Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Poste déclaré excédentaire - Prime de départ anticipé (PDA) - Démission - Compétence - S'agit-il d'une mesure disciplinaire déguisée? - le fonctionnaire s'estimant lésé était un gestionnaire de systèmes d'ordinateurs - son surveillant précédent lui avait dit que son poste ne serait pas touché par la restructuration du ministère - un nouveau surveillant est arrivé six mois plus tard - à la suite de plaintes reçues des subalternes du fonctionnaire s'estimant lésé, son nouveau surveillant l'a suspendu, puis l'a réaffecté en attendant l'issue d'une enquête - à la suite de l'enquête, le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite et devait recevoir une formation en gestion, en supervision et en communication - trois jours plus tard, le fonctionnaire a été informé que son poste serait déclaré excédentaire et qu'il aurait le statut de fonctionnaire excédentaire rémunéré pendant six mois, après quoi son statut serait celui d'excédentaire non rémunéré pendant douze mois - le fonctionnaire s'est également vu offrir une PDA - aucune offre d'emploi raisonnable n'a été faite au fonctionnaire et il a finalement opté pour la PDA et démissionné - le fonctionnaire a soutenu que son licenciement était une mesure disciplinaire déguisée - l'employeur s'est opposé à ce que l'arbitre assume la compétence pour instruire l'affaire - il a maintenu que le fonctionnaire n'avait pas montré que son licenciement résultait de quelque chose d'autre que sa démission - l'employeur a ajouté qu'il n'avait aucun motif disciplinaire pour accepter la démission du fonctionnaire - l'employeur a fait valoir, subsidiairement, que le licenciement du fonctionnaire était une mise en disponibilité aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique - le fonctionnaire a maintenu que l'employeur avait décidé de déclarer son poste excédentaire à la suite des plaintes portées contre lui - il a ajouté que l'employeur ne lui avait fait aucune offre d'emploi raisonnable avant qu'il n'opte pour la PDA et qu'il avait fait ce choix uniquement pour ne pas être forcé à accepter le statut de fonctionnaire excédentaire non rémunéré - l'arbitre a affirmé que sa compétence pour instruire le grief tenait à la question de savoir si la démission du fonctionnaire équivalait à une sanction disciplinaire déguisée - l'arbitre a conclu que la preuve n'avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les mesures prises par l'employeur étaient autre chose que des décisions administratives découlant de la fameuse réduction des effectifs - l'arbitre a refusé d'assumer la compétence pour instruire le grief. Grief rejeté. Décisions citées :McIlroy (166-2-12359); Arsenault (166-2-23957).

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-29015 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE FRANK FLYNN fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Défense nationale)

employeur

Devant : Joseph W. Potter, président suppléant Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : James Bart, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Carole Bidal, avocate

Affaire entendue à Edmonton (Alberta), les 13 et 14 octobre 1999.

Décision DÉCISION Page 1 Le 9 avril 1998, M. Frank Flynn, un fonctionnaire classifié CS-2 dans le groupe Systèmes d'ordinateurs, a présenté un grief alléguant que la décision de déclarer son poste excédentaire était, en réalité, une forme déguisée de mesure disciplinaire qui a entraîné son licenciement. L'audience de l'affaire était prévue du 13 au 15 octobre 1999 à Edmonton.

Le 6 octobre 1999, l'avocate de l’employeur a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) et a déposé des objections pour deux motifs. Premièrement, l'employeur a affirmé que le grief était irrecevable puisqu'il avait été déposé après le délai fixé dans la convention collective du groupe CS. Deuxièmement, le fonctionnaire s'estimant lésé a démissionné de la fonction publique et comme la démission est visée par l'article 26 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.E.F.P.), elle n'est pas arbitrable aux termes de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.).

Le 7 octobre, la Commission a répondu à cette lettre en affirmant que la question devrait être soulevée au début de l'audience.

Questions préliminaires Au début de l’audience, M e Bidal, l'avocate de l'employeur, a réitéré son objection à savoir que le grief était hors délai.

Elle a signalé que la clause 33.09 de la convention collective du groupe CS dit ce qui suit :

ARTICLE 33 PROCÉDURE DE RÈGLEMENT DES GRIEFS […] 33.09 Tout employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par la clause 33.03, au plus tard le vingt-cinquième (25 e ) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief ou à la date à laquelle il en prend connaissance pour la première fois.

