Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (20 jours) - Demandes frauduleuses de remboursement de frais de voyage - Crédibilité - Délai - le fonctionnaire s'estimant lésé devait se déplacer à divers lieux dans l'exercice de ses fonctions - son surveillant a témoigné que, selon la politique de l'employeur, les fonctionnaires devaient, dans la mesure du possible, se servir d'un véhicule appartenant à l'État pour leurs déplacements en service commandé - toutefois, à l'occasion, le fonctionnaire utilisait son propre véhicule pour se rendre à un lieu de travail - il présentait des réclamations de coûts kilométriques pour ses déplacements et l'employeur lui remboursait ses frais - l'employeur a constaté des écarts dans les réclamations soumises par le fonctionnaire pour l'utilisation de son propre véhicule pour des déplacements en service commandé et certains reçus produits par le fonctionnaire pour l'achat d'essence pour le véhicule appartenant à l'État pour le même déplacement le même jour - le fonctionnaire a soutenu qu'il avait fait le trajet aller-retour à deux reprises les jours en question : une fois en utilisant le véhicule de l'État et une autre fois en se servant de son propre véhicule - le fonctionnaire a expliqué que cela était dû au fait que son surveillant lui avait dit qu'il pouvait utiliser le véhicule de l'État uniquement lorsqu'il transportait d'autres fonctionnaires ou des matériaux pour se rendre à un lieu de travail et en revenir - il n'avait pas le droit de s'en servir uniquement pour se transporter lui-même - de plus, il trouvait que l'un des véhicules de l'État n'était pas très sûr et il ne voulait pas le conduire une fois la nuit tombée - le fonctionnaire a par ailleurs contesté le long délai qui s'est écoulé avant que l'employeur ne lui impose une sanction disciplinaire - l'arbitre n'a pas trouvé l'explication du fonctionnaire crédible - la politique de l'employeur permettait à un fonctionnaire d'utiliser un véhicule de l'État pour se transporter lui-même à un lieu de travail et pour en revenir - l'arbitre était convaincue que le fonctionnaire savait cela - bien que le long délai qu'a pris l'employeur pour informer le fonctionnaire et lui imposer une sanction disciplinaire fût injuste pour celui-ci, ce délai a été causé par l'enquête criminelle menée dans cette affaire - l'arbitre n'était pas d'avis que le délai avait été préjudiciable au fonctionnaire en ce qui a trait à la présentation de sa preuve - de plus, l'employeur a imposé une sanction disciplinaire moins sévère que celle qu'il aurait normalement imposée à la lumière des circonstances spéciales de l'affaire - la sanction a été jugée appropriée dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28559 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE GERALD PARISIEN fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

employeur Devant : Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Jock Climie, avocat, et Asha Kurrin, stagiaire en droit du 29 mars au 1

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), er avril et le 21 avril 1999.

Décision CISION Page 1 Gerald Parisien, un fonctionnaire de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, au niveau de classification MAM-10, a déposé un grief concernant la suspension de 20 jours, sans traitement, qu’il a subie pour avoir supposément soumis de fausses réclamations de coûts kilométriques. La lettre disciplinaire, en date du 14 octobre 1997 (pièce E-1), se lit comme suit : [Traduction] La présente fait suite à l’enquête menée par la Direction des enquêtes et de la sensibilisation à la fraude concernant des allégations de réclamations de voyage frauduleuses en janvier et en février 1993 et à l’étude administrative que j’ai faite de la situation par la suite.

L’enquête a révélé que vous avez soumis des réclamations de voyage frauduleuses pour l’utilisation de votre véhicule personnel alors que vous avez utilisé un véhicule ministériel. J’ai tenu compte de l’issue des procédures judiciaires devant la Cour de l’Ontario concernant ces événements et j’ai examiné l’information que vous et votre avocate, Mme Terri H. Semanik, m’avez fournie. À la demande de cette dernière, le ministère a attendu la fin du procès avant d’intenter quelque qu’action que ce soit.

J’en conclus que vous avez volontairement soumis des réclamations de voyage frauduleuses à plusieurs reprises, mettant ainsi en cause plusieurs centaines de dollars.

Vos actes constituent de l’inconduite grave qui démontre votre manque d’intégrité, qualité requise lorsqu’on occupe un poste comportant des responsabilités comme le vôtre. Cependant, étant donné le temps écoulé depuis ces événements et votre ancienneté au ministère, j’ai décidé de m’en tenir à une suspension.

