Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Heures supplémentaires - Changement de la politique de l'employeur - Exercice des droits de la direction - Compétence pour modifier une politique de l'employeur - les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent à l'Unité des admissions de CIC à Calgary, sept heures et demie par jour, du lundi au vendredi - de 1990 à octobre 2000, tout agent de CIC qui avait reçu la formation nécessaire était inscrit par roulement à une liste et pouvait, de temps à autre, être appelé à escorter des personnes déportées - les deux fonctionnaires s'estimant lésés étaient inscrits à la liste puisqu'ils possédaient, alors, la formation nécessaire - en octobre 2000, l'employeur a modifié sa politique concernant les renvois afin de prévoir de nouvelles qualifications et d'accorder aux agents d'exécution la responsabilité exclusive en matière de renvois - les fonctionnaires s'estimant lésés n'étaient plus admissibles à exécuter des renvois suite à la modification de la politique, et ils ont déposé un grief - la direction estimait que les renvois constituaient du travail d'exécution faisant appel à des qualifications spéciales, et que le fait de permettre à des agents autres que des agents d'exécution d'effectuer ce travail aurait une incidence négative sur les nécessités du service (puisque les agents devaient s'absenter pendant quatre ou cinq jours à la fois afin d'exécuter un renvoi) et créerait un problème de moral au sein du groupe d'exécution - les fonctionnaires s'estimant lésés ont prétendu que l'alinéa 28.05(a) de la convention collective PA, prévoyant que l'employeur doit faire tout effort raisonnable pour offrir le travail supplémentaire de manière équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles, avait été violé -l'employeur a fait valoir que les nécessités du service à l'Unité des admissions étaient telles que les agents travaillant dans l'unité ne pouvaient pas assumer des fonctions d'escorte parce qu'ils ne pourraient pas s'acquitter de leurs t&acir;ches normales - l'arbitre a statué que, même s'il incombait à l'employeur de déterminer, en fonction des nécessités du service, qui était disponible pour assumer des t&acir;ches d'escorte, il ne pouvait pas exercer ce pouvoir de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi - l'arbitre a statué que, même si les fonctionnaires s'estimant lésés n'auraient pas été habituellement disponibles pour servir d'escorte en raison de leurs t&acir;ches normales, ils auraient pu être disponibles en soirée ou les fins de semaine, et il a conclu que l'employeur devait fonder sa décision sur les faits entourant une mission d'escorte donnée - en dernier lieu, il a conclu qu'il ne pouvait pas accorder le redressement demandé par les fonctionnaires s'estimant lésés, c'est-à-dire de modifier la politique de sorte que les t&acir;ches d'escorte soient attribuées par roulement, étant donné que l'arbitre n'est pas habilité, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, à ordonner à un employeur de modifier l'une de ses politiques - cependant, l'arbitre a conclu que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient perdu à tort des possibilités de faire des heures supplémentaires entre la date à laquelle leurs noms ont été supprimés de la liste et la date officielle de modification de la politique, au cours de l'hiver 2002, et il a, par conséquent, accordé une indemnité à chacun des fonctionnaires s'estimant lésés pour la période au cours de laquelle l'employeur aurait dû leur permettre d'assumer des t&acir;ches d'escorte, c'est-à-dire la période pendant laquelle ils étaient disponibles et possédaient les qualifications nécessaires. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-08-05
  • Dossiers:  166-2-31346, 31347
  • Référence:  2003 CRTFP 67

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

DARRYL ZELISKO ET LUIGI AUDIA
fonctionnaires s'estimant lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Citoyenneté et Immigration Canada)

Employeur

Devant :   D.R. Quigley, commissaire

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésés
:  
Chris Dann, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Rosalie A. Armstrong, avocate


Affaire entendue à Calgary (Alberta),
les 4 et 5 mars 2003.
(Observations écrites déposées les 28 mars, 30 avril et 9 mai 2003.)


[1]    La présente décision porte sur le renvoi à l'arbitrage, en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) de deux griefs déposés par Darryl Zelisko et Luigi Audia, alléguant que l'employeur a enfreint l'alinéa 28.05a) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l'administration signée le 29 décembre 1998 par le Conseil du Trésor et l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC).

[2]    L'alinéa 28.05a) se lit comme suit :

28.05 Attribution du travail supplémentaire
  1. Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires et d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

[3]    Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés a fait comparaître trois témoins, dont les deux intéressés, en plus de déposer dix-huit pièces. L'avocate de l'employeur a fait comparaître un témoin et produit dix-sept pièces.

[4]    Les deux parties ont fait de brèves déclarations préliminaires. Les griefs ont été entendus ensemble, de sorte que cette décision porte sur les deux.

[5]    Luigi Audia, PM-04, est superviseur des Activités des bureaux intérieurs à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Il travaille à CIC depuis 19 ans, et il est à l'Unité des admissions depuis 17 ans.

[6]    La principale activité décrite dans la description de poste de M. Audia consiste à [traduction] « superviser une unité de conseillers et adjoints en immigration responsables de l'administration de tous les aspects du programme de Citoyenneté et Immigration ». M. Audia ne supervise pas d'agents de l'Unité d'exécution, mais seulement des agents de l'Unité des admissions.

[7]    La partie sur la détention et la mise en liberté de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été déposée à titre de pièce G-3. M. Audia a témoigné que c'est de cette Loi qu'il tire son autorité d'arrêter et de détenir, pour des motifs raisonnables, des résidants permanents ou des étrangers. Tous les agents ont ce pouvoir délégué.

[8]    M. Audia travaille sept heures et demie (7½) par jour, du lundi au vendredi. Son travail ne consiste pas à assurer le service sur demande, car les réfugiés prennent rendez-vous, et il est entendu qu'ils n'obtiennent pas le service requis le jour où ils prennent rendez-vous. La charge de travail est structurée ([traduction] « inventaires gérés »).

[9]    M. Audia confie des dossiers aux agents d'immigration qu'il supervise; dans le passé, il a été affecté à des tâches d'escorte en plus des fonctions qu'il exerce à l'Unité des admissions. L'employeur a décidé que les fonctions d'escorte doivent être considérées comme du ressort exclusif des agents d'exécution.

[10]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que, avant un changement de politique mis en oeuvre par l'employeur en octobre 2000, il s'acquittait de tâches d'escorte puisqu'il avait la formation requise.

[11]    M. Audia a décrit son unité de travail à l'immeuble Harry Hayes de Calgary comme une opération autonome, avec un directeur et un bureau satellite à Lethbridge. L'aéroport international de Calgary a lui aussi un bureau autonome.

[12]    L'immeuble Harry Hayes abrite six unités, celle des admissions (cinq agents), celle de l'exécution (treize agents), celle des audiences (trois agents), celle de la citoyenneté (deux agents), celle du règlement (cinq agents) et celle de l'examen préalable au renvoi et l'évaluation du risque (quatre agents), toutes susceptibles d'avoir des cas qui les amèneraient à se recouper.

[13]    Il y a à Lethbridge trois PM-03 dont la description de travail (pièce G-4) précise qu'ils peuvent être chargés d'activités telles que le renvoi et l'escorte. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré avoir suivi avec succès, du 7 au 25 juin 1993 (pièce G-5), le cours de formation d'agent de la paix (CFAP) d'Immigration Canada, à Regina, en Saskatchewan. Il a aussi reçu une formation d'agent de correction pour maîtriser les techniques d'autodéfense ainsi que pour savoir se comporter en cas d'émeutes, de même qu'une formation sur le maniement et la garde des armes à feu, le transport des prisonniers et les premiers soins.

[14]    M. Audia a déclaré que, sur une période de dix ans qui a commencé en 1990 et s'est terminée quand la politique a changé, en octobre 2000, les agents qui avaient suivi le CFAP ou une formation d'agent de correction étaient inscrits par roulement sur une liste conservée dans un registre afin d'être déployés pour escorter des individus jusqu'aux postes frontaliers, à l'étranger ou à diverses destinations aux États-Unis ou au Canada. Les agents qui n'étaient pas disponibles pour des raisons opérationnelles ou qui refusaient une mission comme celle-là restaient en haut de la liste afin de pouvoir être affectés à un travail d'escorte la prochaine fois qu'on en aurait besoin.

[15]    Le témoin a déclaré que, dans cette période de dix ans, il a été chargé de tâches d'escorte en moyenne une fois tous les dix-huit mois, toujours en compagnie d'un collègue agent d'exécution. Il n'avait jamais d'arme à feu, mais se servait de menottes et/ou d'entraves que les prisonniers portaient à la taille.

[16]    Les lignes directrices concernant les autorisations pour les escortes (pièce G-6) ont été en vigueur du 13 juin 1990 à octobre 2000. Le paragraphe B de ces lignes directrices, intitulé [traduction] « Ratio des agents d'escorte disponibles », se lit comme suit :

[Traduction]

L'effectif minimum pour assurer le service à l'Unité d'exécution sera de trois agents (excluant le superviseur) aux bureaux de Calgary/Edmonton de CIC. Si l'effectif est inférieur au minimum, on obtiendra de l'aide de l'extérieur, dans l'ordre de priorité suivant :

  1. personnel qualifié d'autres unités/bureaux de CIC;

  2. GRC;

  3. autres organismes d'escorte.

[17]    M. Audia a souligné que tous les agents de CIC qui avaient la formation nécessaire pouvaient alors être affectés à des tâches d'escorte, quelle que soit leur unité ou leur classification.

[18]    Les pièces G-7 à G-10 ont été identifiées par le témoin en tant qu'exemples de la liste établie par roulement indiquant les tâches d'escorte auxquelles il avait été affecté :

1) 29 octobre 1990 : Londres, Angleterre
2) 27 mai 1994 : Vancouver, C.-B., Canada
3) 15 janvier 1996 : Coutts, C.-B., Canada
4) 1er avril 1996 : Francfort, Allemagne
5) 24 décembre 1996 : Seattle, Washington, É.-U.
6) 20 octobre 1997 : Londres, Angleterre
7) 12 mars 1998 : Coutts, C.-B., Canada
8) 17 avril 1998 : Vancouver, C.-B., Canada
9) 10 mai 1999 : Francfort, Allemagne
10) 10 juin 1999 : Londres, Allemagne

[19]    M. Audia a témoigné avoir reçu un courriel de Rob Cullum, directeur régional, Politique et Programmes, Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest (pièce G-11) décrivant une nouvelle approche dont ils avaient discuté lors d'une réunion des gestionnaires régionaux à Edmonton. Cette nouvelle approche reflétait la décision du ministère de changer ses procédures régionales de gestion du renvoi d'individus à compter du 16 octobre 2000.

