Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Vol de biens de l'État - Utilisation de la main-d'œuvre des détenus à des fins personnelles - Défaut de l'employeur d'appliquer les politiques par le passé - Réintégration - le fonctionnaire travaillait en qualité de gestionnaire des opérations, Corcan Industries, à l'établissement de Springhill - le fonctionnaire a fait fabriquer des caisses en bois dans l'atelier de menuiserie de l'établissement à des fins personnelles en faisant appel à des détenus - il a aussi pris des arrangements pour que les caisses soient vernies, toujours en faisant appel à des détenus - le fonctionnaire a également pris des dispositions pour faire sortir les caisses de l'établissement, également avec l'aide des détenus - l'employeur a saisi les caisses et, à la suite d'une enquête, a congédié le fonctionnaire pour vol de biens appartenant à l'État et recours à des détenus à des fins personnelles - le fonctionnaire a plaidé coupable à des accusations de vol après cet incident, a reçu une absolution sous condition et a été mis en surveillance pendant une période de 12 mois - la preuve a démontré que l'employeur avait fait preuve de laxisme et n'avait pas appliqué la politique uniformément dans d'autres situations semblables par le passé - en fait, certains employés n'ont pas été punis pour des comportements analogues - l'arbitre a conclu que, même si le fonctionnaire avait manqué de jugement en agissant comme il l'avait fait, il n'y avait pas d'intention criminelle - en fait, il s'est laissé aveugler par la << culture de libre-service >> qui existait dans l'établissement avec le consentement tacite de la direction - l'arbitre a conclu que le congédiement était une sanction trop sévère dans les circonstances et y a substitué une suspension de trois mois sans traitement ou autres avantages sociaux. Grief admis en partie. Décisions citées :Melcher (166-2-27604); Re Canadian Broadcasting Corporation and Canadian Union of Public Employees (1979), 23 L.A.C. (2d) 227; Re MacMillan Bloedel Limited and Iwa Canada (1993), 33 L.A.C. (4th) 288.

Contenu de la décision

Dossier : 166-2-28705 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN HARRY LEADBETTER fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant : J. Barry Turner, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Robert L. Barnes, c.r. Pour l'employeur : Jock Climie, avocat Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick), du 16 au 18 mars 1999.

Décision DÉCISION Page 1 DÉCISION M. John Leadbetter, ancien gestionnaire des opérations, CORCAN Industries (dérivé des termes correctionnel et Canada), classification AS-6, à l’établissement fédéral de Springhill, Service correctionnel du Canada (SCC), Springhill (Nouvelle-Écosse), conteste son licenciement le 6 novembre 1997. Il a été suspendu sans traitement du 5 novembre 1997 au 13 juillet 1998. Son grief a été renvoyé à l'arbitrage le 3 novembre 1998. M. Robert Babineau, sous-commissaire adjoint, région de l'Atlantique, et M me Ann Marie Sahagian, directrice exécutive, CORCAN, Ottawa, ont signé la lettre de licenciement non datée que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait reçue le 17 juillet 1998. La lettre est reproduite ci-dessous : [Traduction] Nous avons examiné attentivement les éléments de preuve concernant la demande que vous avez adressée à des subalternes de fabriquer pour votre usage personnel six caisses en bois, dont vous avez organisé le transport à l'extérieur de l'établissement dans votre véhicule personnel, sans autorisation. Nous avons également tenu compte de vos observations et de celles de votre représentant relativement aux allégations de mauvaise conduite, soit le vol de biens de l'État.

Sur la foi des éléments de preuve réunis et de vos propres aveux, les caisses ont été fabriquées pour votre usage personnel à votre demande sans l'autorisation de vos supérieurs. Vous n'avez pas respecté la procédure en vigueur et vous avez ainsi compromis trois de vos subalternes et des détenus.

Les actes ci-dessus constituent des infractions graves aux règles de conduite du fait que vous avez volé des biens de l'État, que vous vous êtes servi des détenus pour commettre un acte illégal à des fins personnelles et qu'en contravention du règlement vous avez demandé à des subalternes et à d'autres employés de commettre des actes illégaux. En outre, ces actes vont directement à l'encontre de vos responsabilités à titre de cadre supérieur à l'établissement de Springhill. En votre qualité de gestionnaire des Opérations, CORCAN, et de surveillant immédiat des trois instructeurs d'atelier susmentionnés, cette inconduite est extrêmement grave.

D'après les rencontres que nous avons eues avec vous, vous ne semblez pas saisir la gravité de vos actes. Compte tenu de ce qui précède, même en tenant compte de votre dossier d'emploi, la gravité de l'incident nous oblige à vous licencier. En raison de votre comportement, vos supérieurs estiment que vous n'êtes plus en mesure de maintenir des rapports professionnels et de diriger ce secteur d'activités de CORCAN.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 2 Par conséquent, et conformément à l'autorité déléguée au soussigné en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous êtes par les présentes avisé que votre emploi au Service correctionnel du Canada prendra fin à 8 heures le 6 novembre 1997.

En vertu de votre convention collective, vous avez le droit de présenter un grief contestant cette décision directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

M. Leadbetter demande le redressement suivant : [Traduction] Que la mesure disciplinaire soit proportionnelle à l'incident, qu'elle tienne compte d'autres incidents analogues et que je sois réintégré dans mon poste.

L'audience a duré deux jours et demi. J'ai entendu huit témoins et les parties ont présenté 21 pièces en preuve. J'ai acquiescé à la demande d'exclusion des témoins.

Les parties ont soumis l'exposé conjoint des faits suivant : [Traduction] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS 1. Vers la fin d'août ou au début de septembre 1997, le fonctionnaire s'estimant lésé a discuté avec M. Smith de la possibilité de faire fabriquer des caisses.

2. Le 30 octobre 1997 ou aux environs de cette date, M. Smith a pris des dispositions pour faire fabriquer quatre petites caisses et trois autres plus grandes dans l'atelier d'ébénisterie. Le détenu Whynot les a fabriquées avec l'aide de M. Laurette (instructeur d'atelier à CORCAN).

3. Le 30 octobre 1997 ou aux environs de cette date, le fonctionnaire a pris des dispositions avec M. Knowlton pour que les caisses soient ensuite vernies.

4. Le 4 novembre 1997, le fonctionnaire a téléphoné à l'entrepôt pour demander si les caisses pouvaient y être transportées. Il a parlé à la surveillante de la gestion du matériel, M me MacPherson, qui lui a dit qu'elle ferait le nécessaire.

5. Le 5 novembre 1997, M. McLeod était le répartiteur en fonction à l'entrepôt. Il a laissé un message à CORCAN au cours de la matinée demandant au

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 3 fonctionnaire de l'appeler au sujet du ramassage des caisses. Le fonctionnaire a retourné l'appel un peu plus tard au cours de la matinée et a alors pris des dispositions pour que les caisses soient transportées dans un véhicule de l'établissement. M. McLeod a indiqué avoir expressément demandé au fonctionnaire si un détenu pouvait ramasser les caisses en question. Il lui a posé cette question parce que certains articles ne peuvent être transportés que par du personnel de l'établissement. D'après M. McLeod, le fonctionnaire a répondu qu'il pouvait avoir recours aux services d'un détenu dans ce cas particulier. M. McLeod a alors demandé au détenu Davis de se rendre à CORCAN avec la camionnette de l'établissement pour prendre les caisses.

6. Un peu avant le déjeuner le 5 novembre 1997, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l'aide de M. Williams (instructeur-chef du travail de la tôle) pour charger des caisses dans une camionnette de l'entrepôt. M. Williams a demandé à un détenu qui travaillait dans l'atelier de l'aider à charger les caisses avec le détenu qui conduisait la camionnette. Les trois hommes ont ensuite chargé les caisses dans la camionnette.

7. Plus tard, les caisses ont été déchargées à l'entrepôt par le détenu qui conduisait la camionnette et M. Dupuis (un employé de l'établissement travaillant à l'entrepôt).

8. Le 5 novembre 1997, M. Coon (coordonnateur intérimaire des opérations correctionnelles) a appris que le fonctionnaire avait l'intention de transporter les caisses à l'extérieur de l'établissement le jour même. Il a demandé à un membre du personnel de correction de le prévenir quand la camionnette contenant les caisses passerait la barrière à l'Entrée principale. Après avoir reçu un appel l'informant que les caisses avaient été transportées à l'entrepôt, M. Coon s'y est rendu et a aperçu le fonctionnaire et M. Dupuis en train de charger les caisses à l'arrière du véhicule du fonctionnaire. M. Coon leur a dit de les décharger et de les mettre dans l'entrepôt, puis il a ordonné au fonctionnaire de se rendre au bureau du directeur dès qu'il aurait terminé.

9. Six caisses seulement au total (trois grandes et trois petites) ont été retirées de l'établissement. Initialement, il y en avait trois grandes et quatre petites. Elles avaient été fabriquées par le détenu Whynot, mais une des petites caisses a disparu avant son transport à l'extérieur de l'établissement.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 4 Résumé de la preuve Dès le début de l'audience, M e Climie a fait valoir que, même si M. Leadbetter a reçu une absolution sans condition le 10 novembre 1998 après avoir plaidé coupable à une accusation de vol de moins de 5 000 $ (pièce E-1) et qu'il a été mis sous probation pour une période de 12 mois (pièce E-2) sur la recommandation conjointe des parties, je ne dois pas oublier qu'il y a eu vol de biens de l'État. Pour étayer sa position, M e Climie a cité les décisions rendues récemment dans les affaires Scott (166-2-26268 et 166-2-26269) et McLeod (166-2-27845 et 166-2-28240).

M e Barnes a accepté la plupart des faits décrits par M e Climie et a conclu son exposé en affirmant qu'il s'agissait, en l'espèce, d'atténuer la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire s'estimant lésé. Il a affirmé que les caisses ont été fabriquées avec du bois de rebut, que M. Leadbetter a agi au vu et au su de tous et qu'une fois informé de tous les faits je comprendrai la pratique de l'établissement d'autoriser les employés à utiliser les ateliers et le matériel à des fins personnelles.

1. M. Donald Smith est instructeur en chef à l'atelier d'ébénisterie de CORCAN depuis sept ans. À l'automne de 1997, il relevait du fonctionnaire s'estimant lésé et supervisait le travail d'ébénisterie d'un certain nombre de détenus. Les détenus peuvent également fabriquer des articles pour leur usage personnel dans l'atelier d'artisanat.

M. Smith a déclaré que le fonctionnaire l'a convoqué dans son bureau vers la fin de l'été 1997 pour lui demander de lui fabriquer des caisses avec le bois de rebut. À cette époque, l'atelier venait de recevoir une commande des Forces armées pour fabriquer 1 200 bureaux en bois. M. Leadbetter a esquissé sept caisses sur un bout de papier (pièce E-3) : quatre grandes et trois petites. M. Smith a affirmé que la demande lui est ensuite sortie de l'idée jusqu'à ce que le fonctionnaire lui rappelle un mois et demi plus tard qu'il n'y avait pas urgence. Environ deux semaines plus tard, M. Smith a demandé au détenu Whynot de fabriquer les caisses à partir de deux panneaux de contreplaqué de bouleau de quatre pieds sur huit pieds et de trois quarts de pouce d'épaisseur que le détenu avait accidentellement rendues inutilisables en les sciant en angle. Il a supposé qu'il y en aurait assez pour fabriquer les caisses et il « ne voyait pas pourquoi M. Whynot se serait servi d'un panneau neuf, mais il aurait pu le faire ». Il a

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 vu le détenu et M. Tom Laurette, un employé de CORCAN, commencer la fabrication de la première caisse avant que M. Laurelle parte en vacances au début de novembre 1997. Il n'a pas revu les caisses, pas plus qu'il les a vernies ou transportées. M. Leadbetter ne lui a jamais dit à quoi elles devaient servir, et il ne le lui a pas demandé vu que « ce n'était pas de mes affaires ». Il a précisé que leur fabrication avait prendre environ deux heures et demie. Seulement trois grandes caisses et trois petites ont été transportées à l'extérieur de l'établissement par M. Leadbetter.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Smith a réitéré qu'on lui a demandé de fabriquer les caisses avec du bois de rebut; on ne le lui a pas ordonné de le faire. Il a ajouté que le fonctionnaire n'a pas choisi le bois et n'a pas non plus traité avec le détenu Whynot. Le projet « n'était pas un secret puisque n'importe qui pouvait voir ce qui se passait ». M. Smith a précisé qu'il était également courant pour le personnel du SCC de faire peindre des articles par les détenus, en guise d'exercice de formation, sous la surveillance de M. William Knowlton, également un employé de CORCAN.

M. Smith a déclaré que le bois de rebut qui s'accumulait posait un risque d'incendie, prenait de la place dans l'atelier et, vu qu'il n'était plus accepté au site d'enfouissement local, on en remettait des sacs pleins au personnel du SCC avec un laissez-passer à la barrière de l'établissement pour utilisation comme bois d'embrasement. Une partie du bois était envoyée au Sunset Homes à Pugwash (Nouvelle-Écosse), une résidence pour déficients mentaux. Selon M. Smith, le bois de rebut n'avait aucune valeur marchande.

M. Smith a admis avoir apporté chez lui, à une occasion, des palettes en bois mesurant environ cinq pieds sur huit pieds pour ranger son véhicule tout terrain à quatre roues motrices et pour utiliser comme bois d'embrasement et n'avoir jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour cela. Il a précisé que M. Laurette avait une fois utilisé de l'outillage de CORCAN pour raboter et poncer un dessus de table qu'il avait apporté de chez lui.

Au cours du réinterrogatoire, M. Smith a affirmé qu'il y avait beaucoup de bois de rebut quand le fonctionnaire a commencé à travailler comme gestionnaire des Opérations en 1994 et qu'il en y en avait encore une grande quantité lorsqu'il a été licencié. Maintenant, depuis l'arrivée du nouveau gestionnaire des Opérations,

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 M. John Alderson, ce bois est vendu 0,50 $ le sac ou 5 $ le chargement complet à quiconque en fait la demande. Il y a une liste d'attente.

