Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Indemnité de facteur pénologique (IFP) - Notion de garde - Notion d'exposition au danger - Cumul des indemnités - le fonctionnaire s'estimant lésé, un manutentionnaire-chauffeur dans un établissement carcéral à sécurité moyenne, travaillait dans une unité comprenant trois postes : un poste de manutentionnaire, situé au magasin de l'établissement carcéral et en contact continuel avec un détenu qui y travaillait; et deux postes de chauffeurs de camion de livraison, en contact fréquent avec des détenus dans des établissement carcéraux à sécurité moyenne et minimale - le fonctionnaire s'estimant lésé et ses deux collègues occupaient ces trois postes en alternance - l'employeur a décidé de réduire l'IFP du fonctionnaire s'estimant lésé, lorsque celui-ci occupait les postes de chauffeur de camion de livraison, du niveau sécurité moyenne/exposition continuelle au niveau sécurité moyenne/exposition fréquente - l'employeur considérait que seul le poste de manutentionnaire justifiait une IFP de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle - le fonctionnaire s'estimant lésé a plaidé qu'il était exposé, de façon continuelle, au danger que constituent les détenus, quel que soit le poste auquel il était affecté - l'employeur a répondu qu'une IFP de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle ne peut être accordée qu'aux employés ayant la garde de détenus qui sont exposés à un danger de façon continue - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit, lorsqu'il occupait les postes de chauffeur de camion de livraison, à une IFP de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente - de plus, l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait aussi droit à une IFP de niveau sécurité minimale/exposition fréquente, puisqu'il était exposé à un risque lorsqu'il surveillait les détenus chargeant et déchargeant son camion de livraison dans les établissements carcéraux à sécurité minimale - le total cumulatif de ces deux IFP correspondant au montant d'une IFP de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle. Grief admis en partie. Décisions citées :Osmak (166-2-17218); CahilI (166-2-25253); Turgeon et Vaillancourt (166-2-15624 à 15639 et 15775); Turgeon et al. c. Canada (Conseil du Trésor, (1998) 98 D.T.C. 6543 (C.A.F.).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28560 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE PAUL MAILLOUX fonctionnaire s’estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel Canada)

employeur

Devant : Guy Giguère, commissaire Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Alfred La Bissonnière, Alliance de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Marie-Claude Couture, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec), les 8 et 9 février 1999.

Décision DÉCISION Page 1 M. Paul Mailloux est un manutentionnaire-chauffeur, de groupe et niveau GS-STS-04, qui travaille pour Service correctionnel Canada, à l’Établissement Leclerc, un établissement carcéral à sécurité moyenne. Il a déposé ce grief le 24 septembre 1996, dans lequel il se plaint du fait que l’employeur a réduit son indemnité de facteur pénologique (I.F.P.) du niveau sécurité moyenne/exposition continuelle au niveau sécurité moyenne/exposition fréquente, soit de 800 $ à 480 $ par année. L’article M-26 de la convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada établit les modalités selon lesquelles l’I.F.P. est allouée aux employés. L’article M-26 se lit comme suit :

ARTICLE M-26 INDEMNITÉ DE FACTEUR PÉNOLOGIQUE […] Généralités M-26.01 Une indemnité de facteur pénologique est versée aux titulaires de certains postes faisant partie de l'unité de négociation qui se trouvent à Service correctionnel Canada, sous réserve des conditions suivantes.

M-26.02 L'indemnité de facteur pénologique est utilisée pour accorder une rémunération supplémentaire au titulaire d'un poste qui, en raison de fonctions exercées dans un pénitencier, selon la définition qu'en donne la Loi sur les pénitenciers, modifiée de temps à autre, assume des responsabilités supplémentaires de garde des détenus autres que celles qu'assument les membres du groupe Services correctionnels, et qui est exposé à des risques immédiats de blessures corporelles par suite d'agressions et à d'autres conditions désagréables.

Degrés d'exposition M-26.03 Le facteur tient compte des différences entre les établissements pénaux à sécurité maximale, moyenne et minimale, telles qu'elles sont déterminées par l'employeur, et fait la distinction entre les degrés d'exposition continuelle, fréquente et limitée, de la façon suivante:

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Décision Page 2 Exposition - désigne l'exposition journalière et pendant toute continuelle la journée aux conditions énoncées à la clause M-26.02 ci-dessus.

Exposition - désigne l'exposition fréquente en général, et fréquente pendant une ou plusieurs parties de la journée de travail, aux conditions énoncées à la clause M-26.02 ci-dessus.

Exposition - désigne l'exposition, à l'occasion, aux conditions limitée énoncées à la clause M-26.02 ci-dessus. Formule M-26.04 Le paiement de l'indemnité de facteur pénologique est déterminé selon la formule suivante:

** Facteur pénologique (X) Type d'établissement Degré de Maximal Moyen Minimal contact

Continuel 100% X (1 600 $) 50% X (800 $) 30% X (480 $) Fréquent 50 % X (800 $) 30% X (480 $) 20% X (320 $) Limité 30% X (480 $) 20% X (320 $) 10% X (160 $) Montant de l'IFP ** M-26.05 La valeur de «X» est fixée à 1 600 $ par année. Cette indemnité est payée selon les mêmes modalités que celles de la rémunération normale de l'employé-e.

Application de l'IFP M-26.06 L'indemnité de facteur pénologique n'est versée qu'aux titulaires des postes faisant partie de l'effectif ou détachés auprès des collèges de personnel correctionnel, des administrations régionales et de l'administration centrale des services correctionnels, lorsque les conditions énoncées à la clause M-26.02 ci-dessus s'appliquent.

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Décision Page 3 M-26.07 L'applicabilité de l'IFP à un poste et le degré d'application de l'IFP à un poste sont déterminés par l'employeur à la suite de consultations avec l'agent négociateur.