[20]    La section A — le préambule — de la pièce G-12, intitulée [traduction] « Lignes directrices nationales sur le recours à des agents d'escorte en cas de renvoi et sur les exigences de rapport de ces agents », se lit comme suit :

[Traduction]

Pour les fins des lignes directrices, l'agent d'exécution (ou l'agent d'escorte) est l'agent chargé d'escorter ou d'accompagner jusqu'à l'extérieur du Canada une personne frappée d'une mesure de renvoi.

[21]    La section C, [traduction] « Détermination du nombre d'agents d'exécution », stipule que :

[Traduction]

Les agents d'exécution peuvent comprendre des agents d'immigration, des agents de la GRC, d'autres policiers ou d'autres assistants temporaires appropriés désignés comme agents d'immigration, et ils devraient être affectés compte tenu des nécessités du service.

[22]    M. Audia a déclaré que ce ne sont pas les « Lignes directrices nationales » (pièce G-12) qui l'ont fait cesser de s'acquitter de tâches d'escorte, mais plutôt les [traduction] « Lignes directrices de la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest sur l'escorte » (pièce G-13), qui précisent ce qui suit :

[Traduction]

. . .

QUI EST AUTORISÉ À ASSUMER DES TÂCHES D'ESCORTE

L'escorte des personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi est normalement confiée à des agents d'exécution. C'est une tâche qui fait partie de la description de poste de ces agents, et la formation qu'on leur donne reflète cette responsabilité. On s'attend à ce que les superviseurs des unités d'exécution escortent de temps à autre des personnes renvoyées, à des fins de contrôle. Si l'on juge, après évaluation du risque, qu'une personne est considérée comme dangereuse ou violente, on demande l'aide de la GRC. Il peut arriver, dans de très rares circonstances, qu'un agent, autre qu'un agent d'exécution, se fasse demander d'escorter quelqu'un. Le recours à d'autres personnes que les agents d'exécution ne sera approuvé que dans des circonstances exceptionnelles. Tous les membres du personnel de CIC affectés à des tâches d'escorte auront suivi une formation sur les tactiques de maîtrise par points de compression ou le cours de formation d'agent de la paix.

. . .

[23]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'on ne lui a pas demandé de s'acquitter de tâches d'escorte depuis la publication de ces lignes directrices et qu'on ne lui a pas offert non plus de suivre le CFAP ou une formation sur les tactiques de maîtrise par points de compression; c'est pourquoi il a déposé son grief, le 14 novembre 2000.

[24]    En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il n'avait pas reçu de formation en tactiques de maîtrise par points de compression et que, après que sa description de poste eut été modifiée à compter du 16 octobre 2000, il n'a pas présenté de grief pour en contester le contenu, ni pour contester sa classification.

[25]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a aussi reconnu, comme l'avocate de l'employeur le lui demandait, que la partie sur la détention et la mise en liberté de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (pièce G-3) ne lui donnait pas compétence pour déterminer si un mandat devrait être délivré et qu'il aurait besoin d'être autorisé pour effectuer des arrestations. Les personnes qui sont investies de cette autorité sont identifiées dans le module 10 de la façon suivante :

MODULE 10 - DÉTENTION ET MISE EN LIBERTÉ

 71. A55(1) Directeur régional
 Gestionnaire de service
 Gestionnaire du site
 Gestionnaire des opérations
 Gestionnaire
 Gestionnaire des opérations de détention
 Gestionnaire de zone
 Directeur adjoint (AIP)
 Directeur des opérations
 72. A55(1) Conseiller de Citoyenneté et Immigration
 Agent de Citoyenneté et Immigration
 Agent d'exécution
 Agent d'exécution - PDE
 Enquêteur
 Agent d'exécution, Détentions
 Agent d'examen principal, Immigration
 Agent d'audiences
 Spécialiste du programme

[26]    M. Audia a déclaré qu'il voudrait que tous les agents soient qualifiés. En contre-interrogatoire, il a expliqué qu'il a travaillé au bureau de Lethbridge; il reconnaît que les opérations exigent une grande polyvalence, et que les agents de ce bureau pourraient bien être chargés des fonctions de collègues.

[27]    M. Audia a été très franc dans sa réponse aux questions sur le nombre de fois qu'il s'est chargé de tâches d'escorte (pièces G-7 à G-10), en disant : [traduction] « C'est de l'argent. » Il a aussi déclaré que le ministère devrait offrir aux agents d'immigration une formation en tactiques de maîtrise par points de compression ainsi que leur faire suivre le CFAP, en veillant aussi à ce qu'ils soient bien immunisés. En réplique, il a déclaré que la pièce G-5, le certificat qu'il a reçu après avoir suivi le CFAP, n'a pas de date d'expiration.

[28]    Darryl Zelisko est au service de CIC depuis mai 1993; il a commencé à travailler à l'Unité des admissions le 1er novembre 1998, comme PM-03.

[29]    M. Zelisko a témoigné s'être fait confier des tâches d'escorte quatre fois, toutes au Canada, entre novembre 1998 et octobre 2000.

[30]    Ce témoin a lui aussi un horaire journalier de sept heures et demie (7½), du lundi au vendredi; il relève de M. Audia. Il a déclaré avoir reçu son certificat de formation en tactiques de maîtrise par points de compression le 5 novembre 1999, mais son certificat a expiré en novembre 2001.

[31]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré s'être rendu compte qu'il avait perdu la possibilité de faire des heures supplémentaires en assumant des tâches d'escorte à la lecture de la pièce G-13, et non par l'intermédiaire de son superviseur. C'est pour cette raison qu'il a déposé son grief, le 14 novembre 2000 (pièce G-18).

[32]    En contre-interrogatoire, M. Zelisko a déclaré : [traduction] « Je pouvais assumer des fonctions d'escorte comme les agents d'escorte ou les agents de Lethbridge, mais je n'y suis plus autorisé ». Il a demandé à être réinscrit sur la liste des agents disponibles par roulement pour des tâches d'escorte, parce que [traduction] « J'aime avoir cet argent ». Il aspire à devenir agent d'exécution. Il a terminé son témoignage en déclarant : [traduction] « Je suis un professionnel. J'aimerais qu'on pense à moi pour les missions d'escorte, parce que je pense que c'est une question de simple justice. »

[33]    Richard Huntley travaille à CIC depuis 20 ans; actuellement, il supervise 13 agents d'exécution (PM-03) et deux employés de soutien. Il a déclaré que, avec la liste par roulement, les agents d'autres unités avaient plus de possibilités d'être chargés de tâches d'escorte. Quand on lui a demandé pourquoi la politique avait été modifiée de façon que les agents d'immigration de l'Unité des admissions ne peuvent plus être chargés de tâches d'escorte, il a déclaré qu'il n'avait pas été consulté, en précisant que la politique était peut-être censée faire en sorte que des agents travaillant dans des services donnés soient chargés de tâches données, avec l'aide de personnes ayant la formation nécessaire pour s'en acquitter aussi.

[34]    M. Huntley a témoigné qu'il manque de personnel à tous les égards, pas seulement pour les missions d'escorte. Pour que les fonctionnaires s'estimant lésés qui travaillent pour lui puissent être chargés de telles tâches, il a déclaré que les seules conditions qu'il exigerait seraient une formation en tactiques de maîtrise par points de compression et l'autorisation de leur superviseur. Depuis que la pièce G-13 a été distribuée, il n'a pas eu recours à des agents d'immigration de l'Unité des admissions afin de remédier à son manque de personnel pour des missions d'escorte.

[35]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'on renvoie environ 1 200 personnes par année et que, pour une centaine de ces renvois, les individus renvoyés sont sous escorte.

[36]    Si toutes les personnes qui doivent être renvoyées le sont, d'autres fonctions sont parfois négligées. M. Huntley a témoigné que tous ses subordonnés veulent être chargés de tâches d'escorte, mais que c'est un travail dangereux, pour lequel connaître les tactiques de maîtrise par points de compression est obligatoire. Les agents d'escorte doivent aussi avoir un passeport vert (qui les identifie en tant que fonctionnaires fédéraux), les immunisations nécessaires ainsi qu'une formation en premiers soins et en réanimation cardiaque, en raison de l'utilisation d'un pulvérisateur de poivre comme moyen de contrôler les individus escortés.

[37]    En réplique, le témoin a déclaré que, pour obtenir un passeport vert, les agents n'avaient qu'à en demander un, qu'ils peuvent se faire immuniser dans n'importe quelle clinique, que le cours de premiers soins dure deux jours (trois avec le volet de réanimation cardiaque) et que c'est tout ce qu'il faut pour être certifié.

[38]    Le seul témoin que l'employeur a fait comparaître, Robert Ferguson, a passé 24 ans au ministère, dans divers postes; il est actuellement directeur des opérations à Calgary (EX-03). Les pièces E-4 et E-5 démontrent que M. Audia relevait directement de lui du 28 septembre 2000 au 19 février 2003.

[39]    Le bureau de Calgary de CIC offre toute la gamme des services; son personnel est réparti entre quatre grands secteurs de programmes :

  1. Unité des admissions : service chargé du traitement des demandes de statut de visiteur, de travailleurs temporaires désireux d'obtenir le statut d'immigrant reçu, de réfugiés sur place et de personnes souhaitant épouser des citoyens du Canada.

  2. Unité d'exécution : service essentiellement chargé des enquêtes sur les infractions à la Loi sur l'immigration et sur la protection des réfugiés, de l'escorte aux audiences et des arrangements nécessaires pour le renvoi, si nécessaire. Certaines des activités de cette unité peuvent inclure des enquêtes dans la rue, des interrogatoires et l'arrestation d'individus.

