Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Harcèlement sexuel - Harcèlement personnel - Fardeau de la preuve - Crédibilité - Réintégration - le fonctionnaire, psychologue en chef dans un pénitencier, avait déjà fait l'objet d'une plainte de harcèlement de la part d'une de ses subordonnées - l'employeur a fait enquêter sur la plainte et a conclu que le fonctionnaire avait fait des remarques équivalentes à des actes de harcèlement sexuel et personnel à l'égard du personnel - l'employeur a licencié le fonctionnaire - l'arbitre a conclu que, bien que les remarques faites par le fonctionnaire aient été déplacées, la preuve relative aux allégations de harcèlement sexuel ou personnel était loin d'être claire et convaincante - l'arbitre a ordonné la réintégration du fonctionnaire assortie d'une indemnisation complète. Grief admis. Décisions citées :Re Bernstein and College of Physicians and Surgeons (1977), 15 O.R. (2d) 447; Re School Dist. No. 33 and Chilliwack Teachers' Assn. (1990), 16 L.A.C. (4th) 94; Samra (166-2-26543); Janzen v. Platy Enterprises Ltd. (1989), 10 C.H.R.R. D/6205; Re Western Star Trucks Inc. and I.A.M. (1997), 69 L.A.C. (4th) 250; Hornsby v. Paul's Restaurant Ltd. (1994), 24 C.H.R.R. D/516; Bailey v. Anmore (Village) (1992), 19 C.H.R.R. D/369.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28549 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE James A. Seager fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada Service correctionnel)

employeur Devant : Ken Norman, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : James Bart, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Ronald Snyder, avocat

Affaire entendue à Saskatoon (Manitoba), du 14 au 18 décembre 1998.

DÉCISION Le 15 décembre 1997, la directrice du pénitencier de la Saskatchewan, M m e Heather Bergen, a congédié M. James A. Seager, psychologue en chef du service de psychologie du pénitencier. Elle a donné les motifs suivants dans la lettre de licenciement : [Traduction] Il est clair, à mes yeux, que des fautes de conduite graves ont été commises et que ces fautes justifient votre licenciement motivé du Service correctionnel du Canada. Notamment, vous vous êtes rendu coupable de harcèlement sexuel lorsque vous avez outrepassé vos fonctions en relatant des expériences sexuelles personnelles à des employées qui se sont senties intimidées, mal à l'aise et victimes d'abus. Vous vous êtes aussi rendu coupable de harcèlement personnel du fait que vous avez traité les employées selon leur niveau de scolarité et la nature de vos rapports avec elles de telle sorte que certaines d'entre elles se sont senties isolées et dévalorisées. Vos remarques au sujet des détenus autochtones et des Anciens étaient méprisantes et offensantes.

[C'est moi qui souligne] J'ai souligné le type de fautes de conduite graves reprochées par M m e Bergen car j'ai l'intention de les examiner une à une après avoir passé en revue les processus d'enquête et de consultation. Cette méthode facilitera l'examen des éléments de preuve produits par les 17 témoins que j'ai entendus au cours des cinq jours de l'audience. Ces éléments de preuve ont porté sur de nombreux incidents survenus pendant le séjour de M. Seager au service de psychologie du pénitencier de la Saskatchewan, soit du 17 janvier 1994 jusqu'à sa suspension, puis son congédiement, presque quatre ans plus tard.

Vu les répercussions du congédiement sommaire de M. Seager sur sa réputation professionnelle et sa carrière, et vu la nature des actes de harcèlement pour lesquels il a été condamné, ma tâche consiste à déterminer si l'employeur a réussi à démontrer par des preuves « claires, convaincantes et solides » que le congédiement sommaire était fondé sur un motif valable. Voir les affaires Bernstein and College of Physicians and Surgeons of Ontario (1977), 15 O.R. (2d) 447. (Cour divisionnaire, juges O'Leary, Steele et Garrett); Board of School Trustees (Chilliwack) and Chilliwack Teachers' Association (1990), 16 L.A.C. (4th) 94 (H.A. Hope c.r.) et Satwinder Samra et le Conseil

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Décision Page 2 du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada) (dossier de la CRTFP 166-2-26543), (vice-président L.M. Tenace) [1996] C.P.S.S.R.B. No70, (1996) 30 Recueil de décisions de la CRTFP 13. Compte tenu de cette norme de la preuve qui, comme l'a dit M. Tenace au paragraphe 87 de l'affaire Samra, exige « [...] davantage qu’une simple prépondérance de la preuve » parce que, comme il l'indique au paragraphe 88 il cite l'ouvrage Gorsky's Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration [traduction] « ...plus un comportement est inhabituel ou répréhensible, plus la preuve d’un tel comportement doit être convaincante avant que nous puissions croire qu’il s’est produit. », je vais subdiviser la présente décision arbitrale en parties dans le but de mettre l'accent sur cette preuve, type par type, allégation par allégation.

