Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation de la convention collective - Horaires variables - Agents de correction - Calcul des crédits de congés - Pertinence de la pratique antérieure - les fonctionnaires s'estimant lésés étaient des agents de correction travaillant par postes - ils avaient des horaires de travail variables et étaient censés travailler des postes de 8 heures - la pratique antérieure de l'employeur consistait à leur accorder des crédits de congé à raison de 8 heures de congé par jour - l'employeur a commencé à accorder ces crédits à raison de 7,5 heures par jour - il a fallu déterminer le sens d'un « jour » pour les fins du calcul et crédits de congés - la convention collective stipulait que les fonctionnaires s'estimant lésés travaillaient en moyenne 37,5 heures par semaine - elle comprenait aussi un tableau de conversion stipulant que les jours mentionnés dans toutes « les dispositions relatives aux congés » devaient être convertis de la façon qu'il précisait - l'arbitre a jugé que la convention collective n'était pas ambiguë - les parties entendaient clairement convertir les crédits de congé à raison de 7,5 heures par jour de congé - l'arbitre a aussi conclu que la pratique antérieure n'est pas pertinente quand la convention collective est claire. Griefs rejetés. Décision citée :Phillips c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-20099 (1991) (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-10-05
  • Dossier:  166-2-31118 à 166-2-31135
  • Référence:  2004 CRTFP 146

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

SUSAN ROOK ET AUTRES
(voir la liste ci-jointe)

fonctionnaires s'estimant lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Devant : Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés : Michel Bouchard, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur : Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
le 28 juin 2004.


[1]   Les griefs en instance concernent l'interprétation des dispositions relatives aux horaires variables et aux congés de la convention collective (pièce G-1) du groupe Services correctionnels (CX) travaillant à l'établissement Pittsburgh à Kingston (Ontario).

[2]   Mme Susan Rook a présenté un grief le 7 décembre 2000 pour contester l'interprétation et l'application des dispositions pertinentes de la convention collective par l'employeur. Seize collègues et elle ont déposé un grief semblable le 18 décembre 2000. À l'audience, le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés, M. Michel Bouchard, a déclaré que l'agent négociateur n'entendait pas donner suite à l'aspect du premier grief de Mme Rook (daté du 7 décembre 2000) relatif à la déduction des crédits de congés, car les parties en étaient arrivées à une entente sur cette question.

[3]   La réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs a été donnée le 31 janvier 2002. Les griefs ont été renvoyés à l'arbitrage le 11 février 2002. Par mégarde, l'agent négociateur n'a pas envoyé la deuxième page du renvoi à l'arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). M. Bouchard a fourni une copie complète du document à l'audience.

[4]   Les griefs avaient initialement été mis au rôle en juin 2002, mais les parties ont demandé et obtenu un ajournement de l'audience. Le 13 août 2002, les parties ont signé un « protocole d'entente » afin que les griefs soient mis en suspens jusqu'à la fin des négociations collectives. Après que l'employeur eut rejeté la suggestion de l'agent négociateur de soumettre l'affaire à l'arbitrage accéléré en février 2004, les griefs ont été mis au rôle une seconde fois.

La preuve

[5]   Le 20 octobre 2000, le directeur de l'établissement Pittsburgh et le président de la section locale du syndicat ont signé une entente en vue d'instaurer un régime d'horaire variable à l'établissement Pittsburgh à compter du 6 novembre 2000 (pièce G-3).

[6]   Le grief de Mme Rook (daté du 7 décembre 2000) est libellé comme suit :

[Traduction]

Le 30 novembre 2000, SCC a informé la section locale de l'établissement Pittsburgh de ce qui suit :

  1. Les agents de correction assujettis à un horaire variable acquièrent des congés en fonction d'un horaire hebdomadaire de travail de 37,5 heures et d'un jour de travail de 7,5 heures.

[…]

Je suis d'avis que ces directives contreviennent directement aux conditions d'emploi énoncées aux articles 34 et 21.