M. Smith a déclaré qu'il avait obtenu un laissez-passer pour sortir les palettes et que M. Laurette a fait le travail de finition du dessus de table après la suspension de M. Leadbetter. Il croit qu'on a dénoncé M. Laurette.

2. M. William Knowlton est instructeur-chef à l'atelier de peinture depuis huit ans. Aux environs du 30 octobre 1997, le fonctionnaire lui a demandé de vernir des caisses en bois. Il lui a répondu qu'il partait en vacances mais qu'il allait demander à un détenu de s'en occuper; il a précisé que les caisses auraient besoin de deux couches de vernis. Le fonctionnaire l'a remercié sans lui dire à quoi allaient servir les caisses, et lui-même n'a pas posé de question « au patron ». M. Knowlton a vu les caisses pour la première fois dans la salle d'audience.

M. Knowlton a déclaré que de temps en temps un détenu parlait des problèmes de M. Leadbetter avec le SCC, mais il n'a pas répondu à leurs questions.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Knowlton a affirmé avoir entendu parler d'autres employés du SCC qui ont été reconnus coupables d'une infraction mais qui continuent de travailler au SCC, comme M m e Karen Comeau qui a été reconnue coupable d'introduction par effraction et qui travaille toujours au SCC. Il a également entendu parler d'une affaire de points bonis Zellers mettant en cause une autre employée de l'établissement de Springhill, M me Mary Dee MacPherson. M. Knowlton a admis qu'il arrivait à des employés du SCC d'apporter des articles à l'atelier pour les faire peindre et que tout le monde était au courant de cette pratique qui était une façon bon marché de donner de la formation aux détenus. Parfois, les demandes personnelles restaient en attente pendant des mois jusqu'à ce que le bon moment se présente, par exemple à la fin d'un cycle de production.

M. Knowlton a déclaré que personne n'a jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire et que cette pratique a cessé depuis le licenciement de M. Leadbetter. Au cours des huit années M. Knowlton a été instructeur-chef à l'atelier de peinture, la question de ne pas exécuter des commandes pour les employés a fait l'objet de discussions, mais l'exécution des demandes personnelles était avant tout fonction du

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 rang que vous occupiez dans l'organisation. Il n'y avait rien de secret au sujet de ce service.

En ce qui a trait au dessus de table de M. Tom Laurette, M. Knowlton a affirmé avoir interrogé à ce sujet le nouveau gestionnaire des opérations, M. Alderson, après le départ de M. Leadbetter. M. Alderson lui a répondu que ce n'était pas défendu. M. Knowlton a ajouté qu'une courroie à poncer d'une valeur de 50 $ a été endommagée lors de la finition du dessus de table et que le personnel de CORCAN était autorisé à utiliser le matériel gratuitement. Le témoin savait également qu'on donnait du bois d'embrasement au personnel et que les détenus le préparaient. Il ne savait pas que la haute direction, avant le départ de M. Leadbetter, avait envoyé une note interdisant la distribution de bois d'embrasement au personnel.

Au cours du réinterrogatoire, M. Knowlton a déclaré que lui-même et le fonctionnaire trouvaient bonne l'idée de faire faire le travail de finition d'articles appartenant au personnel par les détenus dans le cadre de leur formation.

3. M. Eugene Williams est instructeur-chef à l'atelier du travail de la tôle depuis des années. Il a déclaré avoir initialement été mêlé à l'incident des caisses en novembre 1997 quand le fonctionnaire lui a demandé une certaine matinée de faire charger dans un camion les caisses qui se trouvaient dans l'atelier de peinture en vue de leur transport à l'entrepôt. Il s'est attelé à la tâche avec le conducteur du camion et un autre détenu. Il ignorait à quoi les caisses devaient servir, et il n'a pas demandé de laissez-passer pour quitter l'établissement parce que, comme il l'a dit : « Ce n'est pas ma responsabilité. M. Leadbetter est mon patron. Je fais ce qu'il me demande. »

Au cours du contre-interrogatoire, M. Williams a affirmé avoir rendu un service au fonctionnaire en chargeant les caisses dans le camion parce que le surveillant de l'atelier était absent à ce moment-là.

M. Williams a admis avoir apporté son propre rouleau à gazon à l'atelier et y avoir soudé une pièce de métal pour boucher un trou. Le rouleau a été pris durant l'enquête sur l'affaire Leadbetter. Le rapport d'enquête a qualifié de vol ce genre de travail de soudure effectué sans frais. M. Williams n'a jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour cela. On a fini par lui remettre le rouleau, et il n'a pas été obligé de payer pour le travail de soudure.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 8 Au cours du réinterrogatoire, M. Williams a affirmé qu'il ne croyait pas que le fonctionnaire savait que le rouleau se trouvait dans l'atelier, même s'il y était depuis quelques semaines et qu'il était visible. M. Williams n'a pas essayé de cacher le travail de soudure, mais, a-t-il ajouté, il aurait le mentionner à M. Leadbetter à ce moment-là.

M. Williams a apporté le rouleau à l'établissement de Springhill dans un véhicule de l'établissement en passant par l'Entrée principale, sans laissez-passer.

L'entrepôt se trouve à l'extérieur du périmètre de l'établissement. Certains détenus sont autorisés à conduire un véhicule à l'extérieur de l'établissement.

4. M. Alan Alexander a été embauché par le SCC en 1983 pour enseigner aux détenus travaillant dans les ateliers professionnels de l'établissement de Springhill. Il est devenu sous-directeur de l'établissement en janvier 1998. À l'automne de 1997, il était en affectation à l'établissement de Springhill.

M. Alexander a initialement été informé de la situation mettant en cause le fonctionnaire le 31 octobre 1997 quand M. Tom Laurette lui a téléphoné pour qu'il vienne constater de visu les travaux d'artisanat non autorisés effectués dans le bâtiment 18 de CORCAN. M. Laurette lui a dit qu'il se sentait pris entre deux feux parce que les détenus faisaient beaucoup de travail d'artisanat pour le personnel, ce qui est susceptible de faire basculer les choses si on fait entorse au règlement dans le cas des détenus. M. Laurette lui a montré les caisses de bois fraîchement vernies ainsi que d'autres articles sur lesquels les détenus avaient travaillé mais qui ne faisaient pas partie de la production courante de l'atelier.

M. Laurette était président de la section locale du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) à ce moment-là.

M. Alexander a déclaré avoir raconté ce qu'il avait vu à l'agent de sécurité préventive de l'établissement (ASPÉ), M. David Coon, qui lui a dit par après en avoir parlé au directeur, qui a instauré une surveillance. M. Alexander a appris plus tard que le fonctionnaire avait essayé de sortir les caisses. Le témoin a affirmé avoir appris de M. Babineau, le directeur, que M. Coon et M m e Debra Smith, Service d'assurance d'exécution, SCC, Moncton, allaient diriger l'enquête sur les activités du fonctionnaire.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 9 M. Alexander a toutefois remplacé M. Coon au comité d'enquête parce qu'il était disponible et qu'il connaissait l'établissement de Springhill et ses activités.

M e Climie a voulu produire en preuve la totalité du rapport d'enquête, mais M e Barnes s'y est opposé vigoureusement en faisant valoir que son contenu était en grande partie faux, tendancieux, trop général et non pertinent, et que son admission intégrale en preuve causerait un préjudice à son client, bref que l'audience se transformerait en foire d'empoigne. M e Barnes a ajouté que je devais uniquement me prononcer sur la question des caisses en bois ayant donné lieu au licenciement de son client, et non pas sur la multitude d'autres questions soulevées dans le rapport d'enquête.

M e Climie a soutenu que je devais connaître toute l'histoire entourant les caisses en bois, que le fonctionnaire avait eu la possibilité de réfuter le rapport avant le dépôt de la version finale et qu'il était important que je sois informé des questions d'intégrité et de rendement qui avaient été soulevées dans le rapport relativement au fonctionnaire.

J'ai rappelé aux parties que M. Leadbetter n'avait pas été licencié pour incompétence et que je ne voulais pas que l'on s'éloigne trop de la question dont je suis saisi. J'ai indiqué que j'accepterais les extraits pertinents du rapport d'enquête.

Après discussion, M e Climie a convenu que, pour l'instant du moins, il n'insisterait pas pour que la totalité du rapport d'enquête soit admis en preuve.

L'avocat de l'employeur a demandé à M. Alexander s'il avait conclu à la fin du rapport que M. Leadbetter était coupable de vol, ce à quoi il a répondu : « Oui, c'est une des conclusions. »

M. Alexander a reconnu un croquis des caisses en bois (pièce E-4) indiquant que les grandes caisses mesuraient 24" x 18" x 35½", ce qui est légèrement plus que les caisses esquissées sur la pièce E-3. Le témoin a aussi reconnu un extrait d'une entrevue enregistrée à laquelle avaient aussi assisté M. Dave Coon, M Whynot le 7 novembre 1997 (pièce E-5).

M. Alexander s'est souvenu de l'incident concernant le dessus de table que M. Laurette voulait poncer après que l'enquête fut terminée. Il a affirmé qu'on avait Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Debra Smith et le détenu

Décision Page 10 alors adopté une politique provisoire selon laquelle tout le matériel qui entrait dans l'établissement ou en sortait devait être autorisé par écrit. M. Alexander a affirmé que M. Laurette lui a demandé, à titre de sous-directeur à l'époque, de lui signer un laissez-passer l'autorisant à apporter du bois à poncer en dehors de ses heures de travail sans l'aide d'un détenu et que son surveillant à l'époque, M. Alderson, gestionnaire intérimaire des Opérations à CORCAN, avait donné son accord. M. Alexander a signé le laissez-passer, mais il n'a jamais vu le bois.

À M e Climie qui lui demandait pourquoi M. Leadbetter ne voulait pas que M. Alexander fasse partie du comité d'enquête à cause d'un incident qui se serait produit en 1984-1985 environ, le témoin a répondu qu'effectivement le fonctionnaire avait téléphoné à M me Debra Smith après son entrevue et lui avait dit que les détenus avaient déjà fabriqué des bornes en acier inoxydable pour le voilier du fonctionnaire, avec l'autorisation de M. Alexander. M. Leadbetter croyait que cela pouvait influencer indûment M. Alexander durant l'enquête. Ce dernier a déclaré que M me Smith lui avait parlé de cette allégation, qu'elle avait pris des notes et qu'elle en avait discuté avec le Service d'assurance d'exécution elle travaille. Il a ajouté que, dans la version finale du rapport d'enquête, il est indiqué que l'allégation du fonctionnaire n'était pas déterminante pour l'enquête.

Pressé de donner des précisions au sujet de l'allégation, M. Alexander a admis que, plusieurs années auparavant, il avait en effet demandé à des détenus de fabriquer gratuitement des bornes en acier inoxydable pour M. Leadbetter sans remplir les formalités administratives requises. À une autre occasion, le fonctionnaire s’estimant lésé avait demandé qu'on lui fabrique des bornes en nylon pour le chariot d'une embarcation. M. Alexander a affirmé que le fonctionnaire avait été étonné que M. Alexander, un professeur de matières professionnelles ayant moins d'ancienneté que M. Leadbetter, lui demande de remplir les formules requises pour que la commande soit exécutée dans les règles.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Alexander a admis avoir été désigné pour mener l'enquête même s'il était l'un des instigateurs de la plainte contre le fonctionnaire. Certes, ce n'était pas habituel, mais il n'y avait pas beaucoup d'enquête non plus. Il a précisé avoir dit à M. Babineau, le directeur, qu'il ne se porterait pas

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 11 volontaire pour effectuer cette tâche. Le directeur estimait pour sa part que M. Alexander avait l'intégrité nécessaire pour faire partie du comité d'enquête.

M. Alexander a indiqué ne pas se souvenir d'avoir eu des conflits ou d'avoir échangé des propos acerbes avec le fonctionnaire sur quoi que ce soit. Le sous-directeur ne lui a jamais dit qu'il voulait que le fonctionnaire soit congédié. Il ne pouvait pas davantage expliquer pourquoi M. Tom Laurette lui avait téléphoné, mais il savait que ce dernier fabriquait des meubles chez lui. M. Alexander a demandé à M. Alderson si le dessus de table de M. Laurette était pour son usage personnel, ce qu'il lui a confirmé. Le témoin a affirmé qu'il aurait pu interdire à M. Laurette de poncer le dessus de table, et il convient maintenant que c'est ce qu'il aurait faire. Il a ajouté que M. Alderson avait donné son autorisation à M. Laurette à la condition que le travail soit effectué dans ses temps libres. M. Alexander a convenu que les outils, l'électricité, la courroie et le papier sablé n'appartenaient pas à M. Laurette et que ce dernier avait fait le travail gratuitement.

M. Alexander a convenu que M. Leadbetter s'est montré coopératif durant l'enquête. D'après lui, les caisses ont été fabriquées non pas avec du bois de rebut, mais avec « du bois présentant des imperfections ».

M. Alexander était au courant de la distribution gratuite de bois d'embrasement, mais il a précisé que le bois est maintenant vendu par CORCAN. Les détenus le préparent et il est transporté dans des véhicules de l'établissement. M. Alexander ne savait pas si un membre du personnel avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour avoir pris, selon M e Barnes, plusieurs centaines de sacs de bois d'embrasement. Il savait que du bois avait été envoyé au Sunset Homes à Pugwash et que M. Williams avait fait de la soudure sur un rouleau à gazon. Il ne savait pas si M. Williams avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour cela.

Selon M. Alexander, il existe maintenant une procédure concernant le bois de rebut, le rapport d'enquête ayant condamné la distribution gratuite de bois d'embrasement étant donné que les employés travaillant dans les ateliers étaient à peu près les seuls à connaître cette pratique. Il n'y avait pas de politique ou d'ordre permanent concernant le bois de rebut à l'époque de l'incident Leadbetter.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 12 M. Alexander a affirmé que le rapport d'enquête devait établir les faits, mais que lui-même et M m e Smith avaient conclu que des vols avaient été commis par le fonctionnaire et d'autres personnes. Il a déclaré que le rapport proposait de vendre le bois de rebut; il estime que la somme de 5 $ demandée pour un chargement complet est inférieure à la valeur marchande du produit.

