Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sanction pécuniaire - Utilisation abusive du réseau électronique - Pornographie - Agents correctionnels - Charte canadienne des droits et libertés - un des cinq griefs a été réglé - à la suite de la réception d'une plainte suivant laquelle un employé de l'établissement Kent utilisait son compte de courrier électronique pour envoyer des images offensantes, l'employeur a mené une enquête sur l'utilisation du réseau électronique par ses employés - par suite de cette enquête, 54 employés ont fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir adopté un comportement jugé inacceptable relativement à l'utilisation du système de courrier électronique - l'employeur a imposé une sanction pécuniaire aux quatre fonctionnaires s'estimant lésés concernés pour avoir utilisé le réseau électronique de l'employeur pour envoyer et recevoir des documents inappropriés, y compris des documents de nature sexuelle - la preuve a permis d'établir que la politique de l'employeur qui a pour effet d'interdire l'utilisation de son réseau électronique pour transmettre et recevoir de tels documents avait été communiquée aux employés bien avant les incidents en question et à plus d'une occasion - de plus, un avertissement à cet effet était affiché sur l'écran d'ordinateur chaque fois qu'un employé ouvrait une session - l'arbitre a conclu que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient utilisé le réseau électronique de l'employeur pour mener des activités qui étaient contraires à la politique de l'employeur et qui risquaient de jeter le discrédit sur l'employeur - les fonctionnaires s'estimant lésés se sont servis de leurs comptes de courrier électronique pour envoyer et recevoir des messages essentiellement axés sur la pornographie, sur la nudité et sur la vulgarité - les images en question rabaissaient les femmes en les représentant comme des objets sexuels - même si les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas été au courant de la politique de l'employeur, ils devaient faire preuve de bon sens - les fonctionnaires s'estimant lésés savaient ou auraient dû savoir qu'il n'était pas approprié de se servir du système de l'employeur pour communiquer des images ou des textes sexuellement explicites - les fonctionnaires s'estimant lésés ont invoqué l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, en maintenant que les actions de l'employeur portaient atteinte à leur droit à la vie privée - l'arbitre a conclu qu'on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que des communications par courrier électronique soient privées - de plus, les activités auxquelles les fonctionnaires s'estimant lésés s'étaient livrés n'étaient pas socialement acceptables et elles étaient incompatibles avec leurs postes d'agent de correction - les pénalités imposées aux fonctionnaires s'estimant lésés étaient raisonnables dans les circonstances. Griefs rejetés. Décisions citées : Canadian Airlines International Ltd and Canadian Airline Pilots Association (1988), 35 L.A.C. (3d) 66; Consumers Gas c. Communications, Energy and Paperworkers Union, (inédit), 5 août 1999; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; R c. M.R.M., [1998] 3 R.C.S. 393; Smyth c. Pillsbury Co., 914 F. Supp. 97 (E.D. Pa. 1996); Re Iron Ore of Canada and U.S.W.A. Local 5795 (1975), 11 L.A.C. (2d) 16.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-01-20
  • Dossiers:  166-2-31092 à 31096
  • Référence:  2003 CRTFP 3

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JAMES BRIAR, JOSEPH HENNEBERRY, ROOP AUJLA,
ROBERT GARRETT ET JASON FINLAY
fonctionnaires s'estimant lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)
employeur

Devant:   Colin Taylor, c.r., commissaire

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésés
:  
Daniel Feist

Pour l'employeur:  Richard E. Fader


Affaire entendue à Abbotsford (C.-B.),
du 19 au 21 novembre 2002.


[1]      Les griefs entendus dans cette affaire ont été déposés par James Briar, Joseph Henneberry, Roop Aujla et Robert Garrett. Durant toute la période pertinente, ils étaient agents de correction à l'établissement Kent, situé à Agassiz, en Colombie-Britannique. Jason Finlay avait déposé un cinquième grief, qui a été réglé avant l'audience.

[2]      Tous les griefs ont été déposés en juin 2001, pour contester :

[Traduction]

. les sanctions disciplinaires qui m'ont été imposées le 9 juin 2001 [le 7 juin, dans le cas de M. Henneberry]. Ces mesures disciplinaires découlaient de mon utilisation qualifiée d'abusive du système de courrier électronique de SCC.

[3]      Dans tous les cas, les lettres disciplinaires étaient datées du 9 juin 2001 et signées par Paul T.L. Urmson, le directeur de l'établissement Kent.

[4]      Les deux premiers paragraphes des lettres disciplinaires sont identiques et se lisent comme il suit :

[Traduction]

Je viens de terminer un examen complet de l'enquête sur votre utilisation inappropriée du réseau du SCC. J'ai tenu compte de vos observations à l'entrevue disciplinaire du 10 mai 2001 (le 7 mai, dans le cas de M. Henneberry].

Je considère la question comme une grave infraction au Code de discipline du Service correctionnel du Canada, et plus particulièrement au paragraphe 7 de la Norme Un, qui prévoit que commet une faute grave quiconque ne se conforme pas à une loi, à une directive du Commissaire, à un ordre permanent ou à toute autre directive applicable, ou qui ne les applique pas dans la mesure où ses fonctions sont visées, ainsi qu'à la Norme Deux, qui prévoit, elle, que commet une faute quiconque agit, dans l'exercice de ses fonctions ou non, d'une façon susceptible de discréditer le Service. Les constatations de l'enquête m'ont amené à la conclusion que vous ne vous êtes pas conformé à la Directive 226 du Commissaire, Utilisation des réseaux électroniques. Les communications qui figuraient dans votre système ont congestionné et perturbé les réseaux et les systèmes, ce qui contrevient à l'Annexe B de la DC 226, et elles étaient essentiellement axées sur la pornographie, sur la nudité et sur les actes sexuels, ce qui constitue une infraction à l'Annexe C de la DC 226.

[5]      Dans le cas de M. Briar, le reste de la lettre disciplinaire se lit ainsi :

[Traduction]

Pour arriver à ma décision, j'ai tenu compte du fait que vous n'avez pas de sanction disciplinaire à votre dossier, de votre admission de responsabilité et de votre rendement. Toutefois, j'ai tenu compte aussi du fait que vous n'aviez pas informé votre superviseur de vos actes.

Par conséquent, j'ai conclu que votre inconduite justifie une peine pécuniaire de 928,68 $, soit l'équivalent de six (6) jours de salaire. Cette sanction est aussi un avertissement : si votre inconduite se répète, vous écoperez des sanctions plus lourdes.

Une copie de la présente lettre sera versée à votre dossier personnel.

[6]      Dans le cas de M. Henneberry, le reste de la lettre disciplinaire se lit comme il suit :

[Traduction]

Pour arriver à ma décision, j'ai tenu compte du fait que vous n'aviez pas de sanction disciplinaire à votre dossier ainsi que de votre rendement.

Toutefois, j'ai aussi tenu compte du fait que vous n'aviez pas informé votre superviseur de vos actes et que vous n'avez pas accepté d'assumer votre responsabilité à cet égard.

