Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Incompétence - Médiation (sceau de confidentialité) - Entente provisoire - le fonctionnaire s'estimant lésé, un plombier, a été licencié pour cause d'incompétence dans l'exercice de ses fonctions - le grief du fonctionnaire s'estimant lésé étant rejeté au dernier palier de grief, l'agent négociateur avait proposé que cette affaire soit traitée par la médiation et l'employeur avait accepté - la médiation a eu lieu et le commissaire agissant comme médiateur dans ce dossier a écrit dans son rapport qu'un règlement était intervenu à ce dossier - le 25 mai 2000, la Commission a reçu copie d'une lettre du fonctionnaire s'estimant lésé où il demandait que << l'entente provisoire >> soit retirée puisque les bénéfices présentés à la médiation étaient complètement différents de ceux qui lui avait été imposés - le fonctionnaire s'estimant lésé a soumis premièrement que l'entente était de nature provisoire et qu'il avait compris que, lorsque seraient précisés les montants auxquels il avait droit en vertu de l'entente, il lui serait possible de se retirer de l'entente s'il n'était pas satisfait - le fonctionnaire s'estimant lésé a soumis que l'entente devait être annulée car l'employeur et l'agent négociateur avaient fait preuve de mauvaise foi pendant la médiation - l'arbitre de grief a conclu que la Commission n'avait plus compétence pour instruire un grief lorsque les parties concluent une entente exécutoire suivant une séance de médiation ou de discussion entre elles - l'arbitre a souligné que si le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas satisfait des services de son agent négociateur, le remède se trouvait ailleurs - de plus, selon l'arbitre de grief, étant donné que la Commission n'a pas compétence pour décider si les conditions de l'entente et les règlements ont été respectés, elle n'aurait pas plus compétence pour établir si une des parties a agi de mauvaise foi dans l'application de cette entente - ayant statué que les parties avaient réglé le présent grief, l'arbitre de grief a conclu qu'il n'existait plus de différend entre elles et par conséquent, aucun conflit n'avait à être tranché par un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Grief rejeté. Décisions citées :Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), [2000] CRTFP 114 (166-2-24127); Déom (148-2-107); Fox c. Conseil du Trésor (Commission de l'immigration et du statut du réfugié), [2001] CRTFP 130 (166-2-30414). ___________________________

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-07-11
  • Dossier:  166-2-29047
  • Référence:  2003 CRTFP 58

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

CLAUDE CARIGNAN
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Anciens combattants Canada)

employeur

Devant:  Guy Giguère, président suppléant

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé :   
Lui-même

Pour l'employeur :   Hélène Brunelle, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 29 avril 2003.


[1]      Le 19 février 1999, Claude Carignan, plombier à l'hôpital de Ste-Anne de Bellevue, a été licencié pour cause d'incompétence dans l'exercice de ses fonctions. Dans une lettre datée du même jour, Mme Rachelle Corneille Gravelle, Directrice générale de l'hôpital, indiquait à M. Carignan que, depuis de nombreuses années, son rendement de travail ne rencontrait pas les normes attendues par l'employeur. Elle écrivait que cette situation lui avait été signalée à plusieurs reprises ainsi que l'intention de l'employeur de procéder à son licenciement en l'absence d'améliorations significatives et soutenues. Son rendement s'étant détérioré au cours de la dernière année, elle avait donc décidé de procéder à son licenciement.

[2]      Le 19 février 1999, M. Carignan déposait un grief à l'encontre de son licenciement, indiquant qu'il considérait la lettre de Mme Corneille Gravelle comme étant injuste et mal fondée. Il demandait dans son grief que la décision de le licencier soit annulée et qu'il réintègre son travail sans perte de salaire, de bénéfices et ce, rétroactivement. Le grief de M. Carignan fut rejeté au dernier palier de grief. Le 8 juin 1999, l'agent négociateur, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'Alliance), proposait que cette affaire soit traitée par la médiation et peu après, l'employeur acceptait cette proposition.