[…]

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Décision Page 2 Le 7 novembre 1997, on a avisé le fonctionnaire que son poste serait déclaré excédentaire à compter du 6 janvier 1998 (voir la pièce E-2). En fait, c'est le 8 janvier 1998 (voir la pièce E-3) que le fonctionnaire a reçu une lettre l'informant que son poste était déclaré excédentaire. Il obtiendrait ce qu'il est convenu d'appeler le statut de fonctionnaire excédentaire rémunéré pendant six mois, lequel expirerait le 7 juillet 1998, suivi d'une période de 12 mois pendant laquelle il aurait le statut de fonctionnaire excédentaire non rémunéré. La lettre disait en outre ce qui suit :

[Traduction] […] En tant que fonctionnaire excédentaire, vous pouvez opter pour la Prime de départ anticipé (PDA) au cours des 60 prochains jours civils […]

[...] Si vous décidez d’accepter la PDA, vous devez remplir et signer la formule d’option ci-jointe et la remettre à M. Garry Dunn au plus tard le 9 mars 1998 […]

[…] M e Bidal soutient que le fonctionnaire savait que son poste était déclaré excédentaire le 8 janvier 1998, et pourtant il n’a déposé son grief que le 9 avril, soit après l’expiration du délai de 25 jours fixé dans la convention collective.

De plus, elle fait valoir que l’employeur a précisé dans sa réponse au grief que celui-ci était hors délai; par conséquent, le fonctionnaire avait été avisé de la situation durant la procédure de règlement des griefs (voir la pièce E-5, paragraphe 2, et la pièce E-7, page 2, paragraphe 2).

En réponse, M. Bart, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, a déposé un recueil de pièces contenant quelque 27 onglets.

La date de licenciement du fonctionnaire après que celui-ci eut opté pour la Prime de départ anticipé (PDA) était le 9 mars 1998 (voir l’onglet 27), ce qui concordait avec les instructions de l’employeur énoncées dans sa lettre du 8 janvier 1998. Le grief a été déposé le 9 avril et, selon M. Bart, il l’a donc été dans le délai de 25 jours qui a commencé à courir le 9 mars. Le grief n’aurait pu être déposé avant la date effective du licenciement; autrement, il aurait constitué un grief prospectif qui aurait très bien pu

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Décision Page 3 être jugé prématuré. Par conséquent, selon M. Bart, le fonctionnaire n’avait d’autre choix que d’attendre la date de licenciement avant de décider s’il allait déposer un grief ou non.

De plus, l’employeur était tenu de faire au fonctionnaire une offre d’emploi raisonnable, offre qui aurait pu être faite jusqu’au 9 mars 1998. Le fonctionnaire s’était fait dire que s’il voulait accepter la PDA il devait le faire au plus tard le 9 mars, et il a donc attendu jusqu’au tout dernier moment, en espérant qu’une offre d’emploi raisonnable lui serait faite. Ce n’est que lorsqu’il s’est rendu compte qu’on ne lui offrirait pas un autre poste qu’il a décider s’il acceptait la PDA ou non.

M. Bart soutient que le grief devrait être considéré comme ayant été déposé dans le délai prescrit. Il se reporte à la jurisprudence suivante : Re Beachvilime Ltd. and Energy & Chemical Workers Union, Local 3264 (1989), 7 L.A.C. (4th) 409; Spence (dossier de la Commission 166-2-16809); et Vaughan (dossier de la Commission 166-2-28296).

Je me prononcerai plus loin sur cette question. Dans sa seconde objection, l’employeur remet en question ma compétence pour instruire le grief et il invoque principalement à l’appui le fait que M. Flynn a démissionné de la fonction publique. L’employeur maintient que cette démission a eu lieu conformément à l’article 26 de la L.E.F.P., qui prévoit :

26. Le fonctionnaire qui a l’intention de démissionner de la fonction publique en donne avis, par écrit, à l’administrateur général; il perd sa qualité de fonctionnaire le jour sa démission, après acceptation écrite de celui-ci, prend effet.

L’alinéa 92(1)b) de la L.R.T.F.P. confère à l’arbitre le pouvoir d’instruire certaines affaires; en voici le libellé :

92.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

[…] b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié

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Décision Page 4 à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

[…] M e Bidal soutient que l’alinéa 92(1)b) de la L.R.T.F.P. ne confère pas à un arbitre le pouvoir d’instruire une affaire comportant une démission.

