Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Licenciement (non disciplinaire) - Prime de départ anticipé - Crédits de congés annuels et crédits de congés de maladie - Le licenciement était-il une mise en disponibilité aux termes de la convention collective - le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé qu'on lui offre le choix entre une prime de départ anticipé (PDA) ou le programme d'encouragement à la retraite anticipée (PERA) - l'employeur a accepté de lui offrir une PDA, il a aboli son poste et l'a déclaré excédentaire aux termes de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) - le fonctionnaire a accepté la PDA et a remis sa démission, laquelle a été acceptée - au moment de son départ, le fonctionnaire avait utilisé plus de crédits de congés annuels et de congés de maladie qu'il n'en avait accumulés de telle sorte que l'employeur a déduit de la PDA le montant correspondant - le fonctionnaire a contesté cette déduction - il a prétendu que, vu qu'aux termes de la DRE son licenciement était considéré comme une mise en disponibilité, il aurait dû également être réputé avoir été mis en disponibilité aux termes de sa convention collective qui prévoit que les employés mis en disponibilité ne sont pas tenus de rembourser les crédit de congé annuel et de congé de maladie pris en excédent des crédits accumulés - l'employeur a soutenu que le fonctionnaire avait démissionné en vue d'accepter une PDA et que la DRE considère une telle démission comme une mise en disponibilité uniquement aux fins du calcul de l'indemnité de départ - l'arbitre a conclu que le licenciement du fonctionnaire était une démission aux fins de la convention collective et a souligné qu'il s'agissait d'une décision éclairée et rationnelle de la part du fonctionnaire - l'arbitre a confirmé que l'employeur avait agi convenablement. Grief rejeté. Décision citée : Bonhomme (166-2-23779).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28245 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE GLEN BALL fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant : P. Chodos, vice-président Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : James L. Shields, avocat, Fraternité internationale des ouvriers en électricité

Pour l’employeur : Harvey Newman, avocat Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique), le 17 juin 1998.

Décision DÉCISION Page 1 Avant son licenciement, qui a pris effet le 16 janvier 1997, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste de technologue en communications (EL-6) à la Base des Forces canadiennes Esquimalt. Dans son grief, il conteste la décision de l’employeur de soustraire de l’argent qui lui était un montant équivalant à certains congés annuels et congés de maladie qu’il a pris avant son licenciement et pour lesquels il n’avait pas suffisamment de crédits.

Les faits de l’espèce ne sont pour la plupart pas contestés et ont fait l’objet d’un exposé conjoint des faits partiel que nous reproduisons ci-dessous : [Traduction] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS 1. M. Ball occupait depuis le 1 er octobre 1985 un poste de technologue en communications (EL-6) au ministère de la Défense nationale. Lorsqu’il a quitté la fonction publique, il travaillait à la BFC Esquimalt, en Colombie-Britannique.

2. M. Ball était membre de l’unité de négociation représentée par la FIOE, section locale 2228, et ses conditions d’emploi étaient donc régies par une convention collective conclue entre la FIOE et le Conseil du Trésor du Canada.

3. En novembre 1996, M. Ball a reçu du Ministère, sous la signature du capitaine B. Blattmann, une lettre l’informant que, en raison de la réduction des effectifs, son poste était déclaré excédentaire. Conformément aux dispositions de la Directive sur le réaménagement des effectifs, M. Ball devait avoir le statut d’excédentaire payé du 28 novembre 1996 au 28 mai 1997. S’il ne recevait pas une offre d’emploi raisonnable durant cette période, il serait mis en disponibilité à la fin de la période rémunérée des priorités d’excédentaire.

4. La lettre offrait en outre à M. Ball la possibilité d’opter pour une prime de départ anticipé PDA »), qui allait consister, entre autres, en une indemnité de départ calculée au taux de mise en disponibilité. Le 28 novembre 1997, M. Ball a opté pour la PDA en signant la formule d’option prévue à cet effet.

5. Le 4 décembre 1996, M. Ball a rempli une demande de congé annuel, qu’il comptait prendre du 9 au 13 décembre 1996. Cette demande a été approuvée le 5 décembre 1996.

