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Résumé :

Suspension (3 jours) - Commentaires de nature violente ou menaçante - Crédibilité - Mesure de réparation - le fonctionnaire s'estimant lésé et une autre vétérinaire, P, ont travaillé ensemble au même lieu de travail pendant une brève période - P a allégué que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait dit qu'il fantasmait à l'idée d'aller au bureau régional et de faire comme si c'était une zone de feu à volonté - en réponse à sa question de savoir ce qu'était une " zone de feu à volonté ", P a déclaré qu'il avait dit que cela signifiait un endroit où on " tire sur tous ceux qu'on voit ", et qu'il avait ensuite mentionné le nom de trois employés - P a témoigné que les commentaires du fonctionnaire s'estimant lésé l'avait inquiétée parce que, à son avis, il " n'était pas complètement normal " et elle savait qu'il possédait des armes à feu - toutefois, au moins un mois s'est écoulé avant qu'elle fasse le récit de l'incident à l'employeur - au terme d'une enquête, l'employeur a imposé au fonctionnaire s'estimant lésé une suspension sans solde de trois jours - le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu que, à plus d'une reprise, il avait dit que le bureau régional était une zone de feu à volonté, mais que cela signifiait simplement " qu'il n'y avait aucune force amie à cet endroit " - il a nié avoir à quelque moment que ce soit dit qu'il voulait dire " tirer sur tous ceux qu'on voit " - l'arbitre a remarqué que la version des événements que P a donnée à l'employeur différait de ce dont elle se rappelait des événements à l'audience - initialement, elle avait dit à l'employeur que sa conversation avec le fonctionnaire s'estimant lésé avait eu lieu à deux reprises - toutefois, à l'audience, P ne se rappelait que de l'une d'elles - en outre, P n'a pu se rappeler le nom de la troisième personne au bureau régional que le fonctionnaire s'estimant lésé avait censément mentionnée - l'arbitre a conclu que l'utilisation par le fonctionnaire de l'expression " zone de feu à volonté ", si elle était peu flatteuse pour la direction et quelque peu ambiguë, ne constituait pas en soi un commentaire menaçant ou violent - compte tenu de la prépondérance des probabilités, l'arbitre a préféré la version des événements du fonctionnaire s'estimant lésé relativement au deuxième commentaire, puisqu'il semblait s'en rappeler davantage que P - le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé des mesures de réparation en plus de l'annulation de sa suspension de trois jours - l'arbitre lui a accordé un montant pour les possibilités d'effectuer des heures supplémentaires qui avaient pu lui échapper - toutefois, elle a refusé d'accueillir ses demandes en vue d'obtenir d'autres mesures de réparation car, à son avis, il n'avait appuyé ces demandes d'aucune preuve suffisante. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-03-13
  • Dossier:  166-32-31152
  • Référence:  2003 CRTFP 24

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JEROME KATCHIN
Fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS
Employeur

Devant :   Evelyne Henry, présidente suppléante

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Steve Eadie and Denise Balfe, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Robert Jaworski, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 25 juillet, le 2 décembre et du 4 au 6 décembre 2002.
Arguments écrits : le 20 décembre 2002 et le 10 janvier 2003.


[1]   Le Dr Jerome Katchin, un vétérinaire à l'emploi de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, a déposé un grief à l'encontre d'une sanction de trois jours de suspension sans rémunération imposée à la suite de commentaires formulés de nature violente et menaçante.

[2]   La lettre de suspension est ainsi formulée : [Traduction]

La présente fait suite à une rencontre à laquelle vous étiez présent qui s'est tenue le 14 juin 2001 concernant des commentaires qu'on vous reproche d'avoir tenus à l'égard de l'Agence canadienne d'inspection des aliments au bureau de Guelph et du personnel qui travaille à cet endroit le 10 mai 2001 et le 4 juin 2001 ou vers ces dates. L'enquête dans cette affaire a été conclue.

Bien que vous admettiez avoir fait des commentaires dans lesquels vous faites référence au bureau de Guelph comme étant une « zone de feu à volonté », vous avez nié avoir dit que cela se traduisait par « tirer sur tout ce qui bouge » et avez nié avoir adressé ce commentaire à des individus en particulier. Vous avez également nié avoir fait un commentaire sur le « fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph ». Cependant, compte tenu de la preuve qui m'a été soumise, j'ai conclu, sur la prépondérance des probabilités, que vous aviez effectivement tenu les propos susmentionnés. Vous expliquez que lorsque vous faites le commentaire « zone de feu à volonté », vous voulez dire qu'il n'y a aucune « force amie » à cet endroit, mais cette explication n'est pas appuyée par l'enquête.

Votre comportement à l'égard des commentaires susmentionnés est inacceptable et ne sera pas toléré. Dorénavant, vous devrez vous abstenir de faire des commentaires d'une nature violente ou menaçante. Toute récidive de commentaires violents ou menaçants pourrait entraîner une sanction disciplinaire plus sévère.

Compte tenu des faits exposés ci-dessus, vous êtes suspendu de vos fonctions pour une période de trois jours (sans rémunération). Vous subirez cette suspension du 25 au 27 juillet 2001. Pendant cette période de suspension, vous ne devez pas vous présenter dans les locaux de travail sans l'autorisation de votre supérieur, le Dr Dennis Barran, ou de votre gestionnaire de l'inspection, M. Jim Crawford.

Si vous avez des questions concernant cette affaire, vous pouvez communiquer avec moi au (519) 837-5807.

[3]   L'audience a débuté le 25 juillet 2002 et s'est poursuivie pendant la semaine du 2 au 6 décembre 2002. À la reprise de l'audience le lundi 2 décembre 2002, l'employeur a demandé de regrouper une autre cause, dossier de la Commission 166-32-31465, à la présente cause. Cette affaire concerne une suspension de cinq jours impliquant les mêmes parties. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est opposé à ce regroupement.

[4]   L'employeur a cité la jurisprudence en vertu de la compétence de la Cour fédérale au soutien de sa thèse voulant que le regroupement est approprié étant donné qu'il s'agit des mêmes parties; il y avait présence de points de droit et de fait communs et d'une preuve parallèle.

[5]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que le regroupement ne pouvait fonctionner, puisqu'il n'avait eu aucun avis. Il n'avait été informé de l'intention de l'employeur que le vendredi précédent. Les deux causes ont été élaborées de façon indépendante; elles portaient sur deux événements distincts; elles nécessitaient des témoins différents pour le fonctionnaire s'estimant lésé et d'autres pour l'employeur. Le fonctionnaire s'estimant lésé était prêt à procéder avec la présente affaire, mais aurait eu besoin d'un ajournement pour traiter la seconde affaire.

[6]   La motion pour le regroupement a été rejetée pour le motif qu'il serait plus efficace de compléter une affaire dans le temps alloué plutôt que d'avoir deux dossiers en retard, puisqu'il était évident que l'ensemble de la preuve ne pouvait être entendue dans la même semaine. Le 6 décembre 2002, l'ensemble de la preuve a été entendue et les parties ont dû soumettre leurs arguments par écrit.

[7]   Au début de l'audience, le Dr Katchin a indiqué qu'il était prêt à retirer une partie de la réparation demandée dans son grief, particulièrement celles qui portent les numéros 3, 4, 11, 12, 13, 14, 15 et 1 et 2 si elles n'existaient pas. Celles qui restent portent les numéros 5, 6, 7, 8, 9 et 10.

[8]   Un certain nombre de documents ont été produits par le fonctionnaire s'estimant lésé avec le consentement de l'employeur, notamment : la convention collective du groupe de la Médecine vétérinaire (VM) (pièce G-1); le chapitre 6 du Manuel du Conseil du Trésor, volume Gestion du personnel, portant sur la discipline (pièce G-2); la lettre de suspension de M. Anthony Sangster datée du 23 juillet 2001 (pièce G-3); les réponses au grief (pièces G-4 et G-6) et un rapport intitulé « Enquête sur des propos qu'aurait tenus Jerome Katchin » (pièce G-5).

[9]   L'employeur a appelé trois témoins. Les deux premiers ont témoigné le 25 juillet 2002, et le troisième, les 2 et 4 décembre 2002.

[10]   Le Dr Wendy Powell est vétérinaire depuis 1988; elle a obtenu une maîtrise en épidémiologie de la University of Guelph en 2001.

[11]   Le Dr Powell a d'abord été embauchée en 1992 par Agriculture Canada à titre d'inspecteur. Elle a travaillé dans différents abattoirs jusqu'à son congé de maternité en 1993, lequel s'est terminé à la fin de 1993. Elle a reçu un paiement forfaitaire en février 1994. Entre 1994 et 2001, Dr Powell a obtenu quelques contrats où elle faisait l'inspection de la viande.

[12]   En mars 2001, le Dr Powell a été embauchée à titre de vétérinaire (VM-01) à l'Établissement 285, Maple Lodge Farm. Le Dr Powell a déclaré qu'elle a travaillé douze semaines à cet endroit. Elle a également travaillé à l'Établissement 196 et au bureau de district régional à Guelph. À l'heure actuelle, elle est spécialiste en santé et en contrôle de maladies animales (VM-03) et ce, depuis le 25 février 2002.

[13]   Le Dr Powell a précisé qu'elle a rencontré le Dr Katchin à l'établissement Maple Lodge Farm où ils ont travaillé ensemble pour une courte période. Le Dr Katchin n'a pas vraiment participé à la formation du Dr Powell à l'établissement Maple Lodge Farm. En règle générale, les vétérinaires dans les abattoirs travaillent seuls, se relayant pour aller au poste d'abattage. Le Dr Katchin a eu peu d'entretiens avec le Dr Powell.

[14]   Le Dr Powell a souligné que le Dr Katchin lui a dit qu'il fantasmait à l'idée d'aller au bureau régional de Guelph et de faire comme si c'était une zone de feu à volonté. Cela s'est produit dans les bureaux mis de côté pour le personnel de l'ACIA à l'établissement Maple Lodge Farm, dans le couloir à l'extérieur du bureau du vétérinaire. Le Dr Powell a déclaré qu'elle était assise à l'ordinateur dans l'aire ouverte située à côté du couloir. C'était son tour de se rendre au poste d'abattage. Les vétérinaires avaient des quarts de travail d'une demi-heure à regarder les carcasses au poste d'abattage, une demi-heure dans le bureau à faire du travail à l'ordinateur. C'était son tour à se rendre au poste d'abattage et, comme elle passait près du bureau du vétérinaire, le Dr Katchin était debout dans le couloir et a commencé à lui faire part de ses pensées.

[15]   Le Dr Powell ne se souvient pas des mots exacts du Dr Katchin. Il pensait que le bureau régional de Guelph était une zone de feu à volonté ou il voulait qu'il le soit. Le Dr Powell a dit qu'elle lui avait demandé ce qu'était une zone de feu à volonté. Le Dr Katchin lui a répondu qu'il s'agissait d'un endroit où [traduction] « on tire sur tous ceux qu'on voit » et il a mentionné le nom de trois personnes, Mary Rathlou, Sue Lajeunesse et une troisième que le Dr Powell a oubliée. Le Dr Powell ne se souvient pas de ce qu'elle a répondu. Cette rencontre a duré moins de cinq minutes, peut-être deux ou trois. Une distance d'environ trois à cinq pieds séparait le Dr Powell et le Dr Katchin lorsqu'il a fait ces commentaires. Elle s'est ensuite dirigée vers le poste d'abattage.

[16]   Le Dr Powell dit qu'elle a été commotionnée; elle était abasourdie et ne savait pas quoi faire. Le Dr Powell n'est pas certaine que le mot « fantasmer » est le bon mot que Dr Katchin a utilisé. Il voulait lui dire cela avec ardeur; il se faisait un plaisir de penser à cela.

[17]   Le Dr Powell ne se souvient pas spontanément de la date; cela s'est passé il y a un an au printemps, peu après avoir débuté son emploi. Le Dr Powell s'est rendue au poste d'abattage et a effectué son quart de travail. Elle ne se souvient pas du reste de la journée; rien de particulier ne s'est produit. Dr Powell se questionnait sur la manière de répondre; elle a parlé à des amis et à des membres de sa famille pour leur demander leur opinion sur ce qu'elle devrait faire.

[18]   Le Dr Powell a décidé qu'elle n'était pas prête à assumer la responsabilité si quelque chose se produisait. Elle n'avait pas la certitude que le Dr Katchin ne pourrait faire cela. Son expérience avec le Dr Katchin a alimenté son incertitude. Il n'était pas complètement normal et il disposait de moyens d'agir; il possédait des armes à feu. Le Dr Powell savait que le Dr Katchin était un chasseur; il le lui avait dit.

[19]   Le Dr Powell l'a dit au Dr Rathlou, parce que son nom avait été mentionné dans les propos du Dr Katchin, et elle voulait connaître son opinion sur ce qu'elle devait faire.

[20]   Le Dr Powell l'a dit au Dr Rathlou environ un mois après que l'incident se soit déroulé. Elle a attendu un mois parce qu'elle savait qu'elle pourrait se « retrouver ici ». « Ici » voulait dire d'entrer dans un système qui implique la participation des ressources humaines. Il a fallu tout ce temps au Dr Powell pour décider de la façon dont elle agirait et pour finalement en venir à la conclusion qu'elle ne voulait pas être responsable si quelque chose de fâcheux se produisait.

[21]   Le Dr Powell a déclaré que rien ne s'est produit dans la période qui s'est écoulée entre la conversation avec le Dr Katchin et celle avec le Dr Rathlou. Après que le Dr Powell lui ait parlée, le Dr Rathlou a immédiatement téléphoné à Anthony Sangster et une enquête a débuté. M. Sangster, deux femmes des ressources humaines et Jim Crawford ont participé à l'enquête.

[22]   Il y a eu une entrevue avec M. Sangster et une femme, puis une deuxième entrevue avec M. Crawford et l'autre femme. Elle ne se souvient pas du nom de ces femmes.

[23]   Au cours de la première entrevue, on lui a demandé ce qui s'était produit et ce qui avait été dit. À la deuxième entrevue, on lui a posé des questions semblables à celles posées au cours de la première entrevue. Le Dr Powell n'a fait aucune remarque. Elle n'a jamais écrit ce qui s'était passé. Elle n'en était pas absolument certaine, mais elle croit qu'elle n'a pas signé de déclaration.

[24]   Le Dr Powell a signalé l'incident à la police locale après avoir parlé au Dr Rathlou. Le policier a recueilli sa déclaration de ce qui s'était produit et des détails sur le Dr Katchin. La décision d'en parler à la police a été prise par M. Sangster et M. Crawford ou par l'une des deux femmes. Le Dr Powell s'est rendue au poste de police avec M. Crawford. On sentait que se rendre au poste de police avait une toute autre portée. Le Dr Powell ne sait pas ce qui s'est produit à la suite de leur visite au poste de police.

[25]   Le Dr Powell croit que ce que le Dr Katchin a dit était inapproprié et qu'il était d'autant plus inapproprié d'en être fier.

[26]   Lorsqu'elle travaillait au bureau régional, le Dr Powell a travaillé avec Sue Lajeunesse, aux ressources humaines. Le Dr Powell ne connaît pas les raisons pour lesquelles le Dr Katchin a mentionné le nom de Sue Lajeunesse ou celui du Dr Mary Rathlou. Le Dr Rathlou travaillait à l'établissement Maple Lodge Farm avant que le Dr Powell n'y travaille.

[27]   Le Dr Powell a déclaré que personne d'autre n'était présent lorsque le Dr Katchin a tenu ces propos.

[28]   En contre-interrogatoire, le Dr Powell a déclaré qu'elle avait travaillé dans des abattoirs à plusieurs reprises avant le mois de mars 2001. Le Dr Powell n'avait pas l'intention de travailler à l'établissement Maple Lodge Farm plus d'un an. Elle postulait en vue d'obtenir un poste à l'extérieur du gouvernement. Le Dr Powell a dit qu'en règle générale, elle aimait bien les gens dans les abattoirs. Elle ne pouvait dire qu'elle aimait ou qu'elle n'aimait pas le Dr Katchin. Elle ne ferait pas de détour pour aller lui parler.

[29]   Le Dr Powell s'était entretenue avec le Dr Katchin à cinq reprises au plus. Il racontait des histoires de type militaire. Le Dr Powell ne se souvient pas qui lui avait dit cela, mais elle savait que le Dr Katchin était un « mordu de l'armée ».

[30]   Lorsqu'on lui a demandé pourquoi et en quoi le Dr Katchin n'était pas normal, le Dr Powell a reconnu le degré de subjectivité que cela comportait. Elle se souvient que l'une des premières choses dont il lui a parlé était que lorsqu'elle mettait ses souliers sous le casier, elle bousculait ses bottes ou ses souliers; il s'était rendu au poste d'abattage pour lui dire cela. La plupart des gens ne feraient pas cela. Il n'était pas normal, il était différent.

[31]   Le Dr Powell ne travaille plus dans une usine; le 25 février 2002 elle est passée de VM-01 à VM-03. Le Dr Powell convient qu'elle est ambitieuse et qu'elle est où elle voulait. Elle est plus heureuse où elle se trouve maintenant. À l'établissement Maple Lodge Farm, les gens sont différents et s'expriment différemment.

[32]   En juin 2001, le Dr Powell a commencé à travailler deux jours par semaine au bureau régional. Le Dr Powell a déclaré que le Dr Katchin n'était pas ouvertement en désaccord quant à l'occasion qui s'est présentée à elle, et la mention de pénurie de personnel partout à ce moment semble être un nouveau renseignement pour elle.

[33]   En ce qui a trait aux problèmes entre le Dr Katchin et elle, le Dr Powell savait qu'il n'aimait pas que les autres vétérinaires signent des certificats d'exportation, mais elle ne pourrait dire qu'il s'agissait là d'un différend. Par exemple, ils ne se sont jamais disputés à ce sujet, mais ils en ont discuté. Il ne serait pas juste de dire que le Dr Powell et le Dr Katchin avaient des points de vue diamétralement opposés sur les certificats d'exportation. Le Dr Powell jugeait qu'il était correct, adéquat et bien de lire les documents et, s'ils semblent corrects, elle les signait. Selon elle, le Dr Katchin ne signait pas. Le Dr Katchin ne croyait pas qu'ils étaient pertinents; il n'était pas d'accord avec le libellé.

[34]   Le Dr Powell a eu des discussions sur les heures supplémentaires avec le Dr Katchin, mais elle ne sait pas s'ils se sont entendus ou non. En ce qui a trait aux quarts de travail du personnel, elle se souvient qu'une discussion a eu lieu avec M. Eadie, sur le fait de commencer à 6 h. Le Dr Katchin lui avait dit qu'il avait parlé à M. Eadie qui lui avait dit qu'il pouvait commencer à 6 h si les autres vétérinaires de l'établissement Maple Lodge Farm étaient d'accord. Elle avait téléphoné à M. Eadie parce qu'elle n'était pas d'accord avec ce que le Dr Katchin voulait faire.

[35]   Lorsqu'on l'a questionné relativement aux propos du Dr Katchin concernant le bureau régional de Guelph et le fait qu'il soit une zone de feu à volonté et que, lorsqu'on lui a demandé des précisions, il a déclaré « tirer sur tout ce qui bouge », le Dr Powell a déclaré que les mots n'étaient peut-être pas exacts. Elle croyait que ce qu'elle disait était la vérité, pour autant qu'elle se souvienne. Elle n'a jamais entendu le Dr Katchin dire : « Il n'y a aucune force amie à cet endroit. »

[36]   Le Dr Powell a déclaré qu'il pouvait y avoir eu deux ou trois phrases; il n'y avait pas d'autre contexte. Elle ne sait pas ce qui s'est dit après les propos. Elle ne se souvient pas d'avoir entendu le Dr Katchin dire autre chose. Elle se souvient d'être allée au poste d'abattage. Elle n'a pas mis le Dr Katchin en garde quant à ses propos. Elle ne se souvient pas comment elle se situe par rapport à ceux-ci. Elle était outrée; elle ne se souvient pas de ce qu'elle a dit.

