie (AK-47) a été sortie de l'entrepôt de Sa Majesté, transportée ailleurs sans les permis de port ou de transport d'arme requis, et que le gestionnaire responsable n'a pas écopé de mesures disciplinaires? Où est l'équité? Où est l'imputabilité vis-à-vis du public canadien?

Autres questions inquiétantes :

Il faut qu'un effectif minimum d'agents soient en service pour assurer une protection suffisante à la frontière et pour éviter d'incommoder les voyageurs et les importateurs, ou de retarder le transport des passagers et des marchandises. En dépit d'une augmentation du volume de trafic et de l'inobservation, les mesures prises en vue de la faire respecter ont diminué dans la région de Toronto. Des livraisons à risque élevé qui avaient été ciblées pour être inspectées ne l'ont pas été parce qu'on a donné l'ordre aux inspecteurs de les dédouaner avant de saisir les données pertinentes à l'ordinateur. Ce processus dit de récupération est attribuable au gros volume d'entrées générées, comparativement au petit nombre de fonctionnaires en service. à l'occasion, les opérations passagers ont si peu de personnel que nous n'avons pas assez d'agents en service pour des examens personnels. Nous avons demandé à plusieurs reprises qu'on nous explique quels sont les besoins minimums en personnel, mais la direction ne veut pas nous donner cette information. La priorité semble aller au budget plutôt qu'à la prestation du service. C'est peut-être directement lié aux bonis ou encore à la rémunération au rendement de la haute direction.

Les lignes directrices sur les conflits d'intérêts ne sont pas non plus administrées de façon équitable et uniforme.

« Il est interdit aux anciens fonctionnaires d'agir pour le compte d'une personne, d'une entité commerciale, d'une association ou d'un syndicat relativement à toute procédure, opération, négociation ou affaire précise à laquelle le gouvernement est une partie. »

Un certain nombre de gestionnaires qui restent au service de Douanes Canada ont obtenu des congés afin de pouvoir travailler pour une entreprise d'importation ou de courtage, ce qui constitue à notre avis une violation de nos lignes directrices sur les conflits d'intérêts. Nous avons reçu des plaintes d'entreprises rivales dénonçant des différences du délai moyen de dédouanage de leurs livraisons. Nous n'avons pas encore déterminé s'il y a une relation de cause à effet dans ce contexte.

Au nom de ceux qui continuent à assurer fièrement un service professionnel, nous tenons à dire que nous nous inquiétons nous aussi de la conduite de certains de nos supérieurs qui sapent continuellement nos relations avec d'autres organismes et sapent aussi le moral des fonctionnaires. J'espère que vous trouverez ces questions dignes de votre attention immédiate.

En ce qui concerne la première question que j'ai mentionnée, je vais conseiller à tous les inspecteurs des douanes de ne plus faire d'inspection poussée sans avoir un collègue présent comme témoin. Cette pratique sera maintenue jusqu'à ce que nos droits et nos obligations juridiques soient clairement exprimés. La seule raison d'être de ces instructions est d'assurer le bien-être des fonctionnaires.

(C'est nous qui soulignons.)

[11]   M. Sheridan a déclaré être d'avis que le dernier paragraphe de cette lettre était absolument inapproprié. Il a décrit les répercussions à l'AIP si les inspecteurs des douanes décidaient de travailler deux par deux. D'abord et avant tout, quelque 8,2 millions de voyageurs par année passent par là. M. Sheridan a déclaré : [traduction] « Nous avons toujours eu besoin de plus d'inspecteurs des douanes, parce que nous n'avons jamais eu tout l'effectif nécessaire ».

[12]   Le témoignage de M. Sheridan concernant la procédure de traitement des passagers débarquant des avions à l'AIP et entrant aux douanes peut être résumé de la façon suivante. Le personnel des compagnies aériennes dirige les passagers vers une grande salle (pour l'inspection primaire) où ils font la queue. Quand un inspecteur des douanes appelle un passager, celui-ci présente sa carte de déclaration (connue aussi sous le nom de « E311 »). (On peut aussi lui demander une pièce d'identité, comme un permis de conduire, un certificat de naissance, un passeport ou un billet d'avion.) Les inspecteurs des douanes ont accès à des bases de données comme celle du Système intégré de gestion de la ligne d'inspection primaire (SIGLIP) dans laquelle les renseignements concernant les passagers sont couplés avec ceux de la base de données de l'Immigration, ainsi que le Système automatisé de surveillance à la ligne d'inspection primaire (SASLIP). C'est à partir des renseignements et des documents produits par les voyageurs et de l'information tirée des bases de données qu'ils peuvent envoyer les passagers soit à l'Immigration, soit à l'inspection secondaire.

[13]   Si l'inspecteur des douanes soupçonne un passager de cacher de la contrebande ou pense que des droits et des taxes sont exigibles, il le précise sur la E311, avec une série de codes numériques et alphabétiques.

[14]   Une fois que le passager récupère ses bagages, il passe à la « pointe » où un inspecteur des douanes prend connaissance des codes inscrits sur la E311 à l'inspection primaire. C'est cet inspecteur qui ouvre les bagages pour vérifier si leur contenu est bien conforme à la E311 et décide d'envoyer le passager à l'inspection secondaire ou de le laisser partir. Le passager peut être envoyé à l'inspection secondaire si l'inspecteur des douanes a des soupçons ou si une source de renseignements le lui dicte. Les critères des inspecteurs de douanes pour arriver au « point de finalité » où ils décident de laisser un passager partir sans passer par l'inspection secondaire sont basés sur leur décision qu'ils n'ont pas de marchandises à déclarer, que la formule de déclaration a été remplie correctement ou que, s'il y avait une difficulté, c'était peut-être simplement un problème de communication résolu depuis.

[15]   L'inspection secondaire est effectuée par un inspecteur des douanes, qui demande au passager sa E311 ainsi qu'une pièce d'identité pour confirmer que c'est bien lui qui détient cette E311. (On le fait parce que, dans le passé, il est arrivé que des passagers aient échangé leurs bagages en faisant la queue.) L'inspecteur des douanes chargé de l'inspection secondaire prend connaissance du code inscrit par celui de l'inspection primaire, afin de savoir pour quelle raison le passager a été envoyé à l'inspection secondaire. Il demande à l'intéressé de placer ses bagages sur le comptoir; la plupart du temps, ce sont les passagers eux-mêmes qui ouvrent leurs bagages. Habituellement, l'inspecteur des douanes tient à voir les produits déclarés et fait une inspection complète ou sommaire des bagages.

[16]   Une inspection complète ou détaillée exige qu'on retire le contenu des bagages pour tenter de détecter ce que les passagers auraient pu tenter de cacher. Les inspecteurs des douanes doivent toucher ce contenu étant donné qu'il est arrivé que des passagers aient cousu des bijoux dans des coutures de vêtements ou caché des stupéfiants dans des semelles de chaussures; les valises ou les sacs eux-mêmes peuvent avoir un double fond, on peut avoir caché de la drogue dans les poignées tubulaires d'une valise ou encore dilué de l'héroïne et de la cocaïne dans de l'eau qu'on pulvérise ensuite sur des vêtements, etc. On cache parfois de la contrebande dans des boîtes de nourriture et du haschich ainsi que de la cocaïne dans des bouteilles d'alcool. Bref, il faut que les inspecteurs des douanes puissent toucher ce que les bagages des passagers contiennent pour en faire une inspection approfondie. Si l'on a pulvérisé une solution d'héroïne ou de cocaïne sur des vêtements, ces derniers sont cireux ou gluants; les chaussures sont plus lourdes que la normale si leurs semelles recèlent de la drogue, et les boîtes de nourriture contenant des ampoules de drogue tintent quand on les agite. Cela revient à dire qu'une inspection visuelle ne permettrait pas aux inspecteurs des douanes de s'acquitter efficacement de leurs fonctions. Or, l'une des principales responsabilités du ministère consiste à empêcher l'entrée au pays de substances ou de marchandises telles que les stupéfiants, les armes à feu illégales, la pornographie infantile, les bijoux et les produits agricoles de contrebande.

[17]   Une fois l'inspection des bagages terminée, si l'inspecteur des douanes est convaincu que la Loi sur les douanes et les autres lois applicables ont été respectées, le passager peut refaire ses bagages et s'en aller.

[18]   M. Sheridan a déclaré que, sauf dans certaines circonstances, les inspecteurs des douanes n'ont pas l'habitude de travailler deux par deux. La pièce E-I, onglet 2, est le Chapitre I, Partie 4, de la partie [traduction] « Examen et fouille » du Manuel de l'exécution des Douanes.

[19]   M. Sheridan s'est basé sur ce Manuel pour préciser dans quelles circonstances les inspecteurs des douanes pourraient travailler en duo, par exemple lorsqu'ils inspectent les portefeuilles, les sacs à main ou les poches des passagers, lorsqu'ils font des fouilles des personnes ou lorsqu'un passager est connu pour des antécédents de violence. Le témoin a aussi identifié la pièce E-1, onglet 4, Bulletin d'exécution, qui décrit de façon plus succincte que le Manuel la procédure et les méthodes à employer. M. Sheridan a déclaré que l' « avis » de M. King demandant aux inspecteurs de douanes de ne pas faire d'inspections poussées sans avoir un collègue comme témoin aurait eu d'énormes répercussions sur les opérations si les intéressés s'y étaient conformés. L'AIP n'a pas suffisamment d'inspecteurs des douanes en fonction pour qu'ils puissent faire chaque inspection deux par deux. Si les collègues de M. King avaient obtempéré à son avis, les files d'attente se seraient considérablement allongées et les répercussions se seraient faites sentir sur l'ensemble des activités douanières.

[20]   Après avoir lu la lettre de M. King datée du 3 avril 1997 (pièce 1, onglet 11) informant divers ministres ainsi que le premier ministre que le président de la section locale du syndicat des inspecteurs des douanes leur conseillerait de travailler deux par deux, M. Sheridan a envoyé un courriel à Ruby Howard, commissaire régionale adjointe, à Barbara Cattelan, coordonnatrice principale des Ressources humaines ainsi qu'à Barbara Hébert, directrice régionale, pour les en informer. Il a aussi envoyé des courriels aux gestionnaires des trois aérogares (John Szenczyk, Bonnie Lou Glancy et Terry Hale) pour les prévenir de la possibilité que les agents des douanes travaillent deux par deux et pour leur demander de signaler immédiatement tout incident éventuel.