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Décision Page 2 6. À la suite de son congé annuel, M. Ball est demeuré absent du travail du 16 décembre 1996 au 3 janvier 1997, en raison d’une blessure au dos. Le 6 janvier 1997, il a rempli un rapport d’absence pour cette période, et il y a joint un certificat de son médecin confirmant son incapacité de travailler. La demande de M. Ball a été approuvée le 9 janvier 1997.

7. M. Ball a quitté la fonction publique le 15 janvier 1997. 8. Un montant reflétant le temps qu’il avait pris en congé annuel du 9 au 13 décembre 1996, ainsi que le congé de maladie qu’il avait pris du 23 décembre 1996 au 3 janvier 1997, soit 2 263,27 $, a été déduit du paiement final qui a été fait à M. Ball. Le Ministère a soutenu que M. Ball n’avait pas suffisamment de crédits de congé lors de ses demandes, et que par conséquent il n’avait pas le droit d’être rémunéré pour ces périodes.

9. Le 15 janvier 1997, M. Ball a présenté au Ministère une formule de grief demandant au Ministère de le rémunérer pour les congés annuels et les congés de maladie qu’il avait pris. M. Ball maintient que le Ministère, en refusant de le rémunérer pour les périodes susmentionnées, a contrevenu aux clauses 17.18 et 19.09 de la convention collective, ainsi qu’aux articles 1.1.35 et 1.1.36 de la Directive sur le réaménagement des effectifs, dont voici le libellé :

1.1.35 L’indemnité de départ et les autres avantages sociaux prévus par d’autres clauses des conventions collectives sont distincts de ceux qui sont offerts dans la présente directive, et ils s’y ajoutent.

1.1.36 Le fonctionnaire excédentaire qui démissionne dans le contexte de la présente directive est réputé avoir été mis en disponibilité par l’employeur à la date à laquelle l’administrateur général accepte par écrit sa démission, aux fins du calcul de l’indemnité de départ et du rappel de traitement.

10. L’employeur a rejeté le grief de M. Ball à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs en affirmant que, en acceptant la PDA, M. Ball n’avait pas été mis en disponibilité mais avait en réalité démissionné.

11. À la suite de la décision rendue par le sous-ministre au dernier palier de la procédure, la FIOE, au nom de M. Ball, a renvoyé le grief à l’arbitrage.

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Décision Page 3 En convenant des faits susmentionnées, les parties se réservent toutefois le droit de présenter d’autres éléments de preuve ou faits.

Fait le 17 juin 1998. Il y a lieu de noter que la correspondance mentionnée aux paragraphes 3 et 4 de l’exposé conjoint des faits a été produite en preuve sur consentement (pièce 1), ainsi que plusieurs autres documents, dont une formule intitulée EARLY DEPARTURE INCENTIVE (EDI) ELECTION (choix visant la prime de départ anticipé) (pièce 2). Le fonctionnaire a choisi de ne pas produire d’autres éléments de preuve. L’employeur a cité deux témoins, M. Keith Laverty et M me Laura Legh. M. Laverty est un ingénieur au ministère de la Défense nationale et il était le supérieur immédiat de M. Ball. M. Laverty relevait du lieutenant-commander John Dewar, dont le supérieur était le commander William Myles, qui à son tour relevait du commandant, le capitaine Blattmann. M. Laverty a témoigné qu’il avait reçu de M. Ball une note de service datée du 16 septembre 1996 (pièce 8) dans laquelle ce dernier disait : [Traduction] 1. Conformément à la réf. A, datée du 4 juillet 1996, mon poste a été changé à celui de technicien en communications (perfectionnement). Mon poste précédent était celui de technicien Guerre électronique/contre-mesures électroniques (EW/ECM TECH) réf. D, numéro de poste 13222-00931. Mon poste actuel est celui de technicien spécialiste en communications (13221-10323(O)). Ce nouveau poste a été classifié au niveau EL-5 (réf. F).

. . . Dans cette note de service, M. Ball affirme en outre ce qui suit : [Traduction] [...] Je demande qu’on m’offre la possibilité d’opter pour une PDA ou les prestations du PERA en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs courante.