Le témoin savait qu'un employé du SCC qui s'était reconnu coupable de voies de fait contre un membre de sa famille avait continué de travailler pour le SCC. Il avait également entendu parler d'une affaire de points bonis Zellers mettant en cause une surveillante aux magasins de l'établissement de Springhill, mais il ne savait pas si elle avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

Même si M. Alexander ne se souvenait pas d'un support de télescope qui aurait été fabriqué dans l'établissement pour un employé, il a précisé qu'il y avait presque toujours de quatre à six projets personnels en chantier avant que l'on mette un terme à ces pratiques. Il a fait le ménage dans ces pratiques qui ne sont à peu près plus tolérées, mais il n'y a pas de note de service ou de directive du genre concernant le bois de rebut.

M. Alexander a convenu que le rapport d'enquête a conclu que les règles n'étaient pas appliquées uniformément relativement à l'entrée et à la sortie de matériel avec ou sans laissez-passer à l'établissement de Springhill, et que cela était source de confusion pour le personnel. Il a formulé cet avis après que M e Barnes lui eut montré des notes dactylographiées par lui (M. Alexander) dont la provenance lui échappait. Il a précisé qu'un employé du SCC, M. Trevor Dill, aurait pu intercepter le camion conduit pas le détenu Davis, à l'Entrée principale, mais il l'a laissé passer parce qu'on lui avait dit que les caisses étaient destinées à M. Leadbetter.

Au cours du réinterrogatoire, M. Alexander a convenu que la nouvelle Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) a amené un changement de politique à CORCAN de sorte que les travaux exécutés sur commande à l'atelier sont maintenant facturés. On reçoit des commandes de l'établissement, des organismes sans but lucratif ainsi que du personnel de la GRC, du SCC et de la Commission des libération conditionnelles.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 M. Alexander a expliqué qu'en ce qui concerne les laissez-passer les agents de correction ne savaient pas ce qui au juste en exigeait un, surtout dans le cas des outils, du bois de rebut, du matériel expédié à l'entrepôt et du mobilier endommagé.

Quand M e Climie lui a demandé comment il décrirait les caisses en bois pour pouvoir les transporter à l'extérieur de l'établissement, M. Alexander a répondu : « Comme des articles à entreposer dans les magasins. »

En ce qui concerne la pièce E-5, l'entrevue avec le détenu Whynot, M. Alexander s'est rappelé que ce dernier a affirmé avoir utilisé un panneau neuf pour fabriquer les caisses.

M. Alexander s'est souvenu de l'origine des notes dactylographiées que M e Barnes lui a montrées plus tôt. Au début, il dictait ses observations et les faisait ensuite dactylographier, mais il a abandonné cette pratique parce qu'elle n'était pas avantageuse.

Aux dires de M e Climie, M. Leadbetter ne peut prétendre, en droit, qu'il n'a rien volé même si M e Barnes veut me faire croire que le fonctionnaire n'a pris que du bois de rebut. M e Barnes a déclaré que son intention n'était pas de démontrer qu'il n'y avait pas eu de vol, en droit strict, mais de situer les actes du fonctionnaire dans le contexte des autres pratiques qui avaient cours à l'atelier et de faire valoir que le licenciement était une peine qui ne correspondait pas au délit.

M e Climie a également mentionné l'une des conclusions du rapport d'enquête au sujet du contrôle du matériel non utilisé pour les projets exécutés par CORCAN. M e Barnes a soutenu que certains témoins n'avaient jamais été interrogés à ce sujet et qu'il était injuste de soulever ces questions maintenant. Il a fait valoir que la thèse avancée dans le rapport d'enquête selon laquelle le personnel aurait délibérément falsifié l'inventaire n'a jamais été prouvée.

J'ai indiqué que l'on ne m'avait pas demandé de trancher la question des pratiques en vigueur à CORCAN concernant l'inventaire du matériel non utilisé, mais plutôt le licenciement du fonctionnaire tel qu'il est décrit dans la lettre de licenciement de l'employeur.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 14 5. M. Carter Powis, gestionnaire, Renouvellement corporatif, et directeur de secteur, Opérations, région de l'Atlantique, CORCAN, depuis quatre ans, a déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé relevait directement du directeur de l'établissement de Springhill et, sur le plan fonctionnel, de lui-même. Il supervise trois établissements fédéraux de son bureau situé à Cowansville (Québec). Normalement, il se rend une fois par mois à l'établissement de Springhill.

M. Powis a reconnu une description de travail générique applicable à tous les employés occupant un poste de niveau AS-6, comme M. Leadbetter (pièce E-6). Il a affirmé, toutefois, qu'il contrôle très peu les activités quotidiennes d'un établissement de CORCAN et qu'il s'appuie énormément sur les gestionnaires des Opérations. M. Leadbetter était responsable d'un budget annuel d'environ un million de dollars.

M. Powis a déclaré que le fonctionnaire était censé émettre un laissez-passer pour tout article qui sortait des ateliers. Il a ajouté qu'il incombe au gestionnaire des Opérations de respecter les pratiques de CORCAN concernant le matériel mis au rebut. Même s'il n'y a pas de politique écrite au sujet du bois de rebut, M. Powis a affirmé qu'il s'agit de matériel non utilisé qui doit être conservé. Il a ajouté [traduction] : « Garder le bois de rebut est une décision sensée sur les plans pratique et commercial. »

Le témoin a déclaré qu'il n'était pas au courant de la pratique qui consistait à avoir recours aux services des détenus pour faire la finition d'articles appartenant au personnel, mais, a-t-il ajouté, [traduction] : « C'est une bonne façon de donner de la formation à des délinquants. » Il n'était pas au courant de la pratique qui avait cours à l'établissement de Springhill relativement au bois de rebut, ni du manque de rigueur concernant l'émission des laissez-passer à la barrière de l'établissement. Il a affirmé que M. Leadbetter aurait mettre un terme à la pratique généralisée qui consistait pour le personnel correctionnel à utiliser l'équipement de l'atelier ainsi que le bois de rebut à des fins personnelles.

M e Climie a pointé du doigt une des grandes caisses en bois à l'audience en demandant à M. Powis s'il croyait qu'elle avait été fabriquée avec du bois de rebut. Ce dernier a répondu [traduction] : « C'est difficile à croire, car les pièces sont trop grandes. » Il savait qu'en 1997 CORCAN fabriquait des caissons et des pupitres à

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 15 l'établissement de Springhill. Il a précisé qu'il n'aurait pas mis au rebut le bois en question et qu'on aurait pu s'en servir dans les ateliers d'art et d'artisanat.

M. Powis a déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé n'aurait pas au départ demander à M. Smith de fabriquer les caisses; il a répété qu'il ne pouvait pas voir comment une caisse semblable à celle qu'on lui montrait pouvait avoir été fabriquée avec du bois de rebut.

Le témoin a déclaré avoir ajouté deux annexes aux deux dernières évaluations de rendement du fonctionnaire et il en a reconnu une, soit la pièce E-7, datée du 20 mai 1997, indiquant que le rendement de M. Leadbetter était jugé satisfaisant, mais précisant certains points à améliorer.

M. Powis a mentionné un autre cas un employé de CORCAN au Québec a été licencié pour avoir vendu sa tente garage personnelle à un entrepreneur effectuant du travail pour CORCAN. L'entrepreneur avait ensuite revendu la tente garage à CORCAN au su de l'ancien propriétaire.

En réponse à la question de savoir comment il se sentirait si M. Leadbetter était réintégré dans son poste, M. Powis a indiqué qu'il trouverait cela très difficile puisque le fonctionnaire avait trahi la confiance placé en lui par le SCC et CORCAN et qu'une telle décision créerait de la confusion parmi le personnel et les détenus étant donné que le fonctionnaire se devait d'être un modèle pour tous.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Powis a affirmé que le poste de gestionnaire des Opérations à l'établissement de Springhill a été comblé de façon permanente vu qu'on ne s'attendait pas à ce que M. Leadbetter revienne. Il a ajouté que ni lui ni le directeur n'aiment faire de nominations intérimaires, même si M. Leadbetter a occupé le poste de gestionnaire des Opérations à titre intérimaire pendant un an et demi.

M. Powis a de nouveau précisé que le bois non destiné au rebut peut servir à un autre projet dans un délai raisonnable et peut être entreposé quelque part. Il a convenu que le bois présentant des imperfections ou des marques ne pouvait pas être utilisé par CORCAN et que les morceaux plus grands pouvaient être mis au rebut, mais que cela était peu probable. Il a ajouté qu'il fallait faire preuve de bon sens pour

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 16 déterminer si les petits morceaux de bois devaient être mis au rebut d'autant plus qu'il n'y a pas de politique écrite à ce sujet.

M. Powis ne savait pas qu'après le licenciement du fonctionnaire quelqu'un avait apporté un dessus de table à poncer. Selon lui, cela n'aurait jamais être autorisé. Il a ajouté que même la peinture au pistolet aurait être autorisée.

En réponse à la question de savoir ce qui serait arrivé si le fonctionnaire lui avait téléphoné pour lui demander la permission de faire fabriquer des caisses en bois pour ses petits-enfants, M. Powis a affirmé qu'il aurait [traduction] : « probablement approuvé ce genre de projet si la personne lui avait indiqué combien cela allait coûter et qu'elle avait accepté d'en assumer les frais. » Il a ajouté [traduction] : « Il est interdit de se servir du matériel à des fins personnelles. » M. Powis a aussi précisé qu'un supérieur du fonctionnaire, comme son patron, aurait émettre un laissez-passer à la barrière de l'établissement, mais que ce n'était pas la faute du fonctionnaire s'il n'y avait pas de politique à ce sujet à l'époque.

En ce qui a trait au document annexé à l'évaluation de rendement (pièce E-7), M. Powis a affirmé que le chiffre  « 58 mille dollars » au point 1) Finances, était en fait une perte prévue qui n'était pas attribuable au fonctionnaire, et que le petit nombre de détenus employés était au fait que CORCAN, à l'établissement de Springhill, avait perdu le contrat de Dataquick. Il a convenu que la dernière évaluation de rendement du fonctionnaire a été préparée par le directeur et qu'il ne l'a pas vue. Il était d'avis que la cote entièrement satisfaisant donnée par le directeur était trop généreuse. Il ne savait pas combien de temps le directeur consacrait à CORCAN à l'établissement.

6. M me Ann Marie Sahagian est la directrice exécutive de CORCAN depuis janvier 1998. Elle travaillait auparavant au Conseil du Trésor elle a occupé pendant deux ans le poste de directrice du portefeuille de la Justice et du Solliciteur général. Elle a reconnu la pièce E-8, la description du mandat de CORCAN, ainsi qu'un extrait du rapport annuel de 1996-1997 (pièce E-9). Elle a indiqué que le taux de récidive des détenus ayant travaillé pour CORCAN était de 25 % inférieur à celui des autres détenus. CORCAN a un mandat du SCC de former les détenus et un mandat commercial de générer des recettes (pièce E-10, un extrait du règlement d'application de la LSCMLC).

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 17 M. Powis relève de M me Sahagian. Sous M. Powis se trouvent les gestionnaires des Opérations qui relèvent des directeurs d'établissement dans chaque région.

La témoin a déclaré que la lettre de licenciement non datée (pièce E-11) a été livrée au fonctionnaire le 13 juillet 1998.

À M e Climie qui voulait savoir si le licenciement était la mesure disciplinaire appropriée dans le cas de M. Leadbetter, M me Sahagian a affirmé que le vol de biens de l'État constituait un manquement à la conduite grave et que l'utilisation de détenus par un cadre supérieur de CORCAN était un mauvais exemple pour les détenus. Elle a précisé que le fonctionnaire avait failli à son devoir et avait miné l'intégrité de l'organisation; son comportement était tout à fait inacceptable, et elle ne lui faisait plus confiance pour exécuter ses tâches.

M me Sahagian estimait que la réintégration du fonctionnaire transmettrait un mauvais signal étant donné qu'un cadre supérieur comme M. Leadbetter doit donner l'exemple. Elle a ajouté que le professionnalisme de CORCAN serait remis en question et ses valeurs seraient minées s'il était réintégré. Elle a nié qu'on a envisagé de licencier le fonctionnaire avant de connaître les conclusions de l'enquête. Elle a été appelée à examiner tous les faits et à prendre une décision.

M me Sahagian a dit qu'elle ne connaissait pas le fonctionnaire s’estimant lésé avant l'audience.

Au cours du contre-interrogatoire, M licenciement a été préparée par les services du personnel du SCC à Ottawa, d'après les renseignements envoyés par la région de l'Atlantique qui n'a fait ni recommandation ni suggestion au sujet de la mesure à prendre. Elle a ajouté qu'elle-même et l'ancien directeur de l'établissement, M. Babineau, devaient convenir du licenciement.

La témoin a affirmé qu'elle aurait pu dire à M. Leadbetter avant la fin de l'enquête qu'il allait être licencié vu qu'il avait déjà reconnu sa culpabilité. M me Sahagian a indiqué qu'elle ne savait pas pourquoi le licenciement avait pris près de huit mois, soit de novembre 1997 à juillet 1998; c'est peut-être parce qu'il avait fallu tout ce temps pour corroborer les faits. Elle a affirmé qu'il n'avait pas été question de

Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Sahagian a affirmé que la lettre de

Décision Page 18 rétrogradation ou de suspension sans traitement vu qu'il s'agissait d'une affaire de « relation de confiance ».

En ce qui a trait au paragraphe 4 de la pièce E-11, la lettre de licenciement, il est notamment écrit ce qui suit : « […]vous ne semblez pas saisir la gravité de vos actes […] », M m e Sahagian a affirmé qu'elle s'était fondée sur les déclarations de M. Leadbetter dans les rapports qu'elle avait en main à ce moment-là et sur le fait que, durant l'enquête, il n'avait pas exprimé de regrets pour les torts causés à CORCAN ou aux détenus, qu'il s'était uniquement préoccupé de son sort. Elle a ajouté que le poste qu'il occupait avait été comblé parce qu'il n'avait pas le pouvoir de se servir du bois à des fins personnelles et que [traduction] « le vol de biens de l'État reste le vol de biens de l'État ».