[21]   M. Sheridan a déclaré avoir pris la décision de parler avec M. King le 2 mai 1997. Dans une conversation téléphonique qui a duré 40 minutes, il a expliqué au fonctionnaire s'estimant lésé que, selon le dernier paragraphe de sa lettre, la mesure que M. King proposait de recommander aux inspecteurs des douanes (travailler deux par deux) pourrait être considérée comme une grève illégale et, partant, qu'ils seraient passibles de sanctions disciplinaires. Comme il n'était pas le décideur ultime, M. Sheridan pouvait seulement avertir M. King et la CEUDA. Il estimait que c'était à lui qu'il incombait d'avertir M. King parce que, d'après lui, les employés syndiqués que sont les inspecteurs des douanes allaient se conformer à ce que M. King leur enjoignait. En sa qualité de président de la section locale de la CEUDA, M. King a beaucoup d'influence sur ses membres.

[22]   M. Sheridan a résumé la conversation téléphonique comme il suit : [traduction] « M. King et moi avons eu une conversation passablement franche. Il a confirmé l'intention de sa lettre en disant [traduction] "Je n'ai rien à craindre. Je ne leur donne pas un ordre, mais un conseil." Il était calme pendant notre conversation. » M. Sheridan a ensuite envoyé un courriel (pièce E-1, onglet 12) à la haute direction relatant de son mieux la discussion qu'il avait eue avec M. King. Il ne s'est plus occupé de ce dossier par la suite.

[23]   En contre-interrogatoire, M. Sheridan a reconnu qu'il n'était au courant d'aucune plainte de passagers déplorant des retards et qu'il ne se rappelait pas que les gestionnaires des aérogares en aient signalé. Il reconnaît aussi que M. King prenait ses responsabilités de président d'une section locale du syndicat au sérieux, mais il est d'avis que certaines des questions et des préoccupations soulevées dans sa lettre étaient dans son intérêt plutôt que dans celui de ses membres. Selon lui, en sa qualité de président de la section locale du syndicat, M. King a de l'influence et, même s'il n'y a pas eu de grève, l'intéressé avait clairement l'intention de nuire aux opérations à l'AIP, d'après sa conversation avec lui.

[24]   Terry Hale, gestionnaire de l'aérogare 3, a témoigné que, le 28 mai 1997, sa secrétaire, Judy Ramanrace, avait vu M. King afficher un avis (pièce E-1, onglet 17 – « l'avis ») sur un tableau d'affichage à l'intérieur de la zone protégée de la Section d'administration. Cet « avis » se lit comme suit :

[Traduction]

PRIÈRE D'AFFICHER

Destinataires :Tous les membres
Succursale de district de Toronto

Le présent avis, destiné à tous les fonctionnaires, concerne l'application de la Charte canadienne des droits et des libertés et se veut un rappel du droit à l'équité de la procédure durant une enquête interne.

Revenu Canada est un exemple de ministère qui continue de démontrer qu'il n'est pas disposé à respecter les droits des employés lorsqu'une enquête concernant des allégations liées au travail est menée. Il semble que nous, qui sommes chargés d'administrer et d'appliquer la loi au pays, ne jouissions pas des mêmes droits que les autres Canadiens, les visiteurs ou les détenteurs de casier judiciaire.

J'ai demandé à de nombreuses reprises que soit clarifiée la question de nos droits et de nos obligations légales. Cette question est tout à fait légitime. Pourtant, les dirigeants de Revenu Canada ne sont toujours pas disposés à y répondre ou en sont incapables. La situation est d'autant plus préoccupante que le ministre du Revenu, le ministre de la Justice et le Cabinet du premier ministre

[sic] ne veulent ou ne peuvent pas non plus répondre à cette question fondamentale. Pourquoi?

Les exemples décrits ci-dessous illustrent notre point de vue et aideront, comme nous l'espérons, à vous sensibiliser davantage aux risques potentiels que vous encourez dans votre travail pour le gouvernement.

  1. Douanes Canada demande l'inspection d'un passager. Trois jours après son retour à la maison, le passager s'aperçoit qu'il lui manque plus de cinq mille dollars dans ses bagages. Son avocat envoie une lettre au ministère dans laquelle un inspecteur est accusé de vol, infraction susceptible d'entraîner des accusations au criminel. Durant l'enquête, les demandes des agents pour obtenir une assistance juridique ne sont pas considérées. Les employés paradent devant le passager et son avocat pour l'identification. Croyant à une violation des droits de la personne, nous avons demandé des explications sans jamais obtenir de réponse. Il importe de souligner qu'aucun agent n'a été déclaré coupable de quelque infraction que ce soit.

  2. Un agent de perception utilise le système informatique pour l'exécution de ses tâches normales de travail. Le directeur note un comportement à son avis suspect. L'employé est suspendu sans traitement jusqu'à la fin de l'enquête effectuée par la Division des affaires internes. Une fois encore, aucun acte répréhensible n'a été démontré. L'employé dont le rendement était supérieur à la moyenne ne faisait que son travail. Cette situation était-elle juste?

Compte tenu de ces exemples ainsi que d'autres incidents, il incombe à tous les employés de se protéger eux-mêmes dans l'exécution de leur travail. N'oubliez pas que l'un de nos collègues à récemment été déclaré coupable d'une infraction et congédié sans même avoir été entendu. En suivant les recommandations ci-dessous, vous réduirez au minimum les risques dans l'exécution de votre travail.

  1. Ne touchez pas au contenu des bagages des passagers. Demandez à ces derniers de retirer eux-mêmes le contenu de leurs bagages. Une fois l'inspection terminée, demandez-leur de refaire leur bagages.

  2. Si le passager refuse de collaborer, demandez l'assistance du surintendant. Ce témoin constituera votre protection en cas de fausses accusations. Votre environnement de travail sera ainsi plus sécuritaire. Vous pouvez même faire patienter le passager jusqu'à ce que l'assistance nécessaire soit disponible. Procédez à l'inspection seulement lorsque vous êtes certain que vous ne risquez rien. Si le personnel approprié n'est pas disponible pour vous aider, vous pouvez, à votre discrétion, laisser partir le passager sans procéder à l'inspection.

Nous avons épuisé tous les moyens internes possibles au cours des deux dernières années et nous n'avons plus guère le choix que d'exercer notre dernière option. Il faut bien comprendre que ces recommandations ont pour seul but de protéger le bien-être des employés qui ont pour mission de protéger notre pays.

[25]   M. Hale a témoigné qu'il a retiré l'avis du babillard, mais qu'il en a trouvé un autre sur celui de la salle de lecture adjacente à la salle à manger où les fonctionnaires vérifient leurs horaires de quarts. Sur les conseils de Mme Hébert, il a communiqué avec les gestionnaires des aérogares 1 et 2 pour les informer de l'avis et leur dire de retirer tous les exemplaires des tableaux d'affichage. Le lendemain, il a faxé une copie de l'avis à Mme Hébert. M. Hale a déclaré qu'il lui a suffi de lire l'avis pour être convaincu qu'il était inacceptable et qu'il envoyait aux inspecteurs des douanes le message de ne pas s'acquitter de leurs fonctions.

[26]   En contre-interrogatoire, M. Hale a conclu que l'avis avait été affiché peut-être quatre ou cinq minutes seulement avant qu'il ne l'enlève des babillards. Il a aussi déclaré qu'il ne se rappelait pas que le personnel ait usé de moyens de pression, ni qu'un inspecteur des douanes lui ait parlé de l'avis. à sa connaissance, l'avis n'a pas été réaffiché.

[27]   Bonnie Lou Glancy, qui est au service du ministère depuis 22 ans et qui est maintenant la gestionnaire de l'aérogare 2, a témoigné que, après que M. Hale eut communiqué avec elle dans l'après-midi du 28 mai 1997, elle a trouvé l'avis affiché dans la salle à manger.

[28]   Elle a déclaré qu'environ 125 fonctionnaires répartis en sept quarts auraient pu voir l'avis. Elle l'a retiré du babillard du syndicat et elle a confirmé que les fonctionnaires affectés à l'aérogare 2 n'avaient pas usé de moyens de pression contre l'employeur ce jour-là.

[29]   En contre-interrogatoire, Mme Glancy a déclaré que l'avis était particulièrement inquiétant pour elle puisque l'aérogare 2 est la plus achalandée des trois. Son travail consiste à s'assurer que le traitement des passagers aux Douanes est aussi rapide et professionnel que possible, conformément aux lois sur les douanes et sur l'accise. Même si son personnel ne s'y est pas conformé, l'avis aurait pu causer des problèmes de moral ainsi qu'un ralentissement du traitement des passagers à l'AIP.

[30]   Jean Laronde, directrice des Relations de travail, a identifié la pièce E-1, onglet 3, [traduction] « Politique et procédures pour les relations syndicales-patronales entre Revenu Canada et la CEUDA ». Pierre Gravelle, sous-ministre de Revenu Canada, et Mansel Legacy, qui était alors président national de la CEUDA, avaient signé ce document le 18 octobre 1994; il est resté en vigueur jusqu'en 1998. C'était une politique élaborée conjointement par le syndicat et par la direction. Le témoignage de Mme Laronde se résume comme suit.

[31]   La politique a établi un mécanisme de consultations nationales, bien que des réunions entre le syndicat et la direction aux paliers local et régional aient été organisées régulièrement. Une formule de renvoi syndicale-patronale faisait partie intégrante de la politique et permettait aux parties de renvoyer au palier national tous les différends qu'elles n'avaient pas réglés aux paliers local ou régional. L'objectif consistait à les faire régler au plus bas palier possible par les intéressés. M. King participait aux réunions au palier local et recevait copie des procès-verbaux.

