Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Agent de correction (CX) - Accusations criminelles - Omission de se présenter au travail - Absence non autorisée - Atténuation des dommages-intérêts - le fonctionnaire s'estimant lésé est agent de correction (CX-1); au moment de sa suspension pour une période indéterminée et de son licenciement, il était affecté à l'établissement Millhaven - le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé à travailler pour le SCC en septembre 1992 - en 1997, il a demandé et obtenu un congé d'un an du SCC pour occuper un emploi à titre de policier pour le service de police de Niagara - en avril 1998, l'employeur a appris que le fonctionnaire s'estimant lésé avait récemment été accusé à Hamilton d'agression, d'agression armée, de conduite dangereuse et de menaces - l'employeur a appris également que, en octobre 1997, le fonctionnaire s'estimant lésé avait été accusé de conduite dangereuse pour un incident qui s'était produit à Cobourg (Ontario) - l'employeur a interdit au fonctionnaire s'estimant lésé l'accès à l'établissement Millhaven, mais il n'en a pas avisé ce dernier - le fonctionnaire s'estimant lésé a informé l'employeur au téléphone qu'il était disposé à retourner au travail à l'expiration de son congé et confirmé la rumeur suivant laquelle il avait été effectivement suspendu sans traitement - l'employeur a ensuite officiellement suspendu le fonctionnaire s'estimant lésé par lettre dans laquelle il lui demandait aussi de confirmer s'il avait l'intention de retourner au SCC, étant donné que son congé autorisé était presque terminé - le 11 février 2002, il s'est rendu à l'établissement Millhaven, où il a rencontré le sous-directeur intérimaire et demandé une représentation syndicale, demandé l'autorisation de remplir un formulaire de congé, demandé un congé de maladie sans traitement d'une durée indéterminée, ce qu'il a soumis à l'employeur, puis il a quitté l'établissement - le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié par lettre datée du 21 février 2002 pour avoir refusé de se présenter au travail et avoir été absent du travail sans autorisation, et en raison également du comportement qui avait mené au dépôt des accusations criminelles - le fonctionnaire s'estimant lésé a porté plainte également contre cette mesure - du mois d'avril 1997 au mois de décembre 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé avait travaillé pour le service de police de Niagara - le service de police a mis fin à son emploi en décembre 2002, à la suite de sa deuxième déclaration de culpabilité relativement aux accusations portant sur les événements qui s'étaient produits à Cobourg, et le fonctionnaire a contesté ce licenciement également - l'employeur a fait valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait jamais eu l'intention de retourner au travail et il a contesté également la prétention du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il n'était pas apte à travailler - l'employeur a fait valoir qu'il convenait de licencier l'agent de la paix qui était accusé ou déclaré coupable relativement à des accusations criminelles - le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu qu'il ignorait que, pendant qu'il était en congé autorisé sans traitement, il avait l'obligation d'informer le SCC des accusations qui pesaient contre lui - il a déclaré qu'il avait toujours eu l'intention de retourner au travail - quant à son état mental, il a fait valoir que les attestations médicales qu'il avait remises à l'audience confirmaient sa prétention - l'arbitre a conclu que, dans les cas de suspension pour une période indéterminée comme celui-ci, il incombe à l'employeur de mener une enquête sur les circonstances entourant les accusations criminelles, ce que ce dernier n'a pas fait - il a ensuite décidé de ramener le fonctionnaire s'estimant lésé au travail, sans avoir quelque preuve que ce soit d'une inconduite qui aurait justifié la suspension - l'arbitre a conclu par conséquent que la suspension était injustifiée, elle a accueilli le grief portant sur la suspension, mais elle n'a pas accordé de dommages-intérêts au fonctionnaire s'estimant lésé pour cette période, puisqu'il avait travaillé pendant la période en question au service de police de Niagara et avait alors touché un salaire plus élevé que ce qu'il touchait à titre de CX-1 - elle a cependant rétabli sa pension, ses crédits de congé et son ancienneté - en ce qui concerne le licenciement, l'arbitre a déterminé que l'employeur avait contrevenu au Guide d'application - Sanctions disciplinaires en congédiant le fonctionnaire s'estimant lésé sans d'abord le rencontrer ou lui parler - elle a conclu également que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas contrevenu au Code de discipline puisqu'il avait été avisé de se présenter au travail le 11 février 2002 et s'était conformé à cette directive - demander un congé de maladie pour une période indéterminée ne constitue pas une inconduite, et l'employeur ne lui a jamais ordonné de rester au lieu de travail - bien que l'employeur ait supposé qu'il n'était pas malade puisqu'il travaillait encore pour le service de police de Niagara, il ne s'est jamais renseigné davantage concernant les tâches assumées ou la raison pour laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé prétendait être malade - de plus, l'employeur n'a jamais demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de fournir une attestation médicale - l'arbitre a annulé le licenciement et ordonné à l'employeur d'accorder au fonctionnaire s'estimant lésé un congé de maladie sans traitement jusqu'à ce qu'il lui remette une attestation confirmant qu'il était apte à retourner au travail - la demande d'une lettre d'excuses a été rejetée, tout comme la demande de dommages-intérêts, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé n'a subi aucune perte financière. Grief accueilli en partie. Décision citée : Larson c. Conseil du Trésor, 2002 CRTFP 9 (166-30267, 30268 et 30269).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-06-20
  • Dossiers:  166-2-29044, 166-2-31467
  • Référence:  2003 CRTFP 49

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MEICHLAND BLACKBURN
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant:  Evelyne Henry, présidente suppléante

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :    Lui-même

Pour l'employeur :   John Jaworski, avocat


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 17 et 18 octobre 2002, du 3 au 6 mars et le 5 mai 2003.


[1]   Meichland Oliver Blackburn, agent de correction (CX-1), a présenté un grief afin de contester sa suspension pour une période indéfinie à compter du 25 mai 1998 ainsi que son licenciement en vertu de l'alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), à compter du 11 février 2002.

[2]   Au moment où la suspension lui a été imposée, M. Blackburn était en congé non payé du Service correctionnel du Canada (SCC) à titre de policier au Service de police régional du Niagara. Pendant ce congé non payé, M. Blackburn a été accusé en octobre 1997 de conduite dangereuse, ainsi que de plusieurs infractions criminelles, en avril 1998.

[3]   D'entrée de jeu, afin d'accélérer la procédure, le fonctionnaire s'estimant lésé a conclu que, si un représentant du Service de police régional du Niagara témoignait, son témoignage confirmerait qu'il était payé à temps plein par le Service de police régional du Niagara du 1er juin 1997 au 9 juillet 2002. Il n'a jamais perdu de paye tant qu'il a travaillé pour le Service de police régional du Niagara.

[4]   Le traitement brut de M. Blackburn comme policier était le suivant :

1998   54 140,19 $
1999   56 035,10 $
2000   entre le traitement de 1999 et celui de 2001
2001   59 370,98 $
2002   61 000,00 $

[5]   M. Blackburn a été mis d'office en congé de maladie non payé du 9 juillet au 5 décembre 2002.

[6]   En mai 1997, à SCC, l'échelle des salaires pour un CX-1 était de 33 798 $ par année.

[7]   Voici les échelles des salaires des CX-1 de 1999 à 2002 :

1999   39 625 $ à 41 548 $
2000   44 347 $ à 46 590 $
2001   44 434 $ à 47 755 $
2002   45 545 $ à 50 071 $

[8]   M. Blackburn a reconnu que les avantages sociaux des policiers et des CX-1 s'équivalaient, quoique les régimes d'assurance pour soins de santé et pour soins dentaires ainsi que le régime d'assurance-vie offerts par le Service de police régional du Niagara étaient légèrement plus avantageux que ceux du SCC.

[9]   Il a aussi admis que les deux régimes de congés de maladie étaient virtuellement identiques, à cela près que celui du Service de police régional du Niagara prévoit le paiement des crédits de congés non utilisés. Les régimes de congés annuels étaient identiques ou plus avantageux.

[10]   Les quarts de travail de M. Blackburn comme policier étaient prévus au tableau de service; la pièce E-1 est le tableau de service du Service de police régional du Niagara pour la période du 1er au 17 février 2002.

[11]   En juin 2002, le juge Morgan a reconnu M. Blackburn coupable de conduite dangereuse en vertu de l'alinéa 249(1) a) du Code criminel du Canada, à l'égard d'un incident survenu le 27 octobre 1997 dans le canton d'Hamilton du comté de Northumberland. La peine a été imposée le 4 novembre 2002 : M. Blackburn a écopé de 30 jours de prison (il en a purgé une journée et demie avant d'être libéré sous caution) et s'est fait interdire de conduire pendant un an. L'exécution de la peine est en sursis, puisque M. Blackburn a interjeté appel de sa condamnation. Aucune date d'appel n'a encore été fixée.

[12]   L'emploi de M. Blackburn au Service de police régional du Niagara a pris fin le 5 décembre 2002. Il a fait appel de son licenciement auprès de la Commission civile des services de police de l'Ontario.

[13]   L'employeur a fait comparaître deux témoins : le sous-commissaire adjoint Louis Kelly et la sous-directrice Catherine Marie Gainer.

[14]   M. Louis Kelly est sous-commissaire adjoint de la Région de l'Ontario de Corrections Canada depuis environ trois ans. Auparavant, il a été directeur de l'établissement de Millhaven pendant quatre ans. Il est dans sa 29e année de service au SCC.

[15]   En sa qualité de directeur, M. Kelly était responsable de l'ensemble de l'administration de l'établissement de Millhaven, qui compte un effectif de 356 fonctionnaires permanents, plus une trentaine de contractuels. Il était responsable de l'exécution des programmes à l'intention des détenus. La population carcérale est divisée en deux : l'Unité d'évaluation des risques; comptant environ 180 détenus et l'Unité à sécurité maximale - avec ségrégation - comptant environ 150 autres détenus. M. Kelly était responsable de la formation et de la discipline du personnel.

[16]   M. Kelly a déposé en preuve un document intitulé [traduction] Guide des mesures disciplinaires, de la rétrogradation et du licenciement non disciplinaires motivés applicable au personnel de surveillance et de gestion, en tant que pièce E-2. Il avait pris connaissance de ce Guide et il s'en servait.

[17]   Il a aussi déposé en preuve comme pièces E-3 et E-4 respectivement, les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline.

[18]   M. Kelly a déposé un document du SCC dans lequel M. Blackburn avait accusé réception du Code de discipline (pièce E-5). Il a déposé aussi la description de poste repère d'un agent de correction I, comme pièce E-6. La pièce E-7 est une Directive du Commissaire sur la désignation des agents de la paix; c'est la politique du SCC à l'égard des agents de la paix.

[19]   Le 9 mai 1997, M. Blackburn a écrit à M. Kelly pour lui demander un congé afin de pouvoir accepter un emploi au Service de police régional du Niagara (pièce E-8). M. Kelly a déposé comme pièce E-9 une note de service de J. Hudacin accompagnée d'une demande de congé d'un an modifiée, signée par M. Blackburn. La demande de congé non payé a été approuvée, comme c'est normalement le cas pour ce genre de congé.

[20]   M. Kelly a ensuite déposé une coupure du Hamilton Spectator (pièce E-10). C'est le bureau de sécurité préventive de l'établissement (BSPE) qui lui a remis cette coupure de journal, qui avait été affichée au tableau d'affichage du personnel à la fin d'avril 1998. M. Blackburn a contesté le contenu de cette pièce en disant que c'était du ouï-dire.

[21]   M. Kelly a demandé au BSPE de faire une recherche dans les données du CIPC; il a obtenu un rapport (pièce E-13) dans lequel on peut lire que Meichland Oliver Blackburn avait été accusé le 10 avril 1998 de voies de fait, de voies de fait avec une arme, de menaces et de conduite dangereuse. Le rapport faisait aussi état d'une autre accusation de conduite dangereuse (en instance) pour un incident survenu le 27 octobre 1997.

[22]   Après qu'on lui eut remis cette coupure de journal, M. Kelly a écrit au chef du Service de police régional du Niagara, Grant Waddell, le 30 avril 1998 (pièce E-11). Le 14 mai 1998, le chef de police adjoint, Gary E. Nicholls, a répondu à la lettre de M. Kelly (pièce E-12).

[23]   Le 25 mai 1998, après avoir écrit au chef de police Grant Waddell, M. Kelly a reçu un appel téléphonique du détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario. Son interlocuteur a dit se nommer Greg Lackie; il lui a déclaré que M. Blackburn était dans son bureau. M. Kelly a déclaré que le constable Lackie ne connaissait pas M. Blackburn. Au moment où il a reçu cet appel, il n'a pas pris de notes; ce dont il se souvient figure dans sa lettre (pièce E-14) et dans ses notes, qu'il a rédigées en aoêt ou septembre 1998 (pièce E-19). Entre le 25 mai et le 10 juillet 1998, M. Blackburn ne lui a jamais dit qu'il était encore payé par le Service de police du Niagara.

[24]   Le 25 mai 1998, M. Kelly a écrit à M. Blackburn la lettre suivante (pièce E-14) :

[Traduction]

La présente lettre confirmera notre conversation du 25 mai 1998, qui a commencé par l'intermédiaire du constable Greg Lackie, du détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario.

Au cours de notre conversation, je vous ai signalé qu'on m'avait appris que plusieurs accusations ont été portées contre vous en vertu du Code criminel du Canada. Vous avez été accusé de conduite dangereuse, de voies de fait, de voies de fait avec une arme et de menaces.

J'ai pris bonne note que ces accusations ont été portées contre vous pendant votre congé d'un an du Service correctionnel, qui se termine le 30 mai 1998.

J'estime que ces accusations criminelles sont très graves, dans la mesure où elles pourraient influer sur votre emploi au Service correctionnel du Canada. Je vais étudier davantage la situation afin d'obtenir les renseignements nécessaires afin de prendre une décision éclairée. Jusqu'à ce que j'aie pris cette décision, vous ne serez pas autorisé à retourner au travail à l'établissement de Millhaven.

Étant donné que vous avez demandé un congé pour être réintégré dans le Service de police régional du Niagara, veuillez m'informer de vos intentions à la fin de votre période de congé.

[25]   M. Kelly ne se rappelle rien, sauf ce qui figure dans ses lettres et dans ses notes (pièce E-19).

[26]   Le 4 juin 1998, M. Kelly a écrit une deuxième lettre à M. Blackburn pour lui redemander de préciser ses intentions quant à son congé, au plus tard le 12 juin 1998 (pièce E-15).

[27]   Le 25 juin 1998, M. Blackburn a rédigé la réponse suivante (pièce E-16) :

[Traduction]

Le 24 juin 1998, j'ai reçu la lettre recommandée datée du 4 juin 1998 que vous m'avez adressée pour me dire que vous aimeriez savoir si je compte retourner ou non au Service correctionnel du Canada.

Premièrement, je n'ai jamais quitté le service; j'ai simplement pris un congé autorisé par vous en mai 1997, et ce congé n'était que pour une période d'un an. Il m'a été accordé pour que j'aie la possibilité de déterminer si je voulais faire carrière dans la police.

Quoi qu'il en soit, dans la conversation téléphonique que nous avons eue le 25 mai 1998, alors que j'étais dans le bureau du détachement du comté de Frontenac-Sud de la Police provinciale de l'Ontario, en présence du constable Greg Lackie, je vous ai informé que j'étais à Kingston pour vous déclarer personnellement et de vive voix que j'étais de retour de ce congé de l'établissement de Millhaven et que j'étais prêt à reprendre le travail immédiatement après la fin de ce congé, qui a expiré le 30 mai 1998. Vous m'avez répondu : '' Étant donné que vous faites face à plusieurs accusations criminelles, le SCC et moi avons décidé que vous ne devriez pas retourner au travail avant que ces accusations n'aient été tranchées par un tribunal; quand elles l'auront été, le SCC et moi déciderons si vous devriez retourner au travail ''. Je vous ai alors demandé quelle était la justification juridique et quels étaient les précédents, les directives, les lois, etc., régissant le SCC sur lesquels vous vous êtes fondés pour arriver à cette décision. Vous m'avez répondu : '' Les accusations au criminel auxquelles vous faites actuellement face justifient qu'on vous interdise de travailler et d'avoir accès à la propriété de l'établissement de Millhaven ". Dans une lettre que vous m'avez adressée en date du 25 mai 1998, vous avez fait écho à ces sentiments.

Je répète que j'ai l'intention de retourner travailler en la qualité que j'avais avant d'obtenir mon congé, sous réserve des répercussions dudit congé conformément à la convention collective.

Me refuser cette possibilité sur la foi d'allégations sans déclaration de culpabilité fait fi de la procédure équitable et porte clairement atteinte aux droits qui me sont reconnus par la Charte, notamment, mais pas exclusivement, par le paragraphe 6(2), les articles 7, 11 et 12 ainsi que le paragraphe 15(1).

Je suis prêt à retourner travailler et à gagner ma vie. Si le SCC et vous-même persistez à vouloir m'interdire de retourner travailler, veuillez m'en préciser les raisons par écrit et les préciser aussi par écrit au président de mon syndicat à Millhaven, en stipulant aussi sur quels éléments de preuve vous vous êtes fondés pour arriver à cette décision.

Oserais-je vous suggérer que ce qui serait juste consisterait à me mettre en congé autorisé payé jusqu'à ce que les questions qui vous préoccupent soient tranchées et réglées. La pratique établie veut que lorsque des fonctionnaires sont susceptibles d'écoper de mesures disciplinaires par suite de leur conduite au travail ou en dehors de leurs heures de travail, qu'elle soit criminelle ou pas, l'employeur - le SCC - les suspend avec traitement ou les met en congé payé jusqu'à ce que la question soit réglée. Je ne pense pas que ce sera le cas en ce qui me concerne, compte tenu de mes antécédents avec le SCC, de sorte que cette affaire aboutira certainement à un grief ou à des recours juridiques.

Je vous remercie, dans l'attente de votre réponse.

[28]   M. Kelly a répondu à cette lettre de M. Blackburn le 10 juillet 1998 (pièce E-17) :

[Traduction]

J'accuse réception de votre lettre datée du 25 juin 1998, dans laquelle vous dites vouloir retourner travailler à l'établissement de Millhaven comme agent de correction.