Le témoin a convenu qu'un gestionnaire des Opérations ne travaille pas dans les ateliers comme tel et que CORCAN encourage ses gestionnaires à prendre des initiatives, ainsi qu'à faire preuve d'autonomie et de souplesse en matière de jugement, comme dans le secteur privé, mais en respectant les règles. Une règle évidente est d'éviter toute relation avec un détenu afin de se protéger contre un conflit d'intérêts possible.

M m e Sahagian a déclaré que l'article 109 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (pièce E-10) ne s'applique pas à CORCAN. L'article en question prévoit ce qui suit : 109. Les articles produits, réparés ou entretenus, ou les services fournis par les détenus employés dans des programmes de formation professionnelle du pénitencier peuvent être :

a) soit vendus ou donnés à un organisme de bienfaisance ou à un organisme sans but lucratif, religieux, ou spirituel;

b) soit vendus aux agents lorsque aucun organisme de ce genre ne manifeste d'intérêt pour ces articles ou ces services.

M e Climie m'a indiqué qu'il ne présenterait pas en réplique d'éléments de preuve tirés du rapport d'enquête concernant les évaluations de rendement négatives du fonctionnaire si M e Barnes ne présente pas d'éléments de preuve au sujet des Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision évaluations favorables. Les parties ont convenu qu'elles pouvaient avoir des vues divergeantes sur la question du rendement. M déposerait en preuve certaines évaluations du rendement de M. Leadbetter et qu'il contesterait l'ajout de M. Powis (pièce E-7).

7. M. Robert Babineau a 26 années de service au SCC. Il occupe actuellement le poste de sous-commissaire adjoint, région de l'Atlantique, SCC, mais il a été directeur de l'établissement de Springhill de juin 1997 à février 1998.

Selon M. Babineau, M. Alan Alexander lui aurait d'abord dit que l'on était en train de fabriquer dans les ateliers de CORCAN certains articles qui devaient être transportés à l'extérieur de l'établissement. Une surveillance a été instaurée afin de savoir quand les caisses seraient transportées à l'extérieur. Peu de temps après, M. Babineau a appris que ce serait le mercredi 5 novembre 1997. L'ASPÉ, M. Coon, était aussi au courant de la situation. Quand on lui a dit que les caisses avaient été transportées, il s'est rendu aux magasins, a intercepté le fonctionnaire avec les caisses et lui a ordonné de se rendre au bureau du directeur. Ce dernier a dit à M. Leadbetter qu'il était au courant de ce qui se passait et il lui a demandé de revenir le voir le lendemain. C'est à ce moment-là que M. Leadbetter a été suspendu sans traitement en attendant de connaître les résultats de l'enquête qui allait être entreprise.

Selon M. Babineau, le fonctionnaire a affirmé, lors de deux rencontres, qu'il avait fait faire les caisses avec du bois de rebut; il a admis avoir gravement manqué de jugement, s'est excusé et a demandé que l'on règle l'affaire sans le suspendre. Le fonctionnaire lui a dit que les caisses étaient destinées à un parent et que l'une d'elles allait être recouverte de tôle peinte. Il a rencontré le fonctionnaire et son avocat ainsi qu'un autre fonctionnaire du SCC lors d'une réunion disciplinaire tenue le 11 décembre 1997.

Lors de cette rencontre, le fonctionnaire lui aurait demandé à quelques reprises s'il allait être congédié. M. Babineau lui a répondu que ce ne serait sûrement pas avant que l'enquête soit terminée et qu'il ait eu l'occasion de s'expliquer. M. Babineau lui a toutefois précisé que, d'après ce qu'il savait à ce moment-là, il allait le licencier.

Le témoin a affirmé que, de juin à novembre 1997, il a eu plusieurs contacts avec le fonctionnaire, mais qu'il ne s'est rendu aux ateliers que deux fois pour voir ce

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 19 e Barnes a toutefois indiqué qu'il

Décision Page 20 qui s'y passait. Il comptait sur CORCAN pour surveiller le fonctionnaire; il estimait en outre que ce n'était pas sa responsabilité d'appliquer les politiques de CORCAN dans les ateliers; c'était celle du gestionnaire des Opérations.

M. Leadbetter a déjà assumé l'intérim à titre de directeur, selon le témoin. M. Babineau a affirmé qu'avant de signer la lettre de licenciement (pièce E-11) il avait lu le rapport d'enquête et le rapport disciplinaire préparés par M. Bruce Megeney (pièce E-12). Il a quelque peu modifié la lettre de licenciement et en a discuté avec M me Ann Marie Sahagian. Au sujet de la « procédure en vigueur » mentionnée dans la lettre de licenciement, le témoin a déclaré qu'il existait une politique concernant l'utilisation de bois de rebut et le transport à l'extérieur de l'établissement d'articles destinés à un usage personnel. Le témoin a fait référence à certains articles de la pièce E-13, Activités de loisirs et Lignes de conduite relatives aux activités d'art et d'artisanat.

Les articles de la pièce E-13 cités sont reproduits ci-dessous : ACTIVITÉS ET PROGRAMMES DE LOISIR 3. Les établissements doivent favoriser la vente ou le don d'objets d'art et d'artisanat fabriqués par les détenus conformément aux procédures exposées dans les « Lignes de conduite relatives aux activités d'art et d'artisanat ».

LOISIRS 4. Des employés compétents doivent surveiller et (ou) coordonner les activités de loisir, lesquelles se dérouleront à des moments autres que les heures de travail des détenus.

MATÉRIEL NÉCESSAIRE […] 3. Tous les coûts des matériaux nécessaires pour les activités d'art et d'artisanat devront être défrayés par le détenu. L'acheteur ne fournit pas ces matériaux.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 21 VENTE DES ARTICLES 4. Les articles d'art et d'artisanat fabriqués par les détenus peuvent être vendus au public. Pour l'application des présentes lignes de conduite, «public» comprend les membres du personnel du Service et les personnes travaillant à contrat pour le Service.

[…] 8. Si un acheteur est un membre du personnel, il signera une déclaration selon laquelle il s'est procuré les articles en question pour son usage personnel ou pour offrir en cadeau, et non pour les revendre.

PARTICIPATION AUX ACTIVITÉS D'ART ET D'ARTISANAT 11. Le détenu est autorisé à participer aux activités d'art et d'artisanat uniquement pendant ses heures libres.

M. Babineau a également reconnu un Ordre permanent pour les arts et l'artisanat (pièce E-14) qui est une autre directive que le fonctionnaire aurait pu invoquer pour se faire fabriquer les caisses. Plus particulièrement, les paragraphes 16, 36, 37 et 38 d. et e. sont ainsi libellés : PROCÉDURES GÉNÉRALES POUR LES ARTS ET L'ARTISANAT […] 16. Le matériel de rebut provenant des ateliers industriels, professionnels et d'entretien, et devant être utilisé dans les arts et l'artisanat, doit être obtenu par le coordonnateur, Arts et artisanat. Il est interdit aux détenus d'obtenir du matériel directement d'un atelier ou d'un secteur de travail de l'établissement.

VENTE D'ARTICLES 36. Tous les articles qu'un détenu souhaite vendre doivent être soumis au coordonnateur, Arts et artisanat, qui tiendra un registre de chaque article, accompagné du paraphe du détenu.

37. Le prix des articles doit normalement refléter la valeur normale du matériel, mais les articles doivent être vendus à un prix au moins égal à celui du matériel nécessaire pour le fabriquer.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 22 38. Voici les méthodes approuvées pour la vente des articles :

[…] Employés, membres de la communauté d. Les employés ou les membres de la communauté qui souhaitent acheter des articles doivent obtenir l'approbation du coordonnateur, Arts et artisanat, qui leur remettra une formule SI/ES 705, « Demande de produits d'art et d'artisanat », afin qu'ils la remplissent. Le prix, la date de la réalisation, le paiement et les modalités de ramassage ou de livraison doivent être établis par le coordonnateur, Arts et artisanat.

e. Le coordonnateur, Arts et artisanat, doit fournir des reçus appropriés, et le personnel doit obtenir une formule SI/ES 002, « Laissez-passer à la barrière de l'établissement », signée par le coordonnateur du Développement social.

Le témoin a également reconnu un Ordre permanent de 1994 concernant les laissez-passer à la barrière de l'établissement (pièce E-15), plus particulièrement le paragraphe 3 reproduit ci-dessous : 3. Le chef de secteur ou son substitut doit s'assurer qu'un laissez-passer à la barrière de l'établissement a été rempli pour chaque article qui doit être enlevé de son secteur de responsabilité avant que l'article en question ne quitte son secteur/son service. Les bâtiments situés à l'extérieur de la clôture périmétrique, à savoir A-1, A-4 et A-5, sont placés sous la responsabilité du surveillant responsable de chaque secteur. Le personnel de l'Entrée principale ne doit permettre le passage d'aucun article dans son secteur à moins qu'il ne soit accompagné du laissez-passer à la barrière de l'établissement, signé.

M. Babineau a déclaré qu'il n'était pas au courant des failles du système des laissez-passer à la barrière, mais qu'il a resserré les procédures en décembre 1997 après avoir été informé de la situation. Il a également précisé qu'il s'attend à ce qu'un cadre supérieur comme M. Leadbetter lui signale les failles, et que le fait pour un cadre supérieur d'exploiter une faille est un manquement très grave à une obligation primordiale qui se trouve à compromettre la confiance qu'on lui accorde.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 23 M. Babineau a en outre déclaré que le fonctionnaire a fait appel aux services de trois subalternes et détenus pour faire fabriquer, peindre et transporter les caisses. Il n'a pris aucune mesure disciplinaire contre ces personnes vu qu'il ne travaillait plus à l'établissement quand le rapport d'enquête est sorti. Il a par contre discuté du cas Leadbetter avec le personnel des relations de travail dans le contexte d'une décision arbitrale rendue récemment dans l'affaire Melcher (166-2-27604).

Au sujet du fait que le fonctionnaire ne saisisse pas la gravité des ses actes, comme il est mentionné dans la lettre de licenciement (pièce E-11), M. Babineau a affirmé que l'intéressé a adopté une attitude nonchalante lors de l'entrevue disciplinaire, qu'il a refusé d'assumer l'entière responsabilité de ses actes comme cadre supérieur et qu'il ne voyait rien de grave dans le fait d'avoir mêlé d'autres personnes à l'affaire, ni comment il aurait pu compromettre son autorité auprès des détenus.

L'avocat de l'employeur a renvoyé le témoin à l'Énoncé de mission du SCC (pièce E-16) et lui a demandé si les actes du fonctionnaire avaient aidé des délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, ce à quoi M. Babineau a répondu : [traduction] « Non. Nous devons faire preuve de leadership et donner le bon exemple. » Voici l'Énoncé de mission, qui constitue la pièce E-16 : Le Service correctionnel du Canada, en tant que composante du système de justice pénale et dans la reconnaissance de la primauté du droit, contribue à la protection de la société en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain.

M e Climie a également cité au témoin la valeur fondamentale 3 de l'Énoncé de mission, page 12 : Valeur fondamentale 3 Nous estimons que le personnel du Service constitue sa force et sa ressource principale dans la réalisation de ses objectifs, et nous croyons que la qualité des rapports humains est la pierre angulaire de sa Mission.

PRINCIPES DIRECTEURS Puisque l'aspect le plus important de notre travail est le rapport que nous entretenons avec les délinquants, nous estimons que sont essentiels à l'accomplissement de notre

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 24 Mission des individus qui possèdent un système de valeurs qui cadre avec celui de la Mission, des aptitudes pour les rapports interpersonnels et une compréhension de la justice sociale.

[…] Notre leadership est fondé sur l'exemple. M e Climie a aussi fait référence au Code of Discipline du SCC (pièce E-17) et a attiré l'attention de M. Babineau sur les paragraphes 4 et 5, qui sont ainsi libellés : 4. RÈGLE QUATRE RELATIONS AVEC LES DÉLINQUANTS

Infractions Commet une infraction l'employé qui :

[…] se sert malhonnêtement de son titre ou de son autorité pour obtenir un bénéfice ou un avantage personnel;

[…] donne un cadeau, une gratification, un bénéfice ou un service à un délinquant ou à un ancien délinquant, à un ami ou parent d'un délinquant ou d'un ancien délinquant, ou en reçoit de lui, ou engage avec lui des transactions d'affaires et d'ordre personnel;

engage un délinquant pour exécuter un travail ou pour fournir un service sans avoir obtenu, au préalable, la permission écrite de son supérieur;

[…] 5. RÈGLE CINQ CONFLITS D'INTÉRÊTS

Infractions Un employé commet une infraction :

[…] lorsqu'il utilise les services d'un autre employé, les biens du Service ou tout autre objet produit par des délinquants à des fins autres que celles approuvées officiellement.

M. Babineau a également reconnu les Règles de conduite professionnelle du SCC (pièce E-18), et l'avocat a attiré son attention sur les paragraphes suivants :

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 25 2. RÈGLE DEUX CONDUITE ET APPARENCE

[…] Discussion et pertinence […] Les employés qui commettent des actes criminels ou d'autres violations graves de la loi - en particulier dans le cas de récidives ou d'infractions suffisamment graves pour entraîner l'incarcération - ne présentent pas le genre de comportement considéré comme acceptable dans le Service, sur les plans tant personnel que professionnel.

[…] 3. RÈGLE TROIS RELATIONS AVEC LES AUTRES EMPLOYÉS

[…] Discussion et pertinence […] Les employés ne doivent pas empêcher leurs collègues de travailler, ni les contraindre à participer à des activités illégales ou à mal se conduire.