[7]   Le 17 ou le 18 décembre 2000, Mme Rook et 16 autres fonctionnaires ont présenté des griefs (tous libellés de la même manière), dont le texte est reproduit ci-dessous, pour contester les mêmes directives :

[Traduction]

Je conteste l'interprétation et l'application par l'employeur de l'article 34 (Horaire de travail variable) et de tous les autres articles connexes de la convention collective CX.

[8]   À titre de mesure corrective, les fonctionnaires s'estimant lésés demandaient ce qui suit :

[Traduction]

Par souci d'équité, je demande que les congés acquis me soient crédités de la même manière que sont débités les congés utilisés. Je veux être indemnisé(e) intégralement.

[9]   Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits (pièce G-3), dont le texte est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

Les parties conviennent que l'exposé des faits suivant s'applique à tous les griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu du numéro de dossier 166-31118-31135 :

  1. Mme Susan Rook (la fonctionnaire s'estimant lésée) est employée comme agente de correction par Service correctionnel du Canada depuis 1993 (la période est différente pour les autres fonctionnaires s'estimant lésés). Mme Rook travaille à l'établissement Pittsburgh.

  2. La fonctionnaire s'estimant lésée travaille par postes et doit effectuer une moyenne de trente-sept heures et demie (37,5) par semaine.

  3. Depuis le début de sa carrière comme agente de correction et jusqu'au 6 novembre 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée avait des postes de huit (8) heures.

  4. Du 6 novembre 2000 au 6 janvier 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a été assujettie à un horaire variable, lequel est régi par les dispositions de l'article 34 de la convention collective.

  5. À toutes les périodes pertinentes, les fonctionnaires s'estimant lésés travaillaient par postes. Leur horaire variable n'était pas fondé sur des semaines de trente-sept heures et demie (37 ½).

  6. Lorsqu'elle faisait des postes de huit (8) heures, la fonctionnaire s'estimant lésée accumulait des crédits de congés annuels, de congés de maladie et de congés pour obligations familiales à raison de huit (8) heures par jour de congé et ces mêmes congés lui étaient également débités à raison de huit (8) heures par jour de congé.

  7. Pour la période du 6 novembre 2000 au 31 mars 2001, l'employeur a crédité aux fonctionnaires s'estimant lésés huit (8) heures par jour de congé.

  8. Le 30 novembre 2000, l'employeur a avisé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il entendait créditer les congés acquis en s'appuyant sur son interprétation des dispositions de la convention collective relatives aux congés annuels, aux congés de maladie et aux congés pour obligations familiales payés applicables aux travailleurs assujettis à un horaire variable.

  9. Pour la période du 1er avril 2001 au 6 janvier 2003, l'employeur a crédité aux fonctionnaires s'estimant lésés sept heures et demie (7 1/2) par jour de congé au titre des congés annuels, des congés de maladie et des congés pour obligations familiales payés. Pendant la même période, l'employeur a débité les heures de travail prévues du solde du compte des congés de la fonctionnaire s'estimant lésée pour chaque jour de congé de maladie, de congé pour obligations familiales et de congé annuel payé utilisé, c.-à-d. douze (12) heures pour chaque jour de congé utilisé lorsque les fonctionnaires s'estimant lésés étaient assujettis à un horaire de douze (12) heures.

[10]   Les heures de travail journalières des employés travaillant le jour et des employés travaillant par postes sont établies à l'article 21 de la convention collective (pièce G-1). Les fonctionnaires s'estimant lésés sont tous des employés travaillant par postes.

ARTICLE 21
DURÉE DU TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES

Heures de travail

Travail de jour

21.01 Lorsque l'horaire de travail est établi de manière régulière, il doit être tel que les employé-e-s travaillent :

a) trente-sept heures et demie (37 1/2) et cinq (5) jours par semaine et obtiennent deux (2) jours de repos consécutifs,

b) sept heures et demie (7 1/2) par jour.