[32]   Mme Laronde a témoigné qu'elle a reçu le 4 ou 5 mai 1997 un courriel concernant la lettre du 3 avril 1997 de M. King. Elle a réagi en écrivant à Ronny Moran, président national de la CEUDA (pièce E-1, onglet 13), pour lui déclarer que le ministère entendait traiter cette situation, si elle se concrétisait, comme une grève illégale. Elle écrivait aussi à M. Moran que M. King avait fait parvenir une copie de sa lettre à tous les présidents de succursale de la CEUDA, en leur demandant d'attendre d'autres instructions de lui avant de passer à la prochaine étape. Elle terminait sa lettre en demandant au destinataire de [traduction] « prendre les mesures appropriées pour faire cesser cette activité de grève illégale et sensibiliser les dirigeants syndicaux responsables aux problèmes, en conséquence ». Elle n'a pas envoyé une copie de sa lettre au fonctionnaire s'estimant lésé, étant donné qu'elle était convaincue que la situation risquait d'escalader dans tout le pays et qu'elle s'attendait à ce que M. Moran informe tous les présidents des sections locales du syndicat.

[33]   Mme Laronde a déclaré que les questions soulevées par M. King dans sa lettre du 3 avril 1997 auraient dû l'être au palier local et que, si elles n'avaient pas été réglées à sa satisfaction à ce palier-là, elles auraient pu passer au palier régional ou national. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle n'était au courant d'aucun moyen de pression pris par le personnel à l'AIP (ou ailleurs au Canada) dans ce contexte. Elle a déclaré aussi avoir vu l'avis du 28 mai 1997 pour la première fois à la première audience d'arbitrage, en précisant qu'elle ne savait pas que M. King avait écopé d'une suspension de dix jours.

[34]   L'employeur a ensuite fait témoigner Me Michel D'Aoust. Celui-ci, qui est devenu membre du barreau du Québec en 1981, était au moment où le grief a été déposé un agent technique (de griefs) à la CEUDA. Ses responsabilités consistaient à aider les membres de la direction locale du syndicat à interpréter la convention collective ou les questions relatives aux politiques du ministère.

[35]   Me D'Aoust a témoigné que M. King aurait pu lui téléphoner n'importe quand pour avoir ses conseils, se faire recommander des mesures à prendre ou discuter des problèmes constatés dans le milieu de travail. Il a déclaré que s'il avait lui-même besoin de conseils, il pouvait communiquer avec J.C. Plamondon, qui était responsable des Services juridiques de l'AFPC à Ottawa, ou que M. King pouvait lui aussi communiquer directement avec M. Plamondon. M. King pouvait aussi se fonder sur le document « Politique et procédures applicables aux relations syndicales-patronales », supra, pour faire renvoyer les questions qui n'avaient pas été réglées à sa satisfaction à d'autres paliers afin qu'elles y soient tranchées.

[36]   Le témoin a dit avoir vu pour la première fois la lettre du 3 avril 1997 de M. King lors d'une réunion du conseil d'administration du syndicat à laquelle M. King était présent. Cette lettre, dans laquelle M. King déclarait qu'il allait conseiller aux inspecteurs des douanes de ne plus faire d'inspections poussées sans avoir un témoin, l'a grandement inquiété. Il craignait que le personnel ne soit pas suffisamment nombreux pour pouvoir inspecter les bagages des passagers seulement en présence d'un collègue comme témoin. Il a déclaré que M. King avait parlé du nombre d'inspecteurs des douanes affectés à l'AIP à cette réunion du conseil d'administration.

[37]   Me D'Aoust a témoigné avoir vu la lettre (pièce E-1, onglet 13) de Mme Laronde à M. Moran datée du 8 mai 1997. Il a dit avoir communiqué avec M. Plamondon, qui lui a répondu dans une lettre datée du 22 mai 1997 (pièce E-1, onglet 15), au sujet de ses préoccupations quant à la lettre de M. King. Le témoin a déclaré : [traduction] « Je n'ai pas eu de surprises dans la lettre de M. Plamondon, puisque nous étions du même avis. Nous craignions qu'il n'y ait pas suffisamment de personnel, qu'on puisse considérer l'application de cette politique comme une grève illégale et qu'elle soit incompatible avec la politique de dotation minimum à l'AIP. » M. Plamondon a envoyé une copie de sa lettre à Daryl Bean, président de l'AFPC, ainsi qu'à Evelyne Henry, chef de la Section des griefs et de l'arbitrage.

[38]   Me D'Aoust a identifié la pièce E-1, onglet 17 (l'avis), en déclarant que c'était une mise en garde à l'intention des membres du syndicat, en raison du manque d'équité procédurale de la direction. Il n'y voyait rien de mal puisque M. King ne faisait que donner un conseil à ses membres. Quand il s'est fait demander, en contre-interrogatoire, si le syndicat avait fait une enquête interne au sujet de l'allégation de M. King que les droits et libertés que la Charte garantit aux syndiqués avaient été violés, le témoin a répondu que non. Quand on lui a demandé à quelles autres mesures M. King aurait pu avoir recours plutôt que d'afficher cet avis, il a répliqué que l'intéressé aurait pu demander conseil au syndicat, qui pouvait compter sur des avocats d'expérience; il aurait aussi pu s'adresser au Comité ministériel des relations syndicales-patronales ou réclamer une enquête ministérielle interne. Me D'Aoust a aussi dit que M. King aurait pu encourager les inspecteurs des douanes à présenter des griefs s'ils estimaient que l'employeur ne respectait pas leurs droits, en déclarant : [traduction] « Les membres du syndicat devraient obéir d'abord et présenter un grief ensuite pour éviter d'être accusés d'insubordination et de s'exposer à des mesures disciplinaires. »

[39]   Il a poursuivi en disant que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu aussi faire porter un grief à l'arbitrage en vertu de l'article 91 de la LRTFP, afin que la Commission rende une décision, ou encore porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP).

[40]   Me D'Aoust a conclu en déclarant que, en sa qualité de président de la section locale du syndicat, le fonctionnaire s'estimant lésé avait pour tâche de soulever des questions et de faire connaître les préoccupations de ses membres ainsi que de les protéger, mais pas de compromettre leur emploi. à titre de président d'une succursale de district du syndicat, il a le droit d'assurer une représentation énergique, mais ses droits de représentation ne lui donnent pas carte blanche.

[41]   Barbara Hébert travaille pour Revenu Canada depuis septembre 1983; elle a occupé de nombreux postes. Elle est actuellement la directrice régionale responsable de la prestation des services du prograMme dans la Région du Grand Toronto. Elle a témoigné que le document intitulé « Politique et procédures applicables aux relations syndicales-patronales » (pièce E-1, onglet 3), en vigueur en 1997, avait été conçu pour que les problèmes reliés au milieu de travail soient réglés aux quatre paliers suivants : (1) sur les lieux de travail; (2) au niveau de la division (à son niveau); (3) au palier régional; et (4) au palier national. Les problèmes qu'elle n'arrivait pas à résoudre étaient renvoyés à sa supérieure, Ruby Howard, commissaire régionale adjointe responsable de la Région du sud de l'Ontario.

[42]   Mme Hébert a expliqué que l'ordre du jour des réunions à ces quatre paliers était fixé avec la contribution des deux parties, la syndicale et la patronale, et elle a décrit un certain nombre d'événements mentionnés par M. King dans sa lettre et dans son avis qui étaient des irritants pour le syndicat. (N.B. : Pour les fins de cette décision, je n'inclus pas de liste de ces événements, puisque ce sont des incidents que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a décrits au paragraphe 6 de la page 2 de ses observations comme une tentative de brouiller les cartes. J'y reviendrai toutefois dans mes motifs de décision).

[43]   La témoin a déclaré qu'elle connaît le fonctionnaire s'estimant lésé depuis 1996 et qu'elle est très consciente de son rôle au sein du syndicat.

[44]   Elle a témoigné avoir parlé avec M. Sheridan le 2 mai 1997, quand il l'a informée de la lettre du fonctionnaire s'estimant lésé. Elle lui a demandé alors de parler à M. King, pour discuter avec lui des répercussions éventuelles de sa lettre sur les opérations à l'AIP. Elle a déclaré qu'il aurait été inacceptable que les inspecteurs des douanes travaillent deux par deux en raison de ce que cela aurait signifié pour le traitement des passagers, et elle a dit que, à son avis, les conséquences de cet avis du fonctionnaire s'estimant lésé à ses membres pouvaient comprendre des mesures disciplinaires. M. King conseillait à ses membres de ralentir le travail, mais son rôle en tant que président de succursale du syndicat ne consistait pas à leur dire comment faire leur travail. Il leur conseillait de ralentir le travail, et c'était totalement inacceptable. Au moment où il a affiché son avis, le Ministère n'avait pas suffisamment d'inspecteurs des douanes à son service; en fait, il était au beau milieu d'une procédure de dotation.

[45]   Mme Hébert a identifié la pièce E-1, onglet 14, article de journal paru dans The Toronto Sun :

[Traduction]

Menace de grève perlée aux Douanes

Le syndicat canadien des douaniers menace de ralentir le travail à l'aéroport Pearson la semaine prochaine, pour protester contre ce qu'il considère comme un manque de protection légale contre les accusations portées par des passagers.

Le président de la section locale de la région de Toronto de l'Union Douanes Accise a déclaré que les passagers pourraient trouver le temps long.

M. King a maintenu que les agents des douanes n'ont aucun droit quand les pasagers les accusent de vol ou d'autres actes répréhensibles et que certains ont été congédiés sans avoir la possibilité de se défendre.

Le dirigeant syndical a déclaré : « On ne nous donne pas le droit de nous faire entendre en bonne et due forme ».

Il a ajouté que les 185 agents des douanes à l'aéroport Pearson se feront conseiller la semaine prochaine de ne pas inspecter les bagages des passagers ni les envois de marchandises s'ils n'ont pas avec eux un collègue comme témoin.

Dans une lettre au syndicat, la directrice générale par intérim Jean Laronde l'a averti qu'un ralentissement du travail serait considéré comme une « activité de grève illégale ».

Le ministère a déclaré que quiconque participerait à une grève illégale pourrait être congédié.

[46]   Mme Hébert a témoigné que c'est à cause de cet article de journal qu'elle a décidé, le 21 mai 1997, de préparer un plan d'action en cas d'urgence (pièce E-1, onglet 16) dans l'éventualité d'un ralentissement du travail.