Par conséquent, j'ai conclu que votre inconduite justifie une peine pécuniaire de 1 425,76 $, soit l'équivalent de sept (7) jours de salaire. Cette sanction est aussi un avertissement : si votre inconduite se répète, vous écoperez des sanctions disciplinaires plus lourdes.

Une copie de la présente lettre sera versée à votre dossier personnel.

[7]      Dans le cas de M. Aujla, le reste de la lettre disciplinaire se lit ainsi :

[Traduction]

Pour arriver à ma décision, j'ai tenu compte du fait que vous n'aviez pas de sanction disciplinaire à votre dossier, de votre admission de responsabilité ainsi que de votre rendement, de même que du fait que vous aviez déclaré penser que votre participation à ces actes vous aiderait à vous faire accepter à Kent. Toutefois, j'ai aussi tenu compte du fait que vous n'aviez pas informé votre superviseur de vos actes.

Par conséquent, j'ai conclu que votre inconduite justifie une sanction pécuniaire de 1 011,15 $, soit l'équivalent de sept (7) jours de traitement. Cette sanction est aussi un avertissement : si votre inconduite se répète, vous écoperez des sanctions plus lourdes.

Une copie de la présente lettre sera versée à votre dossier personnel.

[8]      Enfin, la lettre disciplinaire de M. Garrett se termine de la façon suivante :

[Traduction]

Pour arriver à ma décision, j'ai tenu compte du fait que vous n'avez pas de sanction disciplinaire à votre dossier ainsi que de votre rendement.

Toutefois, j'ai aussi tenu compte du fait que vous n'avez pas informé votre superviseur de vos actes et que vous n'acceptez pas d'en assumer la responsabilité.

Par conséquent, j'ai conclu que votre inconduite justifie une sanction pécuniaire de 773,90 $, soit l'équivalent de cinq (5) jours de salaire. Cette sanction est aussi un avertissement : si votre inconduite se répète, vous écoperez des sanctions plus lourdes.

Une copie de la présente lettre sera versée à votre dossier personnel.

II

[9]      Après avoir analysé la preuve, je suis arrivé aux constatations suivantes :

1.      L'établissement Kent est un établissement à sécurité maximale qui abrite environ 265 détenus, avec un effectif d'à peu près 320 fonctionnaires.

2.      Durant toute la période pertinente, les fonctionnaires s'estimant lésés travaillaient comme agents de correction à l'établissement Kent.

3.      Le Service correctionnel du Canada (SCC) a son propre réseau électronique. Le personnel de l'établissement Kent fait partie des utilisateurs autorisés à s'en servir. Chacun des membres du personnel a son propre compte du courrier électronique sur le réseau du SCC; il y a accès avec son propre mot de passe.

4.      L'utilisation autorisée du réseau du SCC comprend notamment la création et l'envoi de messages par le courrier électronique.

5.      Le 16 septembre 1999, le sous-commissaire adjoint aux Opérations correctionnelles a envoyé à la haute direction de la Région du Pacifique un avis l'informant que le personnel de chaque établissement devait être averti qu'envoyer ou acheminer des courriels inappropriés constituait un comportement inacceptable et pouvait entraîner des sanctions disciplinaires. Tous les cadres supérieurs ont confirmé que le personnel de leurs établissements respectifs avait été informé qu'envoyer et recevoir des messages inappropriés n'était pas acceptable et pouvait entraîner des sanctions disciplinaires.

6.      Entre le 16 septembre 1999 et le 16 juin 2000, le SCC a émis cinq directives sur l'utilisation autorisée de son réseau électronique, en interdisant expressément son utilisation pour des activités qualifiées d'« illégales ou inacceptables ».

7.      La Politique d'utilisation des réseaux électroniques du Conseil du Trésor entrée en vigueur le 12 février 1998 et diffusée électroniquement le 6 janvier 2000 prévoit notamment ce qui suit :

Le Conseil du Trésor a pour politique de permettre aux personnes autorisées d'utiliser les réseaux électroniques pour mener les affaires de l'État, pour communiquer avec des fonctionnaires et avec le public, pour recueillir des renseignements pertinents à leurs fonctions et pour maîtriser les techniques d'utilisation de ces réseaux. Les administrateurs généraux sont tenus de promouvoir l'utilisation des réseaux électroniques dans un milieu de travail où les activités inacceptables ou illégales ne sont pas tolérées. Ils sont également tenus de réagir rapidement, équitablement et sans équivoque à toute infraction de la politique ou de la loi.

        Les activités inacceptables comprennent notamment le         fait de :

  • Congestionner et perturber les réseaux et les systèmes, notamment en envoyant des chaînes de lettres et en recevant du courrier électronique de serveurs de listes pour d'autres fins que le travail. Ce ne sont là que deux exemples d'utilisation abusive des ressources à des fins personnelles (Politique gouvernementale de sécurité).
  • Envoyer des messages abusifs, sexistes ou racistes à des fonctionnaires ainsi qu'à d'autres personnes (Harcèlement en milieu de travail)
  • 8.      L'Annexe C de cette Politique stipule notamment que :

    . il est interdit aux personnes autorisées de se livrer aux activités illégales ou inacceptables énumérées aux annexes A et B. Le faire les rend passibles de mesures disciplinaires, voire peut-être d'une révocation de leurs privilèges d'accès aux réseaux électroniques. Il est en outre interdit aux personnes autorisées d'utiliser les réseaux électroniques de l'État pour visiter des sites Web, pour consulter ou télécharger des fichiers du WWW, ou encore pour envoyer ou recevoir du courrier électronique ou d'autres types de communications s'inscrivant dans les catégories suivantes :

    [...]

  • communications essentiellement axées sur la pornographie, sur la nudité et sur les actes sexuels (les personnes autorisées peuvent néanmoins avoir accès à des renseignements de cet ordre pour des raisons valides liées à leur travail et peuvent aussi visiter des sites essentiellement axés sur des discussions sérieuses de questions relatives à l'éducation et à l'orientation sexuelle).
  • 9.      Le 8 juin 2000, une « Note au personnel » a été diffusée sur le réseau :

    Nous vous rappelons que l'utilisation des réseaux électroniques est autorisée pour des fins officielles seulement. Toute utilisation inappropriée des réseaux électroniques, y compris du courrier électronique et des listes de distribution, peut faire l'objet d'une enquête et mener à d'autres mesures. La Directive du Commissaire (DC) 226, Utilisation des réseaux électroniques, contient des renseignements supplémentaires sur cette question. Vous pouvez y avoir accès sur l'Infonet, à http://infonet/cds/cds/226-cd.doc.