[3]      La médiation a eu lieu le jeudi 20 janvier 2000, et le 21 janvier 2000, Mme Cécile LaBissonnière, agente au mode substitutif de règlement de différends à l'Alliance, écrivait à la Commission (pièce E-2a) :
Veuillez prendre note qu'une entente provisoire a été conclue dans l'affaire susmentionnée. Le grief sera retiré de l'arbitrage dès que toutes les dispositions de l'entente seront mises en application.

[…]

[4]      M. Jean-Charles Cloutier, alors commissaire, agissait comme médiateur dans ce dossier, et le 24 janvier 2000, il écrivait dans son rapport sur le progrès de la médiation qu'un règlement était intervenu à ce dossier.

[5]      Le 25 mai 2000, la Commission a reçu copie d'une lettre de M. Carignan à Mme LaBissonnière, où il demandait que l'entente provisoire soit retirée « puisque les bénéfices présentés à la médiation sont complètement différents de ceux qui me sont imposés. » Le 21 juin 2000, Mme LaBissonnière écrivait à la Commission que l'Alliance retirait son appui à M. Carignan dans ce dossier. Elle précisait dans sa lettre :
Au mois de janvier, nous informions la Commission que les parties étaient parvenues à une entente lors de la séance de médiation du 20 janvier dernier. Nous considérons que l'employeur a respecté sa part de l'entente. Toutefois, bien que monsieur Carignan ait signé l'entente lors de la séance de médiation de même qu'une lettre signifiant qu'il désirait prendre sa retraite, il nous informait réceMment, par écrit, qu'il désirait que l'entente soit retirée. Étant donné ce revirement de sa part, l'Alliance n'a d'autre choix que de retirer son appui dans ce dossier.

[…]

[6]      Le 5 juillet 2000, Me Diane Lemelin écrivait à la Commission qu'elle représentait maintenant M. Carignan dans ce dossier. Elle précisait dans sa lettre que, suite à une demande d'accès à l'information, M. Carignan avait obtenu son dossier auprès de l'employeur et avait pris connaissance d'une lettre datée du 22 janvier 2000 de Mme Ghyslaine Desjardins, conseillère en ressources humaines auprès de l'employeur, adressée au docteur Carole Leclair de Santé Canada.

[7]      Selon Me Lemelin, Mme Desjardins avait dans sa lettre tenté d'influencer le docteur Leclair dans sa décision sur la demande de retraite médicale de M. Carignan. D'ailleurs, le 18 avril 2000, le docteur Leclair avait informé M. Carignan que sa demande de retraite pour raison médicale lui était refusée. Me Lemelin en concluait que, par cette lettre, l'employeur est intervenu dans l'exécution de l'entente conclue lors de la médiation du 20 janvier 2000, afin d'en réduire la portée, du moins pour la retraite médicale.

[8]      Le 2 octobre 2001, Me Stéphan Bernier écrivait à la Commission pour indiquer que Me Lemelin ne représentait plus M. Carignan dans le dossier, et qu'il n'était plus représenté par un procureur dans ce dossier. Cependant, Me Bernier indiquait qu'il représentait M. Carignan dans ses demandes à la Commission de la santé et sécurité au travail (CSST) et qu'il avait été mandaté par lui pour demander à la Commission qu'aucune audition n'ait lieu dans ce dossier tant et aussi longtemps qu'il n'aurait pas réglé ses demandes avec la CSST.

[9]      Le 17 décembre 2001, M. Georges Hupé, conseiller principal en relations de travail au secrétariat du Conseil du Trésor, écrivait à la Commission que, selon l'employeur, elle n'avait pas compétence pour entendre ce grief étant donné qu'une entente avait été signée lors de la médiation du 20 janvier 2000. Il précisait qu'aucune condition n'avait été posée lors de la signature de l'entente et qu'elle est donc exécutoire. L'employeur demeurait disposé à honorer l'entente signée mais ne pouvait le faire, car M. Carignan refusait de collaborer et d'honorer sa partie de l'entente.