[47]   Le 29 mai 1997, Mme Hébert a reçu une copie de l'avis du fonctionnaire s'estimant lésé. Elle a expliqué que ce qu'il écrivait dans les deux derniers paragraphes aurait ralenti le traitement des passagers à l'AIP et que les inspecteurs des douanes n'allaient pas s'acquitter efficacement de leur tâche. Les inspecteurs des douanes n'ont pas le pouvoir discrétionnaire de laisser un passager aller simplement parce qu'ils n'ont personne pour les aider; c'est seulement lorsqu'ils sont convaincus que le passager s'est conformé aux lois applicables qu'ils peuvent l'autoriser à passer.

[48]   On peut lire ce qui suit à la page 2 de la brochure « Je déclare » (pièce E-1, onglet 1), sous la rubrique « Vous et l'agent des douanes » : « Vous êtes responsable d'ouvrir, de déballer et de remballer vos bagages », mais la témoin a déclaré que ce n'est [traduction]   « pas invariablement la procédure normale ».

[49]   Mme Hébert s'est reportée à la pièce E-1, onglet 2, Manuel de l'exécution des Douanes (« Examen et fouille »), dont les paragraphes 23 et 24, à la page 5, sur les examens, se lisent comme suit :

[Traduction]

  1. La Loi [sur les douanes et l'accise] exige que quiconque importe des produits les présente à un agent, en retire ce qui les recouvre, décharge tout véhicule, ouvre ou déballe tout paquet ou contenant et, de façon générale, réponde à toute question posée par l'agent sur ces produits.

  2. Dans la plupart des cas, il suffit que le voyageur présente ses bagages pour l'examen, en enlève les cadenas et les ouvre pour l'inspection. L'agent en retire alors les vêtements ou les produits nécessaires à l'examen. Lorsqu'il a un véhicule, le voyageur devrait ouvrir le coffre ou le compartiment que l'agent souhaite examiner, en retirer la valise, le paquet ou le contenant à inspecter, puis les ouvrir.

[50]   La témoin a dit que, dans la plupart des cas, les inspecteurs des douanes aident les passagers à retirer les articles de leurs bagages. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait cité dans son avis le paragraphe 24, qui expose la politique du ministère, elle n'aurait eu aucune objection. Toutefois, ce qu'il a écrit, c'est : « Ne touchez pas au contenu des bagages des voyageurs », et c'était inacceptable.

[51]   Mme Hébert a témoigné que sa décision d'imposer une suspension de dix jours sans traitement a été prise après qu'elle eut consulté Ruby Howard, commissaire régionale adjointe, John Johnson, directeur des Services frontaliers des douanes, ainsi que Bruce Herd et André Pillion, deux agents des relations de travail. Le raisonnement sur lequel elle s'est fondée pour déterminer quelle sanction imposer était le suivant.

  1. M. King avait été averti par deux fois que ses conseils pouvaient exposer ses membres à des sanctions disciplinaires, une fois par M. Sheridan et une autre par les Services juridiques de son syndicat national.

  2. En raison du poste de président de succursale de son syndicat auquel il a été élu, M. King a du leadership et de l'influence et même s'il dispose d'un grand pouvoir discrétionnaire, cela ne va pas jusqu'à l'autoriser à encourager ses membres à user de moyens de pression illégaux. En plus d'être le président de sa succursale du syndicat, M. King est aussi un inspecteur des douanes.

  3. Ses agents de relations de travail lui avaient fourni une analyse de la jurisprudence applicable dans les affaires analogues.

  4. Elle a tenu compte du dossier disciplinaire de M. King et du fait qu'il était au service du Ministère depuis huit ans.

[52]   Dans une réunion disciplinaire qui a eu lieu le 5 juin 1997, en présence de M. King et de représentants syndicaux, Mme Hébert lui a lu un « Avis de mesures disciplinaires » (pièce E-1, onglet 18) et lui a offert l'occasion d'exprimer son point de vue. Elle a préféré ne pas se fonder sur les articles pertinents de la LRTFP pour porter des accusations au pénal, étant donné qu'elle estimait que des mesures correctives administratives pourraient changer le comportement de l'intéressé, alors qu'une plainte fondée sur ces articles aurait pu le faire reconnaître coupable d'un crime.

[53]   En contre-interrogatoire, la témoin a reconnu que, après que l'avis du 28 mai 1997 eut été affiché sur le tableau d'affichage, elle n'en avait pas parlé avec des inspecteurs des douanes, avec le fonctionnaire s'estimant lésé ainsi qu'avec la direction du syndicat. Au sujet de son plan d'action en cas d'urgence, elle a déclaré que, puisque la direction était convaincue que le ralentissement illégal du travail qui était proposé serait d'envergure nationale, c'est dès le 21 mai 1997 que son équipe de gestion a commencé à parler de ce plan; il était prêt dès le 23 mai.

[54]   Mme Hébert a aussi expliqué que la direction considérait les actions du fonctionnaire s'estimant lésé comme une instigation à enfreindre la LRTFP. En conseillant à ses membres les mesures proposées dans son avis, il les incitait à participer à une grève illégale.

[55]   La témoin a confirmé que M. King avait été averti 24 heures à l'avance de la réunion disciplinaire du 5 juin 1997 et que ses représentants à cette occasion étaient Emerson Waugh, premier vice-président de la section locale 24 de la succursale du district de Toronto, et Me D'Aoust. Elle a précisé qu'elle avait décidé d'imposer la suspension de dix jours le 3 juin 1997 et que, après avoir entendu les arguments et les observations du fonctionnaire s'estimant lésé, elle a été convaincue que la gravité de la sanction était justifiée par celle de son inconduite, de sorte qu'elle a signé l'avis de mesures disciplinaires en question.

[56]   Emerson Waugh, qui a témoigné pour le fonctionnaire s'estimant lésé, était à l'époque inspecteur des douanes et premier vice-président de la section locale 24 de la succursale du district de Toronto. Son témoignage se résumait à dire qu'il était convaincu que la direction ne respectait pas les droits des inspecteurs des douanes et que l'avis était une simple mise en garde à l'intention des membres, pour qu'ils puissent se protéger contre les allégations mensongères des passagers.

[57]   Le 27 mai 1997, M. Waugh avait assisté à une réunion des représentants syndicaux à laquelle tous les membres de la direction du syndicat, y compris M. Moran, étaient présents. Dans son rapport à titre de président, le fonctionnaire s'estimant lésé avait lu le projet d'avis et les membres présents en avaient discuté. L'avis avait été conçu de façon à ne pas enfreindre la LRTFP, et le syndicat ne voulait pas qu'il soit perçu comme une incitation à user de moyens de pression illégaux. On avait fait quelques changements grammaticaux mineurs, après quoi le texte de l'avis avait été proposé, appuyé et adopté à l'unanimité en tant que partie du rapport du président.

[58]   En ce qui concerne la brochure « Je déclare » (pièce E-1, onglet 1), le témoin a déclaré : [traduction] « Quand on ne touche pas aux effets des passagers, on ne peut pas être accusé s'il y a de l'argent manquant », dans le contexte de la recommandation que seuls les passagers devaient déballer et remballer leurs bagages. Le syndicat ne voulait pas faire ralentir le traitement des passagers à l'AIP; le témoin a affirmé : [traduction] « Nous n'avons jamais dit à nos membres de faire la grève, puisque nous sommes des fonctionnaires désignés. »

[59]   M. Waugh a confirmé avoir représenté le fonctionnaire s'estimant lésé à la réunion disciplinaire. Il a déclaré que la suspension de dix jours était exagérée puisque M. King travaillait 8,57 heures par jours, comparativement à 7,5 heures pour les autres inspecteurs des douanes. En outre, il avait agi à titre de représentant du syndicat, en défendant énergiquement ses membres.

[60]   En contre-interrogatoire, M. Waugh a déclaré qu'il n'était pas au courant à l'époque de l'existence du document intitulé « Politique et procédures applicables aux relations syndicales-patronales » (pièce E-1, onglet 3). Il a déclaré que sa position n'était pas inspirée par une politique, mais plutôt par les intérêts des membres du syndicat, et que le simple fait que la direction nationale de la CEUDA avait entériné cette politique ne signifiait pas qu'il devait s'y conformer.

[61]   Le témoin a déclaré que les membres avaient tous accès à la réunion syndicale du 27 mai 1997, mais il n'y avait pas eu de quorum, bien que 18 représentants syndicaux et membres du comité exécutif aient été présents.

[62]   Le témoignage de M. Waugh en ce qui concerne la lettre et l'avis était évasif et vague, en plus de ne pas être fiable et de manquer de pertinence. à mon avis, il ne s'est pas montré crédible, de sorte que je n'y reviendrai plus.

[63]   Au moment où ce grief a été présenté, John King était le président dûment élu de la section locale 24 de la CEUDA, représentant environ 1 500 membres répartis dans 300 lieux de travail. Il a commencé ses activités syndicales à la CEUDA en 1990, en tant que représentant d'atelier; de 1991 à 1993, il a été représentant d'atelier exécutif; en 1993, il a été élu premier vice-président de la section locale, puis a été élu président en 1996.

[64]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que l'avis était le fruit d'une assemblée annuelle des représentants d'atelier de la succursale. à cette occasion, les représentants partagent leurs préoccupations mutuelles et soulèvent collectivement ce qui ne va pas dans le milieu de travail. M. King avait rédigé l'avis pour remédier à une série de difficultés qui sapaient les droits de ses membres, à son avis. Il a déclaré que les agents des douanes étaient indignés par certaines des manouvres du Ministère et qu'ils lui avaient écrit pour lui demander ce que le syndicat faisait pour les contrer.

[65]   Sa lettre du 3 avril 1997 laissait entendre qu'il avait épuisé tous les recours possibles entre 1994 et 1997 et que le moment était venu de passer à l'action. Néanmoins, il précisait dans sa dernière phrase : [traduction] « La seule raison d'être de ces instructions est d'assurer le bien-être des fonctionnaires. » M. King a déclaré que cette lettre était un « cri d'appel à l'aide » pour protéger les membres du syndicat.

[66]   Il a confirmé que M. Sheridan lui avait parlé du ton de sa lettre, en lui disant que les questions qu'il soulevait pourraient être perçues comme un incitation à une grève illégale. Il a déclaré que c'est précisément pour cette raison que, à la réunion syndicale du 27 mai 1997, [traduction] « Nous voulions nous assurer de ne pas enfreindre la LRTFP avec notre avis du 28 mai 1997 ». Il a ajouté que les représentants d'atelier avaient voté démocratiquement d'approuver l'avis et que, même s'il portait seulement sa signature, il reflétait les opinions des membres de la section locale et qu'il était tenu de les faire valoir conformément aux principes de la démocratie.