    10.      La Directive du Commissaire (DC)226, Utilisation des réseaux électroniques, a été émise et diffusée électroniquement le 10 mai 2000 et prévoit notamment ce qui suit :

    UTILISATION APPROUVÉE DES RÉSEAUX ÉLECTRONIQUES

    7.      Les réseaux électroniques doivent être utilisés pour le travail officiel.

    8.      L'utilisation à des fins personnelles du réseau électronique du SCC par les personnes autorisées n'est permise que dans les cas suivants :

    a.      elle a lieu pendant le temps consacré aux activités personnelles durant les heures normales de travail;

    b.      elle n'entraîne pas de coûts directs pour le SCC;

    c.      elle respecte les interdictions relatives au comportement illégal et inacceptable dont les grandes lignes sont indiquées ailleurs dans la présente politique;

    [...]

    COMPORTEMENT ILLÉGAL ET INACCEPTABLE                               

    [...]

    11.      Le réseau électronique du SCC ne doit pas être utilisé pour mener des activités qui, tout en étant légales, sont inacceptables. Une liste non exhaustive des activités inacceptables est incluse aux annexes B et C.

    RESPONSABILITÉS DES PERSONNES AUTORISÉES À UTILISER LE RÉSEAU ÉLECTRONIQUE DU SCC                        

    12.      Les personnes autorisées à utiliser le réseau électronique du SCC sont tenues de respecter la loi ainsi que les politiques gouvernementales telles que celles énoncées par le Conseil du Trésor (utilisation des réseaux électroniques) et le SCC :

              [...]

              d.      en communiquant de manière à           projeter une image favorable des normes           du SCC;

    [...]       

    MESURES DISCIPLINAIRES ET SANCTIONS                                                   

    [...]

    14.      Le SCC peut prendre des mesures disciplinaires ou imposer des sanctions dans l'éventualité d'une utilisation illégale ou inacceptable de son réseau. Les mesures disciplinaires seront proportionnelles à la gravité et aux circonstances de l'incident.

    15.      Les mesures disciplinaires peuvent inclure :

              a.      une réprimande orale ou écrite;

              b.      des restrictions d'accès au réseau                    électronique;

              c.      la suspension de l'employé ou la                   cessation d'emploi.

    [...]

    SURVEILLANCE                                                

    [...]

    24.       Les analyses de données ne nécessitent généralement pas la lecture du contenu des messages envoyés par courrier électronique et des fichiers de données. Toutefois, si, à la suite d'une analyse ordinaire ou d'une plainte, il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne autorisée utilise le réseau à mauvais escient, le cas sera signalé en vue d'une enquête approfondie et de la prise de mesures particulières pouvant inclure la lecture du contenu des messages envoyés par courrier électronique et des fichiers de données.

    [...]

    Surveillance d'activités illégales ou de comportements inacceptables                         

    30.      S'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne autorisée fait un mauvais usage du réseau, il se peut que des mesures de surveillance sans préavis soient prises à son égard, notamment la consultation du contenu de ses fichiers de courrier électronique ou d'autres fichiers.

    [...]

    Annexe « B »                                                 

    ACTIVITÉS INACCEPTABLES QUI, SANS ÊTRE NÉCESSAIREMENT ILLÉGALES, SONT INCOMPATIBLES AVEC LES POLITIQUES DU CONSEIL DU TRÉSOR (Liste d'exemples non exhaustive)

    1.      [...]

    e.   Envoyer des messages abusifs, sexistes ou racistes à des fonctionnaires ainsi qu'à d'autres personnes.

            (Politique sur le harcèlement en milieu de          travail)

    [...]

    Annexe « C »                                                 

    ACTIVITÉS INACCEPTABLES QUANT À L'ACCÈS AUX RÉSEAUX ÉLECTRONIQUES DE L'ÉTAT

    1      Il est interdit aux personnes autorisées d'utiliser le réseau électronique du SCC pour visiter des sites Web, pour consulter ou télécharger des fichiers du WWW, ou encore pour envoyer ou recevoir du courrier électronique ou d'autres types de communications s'inscrivant dans les catégories suivantes :

    [...]

    b.      communications essentiellement axées sur la pornographie, la nudité et les actes sexuels (les personnes autorisées peuvent néanmoins avoir accès à des renseignements de cet ordre pour des raisons valides liées à leur travail, et peuvent aussi visiter des sites essentiellement axés sur des discussions sérieuses de questions relatives à l'éducation et à l'orientation sexuelle).

    11.      Quand il a diffusé électroniquement la Directive du Commissaire 226, l'employeur a fait installer le message suivant, qui apparaît dans les deux langues officielles lorsqu'on entre en communication :

    [Traduction]

    WARNING - AVERTISSEMENT

    L'utilisation de ce système est réservée aux personnes autorisées seulement, et elle est surveillée conformément à la Politique du Conseil du Trésor et du Service correctionnel du Canada sur l'utilisation des réseaux électroniques. Les comportements inappropriés ou illégaux seront signalés et des mesures disciplinaires peuvent s'ensuivre.

    OK

    Chaque fois qu'un ou une fonctionnaire entre en communication à son ordinateur, ce message apparaît à l'écran. Pour accéder au système, les utilisateurs doivent accuser réception de « l'avertissement » en cliquant sur « OK ».

    12.      Une « Note au personnel » diffusée le 16 juin 2000 a précisé ce qui suit :

    J'aimerais profiter de l'occasion pour dissiper la confusion qui aurait pu résulter de ma note du 8 juin 2000 sur cette question. Bien que l'utilisation des réseaux électroniques du SCC soit autorisée pour des raisons professionnelles, la Directive du Commissaire (DC) 226, Utilisation des réseaux électroniques, autorise certaines utilisations du réseau électronique du SCC à des fins personnelles. Toutefois, s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'on utilise le réseau pour des activités illégales ou inacceptables telles que définies dans les annexes de la DC, il pourrait en résulter une enquête ainsi que d'autres mesures. Pour accéder à cette DC sur l'Infonet, composez http://infonet/cds/cds/226-cd.doc.

    13.      Vers le mois de novembre 2000, l'employeur a reçu une plainte qu'un fonctionnaire de l'établissement Kent se servait de son courrier électronique pour envoyer des images offensantes. Le 14 novembre 2000, le sous-commissaire (Pacifique) a autorisé un « examen » du courrier électronique de l'employé qui avait fait l'objet d'une plainte pour ce qui était « peut-être de la pornographie ».

    14.      L'examen de la boîte à lettres suspecte a révélé de nombreuses « images inappropriées » ainsi que des indices que d'autres fonctionnaires étaient également impliqués. Le 15 novembre 2000, le sous-commissaire (Pacifique) a autorisé l'élargissement de l'examen aux comptes de courrier électronique ayant des liens avec celui de la personne contre qui la plainte initiale avait été portée. L'enquête élargie portait sur les liens avec le premier fonctionnaire ciblé. Il n'y a pas eu de vérifications aléatoires.