Par conséquent, en vertu de l’article 50 du Règlement sur les conditions d’emploi dans la Fonction publique et de l’autorité que me confère le sous-ministre, vous êtes suspendu de vos fonctions, sans traitement, pendant une période de 20 jours ouvrables. Votre surveillant déterminera les dates spécifiques. Pendant votre suspension, on vous défend l’accès au ministère, et plus particulièrement, à votre lieu de travail. Au besoin, vous pouvez communiquer avec votre surveillant, M.

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Décision Page 2 Len Bozzi, au 991-5801 pour toute question durant votre suspension.

Prenez note que toute récidive pourra faire l’objet de mesures disciplinaires plus graves, y compris votre licenciement de la fonction publique.

Une copie de la présente lettre sera versée à votre dossier.

Résumé de la preuve Les réclamations de coûts kilométriques portent sur six dates : les 11, 19, 25 et 29 janvier, ainsi que les 1 er et 2 février 1993. Pour ces dates, le fonctionnaire s’estimant lésé soutient qu’il a utilisé son véhicule personnel pour se rendre aux lieux de travail, au sud d’Ottawa, qui figuraient sur ses feuilles de temps. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne conteste pas qu’il a utilisé un véhicule ministériel, soit la fourgonnette blanche ou la voiture de marque Cavalier, pour se rendre à ces lieux. Le fonctionnaire s’estimant lésé soutient qu’il a aussi se servir de son véhicule personnel pour s’y rendre. Il n’a pas pris la peine d’avertir la gestion au préalable, ni au momentil a fait ces voyages additionnels. Ce n’est que le 1 er mars 1993, qu’il en a parlé à M. Kaufman, son surveillant.

Dans son témoignage, M. Parisien a tenté d’expliquer pourquoi il avait utilisé son véhicule pour retourner aux lieux il avait travaillé aux dates en question.

(1) Le 11 janvier 1993, M. Parisien s’est rendu à Johnstown et à Brockville pour travailler à l’édifice fédéral dans un véhicule du gouvernment conduit par un de ses subalternes, Tom East. Lorsqu’il est revenu au bureau, il était tard, vers les 20 h 30, il s’est aperçu qu’il avait oublié ses outils.

Il a donc décidé d’utiliser sa voiture pour aller les chercher. Il a déclaré s’être rendu compte, ce soir-là, qu’il avait reçu un appel de service de Johnstown concernant des problèmes de chauffage dans les édifices du gouvernement. Il n’est pas sûr de quelle façon il a reçu cet appel de service; soit qu’il s’agissait d’une note laissée dans son casier ou d’un message sur sa boîte vocale. L’appel ne lui a pas été transmis par le bureau central ou le

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Décision Page 3 comptoir de dépannage. La raison pour laquelle il n’y a pas de trace de cet appel, c’est qu’il lui est parvenu personnellement. M. Parisien a affirmé que les appels ne passaient pas tous par le bureau central. Il ne sait pas à quelle heure l’appel de service a été transmis de Johnstown. Peut-être quelques heures avant. Lorsqu’il est arrivé à l’édifice à Johnstown, les gens lui ont mentionné qu’ils avaient froid.

M. Parisien a affirmé qu’il s’était rendu à Johsntown et qu’il avait réglé le problème en réactivant le disjoncteur de surcharge et qu’il s’était ensuite rendu à Brockville pour ramasser ses outils. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait tenté de régler un problème sans ses outils, avant de les ramasser, il a indiqué qu’il croyait qu’il s’agissait d’un problème mineur, comme un disjoncteur. En contre-interrogatoire, il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas simplement fait appel à une personne sur place, à Johnstown, pour lui demander de réactiver le disjoncteur au lieu de s’y rendre lui-même dans sa propre voiture. En contre-interrogatoire, M. Parisien a admis que, bien qu’il avait à sa disposition une liste d’entrepreneurs locaux à qui il pouvait faire appel en cas d’urgence pour chaque emplacement, on l’appelait, lui, directement par préférence.