[67]   M. King a déclaré que les inspecteurs des douanes allaient savoir que cet avis ne leur demandait pas de faire la grève; ils allaient en comprendre l'esprit.

[68]   Dans son témoignage, il a déclaré que, du 28 mai au 5 juin 1997, aucun membre de la direction n'avait communiqué avec lui au sujet de l'affichage de l'avis. Il a confirmé que l'avis n'avait pas été réaffiché après qu'on eut retiré des tableaux d'affichage les exemplaires affichés. Quand son représentant lui a demandé si l'avis avait pour objet de causer un ralentissement du travail à l'AIP, il a répondu : [traduction] « Non, c'était le contraire. Il aurait été plus rapide que les passagers sortent leurs vêtements de leurs bagages que si c'était un inspecteur des douanes qui le faisait. Et puis, nous allions nous protéger contre des accusations mensongères de vol. »

[69]   Quand il s'est fait demander ce que signifiait selon lui la phrase « Vous pouvez même faire patienter le passager jusqu'à ce que l'assistance nécessaire soit disponible », M. King a déclaré que, puisque les inspecteurs des douanes savent faire leur travail, il n'était pas entré dans les détails pour expliquer à ses membres le sens de l'expression « faire patienter ». En outre, au sujet de la phrase suivante, « Si le personnel approprié n'est pas disponible pour vous prêter assistance, vous pouvez à votre discrétion laisser partir le passager sans procéder à l'inspection », M. King a déclaré : [traduction] « C'est une déclaration à caractère général. Je n'insulterais pas mes collègues, qui sont formés pour travailler dans ce contexte. »

[70]   M. King a déclaré que l'avis n'avait pas été conçu pour diminuer ni limiter le rendement; c'était un rappel, une mise en garde. Il n'a dit à personne de travailler deux par deux; il n'a donné absolument aucune instruction.

[71]   Pour conclure, M. King a déclaré qu'il travaillait 8,57 heures par jour. Par l'intermédiaire de son représentant, il a déposé trois lettres (pièce G-2) : 1) une lettre de remerciement de l'employeur datée du 12 janvier 1998 le félicitant de son efficacité dans l'exercice de ses fonctions; 2) une lettre datée du 31 juillet 2002 du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense le remerciant d'avoir comparu devant lui pour parler des opérations de sécurité à l'AIP; et 3) une lettre datée du 24 octobre 2002 le proposant pour le Prix d'excellence du commissaire adjoint de l'ADRC.

[72]   En contre-interrogatoire, M. King a répété que sa lettre du 3 avril 1997 était un « cri d'appel à l'aide » et que le dernier paragraphe qu'elle contenait n'avait eu aucun résultat. Il a déclaré : [traduction] « Elle a toutefois attiré l'attention de la direction ». C'était une déclaration énergique au premier ministre qu'il n'y avait pas de consultation, que quelque chose allait mal au ministère et que le syndicat se devait d'intervenir pour résoudre le problème. La décision d'afficher l'avis a été prise collectivement par le syndicat, et même si les membres du comité exécutif ne l'ont pas signé, le fonctionnaire s'estimant lésé était tenu de le faire en sa qualité de président de la succursale du syndicat.

[73]   Au sujet de la déclaration figurant dans l'« Avis de mesures disciplinaires » (pièce E-1, onglet 18) que [traduction] « la direction considère ces actions... comme une instigation à des activités de grève illégale... », il a déclaré : [traduction] « Je sais que j'ai certains pouvoirs discrétionnaires. Ils ne sont pas sans limites. Je n'ai pas le champ absolument libre. Je n'ai dit à personne d'enfreindre la loi. C'est un donné. »

Arguments

[74]   Les deux parties ont déposé des observations écrites que je vais maintenant résumer.

Pour l'employeur

[75]   La lettre (pièce E-1, onglet 10) du 3 avril 1997 que M. King a adressée au premier ministre, à la ministre du Revenu national d'alors (Jane Stewart), au ministre de la Justice à l'époque (Allan Rock) et à l'ancien ministre du Revenu national (David Anderson) était un « cri d'appel à l'aide », d'après le fonctionnaire s'estimant lésé, qui a déclaré dans son témoignage : [traduction]   « Elle a attiré leur attention [celle de la direction]. » Dans le dernier paragraphe de cette lettre, M. King déclarait ce qui suit : [traduction] « ... je vais conseiller à tous les inspecteurs des douanes de ne plus faire d'inspection poussée sans avoir un collègue présent comme témoin ». Il n'avait envoyé une copie de cette lettre à aucun des représentants de la direction de l'employeur.

[76]   M. Sheridan a témoigné que cette lettre l'avait beaucoup inquiété parce que le conseil que M. King se proposait de donner aux inspecteurs des douanes (de ne pas procéder à des examens poussés s'ils n'étaient pas accompagnés d'un collègue comme témoin) aurait eu d'énormes répercussions sur les opérations. L'employeur n'avait pas un effectif suffisant pour que les inspecteurs fassent fondamentalement chaque inspection deux par deux; s'ils l'avaient fait, les files d'attente des passagers auraient été de plus en plus longues et, avec le temps, il y aurait eu d'importantes retombées sur l'ensemble des opérations douanières, au point où les passagers auraient fini par ne pas être capables de descendre des avions.

[77]   Mme Hébert était aussi très préoccupée par le « conseil » que M. King se proposait de donner à tous les inspecteurs des douanes.

[78]   M. Sheridan a témoigné avoir parlé une quarantaine de minutes avec M. King, le 2 mai 1997, pour lui demander des précisions sur sa lettre et pour lui déclarer que des mesures comme celles-là le rendraient certainement passible de mesures disciplinaires. Le contenu de sa conversation a été résumé dans un courrier électronique.

[79]   Mme Laronde a elle aussi reçu une copie de cette lettre vers le 5 mai 1997. Le conseil en question l'inquiétait aussi en raison de ses éventuelles répercussions opérationnelles à l'AIP. Elle a témoigné avoir écrit une lettre à M. Moran le 8 mai 1997, pour lui dire que, si ce conseil était suivi, l'employeur considérerait de tels actes comme des moyens de pression illégaux. Elle a demandé à M. Moran de prendre les mesures appropriées pour éviter un tel scénario et pour informer ses dirigeants syndicaux en conséquence (pièce E-1, onglet 13).

[80]   Me D'Aoust a témoigné avoir écrit à J.C. Plamondon, des Services juridiques de l'AFPC, pour lui demander une opinion sur le conseil décrit dans la lettre. Cette opinion revenait à dire que, si les inspecteurs des douanes suivaient ce conseil [traduction] « nous pouvons être à peu près certains que les moyens de pression seraient considérés comme une grève illégale » (pièce E-1, onglet 15).

[81]   Mme Hébert a témoigné avoir lu l'article du Toronto Sun dans lequel on disait que M. King allait conseiller aux inspecteurs des douanes de l'AIP de ne pas examiner les bagages des passagers sauf si un collègue était témoin. Selon elle, il était tout à fait possible que M. King incite ses membres à user de moyens de pression illégaux. Par conséquent, avec son équipe de gestion, elle a préparé un plan d'action dans l'éventualité d'un ralentissement du travail (pièce E-1, onglet 16).

[82]   Vers le 28 mai 1997, M. King a écrit et affiché un « avis » à l'intention de tous les membres de la Succursale du district de Toronto. Cet avis a été affiché à divers endroits à l'AIP (pièce E-1, onglet 17); il disait vouloir conseiller aux membres « de se protéger [...] dans l'exécution de leur travail ». M. King leur recommandait de ne pas toucher au contenu des bagages des passagers en leur disant que, si ces derniers refusaient de collaborer, ils devraient demander l'aide du surintendant. Il déclarait en outre que, s'il n'y avait pas suffisamment de personnel pour qu'ils puissent avoir un témoin, les agents des douanes pouvaient exercer leur pouvoir discrétionnaire et laisser partir le voyageur sans procéder à l'inspection.

[83]   M. Sheridan et Mme Hébert ont tous deux témoigné que les passagers ont bien des façons ingénieuses de passer des marchandises prohibées et qu'il est impossible de les détecter si l'on ne touche pas aux bagages.

[84]   Dans l'avant-dernier paragraphe de l'avis, on peut aussi lire : « Vous pouvez même faire patienter le passager jusqu'à ce que l'assistance nécessaire soit disponible pour vous aider. Procédez à l'inspection seulement lorsque vous êtes certain que vous ne risquez rien. Si le personnel approprié n'est pas disponible pour vous prêter assistance, vous pouvez à votre discrétion laisser partir le passager sans procéder à l'inspection. » à cela, Mme Hébert et M. Sheridan ont répondu qu'un inspecteur des douanes a effectivement un pouvoir discrétionnaire, mais que ce pouvoir se limite à déterminer le degré auquel l'inspection doit être poussée, et ce, exclusivement en raison de sa conviction que le passager s'est conformé à la loi ou pas. Les inspecteurs des douanes n'ont pas le pouvoir discrétionnaire de laisser passer les passagers sans inspection simplement parce qu'ils n'ont personne pour les aider. M. Sheridan a témoigné au sujet des raisons pour lesquelles les inspecteurs des douanes pouvaient se prévaloir de leur pouvoir discrétionnaire de demander qu'on leur prête main-forte.

[85]   M. Hale a informé Mme Hébert qu'un exemplaire de l'avis avait été affiché à l'aérogare 3. Sur ce, après avoir parlé avec Ruby Howard et avec les gens des relations de travail, Mme Hébert a décidé qu'elle devait prendre des mesures disciplinaires. Sa justification de la suspension de dix jours était que M. King avait été averti deux fois, une fois par M. Sheridan et une autre fois par les Services juridiques de son syndicat. Elle savait que l'employeur aurait pu intenter des poursuites au pénal en vertu de la LRTFP, mais elle pensait que des mesures correctives administratives allaient faire changer le comportement de M. King. Le 4 juin 1997, elle lui a fait remettre un « Avis de mesures disciplinaires » et elle a eu une rencontre avec lui ainsi qu'avec Me D'Aoust, M. Waugh et M. Bruce Herd, agent des relations de travail, le 5 juin 1997.