Travail par poste

21.02 Lorsque, en raison des nécessités du service, les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

a) elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

(i) travaillent une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine,

et

(ii) travaillent huit (8) heures par jour.

[…]

[11]   Les dispositions de la convention collective régissant les horaires de travail variables se trouvent à l'article 34 et à l'annexe « F », reproduits ci-après :

ARTICLE 34
HORAIRE DE TRAVAIL VARIABLE

L'Employeur et l'Alliance de la Fonction publique du Canada conviennent que les conditions suivantes s'appliquent aux employé-e-s à l'intention desquels des horaires de travail variables sont approuvés conformément aux dispositions pertinentes de la présente convention collective. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

Il est convenu que la mise en ouvre de cet assouplissement des horaires ne doit pas entraîner de dépenses ou de coûts supplémentaires du seul fait d'un tel assouplissement.

1. Conditions générales

Les heures de travail figurant à l'horaire d'une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l'horaire de travail de la journée normale de travail qu'indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des périodes de repos seront fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l'Employeur et les heures journalières de travail seront consécutives.

Dans le cas des employé-e-s travaillant par postes, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de six (6) mois.

Dans le cas des employé-e-s travaillant le jour, ces horaires doivent prévoir que leur semaine de travail normale correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de vingt-huit (28) jours.

Lorsqu'un employé-e modifie son horaire variable ou qu'il ne travaille plus selon un tel horaire, tous les rajustements voulus seront faits.

2. Conversion des jours en heures

Lorsque les dispositions de la présente convention font mention de jours, ceux-ci sont convertis en heures conformément à l'article 21 de la présente convention.

Nonobstant les dispositions qui précèdent, dans le paragraphe 30.02, Congé de deuil payé, le mot « jour » aura la même signification que dans les dispositions de la convention collective.

Dans le cas d'une semaine de travail de trente-sept heures et demie (37 1/2), le jour est converti en sept heures et demie (7 1/2).

3. Mise en ouvre/Cessation

À compter de la date à laquelle le présent article s'applique à un employé-e, ses crédits journaliers de congés acquis sont convertis en heures.

Tout retour d'un employé-e au régime des heures hebdomadaires normales de travail nécessitera la reconversion des crédits horaires en jours selon le taux de conversion modifié.

À compter de la date à laquelle le présent article cesse de s'appliquer à un employé-e, ses crédits horaires de congés annuels, de congés de maladie et de jours de remplacement acquis sont convertis en jours.

4. Congés - Généralités

Les congés sont accordés en heures, le nombre d'heures débitées pour chaque jour de congé correspondant au nombre d'heures de travail normalement prévues à l'horaire de l'employé-e pour la journée en question.

Lorsque les dispositions relatives aux congés mentionnent des jours dans la présente convention collective, ces jours sont convertis en heures de la façon suivante :

 HEURES
7 1 /2
- cinq douzièmes (5/12) de jour3,125
- une demi-journée (1/2)3,750
- cinq sixièmes (5/6) de jour6,250
- une (1) journée7,500
- un jour et quart (1 1/4)9,375
- un jour et deux tiers (1 2/3)12,500
- deux jours et un douzième (2 1/12)15,625
- deux jours et demi (2 1/2)18,750

5. Champ d'application particulier

Pour plus de précision, les dispositions suivantes sont appliquées comme suit :

Interprétation et définitions

[…]

Jours fériés désignés payés

a) Un jour férié désigné payé correspond au nombre d'heures journalières normales prévues dans la présente convention.

b) Lorsque l'employé-e travaille un jour férié désigné payé, il est rémunéré, en plus de sa rémunération horaire journalière normale prévue dans la convention particulière du groupe concerné, à tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales prévues à son horaire effectuées et à tarif double (2) pour toutes les heures effectuées en sus des heures normales prévues à son horaire.