M-26.08 Sous réserve des dispositions de la clause M-26.11 ci-dessous, l'employé-e a le droit de recevoir une IFP pour chaque mois au cours duquel il touche un minimum de dix (10) jours de rémunération dans un ou des postes auxquels s'applique l'IFP.

M-26.09 Sous réserve des dispositions de la clause M-26.10 ci-dessous, l'IFP est rajustée lorsque le titulaire d'un poste auquel s'applique l'IFP est nommé à un autre poste auquel un degré différent d'IFP s'applique ou s'en voit attribuer les fonctions, que cette nomination ou affectation soit temporaire ou permanente, et, pour chaque mois au cours duquel l'employé-e remplit des fonctions dans plus d'un poste auquel s'applique l'IFP, il touche l'indemnité la plus élevée, à condition qu'il ait rempli les fonctions pendant au moins dix (10) jours en tant que titulaire du poste auquel s'applique l'indemnité la plus élevée.

M-26.10 Lorsque le titulaire d'un poste auquel s'applique l'IFP est temporairement affecté à un poste auquel un degré différent d'IFP s'applique, ou auquel nulle IFP ne s'applique, et lorsque la rémunération mensuelle de base à laquelle il a droit pour le poste auquel il est temporairement affecté, y compris l'IFP, le cas échéant, est moins élevée que la rémunération mensuelle de base, plus l'IFP, à laquelle il a droit dans son poste normal, il touche l'IFP applicable à son poste normal.

[…] Le grief de M. Mailloux a été rejeté au premier palier de la procédure des griefs le 9 octobre 1996. Les deux paragraphes suivants de cette décision sont particulièrement pertinents : Suite à une révision des facteurs pénologiques, nous avons constaté que le facteur rattaché à vos fonctions n’était pas conforme aux directives de l’Administration et de l’application de l’indemnité de facteur pénologique (I.F.P.).

Pour bénéficier d’un facteur dit continuel, vous devez assumer des responsabilités supplémentaires de garde de détenus pendant toute la journée, ce qui n’est pas votre cas. Vous n’êtes pas directement responsable de la garde, du contrôle et de la direction d’un ou de plusieurs détenus et les tâches que vous exercez manutentionnaire, à d’autre Commission des relations de travail dans la fonction publique

sont à l’occasion de de chauffeur (poste

Décision Page 4 manutentionnaire-chauffeur). Bien que vous soyez en contact étroit, vous n’êtes pas continuellement exposé à la présence de détenus dans le cadre de vos fonctions. Ce qui justifie un facteur fréquent.

[…] [Sic pour l’ensemble de la citation] Le 18 octobre 1996, le directeur de l’Établissement Leclerc, M. Michel Deslauriers, a rejeté le grief au deuxième palier de la procédure des griefs. Le 18 décembre 1996, M. Jean-Claude Perron, sous-commissaire pour la région du Québec, a aussi rejeté le grief au troisième palier de la procédure des griefs, pour le motif que la gestion avait décidé d’établir une rotation entre les manutentionnaires-chauffeurs, amenant ainsi un réajustement de l’I.F.P. de M. Mailloux : […] La direction a décidé de faire une rotation entre les manutentionnaires-chauffeurs. Comme vous occupez actuellement le poste de chauffeur, votre degré d’exposition pour ce travail est fréquent, selon la définition prévue à l’article M-26.03 de la convention cadre. D’après le plan actuel de rotation des postes, il est prévu que vous occuperez bientôt le poste de manutentionnaire, et le cas échéant, votre indemnité sera réajustée en conséquence.

[…] Au dernier palier de grief, M. John Rama, commissaire adjoint, Personnel et formation, Service correctionnel Canada, a confirmé la décision de M. Perron. M. Rama a cependant précisé ce qui suit : […] La direction a décidé d’établir une rotation entre les trois manutentionnaires-chauffeurs, et cette rotation s’effectue à tous les quatre mois. Lorsque l’employé effectue du travail comme chauffeur, le contact avec les détenus n’est pas continuel et le degré d’exposition aux détenus devient donc « fréquent ». Du moment que l’employé effectue du travail de manutentionnaire, le degré d’exposition devient « continuel » en raison des responsabilités supplémentaires de garde des détenus. L’indemnité de facteur pénologique est alors ajustée en fonction des tâches effectuées aux différents moments.

[…] Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 M. Paul Mailloux travaille comme manutentionnaire-chauffeur au ministère du Solliciteur général du Canada depuis le 8 janvier 1996. Auparavant, il travaillait au ministère de la Défense nationale, au Collège militaire de St-Jean, mais, suite à des coupures, il s’est vu offrir un détachement au ministère du Solliciteur général. Les conditions du détachement de M. Mailloux, de son poste de GS-BUS-04 au ministère de la Défense nationale à son nouveau poste de GS-STS-04 à l’Établissement Leclerc, sont établies dans le « Protocole de recyclage » (pièce E-1). À la page 2 du protocole, le dernier paragraphe précise que M. Mailloux recevra l’indemnité pénologique et qu’il aura des contacts continus avec les détenus. Il est aussi indiqué dans la description de travail du poste de manutentionnaire-chauffeur (pièce E-4), que les principales activités de ce poste consistent à commander et recevoir des articles, effectuer l’entrée de données dans un système informatique et effectuer des livraisons de matériel, conduire les véhicules du Service, s’assurer que les documents soient bien remplis, faire l’inventaire des marchandises et surveiller les détenus dans son secteur. Jointe à cette description de travail, on retrouve un document intitulé « Données justificatives », qui inclut une description des relations entre le manutentionnaire- chauffeur et les détenus. Ces relations sont décrites de la façon suivante : 1. PRESTATION DE SERVICES 1.1 Interaction Discute des articles de cantine avec les détenus. Conseille les détenus sous sa surveillance. […] 1.2 Incidence Les services fournis aux détenus ont une influence sur le moral des employés ainsi que des détenus.