  3. Unité du règlement : service chargé de l'administration de programmes comme ceux d'aide aux réfugiés, d'établissement intégré, d'aide sociale et financière ainsi que d'enseignement des langues.

  4. Unité de la citoyenneté : service chargé du traitement des demandes de résidants permanents souhaitant devenir citoyens canadiens.

  5. Unité des audiences : service chargé de la préparation des dossiers pour les représentants de CIC devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ainsi que de la représentation du ministre.

[40]    M. Ferguson a témoigné que l'Unité des admissions s'occupe des demandes; elle communique avec les demandeurs, et les entrevues avec ceux-ci ont lieu entre 9 h et 15 h. Les agents de cette unité ne font pas d'enquêtes dans la rue; ils peuvent recevoir des renseignements anonymes sur les raisons pour lesquelles un demandeur veut se marier, ou encore sur leurs antécédents criminels au Canada ou à l'étranger. Les agents s'occupent des demandeurs désireux de devenir citoyens canadiens.

[41]    Les agents de l'Unité des admissions font des heures supplémentaires lorsqu'ils sont en déplacement en dehors de leurs heures normales de travail, pour suivre des cours à l'extérieur de Calgary ou donner des conférences. Les agents d'exécution travaillent du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h, et leur rôle principal consiste à enquêter sur les infractions à la Loi sur l'immigration et sur la protection des réfugiés. Ils reçoivent de sources très variées des renseignements qui peuvent déclencher une enquête sur quelqu'un; l'enquête nécessaire pour trouver la personne intéressée peut durer une journée seulement et s'étendre sur un mois. Pour renvoyer quelqu'un, les agents d'exécution doivent préparer plusieurs documents, comme une mesure de renvoi, une ordonnance de déportation ou une ordonnance d'exclusion, pour n'en citer que quelques-uns. Il n'est pas exagéré de dire que moins de 25 p. 100 des personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi doivent être escortées. En général, deux agents d'exécution sont affectés pour chaque renvoi sous escorte.

[42]    En ce qui concerne la pièce G-12, le témoin a expliqué que, dans le préambule, l'expression « agent d'escorte » s'entend d'une personne dont les fonctions consistent exclusivement à des fonctions d'escorte. Ces agents d'escorte sont plus susceptibles d'être vus dans des grandes villes comme Vancouver, Toronto et Montréal. L'administration centrale établit des lignes directrices nationales qui s'appliquent dans toutes les régions. M. Ferguson l'a précisé : [traduction] « Dans la situation actuelle, je pense que, même si je pouvais envoyer des agents d'immigration ayant reçu la formation nécessaire en mission d'escorte, nous n'avons pas besoin d'avoir recours à ces agents. Par contre, nous ferions appel à la GRC. À mon avis, les fonctions d'escorte sont du travail d'exécution, et les lignes directrices précisent les rôles et les responsabilités des agents. D'autres agents étaient chargés de fonctions d'escorte dans le passé, mais c'était l'exception. »

[43]    Le témoin a décrit la pièce E-9 comme le Rapport final sur le Projet pilote de renvoi dans la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest, daté du 11 février 2002. Fondamentalement, on y conclut qu'il n'était plus possible que des agents régionaux d'exécution escortent des gens renvoyés jusqu'à l'Unité centrale de renvoi (UCR) des grandes villes (Vancouver, Toronto et Montréal), d'où les intéressés étaient escortés à l'extérieur du pays par les agents d'escorte de ces grandes villes. La nouvelle approche consistait à les faire escorter jusqu'à l'extérieur du pays par un même agent pour l'ensemble du voyage. Les avantages étaient doubles : la région économisait de l'argent au titre des renvois eux-mêmes, des billets d'avion et des chambres d'hôtel, et le service était plus rapide et moins déshumanisant pour les personnes renvoyées. De plus, le changement a eu des répercussions sur les opérations, puisqu'il a entraîné une augmentation du nombre de longues missions d'escorte internationales et que le temps passé loin du bureau allait devenir beaucoup plus long. En outre, dans certains cas de renvoi, les agents d'escorte allaient obtenir un congé pour récupérer du décalage horaire, conformément à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM).

[44]    M. Ferguson a confirmé, dans le contexte de la pièce E-14, que, depuis le 5 juillet 1996, les agents chargés de tâches d'escorte en cas de renvoi doivent avoir reçu une formation en tactiques de maîtrise par points de compression. La pièce E-3 a été introduite en tant que description de poste des agents d'exécution et elle précise notamment, sous la rubrique des résultats du service à la clientèle, que [traduction] « la détection, l'arrestation et le renvoi des personnes dont on a conclu après enquête qu'elles contreviennent à la législation sur l'immigration » font partie de leurs fonctions. Il a aussi déclaré que le CFAP de M. Audia n'était pas une formation suffisante pour un agent d'exécution et que le certificat de formation de M. Zelisko en tactiques de maîtrise par points de compression était expiré.

[45]    M. Ferguson a terminé en déclarant que les fonctions d'escorte sont clairement du ressort des agents d'exécution. C'est l'utilisation la plus efficace des ressources financières et de la planification, ainsi que l'attribution optimale des tâches dans cette unité. Les agents de l'Unité des admissions ne sont pas inscrits sur une liste de disponibilité, contrairement aux agents d'exécution. Chaque unité a ses propres compétences, et son personnel est formé pour s'acquitter de tâches spécialisées. Les agents d'exécution sont chargés des enquêtes au jour le jour, autrement dit du travail de base; par conséquent, ils devraient mener chaque affaire jusqu'à son terme, qui pourrait être le renvoi. Si les agents d'exécution s'acquittaient de toutes ces tâches et devaient ensuite laisser un agent d'immigration de l'Unité des admissions se charger de l'escorte en cas de renvoi, il en résulterait un problème de moral dans l'Unité d'exécution. Les renvois constituent environ 50 p. 100 des tâches normales d'un agent d'exécution. Le travail d'escorte d'une personne renvoyée n'est pas un privilège, mais bien une tâche sérieuse et complexe mettant en cause aussi bien la personne renvoyée que le public, les aéronefs utilisés et les agents d'exécution eux-mêmes. Ces derniers doivent parfois être en voyage pour une période de trois à quatre jours dans des situations comme celles-là. Les fonctionnaires s'estimant lésés pourraient donc être loin de leur lieu de travail et ne pourraient pas s'acquitter de leurs tâches normales, ce qui créerait des difficultés, puisqu'il n'est possible de doter des postes vacants qu'en cas d'absence de longue durée, mais pas pour de courtes périodes. Les agents de l'Unité des admissions peuvent faire des demandes pour obtenir un poste d'agent d'exécution. M. Zelisko l'a fait, mais pas M. Audia, qui a réclamé des heures supplémentaires à titre de superviseur de l'Unité des admissions.

[46]    En contre-interrogatoire, le témoin a reconnu que les agents d'exécution font nettement plus d'heures supplémentaires que ceux de l'Unité des admissions. Il a toutefois déclaré : [traduction] « Les heures supplémentaires ne sont pas un avantage accordé parce qu'on travaille en dehors des heures normales de travail. Ce n'est pas le nombre de missions d'escorte qui alourdit considérablement la charge de travail, mais plutôt les autres fonctions d'un agent d'exécution ».

[47]    M. Ferguson a admis que la première phrase de la section C (« Détermination du nombre d'agents d'escorte ») des « Lignes directrices nationales » (pièce G-12) précise que : « Les agents d'escorte peuvent comprendre des agents d'immigration, des agents de la GRC, d'autres policiers... » (C'est nous qui soulignons.)

[48]    Il a aussi confirmé que, à la suite de la mise en oeuvre des pièces G-12 et G-13, on n'a pas accru son budget régional de renvoi et de détention, même si ses coûts d'heures supplémentaires avaient augmenté.

[49]    En réponse à une question du représentant des fonctionnaires s'estimant lésés, le témoin a aussi confirmé que, si un agent de l'Unité des admissions devait composer avec une personne vraiment perturbée qui faisait une scène, on appellerait un agent d'exécution pour arrêter la personne intéressée.

[50]    Les agents de Lethbridge se prêtent mutuellement main-forte, ce qui n'est pas le cas à Calgary, ou du moins pas dans la même mesure qu'à Lethbridge. Il n'y a que trois agents à Lethbridge, et leurs missions d'escorte (de cinq à dix au plus par année) ne les mènent qu'à Calgary, de sorte qu'il est fort peu probable qu'ils doivent faire des heures supplémentaires. La pièce E-16 précise le nombre de missions d'escorte effectuées par les agents de Lethbridge; depuis 2000, il n'y a eu qu'un voyage à l'étranger et pas d'escorte à une UDR.

Arguments

[51]    Les parties ont déposé des arguments écrits que je reproduis intégralement.

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[52]    M. Audia et M. Zelisko ont déposé leurs griefs le 14 novembre 2000 (pièce G14 et G17). Deux ans et quatre mois se sont écoulés depuis. Si ces griefs avaient été traités plus vite, la situation des fonctionnaires s'estimant lésés aurait été plus avantageuse. Toutefois, ils se trouvent actuellement à contester un système mis en place depuis longtemps, et leur formation elle-même est contestée. Il est donc important de tenir compte du facteur temps dans l'instruction de leurs griefs.

[53]    Les griefs sont fondés sur l'alinéa 28.05a) de la convention collective du Groupe Services des programmes et de l'administration, signée le 29 décembre 1998 par les représentants du Conseil du Trésor et de l'Alliance de la Fonction publique :

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires et d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

[54]    Il faut tenir compte de plusieurs facteurs pour satisfaire aux dispositions de l'alinéa 28.05a). Ce sont les « nécessités du service », le fait que l'Employeur doit « s'efforcer autant que possible », que le travail supplémentaire doit être offert « de façon équitable » et que « les employé-e-s qualifiés » doivent être « facilement disponibles ».

[55]    Je vais maintenant analyser chacun de ces facteurs à la date du dépôt des griefs.

1.       Nécessités du service

[56]    Les nécessités du service empêchent-elles M. Zelisko et M. Audia d'être chargés de tâches d'escorte?