Congés annuels

Les employé-e-s acquièrent des crédits de congés annuels au rythme prévu en fonction de leurs années de service, conformément à l'article 29 de la présente convention. Les congés sont accordés en heures, le nombre d'heures débitées pour chaque jour de congé annuel correspondant au nombre d'heures de travail normalement prévues à l'horaire de l'employé-e pour la journée en question.

Les employé-e-s qui doivent travailler pendant une partie quelconque d'une année financière en vertu des dispositions concernant l'horaire de travail variable de la présente convention collective, ne bénéficient pas de l'arrondissement, à la demi-journée suivante, des fractions de jours de congés annuels de plus ou de moins d'une demi-journée (1/2).

Congés de maladie

Les employé-e-s acquièrent des crédits de congés de maladie au rythme prévu à l'article 31 de la présente convention collective. Les congés seront accordés en heures, le nombre d'heures débitées pour chaque jour de congé de maladie correspondant au nombre d'heures de travail normalement prévues à l'horaire de l'employé-e pour la journée en question.

[...]

Rémunération d'intérim

La période ouvrant droit à la rémunération d'intérim indiquée au paragraphe 48.07, est convertie en heures.

[...]

**APPENDICE « F »

HORAIRES DE TRAVAIL VARIABLES

1. Malgré les dispositions de l'article 21 de la convention collective des employé-e-s des services correctionnels, les employé-e-s des services correctionnels qui travaillent dans des établissements correctionnels peuvent, avec l'approbation de l'Employeur, effectuer leur travail hebdomadaire en une période autre que cinq (5) jours complets, à condition de travailler en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine pendant la période fixée par l'Employeur. Pendant cette période, ils auront droit à des jours de congé ne devant pas coïncider avec leurs jours de service.

2. Sauf indication contraire de la convention collective des employé-e-s des services correctionnels, l'aménagement du temps de travail ne doit ni occasionner d'heures ou de paiements supplémentaires ni empêcher l'Employeur de programmer les heures de travail prévues dans la convention collective des employé-e-s des services correctionnels.

3. Les heures de travail visées au paragraphe 1 du présent appendice peuvent être aménagées à la demande de l'une ou l'autre des parties et doivent être convenues entre l'Employeur et la majorité des employé-e-s concernés et doivent être appliquées à tous les employé-e-s de l'établissement correctionnel.

4. Toute disposition spéciale prise en vertu du présent appendice doit être conforme aux dispositions de l'article 34 de la présente convention.

5. Les aménagements des heures de travail qui auront été appliqués dans un milieu de travail conformément au présent appendice peuvent être annulés à la fin de la période concernée, sur avis écrit donné par l'une ou l'autre partie au moins trente (30) jours à l'avance, ou plus tôt, si les deux parties sont d'accord.

[12]   Les employés acquièrent des crédits de congés annuels et de congés de maladie pour chaque mois pendant lequel ils touchent la rémunération d'au moins dix jours. Ils acquièrent des congés de maladie à raison d'un jour et quart (1 ¼) par mois (alinéa 31.01a)). Les employés travaillant par postes acquièrent en outre un sixième (1/6) de jour de congé de maladie par mois (alinéa 31.01b)). Ces crédits supplémentaires ne peuvent pas être reportés à l'exercice suivant et ne sont accessibles que si l'employé a déjà utilisé 15 crédits de congés de maladie dans l'exercice courant. Les crédits de congés annuels sont acquis selon les modalités du paragraphe 29.02, de la façon suivante :

[…]

a) un jour et quart (1 1/4) jusqu'au mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;

un jour et deux tiers (1 2/3) à partir du mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;

deux jours et un douzième (2 1/12) à partir du mois où survient son dix-neuvième (19e) anniversaire de service;

d) en vigueur le 1er avril 1999, deux jours et un douzième (2 1/12) à partir du mois où survient son dix-huitième (18e) anniversaire de service;

e) deux jours et demi (2 1/2) à partir du mois où survient son trentième (30e) anniversaire de service;

f) en vigueur le 1er avril 1999, deux jours et demi (2 1/2) à partir du mois où survient son vingt-neuvième (29e) anniversaire de service;

[…]

[13]   La convention collective stipule que le nombre de congés payés pour obligations familiales qui peuvent être accordés ne dépasse pas cinq au cours d'un exercice (paragraphe 30.15).