La surveillance des détenus a des répercussions tant sur leur sécurité que sur celle de l’établissement.

Les décisions concernant manipulation des approvisionnements conséquences sur […] la contrebande […]

[…]

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l’entreposage et la ont des

Décision Page 6 1.3 Réflexion […] Lors de rencontres avec les détenus, choisit l’attitude la plus adéquate à prendre dans les circonstances.

3. CONDITIONS DE TRAVAIL 3.1 Environnement Contact avec des détenus dans un environnement pénitentiaire et éventuellement, travail dans une atmosphère hostile.

[…] 3.2 Risques pour la santé Risque de se faire agresser. […] Travaille avec des détenus qui pourraient être atteints de maladies transmissibles.

4. CONNAISSANCES ET HABILETÉS […] 4.2 Lois et règlements […] Connaissance des articles du Code criminel en ce qui a trait aux responsabilités des agents de la paix.

[…] 4.5 Communication Capacité à communiquer oralement ou par écrit avec […] et les détenus.

[…] M. Mailloux a témoigné qu’il avait hésité avant d’accepter le poste au ministère du Solliciteur général, car son poste au ministère de la Défense nationale était un poste de niveau supérieur et il devait assumer des coûts supplémentaires pour se rendre à son nouveau lieu de travail. En contre-interrogatoire, il a cependant confirmé que sa nomination au poste GS-STS-04 (pièce E-3) indique qu’il continuera de recevoir le même

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Décision Page 7 traitement qu’il recevait auparavant, aussi longtemps qu’il occupera ce poste au ministère du Solliciteur général, ou jusqu’à ce qu’une offre de niveau équivalent à son ancien groupe et niveau lui soit faite. M. Mailloux a affirmé qu’il avait tenu compte du fait qu’il recevrait une I.F.P. continuelle en acceptant le poste parce qu’il devait voyager 150 kilomètres par jour, soit l’aller-retour entre son domicile et l’Établissement Leclerc, alors qu’il demeurait non loin de son ancien emploi. En contre-interrogatoire, M. Mailloux a reconnu que la Directive sur la réinstallation s’appliquait à lui, mais qu’il préférait voyager plutôt que de déménager plus près de l’Établissement Leclerc.

En 1995, M. Claude Duguay, alors Chef, Administration et gestion du matériel à l’Établissement Leclerc, a rencontré M. Mailloux au cours du processus de sélection pour le poste de manutentionnaire-chauffeur. M. Duguay a témoigné qu’aucune promesse n’avait été faite à M. Mailloux à l’effet qu’il recevrait l’I.F.P. continuelle. Il a déclaré : À ma souvenance, il n’a pas été question de l’I.F.P. dans l’entrevue, aucunement de promesse. J’ignorais le contexte de l’I.F.P.; ce n’était pas à moi. Non, je n’ai pas dit c’est 800 $. Je ne connaissais pas le facteur pénologique. J’étais nouveau dans le poste.

En juin 1996, suite à la rénovation des bureaux de commis, M m e Manon Bisson, à l’époque Chef, Administration et gestion du matériel à l’Établissement Leclerc, a demandé à M m e Claudette Dorais, alors agent d’administration, de procéder à une révision de toutes les I.F.P. payées aux employés de l’Établissement Leclerc. M m e Dorais a indiqué qu’il y avait alors trois postes de manutentionnaire-chauffeur au magasin de l’Établissement Leclerc, deux agents de correction (CX) y étaient prêtés et que, au maximum, deux détenus y travaillaient. M. Lavoie, un des manutentionnaires- chauffeurs, recevait une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente. M. Lavoie était assigné principalement au petit camion. M. Haché était assigné à un autre poste de manutentionnaire-chauffeur, soit celui du gros camion, et recevait une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle, ce qui, selon M me Dorais, était à une erreur administrative. Elle avait signalé l’erreur en 1993, mais la gestion avait quand même décidé de maintenir l’I.F.P. à ce niveau. Le troisième poste de manutentionnaire-chauffeur était celui de M. Mailloux et a été créé à l’arrivée de ce dernier, en 1995. L’I.F.P. accordée à M. Mailloux était basée sur celle accordée à M. Haché.

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Décision Page 8 M me Dorais a expliqué la raison pour laquelle M. Lavoie avait toujours reçu une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente. « Il ne rencontrait pas la norme de la convention collective. Il n’était pas continuellement à l’intérieur et en présence de détenus. Il n’avait pas la garde de détenus continuelle. » Et elle a ajouté que l’I.F.P. est payée à « un employé qui a la charge d’un détenu, qui a la garde d’un détenu, c’est lui qui fait l’évaluation. C’est ce que j’appelle une garde continuelle. »

La gestionnaire régionale, Opérations du personnel de Service correctionnel Canada, M m e Sylvie Dion, a expliqué, durant son témoignage, que l’I.F.P. était accordée aux employés qui côtoyaient des détenus. Les éléments considérés pour accorder l’I.F.P. étaient le degré de responsabilité, la surveillance des détenus, la fréquence des contacts, c’est-à-dire le nombre de contacts quotidiens avec les détenus, et, finalement, le niveau de sécurité de l’établissement. En contre-interrogatoire, M m e Dion a indiqué que, pour déterminer le degré de garde, tel que défini dans la convention collective, l’employé devait confier des tâches à un détenu, en avoir la supervision et avoir à l’évaluer.