[57]    La nécessité du service qui a mené à ces griefs était un changement de la politique de dotation résultant de la mise en oeuvre d'un projet pilote de « renvois » de douze mois, d'octobre 2000 à septembre 2001 (pièce E9).

[58]    En octobre 2000, M. Rob Cullum, directeur régional, Politique et programmes, Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest, a envoyé à ses gestionnaires une lettre concernant la gestion des renvois dans la région. Cette lettre était accompagnée de plusieurs autres documents, dont les « Lignes directrices nationales sur le recours à des agents d'escorte en cas de renvoi et sur les exigences de rapport de ces agents », document d'application nationale daté du 12 janvier 2000 (pièce G12).

[59]    La lettre était aussi accompagnée d'un document régional intitulé « Lignes directrices de la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest sur l'escorte », qui devait s'appliquer dans les villes de la Région des Prairies (pièce G13). Le changement de politique qui a abouti au dépôt des griefs figure sous la rubrique [traduction] « Qui est autorisé à assumer des tâches d'escorte » (pièce G13) de ce document, où l'on peut lire notamment ce qui suit :

[Traduction]

L'escorte des personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi sera normalement confiée à des agents d'exécution. L'escorte de ces personnes fait partie de la description de poste de ces agents, et la formation qu'on leur donne reflète cette responsabilité [...] Il peut arriver, dans de très rares circonstances, qu'un agent, autre qu'un agent d'exécution se fasse demander d'escorter quelqu'un. Le recours à d'autres personnes que les agents d'exécution ne sera approuvé que dans des circonstances exceptionnelles.

[60]    Ni l'un ni l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés n'a été affecté à des tâches d'escorte après la distribution de ce document.

[61]    Nous ne contestons pas le droit de l'employeur d'attribuer les fonctions. L'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est on ne peut plus clair :

La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions au poste et à la classification de ces derniers.

[62]    Il s'agit plutôt de savoir si la politique énoncée dans les [traduction] « Lignes directrices de la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest sur l'escorte » (pièce G13) est interprétée correctement.

[63]    M. Robert Ferguson, directeur de Citoyenneté et Immigration à Calgary, a témoigné qu'il connaissait bien la pièce G12, même s'il n'en est pas l'auteur. Quand on lui a demandé si l'expression « agent d'exécution » figurant dans le préambule de cette pièce G12 était un terme spécifique ou générique, il a répondu que ça pouvait être l'un ou l'autre. Il a souligné que des agents d'exécution non spécifiques étaient chargés de missions d'escorte bien après que ce document eut été distribué. Quand on lui a demandé ce que signifiaient les allusions du premier paragraphe de la section C de ce document, il a répondu qu'il pensait que c'était une déclaration à caractère général et qu'elle pouvait inclure les agents d'immigration. Quand on lui a demandé s'il pouvait ordonner à un agent, autre qu'un agent d'exécution de se charger d'une mission d'escorte, il a répondu : [traduction] « Oui, c'est possible, mais ce serait rare ».

[64]    Quand il s'est fait demander comment il interprétait [traduction] « ...le recours à d'autres personnes que les agents d'exécution », dans la pièce G13, il a répondu qu'il pensait que d'autres personnes que les agents d'exécution s'entendait de membres de la GRC et de médecins. Il n'était pas l'auteur de la politique, mais c'était son interprétation.

[65]    Le Syndicat est d'avis que les lignes directrices de la pièce G13, sous la rubrique [traduction] « Qui est autorisé à assumer des tâches d'escorte » ne devraient pas exclure les fonctionnaires s'estimant lésés; ces lignes directrices précisent que l'escorte de personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi est normalement confiée à des agents d'exécution. Il n'y a là aucun changement. Comme les témoignages l'ont confirmé, les tâches d'escorte étaient normalement accomplies par des agents d'exécution. La deuxième ligne directrice qui s'applique en l'espèce consiste à stipuler que le recours à d'autre personnes que les agents d'exécution ne sera approuvé que dans des circonstances exceptionnelles. Cette phrase n'interdit pas le recours à d'autres agents d'immigration, puisque la phrase suivante commence par [traduction] « Tous les membres du personnel de CIC affectés à des tâches d'escorte... » La politique ne change pas la pratique établie. On avait seulement recours aux fonctionnaires s'estimant lésés pour des tâches d'escorte dans des circonstances exceptionnelles.

[66]    Rien dans la Politique nationale (pièce G12) n'interdit que d'autres agents de CIC accomplissent des tâches d'escorte. Tout au contraire, au point C de la page 3, on peut lire ce qui suit :

Les agents d'exécution peuvent comprendre des agents d'immigration, des agents de la GRC, d'autres policiers ou d'autres assistants temporaires appropriés désignés comme agents d'immigration, et ils devraient être affectés compte tenu des nécessités du service.

[67]    Bref, rien dans la pièce G13 ne change la pratique établie. Ce document n'a fait que clarifier la pratique existante. Les nécessités du service, telles que définies dans cette pièce G13, n'interdisent pas aux deux fonctionnaires s'estimant lésés d'accomplir des tâches d'escorte, comme ils le faisaient dans le passé.

2. S'efforcer autant que possible


[68]    L'Employeur s'est-il efforcé autant que possible d'affecter les fonctionnaires s'estimant lésés à des tâches d'escorte?

[69]    Après la distribution de la pièce G11 et de ses pièces jointes (G12 et G13), les fonctionnaires s'estimant lésés ne se sont plus fait confier de tâches d'escorte et n'ont donc pas eu l'occasion d'accomplir les heures supplémentaires qu'ils faisaient jusque-là.

[70]    Quand il s'est fait demander pourquoi seuls les agents d'exécution étaient désormais chargés de missions d'escorte, M. Ferguson a donné les trois raisons suivantes :

  • les missions d'escorte sont clairement des tâches d'exécution;
  • c'est la façon la plus efficace de procéder et celle qui cause le moins de perturbations au bureau;
  • il n'y a pas d'agents des admissions sur la liste de disponibilité pour les escortes.

[71]    La preuve a montré que ces raisons ne sont pas suffisantes pour démontrer que l'employeur s'est efforcé autant que possible d'offrir des tâches d'escorte (travail supplémentaire) aux deux fonctionnaires s'estimant lésés.

[72]    Il est vrai que les missions d'escorte sont des tâches d'exécution, mais cela n'empêche pas d'autres agents de CIC, comme les fonctionnaires s'estimant lésés, d'être chargés de telles missions. Quand il s'est fait demander en contre-interrogatoire si quelqu'un d'autre qu'un agent d'exécution pourrait accomplir des tâches d'escorte, M. Ferguson a répondu [traduction] « Oui, c'est possible ».

[73]    La deuxième raison que M. Ferguson a donnée afin de justifier le recours exclusif à des agents d'exécution pour les missions d'escorte est que c'était la méthode la plus efficiente et celle qui perturbait le moins le bureau. Aucun élément de preuve n'a été avancé pour étayer ces déclarations. La pratique établie avant le changement de politique ne démontre pas que le recours aux fonctionnaires s'estimant lésés pour des missions d'escorte ait causé une inefficience quelconque ni des perturbations au bureau.

[74]    Enfin, la troisième raison que M. Ferguson a avancée est que les noms des fonctionnaires s'estimant lésés ne figuraient pas sur la liste de disponibilité pour des escortes, mais il aurait été facile d'y remédier en ajoutant leurs noms sur la liste, comme dans le passé.

[75]    Non seulement l'employeur ne s'est pas efforcé autant que possible de confier des tâches d'escorte aux fonctionnaires s'estimant lésés : il ne s'est pas efforcé du tout de le faire.

3. De façon équitable

[76]    Le travail supplémentaire a-t-il été offert de façon équitable?

[77]    Dans le contexte de l'alinéa 28.05a), le sens du mot « équitable » est élusif. Le nombre de décisions portant sur « l'équité » est légion. Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (3rd Edition), 5:3222.

[78]    Nous avons entendu témoigner que ni M. Audia, ni M. Zelisko n'accomplissaient beaucoup de missions d'escorte, certainement pas autant que les agents d'exécution. M. Audia a été chargé de sa première mission d'escorte en 1985; sa dernière remonte à 2000. Dans son témoignage, il a dit estimer avoir accompli une mission d'escorte en moyenne tous les 18 mois depuis 1990. Les pièces G7, G8, G9 et G10 montrent qu'il a été chargé de 12 missions d'escorte entre le 29 octobre 1990 et le 5 octobre 1999, y compris deux missions jusqu'à la frontière à Coutts, en Alberta, deux autres à Vancouver et une à Montréal.

[79]    M. Zelisko n'a commencé à travailler au bureau de Calgary de CIC qu'en novembre 1998. À partir de ce moment-là et jusqu'en 2000, il a témoigné s'être fait confier quatre missions d'escorte; deux à Vancouver, une à Toronto et une jusqu'à la frontière, à Coutts.

[80]    L'alinéa 28.05a) obligerait-il l'employeur à offrir des chances comparables de faire du temps supplémentaire aux fonctionnaires s'estimant lésés qu'aux agents d'exécution, pour se conformer au critère « d'équité »?

[81]    La réponse à cette question est non. L'équité ne s'entend pas de l'égalité avec tout le monde, mais plutôt d'une moyenne établie en fonction des circonstances. L'une des circonstances dont il faut tenir compte dans le cas des fonctionnaires s'estimant lésés est la disponibilité. MM. Audia et Zelisko ont d'autres tâches à accomplir à l'Unité des admissions, de sorte qu'ils ne seraient pas disponibles aussi souvent que les agents d'exécution pour des missions d'escorte, mais ils restent disponibles quand même. L'équité devrait être mesurée en fonction de cette disponibilité.

4. Disponibilité

[82]    Les fonctionnaires s'estimant lésés sont-ils disponibles?