Je tiens à préciser que notre conversation téléphonique du 25 mai 1998 ne m'avait pas donné l'impression que vous ayez exprimé l'intention de retourner au Service correctionnel du Canada. Je vous ai donc écrit le 25 mai 1998 pour tirer cela au clair.

Comme je vous l'ai dit lors de notre conversation ainsi que dans la lettre de suivi que je vous ai écrite le 25 mai 1998, je considère les accusations criminelles qui ont été portées contre vous comme très graves, dans la mesure où elles pourraient influer sur votre emploi au Service correctionnel du Canada. J'ai donc décidé qu'il était nécessaire que vous restiez en congé non payé jusqu'à ce que ces accusations criminelles soient tranchées. À ce moment-là, nous déterminerons si vous pouvez continuer à travailler au SCC, ce qui comprendra une révision de votre cote de fiabilité approfondie.

Je tiens aussi à préciser que vous avez pris un an de congé pour faire carrière dans la Police régionale du Niagara et que, d'après les renseignements les plus récents que j'ai, vous êtes encore membre actif de ce corps policier. Veuillez préciser votre statut dans cette organisation.

Quand les accusations criminelles susmentionnées auront été tranchées, veuillez en informer mon bureau.

[29]   Le 13 juillet 1998, M. Kelly a obtenu un autre rapport du CIPC (pièce E-18) confirmant que M. Blackburn avait été mis en liberté sous engagement et que la date du procès relatif à l'incident du 27 octobre 1997 avait été fixée au 12 aoêt 1998.

[30]   M. Blackburn a présenté un grief pour contester sa suspension le 15 juillet 1998; ce grief a été entendu entre le 29 juillet et le 22 septembre 1998. M. Kelly ne se rappelle pas à quelle date. Il avait rédigé des notes manuscrites à peu près une journée après l'audition du grief; il les a déposées en preuve comme pièce E-19.

[31]   Le 27 septembre 1999, M. Kelly a reçu par télécopieur une copie d'un mandat de dépêt sur déclaration de culpabilité dans lequel on peut lire que M. Blackburn avait été reconnu coupable le 30 avril 1999 de l'infraction commise le 27 octobre 1997 et qu'il avait été condamné à 30 jours de prison. Le document partiel qu'il a reçu par télécopieur est la pièce E-20; il avait appris que M. Blackburn était encore au service de la Police du Niagara.

[32]   M. Kelly avait aussi vu passer un article de journal (pièce E-21) paru dans The Examiner et intitulé [traduction] « Un policier condamné à la prison pour rage au volant ». Il ne se rappelle pas à quelle date il a vu cet article, mais c'est pendant qu'il était directeur de l'établissement de Millhaven. Par la suite, il a appris que cette condamnation avait été annulée en appel.

[33]   Le 16 février 2001, M. Blackburn a fait parvenir par télécopieur une lettre à M. Kelly et à Paul Snyder, qui était alors le directeur de l'établissement de Millhaven (pièce E-22). Il n'y avait eu aucun contact entre M. Blackburn et les autorités de l'établissement entre l'audition de son grief et cette lettre. La lettre était accompagnée d'une ordonnance autorisant l'appel par M. Blackburn de sa condamnation, datée du 17 juillet 2000, ainsi que de documents attestant qu'il avait été jugé non coupable de ses accusations de voies de fait, de voies de fait avec une arme, de menaces et de conduite dangereuse, de même que d'une coupure de journal intitulée [traduction] « Un policier du Niagara acquitté de voies de fait contre un messager cycliste d'Hamilton ».

[34]   Il manque toutefois un document dans la pièce E-22, soit l'Ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire (pièce E-29), qui était jointe à la lettre télécopiée du 16 février 2001 de M. Blackburn.

[35]   Quand il a reçu la pièce E-22, M. Kelly a parlé avec le directeur par intérim Snyder; ils ont de nouveau tenté de déterminer quelle était la situation de M. Blackburn dans la Police du Niagara. La procédure de règlement des griefs changeait, et le SCC penchait pour la médiation.

[36]   Le 2 mai 2001, M. Paul Snyder, directeur par intérim de l'établissement de Millhaven, a écrit au chef de la Police du Niagara Gary Nicholls une lettre (pièce E-23) dont il a remis une copie à M. Kelly. Le 10 mai 2001, M. Snyder a reçu une réponse (pièce E-24) où l'on peut lire que : [traduction] « Meichland Blackburn est un membre du Service de police régional du Niagara, avec le rang de constable de deuxième classe. »

[37]   Le 26 novembre 2001, après avoir reçu une demande du SCC, le Service de police régional du Niagara a envoyé par télécopieur une lettre à Gary Cornett, directeur régional du SCC à St. Catharines, qui l'a faite parvenir (par télécopieur, lui aussi) à M. Kelly (pièce E-30). Dans cette lettre, le surintendant des Services sur le terrain du Service de police régional du Niagara déclarait que : [traduction] « Meichland Blackburn est membre à temps plein du Service de police régional du Niagara, avec le rang de constable de deuxième classe. »

[38]   C'est à peu près en même temps, lors d'une réunion de relations de travail, que M. Kelly a vu passer un rapport du CIPC (pièce E-25) daté du 25 octobre 2001 dans lequel il est précisé qu'un nouveau procès avait été ordonné quand la condamnation pour conduite dangereuse du fonctionnaire s'estimant lésé avait été annulée. Ce rapport confirmait par ailleurs que M. Blackburn avait été acquitté de ses autres accusations.

[39]   Le 10 janvier 2002, M. Kelly a écrit une lettre à M. Blackburn (pièce E-26). Il avait été informé, dans le cadre du processus de médiation, que M. Blackburn voulait retourner travailler au SCC. Il avait reçu à différents moments des indications que M. Blackburn souhaitait retourner travailler au SCC. Dans une lettre antérieure, M. Blackburn avait dit vouloir retourner travailler; à la médiation, il avait dit souhaiter être réintégré et rentrer en fonctions.

[40]   M. Kelly était d'avis que, comme M. Blackburn voulait retourner au travail et que les accusations criminelles n'avaient pas encore été réglées, la façon la plus équitable de procéder aurait consisté à le réintégrer dans ses fonctions en attendant que les procédures pénales aboutissent.

[41]   La pièce E-26 se lit comme suit :

[Traduction]

Vers le 25 mai 1997, vous avez demandé un congé non payé d'un (1) an afin de pouvoir être réintégré dans le Service de police régional du Niagara à partir du 2 juin 1997. Ce congé vous a été accordé.

Vers le 28 mai 1998, pendant votre congé, vous avez été suspendu pour une période indéfinie de votre poste d'agent de correction (CX-1) à l'établissement de Millhaven, après qu'il fut venu à notre attention que vous aviez été accusé en vertu du Code criminel du Canada pour deux incidents, l'un à Hamilton, en Ontario, et l'autre à Cobourg, en Ontario.

Nonobstant votre suspension et nonobstant aussi le fait que l'enquête sur votre conduite dans ces deux incidents se poursuit, vous devez vous présenter pour travailler à l'établissement de Millhaven, à Bath, en Ontario, le lundi 11 février 2002, à 6 h 45, pour le quart de 7 h à 15 h.

À votre arrivée à l'établissement, vous devrez vous présenter à Brian Schwehr, surveillant correctionnel, qui vous donnera des instructions quant au début de votre réorientation pour une période de deux semaines [sic]. Vous suivrez l'entraînement au maniement des armes conformément aux Règles du SCC, de même qu'un pulvérisateur d'OC. Vous devrez aussi être muni de votre attestation de compétence en RCR en vigueur et d'un permis de conduire valide. En tant que CX-01, vous serez dans l'Unité J, l'unité à sécurité maximale, sauf instruction contraire.

Si vous n'avez pas l'intention de vous présenter au travail, j'aimerais que vous me téléphoniez pour confirmer que vous ne vous présenterez pas. Vous pouvez me joindre au (613) 545-8134.

[42]   M. Kelly a expliqué que le troisième paragraphe de sa lettre est clair : il avait l'intention de prendre à une date ultérieure une décision sur les deux accusations relatives aux incidents d'Hamilton et de Cobourg [traduction] « quand la poussière serait enfin retombée avec le procès ». Il a déclaré qu'il devait se prononcer sur la conduite de M. Blackburn dans ces deux incidents quels que soient les résultats des procédures devant les tribunaux.

[43]   M. Blackburn a répondu à M. Kelly le 21 janvier 2002 (pièce E-27) en ces termes :

[Traduction]

J'ai reçu la lettre susmentionnée; veuillez adresser toute la correspondance ultérieure à l'adresse en rubrique.

Dois-je comprendre que, bien que j'aie été suspendu sur votre ordre et que l'enquête sur ma conduite relativement aux incidents d'Hamilton et de Cobourg se poursuive, je dois me présenter à Millhaven seulement pour une période d'orientation de deux semaines?

Avant ce changement, vous n'avez jamais dévié de la position que, en raison de la nature des accusations criminelles, mon retour à Millhaven n'était pas possible en raison du danger pour la sécurité que je constituais pour le personnel, les détenus et moi-même. Qu'est-ce qui a changé dans ma situation pour justifier ce changement de position?

Votre lettre n'est pas claire; elle ne précise pas que ma suspension et mon interdiction d'avoir accès aux locaux ont été levées. Il n'y a pas dans votre lettre de déclaration révoquant ma suspension. Il n'est pas clair non plus que votre lettre est un ordre de me présenter pour travailler ou seulement pour recevoir des instructions. Veuillez le préciser.

En ce qui concerne cette réaffectation à l'Unité J, je m'y oppose énergiquement. Avant mon congé, j'étais affecté à l'Unité E (réception) et c'est là que je vais rester. Je résisterai à toute tentative de me faire affecter dans l'Unité J, en présentant un grief. Ce qu'il serait avisé de faire consisterait à me permettre d'acquérir une connaissance pratique des unités, après quoi nous pourrions nous rencontrer pour discuter de l'unité dans laquelle mes talents pourraient être utilisés de façon optimale, une fois que l'accusation criminelle restante aura été tranchée.

Pour le moment, je n'ai pas d'attestation de compétence en RCR. Conformément à la pratique normale, c'est le SCC qui fournit toujours cette formation à son personnel.

Enfin, compte tenu du stress constant qui résulte de cette suspension, de l'enquête qui se poursuit sur ma conduite et du mauvais traitement que le Service et vous-même m'ont fait subir, j'ai fini par être mentalement et émotivement épuisé. Mon état mental et émotionnel est actuellement tel en ce qui concerne le SCC que je ne suis absolument pas apte à m'acquitter de mes fonctions comme CX-01 dans un établissement carcéral.

À 15 h 04 aujourd'hui (le 21 janvier 2002) j'ai reçu un appel téléphonique de votre secrétaire qui me rappelait de l'administration centrale régionale, pendant que j'étais en train de finir cette lettre. Elle m'a informé qu'elle vous avait parlé et que vous lui aviez dit de me dire ce qui suit : a) que ma suspension n'a pas été levée, puisqu'il y a encore des accusations criminelles à trancher; b) que la lettre n'était qu'une offre de retourner au travail et c) que si je n'avais pas l'intention de me présenter pour travailler à la date de l'offre, c'était correct. Enfin, l'offre de retourner travailler n'était pas un ordre. Compte tenu de ce qu'elle m'a dit, je ne retournerai pas travailler tant que l'accusation criminelle de conduite dangereuse à Cobourg (Ontario) n'aura pas été entièrement tranchée et que je serai apte à retourner travailler.

Je vous remercie de votre offre et de la collaboration dont vous me ferez bénéficier dans l'avenir pour régler ce problème persistant.

[44]   Cette lettre de M. Blackburn a estomaqué M. Kelly, qui conteste l'interprétation de sa lettre par le fonctionnaire s'estimant lésé. À son avis, cette lettre à M. Blackburn n'aurait pas pu être plus claire. Il considère le quatrième paragraphe de la lettre de M. Blackburn comme [traduction] « du charabia ». Quand il lui avait écrit pour lui dire de retourner au travail, cela signifiait que sa suspension avait été levée.

[45]   M. Kelly a décrit l'Unité J comme une unité à sécurité maximale; l'Unité E est l'unité d'évaluation. Il a ajouté que les agents de correction sont de service à n'importe quelle grande installation et que, même si l'on s'efforce de les affecter aux unités où ils veulent travailler, la responsabilité d'affecter les agents est du ressort de la direction.

[46]   M. Kelly a été étonné par le deuxième paragraphe à la page 2 de la pièce E-27, car il n'était pas responsable de la conduite de M. Blackburn, ni des infractions dont il avait été accusé.

[47]   M. Kelly a confirmé avoir parlé à sa secrétaire de l'appel de M. Blackburn et lui avoir demandé de le rappeler pour confirmer ce qu'il avait écrit au troisième paragraphe de la pièce E-26.

[48]   M. Kelly a déclaré que l'offre de retourner au travail n'était pas un ordre, parce qu'on lui avait donné l'impression que M. Blackburn voulait retourner travailler.

[49]   M. Kelly n'a pas répondu à la pièce E-27, mais, après avoir été informé par le directeur par intérim Paul Snyder et la sous-directrice par intérim Cathy Gainer de ce qui s'était passé le 11 février 2002, il a rédigé la lettre de licenciement (pièce E-28) le 21 février 2002. Cette lettre se lit comme il suit :

[Traduction]

Je donne suite à votre lettre du 21 janvier 2002 et à votre rencontre avec la sous-directrice par intérim Gainer à l'établissement de Millhaven, dans la matinée du 11 février 2002.

Ma lettre du 10 janvier 2002 vous informait très clairement que vous deviez vous présenter pour travailler à l'établissement Millhaven. Vous deviez le faire pour le quart du matin du 11 février 2002, lequel allait commencer avec votre réorientation, qui allait s'étendre sur environ deux semaines. Vous aviez besoin d'une période de réorientation, puisque vous n'avez pas travaillé comme agent de correction depuis juin 1997. À la fin de votre réorientation, vous alliez être affecté à l'Unité J. On ne vous imposait aucune limite, en ce sens qu'on n'aurait pas eu besoin de vos services que pour une période de deux semaines.

À titre d'agent de correction au Service correctionnel du Canada, vous n'êtes pas en mesure de déterminer où le Service a le plus besoin de vos habiletés et où vos talents sont le plus utiles. C'est Corrections Canada qui détermine où et quand gérer ses institutions et où déléguer ses ressources humaines; ce ne sont pas ses employés qui le lui dictent.

Vous avez déclaré souffrir d'un stress constant en raison de votre suspension et dit que vous n'êtes pas apte à travailler, mais vous n'avez présenté aucun document médical pour étayer cette affirmation. En fait, vous ne m'avez donné aucune indication que vous étiez incapable de travailler quand nous nous sommes rencontrés à la fin de novembre 2001. En outre, je crois savoir que vous êtes encore un membre actif du Service de police régional du Niagara.

En dépit de l'état dont vous prétendez souffrir, vous avez déclaré sans équivoque dans votre correspondance que vous ne retournerez pas au travail tant que les accusations criminelles n'auront pas été entièrement réglées. C'est inacceptable. En mai 1997, vous avez demandé et obtenu un congé d'un an à compter du 2 juin 1997 pour déterminer si vous vouliez faire carrière comme policier. Ce congé s'est terminé le 2 juin 1998. Vous avez été suspendu pendant ce congé.

J'ai su que vous vous êtes présenté à l'établissement de Millhaven dans la matinée du 11 février 2002. Vous êtes arrivé à l'entrée principale (bâtiment d'ID) à 7 h; vous n'étiez pas en uniforme et vous avez déclaré que vous aviez rendez-vous avec le directeur. J'ai parlé au directeur, qui m'a informé n'avoir fixé aucun rendez-vous comme celui-là. D'ailleurs, quand la sous-directrice par intérim Cathy Gainer est arrivée là, elle vous a demandé si vous vous présentiez au travail comme précisé dans la lettre que je vous avais adressée le 10 janvier 2002, mais vous n'avez pas répondu à sa question, en demandant plutêt un représentant syndical et en réclamant une formule de demande de congé de maladie.

J'ai appris qu'il n'y avait pas de représentant syndical à l'établissement à 7 h quand vous y êtes arrivé avec votre épouse; vous avez attendu un peu; D. Barbosa est arrivée. Elle vous a brièvement rencontré avec la sous-directrice par intérim Gainer, dans le bureau du directeur. Vous avez déclaré que vous n'alliez pas commencer à travailler et vous avez rempli la formule de demande de congé (je crois savoir que vous en avez une copie). Quand la sous-directrice par intérim vous a demandé si vous aviez un certificat médical, vous avez dit que non. On m'informe aussi que la sous-directrice par intérim vous a déclaré qu'elle n'avait pas compétence pour prendre une décision sur votre demande, mais qu'elle la communiquerait au directeur et à moi-même. Si j'ai bien compris, c'est à ce moment-là que la rencontre a pris fin.

Vous avez maintenant clairement manqué aux Règles de conduite professionnelle et au Code de discipline d'un agent de correction, en refusant de vous présenter au travail. Vous êtes absent du travail sans autorisation. La lettre que vous avez écrite le 21 janvier 2002 montre clairement que vous n'avez pas l'intention de retourner au travail, même si je vous ai ordonné de le faire. Vous avez aussi clairement fait savoir que vous n'aviez aucune intention de vous acquitter de vos fonctions d'agent de correction où l'établissement vous affecterait.

Ces actions, combinées avec le comportement qui a abouti aux accusations criminelles contre vous (à Hamilton et sur la 401, entre Port Hope et Cobourg) ne me laissent pas le choix. Conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques et dans l'exercice de mes responsabilités d'établir les normes de discipline en vertu de l'alinéa 11(2)f) de ladite Loi, votre emploi au Service correctionnel du Canada a pris fin à compter du 11 février 2002.

La convention collective du groupe Services correctionnels vous donne le droit de présenter un grief pour contester votre licenciement, sous réserve de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[50]   Cette lettre du 21 février 2002 de M. Kelly répond à certains des points soulevés dans la pièce E-27.