Suite à la révision par M m e Dorais des I.F.P. payées aux employés de l’Établissement Leclerc, des changements ont été apportés dans l’organisation du travail au magasin de l’Établissement Leclerc. Il n’y a plus d’agents de correction prêtés au magasin pour surveiller les détenus et il n’y a qu’un seul détenu au lieu de deux pour aider à la manutention de marchandises. Auparavant, le manutentionnaire- chauffeur assigné au petit camion allait chercher les articles commandés par les détenus à un centre commercial situé à proximité du pénitencier. Cette pratique a cessée depuis et les articles sont maintenant livrés par les marchands. On a aussi instauré une rotation des différentes fonctions pour permettre aux employés d’être polyvalents. Les trois manutentionnaires-chauffeurs occupent, à tour de rôle, pendant une période de quatre mois, des fonctions reliées principalement au petit camion, ensuite, au gros camion et, finalement, au magasin, toute la journée, pour effectuer l’entrée de données dans le système EQUINOX. Ainsi, pendant que M. Mailloux est au magasin et travaille sur le système EQUINOX, il reçoit une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle. Lorsqu’il est assigné au camion (petit ou gros), il reçoit une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente. À la pièce G-1, on retrouve une liste des périodes pour lesquelles M. Mailloux a reçu une indemnité de facteur pénologique, ainsi que des primes correspondantes : Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 9 Du 01/03/96 au 30/06/96 $800.00/année (contact continuel/médium) Du 01/07/96 au 31/05/97 $480.00/année (contact fréquent/médium) Du 01/06/97 au 31/01/98 $800.00/année (contact continuel/médium) Du 01/02/98 au 30/06/98 $480.00/année (contact fréquent/médium) Du 01/07/98 au 31/07/98 $800.00/année (contact continuel/médium) Du 01/08/98 au 30/09/98 $480.00/année (contact fréquent/médium) Du 01/10/98 au 31/01/99 $800.00/année (contact continuel/médium) Depuis le 01/02/99 $480.00/année (contact fréquent/médium) Dans leur témoignage, M me Dorais et M. Mailloux ont décrit une journée de travail typique pour M. Mailloux, lorsqu’il est affecté à un des deux camions. M. Mailloux débute son horaire de travail à 7 h 30. Quand il s’agit du petit camion, il quitte le magasin vers 8 h pour aller chercher du sang à l’hôpital, qui est une bâtisse administrative dans l’enceinte de l’Établissement Leclerc. Le sang est collecté suite à des tests de sang que passent les détenus. M. Mailloux ramasse le courrier et se dirige ensuite vers l’Établissement Montée St-François, qui est un centre correctionnel à sécurité minimale. M. Mailloux y ramasse aussi le sang des détenus et le courrier. Il y est pendant environ une dizaine de minutes. Il dépose le sang à la Cité de la Santé de Laval pour fins d’analyse. Il se rend ensuite à une clinique privée pour prendre les résultats des différents tests de sang, puis au bureau de poste pour y laisser le courrier et en ramasser. Lorsqu’il revient travailler au magasin, il est à peu près 10 h 30 - 11 h 15. M m e Dorais a témoigné que, dans son étude des tâches de M. Mailloux, lorsque celui-ci est assigné au gros camion, il place les commandes le matin, puis, vers 10 h, il se rend au magasin régional, travaillent des détenus de sécurité minimale, puis le reste du trajet consiste à aller à la buanderie, à aller porter le linge au Centre fédéral de formation et à livrer des articles à l’Établissement Montée St-François. Une note de service datée du 10 février 1998 (pièce E-13) indique que le chauffeur a la responsabilité de surveiller les détenus qui chargent le gros camion. De plus, M m e Dorais a reconnu, en contre-interrogatoire, que, lorsqu’il était assigné aux camions, M. Mailloux avait une responsabilité accrue de garde des détenus, mais que cette garde n’était pas continuelle. L’Établissement Leclerc est voisin de l’Établissement Laval, à sécurité maximale, de l’Établissement Montée St-François, à sécurité minimale, ainsi que du Centre d’immigration, d’un entrepôt régional et du collège du personnel. Dans ce périmètre carcéral, il y a des détenus de sécurité minimale qui circulent librement. M. Mailloux a témoigné que le périmètre carcéral est traversé d’une rue appelée Montée St-François,

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Décision Page 10 qu’il peut voir des détenus lorsqu’il y circule en camion et est donc exposé à un risque. M. Mailloux a témoigné qu’il est aussi en contact continuel avec des détenus de sécurité minimale durant les chargements et les déchargements de la marchandise ou d’effets personnels des détenus; à l’Établissement Montée St-François; au Centre d’immigration; à l’entrepôt régional; et au collège du personnel. Il a témoigné que, dans la boîte du camion, il était en contact direct et seul avec les détenus et qu’il les surveillait pendant qu’ils déplaçaient la marchandise.

M. Mailloux a expliqué que, même lorsqu’il circule en camion dans le périmètre carcéral, il est toujours en présence de détenus. Il a ajouté que le fait de conduire un camion est aussi dangereux que s’il restait à l’Établissement, car les détenus peuvent tenter de s’évader ou d’introduire de la drogue ou d’autres articles au cours des livraisons. À cet effet, il a raconté l’incident de février 1998, alors que de la drogue d’une valeur de 50 000 $ avait été dissimulée dans le camion pendant qu’il était dans un centre commercial. Il l’a découverte et a averti le service de sécurité. M m e Dorais a reconnu que le travail à l’extérieur peut être dangereux, et la pièce E-11 a d’ailleurs été déposée à cet effet. Il s’agit d’une note de félicitations adressée à M. Mailloux par M me Dorais pour les efforts qu’il a déployés afin d’assurer la sécurité de l’Établissement lors de la saisie de drogues au magasin de l’Établissement.

