Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) — Harcèlement sexuel — Décision originale de l'arbitre annulée par la Cour d'appel fédérale — Nouveaux renseignements à prendre en compte — Crédibilité des témoins — Licenciement confirmé — l'arbitre s'était fait enjoindre de tenir compte d'un fait additionnel dans une ordonnance de la Cour d'appel fédérale annulant sa décision originale (2001 CRTFP 85) — la preuve supplémentaire était liée à la présence d'une certaine personne à un moment donné dans une unité particulière de l'établissement correctionnel — comme la Cour le lui avait enjoint, l'arbitre a évalué la preuve additionnelle compte tenu de ses conclusions antérieures, et plus particulièrement de son évaluation de la crédibilité des deux principaux témoins dont le témoignage était fondamental pour sa décision sur la question de savoir si l'allégation d'inconduite était fondée — le fait « nouveau » avait déjà été admis par l'employeur à l'audience, et l'arbitre a jugé qu'il ne sapait pas la crédibilité de la principale témoin de l'employeur, qui alléguait avoir été harcelée sexuellement par le fonctionnaire s'estimant lésé — la conclusion de l'arbitre qu'il y avait effectivement eu harcèlement sexuel n'a été en rien changée par la preuve additionnelle qu'il a dû considérer, et le licenciement a été maintenu. Grief rejeté. Décisions citées : Gale c. Conseil du Trésor, 2001 CRTFP 85; Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2002 CFTI 1084; Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 13; Gale c. Conseil du Trésor, 2004 CRFTP 23; et Browne v. Dunn [1893] 6 R 67 (H.L.).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20040716
  • Dossier:  166-2-30347
  • Référence:  2004 CRTFP 88

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

GRANT GALE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur



Devant:
Joseph W. Potter, président suppléant
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Martel Popescul, c.r., avocat
Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat
Observations écrites présentées les
14 mai, 21 juin et 30 juin 2004.

[1]    Le 17 août 2001, j'ai rendu une décision relativement au grief déposé par Grant Gale (Gale c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2001 CRTFP 85) afin de contester son licenciement. Le licenciement a été maintenu.

[2]    M. Gale a présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale, et la demande a été rejetée (Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2002 CFPI 1084).

[3]    Une demande de révision a été présentée devant la Cour d'appel fédérale, et une décision a été rendue le 12 janvier 2004 (Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 13), statuant ce qui suit :

[Traduction]

  1. que l'appel soit accueilli et que la décision de la Section de première instance soit annulée.

  2. que la décision rendue par l'arbitre soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant le même arbitre en lui demandant de tenir compte des renseignements contenus dans la lettre du 17 août 2001 de l'avocat de l'intimé et de donner aux parties l'occasion de présenter des observations quant à son incidence sur la conclusion de l'arbitrage;

  3. [...]

[4]    Le 10 février 2004, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé une lettre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission), adressée à mon intention, à laquelle était jointe une copie de la lettre du 17 août 2001. La lettre se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[...]

Comme vous le savez, à l'issue de l'audience, les parties ont convenu d'informer l'arbitre du statut de A. Mardell le 19 mai 1999.

La présente confirmera que A. Mardell travaillait à l'établissement principal, le 19 mai 1999, et que son horaire ne prévoyait pas qu'elle devait travailler à l'unité des détenues sous responsabilité fédérale (UDRF), à cette date.

[...]

Bien que la lettre mentionne le nom de « A. Mardell », je crois qu'il est plutôt question de « L. Mardell ». Comme tous les renvois dans la décision de la Cour d'appel indiquent que la personne visée est L. Mardell, je ferai de même.

[5]    Dans la lettre du 10 février 2004, on pouvait également lire ce qui suit :

[...] J'aimerais vous présenter mes observations à savoir s'il est opportun que vous rendiez une décision étant donné les circonstances particulières de cette affaire. [...]