[37]   Il est possible que le Dr Powell ait eu d'autres entretiens avec le Dr Katchin au cours desquels elle lui aurait dit : [traduction] « Vous devez laisser aller les choses », mais honnêtement elle ne s'en souvient pas.

[38]   Le Dr Powell n'a vu personne d'autre à qui elle aurait pu rapporter les propos avant de parler au Dr Rathlou parce qu'elle ne savait pas comment. Elle n'avait pas peur; elle était préoccupée. Il est [traduction] « assez lourd de conséquences de porter ce genre d'accusations ». Elle en a parlé pour la première fois la journée de l'incident, quand elle en a parlé à sa famille et à son mari. La première fois qu'elle en a parlé à la direction correspondait au moment où elle en a parlé au Dr Rathlou.

[39]   Le Dr Powell n'a pas pris l'incident en note. Les seules notes que le Dr Powell a conservées se rapportaient à ses quarts de travail. Elle n'a pas l'habitude de prendre des notes même dans le cas de conversations extraordinaires.

[40]   Le Dr Powell a parlé au Dr Barran, le vétérinaire responsable (VM-02) de l'établissement Maple Lodge Farm, après avoir parlé au Dr Rathlou. Le Dr Barran était son supérieur et le supérieur du Dr Katchin à l'établissement Maple Lodge Farm. Le Dr Powell n'était pas d'accord de rapporter toute situation fâcheuse au Dr Barran. La situation avec le Dr Katchin s'est produite à l'établissement Maple Lodge Farm, mais il concernait le bureau régional et Mary Rathlou directement.

[41]   Lorsqu'on a dit au Dr Powell qu'il y avait un rapport non seulement sur un incident mais sur deux, elle a dit qu'elle se souvenait que pour elle il s'agissait d'une seule conversation. Le témoin n'avait pas lu la pièce G-5 avant son témoignage. Après avoir regardé la pièce G-5, le Dr Powell a déclaré que la pièce G-5 ne représentait pas ce dont elle se souvenait.

[42]   Dr Powell est d'accord avec l'énoncé de la seconde colonne de la pièce G-5. Le Dr Katchin « n'a pas dit » qu'il ferait feu ou qu'il tuerait les trois personnes, mais les noms ont été mentionnés dans le contexte des commentaires « tirer sur tout ce qui bouge »; le troisième nom n'était pas Faisal Bedwei.

[43]   Le Dr Powell ne se souvient pas de ce qu'elle a dit au Dr Rathlou; elle a décrit ce qui s'était produit pour autant qu'elle se souvienne. Lorsqu'on lui a demandé [traduction] « avec emphase », le Dr Powell a dit que le Dr Katchin exprimait sa frustration de ne pas aimer les gens du bureau régional. Ses propos étaient passionnés, mais il ne criait pas après elle. Dr Powell n'a jamais entendu le Dr Katchin jurer. Le Dr Katchin n'a pas menacé ou harcelé le Dr Powell. Lorsqu'on lui a à nouveau demandé, « avec emphase? » le Dr Powell a répondu, « passionné ».

[44]   Lorsqu'on lui a demandé si elle avait peur, le Dr Powell a déclaré qu'elle ne se sentait pas menacée par lui. Elle était préoccupée.

[45]   Lorsqu'on lui a demandé si elle avait dit au Dr Katchin que ses propos lui causaient un problème, le Dr Powell a répondu : « Je ne m'en souviens pas; je lui ai souvent dit de laisser aller les choses. »

[46]   Le Dr Powell a dit au Dr Barran ce qui s'était produit une fois l'enquête amorcée. Le Dr Barran avait entendu parler d'une enquête.

[47]   Il a fallu aussi longtemps qu'un mois au Dr Powell pour décider qu'elle ne pouvait garder cela pour elle et qu'elle devait en parler à quelqu'un.

[48]   En ce qui a trait aux mots « fantasme de tuer », le Dr Powell n'est pas certaine si le Dr Katchin a utilisé les mots ou si elle en avait l'impression en raison de la façon dont il en avait parlé. Le Dr Powell a maintenu que c'était son impression. Le Dr Powell ne se souvient pas des mots précis. Le Dr Powell n'est pas certaine s'il y avait eu une progression ou seulement une conversation.

[49]   Le Dr Powell a dit que le Dr Katchin avait les moyens d'exécuter ses menaces parce qu'il avait au moins une arme à feu et des munitions puisqu'il était un chasseur.

[50]   Le Dr Powell était incapable de se souvenir s'il y avait eu une ou deux conversations parce que cet événement s'est déroulé il y a plus d'un an; elle n'avait pas pris de notes et elle travaillait de 4 h à midi.

[51]   Lorsqu'on lui a demandé si elle était préoccupée à l'idée de se retrouver ici et pourquoi elle n'avait pas pris de notes, le Dr Powell a dit qu'elle n'avait pas l'habitude de prendre des notes; elle n'avait jamais pensé prendre des notes, et elle réfléchissait à ce qu'elle devait faire.

[52]   Le Dr Mary Rathlou est un gestionnaire de l'inspection de l'ACIA. Le Dr Rathlou travaille au bureau régional de Guelph depuis environ cinq ans. Elle a débuté auprès d'Agriculture Canada en 1990.

[53]   Le Dr Rathlou était la spécialiste en condamnation de volailles; par son travail, elle a rencontré le Dr Katchin, qui travaille au plus important établissement ou abattoir de volailles au Canada. De temps à autre, des questions à propos de la condamnation étaient soulevées. Le Dr Rathlou visitait alors l'usine et rencontrait quiconque devait faire l'enquête. La collectivité des vétérinaires est un petit milieu et il est fréquent de rencontrer des gens qu'on connaît.

[54]   La plus étroite relation professionnelle que le Dr Rathlou a eue avec le Dr Katchin remonte à 1997 alors qu'elle était le vétérinaire responsable de l'établissement Maple Farm Lodge. Elle était le supérieur immédiat du Dr Katchin à ce moment. En 1999, cette usine était sous sa responsabilité à titre de gestionnaire de l'inspection.

[55]   Le Dr Rathlou avait une relation très professionnelle et agréable avec le Dr Katchin même lorsqu'elle effectuait des enquêtes qui pouvaient être très éprouvantes. Elle appréciait travailler avec le personnel et appréciait son rôle de vétérinaire responsable. C'était exigeant, mais gratifiant.

[56]   Cette relation n'est plus la même maintenant parce que l'année dernière, le 11 juin 2002, le Dr Wendy Powell est venue la voir pour lui dire quelque chose qu'elle avait entendu et qu'elle jugeait que le Dr Rathlou devait savoir. Le Dr Powell lui a dit que le Dr Katchin avait dit que le « bureau régional est une zone de feu à volonté »; lorsqu'on lui a demandé ce qu'il voulait dire, il a répondu : [traduction] « Entrer dans le bureau et éliminer tous ceux qu'on peut » et il a particulièrement nommé le Dr Rathlou et quelques autres personnes.

[57]   Le Dr Rathlou est certaine que ces mots sont ceux que le Dr Powell a prononcés, puisque ces mots étaient « marqués au fer rouge » dans sa mémoire en raison de la portée de ce que le Dr Katchin avait dit. Le Dr Rathlou est rapidement passée par tous les stades du deuil : commotion, incrédulité, questions « pourquoi moi » et finalement colère.

[58]   Lorsque cela s'est produit, le Dr Rathlou n'avait pas eu de relation professionnelle avec le Dr Katchin depuis environ un an étant donné que l'établissement Maple Lodge Farm était supervisé par un autre gestionnaire. Elle n'avait rien à voir avec le Dr Katchin. Elle dit avoir été incrédule et en choc, puis avoir pris conscience de la véracité de ces propos puisqu'elle n'avait aucune raison de douter du Dr Powell, une femme très intelligente et professionnelle, qui n'avait aucune raison d'inventer cela.

[59]   Le Dr Rathlou, à titre de superviseure, est au courant de la politique de l'ACIA qui interdit les blagues de nature raciste ou les gestes irrespectueux; la déclaration du Dr Katchin était menaçante pour sa vie. Elle est d'avis que personne ne devrait avoir à travailler avec ce genre de menace; il s'agit d'un acte criminel.

[60]   Selon le Dr Rathlou, le Dr Katchin [traduction] « semblait être un homme très malheureux, les seuls moments où il avait l'air heureux étaient lorsqu'il parlait de chasse. Il n'était pas heureux et il disposait des moyens. » Considérant ce qui s'était produit à la Polytechnique au Québec, dans différentes écoles des États-Unis, du Royaume-Uni et en Europe, le Dr Rathlou était d'avis que l'employeur ne pouvait ignorer ces propos, puisqu'ils étaient menaçants pour tous les employés.

[61]   Le Dr Katchin ne lui a jamais manifesté de regrets et ne lui a jamais présenté d'excuses.

[62]   En contre-interrogatoire, le Dr Rathlou a expliqué qu'elle avait appris le passe-temps du Dr Katchin lorsqu'elle l'avait supervisé pour une période d'environ un an. La chasse était une des choses qu'il aimait faire. À ce moment, le Dr Rathlou ne disait pas qu'il était malheureux.

[63]   Le Dr Rathlou n'a qu'un vague souvenir du Dr Katchin lui parlant de quelqu'un en le traitant de « tête de noud ». L'établissement Maple Lodge Farm est un grand groupe et les gens font des blagues. Elle n'accepte pas ce genre de langage.

[64]   Le Dr Rathlou savait que le Dr Katchin s'intéressait à la chasse, mais ne connaissait pas son intérêt pour l'armée.

[65]   Lorsqu'on a demandé au Dr Rathlou si, après que le choc se soit atténué, elle avait essayé de vérifier les faits, elle a déclaré : [traduction] « Non, le choc ne s'est jamais atténué. » Le Dr Rathlou n'avait aucune raison de douter de la déclaration du Dr Powell. Elle a laissé l'enquête aux personnes à qui cette opération revenait. Le Dr Rathlou quittait pour un mois pour aller travailler au Royaume-Uni alors elle a placé cette affaire entre les mains des ressources humaines.

[66]   Le Dr Rathlou a répété la déclaration qui lui avait été faite : [traduction] « Le bureau régional est une zone de feu à volonté » et lorsqu'on a demandé des explications au Dr Katchin, il a dit [traduction] « entrer et éliminer tous ceux qu'on peut, particulièrement moi-même et quelques autres personnes. » Il a dit « éliminer » ou « tirer ».

[67]   Lorsqu'on a demandé au Dr Rathlou si le Dr Katchin l'avait menacée de tirer sur elle, elle a déclaré que c'est ce qu'elle avait compris. Il s'agissait d'une menace et il n'y avait aucun contexte. C'est tout ce dont le Dr Rathlou avait besoin. Elle ne croit pas qu'un professionnel bien articulé pourrait porter une accusation non fondée de cette nature parce que les professionnels [traduction] « font attention à ce qu'ils disent ».

[68]   Le Dr Powell ne faisait pas partie du personnel du Dr Rathlou; elle est venue la voir précisément pour lui faire part de cette déclaration. Le Dr Powell travaillait à temps partiel au bureau de district les lundis et mardis. Le Dr Powell travaille maintenant dans le bureau du Dr Rathlou; elle a été promue plus tôt, en 2002.

[69]   James Douglas Crawford est un gestionnaire d'inspection à l'ACIA. Il est titulaire d'un baccalauréat ès science en microbiologie appliquée de la University of Guelph. M. Crawford a débuté son emploi auprès du ministère des Pêches et Océans le 28 janvier 1991 à titre de conseiller technique responsable de l'inspection du poisson, de la transformation du poisson et des installations de traitement des poissons. Le 1er avril 1997, la Direction de l'inspection du poisson du ministère des Pêches et Océans a été intégrée à l'ACIA. M. Crawford était gestionnaire de l'inspection par intérim à l'automne 1999 et a été officiellement nommé à ce poste vers le mois de juin 2000.

[70]   M. Crawford a défini les responsabilités de gestionnaire de l'inspection pour l'hygiène des viandes, l'inspection du poisson et la santé animale. M. Crawford est le responsable de l'établissement Maple Lodge Farm, où 45 à 50 inspecteurs et vétérinaires relèvent de lui par l'entremise d'un vétérinaire responsable, le Dr Dennis Barran.

[71]   Le 12 juin 2001, à la fin de la journée, le directeur régional, M. Anthony Sangster, a informé M. Crawford quant au commentaire du Dr Katchin et lui a demandé d'assister à une réunion le matin suivant à 8 h 30.

[72]   Le matin suivant, il a rencontré Mme Dona Holmes, qui représentait Mme Donna Gammon ce jour-là, et M. Sangster. Ils ont informé M. Crawford de ce qui leur avait été dit par le Dr Powell. Ils ont demandé à M. Crawford de communiquer avec le Dr Katchin pour organiser une réunion ce jour-là si cela était possible.

[73]   Le Dr Katchin n'était pas rentré au travail; il avait téléphoné pour dire qu'il était malade ce jour-là. M. Crawford lui a téléphoné à la maison. M. Crawford a dit au Dr Katchin qu'il aimerait le rencontrer à cette date en raison de la gravité de l'information reçue et des propos qu'il avait tenus. Le Dr Katchin voulait parler avec Mme Maureen Harper ou avec M. Eadie avant cette rencontre. La réunion était fixée pour le jour suivant à 10 h.

[74]   Le directeur régional et Dona Holmes étaient tous deux d'avis que le Dr Powell devrait remplir un rapport de police.

[75]   L'information que M. Crawford a reçue de M. Sangster et de Mme Holmes était que le Dr Powell pensait qu'elle avait entendu le Dr Katchin dire, le 10 mai 2001, que le bureau régional était une zone de feu à volonté. Lorsque le Dr Powell a demandé au Dr Katchin ce qu'il voulait dire, il a répondu « tirer sur tout ce qui bouge », et en poursuivant sa discussion il a mentionné trois noms : celui du Dr Rathlou, celui de Sue Lajeunesse et un troisième qui n'était pas connu du Dr Powell ou n'était pas clair.

[76]   M. Crawford a été désigné pour mener l'enquête puisqu'il était responsable des installations où le Dr Katchin travaillait.

[77]   M. Crawford a communiqué avec le Dr Powell dans la matinée du 13 juin 2001 pour prendre les dispositions nécessaires pour la conduire au poste de police. Elle a accepté de remplir un rapport. À 10 h 45, M. Crawford est passé prendre le Dr Powell et ils se sont rendus au poste de police de la 22e Division de la région de Peel.

[78]   Le Dr Powell a expliqué les détails à l'agent Champagne qui a pris le rapport en note. L'agent a recueilli des renseignements de base sur le Dr Powell et sur M. Crawford; qui ils étaient, où ils travaillaient, et elle a demandé une description du Dr Katchin.

[79]   Après avoir recueilli leurs dépositions, l'agent Champagne a quitté la pièce et est revenue plus tard, précisant qu'elle allait faire un rapport mais qu'elle ne porterait pas d'accusations contre le Dr Katchin.

[80]   Le 14 juin 2001, M. Crawford a rencontré le Dr Katchin et M. Eadie en présence de Donna Gammon. M. Crawford a déclaré que Mme Gammon a procédé à l'ouverture de la réunion en disant qu'ils étaient réunis pour discuter des allégations que le Dr Katchin avait faites quant au fait que le bureau régional était une zone de feu à volonté, etc. Le Dr Katchin a admis avoir dit, à plus d'une reprise, que le bureau régional était une zone de feu à volonté, mais il a dit qu'en aucun temps il n'a renchéri en disant que cela signifiait « tirer sur tout ce qui bouge ». Il a dit que l'expression était une métaphore, qu'il expliquait toujours cela en disant qu'il n'y avait aucune force amie à cet endroit.

[81]   Le Dr Katchin a également nié avoir dit qu'il fantasmait à l'idée de tirer sur les gens. M. Crawford a déclaré que, selon le Dr Powell, le commentaire avait été fait le 4 juin 2001 ou vers cette date. Les commentaires faits plus tôt remontaient au 10 mai 2001 ou vers cette date.

[82]   Pour ce qui est des noms cités par le Dr Powell, le Dr Katchin a indiqué qu'elle pouvait l'avoir entendu prononcer ces noms dans le cadre d'autres conversations avec quelqu'un d'autre. Il croit que le troisième nom était celui du Dr Faisal Bedwei, le gestionnaire du groupe Aliments d'origine animale pour la région de l'Ontario.

[83]   Il y a eu une interruption au début de la réunion lorsque M. Eadie et le Dr Katchin ont demandé un peu de temps. Le Dr Katchin a fait ses déclarations après l'interruption.

[84]   Après la réunion, M. Eadie a rencontré seul Mme Gammon et M. Crawford et a dit qu'il n'encourageait pas l'utilisation de termes militaires en milieu de travail et qu'il ferait part au Dr Katchin de ne pas utiliser ces termes. M. Eadie a évoqué que le Dr Katchin avait des problèmes par rapport à la certification d'exportation et que c'était dans ce contexte qu'il avait tenu ces propos.

[85]   Il a été convenu que le Dr Katchin a dit : « le bureau régional est une zone de feu à volonté. »

[86]   M. Crawford a pris des notes de cette réunion. Le rapport (pièce G-5) a été fait par Donna Gammon entre le 3 et le 13 juillet 2001.

[87]   M. Crawford a expliqué ce que sont les certificats d'exportation, la façon dont ils sont conçus et leur but. Le vétérinaire représente la partie officielle responsable et qui doit signer ces documents. Dans plusieurs cas, l'ACIA compte sur le système d'inspection comme étant la base permettant de rencontrer les intentions des certificats d'exportation. Selon la façon dont une personne lit les certificats, selon ses connaissances et son niveau de confort avec le système d'inspection en place, un vétérinaire peut décider ou non de signer un document d'exportation particulier. Il y a plusieurs pays et plusieurs documents différents.

[88]   Les vétérinaires sont régis par leur code d'éthique professionnelle, ainsi que par un code international produit et régi par l'Office international des Epizooties (OIE). À la connaissance de M. Crawford, aucun vétérinaire de l'ACIA ne s'est jamais vu imposer de sanction disciplinaire par son organisation professionnelle.

[89]   Après avoir interrogé le Dr Katchin, M. Crawford a interrogé le Dr Powell à nouveau, le 18 juin 2001, pour être certain de ce qu'elle leur avait dit ou de ce qu'elle avait dit à M. Sangster et à Mme Gammon.

[90]   Aux enquêteurs, le Dr Powell a indiqué qu'elle avait entendu le Dr Katchin dire que le bureau régional était une zone de feu à volonté le 10 mai ou vers cette date et qu'elle avait entendu ce commentaire une fois auparavant. Le Dr Powell a alors indiqué qu'en aucun temps le Dr Katchin n'avait expliqué que cela voulait dire qu'il n'y avait aucune force amie et qu'en fait, ce qu'il lui avait dit était que cela voulait dire « tirer sur tout ce qui bouge ».

[91]   Le Dr Powell a déclaré à nouveau que le nom de Sue Lajeunesse et celui du Dr Mary Rathlou ont suivi dans la conversation, mais que le troisième nom n'était pas celui du Dr Bedwei. Le Dr Powell a indiqué aux enquêteurs que le 4 juin 2001 ou vers cette date, la conversation s'est déroulée quelque part dans le couloir entre le bureau du superviseur et l'aire de repas, qui se trouve vers la sortie du bureau d'inspection qui mène au poste d'abattage et que le Dr Katchin parlait de son fantasme de tirer sur les gens. Le Dr Powell a indiqué que le Dr Katchin avait entamé la conversation et qu'elle n'avait pas l'impression que c'était pour faire suite à une question de certificat d'exportation.

[92]   M. Crawford a indiqué que la première page de la pièce G-5 représentait un récit fidèle de sa conversation avec le Dr Powell.

[93]   Le 20 juin 2001, M. Crawford a rencontré M. Mohamed Sadik, un des superviseurs du personnel d'inspection à l'Établissement 285. M. Sadik n'avait jamais entendu le Dr Katchin tenir les propos rapportés par le Dr Powell. M. Sadik a entendu le Dr Katchin parler davantage de l'organisation de façon négative et dégradante, se plaignant de l'organisation.