Avant de recevoir cette note de service, M. Laverty n’était au courant d’aucun projet visant à déclarer M. Ball excédentaire; il a montré la note de service au

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Décision Page 4 lieutenant-commander Dewar; M. Dewar lui a dit qu’il comptait discuter avec le commander Myles de la question de savoir si M. Ball avait droit à la PDA. Un peu plus tard, M. Dewar a informé M. Laverty qu’il y avait de « bonnes chances » que M. Ball puisse se voir offrir la PDA; il a demandé à M. Laverty si cette décision aurait un impact sur les opérations. M. Laverty a répondu que cela n’aurait pas d'impact important; à ce moment-là, il savait que si l’employeur offrait la PDA le poste de M. Ball serait déclaré excédentaire.

M. Laverty a fait remarquer que M. Ball avait été en vacances, puis en congé de maladie du 9 décembre 1996 au 6 janvier 1997; ces congés avaient été dûment approuvés par M. Laverty que par le lieutenant-commander Dewar (pièces 5 et 6). Selon M. Laverty, lorsque ces demandes de congé ont été approuvées, il ignorait que M. Ball n’avait pas suffisamment de crédits de congé.

En contre-interrogatoire, M. Laverty s’est fait poser des questions concernant les divers documents faisant partie des références de la pièce 8. M. Laverty a affirmé que, à sa connaissance, l’offre de PDA faite en novembre 1996 concernait le poste désigné dans la référence « G », bien qu’il n’ait pu l’affirmer avec certitude. Il a signalé qu’il n’était entré en fonctions que le 6 juillet 1996, et qu’il n’avait qu’une connaissance limitée de ce qui s’était passé avant cette date. Il était au courant que M. Ball avait présenté un grief concernant son évaluation, mais il ignorait ce que le grief avait donné. Il a maintenu que, bien qu’il sût en décembre que M. Ball quitterait son poste en janvier, il ne savait pas combien de crédits de congé de maladie et de congés annuels M. Ball avait lorsqu’il a signé les pièces 5 et 6. Les 30 et 31 décembre 1996, pense-t-il, la base avait été fermée à cause du mauvais temps; il ne sait pas si M. Ball a été rémunéré pour ces journées à la suite du refus subséquent de lui accorder un congé payé. Il a reconnu que, à l’époque, on procédait à une réduction des effectifs au sein des opérations de la réparation des navires et qu’il planait une incertitude générale à propos de l’avenir de ce service. Il ne se souvient pas qu’on ait discuté de la réduction des effectifs au sein de son unité.

M me Laura Legh occupe un poste d’agente du personnel civil à la Base des Forces canadiennes Esquimalt depuis 1994. Au cours de la période pertinente, elle était chargée de fournir des conseils sur la dotation et d’autres questions de gestion du personnel, y compris les questions relatives au réaménagement des effectifs.

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Décision M. Laverty avait signalé à son attention la note de service de M. Ball en date du 16 septembre 1996 peu de temps après cette date. Selon M demandé si M. Ball avait droit à la PDA; M m on ne prévoyait aucunement abolir le poste de M. Ball. M la note de service n’était accompagnée d’aucune pièce.

M m e Legh a affirmé que le poste de M. Ball n’avait pas été rétrogradé pendant que celui-ci l’occupait. Les employés visés par une rétrogradation, a-t-elle signalé, bénéficient de la protection de leur salaire. Elle a par ailleurs précisé que la référence « G » renvoie à un document qui explique la distinction entre un poste « nouveau » et un poste « existant » aux fins de la détermination du statut d’un poste et des mesures de dotation à prendre (pièce 9). Elle a compris d’après les paragraphes 3 et 4 de la note de service de M. Ball que ce dernier avait l’impression que les fonctions du poste qu’il occupait alors étaient nouvelles et qu’il n’avait peut-être pas les compétences voulues pour ce poste, ce qui lui donnait droit, pensait-il, à la PDA. M me Legh avait avisé MM. Dewar et Myles que, à son avis, les fonctions n’avaient pas changé suffisamment pour justifier que le poste de M. Ball fût désigné un poste « nouveau »; de toute façon, elle estimait que M. Ball avait les compétences voulues pour occuper ce poste, et que la demande de PDA n’était donc pas justifiée. Elle a suggéré que, afin d’acquiescer à sa demande, on pouvait examiner l’opportunité de réduire davantage les effectifs au sein de l’organisation. Par conséquent, après avoir examiné les charges de travail, l’employeur a conclu que M. Ball pouvait être déclaré excédentaire.