Subsidiairement, l’avocate de l’employeur affirme que l’affaire porte sur une mise en disponibilité, laquelle est visée par l’article 29 de la L.E.F.P., dont voici la teneur :

29.(1) L’administrateur général peut, en conformité avec les règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d’une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l’extérieur de la fonction publique, sauf si le fonctionnaire a été licencié dans les circonstances prévues à l’alinéa 11(2)g.1) de la Loi sur la gestion des finances publique.

Le paragraphe 92(3) de la L.R.T.F.P. est ainsi libellé : (3) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Par conséquent, M e Bidal soutient que les licenciements effectués en vertu de la L.E.F.P. ne sont pas arbitrables.

Le représentant du fonctionnaire, pour sa part, soutient qu’en réalité il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée, ce que montrera la preuve.

J’ai décidé d’entendre la preuve avant de me prononcer sur cette question. J’ai acquiescé à la demande d’exclusion des témoins qui m’a été présentée. J’ai entendu cinq témoins au total : deux cités par le fonctionnaire et trois, par l’employeur.

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Décision Page 5 Preuve M. Flynn est entré à la fonction publique en 1990 et s’est joint au ministère de la Défense nationale (MDN) en 1994 à titre de gestionnaire de systèmes d’ordinateurs (voir l’onglet 10). En cette qualité, M. Flynn se trouvait à être responsable de tous les ordinateurs installés au Quartier général Région de l’Ouest de la Force terrestre (QG ROFT), et il surveillait le personnel à la fois militaire et non militaire. Ses évaluations de rendement étaient toutes satisfaisantes (voir les onglets 12 et 13).

De juin 1996 à avril 1997, M. Flynn relevait du major M.G. Mussolum, qui a témoigné que M. Flynn était un excellent employé. Le témoin a déclaré qu’il était au courant que certains subalternes de M. Flynn étaient mécontents de son style de gestion. Toutefois, selon le major Mussolum, ce mécontentement avait trait au fait que ces subalternes ne recevaient pas le matériel technique qu’ils désiraient; or, le refus de M. Flynn d’acquiescer à leur demande reposait sur un plan approuvé. Le témoin a affirmé que les personnes en question étaient mécontentes du fait que M. Flynn accomplissait simplement son travail.

À la suite des compressions budgétaires de 1995, le major Mussolum a reçu le 25 mars 1996 une lettre l’informant qu’il serait nécessaire de procéder à une restructuration (pièce E-10). Le 27 juin 1996, il a reçu une autre lettre lui disant qu’on effectuerait une réduction du personnel de 50 % au QG ROFT (pièce E-11). Le major Mussolum a affirmé qu’à la suite de cette réduction des effectifs les 245 postes en place seraient ramenés à 85 postes militaires et 10 postes civils. Le 9 octobre 1996, le major Mussolum a écrit à M. Flynn pour l’informer de la restructuration et du fait que son poste ne serait pas touché (voir l’onglet 7). Le témoin a déclaré qu’il estimait que le poste de M. Flynn revêtait une importance critique pour l’organisation; par conséquent, il n’était pas touché par la réduction.

En avril 1997, le major Mussolum a quitté son poste pour accepter une affectation en Bosnie, et le major R.F. Pucci l’a remplacé à titre de surveillant de M. Flynn.

Le 5 mai 1997, M. Flynn a reçu une lettre lui offrant une réaffectation pour une durée indéterminée à la garnison d’Edmonton, située à environ huit kilomètres (voir l’onglet 14). M. Flynn a témoigné qu’on lui a dit qu’il s’agissait d’une décision purement administrative et que son lieu de travail et ses fonctions ne changeraient pas.

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Décision Page 6 Le major Mussolum et le major Pucci ont tous deux témoigné que ce changement avait été effectué de façon à ce que tout le personnel informatique relève de l’escadron des transmissions à la garnison.

Le major Pucci a témoigné que, après qu’il eut remplacé la major Mussolum, un certain nombre de personnes sont venues se plaindre à lui du style de gestion de M. Flynn. Le major Pucci a écouté les plaintes et en a parlé à M. Flynn; il a conclu que ce dernier avait de la difficulté à travailler avec les gens, mais qu’il était néanmoins un bon technicien.

Le major Pucci a déclaré avoir observé de nombreuses sautes d’humeur chez M. Flynn. Un instant M. Flynn était « aux anges » et le moment suivant il était « agressif ». Le major a témoigné que parfois il se sentait menacé par M. Flynn. Les rapports avec ce dernier étaient turbulents, d’ajouter le témoin.