[10]      Le 25 février 2003, M. Carignan écrivait à la Commission pour demander une remise de l'audience dans ce dossier devant débuter le 29 avril 2003. Il expliquait qu'il désirait que la Commission puisse se prononcer sur sa plainte contre l'agent négociateur en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi) avant de procéder dans le présent dossier.

[11]      Le 11 mars 2003, M. Hupé indiquait à la Commission qu'il s'objectait à la demande de remise de M. Carignan puisque ce dossier traînait depuis déjà fort longtemps, ce qui causait préjudice à l'employeur. Le 11 mars 2003, la Commission écrivait à M. Carignan pour l'informer que sa demande de remise était rejetée.

[12]      Le 21 mars 2003, Me Marc Tremblay écrivait à la Commission qu'il représentait M. Carignan et qu'il demandait à la Commission de reconsidérer sa décision de refuser la demande de remise de M. Carignan dans ce dossier. Il expliquait que la plainte que M. Carignan avait déposée en vertu de l'article 23 de la Loi était dans le but d'obtenir une décision de la Commission qui permettrait à M. Carignan d'être représenté par un procureur de son choix dans le présent dossier.

[13]      Le 11 avril 2003, Me Hélène Brunelle, représentant l'employeur, écrivait à la Commission en réponse à la lettre de Me Tremblay sur la question de demande de remise. Elle soumettait que la plainte en vertu de l'article 23 de la Loi ne concernait pas l'employeur et qu'il ne devrait pas subir de préjudices pour ce différend entre l'agent négociateur et M. Carignan. Par ailleurs, elle soumettait qu'il était loisible au plaignant de se faire représenter à l'audience ou de procéder seul, selon son choix, et qu'il y avait ainsi un respect des principes de justice fondamentale. Cependant, elle concluait en indiquant que l'employeur serait prêt à procéder uniquement sur la question d'objection juridictionnelle. Advenant que la Commission rejette alors l'objection de l'employeur, ce dernier consentirait à une remise de l'audience au fond jusqu'à ce que la question de la plainte opposant M. Carignan et son agent négociateur soit réglée.

[14]      Le 16 avril 2003, la Commission écrivait à Me Tremblay, avec copie à l'employeur, pour lui indiquer que sa demande de remise était rejetée par la Commission. L'audition débutant le 29 avril 2003 porterait cependant que sur la question de la compétence de la Commission d'entendre ce grief.

[15]      Le 29 avril 2003, M. Carignan s'est présenté seul à l'audition. Il a expliqué qu'il n'était pas représenté par un avocat, car il n'avait pas les moyens de payer les honoraires de celui-ci. Il a déclaré qu'il participerait dans ces circonstances à l'audition sous protêt. J'ai indiqué aux parties que l'on procéderait de façon informelle pour que M. Carignan soit plus à l'aise et qu'il soit bien entendu. Les deux parties étaient d'accord et nous avons procédé à l'audition de cette affaire.

[16]      M. Carignan a signifié premièrement qu'il était d'accord à ce que l'on procède sur la question juridictionnelle en premier temps. À cet égard, il a soumis que l'entente provisoire qui était intervenue suite à la médiation du 20 janvier 2000 était nulle et non-avenue, car elle avait été faite de mauvaise foi par l'employeur et par l'agent négociateur. M. Carignan a précisé que cette mauvaise foi s'était manifestée pendant la médiation et après.

[17]      Me Brunelle s'est objectée à ce que les propos tenus lors de la médiation soient divulgués de même que le contenu de l'entente. Elle a cependant accepté que l'entente (pièces G-1 et E-1) soit déposée en preuve lors de l'audition sous réserve que son contenu ne soit pas divulgué dans la décision qui suivrait cette audition.

[18]      M. Carignan a été le seul témoin qui a comparu dans cette affaire. Il a expliqué qu'avant la médiation, il recevait des prestations de la CSST. Il avait droit aussi à recevoir des prestations d'invalidité de la compagnie d'assurance Sun Life. Ces prestations représentaient 70 % de son salaire mais de cela, on devait soustraire ce qu'il recevait de la CSST.