Processus d'enquête et de consultation Le 4 août 1997, M m e Teresa Szmukier, psychologue au pénitencier de la Saskatchewan, a remis une lettre de 13 pages au directeur adjoint, M. T.V. Taylor, dans laquelle elle accusait le psychologue en chef, M. James A. Seager, de nombreuses choses. Le 22 août 1997, le sous-commissaire, M. Rémi Gobeil, a chargé M. Rob Tropak et M me Melanie Penner de mener une enquête sur le harcèlement. L’enquête a été effectuée du 10 septembre au 28 octobre. Dans le rapport qu'ils ont présenté le 7 novembre 1997 (ci-après appelé le Rapport Tropak/Penner), il se sont limités au harcèlement sexuel en passant en revue les allégations et les réfutations remontant à janvier 1996. Pendant l’enquête, ils ont dressé une liste de « propos déplacés » que M. Seager aurait tenus à d'autres personnes que M m e Teresa Szmukier et l’ont remise à M me Bergen. Le 10 octobre, cette dernière a informé M. Seager que l'enquête sur le harcèlement sexuel avait révélé que [traduction] « [...] vous avez décrit des expériences ou fantasmes sexuels personnels lors de conversations avec aux moins trois employées du Centre de traitement (exemples ci-joints) », et l'a suspendu sans traitement en attendant de connaître les conclusions d’une autre enquête.

Le 20 octobre, M me Bergen a demandé à la sous-commissaire, M m e Brenda LePage, et à l'agent principal de projet, M. Barry Read, de déterminer si M. Seager avait tenu des propos déplacés à M m es Linda Coombs, Debbie Taylor, Judy Unruh et à d'autres membres du personnel. Le 3 novembre, les deux enquêteurs lui ont remis leur rapport (ci-après appelé le Rapport LePage/Read) relativement à ces propos déplacés. Il faisait état du troisième type de propos déplacés concernant les détenus autochtones et un

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Décision Page 3 Ancien qui participaient au programme de traitement des délinquants sexuels autochtones. Au sujet de la question de savoir si les propos relevés par les enquêteurs dénotaient un manque de professionnalisme de la part de M. Seager, M me Bergen a demandé l'avis de M. Tim Leis, qui était alors directeur des Programmes et des Opérations au Centre psychiatrique régional de Saskatoon, et à M. Vince Roper, psychologue principal au pénitencier à sécurité maximale d'Edmonton. Par des lettres datées respectivement du 12 et du 16 novembre, MM. Leis et Roper ont donné leur avis (pièces E-5 et E-7). Le 20 novembre, M. Seager a été avisé qu’une audience disciplinaire présidée par la directrice aurait lieu le 4 décembre pour examiner [traduction] « [...] les allégations de harcèlement faites par M me Teresa Szmukier et passer en revue les résultats de l'enquête disciplinaire sur les allégations de harcèlement faites par M mes Debbie Taylor, Linda Coombs et Judy Unruh ». Harcèlement sexuel Le Rapport Tropak/Penner a ramené à neuf allégations de harcèlement sexuel la lettre d'accusations de 13 pages rédigée par M m e Teresa Szmukier, et a conclu que cinq d'entre elles étaient fondées selon la norme de la preuve civile ordinaire, soit la prépondérance des probabilités (pièce E-1, p. 12). Devant moi, ces cinq allégations ont été ramenées à deux.

M. Seager a admis les faits de la première allégation (n Tropak/Penner. L'incident s'est produit en mai 1997 lors de la discussion clinique du cas d'un délinquant sexuel qui avait dévoilé à M relation sexuelle avec une adolescente de 15 ans. M moral de cette relation avec M. Seager et lui a demandé quel était l'âge de nubilité aux termes du Code criminel. M. Seager a consulté le Code et a discuté des deux catégories de relations consensuelles avec un mineur dont il est question dans le Code. Il a cité des exemples, que M me Szmukier n'a pas été jugé satisfaisants, selon lesquels si le mineur avait plus de 14 ans et si la ou le partenaire sexuel n'occupait pas un poste d'autorité, il n'y avait pas de crime. Il a ensuite demandé à M sa fille. Elle lui a répondu qu'elle avait 16 ans. M. Seager a alors affirmé qu'il ne commettrait pas d'acte criminel s'il avait des relations consensuelles avec sa fille. M m e Szmukier a déclaré que, quoiqu’elle n’eût rien dit, elle aurait voulu le gifler. Elle a jugé que c'était salaud de la part de M. Seager de dire une chose pareille. M. Seager a

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o 4) du Rapport m e Szmukier avoir entretenu une me Szmukier a discuté de l'aspect m e Szmukier quel âge avait

Décision Page 4 affirmé lors de son témoignage qu'il s'agissait d'une discussion clinique qui s'était poursuivie pendant une dizaine de minutes. Il n’avait relevé aucun signe de bouleversement chez M m e Szmukier. Lors de son témoignage, il s'est quand même excusé en disant qu'à bien y penser l’exemple utilisé [traduction] « [...] n'était pas le genre de chose qu'une mère veut entendre. »

La deuxième allégation (n o 9) du Rapport Tropak/Penner a été réduite de la moitié devant moi. L'avocat a laissé tomber la partie de l'allégation le D accusé de s'être approché trop près de M insistance dans les yeux et de lui avoir soufflé son haleine. Il restait quelques propos que M. Seager aurait tenus au sujet de sa sexualité et de ses expériences sexuelles. Personne n’avait été témoin des propos reprochés par M explications que cette dernière a fournies aux enquêteurs, ils étaient identiques ou analogues à ceux que M. Seager aurait tenus à d'autres thérapeutes féminines du programme de traitement des délinquants sexuels.