    15.      L'examen était un « instantané » des comptes de courrier électronique dits offensants le 14 novembre 2000. Il a révélé qu'en tout 54 personnes avaient envoyé des messages contenant des images inappropriées et que 48 sur 54 étaient des utilisateurs de la régions du Pacifique du SCC, les autres étant des régions des Prairies et de l'Ontario ainsi que de diverses sources Internet. Les images avaient été envoyées à 245 personnes, dont 210 utilisateurs de la région du Pacifique du SCC, les autres étant des utilisateurs du SCC d'autres régions ou ayant des adresses Internet ailleurs qu'au SCC. C'est à ce moment-là qu'on a commencé à faire enquête.

    16.      Le 1er décembre 2000, le sous-commissaire (Pacifique) a envoyé une note à tout le personnel au sujet du contenu inacceptable du réseau du SCC. Les fonctionnaires ont été avertis que, à partir du 8 décembre 2000, tous les « exécutables, toutes les images, tous les fichiers vidéos ou autres fichiers du genre non autorisés » seraient retirés du réseau et « mis en quarantaine ». Le sous-commissaire poursuivait en disant que toutes les communications non autorisées devaient être retirées du réseau au plus tard le 8 décembre 2000.

    17.      La première personne qui s'était fait confier la tâche d'enquêter sur l'instantané du 14 novembre 2000 a été incapable de poursuivre l'enquête après la fin de décembre 2000. Il a donc fallu nommer une deuxième enquêteure, qui a entrepris cette lourde tâche au début de janvier 2001. Elle a interrogé les fonctionnaires s'estimant lésés en février 2001, puis rédigé des rapports d'enquête disciplinaire qu'elle a soumis au directeur Urmson en mars 2001. Le directeur a remis copie de ces rapports aux fonctionnaires s'estimant lésés, après quoi il a eu une rencontre disciplinaire avec chacun d'entre eux, en mai 2001.

    18.      Le nombre des fonctionnaires qui ont écopé des sanctions disciplinaires pour une utilisation jugée inacceptable du système de courrier électronique s'élève à 54. Les sanctions sont allées du congédiement à des avertissements verbaux, et les sanctions pécuniaires, de l'équivalent d'un à huit jours de salaire.

    19.      Dans le cas des fonctionnaires de l'établissement Kent, c'est le directeur de l'établissement, M. Urmson, qui a décidé de la sévérité des sanctions. Pour atteindre plus facilement son objectif déclaré de sévir de façon uniforme, il a préparé un tableau (« Tableau disciplinaire ») où figurent les noms des 36 fonctionnaires en cause relevant de lui, dont les fonctionnaires s'estimant lésés. Dans ce tableau, il a précisé les facteurs suivants, dont il a tenu compte dans sa décision sur la sanction disciplinaire à imposer dans chaque cas :

  • nature des communications offensantes;

  • nombre d'images/de fichiers conservés;

  • nombre de fichiers envoyés;

  • durée du service;

  • dossier d'emploi;

  • dossier de rendement;

  • acceptation par l'intéressé de sa responsabilité     (excuses, remords manifeste).
  •           Le directeur a rencontré chacun des fonctionnaires s'estimant lésés et leur a donné l'occasion de réagir au rapport de l'enquête disciplinaire, avec la sanction disciplinaire proposée. Il a tenu compte des explications des intéressés et du fait qu'ils comprenaient et reconnaissaient ou pas qu'ils avaient mal agi et qu'ils avaient du remords ou pas.

    20.      M. Urmson s'est efforcé d'être juste et d'appliquer ses mesures disciplinaires de façon uniforme. Il a remis son Tableau disciplinaire à Maureen Hines, directrice régionale des Relations de travail et de la Rémunération, en lui demandant de l'examiner pour lui confirmer s'il avait été équitable et conséquent en imposant des sanctions disciplinaires aux fonctionnaires que l'employeur jugeait s'être conduits contrairement à ses politiques sur l'utilisation du courrier électronique.

    III

    [10]        James Briar est entré au service de l'employeur à l'établissement Kent en janvier 2000. Au moment des événements qui ont donné lieu à son grief, il était agent de correction I et son dossier disciplinaire était vierge.

    [11]        On a pris un instantané du compte de courrier électronique de M. Briar le 14 novembre 2000. Après examen de son contenu, M. Briar a été interrogé par l'enquêteure le 20 février 2001.

    [12]        M. Briar avait des courriels dans les dossiers « Pam », « Inbox », « Sent Items » et « Deleted Items ». Le contenu de chacun des dossiers a été imprimé, tel qu'il serait apparu à l'écran. Seul un échantillon des fichiers auxquels des documents étaient joints a été ouvert.

    [13]        Deux fichiers du dossier « Inbox » ont été ouverts : « MOONWAR 2-2000 », représentant un personnage montrant ses fesses, et « Ouch », une représentation du pied d'une femme portant une chaussure rouge à talon haut écrasant les organes génitaux d'un homme.

    [14]        Les sept fichiers du dossier « Sent Items » étaient « Surprise », un fichier en quarantaine qu'il a été impossible d'ouvrir; « Punishment », avec l'image d'une femme obèse nue assise sur le visage d'un homme; « Carefully Open XXX », « My Gift to You » et « Gift #2 », contenant tous trois des images de femmes nues et à demi-nues dans des poses provocantes; « These are all those MasterCard Ones », une série d'images de personnes nues et d'actes sexuels; « Think Twice Before You Stop for the Call of Nature », une vidéo d'un homme partiellement dévêtu poursuivi par un animal.

    [15]        M. Briar a déclaré à l'enquêteure qu'il était au courant de la politique de l'employeur sur l'utilisation inacceptable du système de courrier électronique; il a reconnu en avoir fait une utilisation inappropriée et a présenté des excuses.

    [16]        L'employeur lui a imposé une sanction pécuniaire de 928,68 $, soit l'équivalent de six jours de salaire.

    IV

    [17]        Joseph Henneberry est entré au service de l'employeur en 1992. Pendant la période pertinente, il était agent de correction II et son dossier disciplinaire était vierge.

    [18]        On a pris un instantané de son compte de courrier électronique le 14 novembre 2000. Après examen de son contenu, M. Henneberry a été interrogé par l'enquêteure le 20 février 2001.

    [19]        Il avait du courrier électronique dans les dossiers « Sent Items » et « Inbox ». Le contenu de chacun de ces dossiers a été imprimé, tel qu'il serait apparu à l'écran. On a ouvert un échantillon des fichiers auxquels des documents étaient joints.

    [20]        Les quatre fichiers du dossier « Sent Items » étaient : « Gay Frank », un texte de blague et « Holiday Greetings », un dessin qui n'ont ni l'un ni l'autre été jugés inappropriés dans le contexte de l'enquête; « Think Twice Before You Stop for the Call of Nature », une vidéo d'un homme partiellement dévêtu poursuivi par un animal et « These are all those MasterCard ones », une série d'images de personnes nues et d'actes sexuels.