[51]   M. Kelly s'était fait dire que M. Blackburn n'avait pas de certificat médical. Il a déclaré qu'il était évident pour lui que M. Blackburn n'avait aucune intention de retourner au travail, et que c'est pour cette raison qu'il l'a licencié.

[52]   M. Kelly avait en tête la Règle 2, à la page 9 de la pièce E-3, quand il a pris sa décision de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé. Il n'y avait pas eu d'entrevue disciplinaire au sujet du comportement de M. Blackburn dans l'incident de rage au volant. M. Kelly attendait que le jugement sur la deuxième accusation qui était encore en instance soit rendu pour convoquer une telle entrevue. Essentiellement, il reprochait à M. Blackburn de ne pas s'être présenté au travail, même après avoir déclaré qu'il en avait l'intention.

[53]   En contre-interrogatoire, M. Kelly a déclaré bien comprendre le Guide des mesures disciplinaires (pièce E-2).

[54]   Quand M. Kelly a lu la coupure de journal (pièce E-10), il [traduction] « ne l'a pas interprétée comme une inconduite de M. Blackburn. » La suspension de M. Blackburn était le résultat d'une analyse administrative. Il ne voulait pas autoriser M. Blackburn à retourner au travail avant que la question ne soit tranchée.

[55]   Après avoir lu le rapport du CIPC (pièce E-13), M. Kelly a délibérément décidé de ne pas convoquer l'entrevue disciplinaire à ce moment-là. Sa décision a été prise compte tenu de l'avis de ses agents de relations de travail; elle était notamment fondée sur le statut de M. Blackburn au Service de police régional du Niagara. M. Kelly avait besoin de plus de renseignements; il devait savoir si M. Blackburn entendait retourner travailler pour le SCC.

[56]   M. Kelly a répété que, pendant sa conversation téléphonique du 25 mai 1998 avec M. Blackburn (et même après), il ne savait pas si ce dernier avait l'intention de retourner au travail. Cette conversation lui avait fait entendre que M. Blackburn savait qu'il était au courant des accusations portées contre lui.

[57]   M. Kelly a déclaré que, au meilleur de sa connaissance, l'avis interdisant à M. Blackburn d'entrer dans l'établissement avait été envoyé à la porte d'entrée de Millhaven le 25 mai 1998 ou peu de temps après. Il ne se rappelle pas s'il en avait avisé le syndicat. Il sait qu'il avait informé de vive voix M. Rod Nellis, le président de la section locale du SESG, de la suspension de M. Blackburn. Il a eu plusieurs conversations avec M. Nellis au sujet de la coupure de journal (pièce E-10) et de son affichage au tableau d'affichage du personnel.

[58]   Quand on lui a demandé s'il avait jamais envisagé de communiquer avec M. Blackburn pour comprendre sa situation et pour lui demander une explication de ce qui s'était passé, M. Kelly a déclaré que ce n'est pas lui qui avait commencé l'enquête en tant que telle, puisque c'est le SCC qui recueillait l'information. Il n'avait jamais eu la moindre intention de ne pas avoir une telle conversation, en temps opportun. Le moment optimal allait venir. Il attendait de connaître les résultats des accusations au criminel.

[59]   Il était difficile de communiquer avec M. Blackburn. M. Kelly a dê lui envoyer une lettre recommandée (pièce E-15) avant d'obtenir une réponse le 25 juin 1998 (pièce E-16).

[60]   Même à l'audience sur son grief, M. Blackburn ne s'est pas empressé de donner des détails; il s'est montré évasif. Il ne voulait pas parler, comme la pièce E-19 le souligne. Il a parlé de [traduction] « prétendues accusations » jusqu'à ce qu'on lui demande carrément s'il y avait bien eu des accusations portées contre lui, et c'est alors seulement qu'il a reconnu que oui.

[61]   M. Kelly a admis que M. Blackburn, M. Nellis, président de la section locale du SESG et la sour de M. Blackburn étaient présents à l'audition de son grief. Il ne se rappelle pas le nom de la sour de M. Blackburn.

[62]   M. Kelly n'a pas obtenu du tribunal ou de la police une copie du texte des accusations précises portées contre M. Blackburn. Il n'en connaissait pas la teneur; il savait seulement qu'il s'agissait de graves accusations.

[63]   M. Kelly ne s'est pas conformé aux instructions figurant à la page 28 du Guide des mesures disciplinaires (pièce E-2) et n'a confié à personne la tâche de le faire. M. Blackburn n'a pas eu d'entrevue disciplinaire comme telle.

[64]   Au moment où il avait autorisé le congé non payé, M. Kelly s'attendait à ce que M. Blackburn ne revienne jamais au SCC. En 1998, il tenait davantage à savoir si M. Blackburn avait encore un emploi au Service de police régional du Niagara qu'à être informé de ce qu'il aurait fait.

[65]   M. Kelly a expliqué que, dans le troisième paragraphe de la pièce E-17, il voulait dire que la suspension était maintenue et qu'elle était non payée.

[66]   Le témoin a expliqué que la cote de fiabilité approfondie est accordée à la suite d'un examen interne de la fiabilité d'un employé et de sa capacité d'être embauché ou de continuer d'être employé au SCC. Selon lui, elle est valable pour dix ans après l'embauche, à moins qu'il se produise quelque chose qui justifierait un nouvel examen, comme des accusations au criminel. Il n'y a pas eu d'examen en vue d'accorder une cote de fiabilité approfondie à M. Blackburn.

[67]   M. Kelly a accepté le verdict d'acquittement des accusations à Hamilton. S'il n'a pas autorisé M. Blackburn à retourner au travail, c'est qu'il attendait le résultat du procès pour l'accusation de conduite dangereuse à Cobourg. Il a déclaré que, même si M. Blackburn avait été acquitté, il se devait de déterminer si sa conduite avait discrédité le SCC.

[68]   M. Kelly n'a pas obtenu de transcription du procès. On lui a conseillé d'attendre le résultat de toutes les accusations au criminel avant de prendre une décision. Il a été informé que la condamnation au sujet de l'incident de Cobourg avait été annulée quand il a lu le rapport du 25 octobre 2001 du CIPC (pièce E-25). C'est à ce moment-là qu'on a commencé à parler du retour de M. Blackburn au travail et de l'idée de faire une évaluation quand [traduction] « la poussière serait retombée ». On pensait que M. Blackburn pourrait travailler en attendant son procès.

[69]   M. Kelly est arrivé à cette conclusion en janvier 2002. C'est alors qu'il a ordonné à M. Blackburn de se présenter au travail, dans le troisième paragraphe de la pièce E-26. Il s'attendait vraiment à ce que le surveillant correctionnel Brian Schwehr soit présent à l'établissement le 11 février 2002, mais il ne sait pas si c'était effectivement le cas.

[70]   M. Kelly a confirmé que sa secrétaire, Kim Smith, l'avait informé de l'appel de M. Blackburn après que celui-ci eut reçu la pièce E-26. Il ne se rappelle pas que M. Blackburn voulait une réponse par écrit à ses questions avant le 11 février 2002. Il a dit à sa secrétaire de rappeler M. Blackburn. Il n'a pas pris note par écrit de l'information que sa secrétaire devait communiquer à M. Blackburn.

[71]   M. Kelly n'a pas tenté de communiquer avec M. Blackburn après avoir reçu la pièce E-27.

[72]   M. Kelly a reconnu que le SCC a pour pratique d'affecter les agents de correction contre qui on a porté des accusations au criminel à des postes au périmètre (ou à des postes sans contact avec les détenus), le tout selon la nature des affaires. Les décisions sont prises au cas par cas, et la nature de l'infraction entre en ligne de compte.

[73]   M. Kelly a été informé le 11 février 2002 que M. Blackburn s'était présenté à l'établissement et avait réclamé une formule de demande de congé. Quand il s'était fait demander s'il avait un certificat médical, il avait répondu que non. M. Kelly n'a pas tenté de vérifier l'état de santé de M. Blackburn. Selon lui, s'il avait vraiment été malade, il aurait eu un certificat médical. Il savait que M. Blackburn travaillait comme policier, de sorte qu'il pouvait fonctionner comme agent de correction.

[74]   M. Kelly n'a posé aucune question à M. Blackburn ni à son employeur, le Service de police régional du Niagara, pour confirmer si le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait effectivement audit Service. Rien ne l'empêchait de se renseigner sur l'état de santé physique ou mental de M. Blackburn, mais il estimait que c'était du ressort de l'intéressé et de son médecin. Il n'a pas vu la formule de demande de congé de M. Blackburn.

[75]   M. Kelly a interprété l'information que M. Blackburn était un membre actif du Service de police régional du Niagara en se disant qu'il allait travailler plutêt que de rester chez lui en congé, et qu'il s'acquittait de certaines de ses fonctions. Il n'avait aucune information sur les fonctions précises dont M. Blackburn s'acquittait effectivement.

[76]   M. Kelly a déclaré que le directeur par intérim Paul Snyder n'était pas chargé du dossier de M. Blackburn, pour des raisons de continuité. Il avait lui-même autorisé le congé non payé, et c'est lui qui avait suspendu M. Blackburn. Quand il est devenu sous-commissaire de la Région de l'Ontario, il a conservé quelques dossiers, dont celui de M. Blackburn.

[77]   Au moment où M. Blackburn s'est présenté à l'établissement de Millhaven, M. Snyder en était le directeur par intérim. (C'est maintenant Jim Marshall qui est le directeur de cet établissement.) Normalement, le directeur a le pouvoir d'autoriser les congés non payés; les surveillants correctionnels ont celui de rejeter les demandes de congé de maladie. Dans le cas de M. Blackburn, M. Kelly avait conservé le pouvoir d'autoriser ou de refuser les congés, parce qu'il s'agissait d'un dossier délicat.

[78]   M. Kelly était convaincu que M. Blackburn n'avait aucune intention de retourner au travail. Il a déclaré : [traduction] « Nous avons été étonnés qu'il se présente au travail ». Il a laissé entendre qu'on avait été étonné de le voir se présenter, mais pas qu'il ne reste pas au travail ou qu'il ne produise pas de certificat médical.

[79]   M. Kelly ne connaissait pas la durée du congé que M. Blackburn avait demandé. Il ne savait pas si la demande de congé de maladie avait été remise à Paul Snyder. Il sait que Paul Snyder n'a pas autorisé le congé. Cela dit, il ne sait pas personnellement si M. Snyder l'a refusé. On lui a seulement dit que la formule de demande de congé avait été remise à Mme Gainer. Il sait que M. Blackburn était à Millhaven le 11 février 2002.

[80]   M. Kelly voulait que la supervision au jour le jour de M. Blackburn à son retour au travail soit assurée par son superviseur immédiat et par le directeur par intérim, mais il entendait conserver son dossier. Il a déclaré que M. Snyder aurait eu avec lui des discussions, en temps opportun, au sujet du retour au travail de M. Blackburn.

[81]   M. Kelly était d'avis que, pendant qu'il était en congé autorisé non payé, M. Blackburn restait un employé du Service correctionnel assujetti à son Code de conduite.

[82]   M. Kelly a déclaré qu'il ne se rappelle pas exactement à quelle date il a décidé de suspendre indéfiniment M. Blackburn. Il n'a pas pu se rappeler quand il a donné l'ordre à l'entrée d'interdire à M. Blackburn l'accès à l'établissement de Millhaven, ni s'il l'avait fait par écrit ou par téléphone.

[83]   Seul M. Kelly avait le pouvoir d'approuver la demande de congé de maladie que M. Blackburn avait présentée le 11 février 2002. On ne lui a pas remis cette formule (pièce E-31), mais il en connaissait l'existence. Il ne se rappelait pas si Paul Snyder l'avait signée pour préciser qu'il refusait de l'approuver. Il n'a pas non plus demandé à M. Blackburn de produire un certificat médical à son retour au travail.

[84]   Catherine Marie Gainer est sous-directrice de l'établissement de Collins Bay depuis octobre 2002. De mai à octobre 2002, elle était sous-directrice par intérim du Centre de traitement régional. De janvier 2001 à mai 2002, elle était sous-directrice par intérim de l'établissement de Millhaven. Auparavant, elle a occupé divers postes au Service correctionnel, où elle avait commencé à travailler en 1996, à l'administration centrale régionale. De 1991 à 1995, elle était au Secrétariat du Solliciteur général; de 1981 à 1991, elle travaillait à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

[85]   À titre de sous-directrice par intérim de l'établissement Millhaven, Mme Gainer était responsable de toutes les questions de sécurité et de protection liées aux opérations correctionnelles, du périmètre aux postes à l'intérieur de l'établissement. Elle était aussi responsable de la psychologie, des soins de santé et du renseignement de sécurité. En l'absence du directeur, elle assumait la responsabilité de l'ensemble de l'établissement. À l'époque, le sous-directeur Paul Snyder était directeur par intérim.

[86]   Mme Gainer a rencontré M. Blackburn juste avant 7 h le 11 février 2002. Elle a reçu un appel du bâtiment de l'identification (ID) l'informant que M. Blackburn était arrivé avec sa conjointe et qu'il avait rendez-vous avec le directeur. Elle n'était pas au courant d'un tel rendez-vous, mais elle savait que M. Blackburn devait se présenter au travail.

[87]   Mme Gainer a autorisé M. Blackburn et sa conjointe à entrer dans l'établissement; elle a demandé au coordonnateur des opérations correctionnelles, gestionnaire exclu, de l'accompagner pour rencontrer M. Blackburn. Elle a tenté de communiquer par téléphone avec M. Snyder et avec M. Kelly, mais sans succès.

[88]   M. Blackburn est entré dans l'établissement avec sa conjointe, dont Mme Gainer ne se rappelait pas le nom. Elle les a invités à la suivre dans le bureau du directeur. M. Blackburn n'était pas en uniforme. Elle lui a demandé s'il se présentait pour travailler. Il a répondu qu'il voulait lui parler en présence d'un représentant syndical, en réclamant une formule de demande de congé et en déclarant que M. Kelly était au courant de ses plans.

[89]   Mme Gainer a dit à M. Blackburn qu'elle allait trouver un représentant syndical et obtenir une formule de demande de congé, en lui demandant de l'attendre avec sa conjointe dans le bâtiment d'ID. Cette conversation s'est déroulée dans le vestibule adjacent au bureau du directeur. M. Blackburn et sa conjointe sont retournés sans escorte au bâtiment d'ID.

[90]   Mme Gainer a trouvé une formule de demande de congé; elle a vérifié au tableau de service pour voir si un représentant syndical était présent ou devait bientêt arriver. Mme Désirée Barbosa, représentante syndicale, devait se présenter à l'établissement à 7 h 30. Mme Gainer l'a interceptée comme elle arrivait et lui a dit que M. Blackburn avait réclamé la présence d'un représentant syndical. Si elle était disposée à lui offrir ses services, Mme Gainer était prête à faire venir M. Blackburn.

[91]   Mme Gainer a téléphoné au bâtiment d'ID en demandant à M. Blackburn de venir, mais sans sa conjointe, ce qu'il a fait. C'était entre 7 h 30 et 7 h 40.

[92]   Étaient présents à la rencontre M. Paul Empey, coordonnateur des opérations correctionnelles, Mme Barbosa, M. Blackburn et Mme Gainer. Après les présentations, M. Blackburn a reconnu Mme Barbosa, qui s'appelait auparavant McGinn. Mme Barbosa n'avait pas sur elle son identification comme représentante syndicale, mais M. Blackburn a accepté qu'elle le représente. Mme Gainer ne se rappelle pas quel était le titre de Mme Barbosa au syndicat.

[93]   Mme Gainer a demandé à M. Blackburn s'il se présentait pour travailler. Elle ne croit pas qu'il ait répondu directement à cette question. Il a de nouveau réclamé sa formule de demande de congé; Mme Gainer la lui a donnée et il l'a remplie en présence de la représentante syndicale et l'a remise à Mme Gainer.

[94]   Mme Gainer a déclaré [traduction] « qu'elle recevait la demande de congé mais qu'elle ne l'approuvait pas » et elle a demandé à M. Blackburn s'il avait un certificat médical. Il n'a pas répondu que oui. Mme Gainer croyait que M. Kelly était au courant des plans de M. Blackburn. Elle a simplement confirmé qu'il ne se présentait pas pour travailler et cela a somme toute mis fin à la conversation. M. Blackburn a demandé s'il pouvait parler avec Mme Barbosa; ils ont tous deux quitté le bureau de Mme Gainer.

[95]   Mme Gainer ne croit pas avoir eu d'autres discussions ni d'autres contacts avec M. Blackburn avant l'audience d'arbitrage. D'après elle, M. Blackburn n'a pas travaillé ce jour-là ni à quelque autre moment pendant son séjour à l'établissement de Millhaven. Il ne lui a jamais fait parvenir de certificat médical.

[96]   Mme Gainer n'a absolument pas participé au processus disciplinaire dans le cas de M. Blackburn. Elle a identifié la formule de demande de congé (pièce E-31).

[97]   En contre-interrogatoire, Mme Gainer a déclaré que, en sa qualité de sous-directrice par intérim, elle était investie des pouvoirs du directeur en son absence, ce qui incluait le pouvoir d'approuver ou de rejeter la demande de congé que M. Blackburn lui avait remise. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas suffisamment d'information pour approuver ou rejeter cette demande, étant donné qu'elle n'avait pas de certificat médical et qu'elle devait consulter M. Snyder et le sous-commissaire adjoint. C'est M. Blackburn qui lui avait parlé de M. Kelly, en disant que celui-ci était parfaitement au courant.

[98]   Mme Gainer avait prévu que M. Blackburn arriverait à l'établissement prêt à assumer ses fonctions. Elle n'avait aucune raison d'approuver une demande de congé de maladie non payé sans pièce justificative. Elle aurait d'ailleurs dê vérifier auprès des [traduction] « Relations humaines » pour savoir si elle était autorisée à approuver une demande de congé de maladie non payé.