Dans sa plaidoirie, l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé fait valoir que la question en litige en l’espèce est de savoir si le fonctionnaire a effectivement été licencié, au sens on emploie ce terme aux clauses 17.18 et 19.09 (voir ci-dessous) de la convention collective pertinente. Il ne fait aucun doute que s’il a été mis fin à l’emploi du fonctionnaire par licenciement, conformément à ces dispositions l’employeur n’avait pas le droit de retenir un montant du traitement du fonctionnaire parce que celui-ci n’avait pas suffisamment de crédits de congé de maladie et de congé annuel lors de son licenciement. M e Shields fait remarquer que la définition de « licenciement » dans la convention collective parle de la cessation de l’emploi à cause d’un manque de travail ou du fait qu’une fonction a cessé d’exister. L’avocat fait remarquer que le capitaine Blattmann, dans la lettre qu’il a envoyée à M. Ball, parle de Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 5 me Legh, M. Laverty lui a e Legh a fait remarquer qu’à ce moment-là me Legh a fait remarquer que

Décision Page 6 « réduction des effectifs » et précise que les services de ce dernier ont été déclarés excédentaires. M e Shields se reporte en outre au témoignage de M me Legh, qui a déclaré que la direction avait conclu qu’elle pouvait réduire les effectifs du service M. Ball travaillait à cause du manque de travail et ainsi satisfaire aux exigences de la prime de départ anticipé. Selon l’avocat, ces circonstances correspondent exactement à la définition de licenciement prévue par la convention collective.

L’avocat se rapporte en outre à l’article 12 de la Loi d’interprétation (L.R.C. 1985, I-21), qui prévoit que tout texte s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. À la lumière de ce principe d’interprétation, les termes « licenciement » et « démission » devraient être interprétés de façon à refléter l’intention réelle des parties. À cet égard, l’avocat du fonctionnaire soutient que la note de service de M. Ball (pièce 8) portait exclusivement sur l’existence d’un poste nouveau, et que sa demande de PDA reposait sur la prémisse erronée que ses nouvelles fonctions constituaient un nouveau poste. Cependant, l’employeur a pris la décision de réduire les effectifs du service. M e Shields fait remarquer que personne n’a informé M. Ball, en réponse à sa note de service, que son hypothèse à propos de la reclassification était erronée.

L’avocat maintient que la pièce 1 est une déclaration d’excédentaire typique qui s’accompagne de deux lignes de conduite possibles, à savoir voir son nom porté à une liste d’excédentaires ou choisir la PDA. Bien que la formule de choix (pièce 2) parle d’une « démission », l’avocat maintient qu’il fallait que la direction l’approuve et qu’il ne s’agissait pas en fait d’une démission au sens on l’entend habituellement dans la convention collective. À l’appui de ce point de vue, il invoque la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) du 12 décembre 1997. On peut en effet y lire, à l’article 1.1.35, que même s’il accepte la PDA, le fonctionnaire a toujours droit à toutes les dispositions de la convention collective. L’article 1.1.36 dit clairement que le fonctionnaire qui démissionne en vertu de la Directive est réputé avoir été « mis en disponibilité ». Ainsi, l’employeur réussit à obtenir ce qu’il veut, c’est-à-dire qu’il se trouve hors du domaine de l’emploi, et en retour le fonctionnaire a droit aux avantages prévus par les dispositions de la convention collective concernant le licenciement. L’avocat se reporte en outre à l’article 22 de la convention collective, qui porte sur l’indemnité de départ; il fait remarquer que l’on calcule l’indemnité de départ différemment lorsque la cessation de l’emploi découle d’une démission, par Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 opposition à un licenciement; M. Ball a touché les prestations en question en vertu de la clause sur le licenciement, c’est-à-dire la clause 22.02, qui lui accordait une semaine de rémunération par année de service, au lieu de la moitié de sa rémunération hebdomadaire, qui est ce que prévoit la clause 22.03 concernant la démission.