[83]    Les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent tous deux à l'Unité des admissions, dans le même bureau que les agents d'exécution. Ils ont témoigné qu'ils seraient disponibles pour des missions d'escorte. M. Audia a déclaré que M. Zelisko et lui-même sont les deux seuls membres de son unité qui aimeraient être affectés à ces missions. Il a aussi témoigné que le travail à l'Unité des admissions est très structuré. Les entrevues avec les clients sont organisées à l'avance. Même s'il y a toujours du travail à faire à l'unité, il pourrait être confié à quelqu'un d'autre pour que les missions d'escorte soient possibles. C'est un travail gérable. Les missions d'escorte sont habituellement planifiées à l'avance. Les noms des agents d'escorte figurent sur une liste établie par roulement. M. Audia a témoigné que si M. Zelisko ou lui-même n'étaient pas disponibles, leurs noms seraient réinscrits sur la liste.

[84]    MM. Audia et Zelisko ont témoigné qu'ils pourraient être disponibles pour des missions d'escorte. On n'a avancé aucun élément de preuve pour contredire leur témoignage. Dans le passé, ils étaient disponibles. M. Audia a accompli des missions d'escorte pendant plus de dix ans sans aucun problème.

5. Qualifiés

[85]    M. Audia et M. Zelisko étaient-ils qualifiés pour accomplir des missions d'escorte?

[86]    Au moment où leurs griefs ont été déposés, M. Audia et M. Zelisko satisfaisaient tous les deux au critère de la formation nécessaire. La pièce G13 précise en effet que : [traduction] « Tous les employés de CIC qui accomplissent des tâches d'escorte doivent avoir une formation en tactiques de maîtrise par points de compression ou avoir suivi le cours de formation d'agent de la paix ».

[87]    M. Audia a obtenu un certificat (pièce G5) au cours de formation d'agent de la paix qu'il a suivi au Dépôt de la GRC à Regina. La formation comprenait des techniques d'autodéfense ainsi que de maîtrise et de transport des prisonniers. Au moment où son grief a été déposé, il n'y avait aucune indication qu'elle était considérée comme non valide.

[88]    Au moment où il a déposé son grief, M. Zelisko était parfaitement qualifié. Il avait suivi une formation en tactiques de maîtrise par points de compression (pièce G17).

[89]    Les deux fonctionnaires s'estimant lésés étaient donc qualifiés au moment où ils ont déposé leurs griefs. Depuis, le certificat de formation en tactiques de maîtrise par points de compression de M. Zelisko est échu. Selon M. Ferguson, la formation que M. Audia a obtenue dans son CFAP n'est pas considérée comme valide. Les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont réclamé une formation complémentaire. Ils ont déjà été qualifiés et pourraient aisément le redevenir.

[90]    Au moment où leurs griefs ont été déposés, les deux fonctionnaires s'estimant lésés satisfaisaient aux critères de l'alinéa 28.05a) de la convention collective. Les griefs devraient être accueillis.

Argument subsidiaire

[91]    Il y a quelque chose d'ambigu dans l'alinéa 28.05a), à savoir l'expression « de façon équitable » qu'il est impossible de définir exactement. Il a déjà été question de cette notion dans plusieurs décisions, par exemple A. P. Johnston et autres (166-2-17488 à 166-2-17490), C. Chappell (166-2-17464), S. Boujikian (166-2-27738), S. Bretzel et autres (166-2-10385 à 166-2-10387) et J. W. Leighton (166-2-17211).

[92]    L'expression se prête à différentes interprétations, qui varient habituellement selon les circonstances de l'affaire.

[93]    Dans C. D. MacAdams (166-2-26601), la question à trancher était celle de l'indemnité de disponibilité. L'article de la convention collective sur lequel le grief était foncé contenait l'expression « répartir [...] sur une base équitable ».

[94]    Dans cette affaire, l'employeur avait établi une liste de disponibilité où figuraient les techniciens civils et les militaires qualifiés. Les tâches à accomplir en disponibilité étaient assignées par roulement. L'employeur avait changé la liste de façon à éliminer les employés civils, qui ne recevaient donc plus d'indemnités de disponibilité.

[95]    L'employeur avait déclaré avoir le droit d'inscrire les personnes de son choix sur la liste de disponibilité en vertu des « droits de l'employeur », mais l'arbitre de griefs a rejeté cet argument, en déclarant que la clause des droits de la direction était limitée par les droits et responsabilités que la convention collective reconnaissait.

[96]    L'arbitre a poursuivi en déclarant que la pratique établie par l'employeur pendant plusieurs années avait créé des attentes chez les employés, qui comptaient bien, pendant trois ans, que tant les civils que les militaires figureraient sur la liste de disponibilité. Il a conclu que l'article de la convention collective était ambigu et l'a interprété conformément à la pratique établie.

[97]    L'employeur a présenté une demande de contrôle judiciaire pour faire annuler la décision C. D. MacAdams, mais sa demande a été rejetée. Le juge a déclaré ce qui suit :

Un des objectifs fondamentaux de l'interprétation des dispositions d'une convention collective consiste à découvrir l'intention des parties. Les décisions qui reflètent une compréhension de la dynamique du milieu de travail sont précisément du genre de celles qui méritent d'être grandement respectées par les tribunaux. La décision [de l'arbitre de griefs] dans cette affaire était raisonnablement fondée sur la preuve, de sorte qu'une ingérence judiciaire n'est pas justifiable.

[98]    Le même argument vaut en l'espèce. L'ambiguïté du libellé de l'alinéa 28.05a) est telle qu'on ne peut trouver la bonne façon de l'interpréter que dans la pratique établie, comme le confirme Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (3rd Edition), 3:4430 :

[Traduction]

Il arrive fréquemment qu'une partie puisse tenter d'obtenir une décision favorable en se basant sur une pratique plutôt que sur les termes mêmes de la convention collective. Le recours à une preuve décrivant ce genre de pratique pour faciliter l'interprétation a été décrit de la façon suivante :

Si une disposition d'une convention à l'égard d'un problème de relations de travail est ambiguë dans ses exigences, l'arbitre peut se fonder sur la conduite des parties comme indication pour clarifier l'ambiguïté. En théorie, il faut que la conduite de l'une ou l'autre des parties l'aide à clarifier l'ambiguïté. L'une ou l'autre des parties doit se conduire d'une façon qui met explicitement en jeu l'interprétation de la convention dans un sens donné et l'autre partie doit souscrire à cette conduite (et, indirectement, à cette interprétation). Si c'est le cas, l'arbitre peut à juste titre attribuer ce sens-là à la disposition ambiguë...

[99]    La pratique établie pendant de nombreuses années avant le dépôt des griefs permettait aux fonctionnaires s'estimant lésés d'accomplir des missions d'escorte. On devrait se fonder sur ce fait pour clarifier l'ambiguïté de l'alinéa 28.05a) et remettre les fonctionnaires s'estimant lésés dans la même situation qu'auparavant, en leur accordant de nouveau le droit de faire des heures supplémentaires en mission d'escorte.

Redressement :

[100]    Comme précisé dans les griefs,

  1. que la politique régionale sur les missions d'escorte soit modifiée de façon à se lire comme suit : [traduction] « Les agents d'exécution comprennent également les autres agents qualifiés », sans renvoi aux descriptions de poste;

  2. que les missions d'escorte soient offertes par roulement aux agents qualifiés.

[101]    Jurisprudence :

  • Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (3rd Edition), (Canadian Labour Law Library - Volume 1, Arbitration Release No. 18), Chapitre 5:3222
  • Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (3rd Edition), (Canadian Labour Law Library - Volume 1, Arbitration Release No. 18), Chapitre 3:4430
  • D. J. Sumamik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier no 166-2-395
  • A. P. Johnston et autres c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers nos 166-2-17488 à 166-2-17490
  • C. Chappell c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier no 166-2-17464
  • S. Boujikian c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier no 166-2-27738
  • S. Bretzel et autres c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers nos 166-2-10385 à 166-2-10387
  • J. W. Leighton c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier no 166-2-17211
  • C. D. MacAdams c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier no 166-2-26601
  • Municipality of Metropolitan Toronto and Canadian Union of Public Employees, Local 43, 13 L.A.C. (3d) 58 (Teplitsky, Tate, Slater)
  • Marystown Shipyard Ltd. and Industrial Union of Marine & General Workers, Local 20, 39 L.A.C. (4th) 276 (Browne)

Pour l'employeur

[102]    L'employeur est d'avis que le syndicat ne s'est pas acquitté de sa charge de prouver que l'employeur ne s'est pas conformé à l'alinéa 28.05a) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l'administration signée par les représentants du Conseil du Trésor et de l'Alliance de la Fonction publique du Canada le 29 décembre 1998.

[103]    L'article 28.05 [sic] de la convention collective stipule que :

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires et d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

Nécessités du service

[104]    Cet article [sic] stipule que le travail supplémentaire est offert « sous réserve des nécessités du service ».

[105]    Mon confrère est passé rapidement sur les nécessités réelles du service pour les admissions et l'exécution. Il n'a pas non plus précisé de quel ensemble de nécessités du service il faut tenir compte dans ce contexte, pas plus d'ailleurs qu'il n'a expliqué les répercussions des changements récents des politiques sur les nécessités du service.

[106]    Premièrement, il faut d'abord tenir compte des nécessités du service de l'Unité des admissions. En leur qualité d'agents des admissions, les fonctionnaires s'estimant lésés sont tenus de travailler de 8 h à 16 h ou de 7 h à 16 h. Ils rencontrent des clients toute la journée et doivent aussi s'acquitter d'autres tâches. Il n'a pas été contesté dans les témoignages que les tâches d'admission sont généralement effectuées pendant ces heures.

[107]    Deuxièmement, il faut tenir compte des nécessités du service pour les missions d'escorte. L'employeur est d'avis que ces tâches sont incompatibles avec celles d'un agent des admissions. Les missions d'escorte commencent pendant la journée de travail. Lorsqu'elles exigent un voyage à l'étranger, elles peuvent nécessiter une assez longue absence du bureau. En plus du temps de vol, la directive sur les voyages en service commandé stipule que l'employeur est tenu d'accorder aux agents d'escorte une période de repos supplémentaire quand ils ont été affectés à une mission de ce genre (E10 à E14).

