Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Niveau de rémunération - Application de rajustements d'équité salariale - Compétence - le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé un nouveau calcul de son traitement relativement à sa promotion du groupe et niveau CR-04 au groupe et niveau CS-01 le 10 septembre 1990, sur le fondement d'une ordonnance sur consentement qui a été rendue le 16 novembre 1999, avec un effet rétroactif à l'égard des employés faisant partie du groupe Commis aux écritures et aux règlements - la preuve a permis d'établir que l'ordonnance sur consentement prévoyait que " en ce qui concerne . les promotions, une somme forfaitaire correspondant à 5 p. 100 du rajustement de parité salariale globale couvrira la période rétroactive allant du 8 mars 1985 au 31 mars 1994 " - l'arbitre a conclu que cela n'avait pas pour effet de modifier la convention collective applicable au fonctionnaire s'estimant lésé - l'arbitre a donc conclu qu'il n'était pas compétent pour trancher l'affaire en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Grief rejeté. Décision citée : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), [2002] A.C.F. no 1584.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-02-27
  • Dossier:  166-34-31028
  • Référence:  2003 CRTFP 17

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

STÉPHANE NADEAU
fonctionnaire s'estimant lésé

et

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant :   Joseph W. Potter, vice-président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Norm Wickstrom, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Richard Fader, avocat


Affaire tranchée sans audience


[1]   Cette décision porte sur un grief déposé par Stéphane Nadeau le 2 mars 2001. M. Nadeau est membre du groupe Systèmes d'ordinateur; au moment où il a déposé son grief, il était CS-03 par intérim.

[2]   M. Nadeau déclare que, lorsqu'il a été promu de CR-04 à CS-01, le 10 septembre 1990, la méthode de calcul employée pour déterminer son taux de rémunération comme CS-01 n'était pas la bonne. Selon lui, ce calcul incorrect est imputable à des ajustements d'équité salariale établis conformément à des décisions du Tribunal canadien des droits de la personne.

[3]   L'employeur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a informé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission), après que le grief eut été renvoyé à l'arbitrage, dans une lettre datée du 11 février 2002, que cette affaire ne pouvait pas être renvoyée à la Commission notamment parce que :
[Traduction]

L'équité salariale est une question qui relève de la Commission canadienne des droits de la personne.

[4]   L'agent négociateur - l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a répondu à cela le 26 février 2002, dans une lettre qui se lit en partie comme il suit :
[Traduction]   

Pour commencer par les questions précises que M. Tremblay a soulevées, et bien que l'équité salariale elle-même relève effectivement de la Commission canadienne des droits de la personne, l'intervention de cette Commission a entraîné une modification des taux de rémunération établis dans les conventions collectives visées, et les interprétations relatives à l'administration de ces conventions collectives, elles, relèvent de la CRTFP.

Ensuite, et comme M. Tremblay le souligne à juste titre, Stéphane Nadeau a cessé d'être membre de l'Alliance de la Fonction publique du Canada quand il a été promu, le 10 septembre 1990, et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada n'a pas signé l'entente à laquelle M. Tremblay fait allusion, de sorte que j'estime que cela n'exclut pas Stéphane Nadeau de la possibilité d'avoir un recours dans le contexte du redressement prescrit par la CCDP, particulièrement puisque ce redressement modifie des conventions collectives.

[5]   Le 22 mars 2002, la Commission a écrit aux parties pour les informer qu'elle trancherait l'affaire en se fondant sur leurs observations écrites. L'IPFPC lui a présenté ses arguments écrits le 22 avril 2002, puis lui a fait parvenir d'autres arguments encore le 12 juin 2002, après avoir reçu des commentaires additionnels de la Commission le 17 mai 2002. L'employeur a répondu le 9 juillet 2002 et l'IPFPC a répliqué à ces observations de l'employeur le 24 juillet 2002. Toutes ces observations ont été versées au dossier de la Commission.

[6]   Pendant que les parties préparaient ces observations écrites, le président de la Commission a rendu une décision dans une autre affaire de renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Cette décision portait sur l'allégation suivante de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), qu'on peut lire au paragraphe 6 de la décision 2001 CRTFP 81, 169-2-628) :
   L'Alliance soutient maintenant que tous les avantages sociaux, avantages indirects et indemnités prévus dans les diverses conventions collectives pertinentes pour les groupes plaignants et qui étaient liés aux taux de rémunération jugés discriminatoires par le Tribunal doivent maintenant être rajustés au cas par cas pour toute la période rétroactive, à moins d'entente contraire par les parties. Cela exigerait de l'employeur qu'il ressorte ses registres et dossiers de paye pour recalculer tous les versements d'avantages effectués antérieurement en fonction des taux de rémunération aujourd'hui considérés comme discriminatoires.

