Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation de la convention collective - Agents de correction - Réaffectation ou congé liés à la maternité - Certificat médical stipulant que la fonctionnaire ne devait pas avoir de contact avec des prisonniers - Évaluation médicale indépendante - Indépendance de Santé Canada - Circonstances particulières des fonctionnaires à prendre en compte - les fonctionnaires s'estimant lésées sont des agentes de correction qui ont contesté l'interprétation, par l'employeur, de l'article 46 de leur convention collective - cet article donne aux employées enceintes ou allaitant le droit de faire modifier leurs fonctions ou d'être réaffectées à un autre poste si la poursuite de leurs activités professionnelles courantes peuvent constituer un risque pour leur santé ou pour celle du fotus - selon les circonstances particulières de la demande, l'employeur pouvait obtenir un avis médical indépendant - lorsque l'employeur concluait qu'il était difficile de modifier les tâches de l'employée ou de la réaffecter, la convention collective stipulait qu'elle avait droit à un congé payé - les fonctionnaires s'estimant lésées avaient demandé à être réaffectées à d'autres fonctions - elles avaient toutes deux présenté à l'employeur des certificats médicaux précisant notamment qu'elles ne devaient avoir aucun contact avec des prisonniers - elles avaient toutes deux accepté des postes de commis dans un bâtiment situé à l'extérieur du périmètre sécurisé de l'établissement - la directrice ne souscrivait pas à la restriction « aucun détenu dans le secteur » précisée dans les certificats médicaux des intéressées et estimait qu'elles avaient dit à leur médecin traitant quoi écrire - selon elle, les postes que les fonctionnaires s'estimant lésées avaient refusés étaient sans danger, et elle a souligné que l'employeur avait établi qu'on pouvait faire confiance aux prisonniers affectés à des tâches dans ces endroits - au début, on avait assuré aux deux fonctionnaires s'estimant lésées que l'employeur prendrait des mesures pour faire en sorte qu'elles ne soient en contact avec aucun détenu - peu après qu'elles eurent assumé leurs nouvelles fonctions, l'employeur a demandé à Santé Canada d'évaluer la limitation stipulant qu'il ne devait y avoir aucun contact avec des détenus et d'évaluer aussi une liste de postes afin de lui préciser lesquels pourraient constituer un risque pour la santé des employées ou de leurs fotus - après réception par l'employeur des résultats de l'évaluation, les deux fonctionnaires s'estimant lésées ont été informées par écrit qu'elles seraient réaffectées à des fonctions dans des endroits où il y avait des détenus - elles ont toutes deux refusé et ont été mises en congé non payé - l'arbitre a jugé que l'avis de Santé Canada n'était pas un avis médical indépendant au sens de la convention collective, puisque Santé Canada et le Service correctionnel du Canada relèvent du Conseil du Trésor - en outre, l'avis de Santé Canada n'était pas basé sur un examen de chacune des fonctionnaires s'estimant lésées - la convention collective stipulait que l'avis médical indépendant doit découler des circonstances particulières de chaque demande - l'avis de Santé Canada était de nature générale et non basé sur les circonstances particulières des fonctionnaires s'estimant lésées - les fonctionnaires s'estimant lésées s'étaient acquittées des obligations prévues par la convention collective - l'employeur n'avait pas obtenu d'avis médical indépendant, et leur réaffectation à des postes où elles allaient être en contact avec des détenus n'était donc pas conforme à la convention collective - les fonctionnaires s'estimant lésées avaient le droit d'être en congé payé. Griefs accueillis. Décisions citées :Joannisse c. Veilleux et al. (Solliciteur général Canada) , dossier de la CRTFP no 151-2-444 (1987) (QL); Cahill c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel) dossier de la CRTFP no 166-2-25253 (1994) (QL); Fontaine c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2002 CRTFP 33; Re Fishery Products (Marystown) Ltd. v. Newfoundland Fisherman, Food & Allied Workers, Local 1245 (1979), 22 L.A.C. (2d) 439; Re Ford Motor Co. of Canada Ltd. and United Automobile Workers, Local 1520 (1975), 8 L.A.C. (2d) 149; Gallivan et la Société de développement du Cap-Breton, [1982] 1 Can. LRBR 241.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-10-15
  • Dossier:  166-2-31136, 166-2-31137
  • Référence:  2004 CRTFP 150

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

MÉLANIE MAROIS et ANNIE HUBERT

fonctionnaires s'estimant lésées

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

 

Devant:   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésées:   Giovanni Mancini, avocat, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur:   Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Cowansville et Orford (Québec),
les 20 et 21 novembre 2003 et le 6 mai 2004.


[1]   Lors des événements à l'origine des griefs, Mélanie Marois et Annie Hubert occupent des postes d'agentes correctionnelles (CX-02) à l'établissement de Cowansville du Service correctionnel du Canada.

[2]   Les fonctionnaires s'estimant lésées contestent la décision de leur employeur de ne pas maintenir leurs réaffectations liées à la maternité et de les considérer en congé sans solde à compter du 19 novembre 2001.

[3]   Une visite de l'établissement de Cowansville a été effectuée le 20 novembre 2003 par le tribunal, en présence des parties et de leurs représentants. L'établissement est situé dans la région de L'Estrie, près de la ville de Cowansville, au Québec. C'est un établissement à sécurité moyenne composé de plusieurs pavillons situés à l'intérieur d'un périmètre clôturé et d'un pavillon (A-I) situé à l'extérieur de ce périmètre. D'une capacité de 424 cellules, l'établissement abrite 475 détenus, dont 100 ont des sentences à vie.

[4]   L'article 46 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers Syndicat des agents correctionnels du Canada CSN, pour le groupe Services correctionnels (non-surveillants et surveillants), portant la date d'expiration du 31 mai 2002, s'applique aux présents dossiers (pièce F 1). L'article 46 est rédigé comme suit :

ARTICLE 46

RÉAFFECTATION OU CONGÉ LIÉS À LA MATERNITÉ

46.01 L'employée enceinte ou allaitant un enfant peut, pendant la période qui va du début de la grossesse à la fin de la vingt-quatrième (24e) semaine qui suit l'accouchement, demander à l'Employeur de modifier ses tâches ou de la réaffecter à un autre poste si, en raison de sa grossesse ou de l'allaitement, la poursuite de ses activités professionnelles courantes peut constituer un risque pour sa santé, celle du fotus ou celle de l'enfant.

46.02 La demande dont il est question au paragraphe 46.01 est accompagnée d'un certificat médical ou est suivie d'un certificat médical aussitôt que possible faisant état de la durée prévue du risque possible et des activités ou conditions à éviter pour l'éliminer. Selon les circonstances particulières de la demande, l'Employeur peut obtenir un avis médical indépendant.

46.03 L'employée peut poursuivre ses activités professionnelles courantes pendant que l'Employeur étudie sa demande; toutefois, si le risque que représentent ses activités professionnelles l'exige, l'employé-e a droit de se faire attribuer d'autres tâches jusqu'à ce que l'Employeur :

  1. modifie ses tâches ou la réaffecte,

    ou

  2. l'informe par écrit qu'il est difficilement réalisable de prendre de telles mesures.

46.04 L'Employeur, dans la mesure du possible, modifie les tâches de l'employée ou la réaffecte.

46.05 Lorsque l'Employeur conclut qu'il est difficilement réalisable de modifier les tâches de l'employée ou de la réaffecter de façon à éviter les activités ou les conditions mentionnées dans le certificat médical, l'Employeur en informe l'employée par écrit et lui octroie un congé non payé pendant la période mentionnée au certificat médical. Toutefois, ce congé doit se terminer au plus tard vingt-quatre (24) semaines après la naissance.

