Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Rémunération d'intérim - Exclusion des témoins - Délai- la fonctionnaire s'estimant lésée était vétérinaire, classifiée au niveau VM-01, et travaillait au bureau de St. Thomas - son superviseur était le vétérinaire de district, classifié au niveau VM-02, aussi au bureau de St. Thomas - lorsque ce dernier a pris sa retraite le 31 mars 1998, l'employeur a éliminé son poste et, par la suite, la fonctionnaire s'estimant lésée relevait du vétérinaire de district du bureau de London - le bureau de St. Thomas a été transformé en un bureau satellite - toutefois, l'employeur s'attendait à ce que le niveau de service offert par le bureau de St. Thomas demeure le même - en conséquence, la fonctionnaire s'estimant lésée a assumé bon nombre des fonctions auparavant assumées par le vétérinaire de district de St. Thomas, mais pas toutes - le 20 août 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé un grief dans lequel elle demandait une rémunération d'intérim au niveau VM-02 - l'employeur s'est objecté pour la première fois en arbitrage au délai de présentation du grief - l'arbitre a rejeté cette objection au motif que, en ne soulevant pas son objection sur le délai de présentation dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, l'employeur avait renoncé à son droit de s'objecter - l'employeur s'est objecté à la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée d'exclure les témoins au motif que, la crédibilité n'étant pas en jeu, l'exclusion des témoins n'était pas nécessaire - la fonctionnaire s'estimant lésée a allégué que des questions de crédibilité se poseraient sur l'exécution des fonctions - l'arbitre a accordé l'ordonnance d'exclusion parce qu'une partie alléguait que des questions de crédibilité se poseraient dans le cadre de l'audience - l'employeur s'est objecté également à la compétence de l'arbitre pour entendre et trancher le grief, puisque, en réalité, il se rapportait à la classification - l'arbitre a noté que l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) exclut la compétence d'un arbitre sur l'organisation de la fonction publique et la classification des postes, en l'absence d'une disposition dans la convention collective qui porte sur ces questions - l'arbitre a conclu que, s'il accordait la mesure de réparation demandée par la fonctionnaire s'estimant lésée, en supposant que la preuve établisse que cette dernière exécutait substantiellement les fonctions d'un employé de niveau de classification supérieur, cela aurait pour effet de renverser la décision de l'employeur de restructurer le bureau de St. Thomas - l'arbitre s'est dit d'avis que, s'il en arrivait à la conclusion que la fonctionnaire s'estimant lésée exécutait substantiellement les fonctions d'un employé classé au niveau VM-02, dans les faits, cela reviendrait à annuler la restructuration puisqu'il recréerait le poste de VM-02 qui avait été éliminé au bureau de St. Thomas, contrairement à l'article 7 de la LRTFP - défaut de compétence. Grief rejeté. Décisions citées : Afzal (166-2-19422); Stagg c. Canada, [1993] A.C.F. no 1393; Charpentier (166-2-26197 et 26198).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-05-09
  • Dossier:  166-32-31227
  • Référence:  2003 CRTFP 38

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARY CHADWICK
fonctionnaire s'estimant lésée

et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS
employeur

Devant :   Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Robert H. Jaworski, avocat


Affaire entendue à London (Ontario),
le 15 janvier 2003.
(Observations écrites déposées le 29 janvier ainsi que les 12 et 19 février 2003.)


[1] Le Dr Mary Chadwick est vétérinaire au bureau de St. Thomas (Ontario) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Son poste est classifié VM-01. Dans un grief daté du 20 août 2001, elle a protesté parce qu'elle avait exercé [traduction] « les fonctions de base d'une classification supérieure - VM02 - du 31 mars 1998 au 30 juillet 2001.... » Au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, on a rejeté son grief parce qu'on l'estimait redondant :

[Traduction]

J'estime que la question soulevée dans le grief est la même que dans votre [autre] grief, dans lequel vous déclariez qu'on ne vous avait pas fourni d'énoncé complet et à jour de vos fonctions, contrevenant ainsi à la clause E.1.01....

Questions préliminaires

[2] Le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée, Steve Eadie, a réclamé une ordonnance excluant les témoins. L'avocat de l'employeur, Robert Jaworski, s'est opposé à cette demande, en disant qu'il n'était pas question de contester la crédibilité de qui que ce soit, de sorte que l'exclusion des témoins n'était pas nécessaire. Me Jaworski s'est dit d'avis que la Commission accueillait généralement trop facilement les demandes d'exclusion des témoins. M. Eadie a maintenu quant à lui que des questions de crédibilité seraient soulevées concernant l'exécution des fonctions.

[3] Les arbitres de grief nommés en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) rendent régulièrement des ordonnances d'exclusion des témoins. Comme MM. Mitchnick et Etherington l'ont déclaré dans Leading Cases on Labour Arbitration, 5-5 :

[Traduction]

Tout comme les tribunaux, les arbitres rendent typiquement une ordonnance excluant les témoins à la demande de l'une ou l'autre des parties. Ces ordonnances d'exclusion ont pour objet de faire en sorte que les témoins ne soient pas influencés par les témoignages qui précèdent....

[4] En réponse à une objection analogue dans un cas de grief sur une question de rémunération provisoire, l'arbitre qui avait entendu l'affaire Afzal (dossier de la Commission 166-2-19422) avait conclu comme il suit :

. . .

Il faut garder à l'esprit que la Commission des relations de travail dans la fonction publique est un tribunal quasi judiciaire responsable de l'administration du régime de négociation collective et d'arbitrage des griefs établi en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le droit de la preuve et les règles de procédure n'y trouvent pas une application aussi stricte que devant les cours de justice. Néanmoins, l'arbitre a le devoir de respecter en tout temps les principes de la justice naturelle. En l'occurrence, le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire s'estimant lésé, qui allait témoigner en premier et demeurer dans la salle d'audience. À mon avis, il n'était pas indiqué que le « représentant technique » de l'employeur demeure dans la salle et entende le témoignage du fonctionnaire, d'autant que cette personne... était le principal témoin de l'employeur. Trancher autrement aurait été injuste envers le fonctionnaire et aurait en fait constitué un accroc à la justice naturelle.

[5] Dans cette affaire, puisqu'une partie allègue que les questions de crédibilité vont se poser à l'audience, il est opportun que la Commission rende une ordonnance d'exclusion.

[6] L'employeur a soulevé des objections préliminaires quant à la recevabilité du grief, à la compétence de l'arbitre pour l'entendre ainsi qu'à la portée de la preuve qui doit être entendue. J'ai déclaré aux parties que j'écouterais leurs arguments sur ces objectifs et que je réserverais ma décision à leur égard, en entendant le grief au fond.

[7] L'avocat de l'employeur a soulevé pour la première fois la question de la recevabilité du grief dans une lettre adressée à la Commission en date du 12 septembre 2002. Même s'il n'avait pas soulevé la question de la recevabilité au cours de la procédure de règlement des griefs, l'employeur se disait d'avis que le délai de présentation d'un grief était une condition exécutoire de la convention collective et que le temps écoulé portait intrinsèquement préjudice à l'employeur. Celui-ci estimait en outre que, pour qu'on puisse dire qu'il avait renoncé au respect du délai, sa renonciation devait être [traduction] « explicite ou expresse ». Son représentant m'a renvoyé à cet égard aux décisions rendues dans Stubbe (dossier de la Commission 149-2-114) et Bentley (dossier de la Commission 149-2-168).

[8] Le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a maintenu que le grief conteste une situation qui perdurait et que l'employeur avait tacitement acceptée, renonçant ainsi à son droit d'en contester la recevabilité. Sur la question de la recevabilité, il me renvoie aux décisions rendues dans deux affaires, Guillemette (dossier de la Commission 166-2-23827) et Sauvé (dossier de la Commission 166-2-26974).

[9] La jurisprudence sur la renonciation aux délais est claire. Il n'est pas nécessaire que la renonciation soit explicite ou expresse : il suffit qu'on y acquiesce (voir Mitchnick et Etherington, précité, 2.4.2, page 2-35). Dans cette affaire-ci, l'employeur n'a pas soulevé la question de la recevabilité avant que le grief n'ait été renvoyé à l'arbitrage. Je conclus donc qu'il est recevable.

[10] L'employeur a aussi contesté la compétence de l'arbitre en déclarant qu'il s'agit en l'occurrence d'un grief de classification et non d'un grief sur une question de rémunération provisoire. Le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'il s'agissait bel et bien d'une question de rémunération et non de classification, que l'employeur avait violé la convention collective et que le grief est donc arbitrable. Puisque rendre une décision sur la question de compétence nécessite un examen méticuleux de la preuve, je réserverai ma décision là-dessus jusqu'à ce que j'aie analysé la preuve qu'on m'a présentée.

[11] Me Jaworski a aussi déclaré que le grief du Dr Chadwick ne pouvait porter que sur la rémunération pour la période de 25 jours précédant le dépôt du grief, en se fondant sur l'affaire Canada (Office national du film) c. Coallier [1983] A.C.F. no 813 et sur la clause D6.09 de la convention collective pour étayer sa position. La position de l'employeur ne se limite pas aux mesures correctives demandées, toutefois. En effet, il estime que l'arrêt Coallier limite aussi la portée de la preuve qui peut être entendue aux faits survenus dans les 25 jours précédant le dépôt du grief.