    [21]        Le 19 novembre 2000, cinq jours après l'instantané du 14 novembre, M. Henneberry a entendu une autre agente de correction éclater de rire devant son ordinateur. Il lui a demandé pourquoi elle riait; elle lui a répondu qu'elle venait de recevoir un courriel « ordurier ». Il lui a demandé de le lui acheminer. Elle lui a répété que c'était une vidéo vraiment ordurière, en lui demandant s'il tenait vraiment à la recevoir. M. Henneberry a répondu que oui, et sa collègue la lui a envoyée. Il a déclaré avoir effacé cette vidéo immédiatement après l'avoir regardée.

    [22]        La vidéo en question est exceptionnellement dégoûtante, révoltante et dépravée; c'est de loin la pire des nombreuses images perturbantes dans cette affaire.

    [23]        M. Henneberry a déclaré qu'il n'avait rien à voir avec ce courriel-là. Il n'en connaissait pas le contenu avant de le recevoir. S'il l'avait su, il a déclaré qu'il n'aurait pas demandé à sa collègue de le lui envoyer. En outre, a-t-il affirmé, cela s'est passé après l'instantané du 14 novembre 2000, et ce n'est donc pas pertinent en l'espèce.

    [24]        Je reconnais que M. Henneberry ne connaissait pas la nature absolument dégoûtante de la vidéo. J'accepte aussi son témoignage quand il dit que, s'il l'avait su, il n'aurait pas demandé qu'on la lui envoie. Le fait est, toutefois, qu'il s'est fait dire par deux fois que la vidéo était « ordurière » et qu'il s'est même fait demander s'il tenait vraiment à la recevoir. Pourtant, il a demandé qu'on se serve du réseau de l'employeur pour lui transmettre quelque chose d'ordurier. Il ne peut pas nier complètement sa responsabilité simplement parce qu'il ne savait pas à quel point cette vidéo sombrait dans la dépravité.

    [25]        Le fait que cela s'est produit après l'instantané du 14 novembre ne rend pas la vidéo inadmissible : Canadian Airlines International Ltd. and Canadian Airlines Pilots Ass'n. (1988), 35 L.A.C. (3d) 66 (Munroe).

    [26]        Il ne s'agit pas ici d'une affaire où l'employeur a imposé une sanction disciplinaire, puis tenté de se fonder sur un événement ultérieur pour justifier sa décision, ni d'une affaire où il a introduit de nouveaux motifs pour justifier sa décision à l'arbitrage, en prenant le fonctionnaire s'estimant lésé par surprise. M. Henneberry savait parfaitement que l'employeur se fondait notamment sur la vidéo en question dans sa démarche disciplinaire à son endroit. Il ne s'est pas fait refuser l'occasion de se faire entendre et n'a subi aucun préjudice dans ce contexte.

    [27]        L'employeur a imposé une sanction disciplinaire à M. Henneberry en juin 2001. Il avait le droit de tenir compte des événements qui s'étaient produits avant l'imposition de ses mesures, à condition, bien entendu, que l'intéressé ait eu pleinement l'occasion, en toute équité, de répondre aux accusations et de se défendre. C'est ce que l'employeur a fait en l'espèce. M. Henneberry a expliqué les circonstances entourant la réception de la vidéo en question, et j'accepte son explication, mais cela ne l'absout pas de toute responsabilité. Il s'est servi abusivement du système de courrier électronique après avoir été averti par deux fois que le document en question était « ordurier » et s'être fait demander s'il tenait vraiment à le recevoir.

    [28]        Je devrais ajouter que le directeur Urmson a témoigné que la vidéo en question n'avait pas influé sur sa décision d'imposer à M. Henneberry une sanction pécuniaire de sept jours de salaire. D'après lui, les circonstances qui avaient entouré la réception de la vidéo avaient confirmé son impression que l'attitude de M. Henneberry quant à l'utilisation du système de courrier électronique à des fins inacceptables et sa compréhension de cette utilisation étaient fautives et devaient être corrigées.

    [29]        M. Henneberry n'a pas présenté d'excuses à l'enquêteure pour sa conduite.

    [30]        M. Henneberry est d'avis qu'il est vraiment injuste de lui imposer une sanction disciplinaire, compte tenu de ce qu'il considère comme la note de service « d'amnistie » datée du 1er décembre 2000. Il a déclaré s'être conformé aux conditions de « l'amnistie », en disant qu'il ne devrait donc pas avoir subi de sanction disciplinaire. Je reviendrai sur ce raisonnement plus loin.

    [31]        L'employeur a imposé à M. Henneberry une sanction pécuniaire de 1 425,76 $, soit l'équivalent de sept jours de salaire.

    V

    [32]        Roop Aujla est entré au service de l'employeur en 1998. Pendant la période pertinente, il était agent de correction I à l'établissement Kent, et son dossier disciplinaire était vierge.

    [33]        On a pris un instantané du compte de courrier électronique de M. Aujla le 14 novembre 2000. Après examen de son contenu, il a été interrogé par l'enquêteure le 20 février 2001.

    [34]        M. Aujla avait du courrier électronique dans les dossiers intitulés « Inbox », « Sent Items » et « Deleted Items ». On a imprimé le contenu de chaque dossier tel qu'il serait apparu à l'écran, puis ouvert un échantillon des fichiers auxquels des documents étaient joints.

    [35]        Les fichiers en question étaient « Joke », montrant trois femmes qui avaient des relations orales-génitales; « Anyone Wanna Kick the Dog », montrant une femme donnant un coup de pied dans les organes génitaux d'un homme; « Beerholder - you like this », où l'on voit une bière versée dans un verre tenu dans un vagin; « Can't breathe », montrant un homme léchant la vulve d'une femme obèse; « Who's Your Daddy », montrant des femmes en bikinis minuscules; « Hell Yeah » et « Just For the Single Guy », des images de nudité; « À tous ceux et celles », d'autres images de nudité; « My gift to you » et « Top 10 Reasons to Marry a Gymnast », des photos de femmes nues et à demi-nues; « Think Twice Before You Stop for the Call of Nature », une vidéo d'un homme partiellement dévêtu poursuivi par un animal.

    [36]        M. Aujla a déclaré à l'enquêteure qu'il était au courant de la politique sur l'utilisation appropriée du système de courrier électronique et il lui a présenté des excuses.

    [37]        Il a écopé une sanction pécuniaire de 1 011,15 $, l'équivalent de sept jours de salaire.

    VI

    [38]        Robert Garrett est entré au service de l'employeur en avril 2000. Pendant la période pertinente, il était agent de correction I et son dossier disciplinaire était vierge.

    [39]        On a pris un instantané du compte de courrier électronique de M. Garrett le 14 novembre 2000. Après examen de son contenu, il a été interrogé par l'enquêteure le 20 février 2001.

    [40]        M. Garrett avait des courriels dans les dossiers intitulés « Sent Items », « Inbox » et « Deleted Items ». On a imprimé le contenu de chacun de ces dossiers tel qu'il serait apparu à l'écran, puis ouvert un échantillon des fichiers auxquels les documents étaient joints.