Argumentation

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[14]   M. Bouchard affirme que l'article 34 de la convention collective est quelque peu ambigu. L'employeur a commencé par appliquer l'interprétation privilégiée par l'agent négociateur puis il en a adopté une autre qui a entraîné une réduction du nombre de crédits de congés de maladie, de congés annuels et de congés pour obligations familiales acquis. Les congés étaient initialement crédités à raison de huit heures par jour, mais l'employeur a modifié son interprétation et ramené leur acquisition à 7,5 heures par jour.

[15]   M. Bouchard soutient que les crédits de congés devraient être acquis à raison de huit heures par jour plutôt que de 7,5 heures. L'article 34 stipule que la mise en ouvre d'un assouplissement des horaires « ne doit pas entraîner de dépenses ou de coûts supplémentaires du seul fait d'un tel assouplissement ». L'instauration d'un tel régime ne devrait entraîner aucuns coûts supplémentaires pour l'employeur ni pour les employés. L'interprétation de l'employeur est donc contraire au principe énoncé dans la convention collective.

[16]   M. Bouchard fait observer que la convention collective établit que les employés travaillant par postes doivent travailler huit heures par jour (sous-alinéa 21.02a)(ii)). La section traitant des horaires variables prévoit que les heures doivent être converties en jours : « Lorsque les dispositions de la présente convention font mention de jours, ceux-ci sont convertis en heures conformément à l'article 21 de la présente convention » (paragraphe 34.2). Par conséquent, dans le cas des employés travaillant par postes, un jour doit s'entendre d'une période de huit heures.

[17]   M. Bouchard soutient que l'employeur a initialement interprété la disposition sur les horaires variables de manière à ce que les employés acquièrent huit heures de crédits par jour. C'est seulement après la signature de la convention collective précédente que l'employeur a modifié son interprétation à 7,5 heures par jour. Si l'employeur ne change rien à sa pratique mais continue d'interpréter la convention collective de manière cohérente, on devrait conclure que cette interprétation correspond à celle qui a été négociée à la table de négociation. Dans l'affaire Phillips et le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-2-20099 (1991) (QL), l'arbitre de griefs a entendu une preuve semblable et s'en est servi au soutien de cet argument. M. Bouchard me renvoie également à l'affaire Re Selkirk College and British Columbia Government and Service Employees' Union (2002), 106 LAC (4th) 289.

[18]   M. Bouchard fait observer que le paragraphe 34.2 stipule que « dans le cas d'une semaine de travail de trente-sept heures et demie (37 1/2), le jour est converti en sept heures et demie (7 1/2) ». Il prétend qu'il n'y avait pas de semaines de travail de 37,5 heures à l'établissement Pittsburgh. La dernière phrase de la disposition est de nature générale tandis que la première est plus explicite. Il existe une présomption voulant que les dispositions explicites l'emportent sur les dispositions générales : voir Canadian Labour Arbitration (Third Edition), par MM. Brown and Beatty, au paragr. 4:2120.

[19]   M. Bouchard fait observer qu'on trouve des dispositions générales sur les congés au paragraphe 34.4 mais des dispositions particulières sur les congés annuels et les congés de maladie au paragraphe 34.5. Les congés annuels sont acquis de la manière décrite dans les dispositions de la convention collective relatives aux congés annuels (paragraphe 29.02) et les crédits de congés de maladie, selon les modalités de l'article 31. M. Bouchard soutient que ces dispositions devraient être interprétées en tenant compte de la première phrase du paragraphe 34.2, qui dit que « Lorsque les dispositions de la présente convention font mention de jours, ceux-ci sont convertis en heures […] ».