M e Shields soutient par ailleurs qu’une publication du Conseil du Trésor intitulée « Le régime concernant l’après-mandat dans la fonction publique » apporte un autre élément de preuve à l’appui de la position du fonctionnaire. Ainsi, à l’article 19 on peut lire que le fonctionnaire bénéficiant de la prime de départ anticipé est traité comme s’il avait été mis en disponibilité, alors qu’en réalité il se trouve à avoir démissionné.

L’avocat cite en outre la décision d’arbitrage rendue dans l’affaire Bonhomme (dossier de la Commission 166-2-23779). Dans cette affaire, le fonctionnaire avait été déclaré excédentaire et avait opté pour la PDA au lieu de la partie non expirée de la période de priorité excédentaire. Selon l’avocat, la question en litige était de savoir si on aurait tenir compte de ses années de service dans le calcul de ses crédits de congé annuel à la lumière de la clause 16.02j) de la convention collective pertinente, qui prévoyait que le service antérieur ne devait pas entrer en ligne de compte lorsqu’un fonctionnaire touchait une indemnité de départ, sauf si le fonctionnaire touchait l’indemnité de départ lors d’une mise en disponibilité et qu’il était de nouveau nommé à un poste moins d’un an après la date de mise en disponibilité. L’arbitre a conclu que, bien que le fonctionnaire eût démissionné, en réalité il s’agissait d’une mise en disponibilité, et il a donc fait droit au grief. De même, en l’occurrence il ne s’agit pas d’une démission réelle, et par conséquent M. Ball a droit aux avantages de la convention collective qui sont accordés aux fonctionnaires licenciées (mis en disponibilité), tel qu’il est prévu aux articles 1.1.35 et 1.1.36 de la DRE.

L’avocat de l’employeur maintient que M. Ball a demandé un « ensemble d’avantages » fondé sur la PDA qui, en l’occurrence, ne relevait pas de la Directive sur le réaménagement des effectifs. L’avocat soutient que la PDA accordée à M. Ball est autorisée en vertu du Décret fixant les conditions et modalités du programme concernant la prime de départ anticipé (C.P. 1995-1086, 27 juin 1995), qui a été

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Décision Page 8 promulgué en vertu du paragraphe 7.2(1) de la Loi sur la rémunération du secteur public.

L’avocat de l’employeur conteste l’affirmation de M e Shields selon laquelle M. Ball ne voulait pas mettre un terme à son emploi dans la fonction publique; selon M e Newman, il ne s’agit pas d’une conclusion raisonnable qu’on puisse tirer de la documentation; M. Ball, signale-t-il, était et est demeuré un EL-6 jusqu’à son départ. L’avocat fait en outre remarquer que le fonctionnaire n’a pas témoigné à l’audience et que, par conséquent, il n’y a aucune preuve quant à ses intentions réelles au-delà des conclusions qui se dégagent de la documentation. Selon M e Newman, cette documentation montre que le fonctionnaire cherchait clairement à obtenir un ensemble d’avantages; à la lumière de la demande de M. Ball, M me Legh avait suggéré qu’une façon d’acquiescer à la demande de celui-ci était de déclarer son poste excédentaire. Il est incontestable que le poste de M. Ball a été effectivement aboli à la suite de son départ, mais M. Ball n’a jamais trouvé à redire à propos du fait d’être déclaré excédentaire; il voulait quitter son poste, et il a donc remis sa démission.

M e Newman souligne que la pièce 1 est la lettre standard qu’on utilise lorsque quelqu’un est déclaré excédentaire dans le but d’obtenir la PDA. L’employeur accordait au fonctionnaire le statut d’excédentaire pendant six mois; si M. Ball avait choisi de ne pas démissionner, en tant que fonctionnaire excédentaire il aurait pu travailler jusqu’en mai 1997, auquel cas il aurait pu acquérir d’autres crédits de congé et ainsi réduire son déficit. Cependant, il a choisi de quitter la fonction publique en janvier.