46.06 Sauf exception valable, l'employée qui bénéficie d'une modification des tâches, d'une réaffectation ou d'un congé est tenue de remettre un préavis écrit d'au moins deux (2) semaines à l'Employeur de tout changement de la durée prévue du risque ou de l'incapacité que mentionne le certificat médical d'origine. Ce préavis doit être accompagné d'un nouveau certificat médical.

**

46.07 Nonobstant le paragraphe 46.05, dans le cas d'une employée qui travaille dans un établissement où elle a un contact direct et régulier avec les détenus, lorsque l'Employeur conclut qu'il est difficilement réalisable de modifier les tâches de l'employée ou de la réaffecter de façon à éviter les activités ou les conditions mentionnées dans le certificat médical, l'Employeur en informe l'employée par écrit et lui octroie un congé payé pendant la période du risque mentionnée au certificat médical. Toutefois, ce congé doit se terminer au plus tard à la date du début du congé de maternité non payé ou à la date de fin de la grossesse, selon la première de ces éventualités.

[5]   Mme Hubert a avisé son superviseur (Michel Gagnon) de son état de grossesse le 2 août 2001. À ce moment, elle occupait un poste d'agente correctionnelle de niveau 2 (CX-02). Antérieurement, elle occupait, de façon intérimaire, un poste d'agente de libération conditionnelle duquel elle s'était désistée. Elle s'est alors prévalue d'un congé avec solde prévu à l'article 132 duCode canadien du travail pour les employées enceintes.

[6]   Un certificat médical signé par Dr Martel a été fourni à l'établissement le 24 août 2001, stipulant les restrictions suivantes (pièce F-6) :

  • pas de travail de nuit, 8 hres/jour max et 40 hres/sem max
  • pas contact avec prisonniers
  • pas d'armes à feu
  • pas de contact visuel de scènes de violence
  • pas de charges de plus de 20 kg et 15 à 20 kg occasionnel seulement.

[7]   Une rencontre a été tenue le 28 août 2001 avec Régis Charron (directeur adjoint, services de gestion), en présence de Daniel Guenette (représentant syndical) et Pierre Ouellet (représentant responsable de la santé et sécurité au travail) et de Mme Hubert pour lui offrir divers postes suite à sa demande de réaffectation basée sur la clause 46.01 de la convention collective. M. Charron a accepté de sécuriser les lieux où la rencontre devait avoir lieu de manière à ce qu'aucun détenu ne soit présent en faisant cesser toute circulation des détenues à cet endroit.

[8]   Divers postes de réaffectation lui ont alors été offerts : CX-01 à l'entrée principale, contrôle central, poste principal contrôle des caméras, assistante du surveillant correctionnel, commis à la gestion des cas et personnel/magasin. Ces postes ne rencontraient pas les restrictions précisées au certificat médical selon Mme Hubert et les parties se sont entendues pour lui permettre de vérifier auprès de son médecin les restrictions qu'il a imposées. Le 14 septembre 2001, Dr Martel précise ce qui suit (pièce F-7) :

Réaffectation à un travail dans un département administratif où aucun détenu n'a accès. P.S. note antérieure tjrs valide.

[9]   Une rencontre a été tenue avec Lucette L'Espérance (Chef administration et gestion du matériel, CAGM) et Alexandra Aless (gérante d'unité), pour l'employeur, et avec Mme Hubert et ses représentants le 18 septembre 2001. Préalablement à cette rencontre, Mme L'Espérance avait assuré à Mme Hubert, par écrit, qu'aucun détenu ne serait sur les lieux. Un poste de commis à la formation et aux dossiers des détenus lui a été offert, comportant du travail à l'ordinateur et dans les dossiers. Une formation lui serait donnée pour une période d'une semaine et demie à deux semaines, dans les bureaux situés au 2e étage de l'administration I. Elle effectuerait ensuite le travail dans les locaux situés à l'édifice A I.

[10]   Pour la période de formation de Mme Hubert, le travail qu'elle y effectue est assimilable à celui décrit comme suit à la pièce E 3 :

Travail clérical à l'administration I (2e étage) :

Nous offrons à ces employées d'effectuer du travail clérical et administratif. Travail à 37.5 hres/semaine, 5 jours/semaine. Aucun effort physique intense, aucune arme, aucun gaz, aucun soulèvement de poids.

L'Administration I est un bâtiment dans lequel on retrouve au 1er étage : l'entrée principale, la salle de visites et le contrôle de l'entrée principale puis au 2e étage : le bureau de la Directrice, le Directeur-adjoint des services de gestion, le Chef finance, la Chef administration et gestion du matériel ainsi que leurs adjointes. Tous travaillent dans des bureaux fermés.

Le seul détenu qui est autorisé à circuler à cet endroit est le nettoyeur qui est un détenu qui a été sélectionné et qui rencontre la cote sécurité exigée pour occuper ce poste de nettoyeur. Sa présence dans nos bureaux est minime se limitant à vider les poubelles quotidiennement et passer l'aspirateur 1 à 2 fois/semaine.

Les autres présences de détenus qu'il peut y avoir à l'occasion c'est lorsqu'un détenu est libéré ou sort en absence temporaire, il se présente escorté par un officier pour recevoir l'argent auquel il a droit. Ce guichet se retrouve au côté de la porte de sortie qui mène à l'escalier et comme il est escorté, il ne se déplace pas sur l'étage. Il demeure à ce guichet et sa présence dure environ 5 minutes. Nous évaluons à environ 2 ou 3 détenus par semaine qui se présentent à ce guichet.

[11]   Pendant la période de formation, aucun détenu n'occupait le poste de nettoyeur à l'édifice administration I. Une entente est intervenue assurant qu'il n'y aurait aucun contact de détenus avec Mme Hubert pour toute la période de sa formation. Une note de service est adressée au surveillant correctionnel en charge à l'entrée principale lui demandant d'aviser les responsables (Mme L'Espérance ou Mme Venne) lorsqu'un détenu devra accéder au 2e étage de l'administration I (pièce E-1). Lorsqu'un détenu devait avoir accès à l'étage, la porte du bureau où Mme Hubert effectuait sa formation était alors fermée et barrée pour la période de présence du détenu. Cette procédure a été appliquée pour toute la période de formation. Brigitte Dubé, la directrice de l'établissement, a précisé, lors de son témoignage, que malgré ces précautions, Mme Hubert aurait eu peur lorsqu'elle a croisé un nouvel employé qu'elle a pris pour un détenu.

[12]   Vers le 26 septembre 2001, Mme L'Espérance informe Mme Hubert, ainsi que son représentant, qu'un détenu a été sélectionné pour agir comme nettoyeur à l'administration I à raison de quatre heures par jour. L'employeur voudrait alors que Mme Hubert accepte de continuer d'effectuer les tâches de commis à la formation dans les locaux de l'administration I. Aucune modification à l'entente initiale n'était acceptable pour Mme Hubert et son représentant et elle a effectué ses fonctions à partir de l'édifice A-I, à compter du 27 septembre 2001. Lors des discussions à ce sujet, l'employeur a informé Mme Hubert que son certificat médical serait contesté.