En devenant psychologue en chef en octobre 1994, M. Seager s’est retrouvé, dans les faits, responsable de l'ensemble du service de psychologie du pénitencier de la Saskatchewan. Il était donc en mesure de donner une nouvelle orientation au service. Au cours des deux années qui ont suivi, le service a embauché six thérapeutes, quatre psychologues, un technicien, une préposée aux tests et un étudiant. D'après le témoignage du D r Seager, celui-ci voulait établir avec son personnel des rapports collégiaux du genre de ceux qui prévalent dans le milieu universitaire. Il a donc cherché à se lier d'amitié avec les thérapeutes. Les conséquences néfastes de cette décision de gestion ont commencé à se faire sentir en juin 1995 lors de la mutation au pénitencier des premières thérapeutes, M mes Debbie Taylor et Judy Unruh. M m e Bergen avait confié à M. Seager la responsabilité de la mise en œuvre d'un programme de traitement pour délinquants sexuels et ces mutations constituaient la première étape du processus.

Aucune de ces deux nouvelles thérapeutes n’avait de formation thérapeutique ou médicale. M. Seager leur a remis de la documentation et les a invitées à le rencontrer pour lui poser des questions. Il leur a également consacré beaucoup de temps durant et après les heures de bureau. Il répondait à leurs questions en suivant presque toujours le scénario que j'ai décrit plus haut relativement à l'allégation n o 4. Il Commission des relations de travail dans la fonction publique

r Seager est me Szmukier, de l’avoir regardée avec me Szmukier, mais, selon les

Décision Page 5 commençait par répondre à une question en s’appuyant sur les écrits, puis il y allait souvent du récit d'une de ses expériences sexuelles. Au fil du temps, beaucoup de ces récits en sont venus à être répétés. En agissant ainsi, M. Seager visait l’un de deux objectifs suivant le contexte dans lequel se déroulait la discussion. Dans un premier temps, il voulait donner un aperçu de la sexualité masculine à de nouvelles thérapeutes qui allaient devoir consacrer 95 % de leur temps à discuter avec des délinquants sexuels des formes normales et déviantes de leur sexualité. Dans un deuxième temps, et c’était l’objectif le plus important, il voulait les sensibiliser à l'impact négatif que leur travail avec des délinquants sexuels était susceptible d'avoir sur leur vie personnelle.

Selon M. Seager, lors de ses propres études doctorales, les professeurs avaient fait part de leurs expériences sexuelles aux étudiants en vue d'atteindre ces mêmes objectifs. Pour étayer le deuxième objectif, M. Seager m'a remis un recueil de recherches publié récemment par Stacey Bird Edmunds intitulée Impact: Working with Sexual Abusers (Safer Society Press: Brandon, Vermont, 1997). Plus particulièrement, il s’est appuyé sur l'introduction rédigée par M. Robert E. Freeman-Longo, MRC, LPC, CCJS, et le premier chapitre, portant la signature de Stacey Bird Edmunds, les deux auteurs décrivent le traumatisme secondaire qu’ils ont ressenti à la suite du traitement thérapeutique d'un délinquant sexuel.

La situation qui a donné lieu à l'allégation n o 3, rapportée dans le Rapport LePage/Read, selon laquelle M. Seager aurait dit : [traduction] « Vous ne pouvez pas passer trois jours sans vous masturber » permet d’illustrer le premier type de propos. Comme ce fut le cas relativement à plusieurs autres allégations de récits d'expériences sexuelles personnelles qui ont été jugés déplacés, ces propos ont d’abord été tenus à M mes Taylor et Unruh, à la même occasion, dans un contexte clinique. M m es Taylor et Unruh avaient exposé à M. Seager le cas d'un délinquant sexuel âgé de 26 ans qui, lors d'une discussion de groupe, avait affirmé n'avoir jamais eu de fantasme sexuel et ne s’être jamais masturbé, et lui avaient demandé si c'était possible. M. Seager leur avait cité les résultats de travaux de recherche pertinents et avait alors dit que c'était tout à fait impossible chez un homme de 26 ans. Il avait ensuite lancé que lui-même ne pouvait pas passer trois jours sans se masturber. Lors de son témoignage, il a affirmé que cette remarque avait fait rire ses interlocutrices. Personne ne lui a reproché ces propos, et M m es Taylor et Unruh n'ont donné aucun signe visible de malaise. Ces Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 dernières ont témoigné qu'elles s'étaient senties mal à l'aise et que M. Seager avait répété ces propos à d’autres occasions.