[12] Il est préférable que les aspects relatifs aux mesures correctives de l'argumentation de l'employeur se limitent à sa dernière intervention. En ce qui concerne la portée de la preuve à présenter, Coallier ne peut pas justifier l'interprétation restrictive que seule la preuve concernant les activités des 25 jours précédant le dépôt d'un grief peut être produite. On ne peut pas s'attendre à ce qu'un ou une fonctionnaire dans son poste d'attache s'acquitte de toutes les fonctions figurant dans une description de poste - même de toutes les fonctions importantes - pendant une période de 25 jours seulement. Limiter la preuve aux fonctions exercées durant cette période relativement courte n'est pas juste pour les fonctionnaires dont on peut s'attendre qu'ils s'acquittent de toutes les fonctions d'un poste de niveau supérieur au leur. Il est donc important d'entendre une preuve portant sur tous les aspects du travail accompli.

[13] Trois témoins ont comparu, la fonctionnaire s'estimant lésée et un client de l'ACIA qui a témoigné pour elle, tandis que le Dr Janusz Tarkowski a témoigné pour l'employeur.

La preuve

[14] Le Dr Chadwick s'est jointe à Agriculture Canada (dans un service qui fait désormais partie de l'Agence canadienne d'inspection des aliments) en qualité de vétérinaire en octobre 1986; elle a travaillé au bureau de St. Thomas (Ontario) jusqu'à sa fermeture, le 30 septembre 2001. Ce bureau desservait le comté d'Elgin. Le Dr Chadwick est actuellement affectée au bureau de London, quoiqu'elle soit encore responsable du comté d'Elgin.

[15] Jusqu'au 31 mars 1998, il y avait quatre personnes au bureau de St. Thomas. Le Dr Ted Gough était le vétérinaire de district, classifié VM-02. Le Dr Chadwick relevait de lui en sa qualité de VM-01. Il y avait aussi un inspecteur des produits primaires, Bill Walker, et une commis, Elaine Moyse.

[16] Durant les 12 années qu'elle a passées sous la supervision du Dr Gough, la fonctionnaire a témoigné qu'il était [traduction] « absolument en charge » du bureau. Il organisait les activités quotidiennes, donnait les instructions et participait à toutes les décisions difficiles. Il vérifiait le travail du Dr Chadwick, prenait connaissance de ses rapports et faisait toujours des commentaires sur tous ses rapports écrits.

[17] Le 31 mars 1998, le Dr Gough a accepté une indemnité de départ, de sorte qu'il ne restait plus que trois personnes au bureau de St. Thomas. Le Dr Chadwick a été chargée de diriger le fonctionnement du bureau au jour le jour, notamment en assignant ses tâches à M. Walker, l'inspecteur des produits primaires, et en établissant les priorités du bureau, dans l'ensemble.

[18] Le Dr Bruce Green, basé au bureau de London, a assumé les responsabilités de vétérinaire de district du comté d'Elgin; il est devenu le superviseur immédiat du Dr Chadwick (voir l'organigramme, pièce G-4). D'après la fonctionnaire s'estimant lésée, il était physiquement impossible pour lui de superviser simultanément les bureaux de St. Thomas et de London. Elle a témoigné en avoir discuté avec le Dr Green, qui avait reconnu ne pas pouvoir être aux deux bureaux en même temps. Elle a déclaré qu'il ne lui donnait pas vraiment d'instructions, mais s'attendait à ce qu'elle fasse le nécessaire pour que le bureau fonctionne. En contre-interrogatoire, elle a déclaré qu'on n'avait pas officiellement reconnu son statut d'intérimaire et qu'elle ne s'était pas fait expressément enjoindre de s'acquitter de tâches de VM-02.

[19] Le Dr Green n'a pas témoigné à l'audience. Toutefois, la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé en preuve des courriels datés du 30 août et du 30 octobre 2001 adressés par le Dr Bruce Green au Dr Janusz Tarkowski, en réponse à des questions sur les fonctions de l'intéressée (pièces G-21 et G-22). Normalement, ce ouï-dire n'aurait qu'une valeur limitée puisqu'il a été produit après le dépôt du grief et qu'il pourrait être préjudiciable à la fonctionnaire s'estimant lésée. Néanmoins, étant donné que c'est elle-même qui a déposé ces courriels en preuve et que l'employeur ne s'y est pas opposé, ils sont à la fois pertinents et admissibles.

[20] Dans le premier courriel adressé au Dr Tarkowski, le gestionnaire des inspections pour la Région du sud-ouest, daté du 30 août 2001 (pièce G-21), le Dr Green a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

. . .

Oui, je passe la plus grande partie de mon temps (>90 %) au bureau de London. Je ne peux pas être à deux endroits en même temps, de sorte qu'une grande partie des responsabilités quotidiennes incombent bel et bien à Mary

[le Dr Chadwick], par exemple en ce qui concerne la question de savoir ce qui se fait à quel moment et à quel endroit, les priorités, etc. De temps en temps - pas souvent - Mary me consulte sur des situations et des événements inhabituels, etc., mais probablement pas plus qu'un VM-2 de la région le ferait pour avoir mon opinion. Je signe les demandes de congé et j'autorise le paiement des factures. Leur budget [celui du bureau de St. Thomas] est inclus dans celui du bureau de London, dont j'ai la responsabilité, et les données du SGR me sont envoyées pour vérification.

Il n'y a pas assez de travail à St. Thomas pour deux vétérinaires, je pense que nous serions tous d'accord là-dessus. C'est probablement pour cette raison qu'on a offert une indemnité de départ au Dr Gough.

. . .

[21] La description de poste de vétérinaire de district VM-02 ressemble sur bien des points à celle d'un vétérinaire VM-01. En fait, il y a beaucoup de recoupements entre les deux.

[22] Le sommaire de la description de poste de vétérinaire de district (VM-02) se lit comme il suit :

[Traduction]

Sous la direction d'un superviseur régional des vétérinaires, gérer l'exécution du Programme de santé des animaux dans le district; participer à l'administration des ressources consacrées au Programme de santé des animaux; être le premier point de contact avec l'industrie de l'élevage; appliquer ses connaissances et ses compétences en médecine vétérinaire dans l'exécution du Programme de santé des animaux; appliquer la législation; superviser du personnel et remplir d'autres fonctions connexes.

[23] Le résumé de la description de poste d'un vétérinaire VM-01 se lit pour sa part comme il suit :

[Traduction]

Sous la direction du vétérinaire de district, appliquer ses connaissances et ses compétences en médecine vétérinaire pour l'exécution du Programme de santé des animaux; superviser l'activité technique des inspecteurs et des vétérinaires agréés; communiquer avec les membres de l'industrie du bétail, les autres organismes et le public, appuyer les activités de gestion des ressources dans le district, appliquer la législation et s'acquitter d'autres fonctions.

[24] La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que, dans sa journée de travail typique, elle est responsable de toutes les activités quotidiennes du bureau, ce qui comprend la planification et la correction du travail ainsi que les rapports avec les clients et le public. Elle donne des instructions à Mme Moyse dans son travail, et elle en donnait aussi à M. Walker jusqu'à ce qu'il quitte le bureau, à la mi-août 1998. Elle a aussi témoigné qu'elle est considérée par la communauté comme la personne avec qui communiquer en cas de problèmes ou de difficultés.

[25] Hardy Shore a témoigné pour la fonctionnaire s'estimant lésée, en disant comment il percevait son rôle au bureau de St. Thomas en tant que client. M. Shore est le président d'une entreprise d'exportation de bétail, Shore Holsteins, basée dans le comté d'Elgin. Sa compagnie exporte quelque 5 000 têtes de bétail par année dans plus de 62 pays. Il a témoigné que les affaires « s'étaient poursuivies comme d'habitude » après le départ du Dr Gough et que le Dr Chadwick est considérée par sa compagnie comme la vétérinaire de district. Il a écrit pour la fonctionnaire s'estimant lésée une lettre datée du 8 août 2002 (pièce G-5) qui se lit en partie comme il suit :

[Traduction]

. . .

Le Dr Ted Gough était le vétérinaire de district du bureau de St. Thomas jusqu'en mars 1998. Depuis, le Dr Mary Chadwick est la seule vétérinaire de ce bureau et nous avons eu beaucoup de rapports avec elle. À notre avis, elle a assumé entièrement le rôle du Dr Gough. Il ne fait aucun doute qu'elle est la première personne à contacter dans nos relations d'affaires avec l'ACIA. Nous ne communiquons avec le bureau de London que si elle n'est pas là.

Depuis le départ à la retraite du Dr Gough, le Dr Chadwick est considérée par notre entreprise comme la vétérinaire de district du comté d'Elgin.

[26] En contre-interrogatoire, M. Shore a reconnu qu'il ne connaît pas bien les procédures applicables aux nominations intérimaires de l'ACIA et qu'il n'a pas qualité pour commenter les procédures internes qu'on emploie à cette fin.