[94]   M. Crawford a introduit ses propres notes des réunions (pièce G-7).

[95]   Le 25 juin 2001, M. Crawford a rencontré le Dr Barran. Cette rencontre est décrite à la page 8 de ses notes.

[96]   Le Dr Barran a indiqué à M. Crawford que le Dr Powell était venue le voir, il n'est pas certain quand, et lui a indiqué que le Dr Katchin avait dit que le bureau régional était un zone de feu à volonté et que lorsqu'on lui a demandé ce que cela voulait dire, le Dr Powell a dit « tirer sur tout ce qui bouge. » Le Dr Powell a également dit au Dr Barran que le Dr Katchin fantasmait à l'idée de tirer sur Sue Lajeunesse et Mary Rathlou. Le Dr Barran a demandé au Dr Powell si elle voulait qu'il intervienne et elle lui a dit que non.

[97]   Le Dr Barran a rapporté à M. Crawford un certain nombre d'incidents de violence verbale de la part du Dr Katchin, mais a indiqué qu'il ne le prenait pas au sérieux.

[98]   Le Dr Barran a indiqué à M. Crawford que récemment le Dr Katchin passait beaucoup de temps au téléphone à propos d'une question visant l'IPFPC. Le Dr Barran et le Dr Katchin ont des visions opposées quant à la dotation de personnel, à la certification d'exportation et à un projet pilote dont il était question à ce moment, et le Dr Katchin était frustré. Le Dr Barran ne se souvient pas avoir déjà entendu le Dr Katchin dire qu'il fantasmait à l'idée de tirer sur quelqu'un; il n'a pas non plus entendu de noms mentionnés dans un contexte semblable.

[99]   Le 25 juin 2001, M. Crawford a également interrogé M. Gerald Martyniuk du personnel d'inspection de l'Établissement 285. M. Martyniuk a dit qu'il n'avait jamais entendu le Dr Katchin faire référence au bureau régional comme étant une zone de feu à volonté ni l'avoir entendu utiliser l'expression « aucune force amie ». Il a entendu le Dr Katchin dire, lorsqu'il était frustré ou fâché : [traduction] « débarrassez-vous d'eux. » La colère du Dr Katchin est dirigée envers l'organisation et ne vise par une personne en particulier. M. Crawford avait entendu dire que M. Martyniuk avait entendu des propos du Dr Katchin selon lesquels on devrait se débarrasser de l'ACIA, tout comme le gouvernement du Canada.

[100]   Le 3 juillet 2001, M. Crawford a interrogé Vince Weber et Berkan Eftal, inspecteurs à l'Établissement 285. L'entrevue de Vince Weber est citée dans la pièce G-5. M. Crawford a indiqué, dans ses notes (pièce G-7), que M. Weber a également déclaré que le Dr Powell lui avait dit qu'elle voulait deux choses : un emploi de bureau et un quart de travail le matin, cela environ deux semaines avant le 3 juillet 2001.

[101]   Selon M. Crawford, M. Berkan Eftal avait entendu le Dr Katchin utiliser l'expression que le bureau régional était une zone de feu à volonté et que lorsqu'on lui avait demandé des précisions, le Dr Katchin avait dit que cela voulait dire que la direction n'agissait pas selon ses ou « nos » intérêts fondamentaux, qu'elle n'était pas amicale. M. Eftal a souvent entendu le Dr Katchin utiliser des termes militaires, mais ne s'est pas trop arrêté sur la chose. Il n'a pas entendu le Dr Katchin viser qui que ce soit. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ses propos, le Dr Katchin a expliqué que cela se traduisait par gens hostiles, qui ne sont pas de son côté ou de leur côté, [traduction] « toute personne qui n'est pas dans votre unité ou de votre côté ».

[102]   M. Eftal n'a jamais entendu le Dr Katchin dire qu'il était pour tirer sur des gens d'une façon générale ou particulière. Il n'a jamais entendu le Dr Katchin dire qu'il fantasmait à l'idée de tuer quiconque.

[103]   M. Crawford a terminé les entrevues le 3 juillet 2001, puis a rencontré Mme Gammon et M. Ken Graham pour discuter des mesures disciplinaires. Mme Gammon a vérifié la jurisprudence. Ils ont fourni une copie du rapport à M. Sangster, la pièce G-5 et une recommandation visant une suspension de trois jours sans rémunération imposée au Dr Katchin.

[104]   Le Dr Katchin s'est vu imposer une sanction pour ce que le Dr Powell a indiqué qu'il lui avait dit, et non pour les choses dites à son sujet faisant référence à des incidents qui se sont déroulés il y a 20 ans. Le Dr Katchin ne s'est pas vu imposer de sanction pour avoir refusé de signer des certificats d'exportation.

[105]   À la connaissance de M. Crawford, le Dr Katchin n'a présenté d'excuses à personne pour les propos qu'il a tenus.

[106]   En contre-interrogatoire, M. Crawford a souligné qu'il occupait son poste de gestionnaire de l'inspection depuis un an au moment de l'enquête. M. Crawford était vice-président de l'enquête avec Mme Gammon et ils relevaient de M. Sangster.

[107]   M. Crawford ne connaît pas bien le Manuel du Conseil du Trésor et les règles de discipline. Il ne sait pas si un document de l'ACIA portant sur la discipline existe. Il n'est pas habilité à imposer une sanction disciplinaire sous la forme d'une suspension. Ce pouvoir revient à M. Sangster. M. Crawford ne serait pas surpris que l'ACIA n'ait aucune politique disciplinaire et qu'elle utilise celle du Conseil du Trésor.

[108]   M. Crawford a discuté avec le Dr Powell des propos tenus par le Dr Katchin et il était présent lorsque le Dr. Powell a déposé un rapport verbal à la police. Aucune déclaration écrite du Dr Powell n'a été donnée ou demandée. M. Crawford a confirmé que le Dr Powell n'a jamais rédigé ses allégations. Elle a fait son rapport verbalement au directeur régional et à la police et à lui lorsqu'elle a été interrogée le 18 juin 2001.

[109]   M. Crawford n'a pas précisé au Dr Katchin, le 13 juin 2001, ce que l'on prétendait qu'il avait dit, seulement qu'il y avait de sérieuses allégations quant à des choses qu'il avait dites. Il n'a pas précisé qu'elles étaient suffisamment sérieuses pour que la police soit au courant.

[110]   L'agent de police a dit que le rapport serait déposé mais qu'aucune accusation ne serait portée en raison du délai qui sépare le moment où les propos ont été tenus, soit le 10 mai 2001 ou vers cette date, et le moment du rapport. Elle sentait qu'il n'y avait aucune menace imminente en raison de la période de temps qui sépare les deux événements.

[111]   M. Crawford ne s'est pas rendu au poste de police régional de Guelph; il croit que Dona Holmes y est allée. M. Crawford a pris connaissance de cela après le fait, et n'a aucune connaissance personnelle.

[112]   Selon M. Crawford, le Dr Barran était au courant puisque le Dr Powell le lui avait dit. Le Dr Barran n'a pas mentionné de date en particulier, mais c'était avant que tout soit rapporté au bureau régional. Le Dr Barran est le supérieur du Dr Katchin et travaille avec lui depuis plus de vingt ans. Le Dr Barran a expliqué à M. Crawford qu'il a décidé de ne pas intervenir parce que le Dr Powell le lui avait demandé, et en raison de la façon dont elle avait traité une question récente avec le Dr Katchin concernant la semaine de travail comprimée; elle avait pris l'initiative de communiquer avec l'IPFPC afin de préciser pour elle et le Dr Katchin que ce n'était pas prévu par la convention collective VM de l'IPFPC. Ainsi, le Dr Barran a respecté le désir du Dr Powell de ne pas enquêter davantage.

[113]   M. Crawford a convenu qu'il était juste de dire que le Dr Barran n'a vu aucune urgence dans les allégations faites par le Dr Powell.

[114]   M. Crawford a déclaré que c'était Dave Graydon, alors directeur régional, qui a fait appel aux services d'un expert-conseil nommé Dave Dycke pour améliorer le milieu de travail à l'Établissement 285. L'expert-conseil a été embauché en 1999 pour traiter certaines questions de nature culturelle entre des inspecteurs, qui entraînaient des inquiétudes et le désordre dans le milieu de travail. M. Dycke a offert ses services pendant une période de deux ans. M. Crawford a participé au programme seulement vers la fin.

[115]   M. Dycke a tenu une session distincte avec le personnel de l'Établissement 285 le 25 mai 2002, à Durfall. Elle s'intitulait « Célébrons nos différences ». M. Crawford et le Dr Katchin y ont assisté. M. Crawford ne se souvient pas d'un incident où toutes les personnes de l'atelier ont éclaté de rire au cours de la présentation du Dr Katchin.

[116]   M. Crawford n'était pas au courant de l'utilisation de termes militaires à l'Établissement 285 avant l'enquête.

[117]   M. Crawford avait l'impression que le Dr Powell disait la vérité. On savait que le Dr Katchin disait que le bureau régional était une zone de feu à volonté et il admettait l'avoir dit. Ce qui diffère est la signification de ces propos. Le Dr Powell a dit qu'elle n'avait jamais eu de relation professionnelle avec le Dr Katchin; par conséquent elle n'avait aucune raison de s'en prendre au Dr Katchin.

[118]   M. Crawford n'a pas senti au moment de l'enquête qu'il avait besoin de mener une enquête sur la contradiction dans les propos du Dr Powell, lorsqu'elle a déclaré que le Dr Katchin mettait de « l'emphase », puis plus tard que [traduction] « son ton et son attitude n'étaient pas différents de ce qu'ils sont normalement ». Il était plus préoccupé sur ce qui avait été dit.

[119]   M. Crawford n'a pas discuté avec le Dr Powell de ce que le Dr Barran avait dit à propos de la question de la semaine de travail compressée entre le Dr Powell et le Dr Katchin. M. Crawford n'a pas demandé au Dr Katchin de commenter ou de réfuter les déclarations recueillies après son entretien et qui faisaient partie du rapport de M. Sangster.

[120]   M. Crawford a confirmé que le Dr Powell, lorsqu'on l'a interrogé, a dit que le Dr Katchin avait tenu des propos violents à deux reprises. M. Crawford n'était pas présent lorsque le Dr Powell a témoigné.

[121]   M. Crawford se souvient que lorsqu'il a interrogé le Dr Katchin, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé une pause et lorsqu'il est revenu il a donné sa version des faits. Lorsqu'il a compris les allégations, le Dr Katchin a déclaré qu'il présenterait ses excuses à Wendy Powell si ses allusions l'avaient effrayée.

[122]   Le Dr Jerome Alan Katchin a débuté ses études universitaires à l'Université de Montréal et a terminé son baccalauréat ès sciences à la University of Guelph. Il a été diplomé en mai 1975 et a été accepté au sein du Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario (CMVO). Il a été en pratique clinique de 1975 jusqu'à ce qu'il joigne les rangs d'Agriculture Canada, le 4 octobre 1976. Il a poursuivi jusqu'à ce que l'organisation devienne l'ACIA, en avril 1997. Il a travaillé au sein du gouvernement à titre de VM-01 pendant 26 ans. Il travaille à l'établissement Maple Lodge Farm depuis la mi-février 1978. Le Dr Katchin a été le vétérinaire en charge à l'établissement Maple Lodge Farm de la fin juillet 1992 à la mi-janvier 1993.

[123]   Le Dr Katchin a fourni un description détaillée des fonctions et des travaux effectués à l'établissement Maple Lodge Farm par les vétérinaires et les inspecteurs.

[124]   Le Dr Katchin a fourni une description détaillée de ses intérêts pour la Seconde Guerre Mondiale et pour la chasse. Le Dr Katchin a reçu une formation sur la maniement des armes, ainsi qu'un cours de sécurité à la chasse. Il respecte les règlements visant l'entreposage et la garde en lieu sûr de ses armes de chasse. Ses cinq armes à feu sont enregistrées et il est sur le point d'en enregistrer une sixième. Le Dr Katchin détient son permis de possession d'armes à feu et il est pointilleux à l'égard de la sécurité relative aux armes à feu. Le Dr Katchin est membre d'un club de chasse, d'un club de tir à la cible, et de nombreuses organisations comme Canards Illimités, la Delta Waterfowl Foundation, la Federation of Anglers and Hunters et la National Wild Turkey Federation. Le Dr Katchin a été perturbé en apprenant les allégations voulant qu'il puisse utiliser ses armes à feu à d'autres fins que la chasse. Le Dr Katchin fait face à la résolution de problèmes par l'entremise de discussions, de griefs ou de lettres. Le Dr Katchin convient que lorsqu'une affaire n'est pas résolue, il peut y avoir une divergence d'opinions. Il accepte également le résultat d'une procédure d'arbitrage; parfois il gagne, parfois il perd. Lorsque les choses ne se passent pas comme il veut, il en discute avec des collègues; il est déçu, mais il accepte de se conformer. Il peut marmonner; il « grogne » et peut simplement écrire une autre lettre. Il a écrit des lettres jusqu'au niveau du ministre de l'Agriculture. Il a écrit plus de 60 lettres (près de 70) par rapport à des documents d'exportation qu'il juge propres à induire en erreur, inexacts, non corroborés ou frauduleux.

[125]   Le Dr Katchin se décrit comme étant un homme pour qui les détails sont importants, [traduction] « un homme de principe, peut-être impitoyable par rapport aux principes, honnête, franc et fiable ». Il arrive qu'il soit frustré parce qu'il est fondamentalement intègre, [traduction] « un homme pour qui les détails sont importants, un visuel ».

[126]   Avant les séances de Dave Dycke, le Dr Katchin a travaillé avec six ou sept personnes. Il y a eu des changements de personnel excessifs depuis ce temps. Le Dr Katchin a de la difficulté à approcher les gens; il apprend à les connaître progressivement. Le personnel de longue date sait qu'il a fondamentalement bon caractère.

[127]   Le Dr Katchin a accepté de travailler à l'établissement Maple Lodge Farm de son propre gré. L'établissement était situé sur une terre agricole, au « milieu de nulle part ». Le langage utilisé dans ce milieu est vulgaire et abusif. Beaucoup plus d'hommes que de femmes travaillent dans ce milieu; jusqu'au milieu des années 1980, que des hommes y travaillaient. Le Dr Katchin a décrit le langage utilisé en milieu de travail une ou deux semaines avant sa conversation avec le Dr Powell. Il a cité en exemple une occasion où il quittait les toilettes; il a entendu un autre vétérinaire parler avec cinq ou six inspecteurs dire : [traduction] « Ils aimeraient le voir mort. » « Ils » faisait référence à la direction de l'ACIA et « le » faisait référence au Dr Katchin. Le Dr Katchin sait cela en raison de l'ensemble de la conversation. Lorsque le Dr Katchin leur a demandé de répéter ce qu'ils venaient de dire, on lui a répondu [traduction] « personne ne pleurerait si vous décédiez. »

[128]   Le Dr Katchin a été la cible de langage abusif étant traité de « moron », de « tête de noud ». La personne qui le traitait ainsi avait été conseillée et avait changé ses expressions. Le processus avec l'expert-conseil Dave Dycke a débuté à l'automne de 1999. Le Dr Katchin a participé à toutes les séances; il n'aurait manqué qu'une journée. La dernière séance s'est tenue le 25 mai 2002. Elle traitait des différences culturelles. Plusieurs ethnies et cultures sont représentées dans l'effectif. Dr Katchin a décrit la session et la façon dont, lorsqu'il a dû faire sa présentation, il a fait l'objet d'une blague; un carton avait été fixé à son dos; en grosses lettres au crayon-feutre était écrit "Où est le sauna. » Tout le monde a ri en raison de rumeurs qui ont débuté en 1995 à l'établissement Maple Lodge Farm voulant que le Dr Katchin soit homosexuel. Les membres de la direction étaient présents, M. Crawford et le Dr Barran, Sue Lajeunesse et Dave Dycke. Le Dr Katchin a regardé M. Crawford directement dans les yeux mais rien n'a été dit ou fait. Il s'agissait d'une blague et le Dr Katchin n'en ferait pas de cas.

[129]   Le Dr Katchin utilise des métaphores pour décrire des situations au travail, tout comme le font d'autres personnes. Le Dr Katchin a fait référence aux expressions « loose canon », « gung ho », qui sont utilisées par le Dr Barran et ses collègues et qui sont de fausses expressions militaires qui font référence au fait de tuer ou à une mort potentielle, mais qui sont utilisées à titre de métaphores avec des sens différents.

[130]   Le 13 juin 2001, entre 8 h 30 et 9 h 30, le Dr Katchin a reçu un appel téléphonique de M. Crawford qui lui disait qu'il avait entendu des choses étranges à son sujet. M. Crawford ne voulait pas dire au Dr Katchin quel genre de choses étranges il avait entendues et il voulait en discuter avec lui, mais pas au téléphone. Le Dr Katchin lui a dit qu'il était en vacances. M. Crawford lui a dit qu'il souhaiterait peut-être être représenté par le syndicat.

[131]   La réunion a eu lieu le 14 juin 2001. Au début, Donna Gammon a déclaré que le 10 mai, ou vers cette date, le Dr Katchin a fait référence au bureau régional comme étant une zone de feu à volonté et que lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ce que cela voulait dire, il aurait répondu « tirer sur tout ce qui bouge ». Donna Gammon a mentionné que le 4 juin, le Dr Katchin avait précisé la façon dont il mènerait ses activités au bureau régional.

[132]   La réponse du Dr Katchin était qu'il avait fait référence au bureau régional de Guelph en tant que zone de feu à volonté pour autant qu'il n'y avait aucune force amie à cet endroit. Le propos a été fait en une phrase, non pas à titre d'explication. Lorsqu'on lui a demandé d'élaborer sur le fait de tirer sur tout ce qui bouge, le Dr Katchin a déclaré qu'il n'avait jamais dit cela.

[133]   Pour ce qui est d'élaborer sur la façon dont il comptait s'y prendre, le Dr Katchin a déclaré qu'il n'avait jamais dit cela et qu'il n'avait jamais élaboré sur la façon dont il comptait s'y prendre.

[134]   Le Dr Katchin a demandé des précisions sur ce qu'on prétendait qu'il avait dit et M. Crawford a répondu que le Dr Powell leur avait dit qu'il fantasmait.

[135]   Le Dr Katchin a expliqué qu'une zone de feu à volonté est une expression militaire qui fait référence à une zone désignée où le personnel est considéré comme étant hostile jusqu'à preuve du contraire. Le Dr Katchin a utilisé une métaphore parce que, après 24 ans et demie, il sentait qu'il y avait un certain niveau de méfiance et d'irrévérence entre les gens sur le terrain et les gens de la direction au bureau régional. Il n'avait pas l'intention de les tuer, « absolument pas ».

[136]   En mai 2001, il y a eu un différend au sujet de la rémunération d'heures supplémentaires à l'Établissement 285 où les vétérinaires et les inspecteurs pouvaient facturer des heures supplémentaires entre 4 h et 6 h en vertu de leur convention collective respective. Les vétérinaires et les inspecteurs étaient payés jusqu'à ce moment. Des griefs ont été déposés par les inspecteurs et les vétérinaires. Le Dr Harper avait demandé que le Dr Katchin informe tous les vétérinaires de l'établissement Maple Lodge Farm que, s'ils devaient se rendre à l'Établissement 196 en remplacement, ils devraient facturer les heures supplémentaires de 4 h à 6 h. Cela ne concernait pas le Dr Katchin puisqu'il ne se rendait pas à cet endroit. Cela a cependant touché le Dr Powell et le Dr Iwasaki. L'Établissement 285 était à court de personnel depuis le mois de novembre précédent.

[137]   La question dont il discutait avec le Dr Powell était celle des heures supplémentaires et au meilleur de sa connaissance cela s'est passé le 10 mai 2001. Ce jour-là, le Dr Katchin avait entamé une conversation avec le Dr Powell. Il se trouvait dans le cadre de la porte alors qu'elle était assise au bureau. Il y avait eu une conversation une ou deux semaines auparavant au sujet de cette réclamation d'heures supplémentaires de 4 h à 6 h. Le 10 mai, le Dr Katchin a demandé au Dr Powell si elle avait étudié la question plus à fond. Encore une fois, après avoir consulté le Dr Harper, le Dr Powell hésitait à réclamer le paiement d'heures supplémentaires. Le Dr Harper avait dit au Dr Katchin de parler au Dr Powell à nouveau, pour lui suggérer de présenter une réclamation, et la laisser être rejetée, pour ensuite déposer un grief.