Au cours des premières semaines, M m es Taylor et Unruh ont discuté de ces révélations soudaines et d'autres révélations du même genre faites par M. Seager dans des contextes cliniques et parfois de « façon complètement inattendue ». Ni l'une ni l'autre ne trouvaient que les exemples leur apprenaient quoi que ce soit. Cela se passait à une époque elles-mêmes et M. Seager constituaient les seuls thérapeutes du service de psychologie, ils cherchaient à fraterniser pour aider M. Seager à mener son expérience de la gestion collégiale, et où, par conséquent, ils passaient beaucoup de temps ensemble. M mes Taylor et Unruh ont toutes les deux affirmé s’être senties mal à l'aise et contrariées par les constantes révélations de M. Seager. M m e Taylor a déclaré qu'elle s'était sentie dévalorisée et qu'elle avait dit à M. Seager : « Nous n'avons pas besoin de savoir ces choses ». M me Judy Unruh a confirmé ce témoignage et a précisé qu'elle pouvait voir, d'après le langage corporel de M m e Debbie Taylor, que c'était effectivement ce qu'elle laissait savoir à M. Seager. J'ai entendu le témoignage de M m es Linda Coombs et Mona Rudyk, la deuxième équipe de thérapeutes, selon lequel les révélations sexuelles de M. Seager les avaient également mises mal à l’aise, et que, tout comme la première équipe, elles n’avaient pas trouvées utiles dans leur travail.

Contredisant carrément les témoignages des quatre premières thérapeutes, M mes Alison Coleman et Shirlee Soulier, la troisième équipe de thérapeutes, ont déclaré avoir trouvé les propos de M. Seager convenables et utiles sur le plan clinique. Elles le considéraient et le considèrent toujours comme un mentor. La psychologue, M m e Gurmeet Dhaliwal, a également témoigné en ce sens. Enfin, le témoignage de la préposée aux tests, M me Dianne Buchanan, a également été favorable à M. Seager. Plus particulièrement, elle a corroboré en tous points la description de l'incident faite par ce dernier relativement à une des accusations de M m e Szmukier. Je reviendrai sur ce point lorsque j’aborderai la question de la crédibilité des témoins et que je tirerai mes conclusions.

J'ai entendu les témoignages de trois psychologues travaillant pour le Service correctionnel du Canada, soit, M. Tim Leis, directeur exécutif du Centre psychiatrique régional de Saskatoon, M. Vince Roper, psychologue principal du pénitencier à sécurité maximale d'Edmonton, et M. Terry Nicholaichuk, psychologue régional, région des

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Décision Page 7 Prairies, lesquels ont tous reçu une copie du Rapport Lepage/Read. Ces trois psychologues ont clairement indiqué que ces révélations étaient contraires au code professionnel et qu’elles n’étaient pas justifiées. C’est sur les avis de MM. Leis et Roper que M m e Bergen s’était appuyée (pièces E-7 et E-5). Les psychologues ont adopté la même position concernant le deuxième type de propos tenus par M. Seager. Aucun d'entre eux, cependant, ne connaissait les écrits dans le domaine du « traumatisme secondaire » lié au traitement de délinquants sexuels, plus particulièrement les travaux de M. Freeman-Longo.

L'allégation n o 2 décrite dans le Rapport LePage/Read, soit que M. Seager aurait déclaré : [traduction] « En rentrant à Prince Albert en voiture avec M m e Taylor, vous vous êtes imaginé l’amenant de force dans le bois pour la violer, sans que personne n’en sache jamais rien » illustre le deuxième type de propos. M. Seager a tenu pour la première fois ces propos à une réunion du service de psychologie en juillet 1996 à laquelle assistaient une douzaine de personnes. M m e Debbie Taylor a déclaré qu'elle en avait été « [...] dégoûtée et bouleversée ». M me Judy Unruh a affirmé que cette remarque l'avait « [...] complètement sidérée ». M m e Alison Coleman et Shirlee Soulier étaient présentes à la réunion. Elles ont déclaré qu'elles avaient compris que M. Seager s'était servi de cet exemple au cours d'une discussion au sujet de la vulnérabilité des femmes dans notre société. Dans le contexte de la réunion du service, ni l'une ni l'autre n'ont été scandalisées par ce commentaire.

M. Seager a reconnu avoir fait ce commentaire. Il a toutefois affirmé catégoriquement qu'il ne l'avait pas présenté comme un fantasme. Il voulait donner un exemple du démon qui l’habitait et avec lequel il devait vivre depuis qu'il avait écouté un délinquant sexuel faire le récit de son crime quatre ans plus tôt. Il avait raconté de manière graphique comment, en faisant de l’auto-stop, il avait brutalisé et assassiné une femme qui avait commis l'erreur de le faire monter avec son copain. Depuis cette séance de thérapie, le fait pour M. Seager de se retrouver seul dans une voiture avec une femme sert de « déclencheur », et le récit du délinquant sexuel se met à défiler dans sa tête. Il n'en tire aucune satisfaction, car l'expérience le traumatise chaque fois.

C'est un exemple de l'impact qu’a dans sa vie le travail auprès des délinquants sexuels. Il voulait que les membres de son personnel sachent que ces « déclencheurs » ou ce type de « traumatisme secondaire » étaient une réaction

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Décision Page 8 normale au travail « anormal » qu’ils effectuaient. Son objectif était d'encourager les membres du personnel à parler de telles réactions lorsqu’elles survenaient, et d'en discuter avec lui. Il a déclaré que six personnes qui avaient travaillé avec des délinquants sexuels étaient allées le voir pour discuter justement de ce genre de « traumatisme secondaire ». M. Seager a terminé son témoignage sur ce point en disant qu'il regrettait sincèrement d'avoir mentionné le nom de M me Debbie Taylor en racontant cette histoire vu qu'il sait maintenant qu'elle a pu avoir été blessée par ces propos.