[27] Dans son témoignage, le Dr Chadwick a passé en revue la description de poste d'un vétérinaire de district (VM-02). Pour ce qui est de « gérer l'exécution » du programme, elle a déclaré être la seule personne de l'ACIA dans le comté d'Elgin qui gère la prestation de services. Quant à « participer à l'administration des ressources consacrées au Programme de santé des animaux » de la Région, elle a dit qu'elle ne s'acquitte pas de la totalité de ces tâches, mais qu'elle en exerce une partie. Elle a déclaré être « le premier point de contact » dans le comté d'Elgin. Elle a aussi affirmé qu'elle [traduction] « applique ses connaissances de la médecine vétérinaire » ainsi que « la législation ». Enfin, dans son témoignage, elle a déclaré assurer la plus grande partie de la supervision du personnel.

[28] La fonctionnaire s'estimant lésée est ensuite passée à chacun des sept éléments de la description de poste d'un VM-02, dont le premier paragraphe stipule que :

[Traduction]

Sous la direction d'un superviseur régional des vétérinaires [...] le vétérinaire de district est responsable de l'exécution du Programme de santé des animaux de la Direction dans le district.

[29] Le Dr Chadwick a passé en revue chacune des composantes de ce paragraphe, en déclarant que son rôle consistait à planifier ce qui se faisait et quand cela se faisait aussi bien à court terme qu'à long terme. Avant le départ du Dr Gough, c'est lui qui était responsable des programmes comme celui de la politique des ongulés sauvages en captivité, qui déterminait quelles hardes devaient être examinées et quand l'examen devait avoir lieu. Tous les problèmes relatifs au programme étaient discutés avec lui. Après son départ, cette responsabilité est retombée sur elle.

[30] La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné diriger les activités quotidiennes en assignant les tâches et en réagissant directement aux problèmes et à toutes les crises. Elle a donné l'exemple d'une crise relative aux permis d'exportation. Dans une situation de crise comme celle-là, le client lui téléphone directement et s'attend à ce qu'elle règle le problème. Dans l'exemple qu'elle a donné, elle a témoigné avoir traité directement avec le Dr Holmwood, un VM-03, en partant du principe que la compétence qu'elle avait de résoudre le problème incombait à son poste. Elle n'avait pas communiqué avec le Dr Green, parce qu'elle n'avait pas besoin de le faire.

[31] Le Dr Chadwick entend régulièrement les rapports de ses subordonnés. Elle veille aussi à réduire les [traduction] « déviations par rapport à la norme des activités des programmes en déterminant la cause de la déviation, puis en prenant les mesures appropriées pour que la prestation recommence à être assurée conformément à la norme établie », en ajustant sa charge de travail et en réorganisant les priorités quotidiennes. À cet égard, elle a donné l'exemple d'un problème qui s'était produit dans un cas d'importation de moutons.

[32] En ce qui concerne la gestion des ressources humaines et financières, le Dr Chadwick a témoigné avoir dû déterminer quels appels devaient être pris et par qui. Après le départ de M. Walker, elle a dû déterminer si elle pouvait se charger de l'appel ou si elle devait faire venir quelqu'un d'un autre bureau de district pour s'en charger. Elle a dû constamment s'assurer qu'il y ait quelqu'un au bureau et que quelqu'un fasse le travail.

[33] Le deuxième paragraphe (ou élément) de la description de poste d'un VM-02 exige que le titulaire participe à l'administration du Programme de santé des animaux de la Région en contribuant aux activités financières régionales par son appui du processus de budgétisation, de suivi et de contrôle de l'utilisation des ressources financières, en s'assurant que les rapports sur le fonctionnement du système des ressources opérationnelles soient produits et en déterminant les besoins d'heures supplémentaires, ainsi qu'en obtenant les autorisations nécessaires à cet égard. Cet élément des tâches d'un VM-02 représente 5 % du temps du titulaire.

[34] C'est la commis, Elaine Moyse, qui préparait le budget du bureau, bien que le Dr Chadwick ait témoigné le connaître très bien. Elle a aussi déclaré que c'était elle qui devait en définitive décider si le bureau avait le nécessaire pour faire son travail, et qu'elle donnait les instructions à cette fin à la commis. En contre-interrogatoire, elle a déclaré que Mme Moyse présentait ses propres dossiers dans le Système de gestion des ressources et que le Dr Green combinait tout ce qu'on lui soumettait. Elle a affirmé décider elle-même quand elle devait faire des heures supplémentaires, sans demander l'autorisation de le faire. C'est le Dr Green qui approuvait les heures supplémentaires et les congés de Mme Moyse.

[35] Le troisième paragraphe (ou élément) de la description de poste d'un VM-02 décrit un rôle de supervision d'une équipe de subordonnés composée de vétérinaires, d'inspecteurs et de commis, en établissant des objectifs, des buts et des plans de travail, en faisant le suivi et l'évaluation du rendement, en assurant la formation et le recyclage, en amorçant les procédures disciplinaires (en donnant des conseils ou des réprimandes verbales ou en recommandant des mesures disciplinaires plus sévères), en recommandant les congés et le paiement des autres avantages au superviseur régional des vétérinaires et en supervisant le travail des vétérinaires agréés.

[36] Bien que la commis du bureau, Mme Moyse, ait de longs états de service et qu'elle n'avait par conséquent pas besoin de beaucoup de supervision directe, la responsabilité ultime de son travail incombait au Dr Chadwick. Il n'y avait pas d'évaluations en bonne et due forme du rendement du personnel, mais le Dr Chadwick a témoigné que, si n'importe quel employé du bureau de St. Thomas avait eu un problème de rendement, elle se serait senti tenue de lui en parler et de corriger le problème. Elle a effectivement fait former et recycler la commis pour qu'elle maîtrise des programmes comme le Programme national d'identification du bétail.

[37] Il n'y a pas eu de problèmes disciplinaires au bureau durant la période pertinente. Le Dr Chadwick a témoigné que, s'il y avait eu un problème d'arrivée au travail en retard, par exemple, ç'aurait été à elle d'intervenir pour le régler. Elle se serait aussi sentie obligée de le noter par écrit; ensuite, elle en aurait parlé avec quelqu'un d'autre, peut-être le Dr Green.

[38] Le Dr Chadwick a témoigné être le premier point de contact des vétérinaires agréés et être responsable de les informer de l'évolution des politiques et des procédures de l'ACIA.

[39] Le quatrième paragraphe (ou élément) de la description de poste d'un VM-02 précise que le titulaire est le principal point de contact avec la clientèle de l'industrie du bétail et avec les autres clients ayant besoin de services. Le Dr Chadwick a témoigné être le principal point de contact avec cette industrie et avec les organismes provinciaux et fédéraux dans le comté d'Elgin. Elle était aussi chargée de répondre aux demandes de renseignements du public et de la clientèle industrielle, ainsi que des interventions visant à régler les malentendus. Elle a donné un exemple de malentendu, en disant comment il avait été réglé, et elle a précisé à cet égard qu'elle avait traité directement avec des vétérinaires VM-03 de Guelph sans passer par le Dr Green.

[40] Le cinquième paragraphe (ou élément) de la description de poste d'un VM-02, qui prend 60 % du temps du titulaire, recoupe largement l'élément correspondant de la description de poste d'un VM-01. La preuve s'est donc concentrée sur les fonctions d'un VM-02 qui ne figurent pas dans la description de poste d'un VM-01.

[41] Lorsqu'il s'agit de verser des indemnités dans le cadre de divers programmes d'éradication des maladies, les VM-01 sont autorisés à payer jusqu'à 15 000 $ à une personne, tandis que les VM-02 peuvent autoriser des paiements d'au plus 35 000 $. (Au cours de la période en question, il n'y a eu aucun paiement effectué dans le cadre de ces programmes.)

[42] Le Dr Chadwick a aussi témoigné avoir établi et maintenu un plan d'intervention d'urgence pour juguler les maladies, en plus de tenir à jour un ensemble complet de manuels de procédures.

[43] Le dernier paragraphe de la description de poste d'un VM-02 regroupe diverses autres fonctions connexes, notamment la participation à la défense contre les procédures au civil, la participation comme membre à l'équipe d'intervention d'urgence de la Région en cas de maladie et la responsabilité de la réalisation de projets spéciaux. Le Dr Chadwick a témoigné qu'on lui avait demandé d'être membre de l'équipe d'intervention en cas d'urgence, mais qu'elle avait dû refuser en raison de sa charge de travail.

[44] Le Dr Chadwick a témoigné que la fréquence de ses contacts avec le Dr Green variait. Au début, il passait au bureau à peu près une fois par semaine, habituellement en fin de journée. Ils parlaient très peu des affaires en cours; leurs conversations portaient généralement sur des généralités. Le Dr Green signait souvent des formules de demande de congé, ainsi que toutes les factures à payer. Par la suite, le Dr Chadwick a passé une longue période sans le voir. Entre août 2000 et janvier 2001, elle n'a eu qu'une conversation téléphonique par-ci par-là avec lui. Le Dr Green passait au bureau soit quand elle n'était pas là, soit après les heures de travail, pour signer des documents.