(2) En ce qui a trait à la réclamation de coûts kilométriques en date du 19 janvier 1993 qui fait l’objet de contestation, M. Parisien a demandé à un préposé à l’entretien, M. Hudon, de s’occuper d’un problème à Johnstown le 18 janvier 1993. Le lendemain, M. Parisien a indiqué qu’il avait reçu un autre appel concernant une odeur d’huile. Tous les autres préposés étaient occupés. Se fiant à son expérience, M. Parisien a ramassé du matériau absorbant, du désodoriseur d’huile et une boîte de matériaux divers qu’il a transportés à Johnstown, vers 8 h, dans un des véhicules gouvernementaux, soit la voiture de marque Cavalier.

La boîte et les matériaux qu’il avait à transporter se rangeaient très bien dans la voiture, selon lui. Cependant, le transport des matériaux justifiait l’utilisation du véhicule ministériel, soit la Cavalier. Il s’est approvisionné en essence à Portland (pièce E-12). Il n’y est pas resté longtemps, moins d’une demi-heure, et il est revenu à Ottawa dans la matinée. En revenant, il a indiqué

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Décision Page 4 qu’il avait laissé la voiture du gouvernement et repris la sienne, car il estimait que, selon les ordres de M. Kaufman, il n’avait pas droit d’utiliser le véhicule du gouvernement s’il ne transportait pas de matériaux et il ne se considérait pas comme étant du « personnel ». Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Kaufman lui avait dit que les véhicules gouvernementaux ne servaient qu’au transport de matériaux et du personnel. C’était la raison pour laquelle il était revenu à Ottawa pour changer de voiture.

En contre-interrogatoire, on a soumis au fonctionnaire s’estimant lésé que le journal de kilométrage de la Cavalier indiquait, selon toute probabilité, qu’il s’était promené au volant de cette voiture plutôt que la sienne toute la journée. Le fonctionnaire s’estimant lésé a mentionné qu’il ne pouvait rendre compte du kilométrage de façon précise. Il se peut qu’il ait fait quelques courses avec la Cavalier, dans les environs. Il insiste sur le fait qu’il est revenu à Ottawa pour prendre sa voiture. La Cavalier fonctionnait bien et était disponible.

(3) Le troisième incident s’est produit le 25 janvier 1993, alors que M. Parisien et un électricien de son équipe, Archie Watson, se sont servis de la Cavalier. Les deux hommes et une tierce personne se se sont rendus à certains sites afin d’effectuer des estimations à des fins de soumissions. Or, certains endroits étaient verrouillés et ils ont faire appel à quelqu’un pour les déverrouiller. Selon M. Parisien, Archie Watson et lui-même ont travaillé jusqu’à 20 h cette journée-là. Il a affirmé que, lorsqu’il sont retournés à leur atelier d’Ottawa, M. Parisien et M. Watson se sont séparés pour travailler sur les estimations. C’est à ce moment que M. Parisien s’est aperçu qu’il lui manquait des renseignements concernant la mise à la terre des systèmes et qu’il a décidé de retourner seul avec sa voiture aux endroits il était allé pour vérifier si les sytèmes avaient été mis à la terre adéquatement. Dans son témoignage, M. Watson a indiqué qu’il n’était pas allé à l’atelier ce soir-là, mais qu’il s’était rendu chez lui directement.

En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait averti personne, M. Parisien a affirmé que, le soir même, il avait prévenu Archie Watson lorsqu’ils se trouvaient à l’atelier. Lorsqu’on l’a contre-interrogé sur

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Décision Page 5 cette question, M. Parisien ne pouvait expliquer la raison pour laquelle M. Watson avait nié toute allusion aux voyages de M. Parisien avec sa voiture. Lorsqu’on lui a aussi demandé pourquoi il n’avait jamais mentionné, ni en cours d’enquête, ni en cour criminelle, qu’il avait averti M. Watson, il a avoué [traduction] « c’est vrai, je ne l’ai jamais mentionné ». Il n’est pas sûr de l’heure à laquelle il est revenu : vers 22 h, 22 h 30 ou même 23 h.

M. Parisien a confirmé qu’il n’avait pas réclamé d’heures supplémentaires pour ce voyage.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a soumis des photographies, prises après coup, pour montrer que, à deux des sites fermés en hiver, les câbles de mise à la terre étaient sortis et visibles. Le troisième site, Cornwall, était ouvert 24 heures par jour. Il a aussi témoigné qu’il avait prêté la Cavalier à un dénommé M. Larocque qui s’est rendu à Pembroke, le lendemain. Lorsqu’il s’est séparé de M. Larocque, il était passé minuit. M. Parisien n’a pas rempli de formulaire d’heures supplémentaires pour ces voyages nocturnes à Cornwall, Brockville et Gananoque.