[138]   Le Dr Powell a dit qu'elle avait parlé à quelqu'un du bureau régional à ce sujet, et que cette personne avait dit qu'elle n'avait pas droit aux heures supplémentaires. Le Dr Katchin a demandé à qui elle avait parlé. Elle a dit qu'elle avait parlé à Sue Lajeunesse. À cela, le Dr Katchin a répondu que Sue était une représentante de la direction et a suggéré qu'elle parle au Dr Harper. À ce moment, le Dr Katchin n'était pas un délégué syndical, il ne faisait qu'aider.

[139]   Le Dr Powell a dit qu'elle ne parlerait pas au Dr Harper, que sa décision était prise, que si le bureau régional ne voulait pas la payer, elle ne déposerait pas de grief.

[140]   Le Dr Katchin lui a mentionné que la direction payait les heures supplémentaires depuis six mois, et qu'il avait entendu que le Dr Mary Rathlou et Sue Lajeunesse avaient mis un terme aux paiements. La conversation générale s'est poursuivie sur la façon dont les employés se faisaient rouler. Le Dr Katchin marmonnait littéralement pendant une minute ou deux. À la fin, il a fait le commentaire suivant : [traduction] « Faites ce que vous voulez, j'en suis venu à la conclusion que le bureau régional de Guelph est une zone de feu à volonté pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit. » Le Dr Powell a souri et a demandé ce qu'était une zone de feu à volonté. Le Dr Katchin lui a dit : [traduction]" il s'agit d'une expression militaire décrivant une zone désignée où le personnel est considéré comme étant hostile jusqu'à preuve du contraire. »

[141]   Le Dr Powell a haussé les épaules; elle n'a rien dit. Le Dr Katchin ne lui a pas dit qu'il utilisait une métaphore. Le Dr Powell n'a plus jamais discuté de cette conversation avec le Dr Katchin. Le Dr Katchin a appris pour la première fois que cette conversation avait causé un problème au Dr Powell le 14 juin 2001.

[142]   Le Dr Katchin a dit à Donna Gammon et à Jim Crawford qu'il était désolé pour tout malentendu ou pour toutes inquiétudes qui auraient pu survenir et pour le trouble que cela leur a causé à tous les deux. Le Dr Katchin a réalisé que ses propos avaient été sectionnés et que seulement la moitié avait été présentée à la direction. Une explication erronée de ce propos avait été présentée à la direction et le propos concernant le fantasme ajoutait à l'insulte.

[143]   Le Dr Katchin a indiqué qu'il était imprudent de sa part de tenir de tels propos étant donné ses circonstances avec la direction entourant les certificats d'exportation. Le Dr Katchin convient que les propos étaient inappropriés puisqu'ils pouvaient être mal interprétés, ce qui s'est produit.

[144]   Le Dr Katchin ne croit pas que le Dr Powell a mal interprété ses propos; il ne croit à aucune confusion. Le Dr Powell ne lui a fait aucun signe verbal à l'effet que ce qu'il avait dit était absurde. Elle a simplement dit « OK ». Le Dr Katchin ne s'attendait pas à cela de la part du Dr Powell.

[145]   Le Dr Katchin était sous le choc; il s'est senti confus, trahi, mais également confiant qu'à un moment donné, le 14 juin 2001, la vérité ferait surface. Personne n'a laissé entendre que Sue Lajeunesse ou Mary Rathlou avaient été informées de ces allégations.

[146]   Le Dr Katchin connaît Mary Rathlou. Il a travaillé avec elle à plusieurs reprises pendant une période de dix ans. Le Dr Iwasaki et le Dr Katchin l'ont formée à l'abattoir de volailles la première année. Le Dr Rathlou s'est également rendue à l'établissement Maple Lodge Farm pour remplacer le Dr Barran pour une période de trois ou quatre mois au milieu des années 1990. Il était pratiquement son « aide-de-camp ». Il l'avait mise au courant à ce moment que le personnel d'inspection avait prévu la faire sortir de l'établissement Maple Lodge Farm en la submergeant de griefs. Le Dr Katchin et le Dr Iwasaki ont désamorcé la situation avant son arrivée.

[147]   En 1999, le Dr Katchin était membre d'un comité de sélection du personnel avec le Dr Rathlou. Il avait une bonne relation professionnelle avec elle, voire une excellente relation. Le Dr Rathlou est familière avec l'environnement des abattoirs, particulièrement celui de Maple Lodge Farm. Le Dr Katchin était confiant que lorsque Donna Gammon et Jim Crawford sont allés rencontrer Mary Rathlou après la réunion du 14 juin, réunion au cours de laquelle il prévoyait qu'elle parlerait pour la première fois de ses propos, elle dirait quelque chose comme : [traduction] « ne soyez pas ridicules ».

[148]   Quant à Sue Lajeunesse, il n'a jamais eu de problèmes avec elle. Elle était conseillère à la direction en matière de grief. À la suite d'un arbitrage en 1993-1994, il a été autorisé à négocier l'entente entre les vétérinaires et la direction, avec Sue Lajeunesse et Normand Genest. Ils ont résolu l'affaire.

[149]   Le Dr Katchin a obtenu, par l'entremise de l'accès à l'information, un rapport de l'agent Champagne (pièce G-3). Le Dr Katchin a rencontré l'agent Champagne et lui a tout dit. Il a mentionné à celle-ci qu'il y avait une pénurie de vétérinaires de l'automne 2000 jusqu'au moment où le Dr Powell a joint les rangs du personnel et qu'elle a reçu sa formation. Le Dr Iwasaki et lui travaillaient un double quart à tous les deux jours. Le Dr Powell était la première personne qui était venue les aider dans cette situation. Le Dr Gromolka a débuté à la fin du mois d'avril 2001; il venait tout juste de commencer lorsque le mercredi 6 juin, il y avait une réunion pour le personnel. Il est indiqué sur le compte rendu de la réunion du matin du personnel tenue le 6 juin que le Dr Powell devait aller travailler au bureau de Guelph deux jours par semaine. À la réunion de l'après-midi, le Dr Katchin se questionnait sur la sagesse du transfert du Dr Powell de façon si rapide. Un autre vétérinaire devait arriver à la fin de juin.

[150]   Le Dr Barran n'était pas disponible pour un double quart. Le Dr Iwasaki et le Dr Katchin devraient continuer de faire des heures supplémentaires. Le Dr Katchin doutait que ce soit une bonne idée d'envoyer le Dr Powell à l'établissement Maple Lodge Farm; il ne doutait pas de ses titres de compétences.

[151]   Le Dr Katchin a indiqué à l'agent Champagne qu'il n'avait jamais eu l'intention de menacer qui que ce soit en faisant ce commentaire. Le Dr Katchin regrette les propos qu'il a tenus. Il n'a pas de différend avec Donna Gammon, Jim Crawford, Wendy Powell, Mary Rathlou ou Sue Lajeunesse.

[152]   Le 14 juin 2001, le Dr Katchin s'est excusé comme il l'a déclaré auparavant. Le 17 juillet 2001, il a essayé à deux reprises de téléphoner au Dr Rathlou. Le matin, il a parlé à son assistante ou à une jeune femme; il s'est identifié et a demandé à parler au Dr Rathlou. La personne a dit qu'elle ferait le message au Dr Rathlou. Il a téléphoné de nouveau dans l'après-midi et on lui a dit que le Dr Rathlou était en réunion ou occupée et qu'on lui ferait le message et qu'elle le rappellerait le jour même. Il a téléphoné une fois de plus, mais les bureaux fermaient à 16 h 30. Il a laissé un message sur la boîte vocale disant qu'il aimerait faire le point avec le Dr Rathlou à propos de quelque chose.

[153]   Le matin suivant, le Dr Katchin a reçu un appel de M. Eadie vers 8 h 45 demandant s'il avait téléphoné à Mary Rathlou. Il a répondu par l'affirmative et on lui a dit que M. Eadie avait reçu un appel de Anthony Sangster l'informant que Mary Rathlou s'était plainte auprès de lui à l'effet que le Dr Katchin essayait de la rejoindre au téléphone. M. Eadie a dit clairement au Dr Katchin qu'il ne devait pas lui téléphoner.

[154]   Le Dr Katchin a admis avoir utilisé l'expression « Le bureau régional est une zone de feu à volonté », mais il a déclaré qu'en aucun temps il n'avait dit que cela voulait dire « tirer sur tout ce qui bouge ». Il a fait référence au « bureau régional comme étant une zone de feu à volonté pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit ».

[155]   En contre-interrogatoire, le Dr Katchin a indiqué qu'il avait travaillé avec le Dr Powell quelques mois seulement. Le Dr Katchin convient qu'il a pu avoir cinq à six conversations avec le Dr Powell qui auraient pu durer de 15 à 30 minutes, mais il aurait pu devoir lui parler autrement de façon quotidienne. Le Dr Katchin se souvient de la nature de cinq ou six conversations avec le Dr Powell.

[156]   Le Dr Katchin s'entendait très bien avec le Dr Powell; il n'avait eu aucune querelle ou grief avec elle au cours de cette période, mais il y a eu certaines différences d'opinions.

[157]   Le Dr Katchin a confirmé que le Dr Powell avait dit qu'il avait débuté la conversation du 10 mai et qu'il n'y avait qu'eux deux. Le Dr Katchin a convenu qu'il avait utilisé l'expression « zone de feu à volonté » mais il a indiqué que cela n'était qu'une partie de ses propos.

[158]   Le Dr Katchin conteste les propos relatifs à l'emplacement décrit par le Dr Powell. Selon le Dr Katchin, elle était assise dans la salle des vétérinaires qui est adjacente à l'emplacement dont elle parlait. Le Dr Katchin était dans le demi-corridor ou dans l'entrée de porte de la salle des vétérinaires. Il a fait un croquis pour décrire l'aménagement général (pièce G-8). Sur ce croquis, il a inscrit un « J » pour Jerome Katchin et un « W » pour Wendy Powell pour désigner où ils se trouvaient. Selon le Dr Katchin, elle ne se trouvait pas dans la zone de travail informatique.

[159]   Le Dr Katchin est d'accord que le Dr Powell lui a demandé ce que voulait dire une zone de feu à volonté. Il est d'accord que Sue Lajeunesse est devenue un sujet de la conversation ce jour-là. Son nom a été prononcé à deux reprises et il a dit qu'elle représentait la direction. Le Dr Katchin reconnaît que le nom du Dr Rathlou a également été prononcé avec celui de Sue Lajeunesse. Le Dr Katchin a répété son témoignage quant à la conversation et a déclaré qu'il essayait de convaincre le Dr Powell de présenter une réclamation pour les heures supplémentaires.

[160]   Le Dr Katchin a reconnu qu'une « zone de feu à volonté » n'est pas seulement une expression militaire, mais également une expression utilisée en temps de guerre. Le Dr Katchin a dit que l'expression est utilisée dans les bases militaires aux États-Unis dans les zones qui entourent des zones de haute importance. Le Dr Katchin a relevé cette expression dans ses lectures, dans les affaires courantes et en regardant l'émission « Tour of Duty » chaque semaine où elle était diffusée. « Nous sommes plusieurs à écouter l'émission « Tour of Duty » lorsqu'elle est diffusée et nous en discutions le lendemain. » Le Dr Katchin a déclaré qu'il regardait également l'émission « JAG » et que dans un épisode, il y avait une zone de feu à volonté sur une base militaire. Le Dr Katchin a dit qu'il n'avait pas de manuel de campagne sur les règles d'engagement pour les Canadiens ou les Américains, ou pour toute autre force et qu'il n'avait pas les compétences pour interpréter les expressions militaires.

[161]   Le Dr Katchin reconnaît que l'expression « zone de feu à volonté » pourrait vouloir dire [traduction] « défendre leurs positions de façon agressive ». Le Dr Katchin a réitéré qu'il avait utilisé l'expression à titre de métaphore comme d'autres utilisent l'expression « loose cannon » (fauteurs de troubles).

[162]   Le Dr Katchin n'a aucune preuve tangible que le Dr Powell l'a dénoncé au Dr Rathlou et à la direction pour influencer ou protéger son poste au bureau régional ou qu'elle se vengeait à cause du poste qu'il a obtenu le 6 juin. Le Dr Katchin a déclaré qu'il n'avait rien d'autre que les dates approximatives du 6 et du 8 juin. Le 8 juin correspond à la date que Donna Gammon avait mentionné, à lui et à M. Eadie, qu'il s'agissait de la date où la direction avait pris connaissance de l'allégation pour la première fois.

[163]   Le Dr Katchin a confirmé qu'il n'avait présenté aucune excuse par écrit. Le Dr Katchin a identifié sa lettre du 8 août 2001; elle a été produite en preuve par l'employeur (pièce G-9). Le Dr Katchin a nié s'être moqué de M. Sangster dans son grief.

[164]   Au cours du réinterrogatoire, le Dr Katchin a indiqué qu'en ce qui concernait les certificats d'exportation, le Dr Powell a essentiellement et techniquement reconnu qu'ils étaient trompeurs, ou inexacts ou non justifiés ou malhonnêtes, mais elle les signait quant même à moins qu'elle ne remarque quelque chose de manifestement erroné dans la façon dont ils étaient remplis. Le Dr Powell avait dit au Dr Katchin qu'elle ne prévoyait pas être là bien longtemps ou quelque chose dans ce genre. Le Dr Katchin a discuté de la question avec le Dr Powell qui était d'accord en principe mais elle a haussé les épaules ou elle a ri, disant qu'elle ne s'inquiétait pas puisque tout le monde le faisait. Le Dr Katchin et le Dr Powell avaient un différend au fond quant à la signature des certificats d'exportation, mais ils n'ont jamais eu de débat acharné sur la question. Le Dr Katchin n'est pas au courant si le Dr Powell avait un souci particulier du fait qu'il ne signe pas les certificats d'exportation.

[165]   Le Dr Katchin a indiqué qu'au printemps de 2001, les négociations étaient entamées pour la convention collective du groupe VM. Il y avait eu une rupture du lien de confiance et des communications entre le syndicat et la direction.

[166]   Vince Weber est un inspecteur des viandes qui travaille à l'ACIA depuis 1992. M. Weber travaille à l'abattoir retirant les poulets qu'il juge condamnables. Les vétérinaires sont responsables de la condamnation.

[167]   M. Weber a rencontré Wendy Powell pour la première fois en 1992; ils ont fait leur formation ensemble pour une période de six semaines. Il avait entendu dire qu'elle avait quitté, puis elle est revenue et il l'a rencontré à nouveau à l'établissement Maple Lodge Farm. Il avait une relation amicale avec le Dr Powell; ils allaient prendre le café et bavardaient ensemble.

[168]   Un domaine d'intérêt de M. Weber est la chasse. Le Dr Katchin est un ami de M. Weber. M. Weber connaît le Dr Katchin depuis 10 ans; il le décrit comme une personne ayant quelques idiosyncrasies comme le fait qu'il soit un homme au franc parler et un maniaque de la propreté, aimant tout ce qui est beau, propre et ordonné. Le Dr Katchin est un homme très porté sur les détails avec qui [traduction] « vous devez mettre les points sur les i et être très correct. »

[169]   M. Weber décrit l'établissement Maple Lodge Farm comme étant un abattoir où un langage de tuerie et des blasphèmes sont utilisés, par certains plus que d'autres. M. Weber a indiqué qu'un langage « d'égout" ou des blasphèmes sont utilisés en tout temps en bas; c'est la nature du travail. Si on entend ce genre de discours en bas dans l'abattoir, il est normal qu'on l'entende dans le bureau.

[170]   M. Weber a identifié une note de service qu'il a écrite le 30 juillet 2001, (pièce U-1) qui se lit comme suit : [Traduction]

Note de service à M. S. Eadie

Le Dr Jerome Katchin m'a demandé de vous écrire concernant le problème qu'il a avec le Dr Wendy Powell.

J'aimerais d'abord dire quelques mots sur le Dr Katchin. Je sais qu'il est d'avis que les documents d'exportation sont frauduleux, et bien que je ne sois pas d'accord avec cela, je respecte son opinion sur la question. Je sais également que Jerome possède des armes à feu à la maison et qu'il respecte la loi en ce qui a trait à l'entreposage et au maniement de ces armes. Je peux aussi dire que je connais Jerome depuis environ neuf ans et qu'il ne représente en rien une menace.

J'ai eu une réunion avec Donna Gammon et Jim Crawford et la plupart des questions qui m'étaient adressées portaient sur la violence et sur mon opinion quant à la capacité de Jerome d'être violent ou s'il parlait de violence et mes réponses à ces questions allaient en sa faveur.

Je leur ai également fait part de quelques discussions que Wendy et moi avons eues avant que cela ne se passe et vous trouverez ci-dessous les sujets de nos conversations. (Ces conversations se sont déroulées quelques semaines avant le 17 juin.)

1) Wendy m'a pris à part pour me demander si je croyais que Jerome pouvait faire du mal à quelqu'un avec ses armes à feu; je lui ai répondu qu'il pouvait attaquer quelqu'un verbalement, mais pas avec ses armes à feu.

2) Au cours d'une autre conversation, Wendy a dit qu'elle avait deux objectifs à Maple Lodge, le premier étant de ne pas travailler la nuit (elle avait trouvé quelqu'un qui ferait les quarts de nuit) et le deuxième était de travailler derrière un bureau, elle était au bureau régional deux jours par semaine.

Si vous avez des questions concernant la présente, n'hésitez pas à communiquer avec moi.

[171]   Concernant son deuxième paragraphe, M. Weber a déclaré [traduction] « vous êtes victime de violence verbale de Jerome, il vous laissera savoir ce qu'il pense. » Il ne l'a jamais vu devenir violent ou agresser quelqu'un physiquement. Il n'a jamais menacé de blesser quelqu'un.

[172]   À l'enquête, on a demandé à M. Weber s'il croyait le Dr Katchin capable de violence physique et il avait répondu que non. La plupart des questions concernaient la violence et rapport à la violence. Il a répondu à ces questions. À la fin, M. Weber a demandé aux enquêteurs s'ils voulaient entendre son opinion et ils ne voulaient pas vraiment la connaître. M. Weber en est venu à cette conclusion parce que toutes les questions concernaient Jerome et la violence, mais ils ne voulaient pas savoir quel genre de personne il était.

[173]   Quelques semaines avant le 30 juillet 2001, le Dr Powell a pris M. Weber à part et lui a demandé s'il croyait que Jerome pourrait faire du mal à quelqu'un avec ses armes à feu. Dans la note de service il a déclaré que c'était quelques semaines avant le 17 juillet 2001. M. Weber a déclaré au Dr Powell que le Dr Katchin n'utiliserait jamais ses armes à d'autres fins que celles pour lesquelles elles étaient destinées.

[174]   Le Dr Powell a informé M. Weber qu'elle avait deux objectifs à l'établissement Maple Lodge Farm. Le premier était de ne plus travailler pendant la nuit; elle avait trouvé quelqu'un qui ferait quarts de nuit. Le deuxième était de travailler derrière un bureau; à ce moment elle travaillait au bureau régional de Guelph deux jours par semaine.

[175]   M. Weber a entendu à plusieurs reprises le Dr Katchin exprimer des frustrations concernant son emploi ou les politiques. Lorsqu'on lui a demandé [traduction] « combien de fois avez-vous entendu des discussions à propos de blesser des gens? », M. Weber a répondu [traduction] « plusieurs fois ». À la question [traduction] « l'avez-vous déjà entendu menacer de blesser ou de tuer un membre de la direction? », M. Weber a répondu [traduction] « jamais ».

[176]   En contre-interrogatoire, M. Weber a déclaré qu'il n'avait jamais entendu le Dr Katchin utiliser l'expression « zone de feu à volonté ».