[13]   L'édifice A-I est situé à l'extérieur du périmètre clôturé et sécurisé du pénitencier. Des salles de réunions et des locaux servant de bureaux y sont situés. Les installations ont été améliorées pour permettre à Mme Hubert de pouvoir effectuer les fonctions de commis à la formation et aux dossiers à partir de ces locaux. Ainsi, des ordinateurs plus performants y auraient été installés. L'employeur précise, en la pièce E-3, que cinq personnes travaillent à cet endroit et qu'aucun détenu n'y a accès. Lors de son témoignage, Mme Dubé a précisé qu'un détenu pouvait être assigné à l'entretien du terrain dans le secteur de l'édifice A-I et il serait alors accompagné par un commis à la formation et que, à certains moments, un détenu nettoyeur a pu y être assigné. Pour les fonctionnaires s'estimant lésées, les restrictions précisées aux certificats médicaux sont respectées lorsque l'employeur leur demande d'effectuer leurs fonctions dans les locaux de l'édifice A-I.

[14]   Mélanie Marois, occupant un poste de CX-02 au pavillon 8 (bâtiment situé à l'intérieur du périmètre et où sont situées les cellules où résident les détenus), avise l'employeur de son état de grossesse le 11 septembre 2001. Elle s'est prévalue du congé avec solde prévu à l'article 132 duCode canadien du travail pour la période qui lui est nécessaire pour obtenir un certificat de son médecin. Dr Chagnon précise, au certificat émis le 20 septembre 2001, les restrictions suivantes (pièce F-3) :

  • Aucun détenu dans le même secteur
  • Pas d'exposition à gaz toxique ou armes à feux
  • Pas de contact visuel avec scène de violence
  • Pas de travail de nuit

[15]   Vers la fin septembre, début octobre 2001, Mme Bisson (gérante d'unité) lui offre une réaffectation au poste de commis de gestion de cas dont le lieu de travail est situé à l'édifice administration III. Ce poste est décrit comme suit à la pièce E-3 :

1.   Commis gestion des cas

Travail de jour du lundi au vendredi d'une durée de 7.5h/jour

Bureaux situés à l'intérieur dans un secteur administratif isolé avec une porte contrôlée par un agent de correction pour l'ouverture et la fermeture. Une vingtaine de personnes travaillent dans ce secteur. Un détenu y effectue le nettoyage tous les jours de 13h à 14h30, c'est un détenu dont le dossier est scruté par les agents de sécurité préventive seulement et qui a un profil de sécurité non représentatif de notre clientèle qui est autorisé à travailler à cet endroit. (Ce sont des détenus qui ont une cote de sécurité minimum ou des détenus de post suspension)

Les fonctions à effectuer :

  • travail général de bureau;
  • utilisation d'un ordinateur (travailler assis fréquemment);
  • faire des photocopies;
  • classement de documents dans les dossiers (assis ou debout);
  • envoi de bélinogrammes;
  • expédition et réception du courrier interne;
  • écrire notes internes;
  • saisie de données;
  • ouverture de dossiers.

[16]   Selon les témoignages, les fonctions du poste de commis à la gestion sont semblables à celles du poste «Travail clérical-Administration III » décrit à la pièce E-2. La description suivante de l'administration III est valable pour le poste offert à Mme Marois en y faisant les adaptations nécessaires en regard des tâches spécifiques (pièce E-2) :

Travail clérical - Administration III

Travail clérical et administratif, 37.5 hres/semaines, 5 jours/ semaine. Aucun effort physique intense, aucune arme, aucun gaz, aucun soulèvement de poids.

L'administration III est un bâtiment où se retrouvent le bureau du Sous-Directeur des opérations correctionnelles, le Coordonnateur des opérations correctionnelles, le secrétariat de la gestion de cas, la division informatique, les agents de sécurité préventive, la salle des dossiers, la salle d'audiences de la Commission des libérations conditionnelles. C'est un bâtiment dont l'accès est contrôlé par le contrôle central et seuls les détenus qui ont un rendez-vous avec un employé travaillant dans cette bâtisse peuvent avoir accès sur présentation d'une passe rédigée à cet effet. Chaque employé(e) travaille dans un bureau fermé. Un détenu-nettoyeur est présent sur une base quotidienne mais entre dans les bureaux pour y faire l'entretien que si l'employé(e) lui donne l'accès et la permission.

L'administration III est située à environ 200 pieds de l'entrée principale et à proximité du contrôle central dans lequel un gardien voit à vérifier les allées et venues des détenus, vérifier les passes de circulation de détenus et contrôler l'ouverture des portes des bâtiments et des grilles. Les détenus qui circulent dans le corridor extérieur qui passe devant le bâtiment III se rendent soit au centre de soins, soit au socio-culturel pour y suivre de la formation et également pour se rendre à l'administration I pour leurs visites.

Les tâches offertes ne comportent aucun contact direct avec les détenus mais un contact visuel lorsque cette employée circulera dans le corridor pour sortir du bâtiment et se rendre à l'entrée principale.

[17]   Mme Marois a précisé, lors de son témoignage, que les détenus avec passe ne sont pas toujours escortés lorsqu'ils se présentent au 2e étage de l'administration III pour leurs rendez-vous. Mme Marois a refusé cette affectation qui ne rencontre pas, selon elle, les restrictions spécifiées au certificat médical. Le 12 octobre 2001, une affectation au poste d'adjointe à la coordonnatrice au transport, dont le bureau est situé à l'administration I, lui est offerte. Cette affectation est refusée, la restriction relative à l'absence de détenus dans le secteur n'étant pas rencontrée. Elle est finalement assignée à l'édifice A-I où elle aidera Mme Hubert dans les fonctions de commis à la formation et aux dossiers.

[18]   La directrice de l'établissement de Cowansville, Mme Dubé, donne avis aux responsables, le 10 septembre 2001, que, à compter de cette date, elle ne considère plus comme une nécessité que les détenus travaillant à l'administration I aient une cote de sécurité minimale. Elle considère, cependant, primordial que les candidats pour ces postes présentent une évaluation démontrant un niveau de confiance au niveau sécuritaire (pièce F-8).

[19]   D'autres employées étaient enceintes à cette période : Mme Richard (agente de libération conditionnelle) a continué ses tâches au pavillon 9; Mme Simard (agente de libération conditionnelle) a été assignée au poste de coordonnatrice clinique à l'administration III; et Mme Vaugeois (CX-02) avait accepté une réaffectation à un poste à l'administration I, mais n'a jamais effectué la fonction assignée pour cause d'absence pour raisons de santé.

[20]   Mme Dubé n'était pas d'accord avec la restriction « aucun détenu dans le secteur » précisée aux certificats médicaux. Elle témoigne que ce qui crée un problème c'est de définir ce qui constitue un contact avec un détenu. Pour elle, il paraît évident que les agentes correctionnelles enceintes ne peuvent être en contrôle des détenus pour des motifs de protection de la santé, tant de la mère que du fotus ou celle de l'enfant. Une réaffectation des agentes correctionnelles enceintes à des postes sécuritaires correspond à la politique applicable en ces circonstances. Elle soumet, en son témoignage, que « aucun contact avec un détenu » est, au sens stricte de ces termes, une condition impossible à respecter en milieu carcéral et que ce n'est sûrement pas le sens à donner à la clause 46.07, de donner un congé payé à toutes les travailleuses enceintes.