Le 23 juin 1997, M. Flynn et l’un de ses subalternes militaires ont eu une altercation concernant une mise à niveau d’ordinateur qui avait été effectuée et M. Flynn est allé trouver le major Pucci pour l’en informer. Deux jours plus tard, M. Flynn a été convoqué au bureau du major Pucci et on lui a remis une lettre le retirant du lieu de travail à cause des nombreuses plaintes au sujet de ses rapports interpersonnels (voir l’onglet 15). M. Flynn a été raccompagné à son bureau par le personnel militaire et il a pu recueillir certains effets personnels avant d’être escorté à l’extérieur de l’immeuble. La lettre disait que Santé et Bien-être Canada serait appelé à examiner M. Flynn afin d’établir s’il était physiquement apte à continuer de travailler.

M. Flynn a témoigné qu’il a vu son propre médecin, qui a dit qu’il était apte à travailler (voir l’onglet 16), ainsi qu’un médecin de Santé et Bien-être Canada qui, le 17 juillet 1997, a écrit qu’il n’avait trouvé aucun signe de trouble de santé et que M. Flynn était tout à fait apte à continuer d’accomplir le travail pour lequel il avait les compétences nécessaires (voir l’onglet 17).

Le 1 er août 1997, le major Pucci a écrit à M. Flynn pour lui dire que Santé et Bien-être Canada avait conclu que le comportement et le rendement qu’on avait observés ne résultaient pas d’un trouble de santé traitable (voir l’onglet 18). La lettre disait en outre qu’une enquête concernant des présumées fautes de conduite allait être amorcée et que M. Flynn était réaffecté à l’Organisation des services d’information et de télécommunications de la garnison. M. Flynn a déclaré qu’il avait été réaffecté à un

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Décision Page 7 immeuble quasi abandonné et qu’il avait pour tâche de démonter et de remonter des ordinateurs, ce qui était un travail de débutant (voir l’onglet 19).

Le rapport de l’enquête effectuée a été transmis au major Pucci le 5 septembre 1997 (voir l’onglet 21). Le rapport recommandait que M. Flynn soit réinstallé au QG ROFT et qu’il n’ait aucun subalterne pendant une période de trois à six mois; cela lui donnerait le temps nécessaire pour obtenir une formation appropriée.

En dépit de cela, le major Pucci a soumis au lieutenant-colonel E. Parker, le Chef d’état-major, que le poste de M. Flynn n’était plus nécessaire et l’environnement dans lequel il travaillait était empoisonné. Le major Pucci a témoigné en être arrivé à cette conclusion parce qu’il devait examiner tous les postes relevant de lui afin de déterminer s’il était possible de réaliser d’autres économies. Il estimait pouvoir recevoir des services de systèmes informatiques adéquats du personnel à la garnison et le poste de M. Flynn était donc excédentaire.

Le 22 octobre 1997, le lieutenant-colonel Parker a écrit à M. Flynn pour l’informer que les conclusions de l’enquête concernant sa présumée inconduite étaient maintenant connues et que certaines allégations avaient été prouvées (voir l’onglet 20). Une rencontre a été fixée pour le 23 octobre 1997 afin de discuter du point de vue de M. Flynn.

La réunion a eu lieu tel que prévu et, le 4 novembre 1997, le lieutenant-colonel Parker a écrit à M. Flynn pour lui dire qu’une réprimande écrite allait être versée à son dossier et qu’il allait recevoir une formation en gestion, en supervision et en communication (voir l’onglet 22). Après avoir reçu cette lettre, M. Flynn a reçu instruction de retourner à son poste à l’Organisation des services d’information et de télécommunications de la garnison; le 7 novembre 1997, il a reçu une lettre l’informant que son poste serait déclaré excédentaire le 6 janvier 1998 (voir l’onglet 23). Les options qui s’offraient à lui étaient expliquées dans cette lettre, y compris la PDA. Il aurait notamment pu se prévaloir des droits de placement prioritaire offerts, ce qui incluait le statut de fonctionnaire excédentaire non rémunéré pendant six mois, suivi de 12 mois pendant lesquels il aurait le statut de fonctionnaire excédentaire non rémunéré à condition de ne refuser aucune offre d’emploi raisonnable.