[6]    À la suite de la réception des observations écrites afin d'établir s'il était opportun que je rende une décision dans cette affaire, le 24 mars 2004, j'ai rendu une décision sur la question préliminaire (Gale c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 23), et j'ai noté que la même question avait été soulevée devant la Cour d'appel fédérale. Au paragraphe 18 des motifs de la décision, supra, la Cour d'appel à déclaré ce qui suit :

[18]   Nous sommes d'accord avec l'intimé que, dans les circonstances de l'espèce, l'affaire devrait être renvoyée au même arbitre. [...] Il n'est question ni de partialité ni de crainte raisonnable de partialité en espèce. [...]

[7]    J'ai rejeté les observations présentées par l'avocat de M. Gale et j'ai demandé aux parties de présenter des observations écrites sur la question de fond, soulevée avec succès devant la Cour d'appel fédérale La présente décision porte sur cette question.

[8]    Le 14 mai 2004, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a soumis des observations écrites sur la question dont le texte complet a été versé au dossier de la Commission.

[9]    Le 21 mai 2004, l'avocat de l'employeur a soumis des observations écrites sur la question dont le texte complet a été versé au dossier de la Commission.

[10]    Le 30 juin 2004, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a soumis sa réponse aux observations de l'employeur, en déclarant, notamment, qu'à son avis, aucune autre réponse n'était nécessaire.

[11]    Le licenciement de M. Gale était fondé sur un acte présumé de harcèlement sexuel commis à l'endroit d'une collègue (agente de correction). Dans ma décision initiale, l'agente de correction était identifiée sous le nom de Mme X, à la demande de l'employeur. Cette pratique est maintenue dans la présente décision et, dans les extraits des observations écrites des parties, j'ai remplacé le nom de l'agente de correction par Mme X.

Observations du fonctionnaire s'estimant lésé

[12]    L'avocat écrit, au paragraphe 25, qu'au matin de l'incident qui a mené au renvoi de M. Gale, [traduction] « un incident grave nécessitant la maîtrise d'une détenue est survenu à 10 h 40 ce matin-là ».

[13]    Aux paragraphes 32 à 35 des observations écrites présentées au nom du fonctionnaire s'estimant lésé, l'avocat a écrit ce qui suit :

[Traduction]

  1. À la clôture de la preuve, M. Gale croyait que la preuve soumise à l'audience avait clairement démontré que tous les membres de l'unité (à l'exception de Mme X) étaient présents lors de l'incident survenu avec la détenue, et que le fait que Mme X n'ait pas été présente lors de l'incident équivalait à une confirmation de son absence de l'unité à ce moment. C'est à cette étape que la question a été soulevée à savoir si M. Gale disait la vérité; si tous les membres de l'unité avaient répondu, pourquoi L. Mardell n'avait-elle pas répondu, puisque l'horaire de travail indiquait qu'elle devait travailler ce quart également? Si elle travaillait à l'unité et qu'elle n'a pas répondu à l'appel non plus, alors la déclaration de M. Gale peut sérieusement être mise en doute? (il s'agit d'une paraphrase et non d'une citation directe).

  2. Par conséquent, le fait que L. Mardell travaillait ou non revêt une importance critique.

  3. La lettre soumise montre que L. Mardell ne travaillait pas. À vrai dire, Mme X a justement était appelée à remplacer L. Mardell lors de ce quart.

  4. La déclaration de M. Gale était fondée.

[14]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé explique également aux paragraphes 40 à 42 :

  1. En raison de l'omission de la preuve relative à L. Mardell, il est évident qu'une conclusion défavorable a été tirée à l'endroit de M. Gale, ce qui a miné sa crédibilité.

  2. Maintenant que vous détenez une lettre attestant que L. Mardell était absente de l'unité, il est clair que la déclaration de M. Gale, selon laquelle tous seraient arrivés en courant, était fondée et le fait que Mme X n'était pas présente rehausse la crédibilité de M. Gale et détruit la sienne.

  3. Par conséquent, nous soutenons respectueusement que la présentation et l'examen de cette preuve cruciale devraient mener à la modification de la conclusion antérieure.

[15]    L'avocat a ensuite énuméré aux paragraphes 43 à 48 ce qu'il a appelé dans ses observations d'[traduction] « autres points à considérer ». Il s'agissait d'un rappel d'autres éléments de preuve présentés à l'audience d'arbitrage ayant été examinés de manière exhaustive dans la décision initiale, supra.