[177]   M. Weber considère Wendy Powell comme une amie parce qu'ils se parlaient toujours avant qu'elle ne quitte l'établissement Maple Lodge Farm. Lorsqu'on lui a demandé s'il la considérait comme une personne digne de confiance, il a déclaré qu'il était difficile de répondre à cette question après tout ce qui s'était passé, mais qu'à sa connaissance, elle l'était.

[178]   M. Weber fait confiance au Dr Powell tout comme au Dr Katchin, mais il connaît le Dr Katchin depuis plus longtemps. M. Weber ne sait pas s'il a raison de douter du Dr Powell. M. Weber était en formation pour une période de six semaines avec le Dr Powell et il la connaît depuis un an. Il ne croit pas qu'il s'agisse d'une personne qui invente des histoires, qui comprenne mal les gens ou qui soit ambitieuse au point d'être prête à toutes les bassesses.

[179]   Berkan Eftal travaille pour l'ACIA à l'Établissement 285, Maple Lodge Farm. Il a travaillé à titre d'inspecteur avec le Dr Katchin pendant 13 ans.

[180]   M. Eftal a identifié la pièce U-2 qu'il a signée et qui se lit comme suit : [Traduction]

M. S. Eadie,

Le 17 juin 2001, le Dr J. Katchin m'a téléphoné à la maison pour me faire part d'une plainte déposée contre lui provenant du poste de police régional Peel et de la direction de l'ACIA concernant une phrase qu'il avait utilisée au bureau de l'Établissement 285. L'expression utilisée était « zone de feu à volonté » pour décrire le milieu de travail au bureau régional de Guelph. Je reconnais que lorsqu'il a utilisé l'expression « zone de feu à volonté » pour la première fois en faisant référence au bureau régional de Guelph en ma présence, il a ajouté une précision à cette expression en ajoutant « pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit ».

J'ai entendu le Dr Katchin utiliser cette expression une deuxième fois dans le même contexte alors que de nombreux membres du personnel étaient présents dans le bureau d'inspection. Il a une fois de plus précisé à tout le monde que ce choix de mots ne faisait aucunement référence à un quelconque acte de violence.

Le Dr Katchin m'a demandé si je l'autoriserais à soumettre mon nom à la direction de l'ACIA à titre de témoin aux incidents susmentionnés. J'étais d'accord. La direction de l'ACIA m'a interrogé concernant ces incidents et je leur ai dit ce que je savais, soit qu'il faisait référence à un manque de « force amie » au bureau régional. On m'a posé des questions spécifiques pour savoir si j'avais déjà entendu le Dr Katchin discuter du fait de blesser quelqu'un au bureau régional. J'ai répondu « jamais ». J'ai également exprimé mon opinion à l'égard du caractère du Dr Katchin et de ses particularités. Nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout, mais depuis que je connais le Dr Katchin, soit depuis douze ans, je l'ai toujours trouvé honnête, fiable, digne de confiance et n'ayant aucune intention cachée de nuire.

N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez besoin de renseignements supplémentaires.

[181]   M. Eftal a décrit une occasion où le Dr Katchin a utilisé l'expression « le bureau régional est une zone de feu à volonté ». Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il voulait dire, le Dr Katchin a répondu « pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit ». À la question [traduction] « voulez-vous dire que vous tireriez sur les gens », le Dr Katchin a répondu non; il a dit quelque chose comme quoi il n'y avait pas d'amis ici.

[182]   M. Eftal rapporte les propos inscrits sur la page où figure son nom sur la pièce G-5. M. Eftal a indiqué que le Dr Katchin a utilisé des expressions militaires et une analogie au même titre que d'autres utilisent des analogies du sport.

[183]   M. Eftal a décrit le langage utilisé dans le milieu de travail comme étant coloré, blasphématoire, vulgaire, et parfois injurieux, mais jamais pris au sérieux, comme [traduction] « tu devrais te faire sauter la cervelle » ou [traduction] « faire sauter la tête ou la main » ou [traduction] « se faire lapider ». Aucune mesure disciplinaire n'est imposée aux gens qui parlent de cette façon.

[184]   En contre-interrogatoire, M. Eftal a déclaré qu'il avait brièvement travaillé avec le Dr Powell, et qu'ils s'entendaient bien; il n'a jamais eu de conflit avec elle. Étant donné la courte période de rencontre, il n'a aucune raison de croire qu'elle n'est pas digne de confiance.

[185]   M. Eftal a regardé la pièce G-5 et a déclaré que le dossier « semble fidèle ». Il a expliqué que « ils » faisait référence à la direction. Le Dr Barran et Jim Crawford sont ceux qui ont dit à M. Eftal que Jerome serait dans l'eau chaude pour avoir utilisé l'expression « zone de feu à volonté ». Le Dr Barran avait discuté avec M. Eftal et a indiqué que toute personne, y compris Jerome, qui utilisait un tel langage dans un bureau pourrait avoir des problèmes. Les collègues seraient offensés par un tel langage. Ce n'était pas le cas lorsque M. Eftal a débuté son emploi; le milieu de travail a changé au cours des années.

[186]   Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que les gens auraient peur ou seraient effrayés, M. Eftal a répondu que jusqu'à ce que le Dr Powell ne soulève la question, personne n'a jamais mentionné avoir peur ou être effrayé par ces commentaires. Dans le groupe, le jour où il a entendu le Dr Katchin utiliser l'expression « zone de feu à volonté », personne n'avait peur; personne n'y a repensé ou n'a été décontenancé.

[187]   M. Eftal a mentionné que la tension entre la direction et les employés augmentait. Cela ne l'a pas affecté personnellement parce qu'il avait toujours eu une bonne relation avec la direction, mais il y avait des conflits, un certain nombre de griefs avaient été déposés, et il y avait quelque chose de différent.

[188]   En réinterrogatoire, M. Eftal a déclaré que le Dr Barran lui avait parlé du moment où la plainte avait été déposée. Il s'agissait davantage d'une demande sur ce qui se passait.

[189]   Lorsque le groupe a entendu l'expression « zone de feu à volonté », les gens n'étaient pas offensés; même que la plupart ont trouvé ça drôle.

[190]   Déclaration de l'employeur [traduction]

1. Il s'agit d'une cause où le fonctionnaire s'estimant lésé, Le Dr Jerome Katchin, a été suspendu sans rémunération pendant trois jours pour avoir employé des mots d'une nature violente ou menaçante (veuillez consulter la pièce G3 - Lettre de Anthony Sangster au Dr Katchin, datée du 13 juillet 2001).

2. L'employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, s'est acquitté de son fardeau et a produit une preuve tangible et convaincante d'inconduite selon la prépondérance des probabilités.1 Il a prouvé qu'une suspension était justifiée.

3. Les déclarations suivantes visent à examiner quelques points forts de la preuve et de la loi du point de vue de l'employeur.2

Témoignage du Dr Wendy Powell :

4. Le Dr Powell, une professionnelle très bien éduquée, a témoigné devant la Commission plus d'un an après que l'inconduite du Dr Katchin se soit produite. Elle a témoigné sans l'aide de notes (puisqu'elle n'a pas l'habitude de prendre des notes). Son témoignage était véritable. Il était en grande partie conforme aux notes recueillies par M. Crawford et Donna Gammon (voir la pièce G-5). Ces faits militent en faveur de l'acceptation de sa preuve.

5. Le Dr Powell n'avait aucune raison de mentir ou d'embellir son récit, et elle ne l'a pas fait. (En fait, le Dr Katchin n'avait aucune preuve tangible contre elle.) Sa preuve s'est bien tenue en contre-interrogatoire. Ces faits militent en faveur de l'acceptation de sa preuve.

6. Le Dr Powell est bien considérée par le Dr Rathlou, Vince Weber et Berkan Eftal. Cela milite en faveur de l'acceptation de sa preuve.

7. En fait, le Dr Powell n'a eu qu'une brève relation de travail avec le Dr Katchin avant l'événement en question. Elle n'était pas acrimonieuse (point avec lequel le Dr Katchin est d'accord), et elle n'avait aucune « appétition ou aversion » à son égard.

8. Le Dr Powell a témoigné que le Dr Katchin l'a approchée et a fait référence au bureau régional de Guelph comme étant une « zone de feu à volonté ». Lorsqu'elle lui a demandé ce que cela voulait dire, elle a entendu le Dr Katchin dire [traduction] « tirer sur tous ceux qu'on voit ». Elle l'a également entendu prononcer les noms de trois personnes. Elle s'est souvenue de deux noms, l'un étant celui de Sue Lajeunesse et l'autre du Dr Mary Rathlou. Il s'agit là d'une preuve convaincante d'inconduite.

9. Le Dr Powell a admis avoir hésité pendant environ un mois avant d'aller de l'avant avec ces renseignements. Toutefois, elle a décidé de poursuivre sa démarche parce qu'elle était inquiète pour ses collègues. Elle savait que le Dr Katchin possédait des armes à feu et des munitions et qu'il était un chasseur. Cette hésitation n'a pas été fatale aux arguments de l'employeur. Même qu'un témoin qui prend le temps de considérer les questions et leurs conséquences avant d'agir est très convaincant. Son explication à cet égard est juste.

Témoignage du Dr Mary Rathlou :

10. Le Dr Rathlou a témoigné que c'est le Dr Powell qui la informée de la menace faite par le Dr Katchin; le Dr Powell est pour elle une personne en qui elle a confiance en tant que collègue professionnelle. Elle a témoigné d'une manière convaincante et directe sans trop montrer son effet dramatique sur elle. Pour cela, une sanction disciplinaire devrait être imposée au Dr Katchin.

Témoignage de James Crawford :

11. Sans restreindre la portée de ce qui précède compte tenu de la concision de la présente observation, la preuve de James Crawford est importante pour autant qu'elle démontre que la direction a pris la plainte au sérieux et a réagi rapidement. Elle ne tolère pas un tel comportement dans le milieu de travail et a dès lors imposé une sanction appropriée.

12. On prétend que la façon dont l'enquête a été menée n'est pas substantielle. L'attention devrait plutôt être portée vers le fait que les personnes intéressées ont témoigné devant cette Commission et que leur preuve doit être jugée.

Preuve de Vince Weber :

13. M. Vince Weber a décrit le Dr Katchin comme étant agressif et frustré à l'égard des politiques de la direction. Il a admis en contre-interrogatoire qu'il était, et est toujours, un ami du Dr Powell. Il n'a rien vu d'inique dans son désir de travailler pendant un quart de travail de jour et dans un bureau.

14. En outre, M. Weber n'était pas préparé à diminuer l'intégrité du Dr Powell.

Preuve de Berkan Eftal :

15. Dans le même ordre d'idées, M. Berkan Eftal n'a attaqué le Dr Powell d'aucune manière.

16. Même que la preuve de M. Eftal était valable puisqu'il a confirmé que la direction avait averti le Dr Katchin que l'utilisation d'expressions militaires pourrait le mettre dans l'eau chaude.

Preuve du Dr Katchin :

17. Le Dr Katchin est un chasseur. C'est un fait dont il ne se cache pas. En outre, le Dr Katchin critique la direction de l'ACIA. Une fois de plus, il s'agit là d'un fait dont il parle ouvertement. Il admet qu'il éprouve une certaine frustration à l'égard de la direction - fait confirmé par Vince Weber. Nous soumettons que cette preuve milite en faveur d'une conclusion que le Dr Katchin a proféré les phrases en question, et (ou) s'appuie pour rejeter sa défense comme étant non véridique.

18. En contre-interrogatoire, la preuve du Dr Katchin était évasive, argumentative et hésitante, particulièrement en ce qui a trait aux éléments entourant la « zone de feu à volonté ». Il a seulement admis à contre cour qu'il n'avait aucune preuve tangible contre le Dr Powell ou que l'employeur avait agi par rancune en raison de sa position par rapport aux certificats d'exportation. Il ne présente plutôt que des hypothèses.

19. De plus, le Dr Katchin a confirmé la date et le lieu de sa rencontre avec le Dr Powell. Il a confirmé que cela n'impliquait qu'eux deux, qu'elle avait raison de dire qu'elle l'avait entendu dire « zone de feu à volonté », qu'elle lui avait demandé ce que cela voulait dire; lorsque le nom de Sue Lajeunesse a été mentionné, il a dit « elle représente la direction »; que le nom du Dr Rathlou a été mentionné; et qu'il a dit [traduction] « j'ai essayé une dernière fois de lui expliquer que la direction payait les heures supplémentaires pendant six mois et que j'avais entendu que le Dr Mary Rathlou et Mme Sue Lajeunesse y avaient mis un terme. » Il y a un immense chevauchement dans leurs récits à ce point. Ces faits militent en faveur de l'acceptation de la preuve du Dr Powell.

20. En effet, il y a entente jusqu'au moment où la preuve devient particulièrement mauvaise pour le Dr Katchin. L'explication du Dr Katchin voulant qu'il a utilisé le qualificatif un peu fort « pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit » dans ces circonstances est manifestement incroyable. Le Dr Powell ne l'a pas entendu parce qu'il ne l'a pas profané.

21. Bien que le Dr Katchin n'en admette pas volontiers autant, même si l'on y croit, un tel qualificatif entraînerait tout de même une sanction disciplinaire étant donné que l'on doive sûrement tirer sur les forces ennemies dans une zone de feu à volonté.

22. La preuve du Dr Katchin voulant qu'il soit contrit ne correspond pas aux notes de Jim Crawford parlant d'une offre d'excuses. En effet, la lettre du Dr Katchin est loin d'être contrite et commence incroyablement en insultant M. Sangster. Par conséquent, il réclame des dommages alors qu'il a dirigé toute cette affaire sur lui.

23. La preuve du Dr Katchin concernant les certificats d'exportation et leur exécution, particulièrement en réinterrogatoire, n'est pas substantielle. En effet, il s'agit d'une simple tentative de mal instruire la présente procédure et de jeter le blâme sur les autres où il ne devrait pas se trouver.

24. La preuve du Dr Katchin voulant qu'il s'agisse d'un milieu de travail d'une nature toxique n'excuse en rien son comportement. En effet, ses déclarations ne peuvent qu'envenimer le milieu de travail et il doit accepter la responsabilité de ce fait parce qu'il y a contribué par ses propres paroles.

Plaidoyer :

25. Dans l'arrêt Alexander Jaworski c. Canada, supra, la Cour fédérale du Canada a affirmé qu'un employeur est grevé du fardeau de la preuve au civil pour les questions disciplinaires, et que dans une cause sérieuse dont les conséquences sont importantes, la preuve doit être claire et cohérente.

26. Il est bien établi en droit que lorsqu'il y a preuve de menace, il y a lieu d'imposer une sanction disciplinaire.3

27. Il s'agit fondamentalement d'une compétition entre le Dr Powell et le Dr Katchin. Il n'y a aucune raison de mettre l'honnêteté du Dr Powell en doute. Il y a de bonnes raisons de douter du Dr Katchin, pour les motifs susmentionnés.

28. Le Dr Powell est une personne honnête et très estimée. Elle s'est présentée devant cette Commission sous serment, elle n'avait rien à gagner. Elle est bien éduquée et il est peu probable qu'elle se soit trompée sur ce qu'elle a entendu ou sur ce que cela voulait dire. Il n'y a aucune preuve qu'elle avait une intention malicieuse à l'égard du Dr Katchin. On devrait la croire.

29. Le fait qu'il n'y ait aucune déclaration signée du Dr Powell et certaines incertitudes mineures quant à la question de « fantasmer à l'idée de tuer » ne suffisent pas à douter de sa preuve ou de la rejeter. En effet, le Dr Powell s'est présentée volontairement devant cette Commission plus d'un an après l'incident et sans l'aide de notes. Elle a entendu les propos du Dr Katchin très tôt le matin, ce qui voulait dire qu'elle était peut-être fatiguée. Elle en était « stupéfaite ».

30. En outre, il n'y a aucune exigence en droit qui veuille qu'une personne doit prendre des notes pour pouvoir croire son témoignage. Les témoins se présentent souvent devant les tribunaux sans notes, et ils sont bien accueillis.

31. Dans le même ordre d'idées, le fait qu'un témoin puisse avoir donné une preuve légèrement incompatible sur un point secondaire ne veut pas dire qu'on ne doive pas le croire. Dans l'arrêt Alexander Jaworski c. Canada, supra, un agent de police a été congédié par les Forces pour s'être exposé en public. Les organes d'examen n'étaient pas préparées à rejeter le témoignage de la victime, ni celui des témoins de soutien et ce, même devant les divergences. Cela est important puisqu'il est permis de penser qu'une accusation plus sérieuse pesait sur l'ancien membre. En effet, cela lui a coûté son emploi.

32. Nous demandons à la Commission de lire la totalité de cette décision, puisqu'elle est représentative de la démarche appropriée à adopter à l'examen de la preuve. Une analyse de l'ensemble de la preuve et une tolérance des légères différences sont justifiées. Les examens microscopiques sont à éviter.

33. Une menace et (ou) un langage violent a été proféré par le Dr Katchin. Les éléments sont bien établis par l'expression « zone de feu à volonté » et par l'explication du Dr Katchin [traduction] « tirer sur tous ceux qu'on voit". Cela est clair et convaincant. Il y a lieu d'imposer une sanction disciplinaire.

34. Les menaces et (ou) le langage violent ne peuvent être tolérés par tout employeur responsable de nos jours, ou rejetés par la Commission.

35. Le présent grief doit être rejeté, et la suspension maintenue.

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

Signé à Guelph (Ontario), le 20e jour de décembre 2002.

[191]   Déclaration du fonctionnaire s'estimant lésé

Argumentation du Dr J. Katchin

POINTS EN LITIGE

Nous soumettons respectueusement que la question qui se pose devant vous, Madame la présidente, est la suivante : le Dr Katchin a-t-il fait ce pourquoi il est accusé? Dans cette affaire, l'employé devrait démontrer que le Dr Katchin a sciemment et délibérément menacé quelqu'un. Étant donné que le fardeau de la preuve est du côté de l'employeur, nous discuterons si par le truchement des éléments de preuve produits, l'employeur a réussi à établir la culpabilité.

ET une deuxième question est soulevée seulement si la question susmentionnée était établie à votre satisfaction. La question est la suivante : la sanction à ce sujet était-elle appropriée étant donné l'ensemble des circonstances et des facteurs atténuants?

Nous soumettons également respectueusement que dans cette affaire la crédibilité est un point important et nous prendrons le temps de démontrer pourquoi le témoignage du témoin principal de l'employeur, le Dr Powell, n'est pas fiable, étant donné que le témoignage du Dr Katchin est crédible et constant.

Point 1

Le Dr Katchin est-il coupable des allégations faites à son endroit?

Pour discuter de ce point, nous devons d'abord nous entendre sur la norme de preuve qui doit être utilisée pour décider d'une preuve de culpabilité ou d'innocence dans cette affaire.

De notre point de vue, la norme ici devrait être la présentation d'une « preuve claire, forte et convaincante », puisque dans cette affaire le Dr Katchin a été accusé d'un comportement « qui pourrait causer un grave préjudice à la réputation professionnelle d'un employé. »

J'ai soumis une copie d'une discussion provenant des « Arrêts-clés sur l'arbitrage des conflits de travail » compilés par Mitchnick et Etherington où plusieurs causes sont citées. Les commentaires de l'arbitre McPhillips au bas de la deuxième page à l'égard de Kensington Private Hospital and H.E.U., Local 180[(1987,29L.A.C.(3d)390(McPhillips)]   sont particulièrement intéressants. Comme au bas de la page trois, nous sommes d'avis que la cause devant vous, Madame la présidente, peut être considérée comme une cause « claire et convaincante », « importante et fiable », et « claire, solide et probante » comme des signaux par rapport auxquels on peut mesurer la preuve.

Pourquoi dans cette affaire l'employeur devrait-il être tenu à cette norme de preuve intermédiaire? Parce qu'ils ont accusé le fonctionnaire s'estimant lésé de menacer un acte illégal ou immoral. Parce qu'ils ont dit que cet acte était d'une telle gravité qu'ils se sont rendus aux postes de police de Peel et de Guelph. Parce que la réputation personnelle et professionnelle du fonctionnaire s'estimant lésé est en jeu ici; et parce que personne ne devrait pouvoir alerter les gens sans avoir fourni de preuve importante qui subira un autre examen attentif.