[…] 4. RÈGLE QUATRE RELATIONS AVEC LES DÉLINQUANTS

[…] Discussion et pertinence […] Avoir des relations inappropriées consisterait, entre autres choses, à dissimuler l'activité illégale d'un délinquant, à recourir aux services de délinquants à des fins personnelles, à établir des relations d'affaires ou des relations d'ordre sexuel avec des délinquants, des membres de leur famille ou leurs associés. […]

5. RÈGLE CINQ CONFLITS D'INTÉRÊTS

Les membres du personnel doivent faire preuve d'honnêteté et d'intégrité dans l'accomplissement de leurs tâches au sein

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 26 du gouvernement du Canada. Ils ne doivent pas s'engager dans des entreprises commerciales ou privées qui pourraient ou sembleraient les mettre en conflit avec leur fonction d'employé du Service correctionnel ou leurs responsabilités générales en tant que fonctionnaires.

Discussion et pertinence […] Les employés ne peuvent se prévaloir ou sembler se prévaloir de leur poste pour obtenir des gains ou des avantages personnels. On entend généralement par gains ou avantages personnels des avantages financiers, des cadeaux, des faveurs de la part de personnes qui font, ou pourraient faire, des affaires avec le gouvernement du Canada ou avec le Ministère.

[…] M. Leadbetter a accusé réception du Code et des Règles le 30 juillet 1993 (pièce E-19).

M. Babineau était au courant des problèmes qu'avaient eus d'autres membres du personnel, notamment de l'affaire des points bonis Zellers et de l'affaire d'introduction par effraction, mais, a-t-il affirmé, la situation n'était pas aussi grave que dans le cas du fonctionnaire. Au sujet de l'affaire Zellers, il a précisé que la personne en cause ne savait pas qu'elle ne pouvait pas faire des achats pour le SCC chez Zellers, puis faire créditer les points bonis à son compte; elle a d'ailleurs retourné tous les points. Son surveillant immédiat, le directeur adjoint, Services de gestion, aurait pu sévir contre elle, mais il ne l'a pas fait. Lui-même n'était pas à l'établissement de Springhill à l'époque, mais il croit qu'il y avait une politique en place relativement à ce genre de situation et qu'une note de rappel a été envoyée. En ce qui a trait à l'introduction par effraction, M. Babineau, qui n'était pas le directeur de l'établissement cette fois-là non plus, a affirmé qu'une agente de correction, M m e Karen Comeau, s'est introduite chez l'ancienne femme de son petit ami pour y récupérer un manteau que ce dernier y avait laissé. La femme, irritée par ce geste, l'a accusée d'introduction par effraction. M me Comeau a été reconnue coupable. À la question de savoir s'il réintégrerait le fonctionnaire, M. Babineau a répondu qu'il aurait de la difficulté à lui faire confiance comme cadre supérieur et que la confiance que le personnel et les détenus portaient au SCC serait sérieusement

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 27 ébranlée. D'après lui, la réputation de l'établissement serait gravement compromise si M. Leadbetter était réintégré.

Au cours du contre-interrogatoire au sujet de la condamnation de M me Karen Comeau pour introduction par effraction, M. Babineau a affirmé qu'il s'agissait d'un acte grave étant donné qu'il était visé par le Code de discipline (pièce E-17) et que M me Comeau était une agente de la paix. Il a convenu que certains détenus avec qui elle était appelée à traiter avaient également été condamnés pour introduction avec effraction et pouvaient en avoir entendu parler. M. Babineau a ajouté que M me Comeau a été promue gestionnaire d'unité depuis. Il savait également qu'elle était la belle-sœur du directeur de l'établissement de Springhill à ce moment-là. Il ne savait pas pourquoi elle n'avait pas fait l'objet d'une mesure disciplinaire. M. Babineau ne savait pas qu'elle était entrée de force dans la maison pour aller chercher le manteau. Il croyait que la porte était ouverte.

En ce qui concerne l'incident des points bonis Zellers, M. Babineau a convenu qu'un tel comportement est visé par les Règles de conduite professionnelle (pièce E-18) dont une partie de la page 15 est reproduite ci-dessous : 6. RÈGLE CINQ CONFLITS D'INTÉRÊTS

[…] Les employés ne peuvent se prévaloir ou sembler se prévaloir de leur poste pour obtenir des gains ou des avantages personnels. On entend généralement par gains ou avantages personnels des avantages financiers, des cadeaux, des faveurs de la part de personnes qui font, ou pourraient faire, des affaires avec le gouvernement du Canada ou avec le Ministère.

[…] L'employé en cause dans l'incident des points bonis Zellers était un cadre intermédiaire qui s'occupe de fournitures; le SCC ne lui a pas non plus imposé de mesure disciplinaire.

M. Babineau a admis qu'il ne connaissait pas tous les détails des deux incidents mentionnés ci-dessus. Il savait qu'un certain M. Wayne McLean, un employé de l'établissement de Springhill, avait été reconnu coupable de voies de fait dans un bar et

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 28 qu'il travaillait toujours à l'établissement. Il s'est souvenu d'un autre incident un agent de correction avait emporté le chien de la femme d'un détenu laissé dans la voiture un jour de canicule. Le chien avait été rendu à sa propriétaire.

Enfin, M. Babineau savait que des appels interurbains non autorisés avaient été effectués à l'établissement et il a convenu que c'était aussi du vol. Les appels ont été remboursés, mais personne n'a été congédié.

Il a aussi affirmé n'avoir jamais été informé des problèmes de laissez-passer à la barrière de l'établissement quand il était sous-commissaire de l'établissement de Springhill.

M. Babineau a reconnu une note de service au sujet des laissez-passer (pièce G-1) envoyée à tout le personnel en décembre 1997 après l'incident Leadbetter. Il a reconnu que les politiques n'étaient pas respectées, mais qu'elles étaient en place.

À l'avocat qui lui demandait 11 décembre 1997 avec le fonctionnaire et son avocat, il avait dit que, d'après ce qu'il savait il allait le licencier, M. Babineau a répondu : « M. Leadbetter insistait pour que je réponde à sa question. »

M. Babineau a affirmé que, à sa première rencontre avec le fonctionnaire pour discuter de l'histoire des caisses en bois, le mercredi 5 novembre 1997, il lui a dit qu'il n'était pas obligé de dire quoi que ce soit, mais M. Leadbetter lui a spontanément expliqué que les caisses devaient servir de boîtes à jouets à ses petits-enfants. Il y a eu une autre rencontre le 6 novembre 1997 et le fonctionnaire s'est excusé. M. Babineau l'a informé qu'il y aurait une enquête interne seulement, sans intervention du service de police. Le fonctionnaire a admis qu'il avait commis une grave erreur de jugement. Après examen des faits avec l'administration centrale de la division, il a été décidé de faire intervenir les services de police.

M. Babineau n'est au courant d'aucun autre employé du SCC qui aurait fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour avoir utilisé du bois de rebut. Il a convenu qu'à 57 ans M. Leadbetter a peu de chances de se trouver un autre emploi et qu'il ne lui restait que quelques mois à travailler pour prendre sa retraite avec pleine pension. Il a

Commission des relations de travail dans la fonction publique

pourquoi, lors de la rencontre du

Décision Page 29 été incapable d'expliquer pourquoi le licenciement avait pris effet à une date antérieure.

M. Babineau a aussi été incapable d'expliquer pourquoi la lettre de licenciement a été remise en juillet 1998. Il a ajouté que, quoique l'enquête ait pris fin en février 1998, M. Leadbetter a mis du temps à réagir au rapport afin de se préparer à une entrevue disciplinaire, et que lui-même a tardé d'en discuter avec CORCAN. Le témoin ne pouvait pas se rappeler s'il avait indiqué au sous-commissaire en décembre 1997 qu'il envisageait le licenciement. Il n'a pas participé au processus de dotation du poste du fonctionnaire après le licenciement, et il n'a pas voulu spéculer sur les raisons pour lesquelles cela avait été fait. Il n'a jamais dit à qui que ce soit à l'établissement de Springhill que le fonctionnaire ne reviendrait pas.

M. Babineau a convenu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait un bon dossier d'emploi et que l'incident étant maintenant connu de tous il ne risquait plus d'être compromis par un détenu. Il a en outre indiqué que les employés de CORCAN savaient que des biens de l'État servaient à la fabrication de caisses pour un particulier d'autant plus que les ateliers n'avaient pas reçu de commande du genre. M. Babineau a convenu avec M e Barnes que l'on ne pouvait pas conclure qu'un vol était en cours, mais seulement que ce qui se passait était contraire aux politiques du SCC et de CORCAN.

M. Babineau a terminé son témoignage en disant qu'il n'aurait aucune difficulté à travailler avec M me Karen Comeau, M. Wayne McLean, l'employée en cause dans l'incident des points bonis Zellers ou quiconque ayant eu des problèmes semblables.

Au cours du réinterragotoire, M. Babineau a été incapable de dire si M m e Karen Comeau occupait un poste de gestionnaire en 1996 à l'époque de l'introduction par effraction.

7. M. John Leadbetter a vécu presque toute sa vie dans la petite ville de Springhill (Nouvelle-Écosse) il est bien connu. L'établissement de Springhill y est l'employeur principal. Le fonctionnaire subvient aux besoins de sa femme et de deux enfants partiellement à charge. Il a débuté sa carrière dans la fonction publique en 1969; il a commencé à travailler à l'établissement de Springhill en 1974 il a été titularisé comme gestionnaire des Opérations en 1995. Au moment de son licenciement, il relevait du directeur, M. Babineau, et de M. Carter Powis.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 30 Le fonctionnaire a reconnu une série d'évaluations de rendement, pièce G-2, ainsi qu'un résumé préparé par lui en prévision d'une rencontre avec M. Babineau en mars 1998. Ce dernier a rédigé sa dernière évaluation de rendement et lui a attribué une cote de rendement entièrement satisfaisant.

M. Leaderbetter a travaillé pour M. Alan Alexander en qualité d'agent d'approvisionnement il y a plusieurs années. Il a dit de leurs rapports qu'ils étaient  « mutuellement respectueux ». Dès le début, il y a eu mésentente entre eux au sujet de la déduction des frais d'hébergement des détenus affectés à un projet de pépinière. M. Alexander avait déduit les frais et le fonctionnaire n'était pas d'accord avec cette décision. Les détenus ont obtenu un remboursement par la suite, mais le désaccord a créé de l'animosité entre le fonctionnaire et M. Alexander. Au mois d'août 1996, alors que M. Alexander assumait l'intérim à la direction de l'établissement, les deux hommes se sont querellés au sujet du nombre de détenus capables de travailler à un projet d'entrée de données. M. Leadbetter a conclu qu'un grand nombre des détenus n'avaient pas les connaissances nécessaires. Au bout d'une semaine, seulement trois des 29 détenus affectés ont continué de travailler au projet. Le fonctionnaire a affirmé qu'il n'avait pas un tableau complet de la situation lorsque M. Alexander a été désigné pour mener l'enquête.

En janvier ou février 1997, CORCAN a reçu une importante commande de Kingston pour les Forces armées à Gagetown; il a commandé pour 30 000 $ de bois. Le projet a été annulé, mais vers la fin de l'été CORCAN a reçu une commande de pupitres en bouleau lamellé pour un établissement d'enseignement. M. Leadbetter a décidé de se servir du bois commandé pour le projet qui avait été annulé. À la fin du mois d'août 1997, il a demandé à M. Don Smith de l'atelier d'ébénisterie de lui fabriquer des caisses avec le bois de rebut. Il voulait en donner deux grandes à ses petits-enfants et une troisième, qui devait être recouverte de tôle peinte, à une école de Springhill en vue d'un tirage CORCAN serait le donateur. Il n'a rien dit de tout cela à M. Smith, qui voulait seulement connaître les dimensions des caisses. En octobre, il a demandé à ce dernier si les caisses étaient prêtes. M. Smith lui a répondu qu'il les avait oubliées. M. Leadbetter a affirmé lui avoir dit que cela ne faisait rien, puis s'en être allé.

Finalement, le mardi 4 novembre 1997, le fonctionnaire a été informé que les caisses étaient prêtes. Aucun véhicule de l'établissement n'étant libre ce jour-là, il a

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 31 transporté les caisses aux magasins le lendemain avec l'aide de M. Eugene Williams. M. Coon, l'ASPÉA, est arrivé sur ces entrefaites et a dit au fonctionnaire de se rendre au bureau du directeur. M. Leadbetter a déclaré que, s'il n'y avait pas eu suffisamment de bois de rebut pour fabriquer les caisses, il aurait laissé tomber son projet car il ne voulait pas que les caisses soient trop petites. Il ne les a vraiment examinées qu'à l'audience et il a remarqué que l'une d'elles avait une marque et que l'une des extrémités était d'une autre couleur.

À M e Barnes qui lui demandait ce qu'il faisait du bois non utilisé, M. Leadbetter a répondu que c'était une question de bon sens à la fin d'un projet. Lui-même et M. Smith faisaient le tri du bois; ils gardaient celui qui avait encore une valeur résiduelle et en transformaient une partie en bois d'embrasement. Le bois de rebut qui s'accumule pose des risques d'incendie et nuit au bon déroulement du travail. M. Leadbetter estimait comme M. Powis que la détermination du bois de rebut est affaire de bon sens. Il a affirmé qu'il avait vu des morceaux de bois plus grands que ceux ayant servi à fabriquer les caisses mis au rebut du fait qu'ils ne peuvent pas être poncés lorsqu'ils ont des entailles. Il n'était pas au courant des panneaux mal sciés par le détenu Whynot. De même, il ne savait pas s'il s'était servi d'un panneau neuf. Il a affirmé que M. Don Smith s'occupe du bois d'embrasement avec les détenus et que bon nombre d'agents de correction ont voir des employés sortir du bois d'embrasement de l'établissement.

Le 5 novembre, dans le bureau du directeur, en présence de M. Coon, le fonctionnaire a affirmé avoir fourni une explication au sujet des caisses même si on lui avait précisé qu'il n'était pas obligé de dire quoi que ce soit. Le lendemain 6 novembre, il a de nouveau rencontré le directeur et M. Coon et a appris qu'il était suspendu sans traitement. Il a dit au directeur qu'il reconnaissait avoir commis une grave erreur de jugement, mais qu'il n'avait pas eu d'intention criminelle. On lui a dit qu'il y aurait une enquête interne sans intervention du service de police. Il a remis sa pagette et ses clés au directeur, puis il a quitté l'établissement.