M e Newman fait remarquer qu’au paragraphe 2 de la pièce 1 on peut lire que le fonctionnaire [traduction] « a le droit opter pour la prime de départ anticipé[...] » On peut y lire ensuite que [traduction] « si vous décidez d’accepter »; autrement dit, le fonctionnaire est tout à fait libre de choisir ou de ne pas choisir la PDA. M e Newman fait par ailleurs valoir qu’il y a une différence entre obtenir une indemnité de départ calculée au taux de licenciement, et le fait d’être effectivement licencié. Il y a, dit-il, une différence nette entre la démission et le licenciement. De plus, le fait de déclarer un fonctionnaire excédentaire ne mène pas automatiquement au licenciement; le fonctionnaire n’est licencié que si certains faits se produisent, et un certain nombre de faits peuvent entraîner des circonstances autres que le licenciement. Selon

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Décision Page 9 M e Newman, M. Ball connaissait ses options et a choisi de démissionner au lieu de chercher un autre emploi, ou d’attendre d’être licencié.

L’avocat de l’employeur fait par ailleurs remarquer que le Décret sur le programme concernant la prime de départ anticipé prévoit le calcul de la PDA au taux de mise en disponibilité, c’est-à-dire qu’il ne parle de licenciement (mise en disponibilité) que dans le contexte de l’établissement du taux applicable au montant de l’indemnité de départ. Les lignes directrices du Conseil du Trésor mentionnées par M e Shields, de souligner M e Newman, prévoient uniquement qu’un fonctionnaire se voit garantir une indemnité de départ calculée au taux de mise en disponibilité, nonobstant le fait que le fonctionnaire se trouve, juridiquement parlant, à démissionner; cela ne veut pas dire qu’une démission présentée dans le contexte de la PDA constitue un licenciement dans tous les cas.

L’avocat de l’employeur fait par ailleurs valoir que l’affaire Bonhomme (supra) ne portait que sur la question de l’emploi continu dans le contexte de la mise en disponibilité réputée. M e Newman soutient que ce n’est pas ce qui est arrivé à M. Ball. Il maintient que l’employeur a été juste envers le fonctionnaire, puisque la disposition ayant trait aux crédits vise à protéger les fonctionnaires qui sont en fait licenciés contre leur gré et qui ne sont donc pas en mesure d’acquérir d’autres crédits de congé annuel et de congé de maladie. On vise ainsi à faire en sorte que la personne mise en disponibilité ne subisse pas d’autres difficultés financières du fait de devoir rembourser des crédits non acquis. M e Newman insiste sur le point que l’interprétation la plus compatible avec la réalisation de l’objet de la convention collective, aux termes de la Loi d’interprétation, est qu’on ne doit pas accorder les avantages de ces dispositions aux personnes se trouvant dans les circonstances de M. Ball.

En guise de réfutation, M e Shields signale que les demandes de congé de M. Ball ont en fait été approuvées par la direction; le fonctionnaire ne cherche nullement à obtenir une prime ici, seulement ce à quoi sa démission de janvier lui donne droit. L’avocat fait remarquer que, dans Bonhomme (supra), le même argument à propos de la démission a été invoqué puis rejeté. M e Shields fait remarquer que dans la pièce 2 le fonctionnaire ne se trouve pas à déclarer qu’il démissionne; il se trouve plutôt à

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Décision Page 10 accepter la PDA et les conditions et modalités énoncées dans la formule, ce qui inclut les avantages découlant d’une mise en disponibilité.

Motifs de la décision Les deux parties conviennent que la présente affaire repose essentiellement sur l’interprétation et l’application des clauses 17.18 et 19.09 de la convention collective pertinente (soit la convention conclue entre le Conseil du Trésor et la FIOE, section locale 2228, dont la date d’expiration est le 31 août 1991, code 404/89); la définition de « licenciement » qu’on trouve à la clause 2.01j) est également pertinente. Voici le libellé des clauses en question : 17.18 Lorsque l’emploi prend fin par suite d’un licenciement, l’employé-e qui a bénéficié d’un nombre de jours de congé annuel payés supérieur à celui qu’il a acquis est considéré comme ayant acquis le nombre de jours de congé payé qui lui a été accordé, si, au moment de son licenciement, il justifie de deux (2) années ou plus d’emploi continu.