Après avoir reçu cette lettre, M. Flynn est parti en congé de maladie avec certificat médical (voir l’onglet 25) et, le 8 janvier, il a été officiellement avisé que son

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Décision Page 8 poste était déclaré excédentaire. La période de priorité d’excédentaire de six mois, durant laquelle il allait être rémunéré, devait s’écouler du 8 janvier au 7 juillet 1998. M. Flynn a en outre appris par cette lettre qu’il était admissible à la PDA, qui allait consister en un paiement forfaitaire, et qu’il avait jusqu’au 9 mars pour se prévaloir de cette option. Toutefois, si une offre d’emploi raisonnable lui était faite avant qu’il n'opte pour la PDA, il ne pourrait se prévaloir du Programme de la PDA.

M. Flynn a discuté avec le gestionnaire du personnel civil, M. Garry Dunn, des autres postes qu’il aurait pu occuper. M. Dunn était chargé de trouver un autre emploi aux personnes déclarées excédentaires et il a parlé à M. Flynn d’autres postes possibles.

Le 19 novembre 1997, M. Dunn a écrit à M. Flynn et lui a dit, entre autres, ce qui suit (pièce E-14) :

[Traduction] […] Je vous ai informé plus tôt cet été que votre poste était à l’étude et qu’il pourrait être aboli et vous avez été informé de ce fait dans la référence B. Je comprends qu’il s’agit pour vous d’une période des plus difficiles. J’essaie de respecter votre désir d’être placé dans un autre ministère que le MDN. À l’heure actuelle, il y a à la garnison des sections qui cherchent à doter des postes de CS-1 d’une durée indéterminée, postes que vous voudrez peut-être considérer avec protection salariale ou à titre d’affectation temporaire, si votre nomination est approuvée. Nous pouvons en discuter plus en détail.

[…] M. Dunn a témoigné que, au cours des nombreuses conversations qu’il a eues avec M. Flynn, ce dernier lui a demandé d’être placé à l’extérieur du MDN, malgré le fait qu’il y avait des postes de CS au sein du Ministère. Par conséquent, M. Dunn a cherché les postes de CS vacants à l’extérieur du Ministère ainsi qu’au sein du MDN à l’extérieur d’Edmonton (voir la pièce E-16). M. Dunn a discuté avec M. Flynn d’un poste de CS-2 à Yellowknife, mais M. Flynn lui a dit que le poste ne l’intéressait pas. Un autre poste éventuel de CS-2 à Calgary a été mentionné et M. Flynn s’est dit intéressé à rencontrer le gestionnaire de ce poste. Toutefois, avant que la rencontre n’ait lieu, M. Flynn a démissionné officiellement et a accepté la PDA.

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Décision Page 9 M. Flynn a témoigné avoir agi ainsi parce qu’il n’avait d’autre choix, et il a attendu jusqu’à la toute dernière minute avant de le faire. Il espérait recevoir une offre d’emploi raisonnable avant d’être obligé de démissionner. Cependant, il a témoigné qu’on ne lui a jamais officiellement offert un autre emploi et qu’il n’a jamais été convoqué à des entrevues.

M. Flynn a reconnu que toutes les options lui avaient été présentées et qu’il comprenait ce qu’elles signifiaient toutes, y compris la PDA. Il a reconnu que s’il avait refusé une offre d’emploi raisonnable il n’aurait pas eu droit à la PDA, et il a lui-même pris la décision d’accepter la PDA.

Plaidoiries Argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé M. Bart soutient que sa preuve repose sur trois éléments, à savoir : 1. Le fonctionnaire a été suspendu de ses fonctions et il savait que son poste était déclaré excédentaire. 2. Le fonctionnaire n’a pas reçu d’offre d’emploi raisonnable. 3. Le fonctionnaire s’est vu offrir une PDA qu’il a acceptée uniquement pour la garantir.

En ce qui concerne le premier élément, M. Bart affirme que la preuve montre que le major Pucci était mécontent du comportement de M. Flynn et qu’il y avait un motif disciplinaire derrière la suspension. Même après l’enquête médicale, le fonctionnaire est demeuré suspendu de ses fonctions, d’ajouter M. Bart. Cette situation, dit-il, s’apparente à l’affaire Guay (dossier de la Commission 166-2-24899).