    [41]        Les fichiers du dossier « Inbox » contenaient « World Cups », des photos de femmes à demi-nues au torse revêtu de gaminets peints à même la peau; « New20 », une photo d'un faux billet de 20 $ à l'effigie d'une femme aux seins nus; « Watch Out-X », six dessins à caractère sexuel; il y avait aussi trois photos d'un serpent qui semblait avoir avalé un petit garçon, ainsi qu'une photo d'un chat semblant faire un doigt d'honneur; dans le contexte de l'enquête, l'employeur ne les a pas considérés comme inappropriées.

    [42]        Le dossier « Sent Items » contenait une photo du faux billet de 20 $ à l'effigie d'une femme nue jusqu'à la taille, de même que six dessins à caractère sexuel.

    [43]        M. Garrett a déclaré à l'enquêteure qu'il était au courant de la politique de l'employeur sur l'utilisation appropriée du système de courrier électronique; il a dit avoir des remords et a admis sa responsabilité.

    [44]        L'employeur a imposé à M. Garrett une sanction pécuniaire de 773,90 $, l'équivalent de cinq jours de salaire.

    VII

    [45]        Je vais commencer par déclarer carrément que les courriels à cause desquels les fonctionnaires s'estimant lésés ont écopé des sanctions disciplinaires sont à tout le moins « inappropriés » et que, dans la plupart des cas, ce terme ne reflète pas correctement ou suffisamment la grossièreté des images et des dessins en question.

    [46]        J'emploie le mot « inapproprié » parce que c'est celui que l'employeur a choisi pour décrire ces documents avec une certaine délicatesse.

    [47]        Les fonctionnaires s'estimant lésés se sont servis de leurs comptes de courrier électronique pour envoyer et recevoir des messages essentiellement axés sur la pornographie, sur la nudité et sur la vulgarité. Les images en question rabaissent les femmes en les représentant comme des objets sexuels.

    [48]        Je n'ai aucune hésitation à conclure que les fonctionnaires s'estimant lésés se sont servis du réseau électronique de l'employeur pour des activités contraires aux politiques maintes fois déclarées de l'employeur, et des activités qui tendraient à jeter le discrédit sur l'employeur.

    [49]        D'ailleurs, le journal Abbotsford News a publié le 17 juillet 2001 un article intitulé « Guards learn lesson: No secrets in cyberspace » avec le sous-titre « Two dismissals, disciplinary action for inappropriate use of corporate e-mail » (« Une bonne leçon pour les gardiens : il n'y a pas de secrets dans le cyberespace », et « Deux congédiements et des sanctions disciplinaires pour utilisation inappropriée du courrier électronique de l'employeur »).

    [50]        Les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré qu'ils n'avaient pas été informés des politiques de l'employeur sur l'utilisation du système de courrier électronique, en se plaignant d'un manque de « formation ». Ces arguments n'ont virtuellement aucune valeur.

    [51]        Premièrement, les politiques de l'employeur ont été communiquées au moins cinq fois au personnel entre septembre 1999 et mai 2000. Deuxièmement, à partir de juin 2000, les fonctionnaires s'estimant lésés recevaient un « avertissement » chaque fois qu'ils entraient en communication avec leur compte de courrier électronique et devaient en accuser réception avant d'avoir accès à leur compte. Troisièmement, c'est une question de bon sens. Les fonctionnaires s'estimant lésés savaient ou auraient dû savoir qu'il n'était pas approprié de se servir du système de l'employeur pour communiquer des images ou des textes sexuellement explicites.

    [52]        Dans Consumers Gas v. Communications, Energy and Paperworkers Union, non rapportée, 5 août 1999 (Kirkwood), la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 71 :

    [Traduction]

    Toutefois, dans cette affaire, l'ignorance de la politique n'aide pas l'employée s'estimant lésée. Elle aurait dû se servir de son bon sens pour comprendre que le système de courrier électronique et l'ordinateur que l'employeur lui fournit ne sont pas destinés à son propre usage et que la communication et le stockage de documents à caractère sexuel ne seraient pas acceptables pour l'entreprise. Il suffit d'avoir du bon sens pour comprendre que l'utilisation que Linda Primiani a fait de l'ordinateur allait bien au-delà de ce qui est acceptable. La situation dans cette affaire est analogue à celle qui existait dans Insurance Corporation of British Columbia, précitée. L'arbitre Weiler avait conclu, en déterminant ce qu'un employé raisonnable considérerait comme l'utilisation appropriée du courrier électronique, que le critère serait que le destinataire ou l'expéditeur aurait voulu ou pas que le message soit rendu public à son lieu de travail. C'est un critère de base, fondé sur le bon sens, que l'employée s'estimant lésée n'a pas respecté dans la présente affaire.

    VIII

    [53]        La Cour suprême du Canada a clairement déclaré que les employeurs sont tenus d'offrir à leur personnel un milieu de travail productif et sans danger, en éliminant les conditions indésirables : Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84.

    [54]        Dans la présente affaire, l'enquête a eu lieu à la suite d'une plainte. L'employeur avait le devoir d'intervenir après avoir reçu cette plainte, puis de remédier aux conditions indésirables dont il a constaté l'existence. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont soutenu que l'employeur avait toléré leurs activités. C'est une allégation grave, qu'ils n'ont étayée d'aucune preuve probante que la haute direction était au courant.

    [55]        Les fonctionnaires s'estimant lésés ont invoqué l'article 8 de la Charte, en maintenant que les actions de l'employeur portaient atteinte à leur droit à la vie privée.

    [56]        Dans les circonstances, ils doivent commencer par établir qu'ils avaient des motifs raisonnables de s'attendre à ce qu'on respecte leur vie privée : R. c. M.R.M., [1998] 3 R.C.S. 393.

    [57]        Dans Smyth v. Pillsbury Co., 914 F.Supp.97 (E.D. Pa. 1996), le plaignant avait été congédié pour s'être servi du système de courrier électronique du défendeur en envoyant des messages non professionnels sur son superviseur. L'employeur avait donné des assurances à ses employés, dont le plaignant, de la confidentialité des courriels, en leur affirmant qu'ils ne pourraient pas être interceptés, ni être invoqués comme motifs de congédiement. Le plaignant prétendait que son congédiement portait atteinte à son droit à la vie privée et contrevenait à la politique publique en donnant lieu à une poursuite pour congédiement injustifié. Le tribunal a conclu qu'on ne pouvait pas raisonnablement s'attendre au respect de sa vie privée dans des courriels, en dépit d'assurances que l'employeur ne les intercepterait pas.

    [58]        Dans Camosun College v. Canadian Union of Public Employees, Local 2081, non rapportée, 15 novembre 1999 (Germaine), un employé avait été congédié pour avoir envoyé un courriel extrêmement critique à l'endroit de son employeur et de ses collègues au site de clavardage de son syndicat, en se servant du système informatique de l'employeur. Le syndicat a déclaré qu'il s'agissait d'une communication confidentielle protégée. Au paragraphe 21 de sa décision, l'arbitre a déclaré que tout utilisateur du courrier électronique raisonnablement bien informé aurait dû savoir que les messages pouvaient être surveillés, et que l'expéditeur du courriel n'a aucun contrôle sur la diffusion du message. Dans ces circonstances, l'arbitre a conclu qu'il n'existait pas de droit à la protection de la vie privée et que le message ne pouvait pas être considéré comme confidentiel.