[16]    L'avocat de M. Gale a également soulevé le fait que, selon la version des événements présentée par Mme X, M. Gale l'aurait harcelée sexuellement, entre 11 h 10 et 11 h 25, alors qu'elle se trouvait à l'étage 1. Mme X a affirmé qu'elle avait alors quitté pour le déjeuner et qu'elle était revenue à 12 h, heure à laquelle M. Gale l'avait laissée entrer dans l'unité. Mme X a déclaré que M. Gale avait alors fait un commentaire au sujet de l'acte présumé d'harcèlement sexuel survenu précédemment.

[17]    Au paragraphe 24 de ses observations écrites, l'avocat déclare ce qui suit :

[Traduction]

24.   L'ensemble de la preuve concorde pour dire que M. Gale a laissé Mme X entrer dans l'unité seulement une fois ce jour-là.

[18]    Ensuite, au paragraphe 27, l'avocat poursuit :

[Traduction]

27.   Selon M. Gale, aucun acte de harcèlement sexuellement s'est produit. Lorsqu'il a permis à Mme X d'entrer de nouveau dans l'unité, il était entre 10 h 40 et 11 h 00. À ce moment, il ne pourrait pas y avoir eu de commentaire au sujet du harcèlement sexuel survenu antérieurement puisque, conformément à la preuve même de l'employeur, l'acte ne serait pas encore survenu.

Observations de l'employeur

[19]    L'avocat de l'employeur a déclaré ce qui suit dans ses observations :

[Traduction]

Nous soutenons respectueusement que la seule question dont est saisi le tribunal porte sur le fait que L. Mardell travaillait dans une autre partie du pénitencier de la Saskatchewan, le 19 mai 1999, et qu'elle ne travaillait pas à l'unité des détenues sous responsabilité fédérale (UDSRF). Comme l'indique la Cour d'appel fédéral au paragraphe 19 :

C'est l'arbitre qui a soulevé la question exigeant l'obtention de la preuve en cause, et c'est lui qui est le mieux placé, après avoir examiné cette preuve, pour décider de son effet sur sa décision. Par conséquent, nous sommes d'avis de renvoyer l'affaire au même arbitre afin que celui-ci rende une nouvelle décision. L'arbitre devra tenir compte de l'information contenue dans la lettre de l'avocat de l'intimé [employeur] du 17 août 2001 concernant L. Mardell et donner aux parties la possibilité de présenter des observations quant à l'effet de cette information sur sa décision. (C'est moi qui souligne.)

[20]    L'employeur déclare aussi que :

[Traduction]

Les paragraphes 43 à 49 des observations du fonctionnaire s'estimant lésé reformulent des points soulevés antérieurement par celui-ci. [...]

[21]    Quant à la question de fond, l'avocat écrit ce qui suit :

[Traduction]

Il est important de souligner que l'employeur n'a pas estimé, lors de l'audience initiale, qu'une conclusion défavorable devait être tirée relativement aux allers et venues de L. Mardell, le 19 mai 1999.

La question de la présence ou de l'absence de L. Mardell est une échappatoire et n'a aucune pertinence. Mme X n'a pas fait de témoignage au sujet de la présence ou de l'absence de L. Mardell. Par conséquent, cette question ne pourrait avoir aucune incidence sur la crédibilité de son témoignage. La seule incidence théorique de cette question aurait pu être une atteinte à la crédibilité du fonctionnaire s'estimant lésé du fait qu'il aurait déclaré que tout le personnel disponible avait répondu à l'appel lors de l'incident avec la détenue, survenu le 19 mai, tout en omettant de mentionner L. Mardell.

Il n'est pas contesté que L. Mardell n'était pas à l' UDSRF, le 19 mai 1999. L'employeur n'a pas demandé au tribunal de tirer une conclusion défavorable à l'égard de la présence ou de l'absence de L. Mardell. La confirmation que L. Mardell était absente de l'UDSRF ne devrait avoir aucune incidence sur l'analyse.