Une enquête a été menée concernant la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé et l’employeur a conclu que le comportement de M. Flynn n’était pas grave au point de justifier son renvoi; le poste a donc été déclaré excédentaire. Dans son témoignage, le major Pucci a dit que cette décision avait été rendue nécessaire par le fait que les fonctions n’étaient plus requises, mais il s’agit d’une coïncidence suspecte. Le major Mussolum avait dit que le poste de M. Flynn revêtait une importance critique pour l’opération, ce qu’il confirme au fonctionnaire dans sa lettre du 9 octobre 1996. Puis, quelques mois après le départ du major Mussolum, le

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Décision fonctionnaire a appris que son poste était déclaré excédentaire. Le major Pucci a déclaré qu'il ne voulait pas de M. Flynn dans son environnement à cause de son comportement et il a pris les mesures voulues, justifiant sa décision après coup. M. Bart fait un rapprochement avec Commission 166-2-15344 et 166-2-15623).

En ce qui a trait au deuxième élément, aucune offre d'emploi raisonnable n'a été faite, même s'il y avait des postes vacants. L'employeur était formellement tenu d'offrir un poste au fonctionnaire et il ne l'a pas fait. Cela est semblable à ce qui s'est passé dans les affaires Donald (dossier de la Commission 166-2-28605) et Graham (dossier de la Commission 166-2-24158). Le défaut de présenter une offre d'emploi raisonnable constitue la preuve d'une sanction disciplinaire. Une décision de gestion correcte aurait consisté à offrir au fonctionnaire un des postes vacants (voir Brownlee (dossiers de la Commission 166-2-21975 et 166-2-21982)).

Dans Lo (dossier de la Commission 166-2-27825), la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que son acceptation des prestations prévues par le Programme d'encouragement à la retraite anticipée avait été, en fait, motivée par la sanction disciplinaire imposée par l'employeur. Aux pages 50 et 51 de la décision, on décrit les situations dans lesquelles les arbitres ont conclu qu'il y avait mauvaise foi. En l’espèce, on retrouve au moins quatre de ces éléments; par conséquent, l’arbitre devrait conclure qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire.

Le troisième élément de la présente affaire concerne l'acceptation par le fonctionnaire des avantages offerts par le Programme de PDA, et la démission correspondante. Le fonctionnaire aurait été mis en disponibilité s'il n'optait pas pour la PDA; par conséquent, il n'avait pas de choix réel. Le représentant me renvoie à la décision rendue dans McIlroy (dossier de la Commission 166-2-12359).

La démission n'était pas volontaire parce que cela suppose que le fonctionnaire avait un choix quelconque et, malgré ce choix, il avait également peur. Quelque huit mois auparavant, la police militaire l’avait escorté en dehors du travail. On l'a obligé à subir un examen médical et, malgré des résultats négatifs, on ne lui a pas permis de retourner à son lieu de travail. On lui a donné un emploi moins important, il a fait l'objet d'une enquête et il est demeuré suspendu. Puis, trois jours après avoir reçu une réprimande écrite, il a reçu son avis le déclarant excédentaire. On ne lui a pas offert un

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Page 10 l'affaire Mallett (dossiers de la

Décision Page 11 autre emploi, en dépit du fait qu'il a attendu jusqu'à la dernière minute avant d'opter pour la PDA. Par conséquent, il n'avait nullement l'intention de démissionner.

Une démission volontaire repose sur deux éléments : l'intention subjective et l'élément objectif. Le second élément est présent, selon M. Bart, puisque le fonctionnaire a signé la formule d'option pour la PDA. Toutefois, l'intention subjective de démissionner est absente. Le représentant me renvoie à Re Thompson General Hospital and Thompson Nurses M.O.N.A., Local 6 (1990), 15 L.A.C. (4th) 257 et à Re Government of the Province of British Columbia and British Columbia Government and Service Employees’ Union (1997), 66 L.A.C. (4th) 335.

Enfin, M. Bart soutient que le versement de la PDA ne devrait pas m'empêcher de conclure qu'il y a eu, effectivement, une sanction disciplinaire. Dans Lo (supra), la fonctionnaire avait accepté les prestations offertes par le Programme d'encouragement à la retraite anticipée, mais l'arbitre a néanmoins conclu à une sanction disciplinaire. M me Lo a été tenue de rembourser tout l'argent qu'elle avait reçu, mais elle a été réintégrée. La même décision devrait être rendue en l'occurrence.