En ce qui a trait à la pièce E-11, la lettre de licenciement non datée, M. Leadbetter a déclaré l'avoir reçue le 17 juillet 1998. Il ne pouvait ni croire ni comprendre qu'on puisse dire dans cette lettre qu'il ne saisissait pas la gravité de ses

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 32 actes. Des accusations criminelles avaient été portées contre lui et sa carrière était en jeu. Il était pleinement conscient de la gravité de la situation.

Pour ce qui est de subir les pressions des détenus, le fonctionnaire a affirmé que cela ne serait pas possible vu que l'incident est connu de tous. Il a fait observer que même l'agente Comeau a été promue depuis l'incident la concernant. Beaucoup de matériel sortait de l'établissement de Springhill sans laissez-passer à la barrière tel que du mobilier et des lames de scie à faire aiguiser. C'était comme ça depuis 20 ans et ça dépendait parfois de l'agent en fonction à la barrière.

En ce qui concerne les caisses, M. Leadbetter a affirmé qu'il aurait pu demander au directeur de lui donner un laissez-passer à la barrière et qu'il l'aurait sûrement obtenu.

M. Leadbetter a déclaré qu'il n'a jamais dit aux employés que les caisses étaient pour son usage personnel.

Le fonctionnaire a ajouté que l'affaire a fait couler beaucoup d'encre à Springhill et que personne ne croyait qu'il avait volé les caisses. Il a été très ébranlé par les accusations portées contre lui en décembre 1997. Dans un document portant sur l'incident, il a jugé offensante et très grave l'allégation selon laquelle il avait traité avec des détenus. Sa première comparution en cour a été reportée en décembre. Il a comparu de nouveau le 17 février 1998, mais l'affaire a de nouveau été ajournée jusqu'en mai 1998 parce qu'il n'avait reçu aucun des documents demandés à l'établissement de Springhill. Il n'avait toujours rien reçu en mai et le délai de 30 jours prévu dans la Loi sur l'accès à l'information était expiré depuis longtemps; par conséquent, il a plaidé non coupable. Il a affirmé avoir écrit à cinq reprises au commissaire à l'information; à un moment donné, on lui a demandé d'envoyer un chèque de 1 600 $ pour recevoir les documents.

Finalement, le 10 novembre 1998, M. Leadbetter a plaidé coupable et a obtenu une absolution sous condition (pièce E-2). Toute cette histoire a nui à sa réputation dans la collectivité et un « doute plane maintenant à mon sujet »; il est devenu tendu; il s'est mis à boire, à avoir des problèmes de santé, bref sa vie est devenue un enfer. Il a engagé d'importants frais judiciaires et épuisé ses économies; il a touché des prestations d'assurance-emploi de juillet 1998 à janvier 1999; il vit maintenant de sa

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 33 pension de 1 900 $ par mois et a des problèmes avec l'administration des pensions. Il ne lui restait que quelques mois à faire pour être admissible à une pension après 25 années de service; s'il avait continué de travailler jusqu'à l'âge de 62 ans, il aurait reçu 42 000 $ par année au lieu des 29 000 $ qu'il touche maintenant. En outre, il n'a pas reçu son indemnité de départ de 31 000 $.

M. Leadbetter a affirmé que retourner à CORCAN ne lui poserait aucun problème. Il a tout avoué publiquement, et il a vécu 57 ans sans démêlés avec la justice. Il a appris qu'un seul acte irréfléchi dénué d'intention criminelle peut chambouler votre vie, mais le risque de récidive est de zéro pour cent. Il a terminé en disant que, plusieurs années avant l'incident des caisses en bois, il s'était fait fabriquer un petit support pour entreposer des fenêtres, une plaque-couvercle en métal pour une poulie et des bornes pour son bateau au su de M. Alan Alexander.

Au cours du contre-interrogatoire par M e Climie, à la question de savoir ce qu'il avait fait de mal, M. Leadbetter a répondu qu'il avait volé des biens appartenant à l'État, en ce sens que l'État estimait que le bois qui avait servi à la fabrication des caisses avait une valeur résiduelle. Lui-même n'était pas de cet avis. Il a ajouté que personne ne peut donner du matériel appartenant à l'État, et que les caisses appartiennent toujours à l'État. Les caisses ne peuvent pas être assimilées à du bois d'embrasement parce qu'elles ont une valeur ajoutée, mais « le bois d'embrasement appartient également à l'État et ne peut pas être donné ». Il ne pouvait pas situer le vol sur une quelconque échelle, il l'a classé dans la même catégorie que l'État, soit un vol de moins de 5 000 $. Il était incapable de qualifier le vol, mais il a convenu que c'était très grave.

M. Leadbetter a déclaré qu'on ne lui a jamais expliqué que, pour être reconnu coupable, il aurait fallu qu'il ait eu une intention criminelle.

À la question de savoir qui devait, selon lui, fabriquer les caisses, le fonctionnaire a répondu qu'il croyait que c'était M. Don Smith, mais qu'un détenu aurait probablement pu le faire. Il a affirmé, au sujet du témoignage de M. William Knowlton, que ce n'était pas exactement ce dont lui-même se souvenait. Il a ajouté que M. Knowlton lui avait demandé s'il voulait faire vernir les caisses et qu'il avait répondu par l'affirmative. En ce qui concerne le chargement des caisses dans le

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 34 camion, il ne se rappelait pas si M. McLeod lui avait demandé si les articles pouvaient être transportés par des détenus.

M. Leadbetter a nié avoir traité avec des détenus dans le cadre de cet incident; il a aussi précisé que la demande adressée à M. Smith n'était pas un ordre. M. Smith aurait pu refuser de fabriquer les caisses s'il n'y avait pas eu suffisamment de bois de rebut, mais le fonctionnaire a convenu qu'il était raisonnable de supposer que M. Smith allait les fabriquer.

M. Leadbetter a convenu qu'il a enfreint la règle 5, Conflits d'intérêts, de la pièce E-19, Code de discipline, en faisant abusivement appel aux services d'un autre employé pour accomplir quelque chose qui n'avait pas été officiellement approuvé, ainsi que la règle 4, Relations avec les délinquants, du fait qu'il a fait un usage abusif de son autorité pour des gains personnels. Il a également convenu avoir enfreint la règle 5, Conflits d'intérêts, pièce E-18, Règles de conduite personnelle, du fait qu'il s'est servi de son poste pour des gains personnels.

M. Leadbetter a dit qu'il était d'accord avec la définition de rebut proposée par M. Powis, et il a fait remarquer que déterminer ce qui constitue un rebut est une affaire de bon sens. Il a ajouté qu'il n'avait aucune raison de supposer qu'on utiliserait du bon bois pour fabriquer les caisses et qu'il ne savait pas ce que le détenu Whynot avait derrière la tête quand il a fabriqué les caisses. À l'audience, M. Leadbetter n'a pu constater d'imperfections dans le bois si ce n'est une entaille sur l'un des côtés et le fait qu'une des extrémités était d'une couleur différente; il n'était pas en mesure de dire qui devrait être tenu responsable du fait qu'on s'était peut-être servi de bon bois. Il a ajouté qu'un panneau de quatre pieds sur dix pieds coûte environ 42 $, et qu'il aurait fallu un peu moins de trois panneaux pour fabriquer les caisses. Il a précisé que la question, d'après lui, n'est pas de savoir quelle quantité de bois avait été nécessaire, mais plutôt d'où provenait ce bois. À l'époque les caisses ont été fabriquées, l'établissement remplissait une commande de 750 pupitres et d'environ 200 socles.

M. Leadbetter a affirmé qu'il a vu les caisses pour la première fois dans l'atelier de peinture le lundi 3 novembre 1997 et qu'il ne les a pas examinées de près.

En ce qui concerne l'incident des points bonis Zellers, M. Leadbetter a affirmé que la personne concernée a se servir de sa carte du Club Z vu qu'à ce moment-là le

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 35 SCC ne possédait pas de carte. Il a conclu que c'était un privilège de l'État que la personne avait utilisée pour un gain personnel. Il a été incapable de dire si l'incident du chien était comparable à l'incident le concernant. Il a toutefois convenu que, même si des articles tels que des lames de scie et du mobilier excédentaire étaient parfois transportés à l'extérieur de l'établissement sans laissez-passer à la barrière, il aurait obtenir un laissez-passer pour les caisses en bois et que leur transport à l'extérieur de l'établissement « n'avait pas été autorisé ».

M. Leadbetter a affirmé que depuis son licenciement, il a reçu un montant de 21 000 $ au titre de ses crédits de congé annuel; un montant de 10 600 $ en prestations d'assurance-emploi; et 9 800 $ en prestations de retraite. Il n'a pas essayé de se trouver un autre emploi et il possède toujours sa maison.

Le fonctionnaire a déclaré qu'il n'a pas parlé au juge durant son procès de telle sorte qu'il n'a pas eu l'occasion de lui dire qu'il contestait son licenciement.

M e Barnes s'est opposé à cette question qu'il trouvait injuste vu que le procureur de la couronne a discuté du cas du fonctionnaire avec le SCC et qu'il aurait mentionner le grief au juge.

M. Leadbetter a ajouté que le procureur de la couronne et le SCC avaient convenu qu'ils concluraient un marché s'il plaidait coupable.

Au cours du réinterrogatoire, quand M e Barnes a demandé au fonctionnaire d'expliquer ce que signifiait pour lui « traiter d'une manière ou d'une autre avec les détenus », il a répondu que cela voulait dire qu'un détenu vous a compromis d'une manière ou d'une autre relativement à des choses comme de la drogue, de l'alcool ou parce que vous avez aidé un détenu à l'extérieur. Le fonctionnaire a affirmé qu'en ce qui a trait à la fabrication des caisses, personne ne lui a demandé de faveurs en échange.

À la question de savoir dans quelle mesure le paragraphe 3 de la pièce E-15, Ordre permanent concernant les laissez-passer à la barrière, c'est-à-dire la nécessité d'émettre un laissez-passer pour sortir un article du secteur de responsabilité d'un gestionnaire était appliqué, M. Leadbetter a répondu que la règle n'est pas appliqué tout le temps.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 36 Argumentation de l'employeur M e Climie soutient que le fardeau de la preuve a été déplacé depuis que le fonctionnaire a admis avoir volé des biens de l'État. Cet aveu constitue, par conséquent, un motif prima facie de licenciement comme il a été déterminé dans l'affaire Dixson (166-2-555). Il maintient également que, vu que le SCC est unique et distinct, le vol en l'espèce doit être considéré comme très grave en regard des facteurs atténuants dont on me demande de tenir compte. Le fonctionnaire a tenté de diminuer sa culpabilité en disant qu'il n'avait pas d'intention criminelle et que sa demande à M. Don Smith n'avait rien de secret puisqu'il croyait, a-t-il dit, qu'on utiliserait du bois de rebut pour fabriquer les caisses. En supposant que j'accepte les prétentions du fonctionnaire pour atténuer sa faute, il n'en demeure pas moins qu'il a demandé à un subalterne de lui fabriquer un objet pour un gain personnel et que, comme s'il avait lancé une pierre dans l'eau, il est responsable de l'effet de vague créé. Il soutient que le fonctionnaire aurait limiter les coûts pour l'établissement de Springhill en veillant à ce que l'on utilise du bois de rebut et à ce que l'on ne confie pas le travail à des détenus.

M e Climie soutient que, d'après la taille des morceaux de bois utilisés, il ne pouvait s'agir de bois de rebut; par conséquent, le fonctionnaire est à tout le moins coupable de laissez-faire délibéré. L'avocat me renvoie à la preuve par ouï-dire digne de foi du détenu Whynot étant donné que ce dernier n'avait aucune raison de mentir dans la pièce E-5, l'extrait du rapport d'enquête, en disant qu'il s'était servi de panneaux neufs pour fabriquer les caisses.

M e Climie fait également valoir que le fonctionnaire a de toute évidence enfreint le Code de discipline (pièce E-17) et les Règles de conduite professionnelle (pièce E-18) du SCC. Il ajoute que la question du bois d'embrasement n'est qu'un faux-fuyant en l'espèce. Il soutient que le fonctionnaire n'éprouvait aucune crainte vu qu'il était gestionnaire des Opérations et que seul le directeur pouvait lui dire quoi faire. Par conséquent, il ne se sentait pas obligé d'agir en secret d'autant plus qu'il savait que ses hommes lui obéiraient. Si, effectivement, il y avait du laxisme à CORCAN, la faute en revient aussi à M. Leadbetter à titre de cadre supérieur chevronné.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 37 Si M. Leadbetter ne se sent vraiment pas responsable des actes de M. Don Smith et du détenu Whynot, voilà une raison de plus pour qu'il ne soit pas gestionnaire des Opérations. L'avocat soutient que je devrais accorder beaucoup d'importance à l'absence de regrets et au fait que M. Leadbetter, qui semble bien peu se soucier des répercussions de ses actes sur CORCAN ou le SCC, ne saisit pas la gravité de ceux-ci.

M e Climie maintient que, même si le fonctionnaire a admis avoir commis une grave erreur de jugement, il a été pris en flagrant délit et n'avait donc d'autre choix que de réagir comme il l'a fait. Il me demande, par conséquent, d'accorder une attention particulière aux diverses infractions au Code de discipline et aux Règles de conduite professionnelle.

L'avocat soutient que l'absence de mesures disciplinaires invoqué par le fonctionnaire dans le cas d'autres incidents survenus au SCC n'est pas pertinent. Il ajoute que M. Smith savait ou aurait savoir que les caisses n'étaient pas pour CORCAN, mais qu'il n'a rien dit. Il soutient que les gens ont reçu l'ordre de faire quelque chose et qu'ils ont obéi, mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils étaient d'accord avec la demande initiale du fonctionnaire. Dans le cas de M. Laurette, l'avocat me rappelle que celui-ci avait obtenu la permission de poncer le dessus de table et qu'un laissez-passer à la barrière lui avait également été remis.