[108]    La combinaison de la durée du vol et de l'obligation de l'employeur d'accorder des périodes de repos signifie que les agents affectés aux escortes peuvent être absents du travail plusieurs jours d'affilée. Si l'employeur avait pour pratique d'affecter des agents des admissions à ses missions d'escorte, il aurait du mal à satisfaire aux nécessités du service de l'Unité des admissions.

[109]    Il n'est pas contesté que les nécessités du service ont permis aux fonctionnaires s'estimant lésés d'accomplir quelques missions d'escorte, comme mon confrère l'a précisé. Néanmoins, on a apporté depuis des modifications aux politiques qui ont changé la façon de procéder.

[110]    C'est en tenant compte des implications de la Politique nationale (G-12) que la Région des Prairies et du Nord de CIC a réalisé un projet pilote de renvois (E-9).

[111]    Après cette expérience, la Région a publié ses lignes directrices sur l'escorte (G-13). Elle ne considérait plus comme possible de faire escorter les gens renvoyés par des agents régionaux d'immigration jusqu'aux unités centrales de renvoi des grandes villes, d'où ces gens devaient ensuite être accompagnés hors du pays par des agents d'escorte de ces grandes villes. La nouvelle procédure devait consister à faire escorter les gens renvoyés hors du pays par la même personne pendant tout le voyage.

[112]    Ce changement de politique a eu des répercussions sur les nécessités du service. Le nombre de longues missions d'escorte à l'étranger a augmenté, ce qui signifiait que les agents qu'on y affecterait allaient devoir s'absenter plus longtemps de leur travail. Par conséquent, on ne pouvait plus affecter à des tâches de ce genre des employés comme les fonctionnaires s'estimant lésés, qui avaient leur propre travail à faire pendant la journée.

[113]    La pièce E-17 montre clairement que, même s'il y avait eu une augmentation marquée du nombre de voyages à l'étranger, on n'avait pas mis fin pour autant aux missions d'escorte plus courtes. Cela ne signifiait toutefois pas que l'employeur avait une obligation quelconque de confier ces missions de courte durée aux fonctionnaires s'estimant lésés. L'employeur est d'avis que même ces missions-là pourraient nuire au rendement de l'Unité des admissions.

[114]    L'employeur estime que le travail supplémentaire doit être accompli dans le contexte de son besoin légitime de satisfaire aux nécessités du service. L'employeur n'avait pas besoin de demander aux fonctionnaires s'estimant lésés de faire du travail supplémentaire pour satisfaire aux nécessités du service de l'Unité d'exécution. En fait, les nécessités du service de cette Unité avaient changé de sorte qu'il ne pouvait plus demander à d'autres fonctionnaires d'accomplir des tâches d'escorte, en raison de la longueur des missions depuis le changement de sa politique.

[115]    Les lignes directrices régionales (G-13) autorisent le recours à d'autres agents que des agents d'exécution seulement dans des [traduction] « circonstances exceptionnelles ». Les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas démontré que des circonstances exceptionnelles auraient justifié qu'on leur confie des missions d'escorte.

L'employeur doit s'efforcer autant que possible d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable

[116]    L'employeur est d'avis qu'il conserve le droit de déterminer le bassin des fonctionnaires qui ont le droit de faire certains types de travail supplémentaire.

[117]    S'il est tenu de « s'efforcer autant que possible » d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable, l'employeur estime que la convention collective ne lui impose aucune obligation de « s'efforcer autant que possible » d'offrir des tâches d'escorte « de façon équitable » aux fonctionnaires s'estimant lésés, qui travaillent dans une autre unité.

[118]    L'employeur est tenu d'offrir de façon équitable la possibilité d'accomplir des tâches d'escorte aux agents d'exécution, qui s'acquittent régulièrement de ces tâches et qui ont toujours été les premiers à qui l'on confiait de telles missions.

[119]    L'employeur n'a aucune obligation d'ajouter les fonctionnaires s'estimant lésés à la liste des agents d'escorte en vertu de cet article de la convention collective. Le fait qu'ils ont figuré sur cette liste dans le passé et qu'ils ont été affectés à quelques missions d'escorte n'est pas pertinent. L'employeur a maintenant décidé que le bassin des agents qui accompliront du travail supplémentaire en mission d'escorte est composé de ceux qui font régulièrement ce travail et qui sont spécialisés pour le faire.

[120]    L'employeur estime qu'il n'a pas besoin de démontrer une perte d'efficacité pour faire valoir que c'est mal utiliser ses ressources que de demander à des gens qui ne sont pas vraiment disponibles de faire des heures supplémentaires. L'employeur a le droit de planifier le travail de façon à s'assurer que le travail de toutes les unités est fait et que le service au public est maintenu.

Facilement disponibles

[121]    Les fonctionnaires s'estimant lésés vous demandent de décider que l'employeur manque à la convention collective s'il ne les libère pas de leurs fonctions normales à l'Unité des admissions pour leur permettre d'accomplir des tâches d'escorte et de toucher la rémunération des heures supplémentaires qui en découle. En toute déférence, ce qu'ils demandent est manifestement déraisonnable.

[122]    La décision de faire en sorte que les fonctionnaires s'estimant lésés seraient disponibles ou non pour des missions d'escorte incombe à la direction, et elle doit être prise dans le contexte de l'ensemble du service, ce qui implique que l'employeur doit tenir compte de son besoin légitime de pouvoir compter sur un bassin de fonctionnaires disponibles pour accomplir certaines tâches, en l'occurrence celles de l'Unité des admissions.

[123]    Il faut aussi tenir compte de la définition du travail ou des heures supplémentaires. L'article 2.01 de la convention collective précise que, dans le cas d'un-e employé-e à temps plein, les heures supplémentaires s'entendent du « travail autorisé qu'il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire ». Outre la définition de la convention collective, on reconnaît généralement que le travail ou les heures supplémentaires sont effectués en dehors des heures normales de travail. La nature même du travail supplémentaire signifie qu'il n'est pas censé être accompli durant les heures normales de travail.

[124]    L'article de la convention collective qui est invoqué en l'espèce stipule que le travail supplémentaire doit être offert aux « employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles ». Or, les fonctionnaires s'estimant lésés ne sont pas facilement disponibles pour accomplir des tâches d'escorte. Par contre, le travail des agents d'exécution est conçu de façon qu'ils puissent travailler en dehors de l'horaire normal (de 7 h ou 8 h à 16 h).

[125]    Mon confrère a maintenu que M. Audia avait accompli des tâches d'escorte pendant dix ans [traduction] « sans aucun problème ». Il ne faudrait pas oublier que c'est seulement depuis 2000 que la nature des tâches d'escorte a changé et qu'il y a maintenant plus de missions d'escorte à l'étranger. On ne peut donc pas prétendre que M. Audia serait en mesure de s'acquitter de ces tâches « sans aucun problème » dans les conditions actuelles.

Employés qualifiés

[126]    L'employeur est d'avis qu'il n'a aucune obligation de former les fonctionnaires s'estimant lésés ou de leur donner un complément de la formation qu'ils ont déjà reçue pour accomplir des missions d'escorte (G-17).

[127]    En contre-interrogatoire, M. Audia a déclaré que l'obligation de l'employeur d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable signifie que celui-ci doit former [traduction] « tous ceux que cela intéresse ». Il n'est écrit nulle part dans la convention collective que l'employeur doit former les fonctionnaires pour qu'ils puissent faire des heures supplémentaires, ni qu'il est tenu de leur offrir une formation « polyvalente ».

[128]    Les agents d'exécution sont spécialement formés pour accomplir des missions d'escorte. Il ne fait aucun doute que, s'ils en avaient la chance, les fonctionnaires s'estimant lésés pourraient être formés ou suivre des cours de recyclage afin d'obtenir les compétences nécessaires. Néanmoins, l'employeur a décidé de former de façon permanente les agents d'exécution seulement, dans le contexte du travail d'escorte. Les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas présenté de grief pour protester contre le refus de l'employeur de leur offrir cette formation, que ce soit maintenant ou dans le passé.

[129]    L'employeur part du principe que les missions d'escorte ne sont ni un privilège, ni une prime. Ce sont des tâches très sérieuses qui impliquent des risques pour l'agent, pour la personne escortée, pour le monde des transports et pour le public voyageur.

[130]    En raison de ces importants facteurs publics, l'employeur tient à s'assurer que ceux qui font ce travail sont expérimentés et qu'ils le font régulièrement. Il ne s'agit pas simplement de « former » des gens. L'employeur est d'avis que la « compétence » va aussi au-delà du principe d'avoir la chance de suivre des cours; elle signifie aussi qu'il faut faire le travail assez régulièrement pour se sentir à l'aise en le faisant.

Perfectionnement professionnel

[131]    L'employeur estime, en toute déférence, que si les fonctionnaires s'estimant lésés veulent être affectés à des tâches d'escorte — et toucher la rémunération des heures supplémentaires qui s'ensuit — ils devraient faire acte de candidature à des postes d'agents d'exécution.

[132]    Les témoignages entendus à l'audience ont clairement montré que les fonctionnaires s'estimant lésés veulent être affectés à des tâches d'escorte et être payés pour ces heures supplémentaires. Nous avons entendu M. Zelisko et M. Ferguson témoigner que M. Zelisko avait cherché des possibilités de travailler comme agent d'exécution. M. Huntley a témoigné que, en sa qualité de superviseur de l'Unité d'exécution, il serait heureux d'accepter l'un ou l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés comme agents d'escorte, s'ils avaient la formation appropriée. M. Ferguson a témoigné quant à lui qu'il n'y avait aucun obstacle à ce que les fonctionnaires s'estimant lésés deviennent des agents d'exécution et qu'ils pourraient se porter candidats à des postes dans cette unité.

[133]    L'employeur fait valoir, en toute déférence, que présenter ces griefs n'est pas la bonne façon pour les fonctionnaires s'estimant lésés de modifier leurs conditions d'emploi.

« Argument subsidiaire » du syndicat

[134]    J'avoue ne pas comprendre exactement pourquoi la rubrique d'analyse de la jurisprudence a été qualifiée par mon confrère M. Dann d'« argument subsidiaire », mais je vais répondre à ce qu'il a soulevé sous cette rubrique, en commentant les décisions qu'il a invoquées.