Une note de service adressée à M. Mailloux par M me Dorais en date du 8 juin 1998 (pièce E-12) a été déposée par M. La Bissonnière. Cette note informait M. Mailloux qu’il ne pouvait avoir droit à une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle puisqu’il n’assumait pas des responsabilités de garde des détenus pendant au moins 70 pour cent de la journée de travail, et ce, de façon quotidienne. M m e Dorais a calculé que la garde, pendant au moins 70 pour cent du temps, équivaut de cinq heures et demie à six heures par jour. M m e Dorais a témoigné que, après avoir étudié le trajet des deux camions, elle a calculé que M. Mailloux avait la garde des détenus pendant une période de deux heures par jour à l’Établissement Leclerc.

M. Mailloux a témoigné qu’il avait appris que son I.F.P. avait été réduite en remarquant sur sa paye une diminution des montants à cet égard. Une « Demande d’intervention en matière de personnel », datée du 18 juillet 1996, a été produite en preuve (pièce E-6), on indique qu’il y a « modification du facteur pénalogique de

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Décision continu à fréquent parce que l’employé concerné n’a pas de détenu sous sa responsabilité. » M. Mailloux en a discuté avec M main sur la « Demande d’intervention » : « Par contre, l’employé continuera de former les détenus de produire des rapports d’infractions mais n’a pas le pouvoir de congédier ni de rétrograder les détenus » (pièce G-6). avait remis à M. Mailloux, en juillet 1998, deux documents à l’appui de la décision de diminuer son I.F.P. au niveau sécurité moyenne/exposition fréquente, soit une étude intitulée L’administration et l’application de l’indemnité de facteur pénologique (I.F.P.) (pièce E-8) et les Lignes directrices relatives à l’administration et à l’application de l’indemnité de facteur pénologique (I.F.P.) (pièce E-9). Or, comme M par la suite que la pièce E-8 était un document de considération qui n’avait pas été approuvé par l’administration centrale, M. Mailloux a déclaré qu’elle lui avait demandé de lui remettre le document. Par contre, M d’utiliser le document de consultation (pièce E-8) avec prudence et elle a expliqué qu’elle s’est servie des lignes directrices (pièce E-9) lorsqu’elle a revu l’I.F.P. de M. Mailloux, plutôt que du document (pièce E-8), qui mentionne un pourcentage de temps.

Plaidoiries Pour le fonctionnaire s’estimant lésé M. La Bissonnière a déclaré que les critères de l’article M-26.03 de la convention collective ne sont pas clairs lorsqu’on parle de « contact continuel » ou de « contact fréquent », mais la question principale des dispositions sur l’I.F.P. est de déterminer si l’employé est exposé au danger que représentent les détenus. Selon M. La Bissonnière, le facteur pénologique doit être appliqué dans son sens le plus large pour que la convention ait un sens. Il n’y a pas eu de modification fondamentale dans les tâches de M. Mailloux. La seule modification est que, durant les quatre mois il est affecté au petit camion, il n’a plus à aller chercher les commandes des détenus au centre d’achats. Le danger est existant et démontré par le système de sécurité du périmètre. On retrouve à la pièce E-6 la raison véritable pour laquelle M. Mailloux a vu son I.F.P. modifiée : il n’a pas de détenu sous sa responsabilité. Si on appliquait l’article M-26.02 de façon aussi restrictive, personne n’aurait droit à l’I.F.P. Les employés, autres que les membres du groupe service correctionnel (CX), qui travaillent dans les établissements

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Page 11 me Dorais qui, par la suite, a ajouté à la me  Dorais a témoigné qu’elle m e Dorais a été avisée me Dorais a déclaré avoir averti M. Mailloux

Décision Page 12 sont des gardiens de la paix de par la loi et ont le devoir et l’obligation de réagir si un détenu fait tout acte répréhensible. M. Mailloux est exposé au danger de façon continuelle, puisqu’il est démontré que ce danger est présent qu’il soit : M. Mailloux est exposé au danger lorsqu’il est dans la boîte du camion avec les détenus qui l’aident à charger la marchandise; il est exposé au danger lorsqu’il conduit son camion à l’intérieur du périmètre carcéral, sur la Montée St-François, les détenus circulent librement; il est aussi exposé au danger lorsqu’il va chercher ou livrer des marchandises à Laval, comme le démontre l’incident de février 1998, de la drogue avait été dissimulée dans le camion.

M. Mailloux n’a pas la même garde qu’un CX; il effectue son travail dans la boîte du camion, en contact avec les détenus. C’est le type de garde prévue par l’article M-26.02 de la convention collective. La convention ne dit pas qu’il doit être responsable du détenu et en faire l’évaluation pour en avoir la garde et avoir droit à l’I.F.P. Si on retient le sens que l’employeur lui donne, l’article M-26.02 est presque inapplicable.

M. La Bissonnière soumet qu’il n’y a pas beaucoup de jurisprudence sur la question de « contact continuel » et « contact fréquent » et que la décision Cahill (dossier de la Commission n o 166-2-25253) ne s’applique pas vraiment au grief de M. Mailloux.

Pour l’employeur M e Couture indique que les articles M-26.01 à M-26.04 de la convention collective doivent être lus dans leur ensemble, car les parties n’ont pas écrit ces dispositions pour ne rien dire. L’article M-26.02 stipule que l’I.F.P. est utilisée dans le but d’accorder une rémunération supplémentaire à un employé qui assume des responsabilités supplémentaires de garde, autres que celles des CX, et qui est exposé à des risques immédiats. Donc, pour avoir droit à une I.F.P., l’employé doit assumer une responsabilité supplémentaire de garde et être exposé à des risques immédiats de blessures. Selon M e Couture, il ne s’agit pas de simples contacts avec les détenus, mais bien de responsabilités supplémentaires de garde. En anglais, le terme utilisé est « custody », qui a une portée beaucoup plus large.