Le fonctionnaire s'estimant lésé tente d'établir un lien entre la présence de L. Mardell et la crédibilité de Mme X et la sienne. Le raisonnement logique reliant la présence de L. Mardell à la crédibilité de ces deux témoins est fondé sur trois hypothèses :

  • Premièrement, le fonctionnaire s'estimant lésé prétend que la victime, Mme X a déclaré (paragraphes 23 et 29) : [traduction] « être demeurée à l'UDSRF pendant toute la matinée du 19 mai 1999 ». Elle dit avoir commencé son quart à 8 h et ne pas avoir quitté l'UDSRF avant 11 h 30 environ, heure prévue à l'horaire pour son repas du midi. Elle prétend avoir été harcelée sexuellement, alors qu'elle se trouvait à l'UDSRF (entre 8 h et 11 h 30).

  • Deuxièmement, (paragraphes 24, 27 et 29) [traduction] « l'ensemble de la preuve concorde pour dire que M. Gale a laissé Mme X entrer dans l'UDSRF seulement une seule fois pendant cette journée ».

  • Troisièmement, le fonctionnaire s'estimant lésé laisse entendre (paragraphe 30) que Mme X a déclaré se trouver dans l'UDSRF à 10 h 40, lorsque l'incident impliquant une détenue s'est produit.

Aucune de ces propositions n'a de lien avec la présence ou l'absence de L. Mardell dans l'UDSRF.

En outre, les trois propositions sont absolument inexactes! Mme X n'a jamais témoigné qu'elle n'avait pas quitté l'UDSRF avant 11 h 30 environ. Grant Gale n'a jamais déclaré avoir laissé entrer Mme X dans l'UDSRF une seule fois en ce 19 mai 1999. Mme X n'a jamais déclaré se trouver dans l'UDSRF à 10 h 40, lorsque l'incident impliquant une détenue est survenu.

Que ce soit lors de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire, Mme X n'a jamais été appelée à dire si elle était demeurée à l'UDSRF pendant toute la matinée, soit jusqu'à 11 h 30. Que ce soit lors de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a jamais été appelé à dire exactement combien de fois il a laissé entrer Mme X dans l'UDSRF, le jour en question. Que ce soit lors de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire, Mme X n'a jamais témoigné qu'elle se trouvait dans l'UDSRF à 10 h 40, lorsque l'incident impliquant une détenue est survenu.

Il n'existe pas de lien entre la présence de L. Mardell et la crédibilité des deux principaux témoins. La question entourant la présence de L. Mardell, le 19 mai 1999, n'est pas pertinente. L'employeur n'a jamais prétendu que la présence ou l'absence de L. Mardell avait une incidence sur la crédibilité du fonctionnaire s'estimant lésé. Le fait que L. Mardell n'ait pas été dans l'UDSRF ne devrait pas avoir d'incidence sur l'évaluation de la crédibilité du fonctionnaire s'estimant lésé. L'absence de L. Mardell le jour en question ne change pas la situation.

Décision

[22]    J'aimerais formuler une observation au sujet de l'un des motifs apparents justifiant la révision de ma décision initiale du 17 août 2001.

[23]    Comme mentionné au paragraphe 5 de la décision de la Cour d'appel fédérale, supra, j'ai " [...] demandé pourquoi une autre employée, L. Mardell, qui était sur la liste des employés travaillant ce jour-là, n'avait pas assisté à l'incident avec la détenue ".

[24]    Le paragraphe 6 de la décision de la Cour d'appel, supra, se lit comme suit :

[6]    Comme la question semblait préoccuper l'arbitre, l'avocat de l'appelant a demandé la réouverture de l'affaire afin de pouvoir présenter des éléments de preuve sur la question de savoir si L. Mardell travaillait à l'UDSRP ce jour-là. L'arbitre a ajourné la procédure pour permettre aux avocats d'obtenir la réponse à cette question. Après deux heures de vérification, l'avocat de l'intimé était toujours incapable de confirmer la présence de L. Mardell dans l'UDSRP ce jour-là. Il a fait savoir à l'arbitre que ce point ne pouvait pas être confirmé. Il a été convenu que l'arbitre ajournerait la procédure et attendrait cette confirmation. Il a été convenu également que l'avocat de l'intimé obtiendrait l'information et la transmettrait à l'avocat de l'appelant qui, à son tour, la communiquerait à l'arbitre. Aucun délai n'a été fixé pour le faire. (C'est moi qui souligne.)