19.09 En cas de licenciement, l’employé-e qui a bénéficié de plus de jours de congé de maladie payés qu’il n’en a acquis est considéré comme ayant acquis le nombre de jours de congés payés qu’on lui a accordés, si, au moment du licenciement il justifie de deux (2) ans ou plus d’emploi continu.

2.01 j) « licenciement » (personne mise en disponibilité) désigne l’employé-e qui a cessé d’occuper un emploi en raison d’un manque de travail ou parce qu’une fonction cesse d’exister;

Le règlement de la présente affaire repose sur la question de savoir si le fonctionnaire a été licencié, aux termes des clauses 17.18 et 19.09, comme le soutient le fonctionnaire, ou s’il a plutôt démissionné, ce que maintient l’employeur. La question à trancher est donc assez simple, tout comme, à mon avis, la conclusion qui s’impose. Le document critique est la pièce 2 intitulée « Early Departure Incentive (EDI) Election »; il y a dans ce document un certain nombre de dispositions qui sont pertinentes en l’espèce, dont les deux premiers points figurant sous la rubrique « TERMS AND CONDITIONS » (conditions et modalités), qui sont ainsi formulées :

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Décision Page 11 [Traduction] Vous devez accepter la PDA par écrit dans les 60 jours civils suivant la date de l’offre. Vous devez mettre un terme à votre emploi dans la fonction publique à une date acceptable à la direction dans les six mois suivant la date de l’offre.

Sous la rubrique « EMPLOYEE'S ACCEPTANCE » (acceptation de l’employé), on trouve les dispositions qui suivent : [Traduction]  J’accepte par les présentes l’offre de PDA et les conditions et modalités qui s’y rattachent, et je demande l’approbation de ma démission avec effet le 16 janvier 1997 (le lendemain de ma dernière journée de travail). Je reconnais que cette offre doit être approuvée par le commandant/directeur.

Si je ne réponds pas à cette offre avant la date limite, je reconnais que je serai assujetti aux conditions suivantes : J’aurai le statut d’excédentaire payé en retour des services que je rendrais pendant une période de six mois à compter du jour suivant l’offre. Si je ne suis pas nommé à un poste avant la fin de la période rémunérée d’excédentaire de six mois, je pourrai être mis en situation d’excédentaire non rémunéré pour une période de 12 mois au cours de laquelle je continuerai d’avoir le droit d’être nommé à un poste en priorité. (Pour plus de renseignements au sujet des avantages auxquels vous avez droit, consultez votre spécialiste en rémunération.) Si je ne suis pas nommé à un poste avant la fin des 12 mois pendant lesquels je serai en situation d’excédentaire non rémunéré, je serai mis en disponibilité. Si je refuse une offre d’emploi raisonnable durant la période de priorité d’excédentaire, je serai mis en disponibilité.

Au bas de la formule, on peut lire la déclaration imprimée qui suit : [Traduction] LA DÉMISSION DU FONCTIONNAIRE PRENDRA EFFET LE 16 JANVIER 1997.

(Il y a lieu de noter que cette date a été inscrite à la main et qu’elle est suivie des initiales de M. Ball. De plus, il y a une case pour la signature du fonctionnaire, que M. Ball a signée et datée.) Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 12 Quelle que soit l’interprétation qu’on donne à ce document, il est évident que la pièce 2 constitue une demande écrite de démission, laquelle a été dûment acceptée par les représentants de l’employeur et a pris effet le 16 janvier 1997. Il est vrai que cette demande a été présentée dans le contexte de l’abolition imminente du poste du fonctionnaire. Il est également vrai que pour certains besoins (p. ex. l’indemnité de départ), la Directive sur le réaménagement des objectifs prévoit qu’une démission sera réputée constituer une mise en disponibilité (voir le paragraphe 9 de l’exposé conjoint des faits). Cependant, la question simple que j’ai à trancher est la suivante : ces circonstances constituent-elles une démission ou un licenciement pour les besoins des clauses 17.18 et 19.09? À mon avis, on a affaire ici à une situation classique de démission; le fonctionnaire a de son gré choisi de mettre un terme à son emploi, et il en a avisé la direction par écrit, qui a accepté sa démission et ainsi mis un terme au processus. Comme c’est habituellement le cas, il y a des conséquences qui découlent de la démission, et il y aurait eu en fait des conséquences différentes si le fonctionnaire avait décidé de demeurer en poste jusqu’à la fin de sa période de priorité d’excédentaire. Cela ne modifie toutefois pas la nature ni la qualité de son acte, qui ne peut être considéré que comme une démission. Compte tenu de toutes les circonstances, cela semble avoir été une décision éclairée et rationnelle de la part du fonctionnaire, qu’il a prise librement et dont il a tiré un certain avantage. Dans ce contexte, je signale le passage suivant de l’ouvrage de Brown et Beatty, intitulé Canadian Labour Arbitration, 3 e édition, au paragraphe 7:7100: [Traduction] Lorsqu’ils ont à déterminer si un employé a quitté ou non son emploi, les arbitres s’entendent en général pour dire que, essentiellement, il leur incombe de déterminer l’intention de l’employé concerné. Autrement dit, l’arbitre doit déterminer si l’employé voulait effectivement mettre un terme à son emploi. Il se dégage en outre des décisions les plus anciennes un consensus selon lequel l’acte de démissionner comprend à la fois l’intention subjective de quitter son poste et une conduite objective quelconque traduisant cette intention dans les faits. On peut ainsi lire ce qui suit dans une décision particulière :