[19]      Il a expliqué qu'il considérait que l'employeur et son agent négociateur avaient agi de mauvaise foi pendant la médiation. L'employeur et l'agent négociateur lui ont fait miroiter qu'il aurait droit à des revenus avantageux s'il prenait sa retraite. Il considère qu'ils l'ont induit en erreur et qu'il a été piégé par eux. De plus, il croyait que l'entente était provisoire et que lorsque seraient connus les montants auxquels il aurait droit en vertu de l'entente, il lui serait possible de se retirer de l'entente et de réintroduire son grief.

[20]      En contre-interrogatoire, M. Carignan a déclaré que cette entente a été bien rédigée de la main de Mme LaBissonnière et que c'était bien signé par tous présents. Il a témoigné que rien dans l'entente n'indiquait que c'était une entente provisoire. M. Carignan a confirmé que joint à l'entente se trouvaient deux lettres qu'il avait signées le 20 janvier 2000. La première indiquait qu'il désirait prendre sa retraite en date du 20 avril 1999. La seconde lettre datée de la journée même de la médiation indiquait qu'il désirait retirer son grief de l'arbitrage.

[21]      Le lendemain de la médiation, M. Carignan s'est présenté chez l'employeur pour obtenir un formulaire afin de demander sa retraite médicale. Le lundi suivant, il a fait des démarches auprès de la Régie des rentes pour demander à y être admissible. On lui a répondu qu'il n'y avait pas le droit puisqu'il recevait des prestations de la CSST. Par ailleurs, la compagnie d'assurance Sun Life l'a informé que s'il était retraité, il ne recevrait plus de prestations d'invalidité de cette compagnie d'assurance, à moins que sa retraite soit pour des raisons médicales.

[22]      M. Carignan a déposé en preuve une lettre de Mme Ghyslaine Desjardins, conseillère en ressources humaines. Mme Desjardins était une des deux représentantes de l'employeur lors de la médiation et le 22 janvier 2000 (pièce E-4), dans une lettre elle écrivait :
OBJET : Expertise de M. C. Carignan

La présente fait suite à notre conversation de ce jour et vise à vous faire une mise à jour de ce dossier.

M. Carignan a été expertisé par Dr Renaud le 30 mars 1999. Suite à un accident de travail qui est survenu le 30 novembre 1998, M. Carignan avait subi une épicondylite au coude gauche. L'examen a démontré que la blessure était consolidé
(sic), sans besoin de traitement et sans limitation fonctionnelle ou atteinte permanente. Le Bureau d'évaluation médicale de la CSST a confirmé les dires de notre médecin hormis le volet des limitations fonctionnelles et des atteintes permanentes puisque le médecin traitant de l'employé ne s'était pas prononcé sur le sujet. Par conséquent, M. Carignan doit voir son médecin cette semaine pour obtenir cette information.

Compte tenu de l'expertise de notre spécialiste, tout pourcentage d'incapacité s'avérerait superflu et nous devrions le contester. Je vous tiendrai au courant dès que cette expertise nous sera communiquée.

De plus, M. Carignan devrait vous envoyer un rapport de son médecin traitant confirmant une incapacité permanente à effectuer son travail de plombier et vous demandera la possibilité de confirmer cette incapacité pour obtenir une pension en invalidité. Il m'apparaît peu probable qu'une épicondylite consolidée puisse avoir laissé de telles limitations. Il est important que nous agissions avec diligence dans ce dossier puisque l'employé est considéré coMme ayant pris sa retraite en avril 1999.

J'espère que ces informations vous seront utiles. Dans la négative, je demeure disponible pour toute information additionnelle.

[23]      Le 15 février 2000, le docteur Leclair refusait la retraite médicale de M. Carignan. M. Carignan considère que ce refus est attribuable à la lettre de Mme Desjardins. En contre-interrogatoire, M. Carignan a confirmé que sur ledit formulaire, son médecin traitant avait déclaré qu'il n'était pas capable de poursuivre les activités de son poste mais qu'il pouvait occuper un emploi régulier rémunérateur de nature différente.