[99]   Mme Gainer ne se rappelait pas comment ou quand on l'avait informée que M. Blackburn se présenterait au travail le 11 février 2002. Elle avait pris des arrangements pour que le surveillant correctionnel Schwehr se charge de rencontrer M. Blackburn afin d'évaluer ses compétences en matière de premiers soins, d'utilisation d'un respirateur, d'équipement de lutte contre les incendies et de maniement des armes à feu, ainsi que de faire le nécessaire pour sa formation d'orientation.

[100]   Mme Gainer ne se rappelait pas non plus avoir vu la pièce E-26, même si elle connaissait une partie de son contenu. Elle savait que M. Blackburn devait se présenter au travail et ce, au surveillant correctionnel Schwehr, à 7 h.

[101]   Mme Gainer savait que M. Blackburn était arrivé à l'établissement avant 7 h, parce qu'elle a reçu l'appel téléphonique du bâtiment d'ID qui l'en informait à 6 h 45. Elle était partie du principe que M. Schwehr serait présent à l'établissement à ce moment-là, même si elle n'a pas vérifié s'il y était effectivement.

[102]   Quand elle s'est fait demander s'il n'aurait pas été sage que M. Schwehr assiste à sa rencontre avec Mme Barbosa, M. Empey et M. Blackburn, Mme Gainer a répondu qu'elle ne croyait pas qu'il était important de communiquer avec lui. Elle ne se rappelait pas qu'il ait été question de M. Schwehr dans sa conversation avec M. Blackburn.

[103]   M. Blackburn a rempli la demande de congé de maladie datée du 02/02/11 pour 7 h, en demandant congé pour une période indéfinie à partir de cette date. Mme Gainer ne lui a pas ordonné de rester au travail.

[104]   Mme Gainer a déclaré que l'agent de service au bâtiment d'ID - dont elle avait reconnu la voix - lui avait dit que M. Blackburn était dans ce bâtiment et qu'il se présentait pour une réunion. Elle a autorisé M. Blackburn à entrer dans l'établissement avec sa conjointe à ce moment-là. Quand il a demandé un représentant syndical et réclamé une formule de demande de congé, elle lui a dit de retourner au bâtiment d'ID et d'attendre là. Elle croyait avoir enjoint au personnel du bâtiment d'ID de ne pas laisser la conjointe de M. Blackburn entrer pour assister à la rencontre qui a eu lieu ensuite. À son avis, il n'était pas nécessaire que sa conjointe soit là comme témoin, parce qu'il avait un témoin du syndicat.

[105]   Mme Gainer a reconnu que M. Blackburn était arrivé à l'établissement à l'heure dite. Il n'était pas en uniforme. Les agents de correction sont tenus de se présenter au travail avec leur uniforme et de le porter pour le début de leur quart, à moins qu'ils ne soient affectés à des postes où le port de l'uniforme n'est pas de rigueur. Ils peuvent se changer sur place pour revêtir leur uniforme. M. Blackburn n'avait pas enfreint les règles relatives à l'uniforme du Code de conduite.

[106]   Mme Gainer n'a pas demandé à M. Blackburn de rester au lieu de travail jusqu'à ce qu'il ait obtenu une réponse à sa demande de congé. Elle a accepté cette demande en lui disant qu'elle ne l'approuvait ni ne la rejetait et qu'elle en parlerait avec le directeur Snyder, ainsi qu'avec M. Kelly. Elle a remis la demande au directeur. Elle croyait qu'on ne l'avait pas approuvée, parce qu'elle était convaincue que M. Snyder l'avait signée devant elle en précisant qu'il la rejetait. M. Snyder ne la lui a pas remise. En outre, Mme Gainer n'a pas parlé avec M. Snyder des raisons pour lesquelles le congé avait été refusé. Elle n'en a pas non plus informé M. Blackburn.

[107]   Mme Gainer n'avait pas vu la pièce E-27 et n'en connaissait pas la teneur. Elle n'avait eu aucune information lui laissant entendre que M. Blackburn ne se présenterait pas pour travailler.

[108]   Mme Gainer ne savait pas si le Service correctionnel avait informé M. Blackburn que sa demande de congé avait été rejetée.

[109]   Mme Gainer a témoigné qu'elle ne connaissait pas bien les politiques applicables aux congés pour une période indéfinie et qu'il lui aurait fallu consulter la Section des ressources humaines.

[110]   Mme Gainer n'a pas demandé à M. Blackburn de produire un certificat médical. Elle ne savait pas si Paul Snyder ou Louis Kelly avait fait un suivi sur la question du certificat médical ni si l'un ou l'autre d'entre eux avait demandé à M. Blackburn d'en produire un avant le 21 février 2002.

[111]   M. Devo Jaiikoah Dyette, CX-02, avait reçu un appel de M. Blackburn. M. Dyette travaille pour le Service correctionnel depuis septembre 1991. Il était délégué syndical à Kingston avant que l'UCCO-SACC-CSN ne devienne l'agent négociateur des agents de correction.

[112]   M. Dyette a fait la connaissance de M. Blackburn peu après qu'il eut commencé à travailler au SCC. Il connaît aussi l'agent de correction Linda MacMillan, qui travaillait en 1997 à l'établissement de Millhaven. En 1998, M. Dyette était chez lui quand il a reçu un appel téléphonique de Mme MacMillan l'informant que M. Blackburn n'était pas autorisé à entrer dans l'établissement de Millhaven et qu'il y avait une note à la porte informant le personnel de ne pas autoriser l'agent Blackburn à entrer dans l'établissement.

[113]   M. Dyette a téléphoné alors à M. Blackburn, à sa résidence de St. Catharines. Il se rappelle que c'était au printemps, mais a été incapable de préciser la date.

[114]   Avant le contre-interrogatoire, l'employeur a admis qu'un employé peut remplir une formule de demande de congé avant de partir en congé, voire n'importe quand. Le témoignage de M. Dyette à cet égard n'était pas nécessaire.

[115]   En contre-interrogatoire, M. Dyette a déclaré que Mme MacMillan lui avait dit que M. Blackburn n'était pas autorisé à avoir accès à l'établissement et qu'on se demandait si des accusations criminelles avaient été portées contre lui. Mme MacMillan voulait vérifier si M. Dyette en savait quelque chose.

[116]   M. Dyette a communiqué peu de temps après avec M. Blackburn. Il n'est pas certain si c'était le même jour, mais c'était certainement dans la même semaine. Il a informé M. Blackburn qu'on se posait des questions sur des accusations criminelles portées contre lui. M. Blackburn n'a pas voulu en parler au téléphone.

[117]   M. Dyette savait que M. Blackburn ne travaillait plus à Millhaven et qu'il avait été réintégré dans son ancien poste de policier.

[118]   Michelle Louise Blackburn est l'épouse du fonctionnaire s'estimant lésé. Leur relation a commencé il y a quatre ans, en juillet.

[119]   M. Blackburn s'est rendu à Kingston en février 2002 pour répondre à la lettre qu'il avait reçue de son employeur et pour remplir une formule de demande de congé de maladie. Mme Blackburn l'a accompagné pour être son témoin et confirmer ce qui se dirait.

[120]   Mme Blackburn a déclaré que, lorsqu'ils sont arrivés au bâtiment de la sécurité, son mari a dit qu'il avait rendez-vous. Selon elle, ils se sont rendus dans un immeuble à bureaux réservé à l'administration ou dans un bâtiment principal. Ils y ont rencontré une femme; Mme Blackburn ne se souvient pas de son nom. Son mari a dit pourquoi il était là; il a réclamé une formule de demande de congé et dit à l'interlocutrice qu'il voulait se porter malade. À ce moment-là, la femme a demandé à Mme Blackburn pourquoi elle était là. Mme Blackburn a répondu que c'était afin d'être témoin pour son mari.

[121]   Mme Blackburn s'est alors fait dire qu'elle n'était pas autorisée à être là, en se faisant demander de retourner au bâtiment de la sécurité et d'y rester jusqu'à ce que la rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé soit terminée. Elle a attendu au moins 45 minutes dans ce bâtiment.

[122]   Mme Blackburn avait rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé en février 1998; il travaillait pour le Service de police régional du Niagara. Elle a commencé à cohabiter avec lui en janvier ou février 1999 ou peut-être un peu plus têt, en décembre 1998.

[123]   Mme Blackburn a déclaré que son mari souffrait de stress mental pendant qu'il travaillait pour le Service de police régional du Niagara. Il consultait un médecin et prenait à l'occasion des congés de maladie pour une partie de son quart (parfois même pour tout son quart). Elle sait qu'il avait demandé un congé de maladie à la Police du Niagara et qu'il avait dê aller travailler à l'Unité de réaction secondaire (URS).

[124]   Mme Blackburn savait aussi que le Dr Teodorini avait donné un certificat médical à son mari (pièce G-2), parce qu'elle l'a vu quand il l'a reçu. Elle a aussi vu un certificat de psychiatre (pièce G-3) ainsi qu'une lettre du Dr Shuka (pièce G-4).

[125]   En contre-interrogatoire, Mme Blackburn a dit qu'elle n'était pas présente avec son mari pour les consultations médicales mentionnées aux pièces G-2, G-3 et G-4.

[126]   Au moment de l'audience, Mme Blackburn n'avait pas d'emploi, parce qu'elle était en congé de maternité; son dernier contrat de travail avait expiré à la fin de novembre 2002. Entre juillet 1999 et novembre 2002, elle travaillait parfois à temps plein et parfois à contrat.

[127]   Mme Blackburn a reconnu que son mari avait demandé la présence d'un représentant syndical lorsqu'il a réclamé une formule de demande de congé de maladie, le 11 février 2002. Quand elle est retournée au bâtiment de la sécurité, son mari l'y a accompagnée. Une fois installée, il est retourné dans l'autre bâtiment.

[128]   Mme Blackburn a déclaré être rentrée le jour même à St. Catharines avec son mari. Après leur retour de Kingston, en février 2002, M. Blackburn était encore au service de la Police du Niagara. Mme Blackburn ne se rappelle pas quel était son horaire de travail, mais il travaillait par quarts, parfois le week-end.

[129]   Mme Blackburn savait que son mari avait cessé de travailler en juillet 2002, mais qu'il a continué d'être au service de la Police du Niagara jusque vers décembre 2002.

[130]   Mme Blackburn était au courant des accusations criminelles portées contre son mari. Elle savait aussi qu'il avait fait l'objet d'autres plaintes, essentiellement de son chef de police.

[131]   Meichland Oliver Blackburn a commencé à travailler au SCC en septembre 1992, en qualité de CX-01. Il avait auparavant travaillé comme policier au Service de police régional du Niagara (SPRN). Après avoir été renvoyé par la police sans motif, en période de stage, il avait porté plainte à la Commission ontarienne des droits de la personne. Vers avril 1997, le SPRN et sa Commission de police ont accepté de le réintégrer dans le poste qu'il occupait avant d'être licencié; il devait se présenter au travail le 2 juin 1997.

[132]   M. Blackburn a demandé et obtenu un congé pour poursuivre sa carrière dans la police. Il a déposé en preuve une copie de sa demande de congé originale (pièce G-5). On lui a demandé de soumettre une demande de congé modifiée; il l'a fait (pièce G-6).

[133]   Vers la fin d'avril ou le début de mai 1998, M. Blackburn a reçu un appel d'un ami CX, Devo Dyette, qui l'a informé que Linda MacMillan lui avait dit qu'il était suspendu et que l'accès à l'établissement de Millhaven lui était interdit, en ajoutant qu'un ordre à cet effet avait été affiché au bâtiment d'ID.

[134]   C'est parce qu'il avait obtenu ces renseignements et que son congé était censé expirer vers le 30 mai 1998 que M. Blackburn s'est rendu à Kingston pour informer le directeur Kelly qu'il allait retourner au travail à la fin de son congé. Sachant que l'accès à l'établissement de Millhaven lui était interdit et conscient de ce que cela signifiait, il s'est arrêté au détachement de la Police provinciale de l'Ontario de Frontenac-Sud, à Amherstview, le 25 mai 1998. Il voulait demander à la Police provinciale de l'Ontario, qui a compétence sur le territoire de l'établissement de Millhaven, de se prêter à une opération de maintien de la paix, dans le jargon policier, essentiellement pour l'aider à avoir accès à Millhaven sans être accusé de violation de propriété.

[135]   Il s'était adressé au constable Greg Lackie pour lui demander ce service; M. Lackie lui a répondu qu'il serait plus prudent de téléphoner à Millhaven pour savoir si le directeur Louis Kelly était là avant de s'y rendre. Le constable Lackie a donc téléphoné à M. Kelly, en l'informant que M. Blackburn était à son détachement et voulait lui faire maintenir la paix en le conduisant à l'établissement de Millhaven pour rencontrer le directeur afin de l'aviser de son intention de retourner au travail et de se faire confirmer si l'accès à Millhaven lui était interdit et s'il était suspendu.

[136]   Le constable Lackie a ensuite passé le combiné à M. Blackburn; M. Kelly était au bout du fil. M. Blackburn l'a informé de son intention de se présenter au travail à l'expiration de son congé non payé. Il lui a demandé s'il était effectivement suspendu et si l'accès à l'établissement de Millhaven lui était interdit. M. Kelly a confirmé que M. Blackburn était bel et bien suspendu sans traitement.

[137]   Quelques jours après le 25 mai 1998, M. Blackburn a reçu une lettre (pièce E-14) confirmant qu'il n'était pas autorisé à retourner au travail et que l'accès à l'établissement de Millhaven lui était interdit. Après avoir reçu cette lettre (pièce E-14), M. Blackburn en a reçu une deuxième (pièce E-15) lui demandant d'y répondre avant le 12 juin 1998. Il a répondu à cette lettre le 25 juin 1998 en écrivant la lettre identifiée comme pièce E-16. Avant d'écrire cette réponse, M. Blackburn avait communiqué avec le syndicat (à l'époque, c'était le SESG/AFPC) pour l'informer de l'appel qu'il avait reçu de Devo Dyette, de son voyage à Kingston le 25 mai 1998 et de sa conversation avec M. Kelly.

[138]   Par la suite, M. Blackburn a déposé deux griefs, l'un contestant sa suspension et l'autre protestant contre la lettre de M. Kelly au Service de police régional du Niagara. Il a produit en preuve (pièce G-8) une lettre de Linda Mclaughlin, agente syndicale du SESG. Il a aussi déposé comme pièce G-9 la réponse au deuxième palier au grief contestant sa suspension. Sa sour Yvette était présente à l'audition du grief à ce palier, en compagnie de M. Rod Nellis.

[139]   Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure et porté à l'arbitrage le 3 juin 1999 (pièce G-10). L'audience était d'abord prévue du 18 au 22 octobre 1999 (pièce G-11), mais le représentant de M. Blackburn, M. Dagger, a fait reporter l'affaire (pièce G-12).

[140]   En février 2001, après son acquittement le 8 de ce mois-là, M. Blackburn a écrit à Paul Snyder et à M. Kelly (pièce E-22). Le 19 février 2001, l'AFPC a cherché à faire entendre le grief à l'arbitrage le plus têt possible (pièce G-13).

[141]   L'audience devait avoir lieu en novembre 2001. Le 26 novembre 2001, le nouvel agent négociateur de M. Blackburn a convenu avec l'employeur d'avoir recours à la médiation (pièce G-14). Quand la médiation a échoué, l'agent négociateur a demandé qu'on fixe des dates d'audience. Après le 10 janvier 2002, M. Blackburn a reçu une lettre de deux pages de M. Kelly (pièce E-26). Entre le 10 et le 21 janvier 2002, M. Blackburn ne savait pas très bien ce qu'on attendait de lui dans cette lettre; il a commencé à rédiger une lettre à l'intention de M. Kelly le 21 janvier 2002 (pièce E-27). Avant de la terminer, il a téléphoné à M. Kelly au numéro précisé dans la pièce E-26 (613-545-8134). À ce numéro, le téléphone a sonné à l'administration centrale régionale, à Kingston; la secrétaire de M. Kelly a répondu. M. Blackburn a déposé en preuve (pièce G-15) un relevé d'appels interurbains de la compagnie de téléphone où l'on voit qu'il a fait un appel de deux minutes au 613-545-8134, à 13 h 49 le 21 janvier, depuis son domicile.

[142]   M. Blackburn déclare que M. Kelly ne l'a jamais appelé après l'avoir été informé de son appel et avant de lui envoyer la lettre de licenciement du 21 février 2002 (pièce E-28). La lettre de M. Blackburn (pièce E-27) a été reçue par l'employeur le 25 janvier 2002, d'après le tampon figurant sur l'enveloppe; pourtant, M. Blackburn n'a reçu aucun appel téléphonique pour y répondre, que ce soit de M. Kelly ou de quiconque au SCC.

[143]   M. Blackburn se méfiait parce qu'il n'avait pas eu de nouvelles de M. Kelly; il ne voulait pas être accusé de ne pas s'être présenté au travail et de se faire congédier pour ce prétexte. C'est pour cette raison qu'il s'est rendu à Millhaven en compagnie de son épouse le 11 février 2002.

[144]   Quand M. Blackburn est arrivé au bâtiment d'ID avec son épouse, il a informé l'agent qui s'y trouvait qu'il se présentait au travail et qu'il devait rencontrer le surveillant correctionnel Schwehr. L'agent a téléphoné à l'établissement. On l'a rappelé pour qu'il dise à M. Blackburn et à sa conjointe d'entrer dans l'établissement.

[145]   Une fois entrés, M. et Mme Blackburn ont rencontré Mme Gainer dans la salle de conférence du directeur. Mme Gainer a alors dit à M. Blackburn qu'elle devait vérifier le tableau de service pour voir si un représentant syndical était là pour le quart de jour. Elle a ensuite déclaré à Mme Blackburn qu'elle allait devoir retourner au bâtiment d'ID et attendre là. M. Blackburn a demandé pourquoi son épouse ne pouvait pas rester; il voulait pouvoir compter sur une autre paire de yeux et d'oreilles, parce que le représentant syndical travaillait encore pour l'employeur, selon lui. Mme Gainer a dit à M. Blackburn et à sa femme d'aller attendre qu'elle les rappelle dans le bâtiment d'ID, puisqu'il n'y avait pas encore de représentant syndical sur place.