Argumentation de l'employeur Dans son grief, le fonctionnaire allègue avoir fait l'objet d'une sanction disciplinaire qui a entraîné son congédiement. Le fardeau de la preuve est évident, et le fonctionnaire n'a pu démontrer que la cessation de son emploi était autre chose qu'une démission. Or, les démissions sont assujetties à l'article 26 de la L.E.F.P., qui prévoit :

26. Le fonctionnaire qui a l'intention de démissionner de la fonction publique en donne avis, par écrit, à l'administrateur général […]

L'article 92 de la L.R.T.F.P. interdit le renvoi de ce type d'affaires à l'arbitrage; par conséquent, le grief de M. Flynn échappe à la compétence de la Commission. M. Flynn s'est conformé au cadre juridique prévu pour une démission et la formule qu'il a signée optant pour la PDA démontre qu'il a effectivement démissionné le 9 mars 1998. On me renvoie à l'affaire McNab (dossier de la Commission 166-2-14343).

L'employeur n'avait aucun motif disciplinaire pour accepter la démission puisque la seule sanction imposée était une réprimande; de plus, l'avis précisait qu’on offrirait de la formation au fonctionnaire. L'employeur n'aurait pas offert de formation

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Décision Page 12 s'il avait eu l'intention de congédier le fonctionnaire. Ce dernier n'a pas prouvé qu'il y avait motif disciplinaire en l'espèce.

En ce qui concerne l'aspect volontaire, l'employeur a avisé le fonctionnaire qu'il était déclaré excédentaire et il lui a offert des options. Le fonctionnaire aurait pu choisir de faire porter son nom sur la liste des bénéficiaires de priorité pendant 18 mois, mais il a plutôt choisi de démissionner.

Pour ce qui est des offres d'emploi, l'employeur a cherché à lui trouver un autre emploi, mais le fonctionnaire ne voulait pas retourner au MDN. Il y avait au MDN des postes de CS-1 qu'on aurait pu offrir au fonctionnaire, avec protection salariale, et la pièce E-14 le prouve. De plus, on discutait d'un poste à Calgary lorsque le fonctionnaire a remis sa démission.

M. Flynn savait que si on lui faisait une offre d'emploi raisonnable il n’aurait plus droit à la PDA. Selon l'avocate de l'employeur, M. Flynn a accepté le Programme de la PDA après mûre réflexion et seulement après avoir pesé le pour et le contre. L'avocate me renvoie à l'affaire Thompson General Hospital (supra).

Dans Arsenault (dossier de la Commission 166-2-23957), le fonctionnaire a choisi de démissionner plutôt que d’être congédié. L’arbitre a conclu que la démission n’avait pas été remise sous la contrainte et, en l’espèce, l’arbitre devrait trancher dans le même sens. L'alternative de M. Flynn n'était pas la PDA versus la mise en disponibilité, mais plutôt la PDA versus le statut de fonctionnaire excédentaire. Il a choisi la PDA; cette décision ne peut faire l'objet d'un grief.

M e Bidal soutient, subsidiairement, que le licenciement était une mise en disponibilité. Toutefois, cette mesure n'est pas plus arbitrable puisque les mises en disponibilité sont assujetties à l'article 29 de la L.E.F.P. et que, dans Rinaldi (dossiers de la Commission 166-2-26927; 26928 et 27383), l'arbitre a conclu que la Commission ne pouvait assumer compétence à l'égard d'une mise en disponibilité que s'il s'agissait, en réalité, d'un renvoi illégal.

Dans l'affaire qui nous occupe, compte tenu du réaménagement des effectifs qui était en cours, la réduction a été effectuée conformément à la L.E.F.P. et la L.R.T.F.P. ne confère aucun pouvoir pour instruire l'affaire.

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Décision Page 13 Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas démontré que l'employeur avait fait preuve de mauvaise foi ni que celle-ci avait entraîné son congédiement. Bien qu’on retrouve des éléments de mesure disciplinaire, ceux-ci demeurent très mineurs. De plus, le fonctionnaire a été traité comme tous les autres fonctionnaires déclarés excédentaires, en ce sens qu'on lui a offert la PDA ou un autre emploi. On peut soutenir que des offres d'emploi raisonnables ont été faites, mais que face au désintéressement du fonctionnaire à l'égard de tous ces postes, le Ministère a continué de chercher et n'a pas fait d'offre officielle. Ainsi, l'option de la PDA demeurait à la portée de M. Flynn, qui s'en est finalement prévalu.