[24]      Selon M. Carignan, l'employeur a fait preuve de mauvaise foi dans la mise en ouvre de l'entente lorsque Mme Desjardins a écrit au docteur Leclair le 22 janvier 2000, mais aussi lorsqu'elle a omis de transmettre le rapport d'évaluation de l'hôpital Juif de Montréal qui lui était favorable. En contre-interrogatoire, M. Carignan a témoigné qu'il n'y avait pas dans l'entente d'obligation de l'employeur « dans un sens ou l'autre, qu'il obtienne une retraite médicale. »

[25]      M. Carignan a témoigné que, par la suite, il a poursuivi avec succès ses démarches pour recevoir des prestations de la CSST. Il continue à ce jour de recevoir ces prestations de la CSST qui se chiffrent par mois à 2 100 $ après impôt. Il n'a jamais fait suite à la demande de retraite, car il n'aurait droit qu'à 357 $ de pension par mois. Une retraite médicale n'ayant pas été autorisée, une pénalité s'appliquait puisqu'il n'avait pas atteint l'âge de 60 ans. Par ailleurs, il avait peu d'années en fonction pour l'employeur. Selon lui, il n'était pas avantageux de racheter ses années de service dans les forces militaires. Il devrait continuer de recevoir pendant encore plusieurs années des prestations de la CSST, ce qui est d'après lui plus avantageux.

Arguments du fonctionnaire s'estimant lésé

[26]      Sans vouloir répéter le témoignage de M. Carignan, ses arguments sont principalement les suivants.

[27]      M. Carignan soumet premièrement que l'entente était de nature provisoire. Il avait compris que, lorsque seraient précisés les montants auxquels il avait droit en vertu de l'entente, il lui serait possible de se retirer de l'entente s'il n'était pas satisfait. Pour lui, l'entente était provisoire et il pouvait réintroduire le grief.

[28]      M. Carignan soumet que l'entente doit être annulée, car l'employeur et l'agent négociateur ont fait preuve de mauvaise foi pendant la médiation en l'induisant en erreur et en lui faisant miroiter qu'il aurait des revenus avantageux s'il prenait sa retraite.

[29]      M. Carignan soumet aussi que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi dans la mise en ouvre de l'entente. Mme Desjardins s'est ingérée dans la demande de retraite médicale de M. Carignan, en essayant d'influencer la décision de Santé Canada, ce qui démontre la mauvaise foi de l'employeur.

Arguments de l'employeur

[30]      Me Brunelle soumet que la question à trancher dans ce dossier est de savoir si un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a compétence pour entendre ce grief. Cette question se pose alors qu'une entente qui règle tous les points relatifs au grief a été dûment signée par toutes les parties et qu'il n'y a aucune référence dans l'entente à quelques conditions que ce soit.

[31]      Me Brunelle soumet que cette entente est finale et exécutoire. Le fait que M. Carignan ait signé la lettre de demande de retraite et celle dans laquelle il retirait son grief indique bien qu'il avait l'intention de poursuivre le processus et de respecter l'entente. Le protocole d'entente a été préparé et rédigé par Mme LaBissonnière. Elle est une représentante d'expérience qui a une excellente réputation et qui agit depuis plusieurs années à titre de représentante au mode substitutif de règlement de différends pour l'agent négociateur.

[32]      Me Brunelle soumet que le processus de médiation est confidentiel, et qu'il est bien établi que les propos tenus lors de la médiation ne sont pas admissibles en arbitrage. Ceci dit, des chiffres ont pu être échangés lors de la médiation, mais aucun montant n'apparaît dans le protocole d'entente ou d'obligation de garantir un certain montant. Mme LaBissonnière rédigeait l'entente donc contrôlait son contenu et il ne peut être question de mauvaise foi de l'employeur dans de telles conditions.