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Décision Page 13 M e Couture se réfère à différentes définitions du dictionnaire du mot « garde » pour soutenir que la notion de surveillance revient. Dans la deuxième édition du Grand Robert de la langue française, on retrouve la définition suivante : « Action de garder avec attention, en surveillant ou en protégeant. […] Action de garder, de conserver (qqch.) […] Conservation, préservation, protection, surveillance. […] » Par contre, la quatrième édition révisée du Blacks’ Law Dictionary donne la définition suivante au terme « custody » : « […] Detention; charge; control; possession. The term is very elastic and may mean actual imprisonment or physical detention or mere power, legal or physical, of imprisoning or of taking manual possession. […] » La définition donnée par M m e Dorais n’est donc pas en contradiction avec les définitions qu’on retrouve aux dictionnaires et il s’agit de surveillance, de contrôle, de supervision des tâches du détenu.

M e Couture a demandé qui avait la garde du détenu au magasin et a rappelé que M me Dorais avait témoigné que les manutentionnaires-chauffeurs avaient tous la garde. Elle a ajouté : Le débat n’est pas sur la garde, parce qu’on reconnaît qu’il a droit au facteur pénologique. Le débat est sur l’article M-26.02 de la convention collective. Le débat est sur le degré d’exposition.

M e Couture a dit qu’elle n’était pas d’accord avec M. La Bissonnière pour affirmer que seule la notion de danger devrait être considérée : ce n’est pas le sens de M-26.02; il faut qu’il y ait garde. Aussi, l’article M-26.03 indique que le niveau d’exposition doit être déterminé par l’employeur. Le nœud du problème est donc d’établir le degré d’exposition lorsqu’il y a garde. M e Couture allègue que l’article M-26.03 prévoit que, pour qu’une exposition soit continuelle, elle doit être journalière et pendant toute la journée, sans interruption. La définition d’exposition fréquente prévoit une exposition « pendant une ou plusieurs parties de la journée »; il y a donc interruption. À contrario, pour que l’exposition soit continuelle, il ne faut pas qu’il y ait d’interruption. À cet effet, si on regarde dans les dictionnaires la définition du mot « continu », on y trouve « non interrompu », « qui n’est pas interrompu » ou « ininterrompu ». Le fait de circuler sur la Montée St-François et d’y voir des prisonniers ne donne pas droit à une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle, car, si c’était le cas, tous les employés y auraient droit.

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Décision Page 14 M e Couture a soumis qu’il y a peu de jurisprudence sur le point en litige. Il y a la décision Osmack (dossier de la Commission n o 166-2-17218), mais surtout la décision Cahill (supra), et particulièrement sa page 5, est tout à fait liée à la décision que devra prendre l’arbitre dans la présente affaire. Comme on le voit dans les commentaires du vice-président Chodos l’époque président suppléant) dans l’affaire Cahill, l’I.F.P. n’est pas immuable et elle peut être modifiée.

Pour ce qui est du cas de M. Mailloux, dès qu’il sort du magasin, il y a interruption de l’exposition, car il n’a plus la garde du détenu qui y travaille. Lorsqu’il est en présence des détenus à sécurité minimale à l’Établissement Montée St-François et autres centres, il n’en a pas la garde. De plus, il sort à l’extérieur du périmètre carcéral, soit pour se rendre à la clinique privée, à la Cité de la Santé, ou au bureau de poste. L’exposition à des détenus est donc interrompue à ce moment. L’employeur reconnaît que, lorsque M. Mailloux travaille au magasin sur le système EQUINOX, l’exposition est continuelle, puisqu’il est continuellement en contact avec un détenu dont il a à surveiller le travail. Lorsque M. Mailloux est affecté au gros ou au petit camion, il y a certainement interruption de l’exposition, qui est alors fréquente. M m e Dorais a expliqué que, à la formule « Demande d’intervention en matière de personnel » (pièce E-6), lorsqu’il est mentionné « […] n’a pas de détenu sous sa responsabilité », on avait voulu dire « n’a pas la garde ». Une erreur administrative a été commise en 1995 quant à l’I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle de M. Mailloux, mais cela n’a pas créé de droit. Rien ne justifiait de continuer à lui payer une I.F.P. à ce niveau; l’employeur devait appliquer la convention et corriger cette erreur.

M e Couture a conclu en indiquant que le fardeau de la preuve reposait sur le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Mailloux, qui devait démontrer qu’il a la garde continuelle de détenus. Selon M e Couture, M. Mailloux n’a pas fait cette preuve et le grief doit donc être rejeté.

Motifs de la décision Premièrement, j’ai à déterminer si M. Mailloux assume des responsabilités supplémentaires de garde au sens de l’article M-26.02 de la convention collective, et si ce dernier est exposé à des risques immédiats. Deuxièmement, dans l’affirmative,

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Décision Page 15 je dois déterminer à quel degré d’exposition il est soumis lorsqu’il assume de telles responsabilités.

J’estime qu’il est clair, à la lecture de l’article M-26.02 de la convention collective que, pour avoir droit à une I.F.P., il faut que l’employé ait des responsabilités supplémentaires de garde et non seulement qu’il soit exposé « à des risques immédiats de blessures corporelles par suite d’agressions et à d’autres conditions désagréables. » L’employeur n’a pas contesté le fait que M. Mailloux est exposé à de tels risques; il demeure donc à clarifier s’il assume des responsabilités supplémentaires de garde.

M e Couture a reconnu que M. Mailloux a des responsabilités de garde lorsqu’il est au magasin de l’Établissement Leclerc, car un détenu y est présent et tous les manutentionnaires-chauffeurs doivent surveiller son travail. Elle a allégué que, lorsque M. Mailloux sort du magasin, il y a interruption de l’exposition, car il n’a plus la garde du détenu qui y travaille et qu’il a droit à une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente. De plus, selon M e Couture, M. Mailloux n’a pas la garde d’autres détenus lorsqu’il se rend à l’Établissement Montée St-François et autres centres il y a des détenus à sécurité minimale.