(4) Le 29 janvier 1993, soit la date du quatrième incident en question, M. Parisien a travaillé à Cornwall durant huit heures et a réclamé huit heures d’heures supplémentaires. Ce jour-là, il s’est servi d’une fourgonnette blanche du gouvernement pour se rendre à Cornwall. Il n’aimait pas sa conduite. Le moteur « manquait » (s’arrêtait souvent) et il devait le survolter pour le repartir. Apparemment, la batterie était la source du problème.

Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il avait déjà prévenu M. Kaufman qu’il n’utiliserait pas la fourgonnette le soir. Dans son témoignage, M. Kaufman a nié cette affirmation et a ajouté que cette question n’avait jamais été soulevée, car il avait ordonné que la fourgonnette soit rapportée chez Budget et pensant que, de fait, elle l’avait été.

M. Parisien a indiqué que, afin d’éviter de la conduire le soir, il avait pris la fourgonnette qu’il avait remplie de matériaux pour se rendre à Cornwall, le matin. Puis, au cours de la journée, il est revenu à Ottawa pour prendre sa

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Décision Page 6 voiture et il est retourné à Cornwall. De cette façon, il pouvait revenir de Cornwall à la noirceur, sans crainte, au lieu de conduire la fourgonnette.

(5) Les cinquième et sixième incidents en question se sont produits les 1 er et 2 février 1993. M. Parisien a répété le même scénario que le 29 janvier; il a rapporté la fourgonnette à Ottawa au cours de la journée et il est retourné à Brockville avec sa voiture. M. Parisien a admis que, en hiver, ces voyages lui prenaient au moins deux heures. Il a aussi indiqué qu’il avait été incapable de prendre le compte milliaire de la fourgonnette blanche car celle-ci avait été rapportée au bureau de location.

Il n’a pas examiné la possibilité de demander à M. Watson de l’accompagner pour lui apporter un soutien en cas de problème avec la fourgonnette. Malgré la peur qu’éprouvait M. Parisien de conduire la fourgonnette le soir, celle-ci ne s’était jamais arrêtée d’elle-même lorsqu’il était au volant. M. Watson a témoigné que, au cours des journées il a travaillé avec M. Parisien, il ne se rappelait pas avoir été laissé seul sur le site alors que M. Parisien dit être revenu à Ottawa.

En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a présenté un reçu d’essence pour la fourgonnette blanche, provenant d’une station-essence située sur la promenade Island Park, à 16 h 19 un jour qu’il avait travaillé à Brockville, M. Parisien a expliqué qu’il s’était rendu à cette station-essence sur la promenade Island Park, qui était éloignée de son atelier à Confederation Heights et d’autres garages, parce qu’on ne lui facturait pas la main d’oeuvre pour le remplacement d’un feu arrière défectueux.

En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Parisien s’il demeurait à Aylmer. Il a répondu par l’affirmative, en précisant que le meilleur moyen pour se rendre à Aylmer était justement de passer par le pont Champlain, accessible par la promenade Island Park. M. Parisien a nié que le scénario le plus probable était que lorsqu’il avait acheté de l’essence à 16 h 19 sur la promenade Island Park, il rentrait chez lui, plutôt que de retourner prendre sa propre voiture à l’atelier à Confederation Heights, à l’autre bout d’Ottawa pour retourner à

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Décision Page 7 Brockville. Il a réclamé quatre heures supplémentaires, en plus de ses huit heures de travail régulières.

M. Parisien n’a pas réclamé de temps supplémentaire pour les voyages qu’il a effectués avec sa propre voiture. Il a indiqué qu’il se considérait comme un homme honnête. Il a admis qu’il avait un casier judiciaire; il avait subi trois condamnations. Il a aussi admis qu’il avait conduit en janvier et en février alors qu’il était sans permis.