[33]      Selon Me Brunelle, dès que la preuve est faite d'une entente valide, exécutoire et dûment signée par les parties, l'arbitre devient inhabile de se saisir de l'affaire. Par ailleurs, la mise en ouvre d'un protocole d'entente ne relève pas de la Commission non plus.

[34]      De façon alternative, Me Brunelle soumet qu'il n'y a eu d'aucune manière mauvaise foi de l'employeur dans l'application de l'entente. La lettre de Mme Desjardins du 22 janvier 2000, en fait, portait avant tout sur un dossier de la CSST et ne fait pas preuve de mauvaise foi de l'employeur. Mme Desjardins a émis une opinion, mais en tout temps il demeurait au docteur Leclair de déterminer si M. Carignan avait droit à la retraite médicale. De toute façon, le médecin traitant de M. Carignan lui-même a indiqué à Santé Canada que M. Carignan pouvait occuper un autre poste et ne pouvait donc bénéficier d'une retraite médicale.

[35]      Me Brunelle soutient qu'il n'y a pas non plus mauvaise foi de l'employeur par la non transmission des documents. Ce n'était pas une obligation de l'employeur et dans l'entente, c'était au contraire l'obligation de M. Carignan lorsqu'il demandait sa retraite, de voir à ce que tous les documents soient transmis. Son médecin traitant était lui-même en possession de ces documents et il aurait pu les transmettre. Il appert clairement que M. Carignan n'est pas satisfait de la tournure des événements, ce qui ne veut pas dire que l'entente n'est pas valide. D'autre part, s'il n'est pas satisfait des services de son agent négociateur, le remède se retrouve ailleurs.

[36]      À l'appui de ces arguments, Me Brunelle a cité les décisions suivantes : Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel Canada), [2003] CRTFP 10 (166-2-30803 et 30804), Myles c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), [2002] CRTFP 53 (166-2-30744 et 30745), Fox c. Conseil du Trésor (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), [2001] CRTFP 130 (166-2-30414), Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), [2000] CRTFP 114 (166-2-24127), MacDonald c. Canada, [1998] A.C.F. no 1562 et MacDonald c. Canada, [2000] A.C.F. No. 1902.

Motifs de la décision

[37]      Les discussions qui ont lieu lors d'une médiation doivent se dérouler sous le sceau de la confidentialité sinon les médiations ne seraient plus efficaces. Sans cette confidentialité, les parties hésiteraient à s'engager dans un dialogue franc et ouvert et ne seraient pas susceptibles de faire des offres bien différentes de leurs positions initiales. Bientôt ce mode de résolution ne serait plus utilisé. C'est pourquoi la jurisprudence arbitrale reconnaît qu'il en va de l'intérêt des employés et des employeurs que les propos tenus lors d'une médiation ne soient pas admissibles en preuve (voir Skandharajah (supra)).

[38]      L'entente suivant la médiation contenait une clause de confidentialité et elle ne saurait de la même façon être divulguée. J'ai donc limité à l'essentiel dans cette décision l'information sur la médiation et sur l'entente. On y retrouve de façon générale les allégations du fonctionnaire s'estimant lésé et les motifs qui m'ont amené à ma décision.

[39]      Il est de jurisprudence bien établie tel que citée par Me Brunelle que la Commission n'a plus compétence pour instruire un grief lorsque les parties concluent une entente exécutoire suivant une séance de médiation ou de discussion entre elles. La question est donc de déterminer s'il y avait une entente exécutoire qui liait les parties à l'issue de la séance de médiation tenue le 20 janvier 2000.

[40]      M. Carignan a soumis qu'il n'y avait pas d'entente exécutoire, car selon lui c'était une entente provisoire. M. Carignan a cependant témoigné qu'il n'y avait aucune condition inscrite dans l'entente. J'ai examiné ladite entente et elle ne contient aucune mention à l'effet qu'elle était provisoire ou conditionnelle.