[21]   Le 15 octobre 2001, Mme Dubé écrit à Serge Doyon (conseiller senior, relations de travail à l'administration régionale) pour transmettre à Santé Canada une demande d'évaluation des postes offerts en réaffectation aux agentes correctionnelles enceintes. Elle s'exprime comme suit (pièce E-2) :

DEMANDE D'AVIS DE SANTÉ Canada

Nous avons actuellement 3 agentes de correction (CX-01) qui sont enceintes et qui se prévalent actuellement de l'article 132.(1) du Code canadien du travail en ce sens qu'elles croient que la poursuite de leurs fonctions peuvent constituer un risque pour leur santé ou celle du fotus. Elles ont donc décidé de cesser d'exercer leurs fonctions.

Elles nous ont transmises des certificats médicaux lesquels mentionnent qu'elles devraient être réaffectées à un autre poste sécuritaire durant leur grossesse et les limitations suivantes sont écrites :

  • Semaine moins de 40 heures
  • Travail à 8 heures par jour (maximum)
  • Pas d'horaire de nuit
  • Soulèvement de poids maximum 10 à 15 kg
  • Éviter les efforts physiques intenses
  • Aucun contact avec les détenus (risque d'agression)
  • Éviter gaz et armes à feu
  • Éviter travail au M.C.C.P.
  • Favoriser un poste à l'extérieur du pénitencier

Il est clair que ces limitations ont été inscrites à la demande des fonctionnaires, car les médecins traitants ne peuvent connaître ce qu'est un « M.C.C.P. » et ne peuvent évaluer le degré de risque d'agression selon l'affectation proposée.

[N.B. : Souligné par le signataire.]

Bien que nous reconnaissions que le travail d'agente de correction ne puisse convenir à une femme enceinte, il y a d'autres tâches qui peuvent être effectuées par ces dernières tout en demeurant sécuritaire.Cependant la liste des limitations amène beaucoup de questionnement de la part de la gestion et devrait être révisée par les spécialistes de Santé Canada, à savoir s'il y a une contre-indication d'ordre médicale pour les postes et/ou tâches à effectuer auxquels nous désirons affecter ces dernières soit :

[N.B. : Souligné par le signataire.]

Travail clérical à l'administration 1 (2e étage) :

.

[Cette description a été déjà reportée dans la présente décision.]

Nous considérons donc que cette tâche offerte est raisonnable et sécuritaire et qu'elle ne constitue pas un risque pour la santé de l'employée et de son fotus.

Travail clérical - Administration III

.

[Description du poste déjà reportée dans la présente décision.]

Travail au M.C.C.P. :

Ce type de travail a été vérifié par les spécialistes de Santé Canada dans le cas d'une autre employée d'un autre établissement et il n'y avait aucun contre-indication d'ordre médical à ce qu'elle effectue les tâches liées au poste principal de contrôle et de communication.

Agent de gestion de cas : (description de tâches jointe à cette demande)

37.5 hres/semaine, 5 jour/semaine. Aucun gaz, aucune arme, aucun soulèvement de poids.

Bien que ce travail demande à être en contact direct avec les détenues et de travailler dans un pavillon où logent les détenus. Ce type de travail est présentement effectuée et a été effectuée par d'autres employées féminins enceintes qui font partie d'une autre affiliation syndicale et qui n'ont jamais éprouvé de problèmes de santé en raison du type de travail qu'elles effectuaient.

Finalement, nous aimerions que la limitation d'aucun contact avec les détenus soit évaluée à savoir si un contact visuel peut constituer un risque pour leur santé et celle de leur fotus malgré tous les contrôles sécuritaires existants.

[N.B. : Souligné par le signataire.]

Deux de ces employées enceintes, étaient également enceintes il y a deux ans et durant leur grossesse ont été ré-affectées à des postes sécuritaires et administratif où il n'y avait pas d'armes, mais avaient des contacts directs avec des détenus et jamais elles n'ont fait mention qu'elle considéraient que ces postes constituaient un risque pour leur santé et celle de leur fotus et leur grossesse s'est très bien déroulée.

Nous demandons donc que les spécialistes de Santé Canada évaluent si les affectations demandées constituent un risque pour la santé de ces employées enceintes et celle de leur fotus tout en tenant compte que beaucoup d'employé(e)s enceintes faisant partie de d'autres groupes de travail effectuent des tâches similaires dans les mêmes conditions.

De plus, comme ces situations risquent de se répéter dans le futur, il serait bon qu'un spécialiste de Santé Canada nous rende visite afin d'évaluer sur place les différentes propositions de tâches et qu'un consolidé soit fait pour le service du syndicat et de l'employeur.

[Sic pour l'ensemble de la citation.]

[22]   La demande d'évaluation a été expédiée à Santé Canada le 15 octobre 2000, par M. Doyon. Un document énonçant la description des tâches pour les postes de commis à la gestion des cas, commis sécurité préventive, commis bureau général, commis services techniques, commis bâtisse des services, préposé visite et correspondance, et contrôle poterne a été annexé à la demande (pièce E-3). Un addendum est expédié à Santé Canada le 6 novembre 2001, précisant qu'un détenu affecté comme commis aux finances s'est ajouté au détenu aux fonctions de commis-nettoyeur au 2e étage de l'administration I. Les éléments suivants y sont précisés (pièce E-4) :

Nous avions alors indiqué qu'un seul détenu travaillait sur cet étage, alors qu'il occupait les fonctions de commis-nettoyeur et que sa présence était minime se limitant à vider les poubelles quotidiennement et assurer l'entretien dans les bureaux et corridors. Tous les bureaux sont fermés et ce détenu est autorisé à y entrer que pour y faire son travail de nettoyeur qui est d'environ 5 minutes par jour.

Or, depuis le début de cette semaine, un autre détenu effectué comme commis aux finances s'est ajouté sur l'étage. Il a été sélectionné et rencontre la cote de sécurité exigée pour travailler sur cet étage et dans ce bâtiment. Il est affecté à ce poste 5 jours/semaine et travaille sous la supervision de la chef finance int.. Il travaille dans un bureau fermé qui est situé au côté du département des finances et à 45 pieds du bureau où nous désirons affecter un employée Cx enceinte. Il travaille toujours seul dans ce bureau qui est fermé et il n'a aucun contact direct et constant avec les employés des autres département de cet étage. Le seul contact qu'il pourrait y avoir c'est en le rencontrant pour se rendre à la salle de bain des dames qui est situé au côté du bureau où il travaille.

Nous désirons donc connaître l'avis de Santé Canada à savoir si la présence de ce détenu commis aux finances peut constituer un risque pour la santé du fotus et de la mère.

[N.B. : Souligné par le signataire.]

[Sic pour l'ensemble de la citation.]

[23]   Le même jour, M. Doyon confirme à Mme L'Espérance qu'il considère que l'employeur pourrait affecter une employée CX dans un poste de commis de gestion de cas à l'administration I. Il précise (pièce F-10) :

Des postes semblables ont été soumis à Santé Canada et la conclusion était à l'effet que ces postes ne représentaient pas un danger pour la santé de l'employée et du fotus. De plus, l'administration centrale est d'accord avec cette position dans la mesure où l'employée CX affectée dans ce type de poste ne soit pas exposée de façon constante aux détenus.

[24]   Santé Canada aurait soumis un rapport verbal à M. Doyon suite à sa demande du 15 octobre 2001. Ces conclusions ont été soumises à Mmes Dubé et L'Espérance, qui ont convoqué les employées enceintes pour une rencontre devant se tenir le 13 novembre 2001, à la salle de conférences de l'administration I. Mme L'Espérance précise comme suit le sujet de la rencontre dans un courriel daté du 8 novembre 2001 (pièce F-4) :

Le sujet de cette rencontre est de vous faire part des éléments nouveaux fournis par Santé Canada concernant l'affectation du personnel féminin CX enceinte.