Il m'est impossible de continuer l'arbitrage du présent grief sans d'abord tirer des conclusions au sujet de la crédibilité des témoins. D'une part, comme je l'ai déjà fait remarquer, le témoignage de M m e Teresa Szmukier au sujet des propos déplacés n'a pu être corroboré par des témoins. D'autre part, je rejette sa version lorsqu’elle contredit celle de M. Seager parce que je nourris de sérieux doutes au sujet de la crédibilité de M m e Szmukier, pour deux raisons. En premier lieu, je suis convaincu qu'elle a elle-même pris l'initiative d'une sorte de jeu verbal à connotation sexuelle avec M. Seager, jeu qu'elle a voulu poursuivre malgré la résistance de ce dernier. L’incident qui s’est produit à Edmonton où, devant un témoin, elle s’est amusée à essayer de tirer M. Seager d’un ascenseur pour l’emmener à sa chambre et l’invitation qu’elle a admis lui avoir faite par la suite de venir prendre le thé à sa chambre ne sont que des exemples parmi d'autres. L'étrange message électronique on peut lire « Je t'aime » suivi de « Je ne t'aime pas » est un autre exemple. La troisième remarque que j’aimerais formuler à cet égard concerne la question de savoir exactement laquelle de ces deux personnes semble avoir un problème d’espace vital. Contrairement à la partie de l'allégation n o 9 selon laquelle M. Seager a profité de l'occasion pour s’approcher trop près de M me Szmukier, qui a été abandonnée devant moi, je suis convaincu que c'est l'espace vital de M. Seager que M me Szmukier a envahi. Cela est clairement confirmé par le témoignage d'un tiers concernant le premier de deux incidents particuliers mentionnés dans la liste des accusations portées par M m e Szmukier qui ont été niés par les autres personnes qui, comme l'a reconnu M me Szmukier, ont été témoins des incidents. L'incident en question concerne le récit extraordinaire fait par M m e Szmukier d’une réunion M. Seager serait devenu visiblement excité sexuellement lors d'une confrontation à laquelle M me Dianne Buchanan avait été invitée à titre d'observatrice par M. Seager. À un moment donné au Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 9 cours de cette confrontation, selon le témoignage de M me Buchanan, M me Szmukier a soudainement bondi devant M. Seager et a placé son visage très près du sien. M. Seager a eu un mouvement de recul. Lors du contre-interrogatoire, j'ai eu l'occasion d'observer la réaction de M. Seager lorsque l'avocat, employant la même tactique, s'est soudainement approché de lui; M. Seager a eu un mouvement de recul et m'a demandé s'il devait accepter cela. J'ai demandé à l'avocat de garder ses distances pendant son interrogatoire. Je ne crois pas que M. Seager ait pu feindre cette réaction. Par conséquent, je conclus que c'est M. Seager et non pas M m e Szmukier qui a besoin d'un certain espace vital. En ce qui concerne l'excitation sexuelle visible de M. Seager, ce dernier et M me Buchanan nient que ce soit arrivé. En outre, vu que la réunion comportait des confrontations dont M me Szmukier était à l’origine, le contexte était très peu propice à exciter qui que ce soit sexuellement.

Le deuxième motif concerne l'accusation de M m e Szmukier selon laquelle celle-ci aurait entendu M. Seager demander à trois femmes du service quelle était la fréquence de leurs rapports sexuels. Cette allégation a été niée par M. Seager et les autres personnes qui ont participé à la conversation en question. En résumé, tout ce qui précède m’amène à mettre en doute la crédibilité de M me Szmukier. En ce qui concerne les propos déplacés qu’auraient entendus des témoins, la crédibilité de ces derniers est plus difficile à déterminer à cause d'un certain nombre de facteurs. Premièrement, même si le témoignage des prétendues premières victimes, M mes Taylor et Unruh, est crédible, la vérité est que ni l'une ni l'autre n'ont jamais eu l'intention de déposer une plainte de harcèlement sexuel ou autre contre M. Seager. Elles ont été identifiées par M m e Szmukier et n'ont pour ainsi dire pas eu d'autre choix que de répondre aux questions des enquêteurs ou de faire une déclaration écrite. Deuxièmement, elles ont été interrogées au sujet des propos déplacés plus de deux ans après les faits. Troisièmement, une conséquence tout à fait normale, mais non pas intentionnelle, d'après moi, du fait qu’elles ont discuté entre elles de leurs souvenirs et de leurs réactions, est qu’elles ont brossé un tableau identique des incidents quand les enquêteurs les ont interrogées pour la première fois. Cela est compréhensible. Toutefois, dans un cas manifeste, ce tableau était visiblement erroné, et M. Seager en a, avec raison, nié les deux éléments vitaux lorsque les enquêteurs lui ont fait part de l'allégation. Bien que regrettable, ce genre d'erreur est également compréhensible.