L’acte de résigner ses fonctions comporte un élément subjectif aussi bien qu’objectif. L’employé qui désire quitter le service de la compagnie doit d’abord décider de le faire, puis il doit faire quelque chose pour concrétiser sa décision. Ce quelque chose peut consister en un avis,

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Décision Page 13 dans la forme prévue par la convention collective, il peut s’agir d’une conduite, par exemple accepter un autre emploi, qui est incompatible avec le fait de demeurer au service de la compagnie.

En établissant cette double norme, les arbitres ont voulu reconnaître que le simple fait d’affirmer qu’on démissionne peut, si la déclaration n’est suivie de rien d’autre et si elle est faite dans certaines circonstances, traduire davantage un sentiment de frustration ou de colère de la part de l’employé qu’une intention réelle de démissionner. Par conséquent, les arbitres ont toujours exigé une preuve quelconque comme quoi l’employé s’est conduit ou a agi de manière à confirmer son intention de démissionner. De plus, en évaluant la conduite de l’employé, les arbitres ont reconnu que dans certaines circonstances, par exemple lorsque l’employé à temps partiel occupe deux emplois ou qu’il est atteint de troubles psychiatriques graves, la conduite de l’employé peut refléter une intention autre que le désir de quitter son emploi.

En l’espèce, les faits satisfont amplement aux critères énoncés ci-dessus pour établir une démission authentique.

J’estime par ailleurs que les articles 1.1.35 et 1.1.36 de la Directive sur le réaménagement des effectifs (supra) sont peu utiles pour la cause du fonctionnaire. À mon avis, ces dispositions n’ont aucun rapport avec les clauses 17.18 et 19.09 de la convention collective; il y a lieu de signaler, incidemment, que la clause 17.18 se trouve sous l’article intitulé « Congé annuel », tandis que la clause 19.09 se trouve sous l’article 19 intitulé « Congé de maladie ». Ainsi, ni l’une ni l’autre de ces dispositions ne traite de l'article 1.1.36 de la DRE. J’ajouterai par ailleurs qu’à mon avis la décision « Bonhomme » (supra) jette peu de lumière sur les points en litige en l’espèce. Dans Bonhomme, ce qui était en litige c’était l’application de la disposition de la convention collective ayant trait à la prise en considération du service dans le calcul des crédits de congé annuel. La décision n’appuie pas la proposition voulant qu’un fonctionnaire ayant le statut d’excédentaire qui démissionne pendant la période de priorité d’excédentaire est considéré, pour tous les besoins aux termes d’une convention collective, avoir été mis en disponibilité. Une telle interprétation irait manifestement à l’encontre du libellé clair et simple des clauses 17.18 et 19.09 de la convention collective; de plus, elle n’est pas justifiée par les termes de la Directive sur le réaménagement des effectifs.

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Décision Page 14 Par conséquent, pour les motifs énoncés ci-dessus, le grief est rejeté.

P. Chodos, vice-président OTTAWA, le 16 juillet 1998.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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