[25]   Par l'entremise de leurs représentants syndicaux, les fonctionnaires s'estimant lésées ont demandé de sécuriser les lieux, c'est-à-dire de fermer et barrer les portes des bureaux de manière à assurer qu'il n'y aurait aucun contact avec des détenus oeuvrant comme nettoyeur et commis aux finances, ainsi qu'aucun autre détenu pouvant avoir accès au 2e étage de l'administration I. Cette demande est refusée, Mme Dubé refusant d'enfermer les détenus dans les bureaux où ils travaillent. Selon elle, les lieux sont sécuritaires et de nombreuses personnes pourraient intervenir au besoin.

[26]   Les représentants syndicaux (France Fortin accompagnée de Mario Martel, Danielle Verrette, Pierre Ouellet et Me John Mancini) ont rencontré des représentants de l'employeur (Mme Dubé, M. Guérin et Mme Bisson) et on transmis le refus de Mmes Hubert et Marois de se présenter à cette rencontre alors que les restrictions précisées à leurs certificats médicaux (aucun détenu sur les lieux) n'étaient pas respectées. En regard des éléments fournis par Santé Canada, les représentants syndicaux ont précisé à l'employeur qu'ils n'avaient aucun mandat à cet égard.

[27]   Mme Dubé a avisé, par écrit, Mmes Hubert et Marois de sa décision relativement à leurs réaffectations le 14 novembre 2001. Elle s'exprime comme suit (pièce F-5) :

Tel qu'indiqué à vos représentants syndicaux, je me vois donc dans l'obligation de vous faire part par écrit de ma décision en ce qui concerne votre réaffectation à la lumière des avis médicaux obtenus des spécialistes de Santé Canada.

Suite à la réception des certificats médicaux que vous m'avez remis j'ai, tel que stipulé à l'article 46.02 de votre convention collective, obtenu un avis médical indépendant qui a conclu qu'il n'y a aucune contre-indication d'ordre médical à ce qu'une employée du groupe CX enceinte soit affectée dans un poste de commis soit à l'administration 1 ou à l'administration 3. Je vous rappelle que les détenus qui travaillent dans ces deux bâtiments sont des détenus qui ont été sélectionnés selon des critères de sécurité exigés pour effectuer les tâches demandées et que vos contacts avec ces détenus travaillant dans ce secteur ne seront pas réguliers.

C'est donc dire qu'à compter de lundi 19 novembre 2001, 8 heures a.m., vous serez réaffectée à des tâches cléricales et/ou administratives soit à l'Administration 1 ou 3 et ce jusqu'au début de votre congé de maternité ou à la date de la fin de la grossesse, selon la première de ces éventualités. Vous devrez donc ce même jour, vous présenter au bureau de Mme Lucette L'Espérance, C.A.G.M. afin qu'elle vous assigne des tâches et un endroit de travail.

Advenant le fait que vous refusez de vous conformer à cette décision, vous serez alors considérée comme étant en congé sans solde et ce à compter du même jour, soit le 19 novembre 2001.

[28]   Les fonctionnaires s'estimant lésées ont avisé Mme Dubé qu'elles étaient en désaccord avec les réaffectations. Mme Hubert explique sa position dans la note de service adressée à Mme Dubé le 19 novembre 2001 (pièce E-6) :

Par la présente, j'accuse réception de votre lettre datée du 14 novembre 2001. Donc, en date du 19 novembre 2001, Mme L'Espérance m'offrait les mêmes fonctions que j'occupais jusqu'à maintenant (depuis 2 mois, à la bâtisse A-1), mais à un endroit différent, soit à l'administration 1.

Je tiens à souligner que je suis en désaccord total avec cette décision qui consiste à me réaffecter une deuxième fois, mais dans un lieu différent ou

[sic] il y a la présence régulière de détenus.

Bref, il faut bien comprendre que la raison pour laquelle il m'est impossible de me conformer à votre décision ne concerne pas les tâches demandées, mais bien le lieu dans lequel vous me demandez d'exécuter ces tâches étant donné qu'il ne correspond aucunement à mon billet médical.

[29]   Mme Marois a précisé lors de son témoignage que l'employeur a refusé à trois reprises de lui fournir une copie de l'avis émis par Santé Canada.

[30]   Mmes Marois et Hubert ont reçu la réponse de l'employeur à leurs postes de travail qui étaient à ce moment à l'édifice A-I. Elles ont été avisées, suite à leurs refus, qu'elles devaient quitter les lieux (par Mme L'Espérance pour Mme Hubert; par Mme Bisson pour Mme Marois). Elles ont été en congé sans solde jusqu'à la fin de leurs grossesses (ou au début du congé de maternité).

[31]   Santé Canada a confirmé par écrit ses recommandations relativement aux postes qui pourraient être offerts aux femmes enceintes le 20 novembre 2001. Dde Carole Leclair s'exprime ainsi (pièce E-5) :

Nous accusons réception de votre lettre datée du 7 novembre 2001 dans laquelle vous nous demandiez notre opinion concernant de postes de travail qui pourraient être offerts aux agents de correction durant leur grossesse.

Suite à l'analyse des descriptions de tâches proposées et à nos discussions téléphoniques, nous vous recommandons les postes suivants (ou des postes équivalents), puisque ces derniers ne posent pas de risque pour la santé des femmes enceintes et celle de leur fotus.

  • Commis de gestion de cas
  • Commis sécurité préventive
  • Commis de bureau général
  • Commis services techniques
  • Commis bâtisse des services

Par contre, nous déconseillons les postes suivants (ou des postes équivalents) :

  • Préposé, visites et correspondance
  • Contrôle poterne

Si vous avez besoin de plus amples informations, n'hésitez pas à nous contacter.

[32]   Mme Dubé a longuement précisé lors de son témoignage les motifs selon lesquels les réaffectations offertes aux fonctionnaires s'estimant lésées étaient sécuritaires. En plus des éléments déjà précisés dans la présente décision, Mme Dubé a insisté sur le fait que les bureaux situés à l'administration I (2e étage) étaient tout à fait sécuritaires et étaient conçus pour servir de centre de gestion de crise. L'administration III est aussi un endroit sécuritaire où l'accès et la circulation des détenus sont contrôlés. Selon Mme Dubé, les médecins traitants ont tout simplement spécifié aux certificats médicaux les restrictions qui leur ont été dictées par les fonctionnaires s'estimant lésées.

[33]   En contre-preuve, Annie Poirier, représentante régionale de l'agent négociateur responsable de la condition féminine pour la région du Québec, a témoigné avoir déjà vu le document déposé comme pièce E-3 à l'occasion d'un litige lié à l'affectation des agentes correctionnelles enceintes qui oeuvraient au pénitencier de Donnacona, en juillet 2001. Elle précise que la réponse donnée par Santé Canada aux présents dossiers était connue par le Service correctionnel du Canada depuis cette date.

Argumentation soumise pour les fonctionnaires s'estimant lésées

[34]   La clause 46.07 a été ajoutée à la convention collective lors de la dernière ronde de négociations. Elle prévoit que la fonctionnaire bénéficiera d'un congé payé s'il est difficilement réalisable, pour l'employeur, de réaffecter l'employée enceinte de façon à éviter les conditions mentionnées au certificat médical.