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Décision Page 10 Dans l'allégation n o 6 du Rapport LePage/Read, qui découle de l'enquête antérieure au sujet de la plainte de harcèlement sexuel de M m e Szmukier, il est dit : « [...] vous avez eu vos premiers rapports sexuels avec une fille pendant que jouait la chanson Brown Sugar ». Cette allégation n'a pas été corroborée par les témoins que j'ai entendus. Après avoir entendu les témoignages de M mes Taylor et Unruh et de M. Seager au sujet de cette allégation, je conclus que les deux faits réels sont les suivants. Premièrement, M. Seager a dit que Brown Sugar, des Rolling Stones, est une chanson qu'il faudrait utiliser durant les séances de groupe du programme de traitement des délinquants sexuels parce qu'elle est très révélatrice de l'attitude souvent violente des jeunes hommes vis-à-vis des femmes. Dans la chanson Brown Sugar, les Rolling Stones semblent glorifier le viol de femmes noires à bord de navires et dans des plantations. M. Seager a également affirmé que le service devrait se procurer une copie de la chanson Shoot to Thrill du groupe AC/DC à cause des paroles misogynes incitant au meurtre qu’elle contient.

Deuxièmement, dans un contexte clinique, M m es Taylor et Unruh avaient décrit à M. Seager le cas d'un détenu qui avait révélé qu'un certain stimulus, neutre en apparence, l'excitait sexuellement. M. Seager avait répondu qu'un de ses professeurs lui avait raconté une histoire il était question d’une marque de parfum particulière et de son expérience sexuelle personnelle. Par la suite, l'odeur de ce parfum avait pour effet de l'exciter sexuellement. M. Seager avait ensuite révélé qu'un jour, en livrant une pizza à un bar d'effeuilleuses à Halifax alors qu'il avait 17 ans, il avait vu une danseuse se dévêtir au son de la musique « Fame ». Depuis, toutes les fois qu'il entend cette musique, il devient excité sexuellement.

J'accepte la version de M. Seager et je rejette la fausse image créée par l'allégation n o 6 dans le Rapport LePage/Read. M. Seager a fait des révélations sur sa vie sexuelle, mais cela se situait dans le contexte clinique d'une discussion et de son enseignement sur l'excitation sexuelle qu'un stimulus vraisemblablement neutre suscitait chez un détenu. De façon analogue, les réponses de M. Seager au reste des allégations contre lui m'ont paru crédibles. Il a répondu franchement et directement. Lors de son contre-interrogatoire serré, il n'a pas cherché à s'esquiver. Il n'était pas sur la défensive. Il n'était pas désinvolte. Il a à plusieurs reprises visiblement fouillé dans ses souvenirs personnels pour vérifier si une allégation particulière était entièrement

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Décision Page 11 ou partiellement vraie, ou totalement fausse. En somme, je trouve que M. Seager a été un témoin crédible.

La décision de M me Bergen de congédier M. Seager est fondée sur la Directive du Commissaire n o 255 en matière de harcèlement sexuel (pièce E-13). Vu que j'ai rejeté le motif d'intention, la question, aux termes de cette directive et de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Janzen v. Platy Enterprises Ltd., (1989), 10 C.H.R.R. D/6205, consiste à déterminer si M. Seager aurait raisonnablement savoir que les révélations sur ses expériences sexuelles personnelles risquaient d'offenser ou d'intimider une employée au point d’avoir un effet défavorable sur le milieu de travail. Dans une décision récente rendue dans l'affaire Western Star Trucks and I.A.M. (1997), 69 L.A.C. (4th) 250, l'arbitre Bruce cite, page 269, et fait sienne la remarque suivante dans l'affaire Hornsby and Paul's Restaurant Ltd. (1994), 24 C.H.R.R. D/516 (Humphreys): [Traduction] [...] il faut tenir compte de nombreux facteurs en vue de déterminer si certaines observations constituent du harcèlement sexuel, notamment la gravité et la fréquence des observations, si les termes employés étaient sexuellement explicites ou non, qui elles visaient et de qui il était question.

[C'est moi qui souligne] Pour commencer, et en laissant de côté pour l'instant l'ensemble des témoignages sauf ceux des quatre premières thérapeutes, le premier type de propos qu’aurait tenus M. Seager ne visaient que lui. Il ne parlait pas de la sexualité de ses interlocutrices. Ces dernières se sont toutefois senties mal à l'aise et, selon les témoignages d'experts, ce genre de propos dénotaient un manque de professionnalisme. Par conséquent, ils étaient déplacés. Est-ce que ce facteur en soi constitue du harcèlement sexuel? J’en doute. Dans l'affaire Bailey v. Village of Anmore (1992), 19 C.H.R.R. D/369 (Patch), paragr. 52, le Conseil des droits de la personne de la Colombie-Britannique conclut qu'affirmer que les propos étaient « déplacés », voire « puérils », ne signifie pas que l'on a réussi à démontrer que la plainte de harcèlement sexuel est fondée. Quant au deuxième type de propos, je ne suis pas convaincu que l'on a seulement établi qu'ils étaient déplacés, si ce n’est que M. Seager l’a lui-même admis.

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Décision Page 12 En bout de ligne, en ce qui a trait à l'allégation de harcèlement sexuel, les preuves sont loin d'être « claires, convaincantes et solides ». Je me retrouve à peu près dans la même situation que le vice-président Tenace dans l'affaire Satwinder Samra il a été appelé à se prononcer sur 11 incidents de prétendu harcèlement sexuel. Au paragraphe 106, on peut lire la conclusion suivante : Les allégations sont sérieuses. Mais le congédiement est aussi une affaire sérieuse. Même si seules les allégations les plus sérieuses avaient été prouvées, je n’aurais pas de difficulté à confirmer le congédiement de M. Samra. Ce genre de comportement ne doit pas être toléré. Toutefois, cela n’a pas été démontré à ma satisfaction si je me fonde sur les preuves produites.