Pour corroborer son témoignage, M. Parisien a fait témoigner Anna Bing. Cette dernière est à l’emploi de la Société canadienne des postes depuis 24 ans et elle travaillait à Brockville en 1993. Elle se rappelle qu’un employé de Travaux publics avait travaillé sur le site, durant le jour, avait appelé avant la fin de son quart de travail cette journée-là pour la prévenir qu’il aimerait venir chercher son coffre à outils. Elle se souvient qu’il est arrivé peu avant la fin de son quart de travail et semblait pressé. Même si dans son affidavit elle indiquait que l’homme appelait d’Ottawa, dans son témoignage, Mme Bing a mentionné qu’elle avait l’impression que l’homme au téléphone se trouvait quelque part entre Ottawa et Brockville. Elle ne se souvient pas à quelle heure elle a fini de travailler cette journée-là. Elle n’a pas reconnu le fonctionnaire s’estimant lésé.

L’employeur a fait appel aux témoignages de Archie Watson, Scott Campbell, Jean Quevillon et Hank van der Linde. Greg Kaufman est venu témoigner en réplique.

Après avoir travaillé à Travaux publics pendant 20 ans, M. Watson est devenu un employé de Brookfield Lepage. En janvier et février 1993, M. Watson était à l’emploi du ministère des Travaux publics, comme électricien, au niveau EIM-10; il faisait partie de l’équipe rurale dont le superviseur était M. Parisien.

Le 25 janvier 1993, il a réclamé des heures supplémentaires conformément à la feuille de temps qu’il a soumise. M. Parisien lui a dit quelles heures il devait réclamer. Après les heures régulières, les deux hommes tombaient sous un régime d’heures supplémentaires, jusqu’à ce qu’ils retournent à l’atelier. M. Watson a indiqué que, lorsqu’ils finissaient plus tôt,

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Décision Page 8 ils réclamaient tout de même les heures supplémentaires. Bien qu’il travaillait avec M. Parisien, ce dernier ne lui a jamais mentionné qu’il devait retourner chercher ses outils le soir en question. M. Watson a affirmé qu’il était un électricien qualifié et que M. Parisien ne l’était pas. Le deuxième voyage à Brockville, Cornwall et Gananoque pour vérifier les câbles de mise à la terre était tout à fait inutile. M. Parisien, l’agent des douanes qui leur a déverrouillé et montré les emplacements et M. Watson sont revenus ensemble à Ottawa, dans la Cavalier. À ce moment, ils avaient vérifié tout ce qui se trouvait dans les descriptifs aux fins des estimations. Toutes les tâches à effectuer se trouvaient dans les descriptifs.

La vérification des câbles de mise à terre était une tâche qui lui était assignée à titre d’électricien. Si, ce soir-là, M. Parisien est retourné avec sa voiture faire le tour des sites pour vérifier les câbles de mise à la terre, M. Watson n’en a rien su.

Le 29 janvier 1993, M. Parisien n’a pas fait part de ses inquiétudes à M. Watson concernant la fourgonnette blanche ou le fait de la conduire le soir. Lorsqu’on lui a demandé si M. Parisien était disparu durant quelques heures au cours desquelles il aurait pu se rendre à Ottawa pour changer de voiture, M. Watson a indiqué que, à sa connaissance, M. Parisien n’avait pas quitté les lieux. Si ce dernier était parti, M. Watson s’en serait aperçu, car ils travaillaient dans la même pièce.

De la même façon, le 1 er février, M. Watson et M. Parisien travaillaient côte-à-côte sur le site de Brockville. Le travail à effectuer, soit la sortie de câbles, nécessitait deux personnes. M. Parisien ne lui pas dit qu’il ne voulait pas conduire la fourgonnette le soir. Il ne se rappelle pas non plus que M. Parisien ait disparu pendant plusieurs heures, le temps de retourner à Ottawa pour changer de voiture. M. Watson a affirmé de façon très convaincue qu’il l’aurait remarqué. Lorsque M. Watson et M. Parisien ont quitté ensemble, le travail était terminé. Il aurait été illogique que M. Parisien travaille sans M. Watson. Ce dernier est rentré chez lui directement au volant de la camionnette du gouvernement qui lui était assignée. Il a présumé que M. Parisien était retourné chez lui au volant de la fourgonnette qu’il avait prise pour se rendre

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Décision Page 9 au travail. En contre-interrogatoire, par contre, il a indiqué qu’il ne pouvait clairement se rappeler si M. Parisien avait utilisé la fourgonnette blanche.

Pareillement, le 2 février, M. Watson ne se rappelle pas que M. Parisien ait exprimé des inquiétudes au sujet de la fourgonnette, ni qu’il se soit absenté pendant plusieurs heures au cours de la journée. Par contre, il se rappelle qu’il a quitté le site en même temps que M. Parisien, après que le travail eut été terminé.