[25]    Si on a affirmé à la Cour d'appel fédérale qu'aucun délai n'avait été fixé pour me confirmer si L. Mardell travaillait le jour en question, cela est tout simplement faux. Il serait malencontreux que la Cour d'appel fédérale se soit fondée sur ce motif, entre autres, pour ordonner le réexamen.

[26]    Dans l'affaire qui nous intéresse, à la clôture de l'audience (12 juillet 2001), la seule question non réglée avait trait à la réponse à ma question, à savoir si L. Mardell travaillait ce jour-là. Les parties m'ont affirmé que, si les renseignements étaient disponibles, il serait possible de les obtenir en quelques semaines. Par conséquent, comme mentionné au paragraphe 6 de la Cour fédérale, Section de première instance, dans les motifs de l'ordonnance, supra :

[...] Il a donc été convenu que les avocats présenterait cette information conjointement à l'arbitre dans les quelques semaines à venir. On s'est entendu sur le processus suivant : l'avocat du défendeur enverrait l'information à l'avocat du demandeur, qui l'acheminerait ensuite à l'arbitre.

[27]    Cependant, l'avocat de l'employeur a admis, lors de l'audience d'arbitrage, que L. Mardell ne se trouvait pas dans l'UDSRF le jour en question. Comme mentionné au paragraphe 15 de la décision de la Cour fédérale, Section de première instance, supra :

[...] l'avocat du défendeur a admis, à la fin de l'audience, qu'il n'avait aucun problème à admettre que L. Mardell ne travaillait pas à l'UDSRP, mais était dans le pénitencier principal, comme l'avait affirmé le demandeur sous serment.

[28]    Après avoir attendu plus que " quelques semaines ", à la suite de l'issue de l'audience le 12 juillet, et en l'absence de nouvelles de l'une ou l'autre des parties quant à la communication des renseignements, j'ai rendu une décision sur la question importante du licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé, le 17 août 2001. Par coïncidence, il s'agit de la date même où l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a reçu les renseignements de l'avocat de l'employeur, à savoir que L. Mardell ne travaillait pas à l'unité le jour en question.

[29]    Ce qui devait m'être présenté par écrit, si l'information était disponible, était la confirmation que la déclaration de M. Gale au sujet de L. Mardell était exacte. L'employeur avait déjà accepté ce point à la clôture de l'audience! L'ironie réside dans le fait que la lettre n'aurait une incidence que dans la mesure où le témoignage de M. Gale était contesté. L'employeur avait déjà accepté ce point à la clôture de l'audience.

[30]    Le fait que L. Mardell ait travaillé ce jour-là ou non, n'a pas pesé dans la décision initiale de maintenir le licenciement. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé soutient qu'il s'agit d'un élément crucial pour rehausser la crédibilité du fonctionnaire s'estimant lésé. L'avocat de l'employeur prétend qu'il s'agit d'une échappatoire.

[31]    Lors de l'audience initiale, je devais essentiellement établir si l'incident de harcèlement sexuel s'était bel et bien produit. Comme je l'ai mentionné au paragraphe 2 de ma décision initiale, supra :

[...] Les parties étaient du même avis quant à la question de la sanction, à savoir que le résultat devrait être soit le rejet du grief (au cas où l'allégation serait prouvée) ou soit la pleine réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé dans ses fonctions (au cas où l'allégation ne serait pas prouvée).

[32]    L'affaire reposait essentiellement sur les dires de l'un et les dires de l'autre. Mme X disait que l'incident avait eu lieu, alors que M. Gale le niait. Personne n'a été témoin de la scène entre les deux parties.

[33]    J'ai étudié l'ensemble de la preuve et j'ai conclu que je préférais le témoignage de Mme X à celui de M. Gale quant à l'incident présumé. Le licenciement a été maintenu.

[34]    Maintenant, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé affirme que, comme l'employeur a admis que L. Mardell ne devait pas, selon son horaire, se rendre à l'unité, le 19 mai 1999, alors L. Mardell ne pouvait donc pas répondre lors de l'incident avec la détenue, ce qui concorde avec le témoignage de M. Gale. L'avocat a fait valoir, au paragraphe 35 de son observation écrite, que la déclaration de M. Gale était fondée.