[135]    Mon confrère a déclaré que le sens de l'expression « de façon équitable » dans la convention collective est ambigu, en citant de la jurisprudence à cet égard. L'employeur estime qu'on peut distinguer les faits des décisions qu'il a évoquées de ceux de la présente affaire. Se fonder sur ces décisions-là pour prétendre que l'expression « de façon équitable » est ambiguë ne sert pas à grand-chose, selon lui.

[136]    Je veux tout d'abord me prononcer sur l'affaire Boujikian, qu'il faut distinguer de la présente puisque les fonctionnaires en cause dans cette affaire-là étaient chargés des mêmes tâches dans la même unité de négociation, même s'ils travaillaient à deux endroits différents. Les fonctionnaires s'estimant lésés qui travaillaient à ces endroits ne se faisaient pas tous offrir la possibilité de faire le même nombre d'heures supplémentaires.

[137]    Ce n'est pas ce qui s'est passé ici. MM. Zelisko et Audia ne sont pas chargés des mêmes tâches que les agents d'exécution, alors que les fonctionnaires s'estimant lésés dans l'affaire Boujikian faisaient le même travail que les autres. Les descriptions de poste des fonctionnaires s'estimant lésés et celles des agents d'exécution sont différentes, et ils travaillent dans des unités différentes.

[138]    Dans l'affaire Chappell, l'employeur ne s'était pas conformé à son propre système pour offrir du travail supplémentaire. Il avait créé une liste à cette fin, mais, dans cette affaire-là, il avait négligé une personne qui figurait sur la liste et dont le quart de travail n'était pas contigu au quart des heures supplémentaires. La situation n'était donc pas la même qu'en l'espèce.

[139]    Tout comme dans l'affaire Boujikian, dans Chappell, l'employeur avait reconnu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs qu'il ne s'était pas efforcé autant que possible de répartir les heures supplémentaires. En raison de cette concession de l'employeur, l'arbitre de griefs saisi de l'affaire Chappell est passé directement au redressement sans juger le grief au fond. S'il s'était prononcé sur les questions de principe portant sur la répartition équitable des heures supplémentaires, et particulièrement sur la possibilité, compte tenu des nécessités du service, de faire faire des heures supplémentaires à certains fonctionnaires, sa décision aurait pu être applicable en l'espèce, mais elle n'est guère utile et n'apporte rien pour clarifier le sens de l'expression « de façon équitable ».

[140]    Je tiens aussi à parler de l'affaire Johnston, que mon confrère a citée, car cette décision-là est plus utile pour lui que les autres. Dans cette affaire, l'arbitre s'était prononcé sur le principe que l'employeur devait « utiliser des moyens raisonnables pour tenter de répartir [le travail supplémentaire] entre le plus grand nombre d'employés possible ». L'employeur estime qu'avoir recours à des moyens raisonnables signifie que le principe général établi dans cette affaire a des limites.

[141]    Les agents d'exécution qui sont chargés des missions d'escorte accompagnent des personnes violentes et potentiellement dangereuses et empruntent des moyens de transport en commun pour se déplacer. L'employeur a le droit de charger de ces missions des personnes qui s'en acquittent régulièrement, et le public a aussi le droit de pouvoir compter que les gens qui sont affectés à des missions d'escorte en font régulièrement et que leur formation n'est pas périmée.

[142]    L'employeur ne peut pas être placé dans une situation où il doit de façon générale offrir du travail supplémentaire pour des missions d'escorte « de façon équitable » à des fonctionnaires faisant partie d'autres unités, en risquant ainsi de mettre le public en danger. Ce serait vraiment tirer par les cheveux la décision rendue dans l'affaire Johnston, où les fonctionnaires en cause étaient chargés de fonctions de saisie des données et d'autres tâches de commis. L'importance de ces fonctions pour le service de l'état ne doit pas être sous-évaluée, mais si importantes qu'elles puissent être, on ne peut pas prétendre que des fonctions de commis et de saisie de données peuvent présenter le même risque pour la sécurité du public que le travail des agents d'escorte.

[143]    L'employeur a analysé les arguments que le syndicat a présentés sur la question de la disponibilité; il a conclu que ces arguments ne s'appliquent pas en l'espèce. Ces griefs-ci sont fondés sur les dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective.

[144]    L'employeur a aussi analysé les arguments que mon confrère a soulevés pour faire valoir que la « pratique établie » peut « clarifier l'ambiguïté » de la convention collective quant à la répartition équitable des possibilités de faire du travail supplémentaire. L'employeur est d'avis que ces arguments ne veulent rien dire. En effet, les arguments fondés sur la « pratique établie » ne peuvent pas nier le fait que les fonctionnaires s'estimant lésés ne sont pas facilement disponibles pour faire le travail supplémentaire d'une autre unité. Même s'ils ont pu être chargés de ce travail dans le passé, le fait est que la procédure a changé. Ils ne sont plus « facilement disponibles » pour accomplir ces tâches sans cesser d'être disponibles pour faire leur propre travail, et ce, plusieurs jours d'affilée.

[145]    L'employeur se fonde sur la décision rendue dans l'affaire Jutras (dossier de la Commission no 166-2-20534), qui a établi le principe que, lorsqu'une personne fait partie d'une unité, elle a le droit de participer « de façon équitable » aux possibilités de faire des heures supplémentaires de cette unité. Toutefois, quand cette personne ne fait plus partie d'un groupe donné, il arrive un point au-delà duquel elle n'a plus aucun droit de faire le travail supplémentaire d'un autre groupe, ce qui confirme la position de l'employeur que le travail supplémentaire doit être offert de façon équitable seulement à ceux qui accomplissent les tâches de l'unité.

[146]    Bref, l'employeur estime que le syndicat ne s'est pas acquitté de la charge de la preuve et demande que les griefs soient rejetés.

Réplique

[147]    Le Syndicat est d'avis qu'il a expliqué les manquements à l'alinéa 28.05a) dans ses observations et qu'il s'est acquitté de la charge de la preuve.

[148]    En réponse aux observations de l'employeur, le syndicat tient à dire que ce qu'il faisait valoir, c'est que les « nécessités du service » s'appliquaient aux fonctionnaires s'estimant lésés. Ceux-ci travaillent à l'Unité des admissions et non d'exécution. La question à trancher consiste donc à savoir si les nécessités du service autoriseraient les fonctionnaires s'estimant lésés à s'acquitter à l'occasion de tâches d'escorte. Comme le Syndicat l'a fait valoir dans ses observations, les nécessités du service applicables aux fonctionnaires s'estimant lésés sont telles qu'ils sont disponibles pour être affectés à des missions d'escorte.

[149]    L'employeur estime qu'il n'a aucune obligation d'affecter les fonctionnaires s'estimant lésés à des missions d'escorte parce qu'ils travaillent dans une autre unité. Le syndicat estime pour sa part que ni les politiques de l'employeur, ni la répartition du travail à des unités ne suffisent, dans cette affaire, pour justifier que les fonctionnaires s'estimant lésés soient privés des droits que la convention collective leur reconnaît.

[150]    En ce qui concerne les compétences requises, les deux fonctionnaires s'estimant lésés auraient besoin de formation complémentaire. Ce n'est pas de leur faute. Ils ont été qualifiés tous les deux et sont tous les deux disposés à recevoir la formation nécessaire. Comme le syndicat le soulignait dans ses observations au moment où les griefs ont été déposés, les deux fonctionnaires s'estimant lésés étaient qualifiés.

[151]    Le syndicat maintient qu'il a prouvé le manquement à l'alinéa 28.05a) sur lequel les griefs sont fondés et estime que le redressement réclamé par les fonctionnaires s'estimant lésés devrait leur être accordé.

Motifs de la décision

[152]    Dans cette affaire, la charge de prouver que l'employeur a manqué à l'alinéa 28.05a) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l'administration signée par le Conseil du Trésor et l'AFPC incombe à l'agent négociateur. L'alinéa 28.05a) stipule ce qui suit :

28.05 Attribution du travail supplémentaire

a) Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur s'efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d'heures supplémentaires et d'offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

[153]    Les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent sept heures et demie par jour, du lundi au vendredi, à l'Unité des admissions, dans l'édifice Harry Hayes, à Calgary.

[154]    M. Audia a témoigné avoir accompli dix missions d'escorte entre le 29 octobre 1990 et le 10 juin 1999 (pièces G-7 à G-10) vers diverses destinations au Canada, aux états-Unis et en Europe. Le témoignage non contredit de M. Zelisko est qu'il a été chargé de missions d'escorte à quatre reprises entre novembre 1998 et octobre 2000, toujours au Canada. Avant octobre 2000, les deux fonctionnaires s'estimant lésés figuraient sur une liste de roulement des fonctionnaires qualifiés ayant la formation pertinente essentielle. À divers moments, ils avaient aidé des agents d'exécution à accomplir leurs tâches d'escorte. Sous réserve des nécessités du service et de leur disponibilité, ils participaient à des missions d'escorte en cas de renvoi; lorsqu'ils n'étaient pas disponibles, ils restaient en haut de la liste pour la prochaine mission d'escorte requise, toujours sous réserve des nécessités du service et de leur disponibilité. Quand un agent d'exécution ou des admissions exécutait des tâches d'escorte, on en prenait dûment note dans un registre.

[155]    La pièce E-14 est une [traduction] « Note de service sur les opérations » datée du 5 juillet 1996 qui précisait les nouveaux critères applicables aux agents d'exécution sur ce que le ministère considérait comme la formation pertinente essentielle et obligatoire pour accomplir des tâches d'escorte. La formation que les agents d'exécution devaient suivre était un cours basé sur les tactiques de maîtrise par points de compression.

[156]    M. Audia avait obtenu un certificat à la suite du cours de formation d'agent de la paix (CFAP) qu'il avait suivi en juin 1993 (pièce G-5), mais M. Ferguson a témoigné que ce genre de formation est inacceptable. M. Zelisko avait terminé sa formation en tactiques de maîtrise par points de compression le 5 novembre 1999, mais son certificat a expiré en novembre 2001.