[7]   Dans cette affaire-là, l'employeur avait déclaré que la Commission n'avait pas compétence puisque c'était une décision du Tribunal canadien des droits de la personne qui devait trancher les questions d'équité salariale.

[8]   Au paragraphe 26 de sa décision, le président Tarte a écrit ce qui suit :
[26]    L'imprécision de la formulation utilisée dans l'ordonnance sur consentement peut donner lieu à des vues et interprétations différentes. Je ne crois pas que la Commission devrait tenter de corriger l'ambiguïté contenue dans l'ordonnance du Tribunal. À moins que les parties ne s'entendent sur cette question, l'affaire doit être renvoyée à la Cour fédérale et, à terme, au Tribunal.

[9]   L'AFPC a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision à la Cour d'appel fédérale. Après avoir entendu la demande, le juge Sexton l'a rejetée dans son arrêt du 13 novembre 2002 (2002 CAF 447), où il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 13 et 14 :
[13]   Pour avoir gain de cause, il incombait à la demanderesse, avant que naisse une obligation selon la convention collective, de convaincre le président Tarte que l'ordonnance par consentement donnait effet à un accord selon lequel les avantages et indemnités précisés devaient être payés. À notre avis, le président Tarte était parfaitement fondé à dire que l'ordonnance par consentement était imprécise sur ce point et que par conséquent l'existence de la présumée obligation n'avait pas été établie.

[14]   Nous reconnaissons qu'il est loin d'être évident que le protocole d'accord et l'ordonnance par consentement donnent lieu à une telle obligation, et cela suffisait pour autoriser le président Tarte à tirer les conclusions qu'il a tirées.

[10]   Le 30 décembre 2002, la Commission a écrit aux parties pour leur demander des commentaires sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans la mesure où il est applicable au renvoi en l'espèce. L'employeur lui a fait tenir ses observations écrites le 13 janvier 2003, suivi de l'IPFPC le 15 janvier 2003. L'employeur a présenté sa réfutation des observations de l'IPFPC le 24 janvier 2003, et l'IPFPC a fait de même à son endroit le même jour. Toutes les observations écrites dans ce contexte ont été versées au dossier de la Commission.

[11]   M. Nadeau allègue que, lorsqu'il a été promu de CR-04 à CS-01, le 10 septembre 1990, le traitement qu'il a touché au moment de sa promotion était basé sur celui qu'il touchait à l'époque comme CR-04. Son traitement annuel s'élevait à 25 881 $, mais il a aussi touché 994 $ en tant que paiement provisoire d'équité salariale (voir le deuxième paragraphe de la lettre du 22 avril 2002 de l'IPFPC). Comme on peut le lire au paragraphe 6 des observations du 22 avril 2002 de l'IPFPC, le 29 juillet 1998, le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) avait rendu une décision dans l'affaire du Tribunal canadien des droits de la personne entre l'Alliance de la fonction publique du Canada, plaignante, la Commission canadienne des droits de la personne, Commission, et le Conseil du Trésor, intimé, décision du Tribunal - Phase II; c'est la décision T.D. 7/98, où le Tribunal a rendu une ordonnance de rajustement salarial pour les groupes plaignants, dont le groupe CR.

[12]   Cette décision du Tribunal a eu pour effet de faire verser un autre paiement d'équité salariale de 2 411 $ aux CR-04 rétroactivement à la période pendant laquelle M. Nadeau était CR-04. M. Nadeau estime donc qu'il faudrait tenir compte maintenant de ce paiement supplémentaire et recalculer son taux de rémunération comme CS-01 en fonction d'un traitement annuel de 25 881 $, plus un rajustement d'équité salariale de 994 $ ainsi qu'un autre rajustement d'équité salariale, de 2 411 $ celui-là. Selon lui, chaque fois qu'il passera à un autre poste, son traitement devra être calculé en fonction du taux rajusté de cette façon.