[45] Le Dr Janusz Tarkowski a témoigné pour l'employeur. Il est le gestionnaire de l'inspection (VM-03) des Opérations de l'Ontario pour la Région du sud-ouest et il est basé à Guelph. Ses fonctions comprennent la supervision de l'exécution des programmes dans la région, la responsabilité des ressources humaines et de l'administration financière ainsi que la supervision des VM-02.

[46] Le Dr Tarkowski n'a pas eu beaucoup de contacts directs avec le Dr Chadwick étant donné que la plus grande partie de ses contacts ont eu lieu avec le superviseur de l'intéressée, le Dr Green. L'information sur laquelle il s'est basé dans sa décision de rejeter le grief au premier palier (pièce E-3) lui est venue de ses discussions avec le Dr Green, de ses échanges de courriels avec le Dr Green, et de ses observations des relations hiérarchiques.

[47] Dans un courriel daté du 30 octobre 2001, le Dr Green répondait aux questions du Dr Tarkowski sur les fonctions et les responsabilités du Dr Chadwick (pièce G-22):

[Traduction]

. . .

  1. Le [Dr Chadwick] est-elle responsable des vétérinaires agréés? Si oui, dans quelle mesure (vérification, formation, etc.)?

    Oui, elle est responsable de la formation, des vérifications, de l'observation, etc. - mais sa situation en cela n'est pas différente de celle de mes VM-01 de London qui sont seuls responsables des vétérinaires agréés du comté de Middlesex (je leur ai délégué cette fonction).

  2. Prend-elle des dispositions pour que d'autres personnes fassent le travail au besoin? Si oui, dans quelle mesure est-elle responsable de l'établissement des délais et de l'assignation des tâches, ainsi que de la rétroaction sur le rendement? Le faisait-elle pour Bill? Est-elle responsable de la CR? La CR relève-t-elle d'elle ou de vous?

    Objet : Bill Walker - Le Dr Gough l'a supervisé à peu près jusqu'en mars 1998, quand j'ai pris la relève - Bill est en congé de maladie depuis août 1998 - je l'ai donc supervisé pendant à peu près cinq mois, au cours desquels Mary aurait été responsable jusqu'à un certain point de ses activités quotidiennes chaque fois que je n'étais pas présent, autrement dit, la plupart du temps.

    Objet : Elaine Moyes - Elle relève de moi, mais, quand je ne suis pas là, Mary est la fonctionnaire la plus haut gradée du bureau - Elaine travaille assez indépendamment et une grande partie du travail n'a pas changé au cours de ses 30 années comme commis - autrement dit, elle est responsable du service téléphonique, des statistiques, de la vérification des tableaux d'exportation soumis par les vétérinaires agréés, de la préparation des tableaux d'exportation pour nous, des opérations bancaires, des fournitures, etc. - sous cet aspect, il n'y a pas beaucoup de supervision directe ni d'instructions sur ce qu'il faut faire au jour le jour qui s'imposent - je suis responsable de signer les factures et les demandes de congé, de vérifier les inscriptions au SGR, les calculs budgétaires et les statistiques.

    Objet : Rétroaction sur le rendement, p. ex. RÉÉR - Mary ne fait pas d'évaluations en bonne et due forme du rendement; toutefois, si un problème se posait au bureau de St. Thomas, Mary et Elaine se parleraient pour arriver à une solution faisable, ou elles me demanderaient d'intervenir - ce qui n'est jamais vraiment arrivé.

  3. Mary est-elle responsable de la révision des rapports et de l'analyse de l'information, du suivi des tendances, des recommandations sur les mesures à prendre, etc.?

    Les seuls rapports qui sortiraient du bureau que Mary analyserait seraient les siens (au meilleur de ma connaissance). En ce qui concerne les rapports qui lui sont présentés, elle serait essentiellement responsable de leur interprétation et de leur application.

  4. Mary participe-t-elle à la planification du travail (pas seulement pour elle-même, mais aussi pour le bureau de district)?

    Du point de vue du SGR, le plan de travail du bureau de St. Thomas est combiné depuis plusieurs années avec celui du bureau de London (parce que je supervise les deux); je suis responsable de la préparation du plan de travail combiné et de son exécution. C'est la même chose pour le budget.

  5. Dans une situation « hors de l'ordinaire » - exigeant une enquête plus approfondie, l'identification des problèmes et celle des solutions ainsi que la détermination des moyens de les appliquer - tire-t-elle tout au clair elle-même ou est-elle censée faire intervenir le VM-2? Si elle est censée communiquer avec le VM-2, le fait-elle? Est-ce faisable (compte tenu de la distance, de la charge de travail, etc.)?

    Mary m'informe des situations « inhabituelles », mais elle le fait souvent par simple courtoisie - comme la plupart d'entre nous le feraient avec leurs superviseurs; à l'occasion, elle me demande conseil sur une situation particulière, mais pas plus qu'un autre vétérinaire de district ne discuterait d'une situation avec moi pour obtenir mon opinion et mes recommandations - je ne me rappelle pas de scénarios où j'ai dû intervenir et prendre les choses en main parce qu'elle était incapable de s'en charger.

  6. Dans son travail, Mary va-t-elle au-delà de l'application des méthodes et des techniques établies pour élaborer des méthodes et des techniques afin d'atteindre les objectifs désirés?

    Je ne suis pas sûr de comprendre à quoi vous voulez en venir ici, mais, quand on est le seul fonctionnaire sur le terrain, on doit décider comme elle le fait si l'on a besoin d'aide ou si l'on peut s'en tirer tout seul - dans la très grande majorité des cas, elle s'arrange toute seule.

[48] Le Dr Tarkowski s'est aussi fondé sur le fait que, dans l'organigramme, le Dr Chadwick relève du Dr Green. À son avis, comme le Dr Green est un VM-02 et qu'il a conservé les responsabilités de ce niveau, le Dr Chadwick n'exerce pas les fonctions d'un VM-02. Quand il doit concevoir une nouvelle politique pour l'ACIA, le témoin s'adresse directement au vétérinaire de district, le Dr Green, pour avoir son avis. Par conséquent, le Dr Chadwick ne s'acquittait pas des fonctions d'un VM-02 en ce qui concerne la gestion de l'exécution du programme.

[49] Les contacts directs entre les VM-01 et les responsables des programmes (VM-03) sont très courants d'après le Dr Tarkowski. Le vétérinaire de district n'est pas nécessairement un expert dans tous les domaines, de sorte qu'il lui arrive souvent de devoir consulter les spécialistes des programmes. Les VM-01 travaillent vraiment indépendamment et n'ont pas besoin de supervision au jour le jour.

[50] Le Dr Tarkowski a aussi témoigné que la gestion des ressources financières et humaines relevait directement du Dr Green et que le Dr Chadwick n'était pas censée superviser d'autres fonctionnaires. Les commis travaillent aussi vraiment indépendamment et n'exigent que très peu de supervision quotidienne. Les questions disciplinaires relèvent du vétérinaire de district.

[51] Le Dr Tarkowski a témoigné qu'il existe une procédure normalisée de nomination de quelqu'un par intérim, quand la personne intéressée doit exercer des fonctions intérimaires sur une assez longue période, et que cette procédure comprend un avis ou un courriel (pièce E-1). Les fonctionnaires peuvent aussi signer une formule d'affectation par intérim attestant qu'ils acceptent une telle affectation. En l'espèce, le Dr Chadwick n'a pas signé cette formule et ne s'est pas non plus fait enjoindre d'accomplir des tâches supplémentaires. En contre-interrogatoire, on lui a demandé s'il était possible pour des fonctionnaires de cesser de s'acquitter de tâches de VM-02 si la direction n'était pas disposée à payer quelqu'un pour le faire, et elle a répondu que c'était le cas en théorie, mais que, dans la pratique, les clients se retrouveraient « laissés pour compte ». Elle a témoigné être incapable de se mettre dans une situation où elle devrait refuser des services aux clients.

[52] Le Dr Tarkowski a déclaré que le Dr Chadwick s'était fait refuser la rémunération provisoire en raison de la nature de ses rapports hiérarchiques et du fait qu'elle ne gérait pas les ressources financières ou humaines. En outre, il a témoigné qu'elle ne s'était fait jamais demander de s'acquitter des fonctions d'un VM-02.

[53] Le Dr Green avait donné sa lecture de la situation et proposé des solutions dans un courriel qu'il avait adressé au Dr Tarkowski le 30 août 2001 (pièce G-21), en ces termes :

[Traduction]

. . .

Je pense que ces circonstances justifient une des deux solutions suivantes, soit de déclarer les postes VM 02 en lançant un concours pour les doter, soit de regrouper les bureaux de façon qu'il y ait quelqu'un sur place la plupart du temps pour assurer la supervision directe.

. . .

[54] Le Dr Tarkowski a déclaré estimer que le Dr Green exprimait une opinion personnelle et qu'il était libre d'exprimer ses opinions sur le bureau de St. Thomas.

Arguments

[55] La Commission a reçu les arguments écrits des parties et les a versés au dossier. Je les ai condensés et résumés dans les pages qui suivent.