Scott Campbell, Chef de distric, a témoigné. À l’appui de son témoignage, il s’est servi des feuilles de temps et des demandes de remboursement de frais; M. Parisien avait présenté des réclamations pour l’utilisation de son véhicule personnel aux dates suivantes :

11 janvier 1993 298 kilomètres 19 janvier 1993 248 kilomètres 25 janvier 1993 - 468 kilomètres 29 janvier 1993 288 kilomètres 1 er février 1993 261 kilomètres 2 février 1993 - 316 kilomètres Le surveillant de M. Parisien, M. Kaufman, a attiré l’attention de M. Campbell sur le fait que, en dépit des réclamations présentées par M. Parisien pour l’utilisation de son véhicule, on avait trouvé des reçus de station-essence qui portaient l’inscription de véhicules gouvernementaux. M. Campbell a alors sommé M. Kaufman de renvoyer l’affaire aux Affaires internes pour enquête.

Jean Quevillon, agent principal des relations de travail, est à l’emploi du ministère des Travaux publics depuis 1993. Le projet du rapport d’enquête concernant les agissements de M. Parisien a été montré à l’avocat de M. Parisien à l’automne 1995. M. Parisien et son avocat l’ont commenté par la suite.

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Décision Page 10 Au cours de son témoignage, M. Quevillon a analysé trois reçus d’essence : 1) un portait la signature de M. Parisien à Gananoque le 25 janvier de même que l’inscription de la Cavalier; 2) le reçu indiquait que M. Parisien avait fait usage de la Cavalier à Portland le 19 janvier; 3) un reçu émis par le garage Esso situé sur la promenade Island Park à 16 h 19 le 1 er février pour de l’essence et un feu arrière.

Hank van der Linde, Directeur général de la gestion des installations et des immeubles, depuis octobre 1996, a aussi fourni son témoignage. À l’aide d’une carte routière, il a relevé les distances qui séparent les villes mentionnées dans les réclamations de M. Parisien :

Ottawa - Johnstown 75 kilomètres Johnstown Brockville 25 kilomètres Brockville Gananoque 50 kilomètres Ottawa Cornwall 100/105 kilomètres Cornwall Brockville 96 kilomètres Cornwall Johnstown 71 kilomètres Ottawa Portland 93 kilomètres Johnstown Portland 84 kilomètres Gananoque Ottawa 140/150 kilomètres Même s’ils ne font pas partie des mesures disciplinaires prises contre M. Parisien, des écarts considérables non justifiés au niveau des distances ont été relevés dans les réclamations présentées par M. Parisien.

En examinant les dossiers à l’effet que M. Parisien aurait reçu un appel de service de Johnstown, M. van der Linde n’a pu le retracer dans les relevés d’appels (pièce E-13).

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Décision Page 11 M. van der Linde a aussi souligné que M. Parisien n’a jamais soumis de réclamation d’heures supplémentaires pour les voyages supplémentaires qu’il a effectués au volant de sa propre voiture. En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé les raisons pour lesquelles 29 mois s’étaient écoulés avant qu’on informe le fonctionnaire s’estimant lésé de l’enquête, M. van der Linde a répondu que le délai avait été causé par la GRC qui avait insisté pour ne pas entraver l’enquête criminelle. Après coup, M. Parisien et son avocat ont demandé à l’employeur de suspendre les procédures jusqu’à la conclusion du procès criminel. Sans ces délais, M. van der Linde aurait sans doute opté pour le congédiement de M. Parisien comme sanction adéquate.

Les transcriptions du procès criminel de M. Parisien ont été déposées en preuve avec le consentement des parties. Suite à l’enquête effectuée par la GRC, des accusations criminelles ont été portées contre M. Parisien. Il a subi un procès et a été condamné en chambre criminelle. Sa condamnation a par la suite été cassée aux motifs que les accusations n’avaient pas été portées dans les délais prescrits.

Aujourd’hui à la retraite, M. Kaufman a témoigné que M. Parisien ne pouvait se servir du véhicule du gouvernement pour ses affaires personnelles, mais qu’il avait toujours encouragé l’utilisation du véhicule pour tout voyage relié au travail. Cela faisait partie de ses ordres permanents. Il n’aurait jamais mis de bâtons dans les roues d’un employé qui aurait voulu faire un usage raisonnable du véhicule gouvernemental.