[20]   M. Bouchard soutient également qu'il faut attribuer aux termes des conventions collectives leur sens courant ou habituel (Canadian Labour Arbitration, supra, au paragr. 4:2110). Interpréter « jour » comme une période de huit heures cadre davantage avec l'esprit de la convention collective et les heures de travail des employés travaillant par postes à l'établissement Pittsburgh.

[21]   M. Bouchard soutient que du fait que l'article 34 est ambigu, le principe voulant que le texte soit interprété contre celui qui l'a formulé (contra proferentem) devrait s'appliquer, c'est-à-dire que [traduction] « c'est seulement par l'utilisation de termes suffisamment clairs qu'une dérogation à une obligation peut être établie » (Re Medis Health and Pharmaceutical Services Ltd. and Teamsters, Chemical and Allied Workers, Local 424 (2000), 93 LAC (4th) 118). Il s'agit du genre de situation que nous avons en l'espèce étant donné que la disposition limite la responsabilité de l'employeur pour ce qui touche les congés. M. Bouchard affirme que dans l'hypothèse où les autres arguments échoueraient, ce principe devrait s'appliquer. Il me renvoie également à l'affaire Re Sutton Place Hotel and United Steelworkers of America (2001), 107 LAC (4th) 370.

[22]   M. Bouchard me renvoie à la discussion sur l'interprétation de « jour » au paragraphe 4 :2153 de l'ouvrage Canadian Labour Arbitration, supra.

[23]   M. Bouchard me demande d'ordonner que le solde des crédits de congés annuels, de congés de maladie ainsi que de congés pour obligations familiales soit corrigé pour tenir compte du fait qu'ils sont acquis à raison de huit heures par jour. Il soutient que la mise en ouvre de cette ordonnance serait relativement simple à réaliser pour les fonctionnaires s'estimant lésés qui sont toujours en poste. En revanche, le processus pourrait se révéler plus complexe dans le cas des fonctionnaires s'estimant lésés qui ne sont plus des employés et M. Bouchard me demande dès lors de réserver ma décision.

Pour l'employeur

[24]   Me Hould soutient que la question à trancher est de savoir si l'interprétation retenue par l'employeur et qui consiste à créditer 7,5 heures de congé aux employés assujettis à un horaire variable est conforme à l'article 34 de la convention collective. Il affirme que l'article 34 est clair et dénué d'ambiguïté. Par conséquent, l'arbitre de griefs ne devrait pas tenir compte de la pratique antérieure de l'employeur. Quoi qu'il en soit, je n'ai entendu aucun témoignage sur la question de la pratique antérieure. Le régime d'horaire variable a été instauré en novembre 2000 et l'interprétation de l'employeur a été annoncée au cours du même mois.

[25]   Me Hould fait observer qu'il est dit à l'article 34 que « La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée. » C'est la preuve incontestable que les parties entendaient modifier la convention collective.

[26]   Me Hould soutient que le paragraphe 34.5 stipule clairement que l'objectif visé était d'introduire la notion d'heures de congé, lesquelles sont calculées selon les modalités du paragraphe 34.4. Le tableau de conversion établit clairement le taux de conversion applicable. Il ne fait aucun doute qu'en incluant le paragraphe 34.4, les parties avaient l'intention de convertir les dispositions relatives aux congés en heures pour ce qui touche l'acquisition des crédits. Le tableau montre que la conversion devait être fondée sur un ratio de 7,5 heures par jour. Me Hould est d'avis que les employés travaillant par postes continuent d'acquérir des congés selon les mêmes modalités, à cette différence qu'ils doivent être convertis en heures conformément au paragraphe 34.4. Le fait que le paragraphe 34.5 ne fasse aucune mention des congés pour obligations familiales n'a aucune incidence sur le paragraphe 34.4, qui s'applique à toutes les dispositions relatives aux congés.

[27]   Me Hould soutient que la définition de jour au paragraphe 34.2 est plus générale que la disposition particulière relative aux congés et que celle-ci doit dès lors l'emporter.