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[56] Ce grief n'est pas une demande de reclassification. Il s'agit ici d'une violation de la clause G1.08 (Rémunération provisoire) de la convention collective. La fonctionnaire s'estimant lésée veut être rémunérée conformément à la convention collective. Par conséquent, la question à trancher est relativement simple : le Dr Chadwick a-t-elle satisfait aux conditions de la convention collective en exerçant les fonctions de base d'un poste de VM-02 durant la période visée par le grief?

[57] Dans la pratique, comment est-il possible de déterminer si le Dr Chadwick s'est acquittée des fonctions de base d'un VM-02? C'est sur les descriptions de poste qu'il faut se fonder. Les fonctions ou les tâches qu'on s'attend de voir accomplir par un VM-02 sont clairement décrites dans la description de poste du VM-02, tandis que celles auxquelles on s'attend d'un VM-01 le sont clairement aussi dans la description de poste de ce niveau. Il semble clair que les facteurs permettant de distinguer les fonctions qu'un VM-01 est tenu d'exercer de celles qu'on exige d'un VM-02 devraient figurer dans la liste de leurs fonctions respectives.

[58] Il y a de nombreux éléments similaires dans ces descriptions de poste puisque de nombreuses fonctions sont partagées. Bien qu'à peu près 60 % des fonctions énumérées dans les descriptions de poste soient similaires, le libellé est toujours différent, et il y a plus de pouvoirs délégués dans la description de poste du VM-02. L'emploi du mot [traduction] « préparer » dans la description de poste d'un VM-02 en est un bon exemple, parce qu'on trouve plutôt le mot [traduction] « contribuer » dans celle d'un VM-01. Ce recoupement reconnu nous permet de nous concentrer sur les points qui diffèrent, à savoir la gestion de l'exécution du Programme de santé des animaux, à laquelle les titulaires consacreraient 10 % de leur temps, l'administration, à laquelle ils en consacreraient 5 %, la supervision, qui en prendrait 5 %, et quelques aspects critiques des tâches consistant à être le premier point de contact et à assurer la prestation des services.

[59] Il est intéressant aussi de prendre note tant de ce qui ne figure pas dans la clause pertinente de la convention collective que de ce qui y figure. Dans la liste des conditions précisées à la clause G1.08, il n'est pas dit qu'on ne peut pas toucher de rémunération provisoire au niveau VM-02 s'il y a une autre personne au même niveau à son bureau ou près de son bureau, voire qu'on ne peut pas toucher de rémunération provisoire au niveau de quelqu'un dont on est censé relever d'après l'organigramme. En fait, cette clause est muette quant aux rapports hiérarchiques et aux exigences administratives de signature dans les cas d'une affectation par intérim.

[60] Il est impossible de déterminer à quel niveau hiérarchique quelqu'un fonctionne sur une base quotidienne en étudiant les relations hiérarchiques ou les organigrammes. Un organigramme peut être utile pour montrer comment les choses fonctionnent sur le plan administratif, mais ce n'est pas un instrument pratique pour déterminer qui s'acquitte effectivement de quelles tâches dans une organisation. Par exemple, rien dans l'organigramme produit par l'employeur n'écarterait la possibilité qu'un ou une VM-01 quelconque (en occurrence le Dr Chadwick) exerce les fonctions d'un VM-02.

[61] L'existence d'un [traduction] « Certificat de nomination intérimaire » (pièce E-1) n'empêche pas les fonctionnaires d'exercer sur une base quotidienne les fonctions d'une qualification supérieure. Le seul fait qu'une fonctionnaire n'a pas été officiellement reconnue comme travaillant à un niveau de classification supérieur ne signifie pas que cela ne s'est pas produit; en fait, c'est sur cette question de reconnaissance que le grief repose.

[62] Ce grief porte sur la rémunération, et plus précisément sur le fait de savoir si le Dr Chadwick a été rémunérée comme il se devait pour des fonctions qu'elle exerçait effectivement sur une base quotidienne. La jurisprudence est claire : un grief portant sur une question de rémunération provisoire est différent d'un grief sur une question de classification, les décisions rendues dans Shearer (dossier de la Commission 166-32-31151) et dans Stagg c. Canada (Conseil du Trésor) (1993) 71 F.T.R. 307 le confirment.

[63] Le Dr Chadwick a été un témoin crédible, qui n'a jamais tenté d'exagérer. Elle a rendu un témoignage précis sur les fonctions qu'elle a régulièrement exercées dans son travail depuis mars 1998. Elle a ouvertement admis quelles étaient les fonctions qu'elle n'exerçait pas. Elle a expliqué pourquoi elle avait fini par déposer son grief quand elle l'a fait. Ses dires sont restés cohérents en contre-interrogatoire.

[64] Dans son témoignage, le Dr Chadwick a clairement affirmé être responsable du bureau et de l'exécution du Programme de santé des animaux dans le comté. Elle travaillait indépendamment, sans aucune supervision. À un certain moment, elle n'a même eu aucun contact pendant cinq mois avec celui qui était en théorie son superviseur. Elle faisait de la planification aussi bien à court terme qu'à long terme, établissait les priorités et s'occupait des déviations par rapport au plan de travail, supervisait dans la mesure nécessaire les vétérinaires agréés, le gestionnaire des inspections quand il était là et le personnel de soutien. Elle réglait les différends et les crises par elle-même, sans consulter son superviseur théorique. Il était clair qu'elle faisait le travail dont était auparavant chargé le Dr Gough, un VM-02, en tant que vétérinaire responsable du bureau.

[65] Dans son témoignage, le Dr Tarkowski s'est montré bien loin des fonctions quotidiennes que le Dr Chadwick exerçait. Il a admis ne pas savoir vraiment quelles fonctions l'intéressée accomplissait au bureau de St. Thomas. S'il ne savait pas ce qu'elle faisait là, comment pourrait-il être capable de juger si elle exerçait les fonctions d'un VM-02? Au mieux, son témoignage pourrait être qualifié d'hypothétique.

[66] Le Dr Tarkowski a toutefois demandé des renseignements au Dr Green sur le grief du Dr Chadwick. Quand il a été interrogé en contre-interrogatoire au sujet de la pièce G-21, le Dr Tarkowski a dit n'avoir jamais fait de suivi auprès du Dr Green sur ce que celui-ci avait répondu à sa demande d'information; sa réponse au grief en date du 15 octobre 2002 (pièce E-3) le laisse clairement entendre. Il n'a tenu compte d'aucun des points avancés par le Dr Green; en fait, il a fait fi de l'essentiel du message qui figurait dans le courriel de ce dernier (pièce G-21).

[67] Dans ces conditions, il faut vraiment se demander pourquoi l'employeur a décidé de ne pas faire témoigner le Dr Green. Cette décision était fondée sur la certitude que le Dr Green aurait confirmé que le Dr Chadwick exerçait les fonctions d'un VM-02. Un arbitre devrait donc tirer une déduction négative du fait que l'employeur n'a pas fait convoquer le Dr Green comme témoin et qu'il n'a pas profité de cette occasion de contester le témoignage du Dr Chadwick.

[68] La pièce G-21 laisse entendre que le Dr Green corrobore le témoignage du Dr Chadwick en ce qui concerne l'établissement des priorités et la responsabilité du bureau. Elle confirme certainement que la fonctionnaire s'estimant lésée était considérée par le Dr Green comme un de ses pairs plutôt que comme une subordonnée, puisque le Dr Green a déclaré que le Dr Chadwick ne le consultait [traduction] « pas plus qu'un VM-2 de la région le ferait pour avoir [son] opinion . Le Dr Green était convaincu que le Dr Chadwick fonctionnait en tant que VM-02. Il a sûrement dû penser qu'elle assumait le rôle d'un VM-02, ou il n'aurait pas éprouvé le besoin de proposer des solutions pareilles.

[69] La décision de l'employeur de ne pas faire témoigner le Dr Green signifie que, puisque le Dr Tarkowski a admis ne pas savoir quelles fonctions le Dr Chadwick exerçait, aucune preuve directe ne contredit le témoignage de l'intéressée.

[70] Dans Bégin et autres (dossiers de la Commission 166-2-18911 à 18917), l'arbitre s'est fondé sur la prépondérance des probabilités pour conclure que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient exercé par intérim les fonctions d'un niveau supérieur. Les faits ne sont pas les mêmes qu'en l'espèce, mais l'arbitre avait conclu que les intéressés consacraient 70 % de leur temps à s'acquitter des fonctions d'une classification supérieure.

[71] Un examen exhaustif de la preuve produite en l'espèce révèle manifestement que la fonctionnaire s'estimant lésée a exercé au moins 70 % des fonctions du poste de VM-02, autrement dit ses fonctions de base, décrites dans la traduction française comme « une grande partie » (a great part en anglais). Dans Beaulieu (dossier de la Commission 166-2-28982), l'arbitre avait conclu que la jurisprudence établissait que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas besoin de s'acquitter de toutes les fonctions d'une classification supérieure pour toucher une rémunération d'intérim; il s'était plutôt fondé sur l'indépendance des postes.