[35]   La clause 46.02 prévoit que l'employeur peut obtenir un avis médical indépendant relativement à la durée du risque possible et des activités ou conditions à éviter pour l'éliminer qui sont précisées au certificat médical fourni par le médecin traitant.

[36]   Aux présents dossiers, l'employeur allègue que les certificats médicaux précisant « aucun détenu dans les lieux » ont été obtenus de complaisance. L'employeur soumet que, aux postes offerts à l'administration I ou à l'administration III, la présence de détenus est occasionnelle et ne présente pas de risque pour la mère, l'enfant ou le fotus. L'employeur conteste ainsi les restrictions précisées aux certificats médicaux.

[37]   A l'établissement de Cowansville, la direction veut déterminer elle-même ce qui est raisonnable comme conditions et faire endosser sa position par Santé Canada.

[38]   L'employeur connaissait l'avis qui avait été donné par Santé Canada dans le cas de l'établissement Donnacona en juillet 2001, et espérait la même réponse pour Cowansville.

[39]   Les réaffectations de Mmes Marois et Hubert à des fonctions à effectuer dans l'édifice A-I respectaient les restrictions prévues aux certificats médicaux et avaient été acceptées par elles. Par la suite, l'employeur dit que ce n'est plus possible et veut les réaffecter aux mêmes fonctions à accomplir dans les bureaux de l'administration I ou de l'administration III. L'établissement de Cowansville est à sécurité moyenne et les détenus sont considérés violents ou très violents et il est clair qu'ils ont accès aux locaux de l'administration I et de l'administration III, allant ainsi à l'encontre des restrictions des certificats médicaux.

[40]   Il appert de la pièce E-2 que l'employeur reproche aux fonctionnaires d'avoir fourni à leurs médecins traitants les éléments nécessaires pour qu'ils puissent évaluer les risques selon les affectations proposées.

[41]   L'employeur veut substituer sa propre évaluation du risque selon les postes offerts à celle effectuée par les médecins traitants. La solution de l'affectation à l'immeuble A-I a été démontrée comme réalisable et efficace. Si l'employeur soumet que l'application est trop compliquée, il n'a pas d'autre choix que de donner un congé payé aux fonctionnaires.

[42]   Santé Canada n'a pas répondu à la question de fond, à savoir si le contact avec des détenus présentait un risque. Santé Canada a répondu que certains postes ne posent pas de risque pour la santé des femmes enceintes et celle de leur fotus (pièce E-5). L'employeur ne peut pas contester, de lui-même, le contenu du certificat médical suivant la clause 46.02 et en ce sens, Santé Canada ne peut pas évaluer si les restrictions précisées aux certificats médicaux sont rencontrées. En obtenant un avis de Santé Canada, l'employeur n'a pas obtenu d'avis médical indépendant.

[43]   La directrice de l'établissement s'est toujours refusée à vouloir considérer comme une restriction réaliste et acceptable celle qui stipulait qu'il ne devrait y avoir aucun contact avec un détenu. Elle tente plutôt de dévier le débat en rendant acceptable un contact avec un détenu présentant une évaluation sécuritaire. Elle veut faire accepter que des contacts avec des détenus en certains lieux, qu'elle décrit comme sécuritaires, ne présentent pas de risque pour les employées enceintes. Ces évaluations sont clairement à l'encontre des avis des médecins traitants.

[44]   L'employeur, en refusant d'appliquer les restrictions stipulées aux certificats médicaux aux postes de réaffectations, rend, lui-même, impossible une réaffectation respectant les restrictions et il doit, en conséquence, accorder un congé payé aux fonctionnaires s'estimant lésées.

Argumentation soumise pour l'employeur

[45]   L'employeur admet que la clause 46.07 s'applique aux agentes correctionnelles enceintes qui ont, dans le cadre de leurs fonctions, à contrôler les détenus. La politique appliquée pour les agentes correctionnelles implique une réaffectation dans des postes où elles n'ont pas à assurer le contrôle sur les détenus ou à avoir des contacts directs et réguliers avec eux.

[46]   L'employeur a affecté provisoirement les fonctionnaires enceintes à des tâches cléricales à effectuer à partir du bâtiment A-I, situé à l'extérieur du périmètre sécurisé de l'établissement. Cette accommodation était pour une durée temporaire afin de pouvoir évaluer si d'autres affectations étaient sécuritaires selon Santé Canada.

[47]   Pour l'employeur, les postes offerts dans les locaux de l'administration I ou de l'administration III rencontrent la restriction contre une intervention directe des femmes enceintes envers un détenu. Le détenu commis aux finances ou celui assigné comme nettoyeur n'est pas sous le contrôle et la responsabilité des femmes enceintes et les autres qui peuvent se retrouver dans ces locaux sont sous escorte ou sous la responsabilité de d'autres employés. Advenant qu'un détenu se désorganise, les autres employés peuvent s'en rendre compte et contrôler le détenu dans un milieu qui est sécurisé.

[48]   Ce n'est pas à l'arbitre de déterminer ce qui peut constituer un risque pour la femme enceinte ou son fotus. Les médecins de Santé Canada ont procédé à cette évaluation et ont déterminé quels postes étaient sécuritaires. Les employées et leurs représentants ont refusé de vouloir discuter des réaffectations possibles et des éléments soumis par Santé Canada. L'employeur a obtenu un avis médical indépendant précisant que les réaffectations offertes à Mmes Hubert et Marois le 14 novembre 2001 étaient sécuritaires. Le refus des employées en de telles circonstances n'ouvre pas droit à un congé payé sur la base de la clause 46.07, car il était réalisable de les réaffecter de façon à éviter les risques.

[49]   Dans la décision Joannisse c. Veilleux et al. (Solliciteur général Canada) , dossier de la CRTFP 161-2-444 (1987) (QL), l'arbitre a rejeté la plainte du fonctionnaire au motif que c'est l'employé qui s'est déclaré incapable de travailler dans un pénitencier après que l'employeur lui a offert un poste sans contact avec des détenus. Aux présents dossiers, ce sont les fonctionnaires s'estimant lésées qui ont refusé l'affectation dans des postes évalués sécuritaires pour la mère et son fotus et elles doivent en subir les conséquences.

[50]   La notion de contact direct et régulier avec les détenus qui est considérée à la décision Cahill c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel) , dossier de la CRTFP 166-2-25253 (1994) (QL), pourrait recevoir application aux présents dossiers. À la décision Fontaine c Agence canadienne d'inspection des aliments, 2002 CRTFP 33, il est précisé qu'un certificat médical ne constitue pas parole d'Évangile. L'arbitre peut en évaluer le contenu et la portée, particulièrement lorsque les médecins ne connaissent pas le milieu et s'en remettent aux faits relatés par leurs patients (Re Fishery Products (Marystown) Ltd. and Newfoundland Fisherman, Food & Allied Workers, Local 1245 (1979), 22 L.A.C. (2d) 439, et Re Ford Motor Co. of Canada Ltd. and United Automobile Workers, Local 1520 (1975), 8 L.A.C. (2d) 149).

[51]   Le Conseil canadien des relations de travail précise, dans la décision Gallivan et La société de développement du Cap-Breton, [1982] 1 Can LRBR 241, que les objets de griefs qui sont reliés à des éléments soumis à la négociation doivent être considérés prudemment afin de bien cerner les intérêts en cause. Aux présents dossiers, les fonctionnaires s'estimant lésées semblent vouloir promouvoir des éléments soumis à la présente ronde de négociations et les griefs devraient être considérés avec prudence en ce contexte.