[86]   L'employeur part du principe que M. King a conseillé à ses membres d'user de moyens de pression illégaux. Or, l'article 102 de la LRTFP interdit aux fonctionnaires de participer à des grèves illégales. L'article 103 dispose en outre que :

Il est interdit à une organisation syndicale de déclarer ou d'autoriser une grève de fonctionnaires, et à un dirigeant ou représentant de conseiller ou susciter la déclaration ou l'autorisation d'une telle grève, ou encore la participation de fonctionnaires à celle-ci, quand elle a ou aurait pour effet de placer ces fonctionnaires en situation d'infraction à l'article 102.

[87]   Le paragraphe 2.(1) de la LRTFP définit la notion de « grève » comme suit :

« grève » S'entend notamment d'un arrêt du travail ou du refus de travailler, par des fonctionnaires agissant conjointement, de concert ou de connivence; lui sont assimilés le ralentissement du travail ou toute autre activité concertée, de la part des fonctionnaires, ayant pour objet la diminution ou la limitation du rendement et relative au travail de ceux-ci.

[88]   Il ne fait aucun doute que M. King donnait un conseil à ses membres. La seule question qu'il faut trancher reste à savoir si ce qu'il leur conseillait revenait à les inciter à participer à une grève illégale. Il a témoigné avoir eu simplement l'intention de leur donner un conseil et une mise en garde. En contre-interrogatoire, quand on lui a demandé s'il pensait que ce conseil allait causer un ralentissement des opérations douanières à l'AIP, il a déclaré que c'était exactement le contraire qu'il souhaitait.

[89]   L'avocate de l'employeur a invoqué les affaires suivantes pour étayer sa thèse : Re Abitibi Consolidated Inc. and Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 161, (1998), 72 L.A.C. (4th) 422; Re Douglas Aircraft Co. du Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245; Re General Paint Corp. v. Communications, Energy and Paperworkers Union, Local 601, [2001] B.C.C.A.A.A. No. 289; Re Nanaimo Regional General Hospital and Hospital Employees' Union (1999), 81 LA.C. (4th) 1; Re Parkland Developments Corporation Ltd. and Westside Holdings Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 1251 and B.C. Federation of Labour and Employees' Council of B.C. (1975), B.C.L.R.B. No. 6/75; Re Public Service Employee Relations Commission and British Columbia Government and Service Employees' Union (2001), 99 L.A.C. (4th) 349; Re Bell Canada and Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, (1996), 57 L.A.C. (4th) 289; et Re Millennium Construction Contractors and Construction and General Workers' Union, Local 92 (2001), 97 L.A.C. (4th) 1.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[90]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il n'y a pas la moindre preuve de l'existence d'une activité concertée visant à diminuer ou à limiter le rendement. C'est un facteur fondamental en l'espèce, et c'est la raison pour laquelle la juge Simpson a renvoyé l'affaire à la Commission pour qu'elle soit entendue par un autre arbitre.

[91]   La charge de la preuve incombe à l'employeur, mais aucun des quelque 450 inspecteurs des douanes intéressés n'a été appelé à témoigner pour confirmer que le conseil offert dans l'avis visait à limiter le rendement. On n'a pas appelé non plus de surintendants des douanes à témoigner pour dire que l'avis aurait pu être interprété d'une façon qui aurait incité les syndiqués à user quelque moyen de pression que ce soit.

[92]   Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait voulu limiter le rendement de ses membres, comme l'employeur le prétend, sa thèse n'est-elle pas sapée du fait qu'aucun inspecteur des douanes, à quelque lieu de travail et à quelque quart que ce soit dans l'une ou l'autre des trois aérogares, ni même aucun des membres de son propre comité exécutif n'ont suivi ce que l'employeur déclare avoir été le conseil clair de M. King? La preuve a montré que, une fois retiré des tableaux d'affichage, l'avis n'y a plus été remis. Rien dans l'avis n'enjoint aux inspecteurs des douanes de ne pas toucher au contenu des bagages d'un passager pendant l'inspection elle-même. Le principe de ne pas toucher à ce contenu était censé s'appliquer seulement à son retrait des bagages et à sa remise dans les bagages du passager. comme le fonctionnaire s'estimant lésé l'a déclaré dans le même paragraphe de l'avis, une fois son inspection terminée, l'inspecteur des douanes aurait dû faire remballer les bagages par les passagers eux-mêmes. S'il y avait eu des motifs raisonnables et probables justifiant une inspection plus poussée ou une fouille, l'agent des douanes l'aurait faite.

[93]   Le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé à l'effet que faire déballer et remballer par les passagers leur bagages allait accélérer leur traitement n'a jamais été contesté par l'avocate de l'employeur ni réfuté par la direction. Il est fréquent et plus rapide que les passagers eux-mêmes trouvent les marchandises déclarées et les sortent de leurs bagages, parce qu'ils savent où ils les ont mises. En outre, s'ils procèdent ainsi, les risques que le reste du contenu ne soit plus au bon endroit sont réduits, de sorte qu'ils perdent moins de temps pour replier des vêtements, par exemple, avant de refermer leurs bagages. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a jamais enjoint aux inspecteurs des douanes de ne pas faire d'inspection à moins qu'un témoin ne soit présent, comme il le laissait entendre dans le dernier paragraphe de sa lettre du 3 avril 1997. Il a reconnu que M. Sheridan avait raison en disant craindre que des mesures comme celles-là ne ralentissent le travail; par conséquent, il a témoigné que ce n'était pas l'intention de son message et que c'est pour cette raison qu'il n'a jamais écrit un tel conseil. En outre, la lettre du 3 avril 1997 n'a jamais été affichée ni distribuée au lieu de travail. Néanmoins, elle n'a rien à voir avec la sanction disciplinaire dont le fonctionnaire s'estimant lésé a écopé, puisque ce n'est pas la raison qui la justifie et qu'elle n'est pas mentionnée dans la lettre disciplinaire elle-même.

[94]   Au paragraphe 2 de la page 2 de son avis, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas donné d'instruction; il a simplement énuméré des possibilités. En outre, il a rappelé aux agents leur pouvoir discrétionnaire. On ne devrait pas reprocher à quelqu'un d'avoir pressé quelqu'un d'autre de se prévaloir de son pouvoir discrétionnaire, puisque l'exercer n'est ni bien ni mal, ni non plus le punir pour cela.

[95]   Le fait que Me D'Aoust a témoigné qu'on pouvait sûrement s'attendre à ce que les moyens de pression éventuels soient considérés comme une grève illégale n'est vraiment pas un élément décisif.

[96]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a conclu en déclarant que l'affichage de l'avis ne justifie pas les sanctions disciplinaires. Le statut syndical du fonctionnaire s'estimant lésé n'a rien à voir avec le processus disciplinaire, parce que l'affichage de l'avis ne justifie pas de sanctions. comme il n'y a pas eu inconduite, la suspension de dix jours n'est pas justifiée, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé a fait de son mieux, sur la foi des conseils collectifs qu'il a obtenus, pour s'acquitter de son mandat de président de la section locale 24. Son représentant affirme en outre que, à sa connaissance, aucun dirigeant syndical n'a jamais écopé de sanctions disciplinaires pour avoir incité à une grève illégale sans qu'il y ait effectivement eu une grève ou un ralentissement du travail.

Réplique

[97]   L'avocate de l'employeur déclare que le fonctionnaire s'estimant lésé a souligné qu'il n'y avait pas eu de grève illégale, mais c'est pour avoir conseillé à ses membres ou les avoir incités à participer à une grève illégale qu'il a été puni. Si ses actes avaient entraîné une grève illégale, son inconduite aurait justifié des sanctions disciplinaires plus sévères encore.

[98]   Le fonctionnaire s'estimant lésé dit que sa lettre du 3 avril 1997 est plus dure que l'avis du 28 mai 1997. Or, M. Sheridan et Mme Hébert étaient convaincus que l'avis était plus dur puisqu'il disait aux inspecteurs des douanes d'exercer leur pouvoir discrétionnaire à tort, ainsi que de ne toucher au contenu des bagages d'aucun passager.

[99]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré [traduction] « qu'on ne devrait pas reprocher à quelqu'un de conseiller à autrui d'exercer son pouvoir discrétionnaire, puisqu'on ne peut ni bien, ni mal agir en pareil cas, ni le punir pour cela ». Pourtant, le témoignage non contesté de M. Sheridan et de Mme Hébert revient à dire qu'on ne peut se prévaloir de ce pouvoir discrétionnaire qu'après avoir conclu que la déclaration est complète et franche. Il est clair que les inspecteurs des douanes ont pour mandat d'assurer le respect de la loi, et le fonctionnaire s'estimant lésé ne l'a pas dit.

[100]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que son conseil de ne pas toucher au contenu des bagages des passagers était censé s'appliquer seulement pendant que ceux-ci étaient déballés et remballés. Sur ce point précis, la juge Simpson n'était pas d'accord avec lui dans son jugement, puisqu'elle a écrit ce qui suit :

Je ne suis pas d'accord avec le demandeur sur cette question. L'avis recommande principalement de ne toucher à aucun article, ce qui écarte la possibilité de faire une fouille manuelle pour déceler dans les bagages des objets cachés ou des objets qui, en raison de leur poids ou de leur texture ne devraient pas s'y trouver. S'il est interdit de toucher au contenu, seul un examen visuel est possible et, à mon avis, il s'agit du seul type d'examen que l'avis prescrivait d'exécuter en l'absence d'un témoin.

[101]   M. King a fait valoir qu'il serait plus efficace que les passagers eux-mêmes trouvent les marchandises déclarées et les retirent de leurs bagages. comme la juge Simpson l'a déduit, et comme Mme Hébert et M. Sheridan en ont témoigné, c'est ignorer le fait critique que la tâche de l'inspecteur des douanes consiste à s'assurer qu'il n'y a pas de marchandises non déclarées, ce qui inclut des stupéfiants. Pour s'en assurer, l'inspecteur des douanes doit donc toucher le contenu des bagages des passagers. Par conséquent, en conseillant à ses membres de ne pas y toucher, le fonctionnaire s'estimant lésé leur disait soMme toute de ne pas faire leur travail. Il leur conseillait clairement une activité illégale.