[72] La même logique devrait s'appliquer en l'espèce. La prépondérance des probabilités du témoignage rendu par le Dr Chadwick (dont une grande partie a été confirmée par le Dr Tarkowski) démontre que la fonctionnaire s'estimant lésée ne faisait pas que travailler toute seule dans son comté, mais qu'elle le faisait aussi indépendamment. Elle était responsable de la planification, de l'établissement des priorités, du règlement des différends et des crises. Elle était ni surveillée, ni supervisée. Elle était responsable de l'exécution du Programme de santé des animaux dans le comté d'Elgin. C'est notamment de cette façon qu'elle a pu montrer qu'elle fonctionnait en tant que VM-02, et qu'elle a le droit d'être rémunérée à ce niveau.

[73] Dans son témoignage ainsi que dans les documents qu'elle a produits, le Dr Chadwick a su expliquer clairement les fonctions d'un VM-02 qu'elle a exercées et démontré qu'elle travaillait indépendamment et sans supervision. Les fonctions qu'elle a exercées correspondent à la plus grande partie de celles d'un VM-02, de sorte qu'elle s'acquittait [traduction] « largement des fonctions » d'un VM-02 durant la période visée par le grief.

Pour l'employeur

[74] Ce grief est censé porter sur la rémunération provisoire. Toutefois, c'est en réalité un grief de classification, qui ne relève par conséquent pas de la compétence d'un arbitre nommé en vertu de la LRTFP. L'ACIA s'oppose au grief pour plusieurs raisons :

  • un arbitre n'a pas compétence en matière de classification;
  • subsidiairement, si un arbitre a compétence, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas prouvé qu'elle a droit à une rémunération provisoire sur une base quotidienne;
  • subsidiairement aussi, quel est le redressement possible? Coallier, supra, laisse entendre qu'un arbitre ne peut guère accorder de redressement, à supposer qu'il puisse en accorder un.

[75] L'alinéa 92(1)a) de la LRTFP autorise le renvoi à l'arbitrage d'un grief concernant « l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale ». En outre, le paragraphe 97(2) de la LRTFP confirme que, une fois le grief renvoyé à l'arbitrage, l'arbitre l'étudie et « rend une décision à son sujet ». Toutefois, il faut interpréter ces dispositions en tenant compte de l'article 7 de la LRTFP, qui limite l'autorité de l'arbitre en précisant ce qui suit :

La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

[76] Les arbitres de griefs ont régulièrement conclu qu'ils n'ont pas compétence pour instruire un grief portant sur la classification d'un poste. Leur compétence se limite d'ailleurs aux conséquences de la classification ou de la reclassification pour la rémunération.

[77] Ces arbitres sont tenus d'aller au-delà de leur première impression pour découvrir le fond ou l'essence de la question : en l'occurrence, le Dr Chadwick n'est pas satisfaite de son niveau de classification. C'est un grief de classification sous la guise d'un grief contestant sa rémunération. Même si l'arbitre qui a rendu la décision Shearer, supra, a jugé avoir compétence, compte tenu des faits en l'espèce, l'arbitre peut en juger autrement.

[78] S'il s'agit vraiment d'une question de rémunération provisoire, pourquoi la fonctionnaire s'estimant lésée est-elle restée si longtemps assise sur ses droits? Il est difficile de comprendre une telle patience. En outre, sous la rubrique des « Mesures correctives demandées » de la formule de grief, elle a déclaré : [traduction] « Je demande à être payée pour la période susmentionnée comme si j'avais été nommée à ce niveau de classification supérieure... » [Les caractères gras sont de nous.] Cette déclaration nous permet de conclure logiquement que tout cela n'est qu'une question de mécontentement de l'intéressée quant à son niveau de classification.

[79] La clause G1.08 contient deux éléments cruciaux : la fonctionnaire s'estimant lésée doit prouver qu'elle était tenue par l'employeur d'exercer les fonctions et prouver aussi qu'elle exerçait les fonctions de base d'une classification supérieure. Elle n'a réussi à prouver aucun de ces deux éléments (voir Wilson-St-Jean (dossier de la Commission 166-2-13827)).

[80] D'après le Concise Oxford Dictionary, être tenu (« required ») signifie être enjoint ou obligé de faire quelque chose. Or, il n'y a pas la moindre preuve - la fonctionnaire s'estimant lésée l'a admis en contre-interrogatoire - qu'elle était tenue d'exercer les fonctions d'un VM-02. Personne ne le lui avait enjoint ni ne l'avait obligée de le faire. D'ailleurs, sous la rubrique « Mesures correctives demandées » de sa formule de grief, elle a déclaré :[traduction] « Je demande à être payée pour la période susmentionnée comme si j'avais été nommée à ce niveau de classification supérieure... » [Les caractères gras sont de nous.] Il ne fait aucun doute qu'elle n'a été ni nommée à un poste de VM-02, ni tenue d'en exercer les fonctions.

[81] La fonctionnaire s'estimant lésée a été mise au défi de prouver qu'elle avait exercé les fonctions de base d'une classification supérieure sur une base quotidienne, comme la convention collective l'exige. Le seul paramètre qui figure dans la clause pertinente est celui des « jours ». Par conséquent, elle doit prouver avoir droit à la rémunération provisoire sur une base quotidienne. Or, elle ne l'a pas fait. Elle n'a pas prouvé qu'elle a exercé les fonctions de base de la classification supérieure du 31 mars 1998 au 30 juillet 2001.

[82] Sa comparaison des fonctions de la description de poste d'un VM-02 et de sa propre description de poste n'a pas tenu compte de certains facteurs essentiels, à savoir que ses fonctions se limitent au comté d'Elgin, tandis que le territoire dont le Dr Green est responsable est plus vaste, et qu'il assume aussi toute une série de responsabilités de supervision. Le Dr Chadwick a tenté de montrer que le travail qu'elle accomplit dans son comté équivaut à celui qui se fait dans l'ensemble d'un district, alors que ses responsabilités sont moins grandes. En outre, comme l'organigramme le démontre, le Dr Chadwick, ainsi d'ailleurs que tous les autres vétérinaires, relève du Dr Green, le VM-02, alors que l'inverse ne tient pas.

[83] Puisque le Dr Green n'a jamais été absent au cours de la période pertinente, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas pu être son suppléant. En outre, les arguments qu'elle avance ignorent totalement la pratique établie pour les affectations intérimaires à l'ACIA. Les certificats de nomination sont signés; en outre, on envoie des courriels pour les confirmer.

[84] Le fait qu'il n'est pas question dans la convention collective de rapports hiérarchiques ou de signature administrative n'a rien à voir. Comme le Dr Tarkowski l'a déclaré dans son témoignage - et comme l'intéressée l'a elle-même directement reconnu - la pratique établie à l'ACIA pour les affectations d'intérim est une nomination officielle avec signature. Déclarer qu'il pourrait en être autrement serait ouvrir la porte au chaos. S'il fallait donner raison à la fonctionnaire s'estimant lésée, les employés pourraient prétendre qu'ils exerçaient à titre intérimaire les fonctions du niveau qu'ils voudraient, pour les périodes qu'ils jugeraient bon.

[85] Qui plus est, l'envergure des fonctions, les responsabilités financières et de gestion, la taille du territoire desservi et le personnel supervisé - comme en témoignent les organigrammes - sont des facteurs reconnus pour déterminer si un fonctionnaire s'estimant lésé a exercé à titre intérimaire les fonctions d'une classification supérieure, et l'ACIA peut se fonder sur ces facteurs. En l'espèce, le Dr Chadwick a exercé ses fonctions dans un seul district; elle avait moins de pouvoirs financiers que le Dr Green et moins d'employés relevaient d'elle. Son poste se compare donc mal à celui du Dr Green quant aux facteurs critiques. Une comparaison critique des deux descriptions de poste et des témoignages rendus de vive voix révèle une incompatibilité entre les deux.

[86] Le fait que le Dr Chadwick communiquait directement avec les agents des programmes de Guelph (pièces G-9 à G-14) dans l'exercice de ses fonctions ne fait pas passer sa classification à un niveau supérieur. Ces rapports font partie intégrante de ce qu'on attend communément d'elle pour appliquer ses connaissances professionnelles en tant que VM-01, comme on peut le lire au début de la page 2 de sa description de poste (pièce G-2). Bref, cela ne prouve pas qu'elle ait droit à une rémunération provisoire.

[87] On ne peut pas se demander pourquoi le Dr Green n'a pas été appelé à témoigner. Si la fonctionnaire s'estimant lésée était si sûre de son témoignage, peut-être aurait-elle dû le faire assigner à comparaître pour l'appuyer. De toute manière, une grande partie de ce qui est attribué au Dr Green dans la pièce G-22 n'étaye pas la prétention de la fonctionnaire s'estimant lésée. Si le Dr Tarkowski a refusé de verser une rémunération provisoire au Dr Chadwick, c'est parce qu'elle ne s'acquittait pas de fonctions de gestion ou qu'elle n'avait pas les mêmes responsabilités financières qu'un VM-02. Elle ne gérait pas de ressources humaines et n'avait pas de fonctions de planification du travail, comme un VM-02. Le Dr Tarkowski a témoigné au contraire que l'intéressée exerçait ses fonctions sous la supervision du vétérinaire de district. C'est la distinction fondamentale entre les deux. Par conséquent, on ne saurait dire que la preuve du Dr Chadwick n'a pas été contestée.