Motifs de la décision

[52]   Les médecins traitants ont précisé aux certificats médicaux émis pour Mmes Hubert et Marois la restriction que leurs patientes ne devaient avoir aucun contact avec les détenus. Cet élément est considéré par l'employeur comme ayant été obtenu de complaisance et comme étant inapplicable et irréaliste en milieu carcéral. L'employeur a vérifié auprès de Santé Canada certains postes où il serait possible de réaffecter les agentes correctionnelles enceintes afin d'établir s'ils présentent un risque pour la santé des femmes enceintes ou de leurs fotus (pièce E-2). Il a aussi demandé d'évaluer la limitation exigeant qu'il n'y ait aucun contact avec les détenus. Une liste des postes est envoyée à Santé Canada et une annexe précisant des descriptions de tâches y est annexée (pièces E-2 et E-3). Il semblerait que la pièce E-3 aurait été identique à celle utilisée au dossier du pénitencier de Donnacona en juillet 2001, selon le témoignage non contredit de Mme Poirier.

[53]   La réponse de Santé Canada (pièce E-5) énumère une série de postes qui ne posent pas de risque pour la santé des femmes enceintes et celle de leur fotus. Certains autres postes y sont déconseillés. On constate que les postes énumérés ne précisent pas les lieux d'où ils devaient être exécutés et aucun élément n'y est précisé relativement à la question des contacts avec les détenus.

[54]   D'autre part, il est admis que la clause 46.07 peut recevoir application pour les agentes correctionnelles enceintes et qu'un congé payé doit leur être octroyé lorsque l'employeur conclut qu'il est difficilement réalisable de modifier leurs tâches ou de les réaffecter de façon à éviter les activités ou les conditions mentionnées dans leurs certificats médicaux.

[55]   Il n'est pas contesté qu'il y a présence de certains détenus dans les lieux où l'employeur a offert de réaffecter Mmes Marois et Hubert à des fonctions cléricales et administratives à compter du 19 novembre 2001. Il a été établi que la réaffectation des fonctionnaires à des fonctions effectuées à partir de locaux situés dans l'immeuble A I, localisé à l'extérieur du périmètre sécurisé du pénitencier, rencontrait les restrictions précisées aux certificats médicaux.

[56]   L'employeur a soumis que l'affectation à partir de l'immeuble A-I lui créait certains inconvénients (relations à distance avec les employées, difficultés de contrôle direct). Pour l'employeur, cet accommodement ne pouvait être que temporaire en attendant les certificats médicaux et l'avis de Santé Canada relativement aux postes de réaffectation disponibles. De même, la directive précisant les moyens à prendre pour sécuriser les lieux du 2e étage de l'édifice de l'administration I où Mme Hubert a reçu sa formation pour les tâches de commis à la formation et aux dossiers des détenus ne pouvait, selon le témoignage de Mme Dubé, être prolongée indéfiniment.

[57]   L'employeur a accepté de sécuriser les lieux (faire en sorte que les fonctionnaires n'aient aucun contact avec un détenu) pour la durée des rencontres qui ont été tenues le 28 août et le 18 septembre 2001. Ces accommodements demandés pour la rencontre convoquée le 13 novembre 2001, n'ont pas été acceptés et les fonctionnaires s'estimant lésées ont refusé de s'y présenter au motif que les restrictions indiquées dans les certificats médicaux n'étaient pas respectées.

[58]   L'employeur peut obtenir un avis médical indépendant en regard du risque possible et des activités ou conditions à éviter pour l'éliminer selon la clause 46.02. Aux présents dossiers, l'employeur a soumis qu'il a obtenu un tel avis de Santé Canada, alors que le syndicat soutient que ce n'est pas un avis médical indépendant. Comme les termes « avis médical indépendant » ne sont pas définis à la convention collective, il faut leur donner le sens habituel que l'on retrouve dans le langage courant afin de trancher cette question.

[59]   Le Ministère de la santé, qui s'identifie comme « Santé Canada » à l'avis émis le 20 novembre 2001 (pièce E-5), relève de la même autorité du gouvernement du Canada que le Service correctionnel du Canada. Il est de connaissance judiciaire que l'employeur est sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor pour les ministères mentionnés à l'Annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques, tel que précisé à la Partie I de l'Annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ainsi, le Ministère de la santé et le Service correctionnel du Canada relèvent tous deux du Conseil du Trésor qui agit comme employeur en ce qui a trait à la négociation des conventions collectives. De plus, les deux organismes relèvent de la même structure gouvernementale et, ainsi, Santé Canada ne peut être considéré « indépendant » de l'employeur. Sur cet élément, je considère qu'un avis médical émis par un médecin à l'emploi de Santé Canada (Dde Carole Leclair aux présents dossiers) ne peut pas être considéré comme un avis médical indépendant au sens de la clause 46.02 de la convention collective. Un tel avis médical indépendant doit être obtenu d'un médecin n'ayant aucun lien avec l'une ou l'autre des parties liées par la convention collective suivant le sens commun que l'on donne au terme « indépendant ».

[60]   À l'avis médical rendu par Dde Leclair, je préfère donner préséance aux certificats médicaux émis par Drs Martel et Chagnon. Drs Martel et Chagnon sont les médecins traitants de Mmes Hubert et Marois et ont été en mesure de constater leurs états de santé. Les certificats médicaux émis par ces médecins traitants précisent des restrictions qui sont basées sur des éléments reliés à l'état de santé particulier de chacune des deux fonctionnaires s'estimant lésées. J'assume que ces restrictions sont motivées en regard des constatations médicales observées chez leurs patientes par Drs Martel et Chagnon. Aucune preuve ne me permet d'évaluer si des éléments reliés à l'état de santé particulière à Mme Vaugeois ou aux autres employées enceintes peuvent motiver des restrictions ou limitations du même genre. Je crois que certaines femmes enceintes peuvent présenter des éléments de santé qui leur sont propres et qui les rendent plus fragiles à certains facteurs qui pourraient être considérés tout à fait inoffensifs pour d'autres femmes enceintes. Aucun élément ne supporte l'allégation de l'employeur que les restrictions auraient été précisées dans les certificats par complaisance.

[61]   Dde Leclair précise dans son avis daté du 20 novembre 2001 qu'elle a formulé ses recommandations suite à l'analyse des descriptions de tâches proposées et aux discussions téléphoniques avec M. Doyon (pièce E-5). Rien ne nous indique dans cet avis, ou à la preuve soumise par les parties lors de l'audition, que l'état de santé particulier de Mme Marois et de Mme Hubert a été considéré par Santé Canada, outre le fait qu'elles sont enceintes. Rien ne démontre que leurs dossiers médicaux et(ou) les résultats de certains tests pouvant y apparaître ont été évalués afin de vérifier ce qui pourrait, pour chacune d'elles, présenter un risque pour leur santé ou celle de leur fotus. Ainsi, les recommandations de Santé Canada présentent une portée générale sur l'ensemble des employées enceintes et ne répondent pas à l'état de santé particulier de Mme Marois ou de Mme Hubert.