[146]   M. et Mme Blackburn sont retournés au bâtiment d'ID. M. Blackburn a vu arriver Désirée McGinn (maintenant appelée Barbosa) entrer; il est allé la saluer. Une dizaine ou une quinzaine de minutes plus tard, il a reçu un appel l'informant qu'il pouvait entrer, mais que sa femme allait devoir rester dans le bâtiment d'ID.

[147]   M. Blackburn a rencontré Mme Gainer, M. Empey et Mme Barbosa. Il a demandé à cette dernière sa carte de représentante syndicale, mais elle ne l'avait pas. M. Blackburn l'a néanmoins crue sur parole qu'elle était représentante syndicale. Il n'avait pas la pièce E-16 sur lui, mais il était parti du principe que ses interlocuteurs en connaissaient l'existence.

[148]   M. Blackburn a déclaré qu'il se présentait conformément aux instructions de M. Kelly, mais qu'il allait demander un congé de maladie non payé. Il a réclamé une formule de demande de congé, pour la remplir. Mme Gainer et la représentante syndicale ne s'y sont pas opposées. Mme Gainer a obtenu la formule (ou a demandé à M. Empey d'en obtenir une). Quand il l'a eue, M. Blackburn l'a remplie, en demandant un congé de maladie non payé (pièce E-31). Ni la représentante syndicale, ni Mme Gainer ne se sont opposées à sa demande de congé de maladie non payé pour une période indéfinie. Il a écrit [traduction] « Congé pour stress » sur la demande, l'a datée et l'a remise à Mme Gainer.

[149]   Mme Gainer a dit à M. Blackburn qu'elle ne signerait pas la demande. M. Blackburn ne sait pas si elle a dit en ces termes qu'elle n'avait pas compétence pour le faire; elle a déclaré qu'elle remettrait la demande à M. Paul Snyder, et M. Blackburn pense qu'elle a aussi dit à M. Kelly.

[150]   Mme Gainer a demandé à M. Blackburn s'il se présentait au travail. M. Blackburn a répondu que oui. Il a déclaré qu'il se présentait au travail conformément aux instructions qu'il avait reçues, mais qu'il allait prendre un congé de maladie pour une période indéfinie à partir de 7 h. La réunion s'est terminée là. M. Blackburn est parti avec Mme McGinn Barbosa. Ils se sont rendus à l'entrée de la cafétéria, où Mme Barbosa lui a remis une carte d'adhésion au syndicat à remplir. Il l'a remplie; a remis à Mme Barbosa une pièce de 2 $ et il est parti. Juste avant de partir, il a obtenu une photocopie de sa demande de congé (pièce E-31), et la représentante syndicale en a fait autant.

[151]   Comme il quittait l'établissement, M. Blackburn a rencontré le directeur adjoint devant la Tour Un, juste à l'est du terrain de stationnement du personnel. Il est parti en compagnie de son épouse.

[152]   M. Blackburn s'est ensuite rendu au bureau de l'UCCO-SACC-CSN sur le chemin Gardiner, à Kingston; il y a rencontré M. Michel Bouchard et l'a informé de ce qui s'était passé à Millhaven. Un autre homme était présent à cette rencontre dans le bureau (le patron de M. Bouchard, M. Jacques Bazinet).

[153]   Par la suite, M. Blackburn a reçu la pièce E-28, sa lettre de licenciement. Jusque-là, personne de la direction du SCC ou d'ailleurs n'avait communiqué avec lui. Il a lui-même communiqué avec M. Mancini, et la procédure de règlement du grief a démarré. Il a communiqué par télécopieur ou par la poste avec l'UCCO-SACC-CSN, qui a signé et déposé le grief 13298 en son nom. Il a ensuite rempli et signé des formulaires et les a retournés à Mme Barbosa, afin qu'elle les signe pour l'agent négociateur. M. Blackburn a identifié la formule de transmission du grief au troisième palier (pièce G-16).

[154]   Après avoir reçu la pièce E-28, mais avant l'audience, M. Blackburn a fait des démarches pour obtenir un certificat médical. Il s'est rendu chez le Dr Irving Teodorini pour l'informer de sa situation vis-à-vis du SCC et de son licenciement. Le Dr Teodorini savait déjà qu'il était en congé du SCC; il s'est engagé à lui fournir un certificat médical.

[155]   Entre-temps, M. Martel avait téléphoné à M. Blackburn pour lui demander s'il avait obtenu un certificat médical. M. Blackburn a dit que non, mais qu'il avait communiqué avec son médecin qui s'en occuperait le plus têt possible, malgré son emploi du temps chargé. M. Blackburn a demandé à M. Martel si une date avait été fixée pour l'audition de son grief au troisième palier; M. Martel a répondu que non, mais qu'il aimerait avoir le certificat médical en main le plus têt possible.

[156]   Le 8 mai 2002, M. Blackburn a reçu un autre appel de M. Martel. Il lui a dit qu'il s'employait à obtenir le certificat médical et qu'il ne comprenait pas pourquoi il était si urgent de l'obtenir, puisqu'aucune date n'avait été fixée pour l'audition de son grief au troisième palier. Le même jour, M. Martel a écrit une lettre adressée à M. Blackburn (pièce G-17). M. Blackburn n'a pas reçu cette lettre de l'agent négociateur; il l'a reçue par télécopieur le 14 mai 2002, et elle lui avait été envoyée par l'employeur (SCC).

[157]   Le 13 mai 2002, le Dr Teodorini a préparé un certificat médical (pièce G-18) dans lequel figure une note manuscrite précisant qu'il avait été recueilli et livré au fonctionnaire s'estimant lésé par des collègues de la police, étant donné qu'il travaillait et ne pouvait pas s'absenter pour aller le chercher.

[158]   Vers le 14 mai 2002, M. Blackburn a eu une discussion avec Elaine Mignault, des Relations de travail du SCC, à Ottawa. Ils ont discuté de la lettre (pièce G-17) que Mme Mignault lui avait envoyée par télécopieur. M. Blackburn apprenait que l'UCCO-SACC-CSN ne le représentait plus.

[159]   Le jour suivant, M. Blackburn a écrit à Mme Mignault pour confirmer leur conversation (pièce G-19). Il lui a envoyé par télécopieur un certificat médical visant la période de décembre 1997 à mai 2000 et précisant qu'il souffrait de [traduction] « trouble d'adaptation ». Le message télécopié comprenait quatre pages (pièce G-20), y compris les pièces G-18 et G-2.

[160]   M. Blackburn a reçu de Mme Mignault une réponse datée du 16 mai 2002 (pièce G-21, reçue par M. Blackburn le 28 mai 2002). Il a communiqué par téléphone avec Mme Mignault et reçu d'elle une autre lettre, datée celle-là du 2 juillet 2002 (pièce G-22).

[161]   M. Blackburn avait demandé l'aide de l'Association de la police de la région du Niagara, qui a écrit à Mme Mignault (pièce G-23) une lettre où l'on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

...

L'Association de la police de la région du Niagara a présenté plusieurs demandes au Service de police régional du Niagara au nom du constable Blackburn, en précisant sa position, à savoir qu'il devrait être immédiatement suspendu avec traitement sans aucun autre délai. Jusqu'à présent, la position du Service de police régional du Niagara n'a pas changée.

Le constable Blackburn nous a informé qu'il avait été licencié par Corrections Canada parce qu'il est un membre actif du Service de police régional du Niagara. Vous devriez savoir que le constable Blackburn n'est pas affecté à des fonctions régulières de patrouilleur au Service de police, mais à des fonctions de bureau restreintes, qu'il conteste.

...

L'Association de la police de la région du Niagara part désormais du principe que le constable Blackburn pourrait quitter le SPRN, à ses conditions, une fois que les accusations en instance portées contre lui au criminel et en vertu de la

Loi sur la police seront tranchées.

[162]   M. Blackburn a reçu la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce G-24). Il a donné des détails sur les symptêmes et sur le stress dont il souffre depuis novembre 1997, en expliquant pourquoi il a consulté le Dr Teodorini et un psychiatre. Il consulte régulièrement le Dr Teodorini. En 1999, celui-ci l'a référé à un autre psychiatre (pièce G-4).

[163]   M. Blackburn a déclaré que le procès qui a mené à son acquittement s'est déroulé du 5 au 8 février 2001. L'audience préliminaire sur les autres chefs d'accusation avait eu lieu le 20 aoêt 1998, le processus étant « disjoint ». Il a été reconnu coupable le 30 avril 1999; sa peine lui a été imposée le 11 aoêt de la même année. Il a interjeté appel. Le 13 juillet 2000, la condamnation a été levée. En février 2001, la cour a ordonné un nouveau procès, qui a commencé en mai 2002. Il a de nouveau été reconnu coupable; en novembre 2002, il a été condamné à une peine de prison, mais a fait appel. Il a été libéré sous caution après avoir purgé une journée et demie de sa peine. Au moment de l'audience, la date de l'appel n'avait pas encore été fixée. Le SPRN l'a licencié le 5 décembre 2002.

[164]   M. Blackburn a déclaré que, lorsqu'il s'est présenté au SCC, il était incapable de travailler. Quand il est retourné travailler au SPRN, il n'en était pas plus capable, et c'est pourquoi il a été réaffecté à l'URS, où il recevait les appels de citoyens qui déclaraient des crimes et saisissait « des choses » dans l'ordinateur.

[165]   En contre-interrogatoire, M. Blackburn a confirmé avoir reçu deux lettres de Mme Mignault, la première datée du 26 juin (pièce E-32) et la seconde du 2 juillet 2002 (pièce E-33).

[166]   M. Blackburn a reconnu que la seule différence entre la demande de congé qu'il avait présentée en 1997 (pièce G-5) et sa demande de congé modifiée (pièce E-9) est la période visée.

[167]   M. Blackburn a confirmé avoir obtenu un certificat médical du Dr Teodorini et la lettre de John Wright datée du 21 janvier 1998 pendant qu'il était en congé non payé du SCC. Il n'a pas revu le Dr Wright après janvier 1998.

[168]   M. Blackburn a rencontré pour la première fois le Dr Shuka en 1999; il l'a revu une fois seulement. Il ne sait pas exactement quand il l'a vu pour la seconde fois; il n'a pas de rapport, mais le Dr Teodorini le saurait. C'était certainement après février 2002. M. Blackburn n'a pas revu le Dr Shuka entre la date de son second rendez-vous et l'audience.

[169]   Quand M. Blackburn a eu son premier rendez-vous avec le Dr Shuka, en aoêt 1999, il lui a parlé de ses difficultés. C'était après son mariage et avant qu'il connaisse sa peine.

[170]   M. Blackburn ne savait pas ce que « (309) » signifiait dans la mention [traduction] « Trouble d'adaptation (309) », à la pièce G-18.

[171]   En 1997, il ne faisait face qu'à une série d'accusations criminelles. En mai 2002, il y avait les accusations qui n'avaient pas encore été tranchées; elles avaient été portées à la suite de l'incident de Cobourg.

[172]   Le deuxième procès sur les accusations relatives à l'incident de Cobourg s'est déroulé les 7 et 8 mai 2002; le jugement n'a pas été rendu immédiatement. La condamnation a été inscrite au registre après que M. Blackburn eut obtenu le certificat médical du Dr Teodorini daté du 13 mai 2002 (pièce G-18). Sa peine lui a été imposée après que la lettre eut été envoyée. M. Blackburn a admis que son appel ne devrait pas être entendu avant octobre ou novembre 2003. Il a aussi reconnu qu'il pourrait être débouté, auquel cas il aurait la possibilité de faire appel devant une instance supérieure, ou encore qu'il pourrait être accueilli, avec une ordonnance de tenue d'un autre procès.

[173]   En ce qui concerne la pièce E-27, M. Blackburn a reconnu avoir fondamentalement déclaré à M. Kelly qu'il se sentait incapable de retourner travailler avant que toutes les accusations criminelles portées contre lui n'aient été tranchées.

[174]   M. Blackburn a confirmé n'avoir fait aucun autre appel au bureau de M. Kelly après celui du 21 janvier 2002. Il croit qu'il n'a pas téléphoné à l'établissement de Millhaven.

[175]   M. Blackburn a aussi confirmé être retourné à St. Catharines le 11 février 2002 et avoir travaillé au SPRN jusqu'au 8 juillet 2002, date à laquelle il a été mis d'office en congé de maladie non payé, jusqu'au 5 décembre 2002. À cette date, il a été licencié; il a fait appel de son licenciement auprès du commissaire civil des services de police de l'Ontario. Le prochain palier de la procédure d'appel est la cour divisionnaire.

[176]    M. Blackburn a admis que Mme Gainer lui avait demandé s'il avait un certificat médical. Elle lui a demandé s'il se présentait au travail, et il a contesté qu'il ne lui avait pas répondu directement. Il a déclaré lui avoir dit : [traduction] « Je me présente au travail conformément aux instructions du sous-commissaire adjoint Kelly », et il se présentait effectivement au travail. Cela dit, il a bel et bien rempli la formule de demande de congé datée du 11 février 2002 dans laquelle il demandait un congé pour une période indéterminée et sur laquelle il avait écrit « congé pour stress ».

[177]   M. Blackburn a confirmé qu'il n'était pas physiquement présent à Millhaven le 25 mai 1998, et que sa conversation avec M. Kelly ce jour-là s'est faite au téléphone.

[178]   M. Blackburn n'a pas téléphoné au SCC pour l'informer des deux séries d'accusations criminelles portées contre lui au moment où elles l'ont été.

[179]   M. Blackburn n'a pas parlé de son statut au SPRN dans sa lettre datée du 25 juin 1998 à L. Kelly (pièce E-16) et n'en a pas parlé non plus dans ses conversations téléphoniques.

[180]   M. Blackburn était préoccupé de constater qu'il manquait une page dans la pièce E-22, parce qu'il tenait à préciser que son permis de conduire était bel et bien valide.

[181]   M. Blackburn n'a eu aucune rencontre en personne avec un représentant quelconque du SCC en 2001, sauf pour la médiation qui a eu lieu en novembre de cette année-là.

[182]   M. Blackburn n'a pas eu de discussion avec Paul Snyder le 11 février 2002, à Millhaven. Ils se sont salués et sont partis chacun de leur cêté.

[183]   M. Blackburn a confirmé qu'on avait porté d'autres accusations contre lui en sa qualité de policier, en plus des accusations criminelles déjà décrites dans ces pages. Certaines de ces accusations remontaient au 14 juin 1997 ainsi qu'à juillet 1997, peu après sa réintégration au SPRN. Huit d'entre elles ont été retirées par la suite.

[184]   M. Blackburn n'a pas informé le SCC de sa condamnation en 1999 à la suite de l'incident de Cobourg, parce que Corrections Canada était au courant des accusations ainsi que des dates du procès et suivait l'affaire. Il ne le « leur » a pas dit, et « ils » ne le lui ont pas demandé.

[185]   M. Blackburn a témoigné sur l'incident de Cobourg. Il avait été accusé 12 ou 13 jours après avoir été interrogé et relâché par la Police provinciale de l'Ontario, à Cobourg, la nuit de l'incident. Comme il était en congé non payé autorisé, il n'a pas pensé à informer l'employeur à l'époque, puisqu'il ne travaillait absolument pas comme agent de correction. Il admet que c'était une erreur honnête de sa part.

[186]   En réinterrogatoire, M. Blackburn a déclaré que, lorsqu'il a rencontré le directeur par intérim Paul Snyder, en février 2002, il était clair que celui-ci savait qu'il devait se présenter au travail. M. Snyder ne l'a pas arrêté et ne lui a pas non plus demandé pourquoi il était là ni pourquoi il s'en allait.

[187]   M. Blackburn a aussi précisé que, en 1997 et en 1998, il avait la conviction qu'il n'était tenu d'informer le SCC de ses condamnations qu'à son retour au travail.

Arguments de l'employeur

[188]   L'employeur a passé en revue les éléments de preuve suivants : M. Blackburn s'est joint au SCC en 1992, après avoir été licencié par le Service de police régional du Niagara, où il travaillait auparavant. La poursuite intentée contre son ancien employeur devant la Commission ontarienne des droits de la personne était en instance pendant qu'il travaillait pour le SCC. En 1997, l'affaire a culminé avec une nouvelle offre d'emploi au SPRN, à compter du 2 juin 1997. Au début de mai de cette année-là, M. Blackburn a écrit au directeur de son établissement, M. Kelly, pour lui demander un congé non payé d'un an afin de poursuivre sa carrière dans la Police du Niagara. Ce congé lui a été accordé, pour la période du 30 mai 1997 au 30 mai 1998.

[189]   En octobre 1997, pendant qu'il était en congé du SCC, M. Blackburn a été impliqué dans un incident sur l'autoroute 401 aux environs de Cobourg; il a été accusé de conduite dangereuse. En avril 1998, il a été impliqué dans un deuxième incident, à Hamilton celui-là, pour lequel il a été accusé de plusieurs infractions au Code criminel. L'employeur admet que M. Blackburn a été acquitté en février 2001 des accusations portées contre lui à l'égard de l'incident d'Hamilton. Les faits relatifs à cette procédure judiciaire figurent à la pièce E-22.

[190]   En 1992, M. Blackburn avait reçu deux brochures : les Règles de conduite professionnelle (pièce E-3) et le Code de discipline (pièce E-4). Il a admis les avoir reçues. L'employeur a soulevé cette question parce qu'on a porté des accusations contre M. Blackburn en octobre 1997 et en avril 1998, respectivement à Cobourg et Hamilton, et qu'il n'en a informé le SCC ni dans un cas, ni dans l'autre.

[191]   En avril 1998, M. Kelly a appris dans un article de journal affiché au tableau d'affichage des employés que M. Blackburn avait été impliqué dans un incident. Il a alors fait enquêter par le PSPE, puis a écrit au SPRN. Quand il a lu l'imprimé du CIPC, il a su qu'il y avait eu d'autres accusations portées contre M. Blackburn, à Cobourg, six ou sept mois plus têt.