[13]   Le 16 novembre 1999, le Tribunal a rendu une ordonnance sur consentement (onglet 4 des observations écrites du 9 juillet 2002 de l'employeur). Cette ordonnance sur consentement incluait une entente conclue entre l'Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor en tant que règlement final de toutes les questions restant en litige quant à la première plainte d'équité salariale et à celles qui avaient suivi; elle a été déposée à la Cour fédérale du Canada, conformément à l'article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

[14]   Le paragraphe 9.5 de l'ordonnance sur consentement se lit comme il suit :
Heures supplémentaires, nominations et affectations intérimaires et promotions

9.5 Les parties conviennent qu'en ce qui concerne les heures supplémentaires, les nominations et les affectations intérimaires ainsi que les promotions, une somme forfaitaire correspondant à 5 p. 100 du rajustement de parité salariale globale couvrira la période rétroactive allant du 8 mars 1985 au 31 mars 1994. En ce qui a trait à la période allant du 1 [sic]   avril 1994 au 29 juillet 1998, les sommes en question seront calculées en fonction de chaque situation.

[15]   Dans ces observations écrites, l'IPFPC a déclaré qu'elle n'avait pas signé l'ordonnance sur consentement, mais que M. Nadeau ne devrait pas être privé de tout recours prévu par cette ordonnance.

[16]   Pour sa part, l'employeur est d'avis que l'ordonnance sur consentement s'applique bel et bien dans la présente situation et que, comme il l'a déclaré dans ses observations du 9 juillet 2002 :
[Traduction]

  1. L'article 92 de la LRTFP ne donne pas aux arbitres la compétence d'interpréter et d'appliquer les ordonnances sur consentement du Tribunal puisqu'elles ne font pas partie d'une convention collective. Dans cette affaire, l'ordonnance sur consentement a été déposée à la Cour fédérale et elle est entièrement applicable en tant qu'ordonnance de la Cour. Par conséquent, la plainte du plaignant devrait avoir été présentée soit à la Cour fédérale, soit au Tribunal.

    Ordonnance sur consentement, dossier du tribunal no T257/2590, reçue et enregistrée à la Cour fédérale du Canada en vertu de l'article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le 10 décembre 1999, à l'onglet 3.

Motifs de la décision

[17]   Je conclus que je dois souscrire au déclinatoire de compétence de l'employeur. Dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, le juge Sexton a écrit ce qui suit au paragraphe 13, supra :
Pour avoir gain de cause, il incombait à la demanderesse, avant que naisse une obligation selon la convention collective, de convaincre le président Tarte que l'ordonnance par consentement donnait effet à un accord selon lequel les avantages et indemnités précisés devaient être payés.

[18]   En l'espèce, pour la période à l'égard de laquelle M. Nadeau réclame un nouveau calcul de son traitement, le paragraphe 9.5 de l'ordonnance sur consentement prévoyait « [...] une somme forfaitaire correspondant à 5 p. 100 du rajustement de parité salariale globale ». Cela ne modifie pas la convention collective applicable au fonctionnaire s'estimant lésé. Je conclus donc que je n'ai pas compétence pour trancher cette affaire en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[19]   Enfin, je tiens à faire le commentaire suivant en passant. L'employeur a déclaré que M. Nadeau avait le droit de toucher une somme forfaitaire de 5 p. 100 plutôt que de bénéficier d'un nouveau calcul du taux de rémunération au moment de sa promotion. Dans la lettre datée du 24 janvier 2003 qu'il a adressée à la Commission, l'IPFPC déclare ce qui suit :
[Traduction]

5. Contrairement à ce que prétend l'avocat du Conseil du Trésor, l'ordonnance sur consentement ne s'applique qu'aux promotions des fonctionnaires encore membres des groupes visés. Contrairement à ce que l'avocat du Conseil du Trésor prétend, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas touché une somme forfaitaire de 5 p. 100 tenant lieu de nouveau calcul de son taux de rémunération au moment de sa promotion du groupe CR au groupe CS.

[20]   À mon avis, ce problème semble relativement simple à résoudre. Le fonctionnaire s'estimant lésé a touché la somme forfaitaire ou ne l'a pas touchée. J'aimerais encourager les parties à se rencontrer directement pour tenter de résoudre le problème et je voudrais leur offrir les services de notre bureau de médiation, si nécessaire.

[21]   Sur la foi de ce qui précède, je conclus que je n'ai pas compétence pour trancher cette affaire. Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 27 février 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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