En ce qui concerne les points bonis Zellers, l'incident avec le chien, les interurbains non autorisés et l'introduction par effraction d'une agente du SCC qui n'était pas en devoir, M e Climie soutient qu'il n'y a pas d'élément de preuve convaincant relativement à ces incidents; aucun d'entre eux ne mettait en cause d'autres membres du personnel et des détenus et le vol de biens appartenant à l'État par un cadre supérieur.

M e Climie maintient que la transcription du procès du fonctionnaire (pièce E-1) est très révélatrice en ce que le juge ne savait pas que M. Leadbetter pouvait être réintégré. Il soutient que cela met la crédibilité du fonctionnaire à l'épreuve étant donné qu'il espérait s'attirer la clémence du juge en lui disant qu'il avait perdu son emploi.

L'avocat termine en disant que la situation serait intenable si le fonctionnaire était réintégré dans son poste d'autant plus que toutes les personnes en cause (le

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 38 personnel et les détenus) savent ce qu'il a fait. Quoiqu'il apprécie lui aussi la situation du fonctionnaire, cela ne devrait pas ébranler ma décision.

M e Climie cite les paragraphes 8.40, 8.41, 8.44, de l'ouvrage intitulé Collective Agreement Arbitration in Canada, troisième édition, Palmer, et les affaires Lynch (166-2-27803); Cudmore (166-2-16517); Sharma (166-2-14588); et Laplante (166-2-18001).

Argumentation du fonctionnaire s'estimant lésé M e Barnes soutient que la pensée moderne a évolué sur une question comme celle dont je suis saisi et que, si je ne réduis pas la peine, il n'y aura plus jamais de marge de manœuvre pour atténuer la peine dans le cas d'un vol de peu de valeur dans des circonstances analogues. Certes, le fonctionnaire a commis un vol, mais il incombe à l'employeur de justifier le licenciement. Si je maintiens la peine, ma décision deviendra une nouvelle norme pour des peccadilles. Si le vol avait été une infraction grave, ni le procureur de la Couronne ni le juge n'auraient accepté une absolution sous condition, d'autant plus que le juge était d'avis que le fonctionnaire avait déjà été puni. Toutefois, M. Leadbetter ne doit pas s'en tirer indemne étant donné que l'incident a laissé des traces à l'établissement de Springhill.

L'avocat du fonctionnaire soutient que ce dernier n'avait pas l'intention de commettre un crime lorsqu'il a demandé à M. Don Smith de lui fabriquer des caisses par temps perdu avec du bois de rebut. M. Smith a lui-même affirmé avoir dit au détenu Whynot de se servir du bois du rebut; il s'est en effet servi de morceaux de bois rejetés pour sciage défectueux. M. Leadbetter, par conséquent, ne nourrissait aucune intention criminelle comme dans l'affaire MacMillan Bloedel Limited and IWA Canada (1993), 33 L.A.C. (4 th ) 288. Il aurait pu surveiller de plus près l'exécution de sa commande, mais il faisait confiance à M. Smith. Le bois de rebut posait un risque d'incendie et il prenait de la place; il fallait en outre user de bon sens pour déterminer ce qui était du bois de rebut. Les dimensions des caisses n'étaient pas définitives; elles auraient en fait pu être plus petites.

M e Barnes cite l'affaire MacDonald c. le Conseil du Trésor (Défense nationale) (166-2-15227 et 15228) incluse dans son cahier d'information et les dix facteurs

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 39 régissant les circonstances atténuantes mentionnés par l'avocat de l'employeur dans cette décision : 1. Le dossier favorable antérieur de l'employé s'estimant lésé affaire United Steelworkers of America, section locale 5297, et Frontenac Floor and Wall Tile Ltd. (1957), 8 L.A.C. 105.

2. Les longs états de service de l'employé s'estimant lésé affaire U.A.W., Local 28 and C.C.M. Co. (1954), 5 L.A.C. 1883.

3. La question de savoir si oui ou non l'infraction constituait un incident isolé dans les antécédents d'emploi de l'employé s'estimant lésé affaire Amalgamated Ass’n of Street, Electric Railway and Motor Coach Employees of America and Sandwich, Windsor & Amherstburg Railway Co. (1951), 2 L.A.C. 684.

4. La provocation affaire United Brotherhood of Carpenters, Local 2537, and KVP Co. Ltd. (1962), 12 L.A.C. 386.

5. La question de savoir si l'infraction a été commise sur l'impulsion du moment, par suite d'une aberration momentanée due à de fortes impulsions personnelles ou s'il s'agissait d'une infraction préméditée affaire U.A.W., Local 112 and DeHavilland Aircraft of Canada Ltd., décision non publiée du professeur Bora Laskin en date du 13 mars 1959.

6. La question de savoir si la sanction imposée a créé des difficultés économiques particulières pour l'employé s'estimant lésé à la lumière des circonstances il se trouve affaire U.A.W. Local 127, and Ontario Steel Products Ltd. (1962), 13 L.A.C. 197.

7. Une preuve que les règles de conduite de l'entreprise, tacites ou publiées, n'ont pas été appliquées de façon uniforme, ce qui constitue une forme de discrimination affaire Retail, Wholesale and Department Store Union, Local 414, and Dominion Stores Ltd. (1961), 12 L.A.C. 164.

8. Les circonstances qui nient l'intention, par ex., la probabilité que l'employé s'estimant lésé ait mal compris la nature ou l'intention d'un ordre qui lui a été donné et qu'en conséquence il a désobéi à cet ordre affaire United Electrical Workers, Local 524, and Canadian General Electric Co. (1957), 8 L.A.C. 132.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 40 9. La gravité de l'infraction en raison de la politique et des obligations de l'entreprise affaire Mine, Mill and Smelter Workers, Local 598, and Falconbridge Nickel Mines Ltd. (1956), 7 L.A.C. 130.

10. Toute autre circonstance dont la Commission devrait à juste titre tenir compte, par ex., a) le fait que l'employé s'estimant lésé n'ait pas présenté d'excuses et réglé l'affaire après avoir eu l'occasion de le faire affaire U.A.W., Local 456, and Mueller Ltd. (1958), 8 L.A.C. 144; b) dans un cas l'employé s'estimant lésé avait été congédié pour avoir mal conduit le matériel de l'entreprise, le fait que l'entreprise ait pour la première fois publié des règles régissant la conduite des conducteurs après le congédiement a été jugé être une circonstance atténuante affaire Int’l Brotherhood of Teamsters and Riverside Construction Co. (1961), 12 L.A.C. 145; c) le fait que l'entreprise n'ait pas permis à l'employé s'estimant lésé d'expliquer ou de nier la présumée infraction affaire International Brotherhood of Teamsters, Local 979, and Leamington Transport (Western) Ltd. (1961), 12 L.A.C. 147.

L'avocat reprend ainsi les facteurs : dans le cas des facteurs 1, 2, 3 et 6, le fonctionnaire voulait travailler jusqu'à l'âge de 62 ans à des fins de pension; pour ce qui est du facteur 7, la politique du SCC concernant le bois de rebut n'était pas appliquée uniformément, et l'émaillage par pulvérisation constituait un bon exercice de formation pour les détenus. M e Barnes fait remarquer que, lorsqu'il y a laxisme, il peut également y avoir abus; je dois comprendre le contexte général dans lequel évoluait le fonctionnaire. Beaucoup de gens ont profité des abus et de l'application non rigoureuse des règles en matière de laissez-passer à la barrière, comme l'a indiqué le directeur dans la pièce G-1. Cette note de service datant de décembre 1997 sur les laissez-passer à la barrière émane du directeur et non pas du fonctionnaire; en ce qui a trait au facteur 8, le fonctionnaire n'a pas désobéi à un ordre; dans le cas du facteur 9, il y a bien eu infraction au Code et aux règles; pour ce qui est du facteur 10, le fonctionnaire s'est empressé de s'excuser même si le directeur lui avait précisé qu'il n'était pas obligé de dire quoi que ce soit. M. Leadbetter a reconnu ses torts dans le bureau du directeur, lors de son procès et au cours de la présente audience.

Afin d'être juste envers tous, M e Barnes me rappelle que M. Laurette a peut-être agi de manière différente mais qu'il s'est malgré tout rendu aux ateliers de CORCAN pour poncer un dessus de table après que l'incident concernant le fonctionnaire eut été

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 41 rendu public. L'avocat me rappelle que M. Alexander n'était pas à l'aise lorsqu'il a témoigné à ce sujet.

L'avocat conclut en disant que le fonctionnaire ne récidivera pas parce qu'il a appris une dure leçon.

M e Barnes soutient que le SCC a passé l'éponge sur l'introduction par effraction de l'agente Karen Comeau, une infraction semblable à celle du fonctionnaire. En sa qualité d'agente de la paix, elle n'a pas eu ultérieurement de problèmes avec les détenus et elle n'a pas fait l'objet d'une mesure disciplinaire même si, comme l'a affirmé l'ancien directeur, M. Babineau, elle a enfreint le Code de discipline (pièce E-17). M e Barnes se demande pourquoi M. Leadbetter a été puni si sévèrement alors qu'on a fermé les yeux sur les manquements d'autres employés (points bonis Zellers, agression, appels interurbains). Il conclut que cela donne l'impression d'un manque d'équité.

En ce qui a trait aux décisions arbitrales invoquées par M e Climie, M e Barnes soutient qu'aucune des affaires citées ne ressemble un tant soit peu à l'affaire dont je suis saisi. L'affaire Lynch (supra) est essentiellement une affaire de vol; l'affaire Sharma (supra) concerne un incendie criminel, une infraction qui est aussi grave qu'une introduction par effraction; l'affaire Cudmore (supra) mettait en cause un récidiviste; dans l'affaire Laplante (supra), des tableaux ont été vendus à profit. M e Barnes soutient que le licenciement est justifié dans le cas d'un vol important, mais que dans le cas d'un incident isolé mettant en cause un vol de peu de valeur par une personne sur le point de prendre sa retraite qui a avoué sa culpabilité, qui a un bon dossier d'emploi et qui a perdu le droit à une partie de sa pension, il y a nettement lieu de faire preuve d'un peu de compassion.

L'avocat termine en disant que M. Leadbetter ne cherchait pas à obtenir un gain personnel, qu'il n'y a pas eu conspiration et que le fonctionnaire a déjà été sévèrement puni. Il demande, par conséquent, que la mesure disciplinaire soit ramenée tout au plus à une suspension de trois mois.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 42 Réfutation de l'employeur M e Climie soutient que, si le fonctionnaire est réintégré, il devra rembourser, comme cela se fait habituellement, les sommes reçues depuis son licenciement et que, s'il n'est pas réintégré, il pourrait avoir droit à une certaine indemnisation, ce qui influera également sur les sommes qu'il a touchées depuis son licenciement.

En ce qui concerne les dix facteurs tirés de l'affaire MacDonald (supra) qu'a cités M e Barnes, M e Climie se dit d'accord avec le facteur 1, sauf en ce qui concerne l'évaluation de rendement du fonctionnaire pour sa dernière année de service; ainsi qu'avec les facteurs 2 et 3; le facteur 4 ne s'applique pas; au sujet du facteur 5, il fait observer que la fabrication des caisses devait s'étaler sur plusieurs mois et qu'il ne s'agissait pas d'une décision irréfléchie; le facteur 6 s'applique normalement dans les cas de difficultés économiques exceptionnelles alors qu'en l'espèce le fonctionnaire est toujours capable de travailler; en ce qui concerne le facteur 7, M e Climie n'est pas d'accord avec les allégations de laxisme étant donné que M. Leadbetter a contribué à ce laxisme; le facteur 8 ne s'applique pas vu que le fonctionnaire n'a pas reçu l'ordre d'exécuter quoi que ce soit; le facteur 9 est très grave à cause de la présence de délinquants dangereux dans l'établissement; il termine en disant que le facteur 10 ne s'applique pas vu que c'est la gravité de ses actes que le fonctionnaire doit reconnaître et non pas leurs conséquences.

M e Climie me rappelle la confusion qui existe au sujet du bois de rebut. Les détenus et le personnel sont aussi une valeur qui a été exploitée par M. Leadbetter. En ce qui concerne les laissez-passer à la barrière, l'avocat soutient que le fonctionnaire savait qu'on laisserait passer les caisses à la barrière de telle sorte qu'il a exploité une faille du système de sécurité à l'établissement de Springhill et a ainsi enfreint un ordre permanent.

En dernier lieu, M e Climie fait valoir, en ce qui concerne les autres incidents mentionnés au cours de l'audience, qu'il s'agit uniquement de ouï-dire et de rumeurs, non pas de faits concrets que je devrais retenir contre l'employeur dans ma décision.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 43 Décision M. Leadbetter a été licencié en juillet 1998 à cause d'un incident remontant au début de novembre 1997. Le licenciement était rétroactif au 6 novembre 1997. La lettre de licenciement de l'employeur (pièce E-11) indique que la décision a été prise pour les motifs suivants : le fonctionnaire a volé des biens appartenant à l'État, soit du bois de rebut, pour fabriquer des caisses; il a utilisé des détenus dans le but de commettre un acte illégal pour un gain personnel, principalement le détenu Whynot qui a fabriqué les caisses et le détenu Knowlton qui les a vernies; l'instructeur à l'atelier de CORCAN, M. Laurette, a aidé à fabriquer l'une des caisses; enfin, le fonctionnaire a indûment ordonné à des membres de son équipe et à d'autres employés de commettre ces actes illégaux. Du fait du poste de cadre supérieur qu'il occupait, ses actes ont été considérés extrêmement graves par le SCC.

Je suis du même avis. Toutefois, ce vol est moins simple qu'il n'en a l'air au départ. Cela est devenu apparent après que les parties eurent exposé leur argumentation, que le fonctionnaire eut plaidé coupable à un vol de moins de 5 000 $ (pièce E-1) et que M e Barnes eut convenu qu'il s'agissait avant tout d'une affaire d'atténuation. Un vol a été commis, mais est-ce que la peine ultime du licenciement était justifiée après un examen attentif de toutes les circonstances entourant les caisses en bois? Je ne le crois pas. En fait, je trouve que la combinaison des événements et des circonstances avant, durant et après l'incident des caisses est entachée de contradictions, de conflits et d'hypocrisie.