Plaidoirie de l’employeur L’avocat de l’employeur avance l’argument que, bien que la condamnation de M. Parisien ait été cassée, je devrais prendre compte du fait qu’un juge l’avait trouvé coupable, hors de tout doute, de la fraude qui a donné lieu à la mesure disciplinaire imposée par l’employeur. L’employeur ne devrait donc pas refaire sa preuve; il l’a tout de même fait concernant les six incidents de fraude en question.

Pour chaque incident, le fonctionnaire adoptait le même scénario : il se rendait aux différents lieux de travail situés dans la région d’Ottawa au volant

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Décision Page 12 d’un véhicule gouvernemental. Puis, il soumettait des réclamations de coûts kilométriques concernant l’usage de son véhicule personnel pour s’être rendu aux mêmes endroits de travail il était allé avec le véhicule gouvernemental.

Il me prie de rendre une décision défavorable sur la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé. À cet effet, il a énuméré bon nombre d’exemples tirés de la preuve du fonctionnaire à l’appui de sa demande. L’avocat plaide la justesse de la sanction et me prie de rejeter le grief.

Plaidoirie du fonctionnaire s’estimant lésé M. Landry passe en revue les voyages effectués par M. Parisien durant les six jours en questions et réitère la preuve de ce dernier. Les ordres déraisonnables de M. Kaufman ont empêché la réparation de la fourgonnette, ont limité l’utilisation de la Cavalier au transport de matériaux ou de personnel; ces facteurs ont forcé M. Parisien à se servir de son véhicule personnel.

Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé plaide que le temps qu’a pris l’employeur pour informer M. Parisien qu’une enquête sur son compte était en cours et imposer les mesures disciplinaires a causé du tort à M. Parisien. Les reçus, tels que ceux ayant trait à la fourgonnette blanche, auraient pu être obtenus avant si M. Parisien avait su qu’il allait avoir des problèmes. Il me prie de croire le fonctionnaire s’estimant lésé.

Motifs de la décision Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté des réclamations de coûts kilmétriques pour l’usage de sa voiture personnelle qu’il dit avoir utilisée, pour diverses raisons, pour retourner aux sites qu’il avait fréquentés au cours de la même journée au volant du véhicule gouvernemental.

Ces réclamations étaient-elles frauduleuses ? Elles l’étaient s’il n’a pas effectué les allers-retours avec sa voiture. D’après les documents et la preuve présentés, l’employeur semble avoir démontré une affaire de fraude prima facie. Selon les documents, M. Parisien semble avoir fait des réclamations pour l’usage de son véhicule personnel pour se rendre à des endroits auxquels il s’était rendu au cours de la même journée au volant du véhicule du Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 gouvernement. Selon toute probabilité, comme il semblerait que M. Parisien s’est servi du véhicule ministériel pour se rendre aux sites de travail, les réclamations présentées pour l’usage de son véhicule personnel seraient fausses.

Lorsqu’on lui a présenté les réclamations de coûts kilométriques qui indiquent qu’il s’est servi à trois reprises de sa voiture personnelle pour se rendre aux endroits auxquels il se serait aussi rendu au volant du véhicule gouvernemental sur la foi de reçus d’essence, M. Parisien a tenté de se justifier en disant qu’il avait retourner aux mêmes endroits avec sa voiture, soit durant le jour, soit au cours de la soirée. Durant les six jours en question, il était question de la fourgonnette blanche ou de la Cavalier. Les journées il a utilisé la fourgonnette blanche, il affirme qu’il a se servir de sa voiture, même si la fourgonnette était disponible, parce que celle-ci lui causait des problèmes et qu’il refusait de la conduire le soir. En ce qui a trait à la Cavalier, il refusait aussi de la conduire, même lorsqu’elle était disponible, car, selon ses dires, M. Kaufman avait limité son utilisation au transport de matériaux et de personnel. M. Parisien a fait semblant de ne pas comprendre les ordres à l’effet que la voiture du gouvernement ne pouvait être utilisée à des fins personnelles. L’usage raisonnable de la voiture sous-entendait le transport de matériaux et de personnel, y compris M. Parisien, lorsque ce dernier s’en servait pour le travail, car il en avait le droit et l’obligation. M. Kaufman nie catégoriquement avoir dit à M. Parisien qu’il ne pouvait pas se servir de la Cavalier seul. Les paroles de M. Parisien ont indigné M. Kaufman car elles contradisaient ses ordres permanents selon lesquels les véhicules du gouvernement devaient être utilisés aussi souvent que possible.