Si cette norme est utilisée, la cause de l'employeur devrait certainement échouer. Même selon la « prépondérance des probabilités » qui a été citée dans la lettre de M. Sangster, établissant la suspension du Dr Katchin, la preuve appuyant la cause de l'employeur n'est pas assez concluante pour répondre à la norme pour les raisons qui suivent.

Témoignage du Dr Powell

Il y a des contradictions importantes entre ses déclarations à l'enquête et son témoignage à l'arbitrage. À l'exclusion du fait évident qu'on s'attendrait à une conformité entre son rapport à l'enquêteur et son témoignage sous serment, une distinction qualitative doit être faite entre les deux récits.

Dans son témoignage, il n'y avait qu'un seul incident où la discussion qui nous intéresse s'est déroulée. Cela contredit directement ce qu'elle a dit aux enquêteurs, déclarant qu'il y avait eu deux réunions et qu'elle voyait une progression. Cela apparaît important. Il y a eu progression ou non. Une progression pourrait expliquer le fait qu'elle ait attendu plus longtemps pour en faire rapport, mais son témoignage ne mentionne pas qu'il n'y a eu qu'une discussion de deux à trois minutes au cours de laquelle il a prononcé toutes les phrases - zone de feu à volonté, tirer sur tout le monde, fantasmer (bien qu'elle soit incertaine de cette dernière). S'il n'y a aucune progression, alors qu'est-ce qui explique ce long délai pour en faire rapport? La seule conclusion logique est qu'elle n'a pas pris ça au sérieux.

Contrairement à la citation dans la lettre de suspension datée du 13 juillet 2001 - la citation « fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph » - aurait pu être introduite seulement parce que le Dr Powell l'avait attribuée au Dr Katchin; elle dit maintenant dans son témoignage qu'elle n'est pas certaine de l'avoir entendu utiliser ces mots ou si ce n'était qu'une « impression » qu'elle avait eue. Elle dit également qu'elle est « plutôt certaine » qu'il a dit « tirer sur tout ce qui bouge ». Étant donné la gravité des allégations et ce qui est en jeu pour l'accusé, on pourrait se demander si « plutôt certaine » correspond à la norme de preuve nécessaire pour établir la prépondérance des probabilités. En outre, étant donné la gravité des allégations, ce genre de témoignage peut-il être reçu à titre de témoignage « clair, solide et convaincant »?

Le Dr Powell, ne semble pas claire, particulièrement lorsqu'elle s'adresse aux enquêteurs, mais également dans son témoignage, à propos du comportement du Dr Katchin au cours de sa discussion avec lui ce jour-là, vers le 10 mai. Dans une section du rapport elle dit qu'il déblatérait et dans une autre que son comportement était normal.

Elle ne peut se souvenir du sujet de la conversation. Elle ne la situe pas dans son contexte. Elle sait par contre qu'elle ne concernait pas les documents d'exportation.

Le Dr Powell n'a parlé de l'incident à son supérieur que plus d'un mois après la conversation et cela, après avoir parlé à une employée potentiellement impliquée - le Dr Mary Rathlou. Bien qu'elle a admis qu'en règle générale elle rapporte les problèmes au Dr Barran, ce n'est pas ce qu'elle a fait dans la présente affaire. Elle n'est même « pas certaine » si elle a laissé savoir au Dr Katchin qu'il y avait un problème avec ce qu'il avait dit. C'est la première chose à laquelle on s'attendrait de la part du Dr Powell. Chose certaine, c'est ce à quoi on s'attend d'après la politique sur le harcèlement de l'ACIA.

Dans son témoignage, le Dr Powell a déclaré qu'elle n'avait jamais pris de notes même pour une conversation aussi sérieuse.

Même pas avant de se rendre au poste de police ou à son retour du poste. Elle était suffisamment préoccupée pour en parler à des amis ou à des membres de la famille, mais pas suffisamment pour s'assurer d'inscrire ce qui s'était dit avec précision afin qu'il n'y ait aucune erreur sur ce que le Dr Katchin avait dit. Elle a également déclaré qu'elle pensait que la cause pourrait se terminer en arbitrage, et encore une fois, elle n'a pas jugé qu'il était nécessaire de prendre des notes. À la suite de cette erreur de bon jugement, ses allégations quant à ce qui a été dit et quant cela a été dit continuent de changer.

Dans son témoignage, elle dit qu'elle ne le trouvait pas complètement normal et ce, après seulement quelques mois à son emploi à l'Établissement 285. Ce jugement était fondé sur le fait qu'il montrait des signes qu'il était excessivement ordonné quant à la façon dont il traitait ses vêtements.

Elle a pris beaucoup de temps à décider de la façon dont elle allait répondre à ce qu'elle pensait être des propos menaçants. Elle en est finalement arrivée à la conclusion qu'elle ne voulait pas être tenue responsable si quelque chose devait se produire. Cela est valable, sauf que ce genre de réponse réfléchie indiquerait qu'il y a eu une grande incertitude quant à la signification des mots du Dr Katchin, lesquels auraient été ambigus - ce niveau d'angoisse et d'indécision aurait-il vraiment été possible si tel qu'allégué - au cours d'une conversation le Dr Katchin était « impatient de parler et enchanté de penser » au fait de tirer sur tous ceux qui se trouvent au bureau régional de Guelph? Cela apparaît peu probable. Cela supposerait certainement qu'elle n'a prêté aucune urgence aux remarques.

À quel point la question était-elle urgente et inquiétante pour elle? Elle n'a jamais dit qu'il y avait des délais rattachés au plan macabre allégué du Dr Katchin. Si ce qu'elle a dit était vrai, il aurait pu agir à tout moment. Est-ce qu'elle n'aurait pas été inquiète de savoir qu'il aurait pu agir pendant qu'elle conservait son horrible secret? Selon nous, elle ne s'en inquiétait pas parce qu'elle l'aurait rapporté.

Son témoignage révèle qu'il n'y a eu qu'une conversation de 2 à 3 minutes. Cette conversation s'est déroulée avec un individu qu'elle considérait comme anormal. Cette conversation s'est déroulée sans contexte. Il a seulement parlé de tuer des gens, rien d'autre. Et elle n'en a parlé à personne pendant cinq semaines. Elle n'a pris aucune note, n'a aucunement essayé de recueillir d'autres informations de l'accusé, et n'a vu aucune urgence pour ce qui est de divulguer cette information. Elle mentionne que des individus ont été nommés dans cette conversation, mais elle ajoute qu'il n'a jamais menacé de tirer sur eux individuellement. Elle a tout de suite perçu le commentaire comme étant inapproprié, mais elle était incertaine d'avoir mentionné ce fait au Dr Katchin. Cela étant dit, le Dr Powell est une personne intelligente, bien éduquée, capable de faire des jugements; ce témoignage n'est pas très sensé. Quelqu'un vient vers vous et, en utilisant des expressions outrageuses, vous parle tout simplement de tuer des gens, et ensuite non seulement vous n'en faites pas rapport, mais vous ne prenez pas en note ce qu'étaient les expressions exactes?

Et qu'a-t-elle dit à Mary Rathlou? Le Dr Powell a témoigné qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait dit au Dr Rathlou. Est-ce que Mary Rathlou a entendu qu'il y avait une progression? Ou a-t-elle entendu ce que nous avons entendu : que tout cela était arrivé au mois de mai, vers le 10 mai. Quelle version du récit a eu un effet aussi important sur Mary Rathlou?

Quelle que soit la raison, Mary Rathlou dit les mots d'une façon légèrement différente de Wendy Powell. Elle dit [traduction] « aller dans le bureau et éliminer tous ceux qu'on peut » au lieu de « tirer sur tout ce qui bouge ». Cela est sensiblement le même, mais là où son témoignage diffère de celui du Dr Powell est lorsqu'on dit qu'elle a été nommée comme personne sur laquelle on pourrait tirer. Cela est contraire au témoignage du Dr Powell dans lequel elle dit qu'il n'avait jamais dit qu'il tirerait sur ces personnes, mais seulement que le nom de Mme Rathlou avait été mentionné dans la conversation.

Tout cela étant considéré, il est juste de dire que le Dr Powell n'était pas un témoin crédible et sa confusion par rapport à des éléments clés susmentionnés ne peut permettre d'établir la culpabilité du Dr Katchin même si la prépondérance des probabilités était utilisée.

Témoignage du Dr Katchin

Le Dr Katchin a été constant depuis le début à propos de ce qu'il a dit et n'a pas dit dans sa conversation avec Wendy Powell. Il a admis ouvertement lorsqu'on lui a dit qu'il avait comparé le bureau régional de Guelph à une « zone de feu à volonté », et qu'il avait ajouté « pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit ». Il s'est excusé au cours de la même réunion pour avoir fait preuve de mauvais jugement en utilisant des expressions qui étaient clairement offensives et imprudentes. Il a reconnu que ce n'était pas bien et qu'il n'aurait pas dû parler de cette façon. Plus d'un an plus tard, il nie toujours le reste des allégations, tout comme il l'a fait dans cette première réunion.

Il s'est rappelé en détail de la conversation qu'il a eue avec le Dr Powell. Il était question de réclamations d'heures supplémentaires à l'Établissement 196. Le Dr Katchin était certain des noms de Mme Lajeunesse et celui de Mme Rathlou. Le Dr Powell hésitait à réclamer des heures supplémentaires si le bureau régional ne voulait pas les payer. Le Dr Katchin a dit que la direction avait payé les heures supplémentaires pendant six mois jusqu'à ce qu'il ait entendu que Mme Rathlou et Mme Lajeunesse y avaient mis un terme. Il y a eu un marmonnement quant à la façon dont nous faisons toujours les frais de l'opération et que ça prenait une éternité pour avoir un contrat... » Le Dr Katchin a fait le commentaire suivant une ou deux minutes plus tard, dans le contexte de cette conversation : « J'en suis venu à la conclusion que le bureau régional de Guelph est une zone de feu à volonté, pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit. » Le Dr Powell a demandé ce qu'était une zone de feu à volonté. Le Dr Katchin a répondu - [traduction] « ...il s'agit d'une expression militaire qui fait référence à une zone désignée où le personnel est considéré comme étant hostile jusqu'à preuve du contraire. » Ce récit de ce qui s'est passé était naturel et persuasif. Comme il l'a été mentionné dans l'audience, le Dr Katchin est une personne soucieuse des détails. Il est évident qu'il a une bonne mémoire des détails. Il reconnaît que certaines personnes puissent le percevoir comme étant pointilleux. L'utilisation d'expressions telles que « kibosh »(mettre un terme) et « pour autant » pour introduire le qualificatif pourraient sonner fausses ou sans expression venant d'une autre personne. Ici, elles sont justifiées.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il utiliserait une expression comme ça (zone de feu à volonté), le Dr Katchin a déclaré : [traduction] « parce que pour le nombre d'années d'expérience que j'ai, soit 24 années, j'ai senti un certain niveau de méfiance et de non respect entre les gens sur le terrain et les gens de la direction au bureau régional. » Cela démontre pourquoi il a choisi d'utiliser une telle métaphore.

Pour ce qui est de l'utilisation de l'expression « zone de feu à volonté », M. Eftal les a toutes deux confirmées dans l'enquête et sous serment que le Dr Katchin avait à une autre occasion lorsqu'on lui a demandé, il a qualifié l'utilisation de cette expression exactement de la même façon que le Dr Katchin.

Le Dr Katchin a témoigné quant au type de langage utilisé dans son milieu de travail. Il a particulièrement fait référence à l'utilisation de « jurons, de langage grossier, de commentaires raciaux, de langage vulgaire, de violence verbale, de commentaires menaçants et intimidants d'une façon moins considérable, principalement par des hommes... Il a souligné un certain nombre d'incidents où les abus étaient dirigés vers lui. Il a expliqué que le conseil verbal avait été la meilleure façon pour faire face à ces problèmes. Ce témoignage n'a pas été contredit.

Enquête préjudiciable

L'employeur n'a pas su demeurer objectif dans son enquête. Cette enquête telle que nous la comprenons à partir du témoignage de M. Crawford a servi de fondement pour sa recommandation et celle de Mme Gammon visant une sanction disciplinaire.

Ils en sont arrivés à la conclusion que le Dr Katchin était coupable avant même que l'enquête ne commence. L'enquête n'était qu'un prétexte pour appuyer leur décision d'imposer une sanction disciplinaire. L'appui à cet argument se trouve dans la façon qu'ils ont choisi, en tant que gestionnaires, personnel des ressources humaines et enquêteurs, de se comporter pendant leur enquête.

En ce qui a trait aux procédures, ils ont d'abord manqué au fait d'obtenir une plainte écrite du Dr Powell. M. Crawford a déclaré dans son témoignage qu'il avait mené plusieurs enquêtes dans le passé. On pourrait penser qu'une plainte dûment signée écrite par le Dr Powell ou une déclaration signée de ce qui s'est passé serait la première étape logique dans un tel processus, en particulier lorsque les allégations portent sur une conversation qui s'est déroulée entre deux individus sans la présence de témoins. Le résultat de cette négligence d'obtenir une déclaration signée a mené à des changements quant à ce qui a soi-disant été dit ouvertement dans la conversation initiale, à ce qui a été rapporté aux autres employés et même à la séquence des événements qui se sont déroulés.

La direction a également omis de mettre tous les renseignements recueillis dans son rapport final - ils n'ont pas entendu l'excuse du Dr Katchin. Peu importe l'importance qu'ils y accordaient à ce moment, un dossier d'excuse aurait dû être compris dans le rapport. Son exclusion jette un doute sur la décision, quelle qu'elle soit, prise par M. Sangster avec tous les renseignements devant lui. De plus, le maintien de renseignements contradictoires dans le rapport n'indique pas une ferme intention de découvrir ce qui s'est passé. La déclaration du Dr Powell voulant que le Dr Katchin avait agi avec emphase et à un autre moment que son comportement était normal en est un exemple.

Finalement, le fait de garder des ouï-dire datant de plusieurs années dans le rapport a créé un préjudice au Dr Katchin parce que ce n'était pas corroboré et qu'il n'a pas eu l'occasion d'y répondre ou d'y réfuter.

Ces manquements aux procédures ont tous créé un préjudice au Dr Katchin, teinté l'enquête de la direction et présumé la question - est-ce qu'il s'agissait-là d'une tentative impartiale de découvrir des faits?

Un examen objectif du contenu du rapport d'enquête (pièce G-5) démontre qu'il ne s'agit pas d'une preuve péremptoire que le Dr Katchin a fait les commentaires allégués. Et lorsqu'on lui demande [traduction] « Avez-vous senti que vous aviez une preuve? » M. Crawford déclare : [traduction] « Nous avons senti que le Dr Powell disait la vérité. Cela est fondé sur la foi, il ne s'agit pas d'une preuve. Lorsqu'on a demandé à M. Crawford [traduction] « sur quoi vous appuyez-vous? », il a répondu [traduction] « parce qu'elle n'avait commencé à travailler à l'Établissement 285 qu'en mars 2001, elle ne connaissait pas le Dr Katchin avant cette date, par conséquent ils n'ont pas cru que ce qu'elle disait pouvait être inexact. » Lorsqu'on a demandé à M. Crawford comment cela pouvait déterminer qu'il avait utilisé les mots « tirer sur tout ce qui bouge », il a répondu : [traduction] « C'est ce que le Dr Powell nous a dit qu'il avait dit, et il n'y avait personne d'autre pour dire qu'il avait tenu ces propos ou non. »

Il y a peu d'intérêt à relever davantage de points du témoignage de M. Crawford quant aux méthodes utilisées pour déterminer ce qui s'est réellement passé. Je suis d'avis que ce serait une évaluation juste de l'ensemble de l'enquête de dire que les enquêteurs ont pris le Dr Powell au mot et qu'au minimum, ils ont fermé les yeux sur les questions et les contradictions qu'ils avaient sous les yeux.

Point 2

La sanction est-elle appropriée?

Si vous jugez, contrairement à notre argumentation, que l'employeur s'est acquitté du fardeau de la preuve et vous a convaincu que le Dr Katchin a en effet dit les choses qu'on lui attribue dans la lettre de suspension datée du 13 juillet 2001, nous vous demandons alors de considérer le second point qui est : la suspension de trois jours était-elle une sanction appropriée étant donné l'ensemble des circonstances et des facteurs atténuants? Les considérations que nous croyons devraient être considérées suivent.

Sanction disciplinaire et normes du Conseil du Trésor

La pièce G-2 est le Manuel du Conseil du Trésor sur les relations de travail, Discipline. Il s'agit d'une pièce acceptée par les parties.

En contre-interrogatoire, M. Crawford a déclaré qu'il n'était pas au courant que l'ACIA avait des normes de discipline ou une politique sur la discipline. Il a également dit qu'il n'avait consulté aucun manuel ou politique pendant l'enquête. Étant donné qu'il n'a pu consulter aucune politique interne, il est juste de présumer que la norme utilisée est la norme du Conseil du Trésor.

En général, le thème consacré en relations de travail (veuillez vous reporter à Brown and Beatty, 3e édition) est que les sanctions soient correctives et progressives. Plusieurs sections de ce manuel sont pertinentes à la cause qui vous est présentée. J'attire votre attention à la section OBJET qui dit : [traduction] « Le but d'une sanction disciplinaire corrective est de motiver les employés à accepter les règles et les normes de conduite qui sont souhaitées ou nécessaires à l'atteinte des objectifs de l'organisation. » Dans ce document, les significations des différentes sanctions sont établies, y compris la sanction financière, la réprimande verbale, la suspension et la réprimande écrite. À la fin de la section portant sur la réprimande écrite à la page 3, il est écrit : [traduction] « si une sanction disciplinaire plus sévère devait se révéler nécessaire, le dossier des réprimandes dans le dossier du personnel indiquerait que l'employé a été informé des conséquences d'une nouvelle inconduite (réprimande écrite).

À mon avis, la sanction imposée au Dr Katchin n'était ni progressive (il avait un dossier personnel vierge, ce qui n'a pas été contesté par l'employeur) ni corrective (une réprimande verbale aurait été tout aussi valable pour indiquer à l'employé de changer son comportement en particulier depuis que la sanction avait été imposée plus de deux mois après la date de l'incident dont il est fait référence par le Dr Powell. Il est évident que le Dr Katchin ne représentait pas un danger puisqu'il occupait les mêmes fonctions pendant ces deux mois et travaillait au même endroit où il travaillait avant l'incident. N'ayant aucun avertissement à son dossier, aucune réprimande verbale, et le fait qu'il ne représente pas un danger, il est important de se demander pourquoi le Dr Katchin a été suspendu? Et pourquoi trois jours? Ma réponse à cette question est que la sanction était punitive. À la page 6 de la pièce G-2, point 7 « Évaluation de l'inconduite » il est écrit dans le manuel : [traduction] « Le défaut pour un employé de souscrire aux normes de conduite exigées doit être considéré selon les mérites individuels. La réaction de la direction à un tel comportement devrait être constructive, elle devrait être corrective plutôt que punitive. Une sanction disciplinaire ne doit pas être un geste de vengeance, mais plutôt une réponse positive indiquant que les actions d'un employé sont inacceptables, tout en motivant et en encourageant ce dernier à développer de meilleures attitudes et un meilleur rendement... Dans le cas d'une inconduite, il faut tenir compte de facteurs tels que le nombre d'années de service des employés, sa fiche d'analyse de poste, la gravité de l'infraction et de tout autre fait pertinent. »

À notre avis, l'employeur n'a pas su prendre en considération des facteurs atténuants, notamment les deux facteurs susmentionnés. Pour ce qui est du caractère sérieux de l'infraction : aucune menace n'a été faite au Dr Powell, elle n'a senti aucune menace physique de la part du Dr Katchin, il n'y a eu aucune agression, aucun geste menaçant, rien n'a forcé le Dr Powell à parler à qui que ce soit de cet incident jusqu'à un mois après qu'il se soit déroulé. Le Dr Barran a laissé le Dr Powell décider de la façon dont elle voulait poursuivre l'affaire. En tant que superviseur du Dr Katchin, il devait avoir eu l'idée la plus juste quant à la gravité des menaces du Dr Katchin. Dans le pire des cas (et seulement si vous acceptez que l'employeur s'est acquitté du fardeau de la preuve) le Dr Katchin est coupable d'avoir tenu des propos offensants pour lesquels il n'a jamais eu l'intention de donner suite. Si l'employeur avait pris cet incident au sérieux et s'était préoccupé d'accorder davantage qu'une punition, il aurait fait plus que de téléphoner à la police. Pourquoi pas une relation thérapeutique pour les deux individus en question? Dans tout le témoignage, personne n'a pensé à mentionner que le Dr Katchin pouvait être malade ou avoir besoin de séances d'orientation. Il semble que l'employeur a pris l'allégation du Dr Powell au sérieux en mettant seulement l'accent sur la punition imposée au Dr Katchin.