[102]   L'avocate de l'employeur a conclu en déclarant que le conseil que le fonctionnaire s'estimant lésé avait donné incitait ses membres à agir d'une façon qui revenait à se dérober entièrement à leurs obligations d'inspecteurs des douanes. Il voulait que ses membres se conduisent d'une façon qui aurait eu des répercussions néfastes sur les opérations de l'employeur.

Motifs de la décision

[103]   Au moment où il a présenté son grief, John King était au service de Revenu Canada, Douanes et Accise (maintenant Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC)). Il était agent des douanes à l'AIP et président de la section locale 24 de la CEUDA, qui est un élément de l'AFPC.

[104]   Je vais me prononcer maintenant sur les doléances du fonctionnaire s'estimant lésé quant à la façon de l'employeur de lui imposer des sanctions disciplinaires (une suspension de dix jours sans traitement). Son grief a été entendu pour la première fois par l'ancienne commissaire Rosemary Vondette Simpson, dont la décision a fait l'objet d'un contrôle judiciaire par la juge Simpson de la Division de première instance de la Cour fédérale. Toute lacune de la procédure disciplinaire a été complètement corrigée par l'audition de novo du grief, comme la Cour d'appel fédérale l'a conclu dans Tipple c. Canada (Conseil du Trésor) (1985), A.C.F. no 818 (C.A.).

[105]   Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il enfreint le paragraphe 2.(1) et l'article 103 de la LRTFP?

  2. Si oui, a-t-on dûment tenu compte de son rôle comme président de la section locale 24 de la CEUDA en lui imposant une suspension de dix jours?

  3. L'imposition de cette suspension de dix jours était-elle justifiée?

Première question

[106]   Dans sa lettre du 3 avril 1997 (pièce E-1, onglet 11) adressée au premier ministre et à divers autres ministres, le fonctionnaire s'estimant lésé a soulevé des observations, des irritants et des plaintes à divers égards. Bien que ces irritants et ces autres éléments aient été introduits en preuve et que les représentants des deux parties en aient débattu, je ne les résumerai pas pour les fins de cette décision, puisqu'ils n'ont pas influé sur elle. Ce que la direction reproche à cette lettre n'est pas la validité ni la légitimité des observations, des irritants et des plaintes, mais plutôt son dernier paragraphe, qui commence par la phrase suivante : [traduction] « En ce qui concerne la première question que j'ai mentionnée, je vais conseiller à tous les inspecteurs des douanes de ne plus faire d'inspection poussée sans avoir un collègue présent comme témoin. »

[107]   Le premier paragraphe de cette lettre se lit comme suit : [traduction] « à quel point la Constitution est-elle importante pour nous et jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour la protéger? » Dans son témoignage, M. King a déclaré que cette lettre était un « cri d'appel à l'aide » et qu'elle « a attiré l'attention de la direction ». Selon moi, c'était plutôt un « cri d'appel aux armes », une ligne tracée sur le sol, une tentative de faire pression sur le gouvernement du Canada par la menace d'une grève illégale ou de moyens de pression illégaux.

[108]   Le 2 mai 1997, Norm Sheridan, directeur régional par intérim de la Région métropolitaine de Toronto du ministère, a eu une conversation de 40 minutes avec M. King. Il voulait préciser que la proposition du fonctionnaire s'estimant lésé que les inspecteurs des douanes travaillent deux par deux ou en duo pourrait être considérée, si elle était appliquée, comme une incitation à une grève illégale et que les intéressés pourraient aussi être passibles de sanctions disciplinaires. Et M. Sheridan a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait répondu : [traduction] « Je n'ai rien à craindre. Je ne leur donne pas un ordre, mais un conseil. »

[109]   Dans leur témoignage, M. Sheridan et Barbara Hébert ont confirmé que, dans certaines situations, les inspecteurs des douanes peuvent travailler deux par deux (voir la pièce E-1, onglet 2, [traduction] « Examen et fouille – Manuel de l'exécution des douanes »). Toutefois, le conseil que M. King donnait à ses membres, à savoir qu'ils auraient besoin d'un témoin pour toutes leurs inspections, aurait ralenti le traitement des passagers à l'AIP.

[110]   Mme Jean Laronde, qui était au moment où le grief a été déposé directrice générale par intérim de la Direction générale des relations de travail et de la rémunération, a témoigné avoir envoyé en date du 8 mai 1997 une lettre (pièce E-1, onglet 13) à Ronny Moran pour l'informer que, en sa qualité de président national de la CEUDA, il devrait prendre les mesures qui s'imposaient pour que M. King et les autres dirigeants syndicaux mettent fin à toute action pouvant être considérée comme illégale et contraire à l'article M-15 de la convention collective de l'AFPC et comme une infraction des articles 102 et 103 de la LRTFP.

[111]   Michel D'Aoust, agent technique de la CEUDA, a témoigné avoir demandé une opinion à J.C. Plamondon, responsable des Services juridiques à l'administration centrale de l'AFPC, au sujet de la lettre du 3 avril 1997 du fonctionnaire s'estimant lésé, puisqu'il se demandait si cette lettre constituait une infraction au paragraphe 2.(1) et à l'article 103 de la LRTFP. La réponse qu'il a reçue de M. Plamondon était que, si des moyens de pression en résultaient, ils seraient considérés comme une grève illégale.

[112]   Me D'Aoust a aussi déclaré que les observations, les irritants et les plaintes que le fonctionnaire s'estimant lésé soulevait auraient pu l'être grâce à divers autres moyens, par exemple en ayant recours aux services des avocats de l'administration centrale de l'AFPC, en s'adressant au Comité des relations syndicales-patronales du ministère, en réclamant une enquête interne, en portant plainte auprès de la CCDP ou en encourageant les membres à présenter des griefs. Ce témoin a aussi déclaré que, bien qu'un président de succursale du syndicat ait pour rôle de faire connaître les préoccupations et les questions qui intéressent ses membres ainsi que de les protéger en les représentant avec énergie, ces droits de représentation ne lui donnent pas carte blanche. Il a aussi déclaré que M. King avait discuté du manque de personnel à l'AIP au cours d'une réunion syndicale.

[113]   Le fonctionnaire s'estimant lésé lui-même a témoigné qu'on avait tenu compte des inquiétudes exprimées par M. Sheridan au sujet de la lettre et que l'avis en était une version édulcorée; il avait été approuvé lors d'une réunion syndicale, le 27 mai 1997, par les représentants d'atelier et les membres du comité exécutif qui étaient présents.

[114]   Les exemplaires de l'avis que le fonctionnaire s'estimant lésé avait affichés à plusieurs endroits de l'AIP n'y sont pas restés longtemps. La première phrase du paragraphe 2 de la page 2 de l'avis se lit comme suit : « Ne touchez pas au contenu des bagages des voyageurs. » Je souscris à ce que la juge Simpson a écrit dans son jugement, supra : « [Ceci] écarte la possibilité de faire une fouille manuelle pour déceler dans les bagages des objets cachés ou des objets qui, en raison de leur poids ou de leur texture ne devraient pas s'y trouver. S'il est interdit de toucher au contenu, seul un examen visuel est possible et, à mon avis, il s'agit du seul type d'examen que l'avis prescrivait d'exécuter en l'absence d'un témoin. »

[115]   M. Sheridan a témoigné qu'une inspection visuelle ne permettrait pas aux inspecteurs des douanes de s'acquitter efficacement de leurs fonctions, puisque le Ministère a pour mandat d'empêcher l'entrée au pays de stupéfiants, d'armes à feu illégales, de pornographie infantile ainsi que de bijoux et de produits agricoles de contrebande. Je prends bonne note du fait que la principale raison pour laquelle l'inspecteur des douanes décide qu'il doit procéder à une inspection secondaire est qu'il soupçonne fortement qu'un voyageur a des produits de contrebande en sa possession.

[116]   J'estime aussi que l'avis enfreignait l'article 24 du « Manuel de l'exécution des douanes » (chapitre 1, Partie 4 – « Examen et fouille »), qui se lit comme suit :

24.   Dans la plupart des cas, il suffit que le voyageur présente ses bagages pour l'examen, en enlève les cadenas et les ouvre pour l'inspection. L'agent en retire alors les vêtements ou les produits nécessaires à l'examen.

[C'est nous qui soulignons.]

[117]   De plus, la brochure « Je déclare » du ministère (pièce E-1, onglet 1) n'est pas un document réglementaire, et le fonctionnaire s'estimant lésé, qui avait huit ans d'expérience comme agent des douanes, aurait dû le savoir, j'en suis convaincu.

[118]   Le paragraphe 2 de la page 2 de l'avis se lit comme suit :

2)   Si le passager refuse de collaborer, demandez l'assistance du surintendant. Ce témoin constituera votre protection en cas de fausse accusation. Votre environnement de travail sera ainsi plus sécuritaire. Vous pouvez même faire patienter le passager jusqu'à ce que l'assistance nécessaire soit disponible. Procédez à l'inspection seulement lorsque vous êtes certain que vous ne risquez rien. Si le personnel approprié n'est pas disponible pour vous prêter assistance, vous pouvez à votre discrétion laisser partir le passager sans procéder à l'inspection.

[119]   Je reconnais qu'un inspecteur des douanes devrait demander l'aide d'un surintendant lorsqu'un passager refuse de collaborer. Néanmoins, ce que le fonctionnaire s'estimant lésé conseillait à ses membres en leur disant qu'ils avaient le pouvoir discrétionnaire de laisser partir le voyageur sans inspecter ses bagages, si personne n'était disponible pour leur prêter main-forte, revient à mon avis à leur conseiller d'exercer leur pouvoir discrétionnaire sans aucune limite. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait agi conformément à la Loi sur les douanes et à la Loi sur l'accise, ces limites auraient changé son intention, qui aurait alors consisté à recommander à ses membres de se conformer à leurs obligations d'agents des douanes. Il savait qu'on manquait de personnel à l'AIP. De même, il savait ou aurait dû savoir que le pouvoir discrétionnaire dont un agent des douanes est investi ne lui permet pas de retarder les passagers simplement pour avoir un témoin, sauf dans les circonstances exceptionnelles que M. Sheridan a décrites dans son témoignage.