[88] En ce qui concerne le fond du grief, l'employeur me renvoie aussi à Shearer, supra.

[89] Dans Canada (Office national du film) c. Coallier, supra, le juge d'appel Pratt, de la Cour d'appel fédérale, a limité le redressement qu'un arbitre pouvait accorder au fonctionnaire s'estimant lésé dont le grief était accueilli à une période n'excédant pas les 25 jours précédant le dépôt du grief. Par conséquent, la fonctionnaire s'estimant lésée n'aurait droit qu'à 25 jours de rémunération provisoire, à supposer qu'elle ait droit à cette rémunération.

Réplique

[90] Le Dr Chadwick n'a jamais prétendu remplacer le Dr Green ni être son suppléant. Ce qu'elle maintient, c'est que, lorsque le Dr Gough a quitté les fonctions dont il était chargé comme VM-02, elle a dû les assumer puisqu'elle était la seule vétérinaire restant sur place. Elle a dû exercer les fonctions d'un VM-02.

[91] Le départ à la retraite du Dr Gough était un fait important en l'occurrence, mais la situation n'était pas claire au départ; on ne savait pas très bien comment le bureau allait fonctionner. Le Dr Chadwick a clairement déclaré que, en ce qui concerne le fonctionnement du bureau, elle n'avait virtuellement aucun contact avec le Dr Green et ne se fiait absolument pas sur lui. Bien qu'il soit vrai que le Dr Green avait un pouvoir de signature, comme en témoigne la pièce E-2, il était évident dans le témoignage du Dr Chadwick qu'elle était responsable de ces questions au niveau opérationnel.

[92] Le fait qu'il n'y a eu aucune reconnaissance administrative de son exercice des fonctions d'un VM-02 revient simplement à confirmer sa position qu'on l'a négligée.

[93] L'employeur n'a rien produit en preuve pour étayer sa position sur la question de compétence en matière de classification. Le Dr Chadwick a clairement déclaré dans son témoignage qu'elle n'avait aucune intention d'être autre chose qu'une VM-01. Elle tient toutefois à être rémunérée équitablement pour le temps qu'elle a passé à s'acquitter de fonctions de VM-02.

[94] Il est difficile de comprendre comment l'employeur pourrait conclure que la déclaration qu'il cite [traduction] « comme si j'avais été nommée à ce niveau de classification supérieure » équivaut à un témoignage de mécontentement de sa classification, quand cette citation est tirée telle quelle de la clause sur la rémunération provisoire de la convention collective.

[95] En ce qui concerne l'affaire Wilson St-Jean, supra, les circonstances sont bien différentes de celles en l'espèce, car l'employeur allait avoir besoin de quelqu'un pour assumer les fonctions du Dr Gough après son départ à la retraite. Il fallait que quelqu'un s'en charge faute de quoi le service n'aurait pas pu fonctionner. Ce quelqu'un, c'était le Dr Chadwick.

[96] La première définition de « required » dans le Canadian Oxford Dictionary, Oxford University Press, 2001, est qu'on a besoin ou qu'on dépend de quelque chose ou de quelqu'un pour réussir ou pour accomplir quelque chose (« need or depend on for success or fulfilment »).

[97] D'après cette définition, et comme elle l'a déclaré dans son témoignage, le Dr Chadwick était « tenue » (« required ») d'assumer des fonctions qui auraient normalement dû être exercées par un VM-02, comme on peut le constater dans la description de poste de ce niveau.

[98] Tout le monde reconnaît que le Dr Chadwick a fait du bon travail en gérant le bureau de St. Thomas. L'employeur n'est jamais intervenu pour lui dire de cesser de faire ce qu'elle faisait. La seule question qu'il faut se poser, c'est si elle était payée convenablement pour les fonctions qu'elle exerçait. Elle a fait le travail qu'elle jugeait « nécessaire » ou « requis » pour maintenir et améliorer les relations de l'ACIA avec sa clientèle dans le comté d'Elgin.

[99] C'est au Dr Chadwick qu'incombe le fardeau de prouver qu'elle satisfait aux exigences de la clause G1.08, mais il est manifestement exagéré de prétendre que, parce qu'on parle de « jours » dans cette clause, la charge de la preuve consiste à prouver hors de tout doute qu'elle avait droit à une rémunération provisoire sur une base quotidienne. La charge de la preuve exigible correspond à la prépondérance des probabilités.

[100] Il faut donc se poser la question suivante : compte tenu du fait que le VM-02 (le Dr Gough) a quitté le bureau, qu'il n'y avait aucun autre vétérinaire sur place et que le Dr Green n'était pas là pour se charger des moindres tâches d'un vétérinaire, serait-il raisonnable de dire, compte tenu de la prépondérance des probabilités, que le Dr Chadwick exerçait les fonctions de base d'un VM-02 durant cette période?

[101] Il pourrait être utile de préciser exactement ce que le Dr Chadwick avance et ce qu'elle ne prétend pas, de façon à pouvoir établir une distinction entre ce que le Dr Shearer déclarait (dans Shearer, supra) et ce que le Dr Chadwick a maintenu.

[102] Le Dr Shearer et le Dr Chadwick sont des vétérinaires, mais la première, dont le poste d'attache était un VM-02, réclamait une rémunération d'intérimaire dans un poste de VM-03 (le gestionnaire des inspections). Dans cette affaire, le Dr Tarkowski est un VM-03 gestionnaire des inspections. Son poste est un poste de direction, puisqu'il se situe au premier palier de la procédure de règlement des griefs et qu'il est responsable d'un vaste territoire (une région) pour lequel il reçoit de nombreux rapports.

[103] Le Dr Chadwick ne réclame pas d'être rémunérée comme VM-03, mais bien comme VM-02. Elle ne prétend pas exercer les mêmes fonctions que le Dr Green, ni même toutes ses fonctions. Elle ne prétend pas qu'elle le remplace ou qu'elle agit en son nom. Elle déclare simplement qu'elle a exercé les fonctions de base d'un VM-02 durant la période visée par le grief. Elle se fonde sur la description de poste comme base de référence.

[104] Les motifs de la décision rendue par le président suppléant Guy Giguère dans Shearer, supra, ne s'appliquent pas en l'espèce, à savoir la plus grande envergure des fonctions au niveau régional, les plus grands pouvoirs financiers et les plus grandes responsabilités de gestion, le personnel plus nombreux et les questions relatives au programme ainsi que la nature intrinsèque de la plus vaste gamme de responsabilités au niveau régional. Le Dr Shearer devait compter avec ces faits, mais ils n'ont rien à voir avec la situation du Dr Chadwick.

[105] Le Dr Chadwick ne prétend pas être une gestionnaire ayant des fonctions d'envergure au niveau régional; elle admet que ses pouvoirs financiers étaient limités; elle ne prétend pas avoir des fonctions qui débordent le comté d'Elgin, mais elle maintient qu'elle devait se prononcer sur les questions relatives aux programmes dans la mesure où son bureau était concerné, ainsi que sur les questions de personnel pour son bureau. Elle n'a aucune prétention quant aux fonctions du Dr Green. Toute la preuve qu'elle a produite porte exclusivement sur ce qu'elle faisait.

[106] Il vaut la peine de souligner que, dans Shearer, supra, M. Giguère ne s'était pas fondé sur l'envergure des fonctions, sur les responsabilités financières et de gestion, sur la taille du territoire et sur l'importance du personnel, telles que seuls les organigrammes le montrent. Il avait entendu le témoignage du gestionnaire des inspections, Ken Murray, qui occupait le poste que le Dr Shearer disait occuper à titre intérimaire. Lorsqu'on analyse les motifs pour lesquels M. Giguère a conclu que le Dr Shearer n'exerçait pas une grande partie des fonctions du gestionnaire des inspections, on constate qu'il s'était largement fondé sur le témoignage de M. Murray.

[107] Dans cette affaire-ci, c'est le Dr Green qui aurait pu faire la lumière sur toute la question, à savoir ce qu'il faisait à titre de VM-02, ce qu'il faisait en termes de supervision en sa qualité de superviseur du Dr Chadwick dans l'organigramme et ce qui distinguait ses fonctions de celles d'un ou d'une VM-01. Malheureusement, il n'a pas témoigné. L'employeur ne l'a pas convoqué pour qu'il témoigne à l'appui de sa position. C'est bien différent de ce qui s'est passé dans le cas du Dr Shearer, dont le superviseur immédiat avait été appelé à témoigner et avait rendu témoignage.

[108] Compte tenu de ce qu'il a lui-même admis en déclarant ne pas savoir quelles étaient exactement les fonctions du Dr Chadwick et du fait qu'il s'en est remis au Dr Green pour ses connaissances du district, il nous semble vraiment que le Dr Tarkowski n'était pas en mesure de faire un témoignage contredisant celui du Dr Chadwick. Par conséquent, le témoignage du Dr Chadwick reste incontesté.

[109] Dans Macri (dossier de la Commission 166-2-15319), l'arbitre a déclaré ce qui suit :

. . .