[28]   Me Hould fait observer que dans l'affaire King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 117, l'arbitre de griefs a déclaré qu'une interprétation normale du mot jour au sens d'une période de 24 heures était conforme à l'intention et à l'esprit de la convention collective « à moins d'indication contraire, comme c'est le cas pour un congé annuel ou un congé de maladie acquis ». Me Hould soutient que les parties ont donné une « indication contraire » au paragraphe 34.4. Elles ont incorporé une disposition prévoyant un nombre d'heures particulier qui s'applique à toutes les dispositions relatives aux congés. Me Hould indique que l'article 34 fait l'objet d'une analyse dans l'affaire White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel), 2003 CRTFP 40.

[29]   Me Hould soutient que la seule façon d'interpréter l'article 34 c'est par renvoi au paragraphe 34.4. Pour adopter la thèse de huit heures préconisée par l'agent négociateur, il aurait fallu que les parties utilisent un libellé semblable à celui de la disposition sur les jours fériés désignés payés. Le paragraphe 34.4 a été placé dans la convention collective pour une raison particulière; on doit l'appliquer sinon il perd tout son sens.

Réfutation

[30]   M. Bouchard soutient que le paragraphe 34.4 conserverait sa pertinence si j'acceptais l'interprétation de l'agent négociateur, car il continuerait de s'appliquer aux employés travaillant le jour. Dans l'affaire White, supra, l'arbitre de griefs n'a pas défini la notion de « jour » parce cela ne s'appliquait pas. Dans l'affaire King, supra, l'interprétation retenue se rapproche davantage de celle que l'agent négociateur préconise en l'espèce.

Motifs de la décision

[31]   La question à trancher en l'espèce est de savoir comment les employés travaillant par postes qui sont assujettis à un horaire variable acquièrent des crédits de congés. (La méthode de déduction des crédits quand un employé utilise un congé n'est pas contestée.) L'employeur considère que l'employé acquiert des crédits de congés à raison de 7,5 heures par jour alors que l'agent négociateur est d'avis que c'est à raison de huit heures par jour. L'agent négociateur soutient que les dispositions de la convention collective sont ambiguës et l'employeur réplique qu'elles sont limpides. J'en suis arrivé à la conclusion que les dispositions de la convention collective étaient dénuées d'ambiguïté et qu'elles indiquaient l'intention des parties de convertir les crédits de congés à raison de 7,5 heures par jour de congé.

[32]   L'article traitant de l'horaire de travail variable (article 34) stipule que la convention collective est modifiée par cette disposition dans la mesure indiquée. Par conséquent, l'analyse des crédits de congés acquis en vertu d'un régime d'horaire variable doit commencer par un examen de cette disposition. Le paragraphe 34.2 stipule que lorsque les dispositions de la convention collective font mention de jours, ceux-ci sont convertis en heures, conformément à l'article sur la durée du travail (article 21) et ensuite que « Dans le cas d'une semaine de travail de trente-sept heures et demie (37 1/2), le jour est converti en sept heures et demie (7 1/2). » Au paragraphe 34.1, il est dit que dans le cas des employés travaillant par postes, la semaine normale de travail correspond, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues à l'article 21, lequel stipule que les employés travaillant par postes travaillent une moyenne de 37,5 heures. L'Appendice « F » est plus explicite puisqu'il prévoit que les « employés [...] travaill[ent] en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine ». Le paragraphe 34.4 fournit un tableau de conversion complet et indique que « lorsque les dispositions relatives aux congés » mentionnent des jours, ceux-ci « sont convertis » à l'aide du tableau fourni. Ce tableau englobe la plupart des fractions de jours précisées dans les articles sur les congés et montre clairement que les crédits doivent être convertis à raison de 7,5 heures par jour. La seule fraction de congé qui n'y est pas mentionnée et le un sixième (1/6) de jour de congé de maladie supplémentaire que les employés travaillant par postes acquièrent chaque mois. Cette omission est sans conséquence et ne change rien au cadre général. L'interprétation franche des dispositions relatives à l'horaire de travail variable montre que les parties envisageaient que les crédits de congés soient convertis en heures à raison de 7,5 heures par jour.