Autres facteurs atténuants

À la page 7-238 de Brown and Beatty (3e édition) on retrouve la liste des facteurs atténuants qu'un arbitre a résumés dans la décision de la Steel Equipment Company (1964), 14 L.A.C.356 (Reveille) à la page 356-8 (la liste est jointe aux présentes). J'ai déjà traité des deux premiers. Le troisième facteur; [traduction] « incident isolé » s'applique également dans cette affaire. L'accusation de comportement menaçant est un incident isolé dans l'emploi du Dr Katchin auprès de l'ACIA. Septième facteur; [traduction] « Les règles de la compagnie ne sont pas appliquées uniformément ce qui constitue une forme de discrimination », dans la liste de facteurs atténuants est également important ici puisqu'il a été traité différemment des autres dans son milieu de travail. Il a été pris à partie et au lieu d'être conseillé ou réprimandé avec un avertissement clair qu'il pourrait recevoir une sanction encore plus sévère si nécessaire, il est suspendu. Quelque chose qu'on n'entendait pas dans le milieu rude de l'Établissement 285.

Si l'objectif à l'Établissement 285 était de nettoyer l'environnement, alors cet effort aurait dû se faire progressivement par l'entremise d'avertissements au personnel, puis par des réprimandes et finalement par des sanctions plus sévères. L'employeur ne devrait pas décider d'obtenir raison en ciblant un seul employé et en lui imposant une sanction disciplinaire sévère et injuste.

Le Dr Powell n'a été victime d'aucune agression physique ni même de menaces. Étant donné que cette sanction est administrée plus de deux mois après l'incident, elle ne peut être autrement que punitive. Cette sanction est une sanction spéciale pour le Dr Katchin.

Concernant la théorie voulant qu'une sanction disciplinaire est une question de réhabilitation potentielle; tel qu'énoncé dans Brown and Beatty 7:4422 (3e édition) « Potentiel de réadaptation » à la page 7-250 (au milieu de la page) : [traduction] « Dans le même ordre d'idées, certains arbitres, en présumant implicitement qu'un employé qui admet immédiatement son écart de conduite et (ou) présente des excuses à la suite de son inconduite reconnaît ainsi son comportement répréhensible et par conséquent serait plus apte à se conformer aux normes prévues, s'appuient sur le fait selon lequel on peut améliorer la sanction disciplinaire imposée. »

Dans son témoignage, le Dr Katchin a fait référence au fait qu'il avait présenté ses excuses à l'employeur à la première réunion au cours de laquelle il avait appris les allégations qui pesaient contre lui. Ses excuses ont été limitées par le fait qu'il ne s'excuserait pas pour des choses qu'il n'a pas dites. Il a admis de façon catégorique qu'il avait utilisé une métaphore imprudente et s'est excusé pour les problèmes qu'il aurait pu causer. Il a compris le problème et a pris la responsabilité de l'utilisation de l'expression - « zone de feu à volonté ». Pour ce qui est de s'excuser auprès du Dr Rathlou, il a essayé de lui téléphoner et de s'expliquer. Dr Rathlou a choisi de ne pas parler au Dr Katchin. Ce dernier a ensuite été informé de ne pas essayer de communiquer à nouveau avec le Dr Rathlou.

Certains autres facteurs (qui ont tous été mentionnés dans le témoignage du Dr Katchin) qui devraient être pris en considération dans l'évaluation d'une sanction appropriée sont :

- La nature grossière et violente du milieu dans lequel le Dr Katchin a travaillé quotidiennement pendant les 28 dernières années. Bien que ce milieu n'excuse pas les propos qui ont été tenus, il décrit l'atmosphère et le type de langage et de commentaires qui y sont acceptés. Il semble ne pas être rare d'entendre quelqu'un faire ce genre de commentaires à l'établissement Maple Lodge et qu'aucune sanction disciplinaire ne soit imposée.

- Les pénuries de personnel en cours et les discussions prolongées en vue d'une nouvelle convention collective. Cela a entraîné des tensions et un manque de confiance et des frustrations de la part des employés envers la direction.

- La rupture du lien de confiance entre la main-d'ouvre et la direction. Cela explique le contexte du commentaire du Dr Katchin. Il disait qu'il n'avait pas l'impression que la direction au bureau régional de Guelph veillait au meilleur intérêt des employés.

- Les pressions associées au débat continu sur la légitimité de continuer à signer des documents d'exportation et le leadership du Dr Katchin dans ce domaine. Cette allégation aurait pu motiver la direction à imposer une sanction plus sévère au Dr Katchin qu'aux autres employés.

Conclusion et réparation demandée

Vous avez entendu Jerome Katchin dans sa preuve parler ouvertement de sa frustration à l'égard de la direction, de ses abus continus sur le compte de ses collègues et ce qu'il voulait dire lorsqu'il a utilisé le langage en question. Vous l'avez entendu parler de la façon dont il voulait faire face aux problèmes dans le milieu de travail.

Nous avons entendu deux personnes qui travaillent depuis longtemps au poste d'inspection de Maple Lodge parler du Dr Katchin et de sa façon d'être étrange mais honnête et fiable et que pendant toutes ces années il avait exprimé son point de vue et ses frustrations, mais qu'il n'avait jamais été enclin à la violence. Le fait que le Dr Katchin exprime du mépris pour les politiques et les actions de son employeur dans certains secteurs ne signifie pas qu'il soit violent ou qu'il ait des intentions criminelles.

Nous n'avons entendu aucune preuve pertinente et fiable du Dr Powell quant à ce que le Dr Katchin a dit au-delà de son affirmation qu'il avait utilisé l'expression « zone de feu à volonté » avec un qualificatif. Nous avons entendu le Dr Powell modifier sa position et être résolument incertaine sur plusieurs points. Nous avons entendu qu'il n'y avait eu aucune déclaration écrite qui aurait obligé le Dr Powell et l'employeur à s'en tenir à un seul récit. Nous avons entendu parler du temps qu'il a fallu au Dr Powell pour rapporter son récit et du fait qu'elle n'a conservé aucune note qu'elle aurait pu consulter. Elle est discrédité à titre de témoin fiable.

Nous avons entendu une enquête compromise. Essentiellement, ce sur quoi l'administration de cette sanction se fondait était les croyances de certaines personnes quant aux pensées du Dr Katchin et dans leur esprit de ce qu'il est capable de faire. Cette sanction a été administrée malgré un manque de preuve d'écart de conduite et sur la foi inébranlable de l'employeur que le Dr Powell est intelligente et professionnelle et que par conséquent elle doit dire la vérité. Qu'est qui a fait en sorte que l'employeur a cru que le Dr Katchin était moins professionnel ou intelligent et que par conséquent il aurait pu dire la vérité?

En terminant, aurait-il dût utiliser la métaphore qu'il a utilisé dans le milieu de travail - non. Faire référence au bureau de Guelph comme étant une « zone de feu à volonté » même lorsque qualifié, n'est pas approprié et le Dr Katchin le réalise. Le Dr Katchin a fait une erreur de jugement et il est coupable de s'être vanté. La nature de ses propos a été exagérée jusqu'au point de devenir menaçante et il n'est pas coupable d'inconduite.

Compte tenu de tout ce qui précède, nous demandons respectueusement que la suspension de trois jours soit retirée, que toutes les mentions de cette suspension soient supprimées du dossier et que toutes les pertes d'argent et d'avantages résultant de la suspension soient remboursées au Dr Katchin.

[192]   Réfutation pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[Traduction]

Réponse aux observations de l'employeur

Nous faisons respectueusement valoir que l'employeur a fait défaut de présenter une preuve claire, forte et convaincante pour modifier la prépondérance des probabilités et établir le bien-fondé de la sanction disciplinaire. Nous souscrivons aux observations formulées dans l'arrêt Alexander Jaworski c. Canada (Procureur général) [1998], à savoir que c'est à l'employeur qu'appartient le fardeau de la preuve en matière civile dans les affaires de sanction disciplinaire et que dans un cas sérieux dont l'issue pourrait avoir de graves conséquences, la preuve devrait être limpide et convaincante. Nous faisons valoir que l'affaire dont vous êtes saisie est aussi un cas sérieux.

La réfutation de la plaidoirie détaillée de l'employeur est présentée ci-après. Nous reprenons la numération utilisée par l'employeur et reproduisons les passages cités entre guillemets. Notre réponse se trouve immédiatement après.

Nous formulons aussi des observations sur la jurisprudence citée par l'employeur. Cependant, nous sommes d'avis qu'en ce qui concerne les arrêts Alexander Jaworski c. Canada (Procureur général) [1998]   et [2000], la norme de preuve applicable n'est pas contestée. Il convient de préciser que ces deux arrêts n'ont aucun rapport avec l'application de la LRTFP et que les faits qui y sont exposés diffèrent de ceux de l'espèce.

Témoignage de Wendy Powell

4. [...]. « Son témoignage était véritable. Il était en grande partie conforme aux notes recueillies par M. Crawford et Mme Gammon (voir la pièce G-5). Ces faits militent en faveur de l'acceptation de sa preuve »

Un examen du témoignage du Dr Powell révèle qu'il n'est pas « en grande partie conforme » avec les notes de M. Crawford et de Mme Gammon. Il y a des contradictions importantes dont on ne peut faire abstraction. Ainsi, le Dr Powell a affirmé dans le cadre de son témoignage n'avoir eu à sa souvenance qu'une seule conversation avec le Dr Katchin durant laquelle ce dernier aurait tenu tous les propos qu'on lui attribue. Or, dans les notes qui ont été produites (G-5), on fait état de deux rencontres au cours desquelles le Dr Katchin aurait progressivement dévoilé son plan.

Ces contradictions ne militent pas en faveur de l'acceptation du témoignage; elles ont plutôt pour effet de miner la crédibilité de la témoin car elle n'arrive pas à se remémorer le fil des événements avec exactitude et que sa mémoire lui joue des tours depuis son entretien avec M. Crawford et Mme Gammon.

5. « Le Dr. Powell n'avait aucune raison de mentir ou d'embellir son récit, et elle ne l'a pas fait. (En fait, le Dr Katchin n'avait aucune preuve tangible contre elle.) [...]   »

Vous n'êtes pas saisie de la question de savoir si le Dr Powell avait raison de mentir ou d'embellir son récit, Mme la présidente. C'est à l'employeur qu'il appartient de présenter une preuve claire, forte et convaincante pour établir qu'il s'est produit un incident justifiant l'application d'une sanction disciplinaire. Or, cette preuve est inexistante. Ce n'est pas au Dr Katchin de fournir des preuves tangibles pour contredire le Dr Powell.

8. « .........Il s'agit là d'une preuve convaincante d'inconduite. »

Si cette preuve n'était pas contredite, on pourrait peut-être envisager la possibilité d'une faute de conduite. Or, la preuve est contredite par le Dr Katchin. En l'absence de notes ou d'une déclaration signée, la preuve du Dr Powell est limitée à ce dont elle se souvient et on a pu constater lors de son témoignage que sa mémoire n'est pas très fiable. Son témoignage ne peut donc pas constituer une « preuve convaincante d'inconduite » parce qu'elle a présenté diverses versions des faits.

9. ....... « Elle savait que le Dr Katchin possédait des armes à feu et des munitions et qu'il était un chasseur. Cette hésitation n'a pas été fatale aux arguments de l'employeur.... »

Le fait que le Dr Katchin possédait des armes et s'adonnait à la chasse n'a aucun rapport avec le fait que le Dr Powell a attendu plusieurs semaines avant de déposer sa plainte. Il serait plus logique de conclure que le fait que le Dr Katchin possédait des armes aurait incité Mme Powell à signaler l'incident sans tarder ou, à tout le moins, très peu de temps après le fait. Cette hésitation nous pousse à croire qu'elle pourrait ne pas avoir perçu de menace dans les propos du Dr Katchin au moment où elle les a entendus.

Le témoignage du Dr Mary Rathlou

10. « Le Dr Rathlou a témoigné que c'est le Dr Powell qui la informée de la menace faite par le Dr Katchin; le Dr Powell est pour elle une personne en qui elle a confiance en tant que collègue professionnelle. Elle a témoigné d'une manière convaincante et directe sans trop montrer son effet dramatique sur elle. Pour cela, une sanction disciplinaire devrait être imposée au Dr Katchin. »

Le fait que le Dr Rathlou ait été troublée par ce que le Dr Powell lui a dit ne prouve d'aucune manière que le Dr Katchin a tenu les propos qu'on lui prête. Ce n'est pas parce que ces propos ont provoqué une réaction chez le Dr Rathlou que le Dr Katchin doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire. Il faut prouver que c'est bien lui qui a causé cette réaction. L'employeur n'a pas établi que le Dr Katchin avait tenu les propos qui ont perturbé le Dr Rathlou, et la sanction disciplinaire n'est dès lors pas justifiée.

Le témoignage de James Crawford

11. « ....., la preuve de James Crawford est importante pour autant qu'elle démontre que la direction a pris la plainte au sérieux et a réagi rapidement. Elle ne tolère pas un tel comportement dans le milieu de travail...... »

La preuve montre que le premier gestionnaire qui a été informé des propos que le Dr Katchin aurait tenus, c'est-à-dire le Dr Dennis Barran (VM-2), s'est gardé de prendre quelque mesure que ce soit. Les témoignages du Dr Katchin, de M. Eftal et de M. Birken montrent que le comportement (jurons, remarques racistes, métaphores militaires, etc.) des employés de Maple Lodge Farm est demeuré impuni par le passé et que la situation dure depuis un certain temps. Au demeurant, la réaction de l'employeur ne permet pas d'établir que le Dr Katchin a bien tenu les propos qu'on lui prête ou que la sanction disciplinaire qui lui a été imposée était justifiée.

Les témoignages de Vince Weber et de Berkan Eftal

M. Jaworski affirme qu'aucun de ces témoins n'était disposé à ternir ou attaquer la réputation du Dr Powell de quelque manière que ce soit. La réputation du Dr Powell n'est pas en cause en l'espèce. L'employeur a le devoir de présenter des preuves convaincantes pour établir le bien-fondé de la sanction disciplinaire. C'est à lui qu'appartient le fardeau de la preuve.

Le témoignage du Dr Katchin

19. « ............... Il y a un immense chevauchement dans leurs récits à ce point. Ces faits militent en faveur de l'acceptation de la preuve du Dr Powell. »

Nous ne comprenons pas trop pourquoi l'avocat de l'ACIA croit que le témoignage du Dr Powell devrait l'emporter sur celui du Dr Katchin, parce qu'il y a des recoupements entre les deux. Au demeurant, si les deux versions des faits étaient identiques, il est peu probable que l'affaire se serait rendue devant la CRTFP. Le fait qu'il y a des divergences ne signifie pas qu'il faut exclure l'un des deux témoignages.

20. "°L'explication du Dr Katchin voulant qu'il a utilisé le qualificatif un peu fort « pour autant qu'il n'y a aucune force amie à cet endroit » dans ces circonstances est manifestement incroyable. Le Dr Powell ne l'a pas entendu parce qu'il ne l'a pas profané. »

L'avocat de l'ACIA formule l'avis que c'est « manifestement incroyable » et qu'" il ne l'a pas profané », mais il s'abstient de fournir des moyens ou des éléments de preuve valables au soutien de ses prétentions.

22. « La preuve du Dr Katchin voulant qu'il soit contrit ne correspond pas aux notes de Jim Crawford parlant d'une offre d'excuse. En effet, la lettre du Dr Katchin est loin d'être contrite et est incroyablement ouverte en insultant M. Sangster. »

M. Crawford a affirmé ne pas se rappeler si le Dr Katchin avait présenté des excuses, alors que la preuve du Dr Katchin indique clairement qu'il en a fait. Pour ce qui est de la lettre envoyée par le Dr Katchin, elle a été expédiée après que l'employeur eut sévi et, de plus, le Dr Katchin ne revient pas sur les excuses qu'il a déjà présentées.

Plaidoyer final

28. « Le Dr Powell est une personne honnête et très estimée... Elle est bien éduquée et il est peu probable qu'elle se soit trompée sur ce qu'elle a entendu ou sur ce que cela voulait dire. Il n'y a aucune preuve qu'elle avait une intention malicieuse à l'égard du Dr Katchin. On devrait la croire. »

À l'instar du Dr Powell, le Dr Katchin est honnête et très estimé. C'est aussi un homme érudit. Or, le niveau d'instruction n'a rien à voir avec le fait qu'une personne peut s'être méprise sur les paroles entendues ou sur le sens à leur attribuer.

Pour ce qui est de l'intention malicieuse, ce n'est pas au fonctionnaire qu'il appartient d'établir cette preuve. L'employeur a la charge de faire la preuve irréfutable qu'il s'est produit un incident justifiant l'application d'une sanction disciplinaire.

29. « Le fait qu'il n'y ait aucune déclaration signée du Dr Powell et certaines incertitudes mineures quant à la question de « fantasmer à l'idée de tuer » ne suffisent pas à douter de sa preuve ou de la rejeter. »

L'absence de déclaration signée ainsi que le refus obstiné du Dr Powell des prendre des notes nous obligent à nous en remettre à sa mémoire. Il est difficile de voir en quoi les révisions du Dr Powell pourraient être considérées comme des « incertitudes mineures ».

29. « Elle a entendu les propos du Dr Katchin très tôt le matin, ce qui voulait dire qu'elle était peut-être fatiguée. Elle en était « stupéfaite ». »

Si le Dr Powell a été aussi « stupéfaite » et effrayée qu'on le dit par les propos qu'aurait tenus le Dr Katchin, on peut penser qu'ils seraient restés gravés dans sa mémoire. Si des doutes persistaient dans son esprit au sujet des propos entendus, pourquoi n'a-t-elle pas tiré les choses au clair avec le Dr Katchin?

31. « Dans le même ordre d'idées, le fait qu'un témoin puisse avoir donné une preuve légèrement incompatible sur un point secondaire ne veut pas dire qu'on ne doive pas le croire. »

On ne saurait qualifier le fait d'accuser quelqu'un de « fantasmer à l'idée de tuer » de point secondaire et cette question devrait être prise très au sérieux par l'accusatrice et les avocats de la partie adverse.

32. ....." Une analyse de l'ensemble de la preuve et une tolérance des légères différences sont justifiées. Les examens microscopiques sont à éviter. »

Dans l'arrêt Alexander Jaworski c. Canada (Procureur général) [1998]   et [2000], les contradictions sur le plan de la preuve se rapportent à des points de détail. La couleur des vêtements d'une personne, la taille et la couleur des cheveux sont des détails physiques beaucoup plus précis que ceux qui sont fournis en l'espèce. Le témoignage du Dr Powell est très différent - on ne lui demande pas d'identifier quelqu'un par ses caractéristiques personnelles mais de se remémorer un incident qu'elle a elle-même rapporté. On ne saurait traiter à la légère le fait qu'elle se contredise sur la question primordiale de savoir s'il y a eu une ou deux rencontres et si cela serait qualifiable, ainsi qu'elle l'a initialement indiqué, de « progression ». Nous faisons valoir que la question de savoir s'il y a eu « progression » et si des choses ont été dites ou non au cours d'une seconde conversation sont des aspects importants du témoignage et non pas de « légères différences ». Il serait difficile de qualifier le fait de vérifier la crédibilité du Dr Powell d'examen microscopique. Comme il n'existe aucune preuve tangible, à part les deux témoignages contradictoires, un examen attentif s'impose.