Je préfère le témoignage de M. Kaufman à celui de M. Parisien en ce qui a trait à la politique sur l’utilisation des véhicules du gouvernement : ceux-ci doivent être utilisés le plus souvent possible et l’usage des voitures personnelles doit être évité autant que possible. Je considère que M. Parisien était au courant de cette politique. En cas de divergences dans les témoignages de M. Kaufman et de M. Parisien sur cette question, je préfère le témoignage de M. Kaufman. Ce dernier a témoigné de façon franche et a semblé irrité par les accusations de M. Parisien à l’effet qu’il défendait l’utilisation du véhicule du Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 14 gouvernement pour les affaires professionnelles, obligeant ainsi M. Parisien à se servir de sa propre voiture.

L’affirmation de M. Parisien à l’effet qu’il a utilisé sa voiture personnelle parce que M. Kaufman lui avait interdit d’utiliser le véhicule du gouvernement, sauf s’il transportait du personnel ou des matériaux, est tout à fait absurde et catégoriquement niée par M. Kaufman. La crédibilité du témoignage de M. Kaufman par opposition au manque de crédibilité de M. Parisien sur cette question et la politique ministérielle qui encourageait l’utilisation des véhicules gouvernementaux plutôt que celle des véhicules personnels rendent cette affirmation illogique.

Comme son témoignage l’indique, M. Parisien a utilisé le véhicule du gouvernement à certaines dates pour voyager au travail. Il affirme qu’il était obligé de refaire le voyage avec son véhicule en plein milieu de la nuit pour les raisons les plus farfelues. J’estime que M. Parisien a inventé cette histoire de toute pièce et elle est tout à fait absurde.

Pour M. Parisien, la présentation des réclamations de coûts kilométriques constituait une occasion de faire un peu d’argent. Il n’a jamais pensé que les reçus d’essence indiquant qu’il avait utilisé le véhicule du gouvernement ces journées-là reviendraient le hanter et provoquer l’enquête.

Le témoignage d’Anna Bing était plutôt inutile. Elle n’avait aucune connaissance des heures, des dates et elle n’a même pas reconnu le fonctionnaire s’estimant lésé. Aucun argument ne peut être tiré du fait que les réclamations ont été approuvées par la gestion. À ce moment-là, on ne savait pas non plus qu’elles étaient frauduleuses.

Je dois aborder la question des longs délais dans la présente affaire. Il va de soi que le temps qu’a pris l’employeur pour l’informer de l’enquête et des mesures disciplinaires cause une injustice à M. Parisien. Cependant, comme c’est la GRC qui a demandé à l’employeur de ne pas avertir M. Parisien pour ne pas mettre indûment en péril sa propre enquête criminelle, l’employeur n’avait pas vraiment le choix. La seule décision qu’il devait prendre était l’imposition ou non de mesures disciplinaires au moment il l’a fait; cette décision de

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 15 l’employeur n’a causé aucun préjudice à M. Parisien en ce qui a trait à la preuve. Il était dans son droit de le faire en raison de la gravité du geste de M. Parisien. Il s’agirait d’une erreur judiciaire grave que de laisser M. Parisien s’échapper sans punition. Au cours des années qui ont suivi l’imposition de la mesure disciplinaire, ce sont les avocats de M. Parisien qui ont demandé les délais afin de ne pas entraver le procès criminel. Comme l’employeur a admis que M. Parisien a utilisé la fourgonnette blanche durant les jours en question, on ne prouverait rien à essayer d’obtenir les reçus qui indiquent que M. Parisien l’a bel et bien utilisée pour se rendre aux sites de travail.

Je considère que M. Parisien a soumis des réclamations de coûts kilométriques frauduleuses pour lesquelles l’employeur a eu raison d’imposer une mesure disciplinaire. De fait, l’employeur a été moins sévère qu’il aurait pu l’être, étant donné les circonstances particulières de l’affaire. Tenant compte de la preuve présentée et des plaidoiries des parties, j’estime que la suspension de 20 jours imposée est adéquate dans les circonstances.

Par conséquent et pour toutes ces raisons, le grief est rejeté.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 20 août 1999. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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