[33]   Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés a soutenu que la disposition relative à l'horaire de travail variable qui prévoit des « coûts neutres » s'appliquait aussi aux employés et que ceux-ci ne devraient pas perdre des crédits de congés par suite de la mise en ouvre d'un assouplissement des horaires de travail. La convention collective mentionne à deux reprises l'incidence de l'aménagement des horaires de travail sur les « coûts ». À l'article 34, il est dit que « […] la mise en ouvre de cet assouplissement des horaires ne doit pas entraîner de dépenses ou de coûts supplémentaires du seul fait d'un tel assouplissement ». L'Appendice « F » est plus clair car on y lit que « l'aménagement du temps de travail ne doit ni occasionner d'heures ou de paiements supplémentaires […]». L'objectif principal de la disposition relative aux « coûts » est de limiter les coûts pour l'employeur. Cela n'empêche toutefois pas d'appliquer le principe aux employés assujettis à un horaire variable. Par rapport au régime d'acquisition des crédits de congés qui s'appliquait avant l'entrée en vigueur de l'entente sur les horaires variables, les employés n'ont subi aucune perte.

[34]   Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés a soutenu qu'il fallait appliquer le principe selon lequel le texte doit être interprété contre celui qui l'a formulé. Étant donné que je suis arrivé à la conclusion que la convention collective était dénuée d'ambiguïté, la règle ne s'applique pas en l'espèce.

[35]   Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés a également soutenu que la pratique antérieure appuyait l'interprétation selon laquelle les congés doivent être crédités à raison de huit heures par jour. La preuve de l'existence de cette pratique antérieure est pertinente seulement lorsque la convention collective est ambiguë. Or, j'ai conclu qu'elle ne l'était pas. En outre, l'énoncé conjoint des faits ne permet pas d'avancer l'argument d'une pratique antérieure pour ce qui touche les horaires variables. L'aménagement des horaires a été instauré à l'établissement Pittsburgh le 6 novembre 2000; or, l'énoncé conjoint des faits indique que l'employeur a fait connaître son interprétation des crédits de congés le 30 novembre 2000 (pièce G-3, paragraphe 8). Pour une raison qui m'est inconnue, l'employeur a crédité les congés à raison de huit heures par jour jusqu'au 31 mars 2001 (pièce G-3, paragraphe 7). Dans l'affaire Phillips, supra, l'arbitre de griefs fait observer que l'employeur avait accepté (ou fait sienne) la position de l'agent négociateur pendant plus ou moins six années. Dans l'affaire qui nous occupe, l'employeur a clairement fait connaître son interprétation le mois de l'entrée en vigueur des horaires variables à l'établissement Pittsburgh.

[36]   Pour les motifs exposés précédemment, les griefs sont rejetés.

Ian R. Mackenzie,
commissaire

OTTAWA, le 5 octobre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.


LISTE DES FONCTIONNAIRES S'ESTIMANT LÉSÉS
NOMDOSSIER
DE LA
CRTFP
ROOK, Susan 166-2-31118
166-2-31119
FIELDHOUSE, Kenneth Charles166-2-31120
DWYRE, T. Edward166-2-31121
NOTT, Wayne166-2-31122
Brunet, Pierre L. 166-2-31123
TESSIER, Paul166-2-31124
MCCANN, Tim Scott166-2-31125
TURNER, Ed Joseph166-2-31126
RACICOT, Gilles166-2-31127
WARNER, Randall166-2-31128
MONDOUX, David J.166-2-31129
JACK, Carl166-2-31130
DOWNING, Paul166-2-31131
CRAIG, Kelly Anne166-2-31132
BRESEE, Derek166-2-31133
HEBERT, Daniel166-2-31134
MARSZALEK, Wayne166-2-31135
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.