    [59]        Compte tenu de la politique de l'employeur interdisant l'utilisation du système de courrier électronique à des fins inacceptables et de l'existence d'un avertissement clair, à l'entrée en communication, que le système est surveillé conformément à cette politique, il est difficile de comprendre comment les fonctionnaires s'estimant lésés peuvent prétendre qu'on a porté atteinte à leur vie privée dans ces circonstances. Qui plus est, l'enquête de l'employeur résultait d'une plainte sur laquelle il était tenu d'agir. Il ne s'agit pas ici de surveillance aléatoire, et le contexte n'est pas comparable à l'imposition de tests d'analyse d'urine ou de perquisitions dans les effets personnels des gens. Il s'agit de communications envoyées par le courrier électronique, sur lesquelles les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient plus aucun contrôle après avoir cliqué sur « Send ». Or, il y a environ 1 600 utilisateurs du réseau du SCC.

    [60]        Il n'y a pas eu d'intrusion dans l'intimité des fonctionnaires s'estimant lésés ni dans leurs effets personnels. L'employeur a agi en réaction à une plainte, comme il était légalement tenu de le faire; il a découvert que les fonctionnaires s'estimant lésés se servaient de son réseau pour des activités qui ne peuvent être décrites que comme extrêmement offensantes. Dans ces circonstances, on ne peut pas raisonnablement s'attendre à ce que leurs communications aient été privées.

    IX

    [61]        Les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré que la note de service sur la « quarantaine » (pré-citée, p. 10, para. 16) équivalait à une « amnistie ». Selon eux, l'interprétation à donner à cette note serait que, si les fonctionnaires avaient effacé toutes les communications offensantes de leurs boîtes à lettres au plus tard le 8 décembre 2000, ils auraient dû être à l'abri de sanctions disciplinaires. Et les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré s'être conformés aux dispositions de cette note de service de sorte qu'ils avaient droit à « l'amnistie ».

    [62]        Le mot « amnistie » ne figure pourtant pas dans la note de service du 1er décembre 2000, qui ne laisse pas non plus entendre que, s'ils se conforment à l'ordre de se débarrasser des communications offensantes, les fonctionnaires seront protégés contre des sanctions disciplinaires en raison d'une inconduite antérieure. La note de service fait état d'événements récents et de la nécessité pour l'employeur de prendre certaines mesures, y compris la « quarantaine » des communications non autorisées. Elle rappelle aux fonctionnaires la DC 226 et exige qu'ils se débarrassent de ces communications au plus tard le 8 décembre 2000. Elle n'accorde pas « d'amnistie ». En outre, l'enquête sur la plainte déplorant qu'il y avait « peut-être de la pornographie » était déjà lancée.

    [63]        Les fonctionnaires s'estimant lésés ont allégué que l'enquête sur leur conduite était contestable parce que beaucoup trop longue.

    [64]        L'instantané des boîtes à lettres qu'on soupçonnait d'être offensantes a été pris le 14 novembre 2000. L'enquête, elle, a commencé en décembre 2000. C'était une démarche d'envergure puisque 54 fonctionnaires étaient en cause et que le volume de courriels était énorme; le premier enquêteur a d'ailleurs été incapable de mener la tâche à bien. Une nouvelle enquêteure l'a reprise en janvier 2001. Elle a interrogé les fonctionnaires s'estimant lésés le mois suivant, en février, après quoi elle a soumis ses rapports d'enquête disciplinaire en mars 2001. Le directeur de l'établissement a étudié le dossier; il a interrogé les fonctionnaires s'estimant lésés et leur a envoyé des lettres disciplinaires en juin 2001. Le processus n'aurait pas dû être aussi long, mais sa longueur n'était pourtant pas exagérée, compte tenu du travail énorme qu'il a fallu abattre pour l'enquête ainsi que de la nécessité de prendre connaissance du contenu troublant des boîtes à lettres relativement peu à la fois, sur une longue période, pour éviter l'effet assommant et démoralisant d'une telle expérience. Le directeur a témoigné qu'il était impossible de regarder ces images pendant longtemps, et que c'est pour cette raison que cette partie de l'enquête s'est déroulée dans une succession de courtes périodes réparties sur de nombreuses journées.

    [65]        Enfin, et c'est le plus important, les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas pu invoquer le moindre préjudice qu'ils auraient subi en raison de la forme ou de la longueur de l'enquête sur leur conduite. Il n'y a pas le moindre indice que la procédure ait été injuste ou qu'elle ait manqué aux règles de la justice naturelle. En elle-même, la longueur de l'enquête ne leur portait pas préjudice. Rien ne laisse entendre que les fonctionnaires s'estimant lésés aient fait l'objet de mesures d'exception ou été traités d'une façon sensiblement différente de leurs collègues. Rien non plus ne montre que la longueur et la forme de l'enquête ont sapé leur capacité de répondre pleinement aux accusations et de se défendre.

    X

    [66]        La Norme Un des Normes de conduite professionnelle oblige les fonctionnaires à se conduire de façon à projeter une image favorable de la fonction publique du Canada et d'agir conformément aux « directives. »

    [67]        Dans cette affaire, la conduite des fonctionnaires s'estimant lésés n'était pas conforme aux directives applicables et ne projetait pas non plus une image favorable de l'employeur; l'article de l'Abbotsford News en est la preuve.

    [68]        Il faut aussi souligner que le Service correctionnel est un employeur qui doit continuellement s'efforcer de conserver la confiance et le respect du public. Les activités auxquelles les fonctionnaires s'estimant lésés se sont livrés ne peuvent que lui nuire dans ses efforts pour atteindre cet objectif.

    [69]        À bien des égards, les agents de correction doivent être perçus comme des modèles de rôles pour les détenus dans le système carcéral. En effet, les détenus sont emprisonnés notamment pour corriger des comportements socialement inacceptables. Le genre d'activités auxquelles les fonctionnaires s'estimant lésés se sont livrés n'est pas socialement acceptable et il est incompatible avec leurs postes d'agent de correction.

    [70]        À cela s'ajoute le risque que la prévalence d'images sexuellement explicites sur le réseau du SCC crée un milieu de travail hostile et pétri de tensions sexuelles. Le simple bon sens suffit à conclure que c'est néfaste pour un établissement correctionnel.

    [71]        Dans Consumers Gas, supra, une employée avait été congédiée pour l'utilisation inappropriée de l'ordinateur dont elle se servait pour recevoir et envoyer des messages offensants.