Par conséquent, on n'a pas réussi à démontrer qu'il y avait lieu d'imposer une mesure disciplinaire pour harcèlement sexuel. En ce qui concerne l'allégation n o 4 du Rapport Tropak/Penner, bien que M. Seager ait reconnu que ces propos remarquables aient été déplacés, ils ne constituent pas du harcèlement sexuel. Il est incontestable qu'ils étaient offensants. Ils ont offensé une mère. Mais ils auraient assurément offensé un père également. De nouveau, il s'agit d'un cas le caractère déplacé des propos n'est pas suffisant dans un cas d'accusation de harcèlement sexuel une carrière est en jeu.

Harcèlement personnel J'ai entendu les témoignages des quatre premières thérapeutes, M mes Debbie Taylor, Judy Unruh, Linda Coombs et Mona Rudyck, qui ont déclaré que M. Seager les traitait de façon condescendante parce qu'elles n'avaient pas fait d'études postsecondaires. Selon leur perception de la façon dont il les traitait, il faisait du « favoritisme » parmi les six thérapeutes, c'est-à-dire qu'il ne tarissait pas d’éloges sur la qualité des rapports rédigés par les deux dernières thérapeutes, M m es Alison Coleman et Shirlee Soulier. M m es Coleman et Soulier sont des infirmières autorisées ayant une expérience médicale ainsi que l'expérience de la rédaction de rapports. Le résultat de tout cela est que le séjour des quatre thérapeutes au service de psychologie s’est mal terminé. Elles ont toutes demandé à être mutées, leur estime personnelle grandement diminuée.

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Décision Page 13 Contrairement aux quatre premières thérapeutes, M m e Dianne Buchanan, la préposée aux tests qui travaillait à proximité du bureau de M. Seager elle a une 12 e année plus un cours de secrétariat a déclaré que ce dernier ne l'avait jamais traitée de façon condescendante et qu'elle ne l'avait jamais entendu traiter les autres de cette façon. Une autre témoin, M m e Shirley Penner, conseillère en toxicomanie et en empathie pour les victimes auprès des Autochtones, a affirmé que M. Seager l'avait traitée comme une collègue de travail, tout comme l’avaient fait les autres psychologues avec qui elle a travaillé à l'établissement Riverbend. Elle a travaillé avec M. Seager au programme pour délinquants sexuels autochtones. Enfin, M m es Coleman et Soulier ont déclaré n'avoir jamais vu M. Seager traiter quelqu’un de manière condescendante, ou faire du favoritisme ou, en réalité, formuler des remarques désobligeantes au sujet du travail du personnel du service.

Viennent ensuite les réfutations de M. Seager. Lors de son témoignage, il a commencé par faire le récit du parcours olympien qui l'a mené de l’Université McMaster à l’Université Cambridge puis à l’Université Queen. Tout ça en moins d'une décennie. Assurément, le personnel de son service n’a pas manqué de constater à quel point il s'enorgueillit d’avoir obtenu son doctorat de brillante façon en si peu de temps. Du fait d’une telle attitude, il prête le flanc à des accusations de snobisme intellectuel et n'est peut-être pas la personne idéale pour former des thérapeutes n'ayant pas fait d'études postsecondaires et n'ayant aucune expérience médicale. Cela en fait-il pour autant un harceleur? Je n'en suis pas convaincu. M. Seager a déclaré qu'il n'avait jamais agi par méchanceté envers les quatre premières thérapeutes. Il avait leur réussite à cœur. C'est, après tout, son programme et sa carrière qui étaient en jeu. Il a reconnu avoir fait allusion à la scolarité des quatre première thérapeutes. Mais, cela a été fait dans le seul but de les encourager, de leur donner de la rétroaction positive relativement à leur travail et de leur faire comprendre que ses attentes n'étaient pas déraisonnablement élevées. Cette explication sonne juste. Malheureusement, ce n’est pas ainsi que les quatre premières thérapeutes ont interprété ses paroles.

M. Seager a déclaré qu'il n'avait tiré aucune satisfaction du témoignage des quatre thérapeutes qui ont déclaré que leur estime personnelle en avait pris un coup pendant leur séjour dans son service. Mais, les pressions au travail étaient énormes. Le service prenait rapidement de l'ampleur, et le Service correctionnel se montrait de plus

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Décision Page 14 en plus exigeant sur le plan des études exigées. C’est en grande partie la raison pour laquelle M m e Linda Coombs a quitté le service et qu’elle était si malheureuse. Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la preuve a démontré de façon claire et convaincante qu'il y a eu harcèlement personnel.