Si on examine la décision de l’arbitre Galipeault dans l’affaire Osmack (supra), il s’agissait de déterminer si M. Osmack était responsable de la garde des détenus qui chargeaient ou déchargeaient son camion au sens de la clause M-26.02 de la convention cadre. L’arbitre Galipeault a conclu ce qui suit : [Traduction] […] Il est bien évident pour moi que, lorsque M. Osmack se trouvait seul avec les détenus à l’établissement Kent, au moment du chargement et du déchargement du camion, il était responsable de la garde de ces détenus. Cependant, lorsqu’un agent de correction était présent, c’était ce dernier qui en était responsable.

L’avocat de l’employeur soutient que la description de poste de M. Osmack n’indique nulle part que celui-ci était responsable des détenus. La clause M-26.02 de la convention cadre ne dit pas qu’une personne doit assumer l’entière responsabilité des détenus pour avoir droit à l’indemnité de facteur pénologique. Il suffit, lorsque cette personne exerce ses fonctions en présence de détenus, qu’elle ait la «garde» de

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Décision Page 16 ceux-ci. Le fait d’être responsable de la garde d’un groupe de détenus pendant des périodes d’une trentaine de minutes (temps que demandent le chargement et le déchargement des marchandises à l’établissement Kent, selon le témoignage du superviseur I. Shantz) n’équivaut pas à être responsable de ceux-ci au même titre, par exemple, qu’un superviseur qui est responsable de ses subalternes.

[…] De plus, à la lecture de la décision Cahill (supra), on constate que la garde est déterminée par la nature des fonctions de l’employé et non pas par le contact qu’il peut autrement avoir avec les détenus. [Traduction] […] J'accepte l'affirmation de M. Cahill selon laquelle il est maintenant plus visible pour les détenus et a accès plus directement à ceux-ci. Cependant, la preuve montre que les fonctions qui lui sont assignées par ses superviseurs n'ont pas changé pour ce qui est de ses contacts avec les détenus et ses responsabilités vis-à-vis de ceux-ci. M. Morey a témoigné que la plus grande partie du travail d'un AGC consiste à rédiger des rapports. M. Cahill lui-même a déclaré qu'il était essentiellement un «pousseur de crayon» encore qu'il insiste sur le fait que sa «façon de faire les choses» a changé depuis qu'il travaille à l'immeuble B-4. Étant donné la nature intrinsèque des fonctions de M. Cahill, selon la description que lui-même et M. Morey en ont donnée, je ne suis pas convaincu qu'il a droit à l'indemnité de facteur pénologique prévue pour une exposition «continuelle». Bien que j'accepte qu'il a maintenant davantage de contacts avec les détenus, étant donné que ni ses superviseurs ni d'autres personnes n'ont présenté de preuve corroborant son témoignage, je ne puis conclure que les contacts additionnels qu'il a depuis son transfert à l'immeuble B-4 sont une partie essentielle de ses fonctions plutôt que, selon l'expression qu'il a employée, un changement de «sa façon de faire les choses». De toute façon, je ne suis pas convaincu que ces contacts additionnels entraînent des responsabilités supplémentaires au chapitre de la garde des détenus, ce qu'exige la clause M-26.02. M. Cahill a reconnu que, lorsqu'il visite les détenus dans leurs ateliers, c'est le superviseur de l'atelier qui en a la garde. De même, au poste de garde ou dans la rangée de cellules, c'est l'agent de correction qui en assume la responsabilité. Ce n'est que lorsqu'il reçoit des détenus dans son bureau qu'il en a la garde. Cet aspect de son travail n'a pas changé de façon appréciable lorsqu'il a été transféré de l'immeuble B-8 à l'immeuble B-4.

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Décision Page 17 […] À l’étude de la jurisprudence, je conclus donc que M. Mailloux a des responsabilités de garde supplémentaires décrites à l’article M-26.02 de la convention cadre lorsque, dans le cadre de son travail, il se trouve en contact direct avec les détenus et qu’il doit surveiller, contrôler ou superviser leurs tâches. Cependant, il n’assume plus ces responsabilités de garde lorsqu’il circule en camion dans le périmètre carcéral ou qu’il va au bureau de poste, à la clinique privée ou à la Cité de la Santé. Il faut qu’il ait, de par la nature intrinsèque de ses fonctions, la garde de détenus, soit en surveillant leur travail de manutention de marchandises, soit en se retrouvant seul avec eux pendant le chargement ou le déchargement du camion; c’est la nature de la garde qui est spécifiée à l’article M-26.02 de la convention cadre.

Maintenant, pour répondre à la deuxième question, selon moi le texte de l’article M-26.03 de la convention collective est clair, surtout si on lit la définition d’exposition continuelle par opposition à la définition d’exposition fréquente. Pour que l’expression « continuelle » ait un sens, il faut que l’exposition dure toute la journée. Par contre, dès que l’exposition a lieu pendant une ou plusieurs parties de la journée, elle devient fréquente. Si on considère la jurisprudence, et plus particulièrement la décision Turgeon et Vaillancourt (dossiers de la Commission n os 166-2-15624 à 15639 et 166-2-15775), l’arbitre Brown a conclu qu’on doit donner aux mots « continuel » et « fréquent » leur sens usuel, et il a précisé aux pages 6 et 7 de sa décision : […] Si les expressions «exposition continuelle» et «fréquente» n’étaient pas définies dans la convention collective, il y aurait sans doute lieu d’en chercher le sens exact ailleurs. La définition qui en est donnée est toutefois claire et sans équivoque et, par conséquent, il faut interpréter ces expressions dans leur sens habituel. Pour être «continuelle», l’exposition doit durer «toute la journée et les jours suivants» ou, comme le dit la version anglaise, «throughout the day and recurring daily». D’après la preuve présentée devant moi, tel n’est pas le cas en l’occurrence. Souvent, ce n’est que pendant quatre heures et demie de leur poste que les employés en cause se trouvent en présence de détenus d’un pénitencier à sécurité « maximale ». […]

[…]

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Décision Page 18 La preuve démontre que M. Mailloux est exposé à des détenus à sécurité moyenne pendant une partie de la journée seulement et j’estime donc qu’il n’a pas le droit de recevoir une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition continuelle. L’employeur lui remet à bon droit une I.F.P. de niveau sécurité moyenne/exposition fréquente lorsqu’il est affecté aux camions.