M e Climie a partiellement raison lorsqu'il dit que les nombreux incidents évoqués au cours de l'audience n'ont jamais été étayés d'éléments de preuve concrets, qu'il s'agit uniquement de ouï-dire et de rumeurs. Toutefois, aucun de ces autres incidents n'a été nié par les témoins de l'employeur. En fait, dans la plupart des cas, il y a suffisamment de détails non contredits pour que je conclus que la politique de la direction en matière de laissez-passer à la barrière et d'utilisation des ateliers de CORCAN a souvent été appliquée de façon très inégale, et qu'aucune mesure disciplinaire n'a été imposée à la suite d'autres incidents.

Je vais maintenant passer en revue les éléments de preuve pertinents, puisque je juge cela essentiel pour motiver ma décision.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 44 M. Smith, l'instructeur à l'atelier d'ébénisterie, a déclaré que le fonctionnaire lui avait demandé et non pas ordonné de fabriquer des caisses avec du bois de rebut. L'utilisation du bois de rebut, plus particulièrement pour en faire du bois d'embrasement, est une pratique qui, selon moi, est loin d'être un faux-fuyant comme voudrait me le faire croire M e Climie. En fait, je crois que la préparation du bois d'embrasement par les détenus à l'intention du personnel est une pratique qui a contribué à l'instauration de la culture de libre-service à l'établissement. Cela a constitué non seulement une invitation au personnel d'utiliser le matériel et l'équipement de CORCAN à des fins personnelles, mais en a aussi fait une pratique normale et encouragée. M. Smith a affirmé que M. Laurette, celui qui le premier a parlé des caisses à M. Alexander, a participé à la fabrication de l'une de ces caisses. Je le crois. M. Smith a aussi affirmé que le fonctionnaire n'a pas choisi le bois utilisé et qu'il n'a pas traité avec le détenu Whynot. De nouveau, je le crois. Je ne crois pas que le fonctionnaire soit intervenu dans le choix du bois de rebut utilisé même s'il avait une idée du bois de rebut dont on se servirait.

M. Knowlton, de l'atelier de peinture, a déclaré que le personnel faisait peindre des articles par les détenus, et que M. Laurette avait brisé une courroie de ponçage d'une valeur de 50 $ appartenant à CORCAN lors du ponçage d'un dessus de table après l'incident Leadbetter. M. Williams, de l'atelier de tôle, a déclaré qu'il avait apporté un rouleau à gazon lui appartenant dans l'établissement sans laissez-passer à la barrière pour y souder une pièce.

À mon avis, le témoignage le plus révélateur, toutefois, est celui de M. Alexander. Ce dernier a reconnu un extrait du rapport d'enquête, plus particulièrement l'entrevue avec le détenu Whynot (pièce E-5) celui-ci affirme avoir utilisé du bois de rebut accumulé et des panneaux neufs. M e Climie a lui-même qualifié la pièce E-5 de preuve par ouï-dire fiable. Cela signifie que du bois de rebut a été utilisé et que le détenu Whynot a personnellement pris la décision d'utiliser du bois neuf. M. Leadbetter avait demandé que l'on utilise uniquement du bois de rebut.

Le rôle joué par M. Alexander dans l'enquête me préoccupe également beaucoup. Il avait eu un conflit avec le fonctionnaire plusieurs années auparavant au sujet d'une histoire de bornes pour le bateau du fonctionnaire; il s'était produit un autre incident en août 1996 au sujet du nombre convenable de détenus qui devaient

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 45 être affectés à l'entrée de données. Il a été mis au courant des caisses par M. Laurette avant que l'ASPÉ, M. Coon, prenne le fonctionnaire en flagrant délit dans l'entrepôt. À cause de ces événements, je crois que M. Alexander avait un problème d'objectivité concernant l'incident des caisses et qu'il n'aurait pas accepter de remplacer M. Coon ou être autorisé à siéger au comité d'enquête avec M m e Smith. Ce manque d'objectivité est devenu encore plus apparent quand il admis avoir autorisé M. Laurette à poncer un dessus de table après l'incident des caisses en novembre 1997 d'autant plus qu'il savait que M. Laurette vendait des meubles à son domicile. C'est M. Alexander qui a mis M. Coon au courant des caisses avant qu'elles soient transportées. À mon avis, il était également bien au fait de la culture de libre-service que j'ai mentionnée plus haut quand il a admis qu'il savait qu'un membre du personnel avait déjà pris plusieurs centaines de sacs de bois d'embrasement. Il a en outre déclaré qu'à l'époque de l'incident des caisses il n'existait pas de politique au sujet du bois de rebut, que l'agent Dill aurait pu intercepter les caisses à la barrière, mais que le personnel ne savait pas trop au juste quand demander ou ne pas demander de laissez-passer à la barrière, et qu'il était également au courant d'autres incidents tels que celui des points bonis Zellers et celui de l'agression.

M. Powis a confirmé qu'il n'existait pas de politique écrite au sujet du bois de rebut à l'époque l'incident s'est produit. Il a même ajouté qu'utiliser le bois de rebut était « une bonne façon de donner de la formation à des délinquants ». Le directeur, M. Babineau, a affirmé qu'il existait une politique au sujet du bois de rebut, mais je ne l'ai jamais vue. M. Powis a également affirmé que la désignation du bois de rebut était affaire de bon sens et qu'il aurait sans doute approuvé la fabrication des caisses si elles avaient été facturées et payées. Ce genre de demande ne semblait pas être courant à l'époque. Quoi qu'il en soit, en bout de ligne, c'est le détenu Whynot qui a choisi le bois, pas M. Leadbetter. M. Powis a aussi admis que ce n'est pas la faute du fonctionnaire si la politique en matière de laissez-passer à la barrière n'était pas appliquée rigoureusement à l'époque. Le directeur Babineau a émis une note de service (pièce G-1) clarifiant la situation en décembre 1997, après l'incident Leadbetter.

M. Babineau a déclaré que les caisses étaient censées être fabriquées avec du bois de rebut, que M. Leadbetter a volontiers fourni des renseignements le 5 novembre, le jour il a été pris, qu'il a admis avoir gravement manqué de jugement et qu'il s'est excusé le 6 novembre 1997 dans le bureau du directeur. Ce dernier, qui n'était pas Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 46 directeur de l'établissement à l'époque sont survenus les autres incidents mentionnés, a affirmé qu'aucune mesure disciplinaire n'a été prise à la suite de l'incident des points bonis, du chien dans l'auto, des interurbains ou de l'introduction par effraction. Dans ce dernier cas, il croyait que l'agente Comeau était la belle-sœur du directeur de l'époque. Il a également confirmé mon observation au sujet du manque d'uniformité dans l'application des mesures disciplinaires quand il a dit qu'il n'avait jamais entendu dire qu'un autre employé avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire au SCC pour avoir utilisé du bois de rebut. Le directeur est inconséquent et injuste lorsqu'il affirme, d'une part, n'avoir aucune difficulté à travailler avec les personnes mises en cause dans tous les autres incidents mais, d'autre part, ne pas pouvoir travailler avec le fonctionnaire si celui-ci était réintégré.

Le directeur ne savait pas non plus pourquoi le licenciement prenait effet rétroactivement au mois de novembre 1997 (pièce E-11). Il a convenu que tous les éléments de l'affaire sont maintenant connus et que M. Leadbetter ne pourrait pas être compromis par les détenus au sujet de l'incident s'il était réintégré. J'ai de la difficulté à croire l'affirmation de M me Sahagian selon laquelle le professionnalisme de CORCAN seraient remis en question et ses valeurs minées si M. Leadbetter était réintégré. Elle a été incapable d'expliquer pourquoi il avait fallu neuf mois pour licencier le fonctionnaire.

Après avoir sérieusement examiné la preuve qui m'a été présentée ainsi que les observations des parties, je n'ai aucune difficulté à conclure que M. Leadbetter est encore capable de s'acquitter des fonctions de son poste; son rendement (pièce G-2) a été jugé entièrement satisfaisant malgré les lacunes relevées par M. Powis, et il est encore apte à travailler pour CORCAN. Ma conclusion est étayée par le fait que le seul laissez-faire délibéré (selon M e Climie) dont j'ai été saisi en l'espèce est la culture de libre-service à l'établissement de Springhill. Je trouve que la situation ressemble à celle décrite dans la décision Melcher (166-2-27604), qui concerne aussi le SCC, l'arbitre Chodos en conclu en partie ce qui suit : Autrement dit, la direction, par ses actes ou par son inaction, tolérait en fait la pratique selon laquelle le personnel se servait des biens de l’établissement à des fins personnelles.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 47 J'ajouterais que la direction à l'établissement de Springhill a également fermé les yeux sur l'utilisation à des fins personnelles du matériel, de l'équipement et des locaux de l'établissement.

Je crois, en outre, que si CORCAN et l'établissement peuvent continuer d'employer des personnes qui ont été mêlées à des incidents louches sans leur imposer de mesure disciplinaire et sans compromettre la sécurité ou l'intégrité de leurs opérations ou le lien de confiance nécessaire entre les employés et l'employeur, ils peuvent réintégrer M. Leadbetter dont l'erreur de jugement a déjà été publicisée et chèrement payée. Le fonctionnaire a été accusé de vol, a reconnu sa culpabilité et a obtenu une absolution sous condition, soit 12 mois de liberté surveillée. Il a également perdu son emploi.

Je suis conforté dans ma conclusion par la remarque incidente du savant juge ayant présidé au procès dont la transcription (pièce E-1) dit en partie ceci : [Traduction] J'ai déjà entendu l'expression « il y a un voleur qui se terre en chacun de nous ».

Les pratiques qui avaient cours au SCC/à CORCAN à l'établissement de Springhill confirment cette remarque.

En l'espèce, je suis également d'accord avec M e Barnes lorsqu'il cite les propos de M. Harry W. Arthurs dans l'affaire Canadian Broadcasting Corporation and Canadian Union of Public Employees (1979), 23 L.A.C. (2d) 227 : [Traduction] […] Le congédiement est-il l'unique solution possible dans les cas il y a eu un tel abus de confiance de la part d'un employé?

Sur ce point, les avocats des deux parties ont cité une abondance de décisions arbitrales qui, naturellement, ne sont pas d'application obligatoire. Je les ai toutes examinées, et je crois que le résumé suivant en rend bien le sens. En règle générale (mais pas toujours), les décisions les plus anciennes considéraient le vol ou la malhonnêteté comme une infraction justifiant le congédiement d'office; les décisions plus récentes, plus particulièrement celles rendues par des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 48 tenants de la théorie de la « mesure disciplinaire corrective », estiment que la malhonnêteté n'est pas un motif de congédiement en soi; divers facteurs atténuants ont été énumérés pour justifier le remplacement du congédiement par une peine moins sévère dans de ce genre d'affaire. […]

Dans l'affaire MacMillan Bloedel Limited and IWA Canada (1993), 33 L.A.C. (4 th ) 288, l'arbitre H.A. Hope, c.r., a écrit ce qui suit : [Traduction] […] En résumé, l'infraction à l'origine du congédiement du plaignant, bien qu'il s'agisse clairement d'un vol, n'était pas considérée comme grave par ce dernier parce qu'à l'époque pertinente il l'assimilait davantage à une entorse aux règles régissant l'enlèvement des rebuts qu'à un vol. Ce point de vue n'est pas défendable en rétrospective, mais la preuve étaye la conclusion [page 306] selon laquelle il correspond exactement à l'état d'esprit du plaignant et permet de répondre par l'affirmative à la question de savoir s'il est capable de comprendre qu'il a mal agi et d'avoir une conduite acceptable à l'avenir.

Je ne crois pas que M. Leadbetter avait d'intention criminelle quand il a demandé à M. Smith de fabriquer les caisses. Malheureusement, sa situation a donné lieu à des accusations criminelles fondées sur l'évolution d'une culture de libre-service et sur un incident en particulier pour lequel il a été pris à partie. Est-ce un criminel? Non. A-t-il appris une leçon? Oui. Est-il susceptible de récidiver? Je ne crois pas. Est-ce que le SCC, l'établissement de Springhill ou CORCAN continueront de tolérer l'utilisation à des fins personnelles de leurs biens et services comme par le passé? J'espère que non. Le « laxisme » mentionné par M e Barnes et M e Climie a également été entretenu par M. Leadbetter, mais à la culture de libre-service s'ajoutait le laissez-faire sélectif de la direction concernant diverses activités personnelles et un manque de rigueur dans l'application des politiques du SCC.

M. Leadbetter ne devrait cependant pas se tirer indemne de cette affaire, même s'il a déjà beaucoup souffert. Il a mal agi et il a causé du tort à CORCAN et à l'établissement de Springhill en enfreignant divers articles du Code de discipline (pièce E-17) et des Règles de conduite professionnelle (pièce E-18). Je retiens en

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 49 particulier l'Ordre permanent relatif à un laissez-passer à la barrière de l'établissement (pièce E-15) émis en 1994, dont le paragraphe 3 est ainsi libellé : Le chef de secteur ou son substitut doit s'assurer qu'un laissez-passer à la barrière de l'établissement a été rempli pour chaque article qui doit être enlevé de son secteur de responsabilité avant que l'article en question ne quitte son secteur/son service. […]

Le fait pour M. Leadbetter de ne pas obtenir de laissez-passer était une exploitation indue d'une faille du système. Je crois également que le fait que le directeur n'ait pas été au courant d'une telle faille à l'époque est sérieux.

Par conséquent, j'ai conclu que le licenciement de M. Leadbetter était une mesure disciplinaire excessive dans les circonstances, et j'ordonne à l'employeur de le réintégrer immédiatement dans son ancien poste en remplaçant le congédiement par une suspension de trois mois sans traitement ou autres avantages sociaux. Je suggère que les caisses soient retournées à CORCAN pour en faire du bois d'embrasement. Je demeure saisi de l'affaire pendant 45 jours à compter de la date de la présente décision au cas les parties auraient de la difficulté à la mettre en œuvre.

J. Barry Turner, commissaire

OTTAWA, le 29 avril 1999. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.