[41]      M. Carignan a soumis aussi que Mme LaBissonnière, suite à la médiation, a écrit à la Commission le 21 janvier 2000, en indiquant qu'une entente provisoire avait été conclue dans cette affaire. Cependant, elle indiquait dans sa lettre que le grief serait retiré dès que toutes les dispositions de l'entente seraient mises en application. Dans les faits, il s'agissait plutôt pour la représentante de s'assurer que l'employeur respecterait bien ses engagements avant que le grief soit retiré. Ainsi, le 21 juin 2000, elle écrivait à la Commission que M. Carignan avait bien signé l'entente lors de la séance de médiation de même qu'une lettre disant qu'il désirait prendre sa retraite mais que, récemment, il désirait que l'entente soit retirée.

[42]      Après un examen de toute la preuve, j'en conclus qu'une entente en bonne et due forme était bien intervenue entre les parties le 20 janvier 2000.

[43]      M. Carignan a soumis que l'employeur et l'agent négociateur avaient fait preuve de mauvaise foi lors de la séance de médiation. M. Carignan, sur ce point, a témoigné qu'il y avait eu des discussions sur certains montants pendant la médiation. Mais il a convenu qu'il n'y avait nulle part dans l'entente de référence à un montant précis ou d'indication de quelque condition que ce soit. Il est fréquent qu'il y ait des discussions pendant les médiations en caucus ou en séance plénière sur différents scénarios. Mais en l'absence de clause dans l'entente où est chiffré un montant, un engagement monétaire ou une condition, je vois mal en quoi il y aurait par-là une preuve de mauvaise foi de l'employeur.

[44]      J'ai par ailleurs examiné la preuve pour voir s'il y avait quelque autre élément démontrant la mauvaise foi de l'employeur pendant la médiation. J'ai fait cet examen en tenant compte aussi de la lettre subséquente à la médiation de Mme Desjardins à Santé Canada. Rien dans la preuve que j'ai reçue ne me permet de conclure qu'il y a eu mauvaise foi de l'employeur lors de la médiation.

[45]      M. Carignan a déposé une plainte en vertu de l'article 23 de la Loi contre son agent négociateur. Ce n'est pas à moi de me prononcer dans cette décision sur cette plainte. Cependant, il a soumis que sa représentante avait fait preuve de mauvaise foi lors de la médiation et je dois me prononcer sur cet aspect. C'est un argument du même ordre que celui fait dans l'affaire Skandharajah (supra), où la fonctionnaire s'estimant lésée avait témoigné qu'elle avait signé l'entente suite aux pressions faites sur elle par son représentant.

[46]      J'ai bien examiné la preuve et je n'y ai pas vu d'indications de mauvaise foi de la représentante de M. Carignan. Comme je l'ai expliqué précédemment, il est fréquent qu'il y ait des discussions sur différents scénarios lors d'une médiation. En l'absence de clause précise dans l'entente, cela demeurait des discussions et non un engagement. Par ailleurs, je n'ai reçu aucune preuve selon laquelle M. Carignan n'était pas en mesure de donner un consentement valide lorsqu'il a signé cette entente.

[47]      M. Carignan a soumis par ailleurs que l'employeur avait fait preuve de mauvaise foi dans l'application de l'entente. Comme l'a écrit J.M. Cantin, alors vice-président de la Commission, dans Déom (dossier de la Commission 148-2-107), ni la Commission, ni l'arbitre n'a compétence pour décider si les conditions d'une entente de règlement ont été respectées. Le président de la Commission, M. Tarte, en est venu à la même conclusion dans la cause Fox (supra).

[48]      Étant donné que la Commission n'a pas compétence pour décider si les conditions de l'entente et les règlements ont été respectés, elle n'a pas plus compétence pour établir si une des parties a agi de mauvaise foi dans l'application de cette entente. Par conséquent, cet argument doit aussi être rejeté.

[49]      Ayant statué que les parties ont réglé le présent grief, je conclus qu'il n'existe plus de différend entre elles et par conséquent, aucun conflit n'a à être tranché par un arbitre nommé en vertu de la Loi. Il est donc mis fin aux présentes procédures.

Guy Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 11 juillet 2003

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