[120]   L'article 103 de la LRTFP dispose que :

103.   Il est interdit à une organisation syndicale de déclarer ou d'autoriser une grève de fonctionnaires, et à un dirigeant ou représentant de conseiller ou susciter la déclaration ou l'autorisation d'une telle grève, ou encore la participation de fonctionnaires à celle-ci, quand elle a ou aurait pour effet de placer ces fonctionnaires en situation d'infraction à l'article 102.

[121]   Durant la période pertinente, le fonctionnaire s'estimant lésé était président de la section locale 24 de la CEUDA, élément de l'AFPC; par conséquent, aux termes de l'article 103, il était un « dirigeant » d'une organisation syndicale.

[122]   Dans sa lettre du 3 avril 1997, il a déclaré : [traduction] « Je vais conseiller à tous les inspecteurs des douanes... » alors que, dans la version originale de l'avis, il a déclaré : « We offer the following advice... » (« Nous vous donnons les conseils suivants... ») Ce « we » (« nous ») était d'après le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé le pluriel collectif et s'entendait du syndicat, soit d'une organisation syndicale, en vertu de l'article 203.

[123]   Le Concise Oxford Dictionary (Tenth Edition) définit le mot « counsel » comme s'entendant de « conseil », particulièrement lorsque donné officiellement. Je conclus donc que, en vertu de l'article 103 de la LRTFP, le conseil que le fonctionnaire s'estimant lésé a donné dans son avis revenaient à conseiller officiellement à ses membres de participer à une grève.

[124]   Le paragraphe 2.(1) de la LRTFP définit la notion de grève comme suit :

« grève » S'entend notamment d'un arrêt du travail ou du refus de travailler, par des fonctionnaires agissant conjointement, de concert ou de connivence; lui sont assimilés le ralentissement du travail ou toute autre activité concertée, de la part des fonctionnaires, ayant pour objet la diminution ou la limitation du rendement et relative au travail de ceux-ci.

[125]   Même s'il n'y a pas eu d'arrêt du travail, de refus de travailler ou de continuer de travailler par des fonctionnaires, le fonctionnaire s'estimant lésé a tenté, en affichant son avis, d'amener ses membres à agir de façon concertée. La seule raison d'être de cette activité concertée aurait été le ralentissement du travail afin de diminuer ou de limiter le rendement à l'AIP.

[126]   Dans son témoignage, M. King a affirmé que son avis n'allait pas causer de ralentissement du traitement des passagers à l'AIP, mais que leur traitement serait rendu plus efficace; c'est défier la raison et la crédibilité. Je préfère les témoignages de Mme Hébert et de M. Sheridan sur ce point. à l'époque, M. King avait huit ans d'expérience comme inspecteur des douanes, de sorte qu'il savait ou aurait dû savoir que, sauf dans des circonstances précises, lorsque la présence d'un témoin est indispensable ou souhaitable, les inspecteurs des douanes font leurs inspections seuls. Par conséquent, il savait ou aurait dû savoir que, s'ils suivaient son conseil, ils n'auraient pas pu s'acquitter correctement de leurs fonctions et que cela aurait mené à un ralentissement des opérations douanières à l'AIP.

[127]   Je suis convaincu que, lorsqu'il a affiché l'avis dans lequel il conseillait à ses membres de ne pas toucher au contenu des bagages des voyageurs ainsi que de les faire patienter jusqu'à ce que l'assistance nécessaire soit disponible, le fonctionnaire s'estimant lésé voulait ralentir le travail et diminuer le rendement à l'AIP, ce qui constitue une infraction au paragraphe 2.(1) et à l'article 103 de la LRTFP.

Deuxième question

[128]   Barbara Hébert a déclaré qu'elle connaît le fonctionnaire s'estimant lésé depuis 1996 et qu'elle est très consciente de son rôle en tant que président de la section locale 24 de la CEUDA.

[129]   Elle a témoigné avoir décidé d'imposer une suspension de dix jours en se fondant sur plusieurs facteurs, après avoir consulté les agents de relations de travail du ministère. Elle a tenu compte du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été averti deux fois; elle a pris connaissance de la jurisprudence pertinente dans des affaires analogues; enfin, elle a tenu compte aussi de son dossier disciplinaire ainsi que de ses années de service.

[130]   M. King a été informé la veille qu'il était convoqué à une réunion disciplinaire avec Mme Hébert le 5 juin 1997. à cette réunion, M. Waugh et Me D'Aoust étaient présents. Mme Hébert a lu l'accusation portée contre M. King, puis lui a offert la possibilité d'y répondre. Elle a ensuite annoncé sa décision de lui imposer une suspension de dix jours.

[131]   Mme Hébert a témoigné qu'elle était convaincue que conseiller aux membres du syndicat de participer à une grève illégale était un comportement inacceptable pour un président de succursale du syndicat. En cette qualité, M. King bénéficie d'une grande marge de manouvre pour s'acquitter de son rôle de dirigeant syndical, mais cela ne va pas jusqu'à lui permettre d'encourager ses membres à user de moyens de pression illégaux. Le fait est qu'il reste un fonctionnaire, un inspecteur des douanes au service de l'ADRC.

[132]   Mme Hébert a aussi déclaré qu'elle avait tenté de changer le comportement inacceptable du fonctionnaire s'estimant lésé en lui imposant une suspension de dix jours plutôt qu'en portant contre lui des accusations fondées sur la LRTFP.

[133]   Re Bell Canada and C.E.P. (Hofstede), (1996), 57 L.A.C. 289 est une des décisions faisant autorité en ce qui concerne l'étendue de l'immunité dont jouissent les dirigeants syndicaux. Le conseil d'arbitrage saisi de cette affaire a analysé la jurisprudence applicable et conclu qu'elle ne posait pas de critères définitifs pour qu'on puisse déterminer où s'arrête l'immunité d'un dirigeant syndical; il a écrit ce qui suit :

Selon nous, la question de savoir si un dirigeant syndical est à l'abri des sanctions disciplinaires doit dépendre des faits en l'espèce. Au départ, il faut qu'on reconnaisse que, une fois qu'un employé est élu à un poste syndical, son statut dans le milieu de travail change nettement. Il a deux rôles à jouer. En tant qu'employé, il doit se conformer aux mêmes règles et aux mêmes politiques que ses collègues, mais, dans son rôle syndical, il fait partie intégrante du régime de négociation collective qui gouverne le milieu de travail au jour le jour. Il est alors sur un pied d'égalité avec les membres de la direction dans l'exercice de ses fonctions syndicales. Il doit avoir la liberté de manouvre nécessaire pour s'assurer que la convention collective est respectée et pour la faire appliquer avec énergie. Ce faisant, il est inévitable qu'il soit plus en évidence que ses collègues. Il est inévitable aussi que, de temps à autre, il entre en conflit avec des membres de la direction. Quels que soit le tact et la diplomatie dont il fait preuve, ses fonctions syndicales impliquent qu'il frise parfois la limite qui distingue la représentation vigoureuse de ses collègues de l'insubordination à l'endroit des membres de la direction. Compte tenu de la difficulté de son rôle, le droit d'un dirigeant syndical de s'acquitter correctement de ses fonctions doit être rigoureusement protégé, sauf dans les circonstances les plus extrêmes. Le simple militantisme ou l'excès de zèle ne devrait pas entraîner des sanctions. Le dirigeant syndical doit être capable de faire valoir son point de vue avec autant d'énergie et d'émotivité qu'il le souhaite, même s'il pourrait se révéler en définitive qu'il avait tort.

Néanmoins, ce qui précède ne signifie pas qu'il n'y a pas de limite à ce qui constitue un comportement acceptable de la part d'un dirigeant syndical. Il faut trouver un point d'équilibre entre le droit du dirigeant syndical d'avoir un grand pouvoir discrétionnaire dans sa façon de s'acquitter de ses fonctions syndicales et sa responsabilité corollaire en tant que dirigeant syndical d'éviter scrupuleusement d'abuser de sa situation pour camoufler une insubordination patente et une contestation flagrante du droit de la direction de gérer le milieu de travail et de poursuivre ses activités sans perturbations.

...

Compte tenu de l'équilibre délicat qu'il faut respecter entre le droit de l'employeur d'être en mesure de gérer son milieu de travail et de poursuivre ses activités sans interruption et celui du dirigeant syndical de faire vigoureusement valoir le point de vue du syndicat dans ses rapports avec l'employeur, il est possible de tenter d'établir un critère décisif dont on pourrait se servir pour décider quand la conduite d'un dirigeant syndical cesse d'être protégée, auquel cas il devient passible de sanctions disciplinaires, mais ce serait dangereux, à notre avis. Dans chaque cas, il faut trancher en tenant compte de l'ensemble des circonstances.

[134]   Je suis convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait les intérêts du syndicat à cour et que les relations syndicales-patronales étaient peut-être difficiles à l'époque. Toutefois, il a choisi de ne pas avoir recours aux mécanismes internes appropriés du ministère, ni de se prévaloir des possibilités légales dont il disposait. Le fait que M. Waugh a témoigné que : [traduction] « Ce n'est pas simplement parce que notre syndicat national a signé la politique et les procédures sur les relations syndicales-patronales que ça signifie que je devais m'y conformer » me laisse clairement entendre que la section locale 24 de la CEUDA avait choisi son propre moyen (l'avis) pour faire disparaître les irritants dont ses membres se plaignaient. En outre, le fonctionnaire s'estimant lésé comprenait et reconnaissait le bien-fondé du conseil de Me D'Aoust, à savoir que les membres du syndicat devraient obéir d'abord et présenter un grief ensuite.

Troisième question

[135]   Je conclus que, en affichant son avis le 28 mai 1997, M. King a enfreint le paragraphe 2.(1) et l'article 103 de la LRTFP en tentant de diminuer et de limiter le rendement des opérations de traitement des passagers à l'AIP.

[136]   J'ai pris note du fait que les trois lettres déposées en preuve comme pièce G-2 ont été reçues après l'incident du 28 mai 1997. Par conséquent, je ne vois pas comment elles pourraient s'appliquer en l'espèce.

[137]   Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que la suspension de dix jours aux heures que le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait par jour à l'époque où cette sanction lui a été imposée ne dépasse pas du tout les limites de l'acceptable, compte tenu de son comportement. Je ne vois donc aucune raison de mitiger la sanction imposée par l'employeur, de sorte que le grief est rejeté.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 20 juin 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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