    [72]        L'arbitre avait accepté l'argument de l'employée s'estimant lésée qui déclarait ne pas avoir été au courant de la politique de l'employeur interdisant la pornographie et affirmait qu'on ne lui avait pas montré la politique sur l'utilisation de l'Internet. Il a toutefois conclu que l'ignorance de la politique ne pouvait pas la disculper. C'était une question de simple bon sens pour elle de savoir qu'elle n'aurait pas dû se servir du système de courrier électronique pour envoyer et conserver des communications à caractère sexuel, et elle avait pris le risque d'envoyer de telles communications alors que le sens commun aurait dû lui déconseiller de le faire.

    [73]        Dans Consumers Gas, l'arbitre avait substitué une suspension d'un mois au congédiement. Dans cette affaire-ci, l'employeur a imposé des amendes équivalant de cinq à sept jours de salaire.

    [74]        Les commentaires de l'arbitre dans Consumers Gas sont pertinents en l'espèce. Je n'accepte pas l'argument des fonctionnaires s'estimant lésés qu'ils n'étaient pas au courant des politiques de l'employeur. Le fait est qu'elles leur étaient rappelées chaque fois qu'ils entraient en communication avec le système de courrier électronique, et ils étaient tenus chaque fois d'accuser réception de cet avertissement pour avoir accès au système. Cela dit, même s'il était possible de prétendre qu'ils n'étaient pas au courant des politiques, ils ont fait circuler des communications que le simple bon sens aurait dû leur faire comprendre qu'il était inapproprié de faire circuler dans un milieu de travail, particulièrement dans un établissement correctionnel, où ils sont censés donner l'exemple d'un comportement socialement acceptable.

    [75]        À mon avis, la conduite des fonctionnaires s'estimant lésés justifiait des sanctions disciplinaires. Les sanctions imposées étaient-elles excessives, compte tenu de toutes les circonstances?

    [76]        Les sanctions imposées sont les suivantes :

  • James Briar - sanction pécuniaire de 928,68 $,     soit l'équivalent de six jours de salaire;
  • Joseph Henneberry - sanction pécuniaire de     1 425,76 $, soit l'équivalent de sept jours de     salaire;
  • Roop Aujla - sanction pécuniaire de 1 011,15 $,     soit l'équivalent de sept jours de salaire;
  • Robert Garrett - sanction pécuniaire de     773,90 $, soit l'équivalent de cinq jours de     salaire.
  • [77]        Je suis convaincu que le directeur Urmson avait compris qu'il se devait d'imposer des sanctions proportionnelles à l'inconduite des intéressés et qu'il a assumé cette responsabilité. Il a procédé judicieusement et de façon mûrement réfléchie, en tenant compte de tous les facteurs pertinents :

  • nature des courriels;
  • détermination de l'existence ou pas d'une     infraction à la DC 226, ainsi que du type     d'infraction;
  • nombre de courriels offensants, y compris dans     le dossier « Inbox »;
  • nombre de courriels offensants envoyés;
  • durée du service;
  • dossier disciplinaire;
  • dossier de rendement;
  • acceptation par les intéressés de leur     responsabilité;
  • excuses/remords.
  • [78]        Le directeur Urmson a témoigné qu'il était conscient de son devoir d'être juste et équitable en imposant des sanctions, sans laisser sa réaction subjective à la nature des courriels offensants influer sur son jugement.

    [79]        Pour se faciliter la tâche, il a fait un tableau avec les noms de tous les fonctionnaires auxquels il a imposé des sanctions disciplinaires - dont les fonctionnaires s'estimant lésés -, avec des colonnes où figurait à côté de chaque nom l'information relative aux facteurs pertinents que je viens d'énumérer. Ce tableau lui a permis de comparer les facteurs pertinents applicables à chaque fonctionnaire avec la sanction disciplinaire imposée. De cette façon, il a pu s'assurer d'agir de façon uniforme et équilibrée à l'endroit de tous les fonctionnaires qui ont écopé des sanctions disciplinaires, y compris ceux s'estimant lésés.

    [80]        Qui plus est, le directeur a pris la précaution de demander à Mme Maureen Hines, la directrice régionale des Relations de travail et de la Rémunération, d'examiner le tableau pour voir s'il avait atteint son objectif d'uniformité et d'équilibre.

    [81]        L'avocat des fonctionnaires s'estimant lésés a maintenu, sans toutefois présenter de preuves, que les sanctions disciplinaires imposées aux 36 fonctionnaires dont le nom figure sur le tableau du directeur n'étaient peut-être pas uniformes et que l'enquête laissait à désirer parce qu'elle avait été trop longue. J'ai déjà rejeté cet argument. Rien dans la preuve n'infirme la justification des sanctions disciplinaires. Il n'y a aucune indication que les sanctions aient été sélectives ou, au contraire, qu'elles aient été imposées au hasard ou sans distinction.

    [82]        Dans Re Iron Ore of Canada and U.S.W.A. Local 5795 (1975), 11 L.A.C. (2d) 16 (Harris), citée dans Consumers Gas, supra, l'arbitre a parlé des circonstances dans lesquelles un employeur pourrait perdre son droit d'imposer des sanctions disciplinaires :

    [Traduction]

    Il perd ses droits soit quand on peut montrer que le choix des employés qui ont écopé des sanctions disciplinaires a été fait sans distinction ou au hasard, soit quand on peut démontrer que, après avoir identifié un certain nombre de contrevenants, il a décidé d'imposer des sanctions disciplinaires non pas à tous ceux qu'il a identifiés, mais plutôt à ceux qu'il a choisis peut-être pour faire un exemple, parce qu'il a quelque chose contre un ou plusieurs d'entre eux ou peut-être aussi pour l'une quelconque de plusieurs raisons possibles. Si l'employeur se comporte de cette façon, il a agi de façon discriminatoire, arbitraire ou capricieuse, et la plupart des arbitres renverseraient ses décisions. Par contre, s'il décide d'imposer des sanctions disciplinaires à tous ceux qui ont clairement été identifiés comme ayant mal agi, comme nous l'avons vu, et que, dans ces cas-là, les preuves dont il dispose confirment clairement les identifications, et qu'il impose des sanctions sans préjudice, sans exception et sans traitement de faveur, il serait impossible de contester ses décisions avec succès, même s'il n'avait pas réussi à identifier un certain nombre de personnes tout aussi coupables (p. 15).

    [83]        Aucune de ces réserves ne s'applique dans la présente affaire. La preuve a démontré que l'employeur a tenu compte de tous les facteurs pertinents avant d'imposer des sanctions et qu'il n'a pas agi de façon arbitraire, discriminatoire ou capricieuse. Les sanctions imposées étaient proportionnelles à la gravité de la conduite des fonctionnaires s'estimant lésés et, compte tenu de la nature de leurs fautes, elles doivent être considérées comme modestes.

    [84]        Je n'ai aucune raison de m'ingérer dans le processus disciplinaire dont les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait l'objet.

    [85]        Les griefs sont rejetés.

    Colin Taylor, c.r.,
    commissaire

    VANCOUVER, le 20 janvier 2003.

    Traduction de la C.R.T.F.P.

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