Bien que les parties n’aient pas plaidé ce point, je dois cependant prendre en considération que la décision Turgeon et Vaillancourt (supra) a fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire (Cour d’appel fédérale, dossier n o A-343-88) et que, dans son jugement, la Cour a indiqué qu’une exposition fréquente ou limitée à un certain niveau de sécurité n’excluait pas la possibilité d’une exposition fréquente ou limitée à un autre niveau de sécurité. Ainsi, la Cour a conclu que :

[Traduction] […] La lecture de l’article 26 et de l’appendice A révèle que ces dispositions prévoient le paiement d’une IFP et qu’elles fixent le montant de celle-ci en fonction de la mesure dans laquelle un employé est effectivement en contact avec les détenus et du degré de sécurité de l’établissement ce contact a lieu.

De toute évidence, une exposition « continuelle » à un certain niveau de sécurité exclut un degré d’exposition inférieur, quel que soit le niveau de sécurité de l’établissement. Cependant, un exposition « fréquente » ou « limitée » à un certain niveau de sécurité n’exclut pas la possibilité d’une exposition « fréquente » ou « limitée » à un autre niveau de sécurité et ce, dans le cas du même employé. Puisqu’il est indiqué que l’indemnité en question est versée en raison des responsabilités supplémentaires et de l’exposition à certains dangers, il semblerait logique et équitable de permettre le cumul de ces indemnités dans un tel cas. Le passage tiré de la décision de l’arbitre laisse croire que, d’après celui-ci, les employés s’estimant lésés ont des contacts fréquents avec les détenus d’établissements à sécurité maximale et à sécurité minimale. Si l’on applique cette constatation à l’aide de la formule établie, il appert que les employés ont droit à une indemnité de 50 % pour une exposition fréquente-maximale et de 20 % pour une exposition fréquente-minimale, ce qui porte leur indemnité totale à 70 %. Le fait de juger, comme l’arbitre semble l’avoir fait, qu’un taux inférieur est toujours compris dans un niveau supérieur et est annulé par celui-ci équivaut à refuser

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Décision Page 19 tout dédommagement pour les responsabilités supplémentaires et l’exposition au danger que la convention reconnaît même dans le cas des employés qui ont des contacts limités avec les détenus des établissements à sécurité maximale.

[…] Suite à cette décision, l’arbitre Galipeault a conclu, dans l’affaire Osmack (supra), que, lorsque M. Osmack chargeait et déchargeait son camion, il avait droit à une I.F.P., tant au niveau sécurité moyenne/exposition fréquente, qu’au niveau sécurité maximale/exposition fréquente.

M e Couture a plaidé que, lorsque M. Mailloux se trouve avec des détenus dans des établissements à sécurité minimale, il n’a pas la garde de ces détenus. Mais la preuve démontre que M. Mailloux est généralement exposé de façon fréquente à des détenus à sécurité minimale à l’Établissement Montée St-François, au Centre d’immigration, à l’entrepôt régional et au collège du personnel. M. Mailloux a témoigné qu’il surveillait ces détenus lorsqu’ils chargent ou déchargent la marchandise dans le petit et le gros camion et cette preuve n’a pas été contestée par l’employeur. Cette surveillance est similaire à celle que M. Mailloux doit exercer quand il surveille les détenus qui chargent les marchandises dans le camion à l’Établissement Leclerc. M me Dorais a reconnu que la surveillance qu’il exerce sur ces détenus, telle que décrite dans la note de service du magasinier (pièce E-13), était une responsabilité de garde supplémentaire.

En conséquence, lorsque M. Mailloux surveille les détenus qui chargent ou déchargent des marchandises dans les établissements de sécurité minimale, il est exposé à un risque. Ainsi, considérant la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Turgeon (supra), M. Mailloux a aussi droit à une I.F.P. de niveau sécurité minimale/exposition fréquente pour ce risque, qui s’additionnerait à l’I.F.P. qu’il reçoit à l’Établissement Leclerc au niveau sécurité moyenne/exposition fréquente. M. Mailloux a donc droit, selon l’article M-26.04 de la convention cadre, à une I.F.P. de 30 pour cent, ou 480 $ par année, pour l’Établissement Leclerc, et à une autre I.F.P. de 20 pour cent, ou 320 $ par année, pour l’Établissement Montée St-François et autres établissements il est en contact avec les détenus à sécurité minimale. Dans son grief, M. Mailloux

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Décision Page 20 demandait de recevoir une I.F.P. de 800 $ et, lorsqu’on additionne les deux I.F.P. que je viens d’énoncer, il a droit à une I.F.P. de 50 pour cent, ou de 800 $ par année.

Il est donc fait droit au grief de M. Mailloux, en ce sens qu’il a droit à une I.F.P. de 800 $ par année à compter du 30 août 1996, soit à compter du vingt-cinquième jour précédent le dépôt de son grief (voir Canada (Office national du film) c. Coallier, Cour d’appel fédérale, dossier n o A-405-83, 13 septembre 1983). Guy Giguère, commissaire

OTTAWA, le 9 juin 1999

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