[62]   L'avis médical indépendant qui peut être obtenu par l'employeur doit découler des « circonstances particulières de la demande » selon le libellé de la clause 46.02. La demande dont il est question est nécessairement la demande particulière de modification de tâches ou de réaffectation effectuée par une employée enceinte selon le libellé de la clause 46.02. Ainsi, l'avis médical recherché par l'employeur doit porter sur la demande particulière d'une femme enceinte qui est accompagnée d'un certificat médical précisant les risques et les restrictions s'appliquant en son cas particulier. En ce sens, l'avis médical effectué par Santé Canada daté du 20 novembre ne peut pas être celui précisé à la clause 46.02, car il porte sur un objet général d'évaluation de risque posé par certaines tâches ou postes proposés envers la santé des femmes enceintes et de leur fotus et non pas selon les circonstances particulières des demandes de Mmes Marois et Hubert.

[63]   L'article 46 de la convention collective vise à protéger l'employée enceinte qui démontre, grâce à un certificat médical, que ses activités professionnelles courantes représentent un risque pour sa santé, celle du fotus ou de l'enfant selon le libellé des clauses 46.01 et 46.02. Les stipulations s'appliquent en autant que l'employée obtienne un certificat médical qui précise les risques possibles et leur durée ainsi que les activités et conditions à éviter pour éliminer lesdits risques. Ainsi, le fondement du droit à la réaffectation ou à la modification des tâches prévu à la convention collective repose sur les risques potentiels pour une employée enceinte en particulier qui peut démontrer que certaines activités ou conditions d'exercices de ses fonctions présentent pour elle de tels risques, selon l'avis de son médecin. Les agentes correctionnelles en cause ont rencontré l'exigence de fournir un tel certificat médical et leur droit à une modification de leurs tâches ou à une réaffectation leur est ainsi acquis pour rencontrer les restrictions précisées.

[64]   L'employeur pouvait faire vérifier, selon la clause 46.02, si la restriction de n'avoir aucun contact avec les détenus était justifiée. Un tel avis n'a pas été obtenu tel que je l'ai précisé précédemment à la présente décision. En l'absence d'un avis médical indépendant concluant que cette restriction ne peut être justifiée par l'état de santé propre à chacune des agentes correctionnelles ou de leurs fotus, rien ne pouvait motiver l'employeur à ne pas appliquer les stipulations de la clause 46.04. Selon l'article 46, l'employeur a l'obligation, dans la mesure du possible, de modifier les tâches des employées ou de les réaffecter en respectant les restrictions précisées en leurs certificats médicaux.

[65]   La convention collective précise, en la clause 46.07, que l'employeur a la prérogative de pouvoir conclure qu'il est difficilement réalisable de modifier les tâches ou de réaffecter les employées de façon à éviter les activités ou conditions mentionnées dans leurs certificats médicaux. Bien que les réaffectations provisoires de Mmes Marois et Hubert à des fonctions pouvant être effectuées à partir du bâtiment A-I démontrent qu'il est possible de respecter la restriction d'aucun contact avec des détenus, l'employeur pouvait venir à la conclusion que ces réaffectations lui créaient des inconvénients (relation à distance, contrôle direct plus difficile) rendant difficilement réalisable de les maintenir à ces postes pour toute la période de leurs grossesses ou jusqu'au début de leurs congés de maternité non-payé.

[66]   L'employeur reconnaît, dans sa note de service du 14 novembre 2001 (pièce E-5), que des détenus travaillent dans les locaux de l'administration I ou de l'administration III en précisant que les contacts avec ces détenus ne seront pas réguliers. Par cet élément, la réaffectation à un poste de commis en ces lieux ne rencontre pas la restriction d'absence de tout contact avec un détenu précisée aux certificats médicaux fournis par chacune des agentes correctionnelles en cause. Les conséquences de cette situation sont par ailleurs couvertes par les stipulations de la clause 46.07 de la convention collective.

[67]   L'employeur, en précisant que la réaffectation provisoire de Mmes Hubert et Marois à des tâches de commis effectuées à partir des locaux situés dans l'immeuble A-I lui cause des inconvénients, conclut ainsi qu'il est pour lui difficilement réalisable de modifier les tâches et(ou) de les réaffecter de façon à respecter les restrictions précisées dans les certificats médicaux. De la même manière, lorsque l'employeur refuse de sécuriser les lieux pour la rencontre du 13 novembre 2001, il a une attitude démontrant qu'il considère qu'il est difficilement réalisable de modifier les tâches ou fonctions de manière à rencontrer les restrictions précisées dans les certificats médicaux. Ces éléments rencontrent la condition précisée à la clause 46.07 ouvrant droit, pour les agentes correctionnelles en cause, à un congé payé.

[68]   Ainsi, en voulant imposer une réaffectation dans un poste de commis à l'administration I ou à l'administration III à Mmes Marois et Hubert, à compter du 19 novembre 2001, l'employeur contrevient à la clause 46.07 de la convention collective. Il aurait pu en être autrement si l'employeur avait obtenu, selon les stipulations de la clause 46.02, un avis médical indépendant contredisant que la restriction stipulant qu'il n'y ait aucun contact avec un détenu était motivée selon l'état de santé de la mère et(ou) du fotus.

[69]   Les décisions soumises par les parties ne sont d'aucune aide à l'interprétation de la convention collective aux présents dossiers. D'une part, les stipulations de l'article 46 de la convention collective ne s'apparentent aucunement à celles considérées aux décisions reportées. D'autre part, les faits des présents dossiers sont en tout point différents de ceux à l'origine des dites décisions. Dans la décision Joannisse (supra) , l'employeur a assigné l'employé à un poste respectant son incapacité de travailler directement avec les détenus, suivant en cela l'avis du médecin traitant. L'employé a quitté le pénitencier en déclarant qu'il était incapable de travailler dans un pénitencier. Aux présents dossiers, l'employeur a offert des postes qui ne rencontraient pas les restrictions précisées aux certificats médicaux. La décision rendue dans Cahill (supra) est relative à l'application des clauses portant sur l'indemnité de facteur pénologique tenant compte du degré d'exposition à des risques de blessures corporelles et à d'autres conditions désagréables envers les employés des pénitenciers. Les distinctions relatives aux divers degrés d'exposition considérées en cette décision ne sont pas pertinentes aux présents dossiers. Bien que je puisse conclure qu'un certificat médical ne constitue pas parole d'Évangile, tel que souligné dans la décision Fontaine (supra) , l'employeur doit respecter l'avis des médecins traitant à moins d'obtenir un avis médical indépendant selon l'interprétation des clauses spécifiques de la convention collective aux présents dossiers. Même si on peut opposer des faits particuliers à un certificat médical, suivant les décisions rendues dans Re Fishery Products (supra) et Re Ford Motor Co. (supra) , l'employeur n'a soumis aucun fait démontrant que les restrictions d'aucun contact avec les détenus auraient été précisées par complaisance dans les dossiers de Mmes Marois et Hubert. De même façon, l'employeur n'a soumis aucune preuve pouvant démontrer que les griefs à l'origine des présents dossiers avaient pour objectif de promouvoir certains intérêts reliés aux objets soumis au processus de négociation collective. Ainsi, la décision rendue en regard de la plainte déposée par William Gallivan (supra) n'est d'aucune utilité aux présents dossiers.

[70]   En agissant comme il l'a fait, l'employeur n'a pas respecté les stipulations de la clause 46.07 de la convention collective. En conséquence, Mmes Hubert et Marois sont en droit d'être considérées en congé payé pour toute la période à compter du 19 novembre 2001, jusqu'au début de leurs congés de maternité respectifs ou à la date de fin de la grossesse, selon la première de ces éventualités. Il est ordonné à l'employeur d'octroyer aux fonctionnaires s'estimant lésées tous les droits et avantages auxquels elles ont droit.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 15 octobre 2004.

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