[192]   Le 25 mai 1998, M. Kelly a eu avec M. Blackburn une conversation qui marquait le début de leurs nombreuses interactions. Il l'a longuement décrite dans son interrogatoire principal ainsi qu'en contre-interrogatoire. Cette conversation s'est déroulée il y a quatre, voire presque cinq ans; M. Kelly avait écrit une lettre à M. Blackburn après l'avoir terminée (pièce E-14). Cette lettre est importante, puisqu'elle expose clairement ce qui était une conversation téléphonique bizarre.

[193]   Il faut reconnaître que M. Blackburn est au courant de tous les faits entourant les accusations portées contre lui; il connaît aussi tous les faits relatifs à son emploi avec la Police du Niagara. Son congé tire à sa fin. M. Kelly lui demande au téléphone et dans une lettre s'il compte retourner au SCC; c'est un point où leurs deux témoignages s'opposent.

[194]   M. Blackburn a témoigné qu'il avait téléphoné en se disant prêt et disposé à travailler et qu'il se présentait effectivement pour ce faire. Il nous a dit s'être rendu au détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario parce qu'il savait que l'accès à l'établissement correctionnel lui était interdit. Il voulait s'y rendre en ayant recours selon lui à une opération de « maintien de la paix ». Ce qui est frappant, c'est qu'il savait que son congé tirait à sa fin, qu'il n'avait communiqué avec personne à partir de chez lui et qu'il ne savait pas si quelqu'un était de service. Il s'est présenté à Amherstview pour faire un appel téléphonique sans avoir téléphoné ni écrit avant, bref sans aucune préparation.

[195]   M. Kelly, lui, a témoigné avoir déclaré à M. Blackburn : [traduction] « Je sais que vous avez été accusé et que l'accès aux locaux vous est interdit ». M. Kelly voulait savoir quelles étaient les intentions de M. Blackburn. C'était un appel bizarre, et c'est ce qui l'a incité à lui écrire une lettre (pièce E-14). Le 4 juin 1998, comme il n'avait pas eu de nouvelles de M. Blackburn, M. Kelly lui a récrit (pièce E-15). Cette deuxième lettre parlait d'elle-même : M. Kelly voulait savoir quelles étaient les intentions de M. Blackburn, en exigeant qu'il lui réponde au plus tard le 12 juin 1998.

[196]   Le 25 juin 1998, M. Blackburn a répondu à M. Kelly (pièce E-16). Dans sa lettre, il lui a dit bien des choses de bien des façons. Au quatrième paragraphe de la première page, il écrivait : [traduction] « ... j'ai l'intention de retourner travailler en la qualité que j'avais avant d'obtenir mon congé... » mais ce n'est pas tout, car il poursuivait au deuxième paragraphe de la deuxième page en disant : [traduction] « ... ce qui serait juste serait de me mettre en congé autorisé payé jusqu'à ce que les questions qui vous préoccupent soient tranchées... ». C'est ce que M. Blackburn réclame dans le grief qu'il a présenté pour contester sa suspension. Il veut être en congé payé jusqu'à ce que les démêlés qui ont incité l'employeur à le suspendre soient réglés.

[197]   M. Kelly a répondu à cette lettre le 10 juillet 1998, en précisant dans le deuxième paragraphe de sa lettre qu'il n'avait pas eu l'impression, dans la conversation téléphonique qu'ils avaient eue le 25 mai 1998, que M. Blackburn lui avait dit qu'il avait l'intention de retourner au SCC. Au quatrième paragraphe de sa lettre, M. Kelly demandait à M. Blackburn de préciser son statut au sein de la Police du Niagara. La pièce E-12 montre que ce que l'employeur avait réussi à obtenir de la direction de la Police du Niagara comme information sur cette question consistait [traduction] « fondamentalement à se faire dire de parler à son avocat ».

[198]   M. Kelly et M. Blackburn n'ont ensuite repris contact qu'après le dépêt du grief.

[199]   Les notes de M. Kelly (pièce E-19) ont été rédigées entre l'audition du grief en aoêt 1998 et la réponse à ce palier, datée du 22 septembre 1998 (pièce G-9). M. Kelly y répète qu'il a reçu l'appel téléphonique du 25 mai 1998 et décrit comment il l'a compris. Les notes reflètent ce qui s'était passé. M. Blackburn n'est pas retourné au SCC; il a continué à travailler à la Police du Niagara.

[200]   Les accusations criminelles ont été traitées conformément à la procédure, tant à Cobourg qu'à Hamilton. À Cobourg, M. Blackburn a été reconnu coupable en 1999; on l'a condamné à 30 jours de prison, et son permis de conduire a été suspendu. Il a interjeté appel de sa condamnation; en 2000, le tribunal a ordonné un nouveau procès. Les faits relatifs à son acquittement à Hamilton et les résultats de son appel figurent à la pièce E-22, lettre que M. Blackburn a écrite et envoyée le 16 février 2001. Il est important de souligner qu'il parle dans cette lettre de son acquittement des accusations portées contre lui à Hamilton, puis de sa condamnation et de son appel par suite de l'incident de Cobourg, sauf qu'il laisse entendre que cet incident n'avait pas influé sur la décision de M. Kelly de le suspendre.

[201]   M. Kelly a toujours maintenu que toutes les accusations avaient influé sur sa décision de suspendre M. Blackburn, et son témoignage n'est pas contesté sur ce point. C'est tout ce que M. Kelly savait, et il a déclaré que M. Blackburn n'a jamais été ouvert sur ce qui s'était passé. C'est un leitmotiv dans toute cette affaire, depuis le tout début, quand les accusations ont été portées, en octobre 1997, jusqu'au licenciement, en 2002. L'employeur s'est fondé sur les renseignements limités que M. Blackburn lui avait donnés.

[202]   L'employeur a fait valoir que M. Blackburn voudrait que la Commission - et l'arbitre que je suis - admettent que M. Kelly ne savait pas ce qui s'était passé à Cobourg parce que M. Blackburn ne lui en avait pas parlé et que, par conséquent, il ne devait avoir parlé que des accusations portées au sujet de l'incident d'Hamilton. Le fait était, est et continue d'être que M. Blackburn était au courant de tous les détails de toutes ces graves accusations. Il a été extrêmement réticent dans tous ses contacts avec M. Kelly, qui lui a demandé de quoi il s'agissait au téléphone, sans jamais obtenir de réponse.

[203]   M. Blackburn voudrait que la Commission admette que, jusqu'en février 2001, il était prêt et disposé à retourner au travail au SCC. Or, la preuve révèle des contacts extrêmement limités entre lui et le SCC de mai 1998 à février 2001.

[204]   En 2002, nous avons la pièce E-26, la lettre que M. Kelly a rédigée le 10 janvier 2002 en précisant à M. Blackburn où et quand il allait travailler et à qui se présenter. Il lui donnait un préavis d'un mois pour se présenter au travail.

[205]   M. Blackburn a répondu par écrit le 21 janvier 2001 (pièce E-27). Sa lettre ressemble étrangement à celle qu'il avait écrite en juin 1998. Son aspect le plus important, c'est qu'il y réitère son thème constant, en disant qu'il ne croit pas ce que M. Kelly lui avait écrit. Il s'oppose à sa réaffectation, avant d'arriver à l'élément crucial : [traduction] « Je ne retournerai pas travailler tant que l'accusation criminelle de conduite dangereuse à Cobourg (Ontario) n'aura pas été entièrement tranchée et que je serai apte à retourner travailler. »

[206]   Il convient de souligner deux points ici : premièrement, la répétition de « jusqu'à ce que les accusations criminelles soient tranchées », car la preuve révèle que M. Blackburn avait été condamné une deuxième fois et qu'il avait de nouveau interjeté appel, un appel dont on n'a pas encore fixé la date. Si son appel est accueilli, M. Blackburn a reconnu que le tribunal pourrait ordonner un troisième procès, et que l'affaire est loin d'être finie. Deuxièmement, il déclare qu'il n'est pas apte à retourner au travail, en raison du stress constant qu'il éprouve et qui l'a épuisé mentalement et émotionnellement. À l'appui de ses dires, M. Blackburn s'est fondé sur des documents médicaux (pièces G-2, G-3 et G-4) ainsi que sur son dernier certificat médical, produit après coup.

[207]   L'examen de la preuve révèle clairement que la pièce G-2, signée par le Dr Teodorini, fait état de deux visites à son cabinet, la première le 8 décembre 1997 et la seconde le 2 février 1998. Ces dates sont importantes parce que M. Blackburn n'avait eu aucun contact avec le SCC à ce moment-là et que seul l'incident de Cobourg s'était produit. Il est important aussi de prendre note du commentaire du Dr Teodorini, à la deuxième page.

[208]   Le deuxième certificat (pièce G-3) est important aussi parce que M. Blackburn a consulté un psychiatre le 5 janvier 1998, pour les mêmes raisons. Il s'agit du rapport daté du 21 janvier 1998 que le Dr Wright a envoyé au Dr Teodorini. Ce certificat-là aussi est antérieur aux contacts entre M. Blackburn et le SCC.

[209]   Le troisième certificat médical (pièce G-4) est un rapport du Dr Shuka au Dr Teodorini, daté du 4 aoêt 1999. Il y est question du stress que M. Blackburn a éprouvé après sa condamnation, mais avant de se voir imposer sa peine, le 11 aoêt 1999. Il ne fait aucun doute que M. Blackburn était extrêmement stressé et angoissé quand il a rencontré le Dr Shuka. À ce moment-là, rien n'indique que le SCC contribuait à son stress et à son anxiété. L'employeur a fait valoir que la raison pour laquelle le SCC n'est pas mentionné dans ces documents, c'est qu'il ne causait pas de stress à M. Blackburn. Pourtant, dans sa lettre (pièce E-27), M. Blackburn laisse entendre qu'il est inapte à travailler en raison du stress que le SCC lui a causé.

[210]   Le dernier document médical au dossier (pièce G-18) fait lui aussi état du trouble d'adaptation de M. Blackburn, trouble lié aux accusations criminelles portées contre lui depuis 1997. L'accusation en question était la seule qui pesait encore sur lui au moment où ce certificat médical a été produit; c'est aussi la seule qui reste. On peut lire dans le certificat que le trouble disparaîtra quand les accusations criminelles seront tranchées. Si l'appel est accueilli et que le tribunal ordonne un nouveau procès, il va persister. Ce certificat médical ne dit absolument pas que le SCC aggrave le trouble, ou que M. Blackburn est capable ou incapable de travailler.

[211]   En février 2002, quand M. Blackburn s'est fait ordonner de retourner au travail et qu'il a déclaré être incapable de le faire tant que les accusations ne seraient entièrement tranchées, il s'est présenté à l'établissement le 11 février 2002, avec sa conjointe, en demandant à voir le directeur. La sous-directrice par intérim Gainer l'a autorisé à entrer dans l'établissement. Son témoignage n'est pas contredit.

[212]   M. Blackburn a demandé et obtenu une formule de demande de congé de maladie. Mme Gainer lui a demandé s'il avait un certificat médical. M. Blackburn a répondu qu'il n'en avait pas. Il est parti en laissant la formule de demande de congé à Mme Gainer.

[213]   Mme Gainer a informé M. Kelly de la situation, après quoi celui-ci a écrit la lettre dans laquelle il résume les événements du 11 février 2002 (pièce E-28).

[214]   Ce qui est très important ici, c'est que M. Blackburn n'a jamais eu l'intention de retourner au travail. Dans le grief qu'il a déposé pour contester sa suspension, il a réclamé une suspension payée. Quand on lui a donné des instructions claires de retourner au travail, il a déclaré qu'il était malade par la faute du SCC. Dans le grief qu'il a présenté pour contester son licenciement, il demande à la Commission de lui rendre son emploi.

[215]   L'employeur estime que M. Blackburn a joué ou tenté de jouer entre ses deux emplois à Niagara et à Kingston à partir de mai 1997, quand il a demandé un congé non payé pour poursuivre une autre carrière comme policier.

[216]   L'employeur a invoqué la décision rendue dans Larson c. Le Conseil du Trésor, 2002 CRTFP 9 (dossiers de la Commission 166-2-30267, 30268 et 30269). Ce qui distingue la présente affaire de celle de M. Larson, c'est que ce dernier avait fait plusieurs appels au SCC. Il ne pouvait pas retourner au travail, mais il a été honnête. Le SCC a rapidement été informé des accusations. On aurait pu trouver d'autres postes pour M. Larson, et l'employeur avait pris bien trop de temps pour enquêter. Dans cette affaire-ci, par contre, M. Kelly a demandé tout de suite ce qui en était le 25 mai 1998, et il l'a demandé de nouveau en juin 1998, mais M. Blackburn ne l'a jamais informé des accusations criminelles qui portaient contre lui. M. Kelly a fait pression sur M. Blackburn, qui [traduction] « se défile ».

[217]   La situation de M. Larson était différente puisqu'il n'avait pas d'emploi à temps plein. M. Blackburn est policier à temps plein, avec le traitement et les avantages de son poste. La preuve a clairement révélé qu'il était retourné travailler pour la Police du Niagara quelques jours à peine après avoir prétendu se présenter au travail à Kingston.

[218]   Fondamentalement, les principes énoncés dans Larson, supra, décrivent les mesures à prendre dans un cas de suspension d'un employé contre qui on a porté des accusations criminelles.

[219]   L'employeur se fonde sur la jurisprudence pour justifier le congédiement quand un agent de la paix est accusé ou reconnu coupable d'accusations criminelles. Il a cité les décisions suivantes : Lynch (dossier de la Commission 166-2-27803); Fauteux (dossier de la Commission 166-2-26211); Boisvert (dossiers de la Commission 166-2-25435 et 166-2-26200); Flewwelling (dossier de la Commission 166-2-14236); Fleming (dossiers de la Commission 166-2-13488 et 166-2-13489); et Wells (dossier de la Commission 166-2-27802).

[220]   L'employeur a ensuite fait valoir qu'il a l'obligation de mitiger les conséquences de la suspension ou du congédiement d'un fonctionnaire. Quand un fonctionnaire s'estimant lésé gagne un revenu, son revenu sert à compenser la perte de celui de son emploi. Pour une explication détaillée de ce principe, l'employeur a invoqué Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty, 2:1412.

[221]   L'employeur a aussi cité la décision de la Commission dans Priske (dossier de la Commission 166-2-4184) et s'est fondé en outre sur Re Brotherhood of Maintenance of Way Employees and Canadian Pacific Railway Co. (1964), 15 L.A.C. 160, puis a invoqué Turgeon et Love (dossier de la Commission 161-2-211).

[222]   Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé mitige les conséquences de la perte de son emploi par un autre revenu, il se retrouve avec une différence de gains. Le cas de M. Blackburn est unique, puisque la Police du Niagara lui versait un traitement beaucoup plus élevé (la différence est de l'ordre de 15 000 $ à 20 000 $ par année).

[223]   L'employeur a poursuivi en maintenant qu'une arbitre de griefs n'a pas le pouvoir d'ordonner le paiement des frais et le versement de dommages et intérêts. En l'occurrence, mon pouvoir se limiterait à redonner son emploi à M. Blackburn. À l'appui de sa thèse, il a invoqué les décisions suivantes : Ogilvie et le Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord) (1984), 15 L.A.C. (3d) 405 (dossier de la Commission 166-2-14268); Matthews (dossier de la Commission 166-20-27336); Hester (dossier de la Commission 166-2-26833); Canada (Attorney General) v. Hester (T-1532-96) (1997), 126 F.T.R. 308; et Puxley (dossier de la Commission 166-2-22284).

[224]   Pour conclure, l'employeur a fait valoir qu'il ne devrait pas être pénalisé à cause du long délai de renvoi de cette affaire à l'arbitrage. En 1999, la procédure a été reportée à la demande de M. Blackburn, et tous les autres retards jusqu'en 2001 lui sont imputables. Il faut aussi reconnaître qu'il était difficile à rejoindre.

[225]   Le long délai qui a suivi après que l'affaire eut commencé, en mars 2002, était attribuable à une différence d'opinions entre M. Blackburn et son agent négociateur; cette difficulté n'a pas été résolue avant mai 2002, comme on peut le constater en lisant les pièces G-15, G-20 et G-21.

[226]   Ce n'est qu'après juillet 2002 que M. Blackburn n'a plus reçu de chèque de paye de la Police du Niagara.

[227]   L'employeur s'est efforcé de faire avancer le dossier et ne devrait donc subir aucun préjudice parce qu'il a tardé à parvenir à l'arbitrage.

Arguments du fonctionnaire s'estimant lésé

[228]   M. Blackburn a déclaré que le rapport du CIPC que l'employeur a invoqué (pièce E-13) fait état de l'incident de Cobourg, de sorte que le SCC était au courant de cette accusation-là aussi. Quand M. Kelly a été informé des accusations, il n'a pas communiqué avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Le SCC n'a pas cherché à obtenir de lui des explications des accusations ou des circonstances qui les avaient entraînées.

[229]   M. Blackburn a affirmé qu'il ne savait pas à l'époque qu'il était tenu, en vertu des pièces E-3 et E-4, d'informer le SCC qu'on avait porté des accusations criminelles contre lui. Comme il était en congé non payé et qu'il ne représentait absolument pas le SCC, le fait qu'on ait porté des accusations contre lui ne posait aucun problème pour le Service, qui n'a pas soulevé cette question de négligence. En outre, le 25 mai 1998, quand il a communiqué avec M. Kelly à partir du détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario, il a bel et bien confirmé quelles étaient les accusations portées contre lui au sujet de l'incident d'Hamilton, quand M. Kelly le lui a demandé. M. Blackburn avait des raisons de croire que c'est pour ces accusations qu'il avait été suspendu et que l'accès à l'établissement lui était interdit.

[230]   Le 25 mai 1998, M. Blackburn ne s'est jamais fait demander pourquoi il n'avait pas informé M. Kelly (ni le SCC) des accusations portées contre lui à Cobourg en 1997. Ce n'était pas un problème à ce moment-là. Le seul problème résultait de l'incident d'Hamilton, comme le confirme la lettre de M. Kelly (pièce E-14). La question de l'incident de Cobourg n'a jamais été soulevée dans leur correspondance.