[157]    En octobre 2000, Rob Cullum, directeur régional, Politique et programmes, Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest, a envoyé à ses gestionnaires — dont M. Audia — une lettre relative aux renvois dans la région. Deux documents étaient joints à cette lettre. Le premier (pièce G-12) était les « Lignes directrices nationales sur le recours à des agents d'escorte en cas de renvoi et sur les exigences de ces agents », datées du 12 janvier 2000. À la section C de ce document, on peut lire ce qui suit :

DéTERMINATION DU NOMBRE DES AGENTS D'ESCORTE

Les agents d'escorte peuvent comprendre des agents d'immigration, des agents de la GRC, d'autres policiers ou d'autres assistants temporaires appropriés désignés comme agents d'immigration, et ils devraient être affectés compte tenu des nécessités du service.

(C'est nous qui soulignons.)

[158]    Le second document (pièce G-13), intitulé « Lignes directrices de la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest sur l'escorte », se lit notamment comme suit :

[Traduction]

QUI EST AUTORISé À ASSUMER DES TÂCHES D'ESCORTE

L'escorte des personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi est normalement confiée à des agents d'exécution. C'est une tâche qui fait partie de la description de poste de ces agents, et la formation qu'on leur donne reflète cette responsabilité [...] Il peut arriver, dans de très rares circonstances, qu'un agent, autre qu'un agent d'exécution se fasse demander d'escorter quelqu'un. Le recours à d'autres personnes que les agents d'exécution ne sera approuvé que dans des circonstances exceptionnelles [...]

[C'est nous qui soulignons.]

[159]    Par suite du changement des lignes directrices, ni l'un ni l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés n'a été affecté à des tâches d'escorte après que ces documents eurent été promulgués et qu'ils eurent déposé leurs griefs. Les changements des lignes directrices ont précisé qui serait chargé des tâches d'escorte, comme le précise la description de poste des agents d'exécution datée du 30 août 2002 (pièce E-3). Dans ce même contexte, on a renoncé au principe en vertu duquel les agents régionaux d'immigration pouvaient escorter des personnes à l'UCR des grandes villes, où ces individus étaient confiés à un autre agent d'escorte. La nouvelle procédure prévoyait que l'agent d'escorte du bureau d'origine serait un agent d'exécution qui accompagnerait la personne renvoyée jusqu'à sa destination, quelle qu'elle soit.

[160]    À mon avis, les changements que l'employeur a apportés à ses procédures et qui font en sorte que les agents de l'Unité des admissions et ceux de l'Unité d'exécution auront des fonctions distinctes n'outrepassent absolument pas ses droits. L'article 7 de la LRTFP dispose en effet que :

La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

[161]    Les renvois exigeant une escorte sont des mesures résultant d'enquêtes, d'arrestations et de la préparation de documents par des agents de l'Unité d'exécution, ou de ces deux types de procédures. Les missions d'escorte peuvent commencer avant le début des heures normales de travail ou se prolonger au-delà d'elles. Il est possible aussi qu'elles puissent durer jusqu'à trois jours, de sorte que les agents d'escorte doivent passer un certain temps loin de leur bureau, auquel cas ils sont assujettis aux dispositions de la Directive sur les voyages du CNM. La décision que les fonctionnaires s'estimant lésés sont disponibles ou non pour être affectés à des missions d'escorte est du ressort de l'employeur. Néanmoins, les arguments avancés par l'employeur lui-même révèlent que, même si les missions d'escorte commencent pour la plupart pendant les heures de travail, ce n'est pas toujours le cas. Dans ses observations écrites (voir le paragraphe 107, supra, on peut lire ce qui suit : « Les missions d'escorte commencent pendant la journée de travail ». Or, on ne m'a ni démontré, ni convaincu que c'est toujours le cas. Il est clair que le nombre de missions d'escorte à l'étranger a nettement augmenté (pièce E-17), mais on n'a pas entièrement éliminé les missions d'escorte sur de plus courtes distances. Si les fonctionnaires s'estimant lésés ne sont pas facilement disponibles en semaine à cause des nécessités du service, qu'en est-il du vendredi soir ou de la fin de semaine? Il est certain que l'employeur ne peut pas prétendre que les nécessités du service empêcheraient les fonctionnaires s'estimant lésés de se faire offrir la possibilité de faire du travail supplémentaire dans ces situations. En outre, et même si déterminer les nécessités du service est du ressort exclusif de la direction, ce pouvoir ne peut pas être exercé de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Prétendre que tous les agents travaillant à l'Unité des admissions ne sont jamais disponibles pour accomplir des missions d'escorte simplement parce qu'ils travaillent du lundi au vendredi me semble vraiment arbitraire.

[162]    L'avocate de l'employeur a déclaré que les fonctionnaires s'estimant lésés ne sont pas disponibles, en soulignant l'augmentation du nombre de missions d'escorte à l'étranger qui nécessitent de longues absences de l'unité de travail. Je suis d'accord avec elle : les fonctionnaires s'estimant lésés pourraient ne pas être facilement disponibles dans ces conditions. Néanmoins, tant que l'employeur n'a pas déterminé les faits relatifs à une mission d'escorte donnée, il ne peut pas raisonnablement déterminer si les fonctionnaires s'estimant lésés sont disponibles ou non, ou si les nécessités du service ne seraient pas respectées s'il affectait les fonctionnaires s'estimant lésés à des fonctions d'escorte dans d'autres circonstances (c.-à-d. en fin de semaine et en soirée).

[163]    La convention collective ne s'applique pas seulement aux agents d'exécution de l'unité de travail, mais à tous les membres de l'unité de négociation, qui comprend bel et bien les agents d'immigration de l'Unité des admissions. Elle précise clairement que l'employeur est tenu de répartir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés facilement disponibles qui sont qualifiés. À mon avis, au moment où ils ont déposé leurs griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés étaient disponibles et qualifiés pour accomplir des tâches d'escorte.

[164]    Les fonctionnaires s'estimant lésés réclament le redressement suivant :

[Traduction]

1)       Que la Politique régionale sur l'escorte soit modifiée de façon que l'expression « agents d'exécution » englobe les autres agents qualifiés, sans renvoyer à leur description de poste.

2)       Qu'on offre aux agents qualifiés la possibilité d'accomplir des tâches d'escorte, par roulement.

[165]    En ma qualité d'arbitre de griefs, la LRTFP ne m'accorde pas le pouvoir de modifier une politique de l'employeur, comme je le ferais en ordonnant que la Politique régionale sur l'escorte soit modifiée. Je n'ai pas non plus compétence pour ordonner à l'employeur d'offrir aux fonctionnaires la possibilité d'accomplir des tâches d'escorte par roulement, en ce qui concerne le deuxième volet du redressement réclamé. La méthode de l'employeur pour déterminer comment les agents d'escorte sont affectés est de son ressort, mais je peux par contre déterminer si, dans son affectation de ces agents, l'employeur s'est efforcé autant que possible d'offrir de façon équitable du travail supplémentaire aux agents facilement disponibles qualifiés, pendant la période visée.

[166]    Or, la preuve a révélé que la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest a commencé à se charger intégralement de l'escorte des personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi pour une période pilote d'un an, à compter du 16 octobre 2000 et jusqu'en septembre 2001 (pièce E-9).

[167]    Comme l'employeur l'a déclaré dans ses observations, « C'est en tenant compte des implications de la Politique nationale (G-12) que la Région des Prairies et du Nord de CIC a réalisé un projet pilote de renvois (E-9). Après cette expérience, la région a publié ses Lignes directrices sur l'escorte (G-13) ».

[168]    M. Audia a participé à des missions d'escorte à partir de 1990, jusqu'à ce que les « Lignes directrices de la Région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest sur l'escorte » (pièce G-13) lui interdisent à toutes fins utiles de le faire à compter d'octobre 2000. M. Ferguson a témoigné que, depuis que la [traduction] « Note de service sur les opérations » énonçant la politique de l'employeur sur le recours à la force et le repli (pièce E-14) a été distribuée, le 5 juillet 1996, les agents ne sont pas autorisés à accomplir des tâches d'escorte à moins d'avoir une formation en tactiques de maîtrise par points de compression. Néanmoins, les pièces G-7 à G-10 prouvent que M. Audia a continué à participer à des missions de ce genre jusqu'au 10 juin 1999. M. Zelisko, qui avait ce que l'employeur considérait comme la formation appropriée, a participé à des missions d'escorte de novembre 1998 à octobre 2000, soit jusqu'au changement des lignes directrices.

[169]    Les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas les qualités requises pour s'acquitter de tâches d'exécution (plus précisément la formation en tactiques de maîtrise par points de compression qui est désormais une exigence à cette fin), ce qui signifie que l'employeur ne manque plus à l'article 25.08 de la convention collective.

[170]    Je conclus pourtant que l'employeur aurait pu avoir recours au service de MM. Audia et Zelisko jusqu'à ce que le rapport final et les lignes directrices soient officiellement autorisés, le 11 février 2002 (pièce G-13), sous réserve des nécessités du service et de l'obtention pour les fonctionnaires s'estimant lésés d'un passeport vert, des immunisations requises, de la formation en réanimation cardiaque et en premiers soins ainsi que du renouvellement du certificat de formation en tactiques de maîtrise par points de compression de M. Zelisko, ce qui aurait été parfaitement possible (et pas particulièrement coûteux) pour l'employeur.

[171]    Je laisse aux parties le soin de déterminer les heures supplémentaires que les fonctionnaires s'estimant lésés auraient pu travailler en étant affectés à des tâches d'escorte, en se basant sur la participation à des missions de ce genre de M. Audia entre le 29 octobre 1990 et le 10 juin 1999 ainsi que sur celle de M. Zelisko à de telles missions entre novembre 1998 et octobre 2000. Si elles le désirent, je leur offre l'aide des services de règlement des différends de la Commission.

[172]    Les sommes correspondantes seront payées par l'employeur aux deux fonctionnaires s'estimant lésés le plus tôt possible. Je demeure saisi de l'affaire, dans l'éventualité où les parties ne s'entendraient pas sur ces sommes.

[173]    Les griefs sont donc accueillis en partie.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 5 août 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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