Propos désobligeants et offensants Ce troisième type d'allégation découle du Rapport LePage/Read, qui conclut (pièce E-3, page 14) en formulant une observation, laquelle je me dois d'examiner, sur le fait que [traduction] « [...] M. Seager a fait des commentaires au sujet de la culture et de la spiritualité des Autochtones Indiens des bois » et sacrifices du sang) pouvant être jugés déplacés et avilissants ou abusifs. » Les propos en question ont été rapportés aux enquêteurs par M m es Debbie Taylor et Judy Unruh. Elles ne les ont entendus qu’une seule fois. M. Seager a parlé des « Indiens des bois » quand il a affirmé qu'il ne comptait pas appliquer la nouvelle échelle de psychopathie (PCL) aux délinquants sexuels autochtones.

Pour réfuter cette allégation, M. Seager a précisé qu'il avait employé l’expression « Indiens des bois » comme il avait souvent entendu M. Joe Couture, un psychologue autochtone, le faire en parlant d'Autochtones qui avaient vécu de piégeage. M m e Shirley Penner a corroboré le fait que ce terme qu’elle a qualifié de descriptif n'avait rien de désobligeant. Elle a affirmé ne pas avoir trouvé ce terme offensant dans la bouche de M. Seager. Ce dernier ne voulait pas utiliser la nouvelle échelle de psychopathie parce qu’on n’en avait pas établi l’applicabilité à des personnes n’ayant jamais vécu en milieu urbain, ce que M me Dhaliwal a corroboré. Elle a affirmé, en sa qualité de superviseure du programme de traitement des délinquants sexuels autochtones, qu'elle n'utilisait pas l'échelle en question pour cette raison.

M. Seager a employé l’expression « sacrifices du sang » dans le contexte d'une réunion tendue avec M m es Taylor et Unruh il a dit qu'il n'était pas intéressé par ce que l'Ancien avait décidé de faire dans le cadre de sa partie du programme de traitement des délinquants sexuels autochtones. M. Seager établissait une norme pour la partie européenne du programme, norme qu'il tenait à ce que M m es Debbie Taylor et Judy Unruh respectent. Ces dernières ont interprété l’observation de M. Seager selon laquelle cela lui importait peu que l'Ancien soit ou non un adepte des « sacrifices du

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Décision Page 15 sang » ou qu'il exige que [traduction] « [...] les délinquants décapitent des poulets avec leurs dents et boivent leur sang » comme une remarque raciste. M. Seager a déclaré qu'il n'était pas raciste. Il a concédé avoir tenu des propos offensants et irrévérencieux dans le contexte de cette réunion tendue avec les deux premières thérapeutes concernant les exigences que le nouveau programme de traitement des délinquants sexuels autochtones leur imposait. Il avait seulement voulu leur indiquer que ce que l'Ancien faisait ou ne faisait pas dans le cadre de la composante relative à la spiritualité du programme ne le regardait pas.

Quant à l'allégation sous-jacente de racisme, j'ai entendu, en faveur de M. Seager, le témoignage de M m es Shirley Penner, Alison Coleman, Shirlee Soulier et Dianne Buchanan. Aucune d'elles n'a jamais entendu M. Seager tenir des propos racistes. En fait, les trois dernières se sont rappelées que M. Seager avait rappelé M me Alison Coleman à l’ordre lorsqu’elle avait employé un terme d’argot déplacé pour désigner les délinquants autochtones.

Sur la foi de ces témoignages, et compte tenu du fait que ni l'Ancien, ni aucun Autochtone, en fait, ne sont venus affirmer qu'ils s’étaient sentis offensés par les propos racistes qu'aurait tenus M. Seager M le sens contraire il n'a pas été démontré qu'une mesure disciplinaire était justifiée relativement à cette accusation.

Argumentation Les représentants des parties ont convenu que, comme dans toutes les affaires de harcèlement, il fallait se fonder sur des faits précis. Tout devait reposer sur mes conclusions à cet égard. Les représentants n'ont mentionné aucune norme particulière sur laquelle je devrais me fonder pour déterminer si l'employeur avait démontré qu'il y avait un motif valable de congédier M. Seager. Par conséquent, chaque représentant a passé en revue la très abondante et très complexe preuve en vue d’en faire ressortir les éléments qui favorisaient sa thèse. Je ne vais pas reproduire l'argumentation de chacun à cet égard étant donné que cela ne servirait à rien. Comme je l'ai affirmé au début de la présente décision, en vue de faciliter l'examen de l'abondante preuve qui m'a été soumise sur une période de plusieurs mois, j'ai décidé de tirer mes conclusions sur la

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m e Shirley Penner a plutôt témoigné dans

Décision Page 16 crédibilité des témoins et de déterminer si suffisamment d’éléments de preuve avaient été présentés relativement à chaque accusation.

Conclusion Pour les motifs indiqués, il est fait droit au présent grief. D'après la lettre de congédiement de M m e Bergen datée du 15 décembre 1997, je conclus que l'employeur n'a pas démontré de manière claire, convaincante et solide qu'il avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire à M. James A. Seager. Ce dernier doit donc être réintégré et pleinement indemnisé en date du 1 er février 1999, sous réserve du droit de l'employeur de demander la reprise de la présente audience pour trancher la question de l'atténuation des pertes. Comme je n'ai entendu aucun témoignage à ce sujet, je demeure saisi de l'affaire en vue de me prononcer sur cette question si les parties sont incapables de s'entendre sur un montant approprié.

Ken Norman, arbitre

Saskatoon, le 15 janvier 1999. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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