Lefebvre et le Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada)

[1985] C.R.T.F.P.C. no 8

Différences significatives :

  • Dans cette affaire, il est indéniable que le fonctionnaire a menacé directement un autre employé et que les menaces étaient beaucoup plus graves. Dans l'affaire qui nous occupe, même si l'on croit que le Dr Katchin a tenu les propos qu'on lui prête, on ne sait pas vraiment ce qu'il voulait dire.

  • Les remarques ont été faites à un superviseur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

  • Le lendemain de l'incident, le témoin a préparé un compte rendu écrit des faits. Dans l'affaire qui nous occupe, il n'y a ni rapport écrit, ni déclarations signées, ni notes pour étayer les allégations.

  • Les menaces sont l'aboutissement d'un enchaînement logique d'événements. En l'instance, le Dr Powell affirme que le Dr Katchin, avec qui elle n'avait encore jamais lié conversation, l'a tout bonnement abordée et s'est mis à lui tenir des propos violents. Il n'y a rien de logique dans une telle conduite.

  • Plus particulièrement, le fonctionnaire s'estimant lésé dans cette affaire avait déjà un dossier disciplinaire faisant état d'une suspension de deux jours, d'une réprimande écrite et d'une réprimande verbale. Le Dr Katchin n'a pas de dossier disciplinaire.

    Mohamed et le Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt)

    [1988] C.R.T.F.P.C. no 139

    Différences significatives :

  • Les remarques ont été faites au superviseur immédiat du fonctionnaire s'estimant lésé, ce qui n'est pas le cas dans l'affaire qui nous occupe.

  • En plus de faire des menaces, le fonctionnaire s'estimant lésé a enfreint une règle qu'il avait convenue de respecter.

  • L'arbitre a conclu au bien-fondé d'une suspension de deux jours. En l'espèce, la sanction imposée est bien plus sévère.

  • Il est incontestable que des menaces ont été proférées, le fonctionnaire ayant affirmé que « le sang coulerait » et que « les choses iraient mal, qu'il y aurait du grabuge ». En l'espèce, même si l'on croit que le Dr Katchin a tenu les propos qu'on lui prête, on ne sait pas vraiment ce qu'il voulait dire.

  • Plus particulièrement, le fonctionnaire s'estimant lésé « ne nie pas avoir parlé ainsi; il allègue simplement qu'il l'a fait dans un contexte innocent et sans proférer de menaces ». Dans l'affaire qui nous occupe, le Dr Katchin nie totalement avoir tenu les propos qu'on lui prête ou avoir proféré des menaces.

    Le tout respectueusement soumis.

    10 janvier 2003.

    Steve Eadie
    Agent des relations de travail
    IPFPC.

  • [193]   Réfutation pour le compte de l'employeur

    [Traduction]

    Introduction

    1. L'employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, s'est acquitté du fardeau de la preuve et a fourni des preuves convaincantes pour établir l'inconduite, compte tenu de la prépondérance des probabilités. Il a fait la preuve du bien-fondé d'une suspension. Les précisions données ci-après visent à compléter les observations antérieures.

    Le témoignage du Dr Wendy Powell

    2. Le témoignage du Dr Powell était honnête et convaincant. Elle n'avait aucune raison de mentir ou d'embellir son récit et elle ne l'a pas fait (et le Dr Katchin n'avait aucune preuve tangible contre elle). À vrai dire, le Dr Powell avait travaillé très peu de temps avec le Dr Katchin avant l'incident en cause. Ils étaient en bons termes et elle ne pouvait dire « qu'elle aimait ou qu'elle n'aimait pas » le Dr Katchin. Il n'existe aucune preuve qu'elle lui voulait du mal. Ces faits militent tous en faveur de l'acceptation de son témoignage et on devrait accorder foi à ses propos.

    3. L'absence de déclaration signée du Dr Powell et les incertitudes mineures qui subsistent concernant la question de savoir si le Dr Katchin éprouvait un « fantasme à l'idée de tuer » ne sont pas des raisons suffisantes de mettre en doute ou de rejeter son témoignage. Ainsi qu'il a déjà été précisé, le Dr Powell a témoigné de son plein gré devant la Commission plus d'un an après le fait sans aucune note. Elle a entendu les propos du Dr Katchin très tôt le matin et elle en était « stupéfaite ». On ne saurait miser sur une mémoire sans défaillances dans des situations de ce genre et ce n'est pas non plus ce que la loi exige, surtout dans une affaire civile.

    4. Il n'existe aucun principe de droit selon lequel une personne doit avoir pris des notes pour être crue. Mon collègue n'a invoqué aucun texte officiel à cet égard.

    5. Si des doutes subsistent dans l'esprit de la Commission concernant le prétendu fantasme (ce qui ne devrait pas être le cas pour les motifs exposés précédemment), l'application d'une sanction disciplinaire demeure justifiée pour ce qui est des autres déclarations attribuées au Dr Katchin - et dont il admet la première partie!

    6. Au surplus, le Dr Powell a admis qu'elle avait hésité pendant un mois environ avant de signaler l'incident. En dépit des observations formulées par mon collègue sur la conduite à adopter dans de telles circonstances (et qui sont uniquement le fruit de ses attentes personnelles), cette hésitation ne porte pas un coup fatal à l'argumentation de l'employeur. Il faudrait plutôt dire qu'un témoin qui réfléchit avant d'agir est un témoin très convaincant.

    La preuve du Dr Katchin

    7. Le témoignage du Dr Katchin était évasif, verbeux et hésitant. C'est de mauvaise grâce qu'il a admis ne pas avoir de preuve tangible pour contredire le témoignage du Dr Powell ou démontrer que c'est par esprit de vengeance que l'employeur a sévi contre lui.

    8. Il n'a rien eu de mieux à offrir que des conjectures. Sa preuve ne devrait pas être acceptée.

    L'enquête

    9. Il n'y a pas lieu de tenir compte des « erreurs défavorables , le cas échéant -, dont l'employeur nie l'existence - durant l'enquête dirigée par James Crawford et Donna Gammon. La direction était tout à fait justifiée de retenir la version des faits du Dr Powell plutôt que celle du Dr Katchin.

    10. Au demeurant, la Commission avait devant elle les deux principaux acteurs et elle a le droit d'en arriver à ses propres conclusions. La remise en cause de l'enquête n'est rien de plus qu'une tentative à peine voilée de détourner l'attention de la Commission des vraies questions à trancher.

    La peine est-elle justifiée?

    11. L'employeur était fondé d'imposer une sanction disciplinaire dans cette affaire. Les menaces et(ou) les propos violents ne doivent pas être tolérés, ce que confirme la jurisprudence citée antérieurement.

    12. La direction a pris la plainte au sérieux et elle y a donné suite. Elle ne tolère pas un tel comportement au travail et a dès lors imposée une peine adéquate.

    13. Le fait que le Dr Powell n'était pas visée personnellement par les propos du Dr Katchin ne les rend pas moins inacceptables.

    14. Le Dr Katchin n'éprouve aucun remords. Il s'est employé à jeter le blâme sur les autres. Quiconque cherche à créer un milieu de travail empreint de civilité trouvera inadmissible qu'on puisse affirmer que les propos du Dr Katchin étaient tout juste des métaphores. Il n'y a aucune raison d'imposer une peine moins sévère. La suspension de trois jours est justifiée.

    Ordonnance demandée

    Le grief devrait être rejeté et la suspension confirmée.

    LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

    Signé à Guelph (Ontario), le 10e jour de janvier 2003.

    Motifs de la décision

    [194]   Dans le cas d'un grief contestant une sanction disciplinaire comme celui dont la Commission est saisie en l'espèce, c'est à l'employeur qu'appartient la charge de prouver l'inconduite. En l'espèce, la faute de conduite dont la preuve doit être établie est celle qui est décrite dans la lettre de suspension (pièce G-3).

    [195]   Il est incontestable que le Dr Jerome Katchin s'est fait imposer une suspension de trois jours sans rémunération à cause des propos tenus le 10 mai et le 4 juin 2001. Le fonctionnaire aurait affirmé, en parlant du bureau de Guelph, que c'était une « zone de feu à volonté », qu'il envisageait de « tirer sur tout ce qui bouge » et qu'il avait le « fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph ».

    [196]   L'argumentation de l'employeur repose uniquement sur la plainte du Dr Wendy Powell, qui aurait entendu les propos.

    [197]   Le Dr Katchin admet d'emblée avoir utilisé les termes « zone de feu à volonté » pour désigner le bureau régional, mais il nie qu'il envisageait de "tirer sur tout ce qui bouge » ou qu'il avait le « fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph ». Compte tenu du contexte dans lequel ils ont été employés, je trouve que les mots « zone de feu à volonté » ne constituent pas des menaces voilées ou des propos violents et que leur sens demeure incertain même s'ils n'étaient pas trop flatteurs envers la direction.

    [198]   Le Dr Powell et le Dr Katchin ont tous deux témoigné à l'audience. Personne d'autre n'a été témoin de la conversation qu'ils ont eue.

    [199]   L'employeur n'a pas réussi à prouver que le Dr Katchin avait bien dit, le 4 juin 2001, qu'il avait le « fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph ». Le Dr Powell a indiqué très clairement durant son témoignage qu'elle n'avait eu qu'une seule conversation avec le Dr Katchin et qu'elle avait attendu un mois avant d'en parler au Dr Mary Rathlou. Le Dr Powell n'est pas capable de confirmer que le mot « fantasme » est bien celui que le Dr Katchin a utilisé.

    [200]   Il reste donc l'allégation selon laquelle en utilisant les mots « zone de feu à volonté » en rapport avec le bureau de Guelph, le Dr Katchin voulait dire qu'il entendait « tirer sur tout ce qui bouge ».

    [201]   Je dois choisir entre deux versions différentes d'une même conversation. Dans la première, il est question de violence et de menaces contre le personnel du bureau de Guelph. Dans la seconde, on ne flatte pas la direction du bureau de Guelph, mais il n'y a ni violence ni menaces.

    [202]   Les deux versions sont plausibles. N'arrivant pas à en choisir une, je dois m'en remettre au fardeau de la preuve pour déterminer l'issue du grief que je suis appelée à trancher. Les deux versions étant également plausibles, je dois en arriver à la conclusion que l'employeur ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver qu'il y a effectivement eu inconduite.

    [203]   Les faits que le Dr Powell a relatés à l'audience sont très différents de ceux qu'elle a exposés aux enquêteurs, Jim Crawford et Donna Gammon. C'est dommage que le Dr Powell n'ait pas pour habitude de prendre des notes dans des circonstances aussi exceptionnelles. Elle aurait dû réaliser, après avoir essayé en vain de se souvenir de la troisième personne que le Dr Katchin avait expressément nommé en rapport avec son intention de « tirer sur tout ce qui bouge » au bureau régional, que sa mémoire pouvait lui jouer des tours.

    [204]   La preuve par ouï-dire qui est contredite par la preuve directe n'a aucune valeur probante et elle doit être écartée. Les déclarations du Dr Powell aux enquêteurs peuvent seulement être utilisées pour apprécier sa crédibilité. Elle ne peuvent pas être utilisées pour compléter son témoignage. Je ne peux pas accepter qu'après un an le Dr Powell n'arrive plus à se rappeler que le Dr Katchin a déclaré qu'il avait le fantasme de tuer des gens au bureau de Guelph, surtout quand celui qui a tenu ces propos est considéré par elle comme quelqu'un de pas normal et qu'il possède des armes.

    [205]   Le Dr Barran a rencontré les agents d'enquête, mais il n'a pas témoigné. Je ne peux tirer aucune conclusion des déclarations qui sont consignées dans la pièce G-5, car elles contredisent la preuve directe que j'ai entendue.

    [206]   Le Dr Powell a témoigné qu'elle avait rapporté les propos du Dr Katchin au Dr Barran après en avoir parlé au Dr Mary Rathlou. Je dois accepter cette preuve et rejeter la preuve par ouï-dire de M. Crawford concernant les propos prêtés au Dr Barran.

    [207]   Comme je l'ai déjà indiqué, j'accepte les témoignages du Dr Katchin, de Vince Weber et de Berkan Eftal selon lesquels le Dr Katchin n'a jamais menacé de tuer quelque membre de la direction ou employé du bureau régional.

    [208]   Compte tenu des témoignages que j'ai entendus, c'est la version du Dr Katchin que je dois privilégier. Sa mémoire semble être plus complète. Le contexte de la conversation se tient et il n'a pas véritablement été remis en cause. Il ressort de la preuve que les relations de travail entre la direction de l'ACIA et les employés de l'établissement 285 étaient difficiles. Les représentants des parties ont admis à l'audience que les liens de communication entre l'agent négociateur et l'employeur n'étaient toujours pas rétablis. Il est donc fort possible que le Dr Katchin se soit permis de discréditer la direction.

    [209]   Est-il possible que le Dr Katchin se soit laissé emporter et ait tenu des propos violents et fait des menaces voilées? Oui, c'est possible, mais le Dr Katchin soutient depuis le début qu'il n'en est rien.

    [210]   Par ailleurs, le Dr Powell ne s'est pas empressée de consigner les propos qu'elle avait entendus. Elle n'a pas signalé l'incident à son superviseur dans un délai raisonnable, mais elle en a discuté avec des amis et des membres de sa famille. Se peut-il que ces dernières conversations aient déformé sa perception initiale des propos réellement entendus? La réponse est oui, c'est possible. Nous savons désormais que le Dr Powell a des troubles de mémoire, ce qu'elle a elle-même admis durant son témoignage. Il est dès lors possible que les faits qu'elle a rapportés au Dr Rathlou étaient le produit d'une mémoire chancelante et de conversations avec des amis et des membres de la famille.

    [211]   Le Dr Rathlou a affirmé que les faits rapportés par le Dr Powell différaient non seulement de la version présentée à l'audience mais aussi de celle donnée aux enquêteurs. En négligeant de rapporter immédiatement à son superviseur les propos qu'elle croyait avoir entendus, le Dr Powell a non seulement miné sa crédibilité dans l'affaire qui nous occupe, mais aussi plongé le Dr Rathlou dans un état de détresse qui subsiste encore aujourd'hui.

    [212]   Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le Dr Powell a attendu si longtemps pour rapporter l'incident. Elle a affirmé à plusieurs reprises qu'elle n'avait pas peur. Or, elle trouvait que le Dr Katchin n'était « pas normal ». Le Dr Rathlou soutient qu'elle ne connaissait pas très bien le Dr Powell avant que celle-ci lui fasse des révélations. Compte tenu de la prépondérance des probabilités, je dois conclure que les propos du Dr Katchin se rapprochent probablement davantage de la description qu'il en a lui-même donnée que du fantasme plus alarmant de tirer sur le personnel du bureau régional rapporté par le Dr Powell.

    [213]   Quelle est la probabilité que la crainte d'être appelée à témoigner dans le cadre d'une enquête et d'une audience puisse l'emporter pendant plus d'un mois sur la crainte que quelqu'un qui n'est « pas normal » possédant des armes à feu qui menace de tirer sur ceux qui ne répondent pas à ses attentes passe aux actes? Je dois conclure que cette probabilité est très faible quand il s'agit d'une personne qui a été qualifiée de très intelligente et de professionnelle.

    [214]   Il est manifeste que les enquêteurs ont accepté sans hésitation la version initiale du Dr Powell. Il fallait s'y attendre, vu le climat qui régnait à l'époque. Les enquêteurs ont accepté la parole du Dr Powell sans procéder aux vérifications qui auraient pu donner plus de poids et de valeur à son témoignage à l'audience. Si on lui avait demandé de mettre sa version des faits par écrit dans les jours qui ont suivi l'incident, il y a de fortes chances qu'elle en aurait gardé un souvenir plus précis et plus durable.

    [215]   Ayant conclu que l'employeur a fait défaut d'établir le bien-fondé de ses prétentions, je dois maintenant me pencher sur les réparations demandées par le Dr Katchin. Celles qui n'ont pas été retirées sont les suivantes :

    [traduction]

    5) L'annulation de la suspension de trois jours.

    6) La restitution des crédits de congés de maladie que j'ai été contraint d'utiliser à cause de la plainte délibérément frauduleuse du Dr W. Powell et de la réponse de l'ACIA.

    7) La restitution des crédits de congés annuels utilisés les 13 et 15 juin 2001.

    8) La possibilité d'accumuler 16,5 heures supplémentaires en conformité avec le grief no O1 CFIA ONT CEN 249.

    9) La possibilité d'accumuler 7,75 heures supplémentaires en conformité avec le grief no 01 CFIA ONT CEN 266.

    10) Une indemnité pécuniaire englobant les menus frais, pour toutes les heures que j'ai consacrées dans mes temps libres à la préparation de la correspondance, des griefs, des réunions, ainsi qu'à la participation à des réunions et à des discussions.

    [216]   La réparation numéro 5 est accordée par les présentes.

    [217]   La réparation numéro 6 pose un problème parce que le Dr Katchin n'a produit aucune preuve pour établir qu'il avait pris des congés de maladie à cause de la plainte du Dr Powell. Il a mentionné que la plainte l'avait mis dans tous ses états sans fournir plus de précisions. Aucune preuve n'a été fournie relativement à l'absence du 15 juin 2001; pour ce qui est du 13 juin 2001, le Dr Katchin était déjà en congé quand M. Crawford a communiqué avec lui ce jour-là. Il est difficile de déterminer s'il était en congé de maladie ou en congé annuel car aucune précision n'a été fournie sur la nature des absences. En conséquence, les réparations numéros 6 et 7 sont refusées.

    [218]   En ce qui concerne les réparations numéros 8 et 9 - les heures supplémentaires demandées - je n'ai devant moi aucune preuve particulière sur laquelle m'appuyer. Le Dr Katchin est admissible aux avantages et aux prérogatives dont il aurait pu se prévaloir n'eût été la suspension.

    [219]   Le Dr Katchin a témoigné que le Dr Iwasaki et lui faisaient très souvent des heures supplémentaires. Dans la mesure où il aurait travaillé en dehors des heures ouvrables, n'eût été la suspension, il aurait le doit d'être rémunéré pour les heures supplémentaires perdues.

    [220]   En ce qui concerne la réparation numéro 10, je n'ai pas non plus de preuve devant moi permettant d'établir que les réunions du comité des griefs, la préparation du dossier et l'audience ont eu lieu durant les temps libres du Dr Katchin et que l'employeur a refusé de lui accorder du temps à cette fin pendant ses heures de travail. En conséquence, cette réparation est refusée.

    [221]   En définitive, je conclus que l'employeur ne s'est pas acquitté de la charge d'établir qu'il y avait eu inconduite, et la suspension de trois jours doit dès lors être annulée. De plus, toutes les mentions de cette suspension doivent être supprimées du dossier du Dr Katchin. J'accueille le grief dans la mesure où le Dr Katchin doit être indemnisé au titre du salaire, des prérogatives et des avantages dont il a été privé à cause de la suspension de trois jours. Je reste saisie de l'affaire pendant une période de 90 jours à compter de la date de la présente décision au cas où les parties n'arriveraient pas à s'entendre sur ses modalités d'exécution.

    La présidente suppléante,
    Evelyne Henry

    OTTAWA, le 13 mars 2003.

    Traduction de la C.R.T.F.P.


    1   Alexander Jaworski c. Canada (Procureur général), [1998] 4. C.F. 154 alinéa 16 (C.F., 1ère inst.); appel rejeté par la C.A.F., [2000] F.C.J. No 643; permission d'appel à la Cour suprême du Canada refusée.

    2   N.B. Lorsque les faits récités dans les présentes diffèrent des notes de témoignage de Madame Henry, nous nous reporterons à ses notes.

    3   Veuillez vous référer aux arrêts Lefebvre et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), [1985] C.R.T.F.P.C. Nº 8 et Mohamed c. Conseil du Trésor (Revenu Canada) - Impôts), [1998] C.R.T.F.P.C. Nº 139

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