[231]   M. Blackburn conteste la prétention de l'employeur qu'il n'était pas disposé à retourner au travail, en déclarant qu'il a toujours eu l'intention de le faire.

[232]   Par ailleurs, les pièces G-2, G-3 et G-4 parlent d'elles-mêmes quant à son aptitude à travailler. Pour ce qui est de l'allégation que la pièce G-18 ne précise pas que le SCC a contribué à son trouble d'adaptation, M. Blackburn souligne que le Dr Teodorini avait déclaré dès le début qu'il souffrait de ce trouble. En avril 1998, il n'était pas sur le point de perdre son emploi, mais, quand le SCC a appris qu'il avait été accusé au criminel, il a décidé d'aggraver son stress en le suspendant sans traitement jusqu'à ce que les accusations soient tranchées.

[233]   M. Blackburn affirme qu'il n'a jamais commis de fraude; sa lettre (pièce E-16) à M. Kelly est limpide.

[234]   L'employeur prétend que M. Blackburn n'a jamais demandé de revenir au travail, voire qu'il a d'une certaine façon refusé de le faire avant son acquittement, en février 2001, mais ce sont M. Kelly et le SCC qui l'ont suspendu et qui n'étaient pas disposés à le réintégrer tant que les accusations criminelles n'auraient pas été tranchées. Quand il a été acquitté et qu'il a eu gain de cause en appel, le SCC ne l'a toujours pas réintégré avant de lui écrire en janvier 2002.

[235]   M. Blackburn a aussi souligné que, contrairement à ce qu'on peut lire dans la pièce E-17, on n'avait pas réévalué sa cote de fiabilité approfondie. Il n'y a eu aucune réévaluation de ce genre.

[236]   Dans l'affaire Larson, supra, il est vrai que le fonctionnaire s'estimant lésé avait téléphoné à l'employeur, mais il n'était pas en congé. M. Blackburn n'était pas censé se présenter au travail avant le 30 mai 1998. Il avait encore cinq jours pour informer le SCC quand il a téléphoné, le 25 mai 1998.

[237]   En ce qui concerne le délai de fixation des dates d'audience, c'est l'UCCO-SACC-CSN qui est en cause, parce que M. Blackburn a obtenu son certificat médical le 13 mai 2002, après l'avoir réclamé en février 2002.

[238]   Pour ce qui est de sa suspension, la position de l'employeur n'a pas changé avant janvier 2002 et pourtant, on n'a jamais fixé de date d'audience pour ce grief-là.

[239]   Les observations de M. Blackburn se divisent en six rubriques.

[240]   La première rubrique est celle de la nature de la procédure. Selon M. Blackburn, c'est un processus en deux étapes en vertu de la LRTFP, la première consistant à déterminer s'il y a eu inconduite et la seconde à décider si la sanction était justifiée, dans l'éventualité où l'inconduite serait prouvée.

[241]   S'il n'y a pas eu d'inconduite, un redressement s'impose. L'arbitre de griefs a le pouvoir d'imposer des redressements ou de déterminer les sanctions, compte tenu de la jurisprudence et de la loi.

[242]   La deuxième rubrique est celle des allégations d'inconduite. Dans ce contexte, pour qu'on puisse conclure à son inconduite, il faudrait premièrement que M. Blackburn ait refusé de se présenter au travail, deuxièmement qu'il se soit absenté sans autorisation et troisièmement qu'il se soit rendu coupable du comportement qui a mené au dépêt d'accusations criminelles à Hamilton et à Cobourg, ce qui lui aurait fait manquer au Code de discipline et aux Règles de conduite professionnelle.

[243]   La troisième rubrique est celle de la charge de la preuve. C'est l'employeur qui est tenu de prouver ses allégations, en avançant des preuves claires et convaincantes, c'est-à-dire en soumettant au juge des faits des preuves cohérentes et fiables sur lesquelles il peut raisonnablement se fonder pour arriver à la conclusion équitable que l'intéressé est coupable de l'inconduite alléguée.

[244]   La quatrième rubrique est celle des constatations tirées des faits. En toute déférence, M. Blackburn estime qu'il faut commencer par déterminer ce qui est arrivé, si c'est arrivé, dans le contexte de ces allégations.

[245]   De toute évidence, la preuve de l'employeur et celle du fonctionnaire s'estimant lésé s'opposent diamétralement à cet égard. Les conclusions tirées des faits doivent être basées en tout ou en partie sur l'évaluation de la crédibilité de M. Kelly et de M. Blackburn.

[246]   M. Blackburn m'a demandé d'évaluer la crédibilité de chaque témoin et de conclure à partir de là.

[247]   La cinquième rubrique est celle de l'ensemble de la preuve. M. Blackburn a produit des éléments de preuve qui révèlent que les allégations contenues dans la pièce E-28 sont mensongères. L'employeur a produit une version des événements qui n'est pas crédible. Il a déclaré que M. Blackburn ne s'était pas présenté au travail, ce qui est faux. Il est faux de prétendre qu'il n'était pas disposé à se présenter au travail. Toutes les allégations figurant dans la lettre de licenciement sont fausses.

[248]   Le 25 mai 1998, M. Blackburn retournait à Kingston afin de se présenter au travail, à l'expiration de son congé non payé. Il s'est présenté au directeur Louis Kelly à partir du détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario. Quand il s'est présenté pour travailler, le directeur Kelly l'a informé qu'il ne devrait pas le faire parce qu'il avait été suspendu indéfiniment, et que l'accès à Millhaven lui était interdit sur son ordre.

[249]   M. Blackburn a demandé pour quelles raisons; il s'est fait dire que c'est parce qu'il avait été accusé au criminel à Hamilton de voies de fait, de voies de fait avec une arme, d'avoir proféré des menaces et de conduite dangereuse. Cela a été confirmé dans une lettre qu'il a reçue au cours de la première semaine de juin 1998 (pièce E-14).

[250]   À la mi-juillet 1998, une autre lettre (pièce E-17) lui précisait qu'il fallait qu'il soit en congé non payé jusqu'à ce que les accusations criminelles soient tranchées.

[251]   M. Blackburn a déposé deux griefs pour contester cette décision de l'employeur en demandant d'être dédommagé de toutes les pertes résultant de sa suspension au titre du traitement et des avantages sociaux ainsi qu'en réclamant le retrait de toutes les lettres en question de son dossier.

[252]   Entre juillet 1998 et février 2001, ni l'employeur, ni le directeur Kelly n'ont cherché à obtenir plus d'information ni à enquêter sur le procès du 5 février 2001.

[253]   Le 25 janvier 2002, M. Blackburn a reçu une lettre (pièce E-26) lui enjoignant de se présenter pour travailler à Millhaven le 11 février 2002 à 7 h et de téléphoner à M. Kelly s'il décidait de ne pas se présenter. M. Blackburn a écrit une lettre (pièce E-27) pour se faire expliquer le contenu de la pièce E-26. M. Kelly a ignoré cette lettre de M. Blackburn. M. Blackburn a téléphoné au bureau de M. Kelly. M. Kelly ne lui a pas parlé.

[254]   Le 11 février 2002, M. Blackburn s'est présenté au travail, conformément aux instructions qu'il avait reçues, en compagnie de son épouse. Une fois arrivé à l'établissement, il a répété son intention, réclamé un représentant syndical et présenté une demande de congé de maladie non payé pour une période indéfinie, en présence de M. Paul Empey et de la sous-directrice par intérim Gainer. Vers le 26 février 2002, il a reçu la lettre de licenciement (pièce E-28) dans laquelle on lui annonçait qu'il était licencié pour ne pas s'être présenté au travail.

[255]   M. Blackburn a présenté un grief pour contester son licenciement et réclamé un redressement, à savoir sa réintégration avec traitement et avantages.

[256]   La sixième rubrique est celle du résumé et de la conclusion des arguments de M. Blackburn. M. Kelly l'avait informé qu'il resterait en congé non payé jusqu'à ce que les accusations criminelles portées contre lui à Hamilton soient tranchées, en ajoutant qu'il déciderait alors si M. Blackburn pourrait continuer à travailler pour le SCC avec une cote de fiabilité approfondie. Il vaut la peine de souligner que, lorsque M. Blackburn a été acquitté, M. Kelly ne l'a pas réintégré dans ses fonctions et ne l'a pas non plus suspendu avec traitement. Après son acquittement, M. Blackburn n'a jamais été informé qu'on avait entamé ou mené à bien une réévaluation de sa cote de fiabilité approfondie.

[257]   M. Blackburn a invoqué l'affaire Scott (dossier de la Commission 166-2-26426), où il est établi que le simple fait qu'on ait porté des accusations criminelles contre un fonctionnaire ne justifie pas son congédiement.

[258]   Après le 3 avril 1997, on n'a jamais informé M. Blackburn qu'on avait pris une décision sur son cas. Avant sa décision du 10 janvier 2002, M. Kelly a-t-il jamais envisagé de substituer à la suspension sans traitement une suspension avec traitement? Ce qui est plus troublant encore, c'est qu'il n'a jamais enquêté sur les circonstances qui avaient mené aux accusations criminelles, ni communiqué avec M. Blackburn, ce qui est contraire aux directives du SCC figurant dans la pièce E-2, plus particulièrement à la section VI du Guide des mesures disciplinaires.

[259]   En outre, après s'être fait confirmer que M. Blackburn était la personne contre qui les accusations criminelles avait été portées, M. Kelly n'a ni fait enquête, ni produit de preuve que la présence de M. Blackburn posait un risque pour l'employeur ou pour les employés de l'établissement. M. Kelly n'a pas pris de mesures raisonnables pour déterminer si M. Blackburn pourrait être affecté à d'autres fonctions. Il est donc raisonnable de conclure que la suspension pour une période indéfinie n'était pas justifiée.

[260]   M. Blackburn se fonde sur la décision Larson, supra, pour demander que le grief contestant sa suspension soit accueilli.

[261]   Il a répondu à la lettre du 10 janvier 2002 en téléphonant à M. Kelly, puis en lui écrivant, le 21 janvier 2002. Il voulait des explications sur la lettre de M. Kelly (pièce E-26). Comme il n'avait pas eu de nouvelles de lui, il s'est présenté au travail conformément à ses instructions. M. Kelly n'avait pas de raison valable de le congédier, puisque M. Blackburn s'est présenté au travail comme il le lui avait enjoint et qu'il a présenté une demande de congé de maladie pour une période indéfinie.

[262]   En contre-interrogatoire, M. Kelly n'a pas pu citer la politique de l'employeur ou l'article de la convention collective qui l'empêche d'accorder un congé de maladie non payé pour une période indéfinie. En fait, il a tenté de trouver un tel article et il a été incapable de le faire.

[263]   L'employeur était au courant des décisions et de la jurisprudence concernant les fonctionnaires qui refusent de se présenter pour travailler conformément aux instructions, ainsi que des critères qui doivent être réunis avant que des mesures disciplinaires ne soient justifiées. Le fonctionnaire s'estimant lésé affirme que l'employeur ne s'est pas conformé à ces règles sans égards pour lui ni pour ses droits.

[264]   Rien dans la preuve ne démontre que la formule de congé signée par le directeur par intérim Snyder a jamais été remise à M. Blackburn, ou qu'on lui en a jamais donné copie avant son licenciement. L'allégation de M. Kelly que M. Blackburn ne s'est pas présenté au travail est un mensonge. Une fois que M. Blackburn s'est présenté à l'établissement, il s'est acquitté de son obligation. Si M. Kelly était mécontent que M. Blackburn ait quitté l'établissement le 11 février 2002, il aurait dê communiquer avec lui et lui ordonner de retourner travailler, faute de quoi il serait congédié. Il n'y a pas eu d'avertissement comme celui-là.

[265]   M. Blackburn m'a renvoyée aux décisions Pachowski (dossier de la Commission 166-2-28543); Petrovic (dossier de la Commission 166-2-28216) et Kwan (dossier de la Commission 166-2-27120), à l'appui de sa thèse.

[266]   Compte tenu de l'ensemble de la preuve, M. Blackburn estime qu'il serait juste de le réintégrer et de le dédommager entièrement à tous égards, c'est-à-dire au titre de la pension, du traitement, des crédits de congés et de tous les autres avantages prévus par la convention collective. Il veut que j'ordonne sa réintégration au poste auquel il aurait été nommé s'il n'avait pas été suspendu ni licencié. Il réclame aussi le dédommagement des pertes subies au titre du traitement et des avantages ainsi que les augmentations d'échelon et l'ancienneté auxquelles il aurait eu droit s'il avait été employé.

[267]   En outre, M. Blackburn réclame le remboursement de ses frais de voyage à Kingston pour se représenter, y compris l'hêtel, les repas et l'essence.

[268]   Par ailleurs, M. Blackburn m'a proposé plusieurs possibilités subsidiaires de redressement, la première étant un dédommagement intégral à compter du 1er juin 1998 jusqu'à la date de ma décision, correspondant à la totalité de son traitement, déduction faite du revenu gagné pendant cette période.

[269]   Deuxièmement, il réclame un dédommagement intégral, sauf du 1er juin 1998 jusqu'au 8 février 2001, la date de l'acquittement de ses accusations à Hamilton.

[270]   Troisièmement, il réclame le remboursement de ses avantages seulement à compter du 1er juin 1998 et jusqu'à la date de la décision, avec la totalité de son traitement du 8 février 2001 jusqu'à cette date.

[271]   Quatrièmement, il réclame la totalité de son traitement du 11 février 2002 jusqu'à la date de la décision.

[272]   Cinquièmement, il réclame un dédommagement au titre des avantages et de la totalité de son traitement à compter du 8 juillet 2002, ainsi qu'un congé de maladie non payé du 25 mai 1998 au 8 juillet 2002.

[273]   Pour chacun de ces redressements subsidiaires, M. Blackburn exige des dommages et intérêts de 10 000 $, le retrait de tous les documents contestés de son dossier personnel et des excuses écrites.

[274]   À l'appui de ses arguments sur les redressements qu'il réclame, M. Blackburn a cité Lo (dossier de la Commission 166-2-27825); Deering (dossier de la Commission 166-2-26518) et Saint-Amour (dossier de la Commission 166-2-27502).

[275]   M. Blackburn a fait valoir qu'il ne serait pas acceptable que je substitue une suspension sans traitement au licenciement, à compter de février 2002 jusqu'à la date de ma décision, ou du 8 février 2001 au 11 février 2002.

Réplique de l'employeur

[276]   L'employeur déclare que l'ignorance n'est pas une excuse valide pour ne pas avoir informé le SCC des accusations criminelles. Il ajoute que la preuve de M. Kelly a démontré que M. Blackburn s'était montré évasif quand le directeur lui a demandé ce qui en était des accusations, le 25 mai 1998. Lorsqu'il s'est présenté pour travailler ce jour-là, M. Blackburn avait l'obligation de déclarer les accusations, mais il n'a jamais parlé de celles qui avaient été portées contre lui à la suite de l'incident de Cobourg.

[277]   Quant aux instructions qui avaient été données à M. Blackburn le 10 janvier 2002 pour qu'il se présente au travail, l'essentiel est de savoir s'il pouvait travailler ou non. Il a demandé un congé de maladie pour une période indéfinie alors qu'il n'était pas malade; il se présentait alors pour travailler chez un autre employeur.

[278]   M. Blackburn a continuellement parlé de son acquittement, mais, dans le cas de l'incident de Cobourg; il a bel et bien été condamné. Il a fait appel, mais il a été condamné. La date du deuxième procès à l'issue duquel il a été de nouveau condamné était le 8 mai 2002.

[279]   Si M. Blackburn reproche à l'employeur de ne pas avoir pris de mesures raisonnables pour lui confier d'autres fonctions, le fait est que ça aurait été inutile puisque, lorsque l'employeur lui a enjoint de retourner au travail, M. Blackburn a demandé un congé de maladie, puis est allé travailler pour la Police du Niagara.

[280]   L'employeur maintient que la jurisprudence qu'il a citée quant aux redressements répond aux observations de M. Blackburn.

Motifs de la décision

[281]   Il n'y a guère de contradictions dans la preuve. Même s'il peut y avoir des différences attribuables aux points de vue et aux perceptions des intéressés, je conclus que les faits ne sont à peu près pas contradictoires, vu l'absence de notes factuelles prises quand les événements se sont déroulés.

[282]   Comme M. Kelly ne se rappelle rien d'autre au sujet des événements que ce qu'il a écrit, je conclus que la version de M. Blackburn de la conversation du 25 mai 1998 est le complément de celle de M. Kelly, que je juge incomplète.

[283]   La situation est inhabituelle, voire unique, puisque M. Blackburn a été accusé d'infractions criminelles pendant qu'il était en congé non payé. Contrairement à ce qu'on a prétendu devant moi, les Règles de conduite professionnelle (pièce E-3) et le Code de discipline (pièce E-4) exigent seulement des employés qu'ils déclarent qu'on a porté des accusations contre eux [traduction] « avant la reprise de leurs fonctions » ou « avant qu'ils reprennent leurs fonctions ».

[284]   Je conclus que le constable Lackie, de la Police provinciale de l'Ontario, a bel et bien dit à M. Kelly ce que M. Blackburn lui avait demandé de dire. Je conclus que le constable Lackie a réussi à rejoindre M. Kelly et l'a informé que M. Blackburn était à son détachement et qu'il voulait « maintenir la paix » en se faisant conduire par lui à l'établissement de Millhaven pour rencontrer le directeur afin de l'informer de son intention de retourner au travail et de lui faire confirmer s'il était suspendu et si l'accès à Millhaven lui était interdit.

[285]   Je peux comprendre que M. Kelly ait été étonné par cet appel et que tout ce qu'il se rappelle des propos du constable Lackie, c'est qu'il ne connaissait pas M. Blackburn. C'est une interprétation compatible avec sa lettre du 4 juin 1998 ainsi qu'avec son témoignage, à savoir qu'il s'intéressait davantage à savoir si M. Blackburn était encore au service de la Police régionale du Niagara.