Comme autre argument, M e Bidal maintient que même si je concluais à la mauvaise foi de l'employeur, comme dans Rinaldi (supra), cela n'a toujours pas pour effet de conférer la compétence voulue à l'arbitre. Le Ministère devait procéder à des réductions d'effectifs; par conséquent, le fonctionnaire ne peut démontrer que l'employeur s'en est pris à lui personnellement en le déclarant excédentaire. Le major Pucci a décidé d'obtenir les services informatiques voulus de la garnison d'Edmonton et le poste du fonctionnaire a été touché.

Il n'y a aucune preuve soutenant que la décision de l'employeur relevait d'une autre disposition que l'article 29 de la L.E.F.P. Par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence pour trancher la présente affaire.

Motifs de la décision La question à trancher en l'espèce est de savoir si la démission équivalait à une mesure disciplinaire déguisée (auquel cas j'aurais compétence pour instruire l'affaire).

Dans McIlroy (supra), le commissaire S.J. Frankel devait décider si la démission était en fait une sanction disciplinaire déguisée et si la Commission avait compétence pour instruire l'affaire. Aux pages 31 et 32 de la décision, l'arbitre écrit ce qui suit :

37. […] Dans une longue suite de griefs découlant d'une cessation d'emploi (autre qu'un congédiement), les arbitres avaient jugé nécessaire de déterminer, comme question de fait préliminaire, si la cessation d'emploi, indépendamment de sa forme (c'est-à-dire mise en disponibilité ou renvoi en cours de stage) était en réalité attribuable en totalité ou en partie à un motif disciplinaire. Il est maintenant établi que s'il conclut à une intention disciplinaire, un arbitre a la compétence voulue pour juger du bien-fondé du grief. (Voir

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Décision Page 14 Le Procureur général du Canada c. la Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1977] 1 C.F. 91, décision confirmée par celle rendue dans l'affaire Roland Jacmain c. Le Procureur général du Canada et al [1978] 2 R.C.S. 15.) J'insisterai toutefois sur le fait qu'il ne suffit pas que l'élément disciplinaire soit présent dans le contexte d'une cessation d'emploi; il doit exister une relation de cause à effet.

[…] Plus loin, aux pages 34 et 35, l'arbitre écrit : 40. Dans l'affaire qui nous occupe, il ne nous suffit pas de soutenir que la démission de M m e McIlroy était involontaire, qu'elle était « manigancée » par l'employeur. Il faut prouver qu'elle était le résultat d'une mesure disciplinaire ou qu'elle lui a été soutirée par la menace d'une mesure disciplinaire. […] S'il ne peut prouver que la menace de renvoi comportait une intention disciplinaire, il ne lui reste plus qu'à demander une réparation devant un autre tribunal

[...] À la lumière des principes ci-dessus, il incombe au fonctionnaire d'établir que son licenciement est la conséquence d’une mesure disciplinaire déguisée. Or je ne pense pas qu'il y ait suffisamment d'éléments pour que le fonctionnaire puisse s'acquitter de ce fardeau. À mon avis, il n'y a pas assez d'éléments de preuve pour établir, d'après la prépondérance des probabilités, que les mesures prises par l'employeur et ayant entraîné le licenciement du fonctionnaire n'étaient pas des décisions administratives rendues nécessaires par cette fameuse réduction des effectifs.

Je conclus, en m'appuyant sur ce qui précède, que je n'ai pas compétence pour instruire l'affaire dont je suis saisi. Il n'est donc pas nécessaire que je tranche la question du respect des délais.

Cela dit, j'aimerais toutefois commenter la démission proprement dite, bien qu'il soit établi que les démissions ne tombent pas sous le coup de la L.R.T.F.P.

Comme dans la situation décrite dans Arsenault (supra), la démission de M. Flynn comportait ses avantages. Il a pu se prévaloir des avantages du Programme de la PDA, ce qui lui a procuré un paiement forfaitaire. Les options qui étaient offertes à M. Flynn ont été bien expliquées dans les lettres qui lui ont été envoyées le

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Décision Page 15 7 novembre 1997 et le 8 janvier 1998. M. Flynn a décidé de remettre sa démission le 9 mars 1998. Il a eu amplement le temps de peser le pour et le contre, en somme, de démissionner et j'estime que c'est effectivement ce que M. Flynn a fait; je crois qu'il a examiné les avantages que lui procurait au bout du compte le Programme de la PDA et que, en remettant sa démission, il a décidé de s'en prévaloir.

Pour tous ces motifs, je rejette le grief faute de compétence.

Joseph W. Potter, président suppléant

OTTAWA, le 23 novembre 1999. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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