[35]    Dans ma décision initiale, je n'ai pas affirmé que l'on ne devait pas croire tous les propos de M. Gale. J'ai analysé les événements entourant l'incident présumé, ainsi que les souvenirs d'autres employés qui, bien qu'ils n'aient pas été témoins de l'incident, ont observé Mme X et lui ont parlé peu de temps après.

[36]    Comme je l'ai mentionné dans ma décision initiale (paragraphes 132 et 133) :

[132]    Les cas portant sur de sérieuses allégations sans autres témoins que les personnes directement concernées sont parmi les plus difficiles à trancher pour les arbitres. Des questions de crédibilité se posent souvent, et les arbitres se reportent souvent à la décision rendue par le juge O'Halloran, de la cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'affaire Faryna c. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354, qui est éclairante en l'espèce.

[133]    À la page 356 de sa décision, le juge O'Halloran dit ce qui suit :

[Traduction]

Si la conclusion du juge de première instance à propos de la crédibilité doit tenir uniquement à la question de savoir qui, à son avis, donne l'impression d'être le plus sincère à la barre des témoins, sa conclusion sera purement arbitraire et l'administration de la justice se fera en fonction des déclarations des personnes qui se sont révélées les meilleurs acteurs à la barre des témoins.

[37]    Mme X a témoigné à l'effet que M. Gale l'avait harcelée sexuellement à l'étage 1 de l'unité de travail, entre le moment de son arrivée, à 11 h 10, et 11 h 25, le 19 mai 1999. M. Gale a déclaré qu'il n'était pas à l'étage 1 à ce moment. Au paragraphe 139 de ma décision, supra, j'écris :

M. Gale déclare qu'il se trouvait à l'étage II, en train de dactylographier sa Déclaration à 11 h 00, et que cela lui a pris environ 45 minutes. [...]

[38]    La preuve présentée lors de l'audience démontrait qu'on avait demandé à Mme X de se rendre à l'étage 1 afin de remplacer une agente de correction, Mme Wilson-Demuth, qui menait une entrevue avec une détenue. Les parties n'ont pas contesté le fait que, selon la politique de l'employeur, un membre du personnel de sexe masculin ne peut pas demeurer seul en poste dans cette unité de travail.

[39]    Le registre indique que Mme Wilson-Demuth a commencé son entrevue avec la détenue à 11 h 10 et, quand Mme X est arrivée à l'étage I, elle a regardé dans la salle d'entrevue et a vu Mme Wilson-Demuth avec la détenue. Comme mentionné au paragraphe 138 de ma décision :

[...] Cela n'a pas été réfuté en contre-interrogatoire. [...]

[40]    Mme X soutient que l'incident s'est produit entre 11 h 10 et 11 h 25. M. Gale prétend qu'il n'était pas là à ce moment. Au paragraphe 140 de ma décision, supra, j'écris :

De ces deux versions, je préfère le témoignage de Mme X. [...]

[41]    Est-ce que le fait que L. Mardell n'ait pas travaillé à l'UDSRF, le 19 mai 1999, a influé sur ma conclusion? Absolument pas. Ma conclusion était fondée sur la preuve directe entourant les allers et venues présumés de Mme X et de M. Gale. J'estime que la présence ou l'absence de L. Mardell n'est pas pertinente.

[42]    De même, j'estime que le fait que L. Mardell ait travaillé ou non ce jour-là ne teinte nullement l'ensemble de la preuve dont j'ai tenu compte dans ma décision et qui est survenue après l'acte présumé de harcèlement sexuel.

[43]    L'avocat de l'employeur a déclaré que :

[Traduction]

La présence ou l'absence de L. Mardell constitue une échappatoire et n'a aucune pertinence.

[44]    Je suis d'accord. À mon avis, le fait que L. Mardell ait travaillé ou non le jour en question ne change rien.