[286]   Le 25 juin 1998, M. Blackburn décrivait cette conversation de son point de vue à une date bien plus rapprochée du moment où elle avait eu lieu que les notes de M. Kelly rédigées en aoêt ou septembre 1998. Je n'accorde pas grand poids à ces notes (pièce E-19) que M. Kelly a rédigées pour se préparer à répondre au grief. Elles ne sont pas datées et auraient pu être rédigées n'importe quand entre l'audition du grief en aoêt et l'envoi de la réponse le 22 septembre 1998. Elles ne sont pas un compte rendu des événements, mais plutêt une sélection de faits perçus visant à justifier la décision de M. Kelly.

[287]   Il n'y a aucune preuve d'une autre raison pour la visite de M. Blackburn au détachement d'Amherstview de la Police provinciale de l'Ontario et pour son appel à l'établissement de Millhaven. J'accepte donc son témoignage sur la conversation téléphonique, dans la mesure où il déclarait son intention de rentrer de son congé et de se présenter au travail. J'accepte aussi le témoignage de M. Kelly que M. Blackburn ne s'est pas montré ouvert sur la question des accusations criminelles, mais qu'il a fini par les admettre.

[288]   D'après le témoignage de M. Dyette, il semble que M. Kelly ait suspendu M. Blackburn avant que celui-ci ait déclaré qu'il retournerait au travail. Il a confirmé la suspension dans leur conversation téléphonique ainsi que par écrit, le 25 mai 1998, après l'appel de M. Blackburn. À ce moment-là, il aurait été justifié de suspendre l'intéressé pour une période indéterminée jusqu'à la conclusion de l'enquête.

[289]   Quand la lettre du 4 juin 1998 n'a pas obtenu de réponse à la date qui y était précisée, le 12 juin 1998, les mesures disciplinaires prévues dans le Guide auraient dê être prises, particulièrement après la réception de la lettre du 25 juin 1998 de M. Blackburn (pièce E-16).

[290]   M. Kelly a déclaré qu'il ne voulait pas traiter cette affaire comme un dossier disciplinaire, mais plutêt comme une question administrative. Il attendait le résultat final des procédures au pénal. Quand il a appris que le procès avait eu lieu, M. Kelly n'a pas cherché à obtenir de renseignements de M. Blackburn (ni d'autre personne, d'ailleurs). Même quand il a décidé de faire revenir M. Blackburn au travail, il n'a pas fait d'enquête en bonne et due forme sur les accusations, mais s'est réservé le droit de convoquer une entrevue disciplinaire quand [traduction] « la poussière finirait par retomber au sujet du procès ».

[291]   Je me suis prononcée sur la question de la suspension pour une période indéfinie en attendant les résultats des procédures au pénal dans Larson, supra. Les circonstances sont quelque peu différentes en l'espèce, mais les principes applicables sont les mêmes. L'employeur7 est tenu de faire enquête. Il ne suffit pas qu'il détermine que les procédures criminelles sont encore en cours.

[292]   Dans la politique de l'employeur lui-même, il y a des directives très claires. À la page 15 du Guide des mesures disciplinaires (pièce E-2), l'employeur a clairement précisé à quoi servent les suspensions pour une période indéfinie : [traduction] « La suspension pour une période indéfinie s'entend de la suspension d'un fonctionnaire jusqu'au résultat d'une enquête menée par le superviseur ou par un représentant désigné de la direction ».

[293]   À la Partie VI, de la pièce E-2, [traduction] Étapes du processus disciplinaires, on trouve toute une rubrique portant sur les enquêtes. Je tiens à souligner ici l'objet d'une enquête :

[Traduction]

  1. Raison d'être des enquêtes

    Les enquêtes ont pour objet de confirmer une inconduite ou pas et, dans l'affirmative, de réunir assez d'éléments de preuve pour la démontrer à un tiers. Elles permettent à la haute direction d'avoir de la situation une idée claire sur laquelle fonder sa décision.

  2. Processus d'enquête

    Si une enquête s'impose, elle devrait être menée aussitêt que possible après l'incident, parce que les retards entraînent généralement la perte d'éléments de preuve et des erreurs d'interprétation, font négliger des détails ou donnent au fonctionnaire en cause la fausse impression qu'on n'a pas tenu compte de l'incident.

    . . .

  3. Éléments de base/procédures d'une enquête

    1. a. Au début de l'enquête, le fonctionnaire doit être informé qu'on enquête sur lui, être avisé de la nature exacte des allégations qui ont entraîné l'enquête et prévenu qu'il est passible de mesures disciplinaires.

[294]   M. Kelly ne s'est pas conformé à ces règles. En contre-interrogatoire, il a admis qu'il n'avait pas lancé d'enquête comme telle. Il attendait le moment opportun, « un moment qui se déplaçait dans le temps » en fonction des résultats des accusations criminelles.

[295]   Le 11 janvier 2002, l'employeur a écrit à M. Blackburn pour lui déclarer ce qui suit :

[Traduction]

. . .

Nonobstant votre suspension et nonobstant aussi le fait que l'enquête sur votre comportement à l'égard de ces deux incidents se poursuit, vous devez vous présenter pour travailler à l'établissement de Millhaven, à Bath, en Ontario, le lundi 11 février 2002, à 6 h 45, pour le quart de 7 h à 15 h.

. . .

[296]   Sans jamais avoir mené d'enquête, l'employeur avait décidé de ramener M. Blackburn au travail, en sachant qu'il allait subir un deuxième procès au sujet de l'accusation criminelle portée contre lui à la suite de l'incident de Cobourg, accusation dont il avait déjà été reconnu coupable en 1999 (sa condamnation avait été annulée en appel en 2000).

[297]   La suspension pour une période indéfinie était devenue une suspension du 25 mai 1998 au 11 février 2002. L'employeur n'a jamais produit de preuves d'inconduite pour justifier une telle suspension. Même si une suspension pour une période indéfinie en attendant les résultats d'une enquête aurait été justifiée pour une période d'un mois environ, il aurait fallu qu'une enquête soit effectuée. Or, il n'y en a eu aucune après le 25 mai 1998, de sorte que je conclus que la suspension était injustifiée. Le grief contestant la suspension est accueilli dans cette mesure. Cela dit, pour me prononcer sur les redressements réclamés par M. Blackburn, je dois tenir compte des faits, qui sont bien différents en l'espèce de la situation dans Larson, supra.

[298]   Pour commencer, M. Blackburn était en congé non payé quand il a été suspendu. Son congé se terminait le 31 mai 1998. C'est à ce statut qu'il devrait retourner pour cette période-là.

[299]   Du 1er juin 1998 au 11 février 2002, M. Blackburn travaillait pour le Service de police régional du Niagara, avec un traitement et des avantages supérieurs à ceux qu'il aurait eus dans son poste au SCC. L'employeur a donc le droit de déduire du traitement qu'il devrait à M. Blackburn durant la période du 1er juin 1998 au 11 février 2002 celui que M. Blackburn a touché du Service de police régional du Niagara pendant cette période.

[300]   En ce qui concerne les avantages tels que la pension, les crédits de congé et l'ancienneté, M. Blackburn a le droit de faire calculer comme service ouvrant droit à pension la période du 1er juin 1998 au 11 février 2002, de gagner des crédits de congé et d'accumuler de l'ancienneté pour toute cette période, sauf celle du 18 octobre 1999 au 19 février 2001. Le 18 octobre 1999 est la date à laquelle le grief qu'il a présenté pour contester sa suspension devait être entendu au départ, d'après la pièce G-11 qu'il a soumise; son audition a été reportée à sa demande en attendant l'issue de son procès. Le 19 février 2001 est la date à laquelle la Commission a été informée que M. Blackburn demandait que son grief soit entendu le plus têt possible (pièce G-13).

[301]   Pour plus de clarté, je précise que M. Blackburn est autorisé à faire rétablir ses droits à pension pour la période du 1er juin 1998 au 18 octobre 1999 ainsi que du 19 février 2001 au 11 février 2002. Il a le droit aussi de gagner des crédits de congés conformément aux conventions collectives applicables pour les mêmes périodes et de faire calculer ses années d'ancienneté en conséquence, comme s'il avait été employé à temps plein au SCC durant ces périodes-là.

[302]   En ce qui concerne le grief contestant le congédiement, nous devons nous pencher sur la situation depuis le 10 janvier 2002.

[303]   Le 10 janvier 2002, M. Blackburn a été informé par écrit qu'il devait se présenter au travail le 11 février 2002, à 7 h.

[304]   Le 21 janvier 2002, il a téléphoné à M. Kelly, qui ne lui a pas parlé. M. Blackburn a parlé à la secrétaire de M. Kelly. Il voulait des explications au sujet de la lettre de M. Kelly. M. Kelly ne l'a pas rappelé parce qu'il estimait que sa lettre [traduction] « n'aurait pas pu être plus claire ».

[305]   Le 21 janvier 2002, M. Blackburn a écrit une longue lettre à M. Kelly, qui l'a reçue vers le 25 janvier 2002. M. Kelly a été estomaqué par la lettre de M. Blackburn, dont il considère le quatrième paragraphe comme [traduction] « du charabia ». Il n'a pas répondu à cette lettre avant d'écrire à M. Blackburn, le 21 février 2002, pour lui annoncer sa cessation d'emploi. Même dans cette lettre de licenciement, il n'a relevé que certains des points de la lettre du 21 janvier 2002 de M. Blackburn.

[306]   Le 11 février 2002, M. Blackburn s'est présenté à l'établissement de Millhaven conformément à ses instructions et il a demandé un congé de maladie non payé pour une période indéfinie.

[307]   M. Kelly s'est fondé sur les rapports de ce qui s'était passé pour mettre fin à l'emploi de M. Blackburn, le 21 février 2002. Il n'a ni rencontré M. Blackburn, ni parlé avec lui avant de le licencier, ce qui est contraire à la règle précisée dans la Remarque de la page 27 de la pièce E-2, Guide des mesures disciplinaires, qui se lit comme suit :

[Traduction]

REMARQUE

La mesure disciplinaire à imposer ne doit pas être déterminée avant que le fonctionnaire n'ait eu la possibilité de présenter sa version de l'incident et d'expliquer tous les facteurs atténuants.

[308]   Ce qui s'est produit le 11 février 2002 constituait-il une inconduite justifiant le licenciement?

[309]   M. Blackburn s'était fait enjoindre de se présenter au travail le 11 février 2002, et il l'a fait. Il n'a pas enfreint le Code de discipline en refusant de se présenter au travail.

[310]   Le fait de demander un congé de maladie non payé pour une période indéfinie n'est pas en soi un acte d'inconduite. Si M. Blackburn s'était fait refuser le congé et qu'on lui avait ordonné de rester au travail, l'employeur aurait pu justifier une sanction disciplinaire, mais on ne lui a pas dit que sa demande de congé était rejetée. On lui a demandé s'il avait un certificat médical; il n'en avait pas, mais on ne lui a jamais dit qu'il devait en soumettre un.

[311]   L'employeur est parti du principe que, parce que M. Blackburn continuait à travailler comme policier au Service de police régional du Niagara, il n'était pas malade. Il l'a postulé sans demander à M. Blackburn quelles étaient ses fonctions au SRPN et sans tenir compte des raisons pour lesquelles M. Blackburn disait être malade. L'employeur ne s'est pas conformé à sa procédure normale de traitement des demandes de congés de maladie.

[312]   La preuve médicale produite à l'audience révèle que M. Blackburn souffre de [traduction] « Trouble d'adaptation (309) » Cela suffit-il pour empêcher un agent de correction de s'acquitter de ses fonctions? Seul un médecin peut le dire.

[313]   Si l'employeur s'était conformé à ses propres politiques en matière de congés de maladie et de discipline, il aurait exigé que M. Blackburn lui soumette un certificat médical. Il aurait pu exiger que les médecins de M. Blackburn prennent connaissance de sa description de poste. Il aurait informé M. Blackburn que sa demande de congé était rejetée tant qu'il n'aurait pas produit les documents médicaux nécessaires.

[314]   L'employeur n'a même pas demandé à M. Blackburn de rester au travail et d'attendre qu'une décision soit prise au sujet de sa demande de congé. M. Kelly n'a pas pu me dire si la formule de demande de congé avait été signée pour attester que la demande était rejetée. Il ne l'a pas signée lui-même et ne savait pas si Mme Gainer ou M. Snyder l'avait fait. Ce qu'il savait, c'est qu'il était le seul à avoir le pouvoir d'autoriser le congé, et qu'il ne l'a pas approuvé. Il n'a jamais informé M. Blackburn que le congé qu'il avait demandé n'avait pas été autorisé : il a plutôt mis fin à son emploi.

[315]   Il est important que nous analysions la lettre de licenciement reproduite aux pages 11 et 12 de cette décision. M. Kelly licencie M. Blackburn parce que celui-ci a refusé de se présenter au travail, a été absent sans autorisation et a fait preuve du [traduction] « comportement qui [avait] mené aux accusations criminelles portées contre [lui] à Hamilton et sur l'autoroute 401 entre Port Hope et Cobourg) ».

[316]   Le seul élément de preuve que l'employeur a produit en ce qui concerne le comportement qui avait mené à des accusations criminelles contre le fonctionnaire s'estimant lésé est tiré de coupures de journaux dont l'intéressé a contesté le contenu. Je n'accorde aucun poids à ces coupures de journaux comme preuve de la véracité de leur contenu. M. Kelly se devait d'enquêter sur les accusations criminelles, et il ne l'a pas fait.

[317]   Compte tenu de chacun des motifs invoqués pour le licenciement, je conclus que l'employeur n'avait pas de raison valable de mettre fin à l'emploi de M. Blackburn quand il l'a fait, le 21 février 2002.

[318]   Les redressements réclamés dans le grief de M. Blackburn se lisent comme suit :

[Traduction]

  1. L'annulation du licenciement avec rétablissement intégral du traitement, des droits, avantages et privilèges.

  2. Excuses écrites du sous-commissaire par intérim, Lou Kelly.

  3. Retrait des documents faisant allusion au licenciement de mon dossier d'emploi.

[319]   Le licenciement est annulé par la présente décision.

[320]   Quels sont les droits, avantages et privilèges à rétablir? Le 21 février 2002, M. Blackburn avait le droit que sa demande de congé de maladie non payé pour une période indéfinie soit traitée de façon équitable. Elle ne l'a pas été. Par conséquent, j'ordonne qu'il lui soit accordé un congé de maladie non payé jusqu'à ce qu'il soumette à l'employeur un certificat de son médecin dans lequel celui-ci déclarera que, après avoir pris connaissance de sa description de poste (pièce E-6), il confirme que M. Blackburn est apte à retourner au travail.

[321]   M. Blackburn a le droit de bénéficier des droits et privilèges associés au statut d'un fonctionnaire en congé de maladie non payé à compter du 21 février 2002 et jusqu'à la date de réception de ma décision. S'il a des crédits de congé de maladie, il peut décider de les utiliser à partir de la date de réception de ma décision jusqu'à celle à laquelle il sera déclaré apte à retourner au travail.

[322]   L'employeur peut exiger que M. Blackburn soit examiné par ses propres conseillers médicaux, s'il conteste son certificat médical.

[323]   La demande d'excuses écrites de M. Kelly est rejetée. Rien dans la preuve ne démontre que M. Kelly ait délibérément abusé de son autorité ou agi avec malice. Il était convaincu que M. Blackburn n'avait aucune intention de retourner travailler au SCC. Il a longtemps espéré qu'il n'aurait jamais à prendre de mesures disciplinaires à l'endroit de M. Blackburn. C'était une erreur, mais elle ne révèle aucune intention raciste ou malveillante.

[324]   Les documents relatifs à la suspension et au licenciement de M. Blackburn doivent être retirés de son dossier personnel.

[325]   Pour ce qui est des dommages et intérêts que M. Blackburn a réclamés, j'estime que cette affaire ne justifierait pas une telle ordonnance même si j'avais compétence pour la rendre. Les frais que M. Blackburn a dê engager pour se représenter à Kingston résultent de son déménagement à St. Catharines afin de travailler pour le Service de police régional du Niagara, où la différence entre ses gains et ceux d'un agent de correction l'emportait sur ses frais.

[326]   Par ailleurs, en ce qui concerne le fait que le deuxième procès a abouti en mai 2002 à une deuxième condamnation dont M. Blackburn a aussi interjeté appel, je suis forcée de conclure que cela s'est produit après la cessation d'emploi. En outre, le statut de M. Blackburn était sensiblement le même entre aoêt 1999 et juillet 2000. L'employeur le connaissait, et il avait décidé de ne pas licencier M. Blackburn pendant ce temps-là. Je conclus par conséquent qu'il ne justifiait pas son licenciement. Si la condamnation et la peine sont maintenues par la Cour d'appel, on pourrait alléguer que ce seront des faits nouveaux sur lesquels l'employeur pourrait se baser pour prendre des mesures conformément à ses politiques. Toutefois, une situation comme celle-là n'est que pure conjecture de ma part, et ce n'est pas à moi qu'il appartient d'en décider ici si ces questions devaient se poser.

[327]   Bref, les griefs de M. Blackburn sont accueillis. Il doit être réintégré dans son poste d'agent de correction à compter du 1er juin 1998.

[328]   M. Blackburn doit être dédommagé de toute perte au titre du traitement et des avantages (telles qu'elles sont décrites aux paragraphes 299 à 301) du 1er juin 1998 au 11 février 2002, sauf pour la période du 18 octobre 1999 au 19 février 2001.

[329]   À compter du 11 février 2002, M. Blackburn sera réputé en congé de maladie non payé jusqu'à la date de réception de cette décision, ou jusqu'à ce qu'il soit déclaré apte à retourner au travail. Il aura le choix d'utiliser ses crédits de congé de maladie payés à compter de la date de réception de ma décision jusqu'à ce qu'il soit déclaré apte à retourner au travail et sera réintégré dans son poste à cette date-là.

[330]   Pour conclure, les griefs de M. Blackburn sont accueillis aux conditions que j'ai décrites.

Evelyne Henry,
présidente suppléante

OTTAWA, le 20 juin 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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