   Si le jugement rendu par la Cour d'appel fédérale est interprété de façon à empêcher Mme Macri ou quelque employé s'estimant lésé de recevoir ce qui lui est apparemment dû pour une période plus longue que les vingt ou vingt-cinq jours (selon le cas) précédant celui où un grief a été présenté et dans lesquels des mesures doivent être prises, cela entraîne à coup sûr des conséquences malheureuses pour les deux parties. Cela forcera les employés à exiger que la direction ne prenne pas plus de vingt ou vingt-cinq jours pour prendre des décisions, à défaut de quoi un grief pourra automatiquement être présenté en vue de protéger leurs droits. Cela pourrait nuire à des négociations délicates à un moment tout à fait inopportun. Cela pourrait bien mener à une augmentation inutile du nombre de griefs présentés devant la Commission. D'un autre côté, si le raisonnement adopté dans l'arrêt

Coallier est tel que je le crains, la chose incitera l'employeur à retarder sa décision dans l'espoir que l'employé en cause négligera de présenter un grief avant le vingtième ou le vingt-cinquième jour, de sorte qu'il omettrait ainsi de protéger ses intérêts et ne pourrait plus demander son dû. En d'autres termes, cela inciterait l'employeur à ne pas agir. Un tel résultat serait déraisonnable ou inéquitable.

(Les caractères gras sont de nous.)

[110] Il ne serait pas équitable dans tous les cas de s'en tenir aux 25 jours de traitement, comme le proposait Coallier, supra. En l'espèce, l'employeur accuse la fonctionnaire s'estimant lésée de ne pas avoir respecté le délai de présentation d'un grief, en concluant par conséquent soit qu'elle n'a droit à aucune rémunération provisoire, soit qu'elle n'a droit qu'au minimum possible, alors qu'on voit clairement qu'il n'a pris aucune mesure pour tenter de résoudre un problème dont il connaissait l'existence. Serait-il possible aussi que, après que les 25 jours se soient écoulés, l'employeur ait poussé un soupir de soulagement, en sachant qu'il était dégagé de ses responsabilités?

Motifs de la décision

[111] La clause pertinente de la convention collective conclue entre l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et l'ACIA (pièce G-1) se lit comme il suit :

G1.08   Rémunération provisoire

Lorsqu'un employé est tenu par l'Employeur d'exercer à titre intérimaire les fonctions de base d'une classification supérieure, pendant :

a)   dix (10) jours ouvrables consécutifs pour les niveaux VM-1 à VM-3;

. . .

il touche une indemnité provisoire à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions comme s'il avait été nommé à ce niveau de classification supérieure pour la durée de la période.

. . .

[112] Le Dr Chadwick s'est trouvée dans une position difficile après que le Dr Gough, qui était le vétérinaire de district du comté d'Elgin, eut accepté un départ à la retraite anticipé. L'employeur a réorganisé le bureau en supprimant le poste de vétérinaire de district et il a confié les responsabilités du vétérinaire de district du comté d'Elgin au Dr Green, du bureau de London. Le Dr Green cumulait la responsabilité d'être le vétérinaire de district du comté d'Oxford. Le bureau de St. Thomas a été transformé en bureau satellite. Toutefois, les attentes des supérieurs du Dr Chadwick et ses attentes personnelles n'avaient pas changé : le niveau de service offert dans le comté d'Elgin devait rester le même. Ces attentes n'ont pas été exprimées par écrit, et il est possible qu'elles aient été largement implicites. Par conséquent, le Dr Chadwick a assumé une grande partie, mais pas la totalité des fonctions qu'exerçait auparavant le Dr Gough. C'est tout à l'honneur de son professionnalisme que les clients du comté d'Elgin n'aient constaté aucun changement de la qualité du service.

[113] Une situation pareille ne pouvait pas durer longtemps. Le Dr Chadwick a été patiente; elle a attendu plus de deux ans avant de prendre des mesures, en présentant un grief pour contester sa description de poste et en déposant aussi le grief en l'espèce, pour obtenir une rémunération provisoire. Les attentes implicites quant au niveau de service à assurer au bureau de St. Thomas sans la reconnaissance à laquelle elle aurait dû avoir droit sont devenues intenables pour elle. L'arrangement faisant du bureau de St. Thomas un bureau satellite était frustrant aussi pour le Dr Green, qui a proposé d'autres solutions au Dr Tarkowski (pièce G-21), notamment la reclassification (ce qui revenait à rétablir l'ancienne structure des bureaux) ou le regroupement des bureaux en un même point, afin qu'une supervision directe soit possible. C'est cette dernière option que l'ACIA a fini par choisir quand elle a fermé le bureau de St. Thomas et réaffecté le Dr Chadwick au bureau de London.

[114] La compétence d'un arbitre sur les questions qui concernent globalement la rémunération du travail accompli est limitée par la LRTFP. L'arbitre doit étudier soigneusement les faits et les circonstances pour déterminer si le litige porte essentiellement sur la rémunération provisoire ou sur une question de classification. Il doit le faire parce que la LRTFP lui refuse expressément toute compétence quant à l'organisation de la fonction publique ainsi qu'à la classification des postes, en l'absence d'une disposition d'une convention collective à ces égards. L'article 7 de la LRTFP est clair :

La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

[115] Le jugement qui fait autorité dans la jurisprudence applicable aux griefs sur des questions de rémunération provisoire a été rendu par le juge Muldoon, de la Division de première instance de la Cour fédérale, dans Stagg c. Canada [1993] A.C.F. no 1393. La fonctionnaire s'estimant lésée réclamait une rémunération d'intérim pour une certaine période avant que son poste ne soit reclassifié à un niveau plus élevé. L'arbitre avait déclaré ne pas avoir compétence parce qu'il s'agissait d'une question de classification. Devant la Cour fédérale, le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée avait fait valoir que l'article 7 n'empêchait pas la Commission de décider quelle était la rémunération à verser à la suite de la reclassification par l'employeur des fonctions que la fonctionnaire s'estimant lésée occupait à titre intérimaire à un niveau plus élevé (paragraphe 4). Dans cette affaire, le témoignage de l'appelante, qui avait déclaré avoir exercé une grande partie des fonctions d'un poste de niveau plus élevé durant la période en question, n'avait pas été contesté. Comme il s'agissait clairement, d'après la Cour, d'un grief portant sur une question de rémunération, l'arbitre n'avait eu aucune raison de ne pas assumer sa compétence.

[116] Une décision d'un arbitre nommé en vertu de la LRTFP rendue après le jugement Stagg, supra, est particulièrement pertinente. Dans Charpentier et Trudeau (dossiers de la Commission 166-2-26197 et 26198), l'arbitre avait jugé que les postes d'enquêteurs environnementaux de Montréal et de Toronto étaient à toutes fins utiles virtuellement identiques. Bien qu'il ait trouvé les différentes classifications difficiles à comprendre, il a déclaré ne pas avoir compétence pour trancher le grief parce que, s'il ordonnait à l'employeur de verser une rémunération provisoire, sa décision aurait entraîné la reclassification des postes occupés par les fonctionnaires s'estimant lésés. Il a déclaré que le jugement rendu dans Stagg, supra, ne s'appliquait pas puisque les postes des fonctionnaires intéressés n'avaient jamais été reclassifiés.

[117] Dans le cas du Dr Chadwick, lui accorder les mesures correctives demandées (à supposer que la preuve ait confirmé qu'elle a exercé les fonctions de base d'une classification supérieure) aurait pour effet de renverser la décision de la direction de réorganiser le bureau de St. Thomas. L'employeur a décidé d'en faire un bureau satellite du bureau de London et il a confié les responsabilités de vétérinaire de district au Dr Green. Comme je l'ai déjà souligné, c'était une situation difficile aussi bien pour le Dr Green que pour le Dr Chadwick. La réorganisation obligeait cette dernière à être plus autonome et à assumer une plus grande responsabilité quant aux activités quotidiennes du service. Toutefois, si je devais conclure qu'elle exerçait les fonctions de base d'un VM-02, je réduirais à néant la réorganisation, en recréant le poste de VM-02 qui avait été éliminé au bureau de St. Thomas.

[118] Le Dr Green, affecté au bureau de London, occupait le poste de vétérinaire de district durant toute la période pertinente. Le Dr Chadwick s'acquittait d'une grande partie des fonctions que le Dr Gough exerçait au bureau de St. Thomas, mais le Dr Green exerçait lui aussi une grande partie de ces fonctions et conservait la responsabilité globale du bureau de St. Thomas. On n'a pas contesté que certaines des fonctions de gestion clés, comme l'approbation des congés et la gestion financière, continuaient à relever du Dr Green.

[119] Il était manifestement difficile pour l'organisation de gérer un bureau satellite. La fermeture du bureau de St. Thomas le confirme peut-être. Étant donné que le Dr Chadwick était tenue d'exercer des fonctions qui allaient au-delà de la lettre de sa description de poste de VM-01, pour gérer ce bureau de façon professionnelle, il est clair que la situation n'était pas parfaite sur le plan de l'organisation, mais l'article 7 de la LRTFP m'interdit de contester la décision de la direction d'organiser le travail de cette façon.

[120] Par conséquent, le grief est rejeté.

Ian Mackenzie
commissaire

OTTAWA, le 9 mai 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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