[45]    Je ferai également des observations concernant un autre point soulevé au paragraphe 24 des observations écrites de l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé :

[Traduction]

L'ensemble de la preuve concorde pour dire que M. Gale a laissé Mme X entrer dans l'unité seulement une fois ce jour-là.

[46]    Plus loin au paragraphe 29, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé écrit :

[Traduction]

[...] le témoignage de M. Gale [...] [était] qu'elle avait quitté à 11 h 30 et qu'une personne autre que M. Gale lui aurait permis d'entrer de nouveau à midi.

[47]    L'avocat de l'employeur a fait valoir que cette proposition était absolument inexacte. Je suis entièrement d'accord.

[48]    Il ne fait aucun doute que M. Gale a admis Mme X dans l'unité de travail pour la première fois autour de 11 h 00. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé prétend que c'est la seule fois que M. Gale a laissé Mme X entrer à l'unité. Au cours du long contre-interrogatoire de Mme X, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé ne l'a jamais avisé que sa version des événements survenus une fois qu'elle était entrée à l'étage 1, vers midi, après son déjeuner, divergeait du témoignage que ferait M. Gale. Il aurait dû lui donner un tel avis, conformément aux principes énoncés dans Browne c. Dunn, [1893] 6 R 67 (H.L.). Lors des procédures initiales, il n'a en aucun moment été question que M. Gale avait fait entrer Mme X une seule fois. Après avoir entendu et examiné la preuve, il ne subsiste aucun doute dans mon esprit que M. Gale a effectivement laissé entrer Mme X à l'unité de travail de l'étage 1 deux fois ce jour-là. Au paragraphe 88 de ma décision initiale, supra, j'ai écris :

Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait d'avoir fait rentrer Mme X à l'unité, après le déjeuner, et lui avoir demandé si elle avait aimé cela, M. Gale a répondu qu'il ne se souvenait pas précisément de cela, mais que cela avait pu se produire.

[49]    Lors de l'audience d'arbitrage, Mme X a déclaré qu'après son déjeuner elle était retournée à l'UDSRF et, comme indiqué au paragraphe 24, « [...] elle a sonné à la porte et le fonctionnaire s'estimant lésé est venu ouvrir la porte; Mme X a témoigné qu'il lui a alors dit :[traduction] Alors, comment c'était? »

[50]    Au paragraphe 148 de ma décision, supra, j'ai écris :

Pensant que M. Gale faisait allusion à son déjeuner, Mme X a répondu : « pas mal ». Cela n'a pas été contesté.

[51]    Mme X a répondu à une question de M. Gale à son retour du déjeuner. Je persiste à croire que M. Gale a laissé entrer Mme X et qu'il lui a parlé. L'affirmation suivante contenue dans les observations soumises par l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé (paragraphe 24), le 14 mai 2004, est tout simplement inexacte :

L'ensemble de la preuve concorde pour dire que M. Gale a laissé Mme X entrer dans l'unité seulement une fois ce jour-là.

[52]    En résumé, la question de savoir si L. Mardell travaillait à l'UDSRF le jour en question, n'a aucunement influencé et n'influence toujours pas ma décision dans cette affaire.

[53]    Le fait est que la lettre que l'avocat de l'employeur a envoyé le 17 août 2001 à l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé confirme simplement ce que l'employeur avait admis lors de l'audience. Le fait que L. Mardell travaillait ou non à l'UDSRF n'avait aucun poids dans la balance. Les autres éléments de preuve cités dans ma décision initiale, supra, m'ont permis de conclure que, selon toute probabilité, M. Gale avait harcelé sexuellement Mme X.

[54]    Finalement, seules deux personnes savent, de manière absolue, si les événements exposés par Mme X se sont vraiment déroulés. À titre de juge des faits, après avoir pesé avec soin tous les éléments de preuve, y compris la lettre du 17 août 2001, confirmant l'absence de L. Mardell le 19 mai 1999 à l'UDSRF, je demeure convaincu que M. Gale a bel et bien commis l'acte de harcèlement sexuel qu'a dénoncé Mme X. Par conséquent, je ne vois aucune raison d'annuler ma décision, et le licenciement de M. Gale est maintenu.

Joseph W. Potter,
président suppléant

OTTAWA, le 16 juillet 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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