Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (motif disciplinaire) - Négligence - Abus de pouvoir - Insubordination- Menaces contre un client - Incidents non portés à l'attention du fonctionnaire s'estimant lésé - Renoncement de l'employeur à des mesures disciplinaires dans d'autres cas - Potentiel de réhabilitation - le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu pour une période indéfinie en attendant la tenue d'une enquête, en décembre 2001, puis, en janvier 2002, il a été licencié pour négligence, abus de pouvoir et insubordination - au cours de son emploi, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait l'objet de nombreuses plaintes de la part d'agents de transport maritime - le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé a enquêté sur toutes les plaintes déposées depuis qu'il occupait ce poste et a statué qu'elles n'étaient pas fondées - cependant, après le départ du superviseur, en septembre 2000, les plaintes sont devenues plus sérieuses - l'employeur a décidé de mener une enquête officielle à l'égard des plaintes des clients déposées contre le fonctionnaire s'estimant lésé, et l'employeur a précisé le mandat de l'enquête concernant deux incidents relativement à des heures supplémentaires inutiles et à la menace de retrait du certificat de prévention de la pollution dans l'Arctique (CPPA) - au cours de l'enquête, le mandat a été élargi de sorte à inclure des incidents datant depuis juin 2000 - en dernier lieu, alors que l'employeur prenait connaissance du rapport final d'enquête, un autre incident impliquant le fonctionnaire s'estimant lésé est survenu, et cet incident a été l'une des trois raisons citées par l'employeur dans sa lettre de licenciement - l'employeur a fait valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était rendu coupable d'une série de conduites fautives en raison de sa négligence, de ses abus de pouvoir et de son insubordination - l'employeur a pris très au sérieux la menace de retirer le CPPA - en ce qui concerne les autres incidents dont le fonctionnaire s'estimant lésé était accusé, l'employeur a fait valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé avait abusé de son autorité, avait fait preuve de négligence, avait travaillé sans raison au tarif des heures supplémentaires et avait fait preuve d'insubordination - l'avocat a soutenu que la réintégration n'était pas indiquée et qu'il n'existait pas de potentiel de réhabilitation puisque le fonctionnaire s'estimant lésé avait refusé d'admettre avoir fait quoi que ce soit de mal - le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé être celui qui avait été maltraité par l'agent de transport maritime qui se plaignait de sa conduite au sujet de la menace alléguée de retirer le certificat - le fonctionnaire s'estimant lésé a aussi maintenu n'avoir été informé au sujet de plusieurs des plaintes que beaucoup de temps après les faits - le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu de ne pas avoir retardé le chargement du grain et a nié avoir menacé d'annuler le certificat si la lettre de plainte n'était pas retirée - l'arbitre a statué que le fonctionnaire s'estimant lésé devrait être réintégré immédiatement dans ses fonctions, mais sans salaire pour la période de l'enquête disciplinaire - l'arbitre a conclu que l'employeur pouvait fonder sa décision sur les incidents qui avaient donné lieu à l'enquête, mais que les autres incidents ne pouvaient pas être invoqués du fait que l'employeur en connaissait l'existence bien avant la tenue de l'enquête et qu'ils avaient déjà fait l'objet d'une enquête et d'une décision - l'arbitre a aussi statué que l'employeur avait omis d'appliquer les principes fondamentaux des relations de travail dans sa manière de traiter le fonctionnaire s'estimant lésé - l'arbitre a conclu, cependant, que le fonctionnaire s'estimant lésé avait bel et bien menacé d'annuler le CPPA, si la plainte qui pesait contre lui n'était pas retirée - en dernier lieu, il a conclu que l'agent de transport maritime et le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé avaient fait preuve d'un manque de professionnalisme et de respect à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé en le traitant avec mépris et racisme - en ce qui a trait au potentiel de réhabilitation, l'arbitre a statué que l'employeur avait, à toutes fins pratiques, créé ce problème en ne respectant pas les principes fondamentaux et en ne s'attaquant pas au comportement du fonctionnaire s'estimant lésé dès qu'il avait fait apparition - l'arbitre a donc conclu qu'aucune preuve directe n'avait démontré l'existence d'un problème de rendement ou de comportement qui ne pouvait pas se corriger. Grief accueilli en partie. Décision citée :Noël (166-2-26820, 26913, 26929 et 27458 à 62).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-11-06
  • Dossier:  166-2-31236
  • Référence:  2003 CRTFP 100

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

AMIR MAAN
fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Transports Canada)

employeur

Devant :   D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   David M. Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Robert Lindey, avocat


Affaire entendue à Thunder Bay (Ontario),
du 20 au 22 août 2002, du
23 au 27 juin ainsi que les 3 et 4 septembre 2003.


[1]   Ce grief conteste le licenciement d'Amir Maan, expert maritime principal (TI-07) à la Direction de la sécurité maritime de la Région de l'Ontario de Transports Canada (TC) à Thunder Bay. M. Maan l'a présenté le 23 janvier 2002.

[2]   Les raisons invoquées pour justifier ce licenciement sont précisées dans une lettre datée du 14 janvier 2002 adressée à M. Maan par Phillip Nelson, directeur régional, Direction de la sécurité maritime, Région de l'Ontario (pièce E-13) :

[Traduction]

Comme je vous l'ai fait savoir quand je vous ai imposé une suspension pour une période indéfinie, le 5 décembre 2001, je peux maintenant vous informer des résultats définitifs de l'enquête administrative. J'ai pris connaissance du rapport final de l'enquêteur, qui prouve que vous vous êtes rendu coupable d'une très grave inconduite. Vous avez de façon répétée manqué aux principes fondamentaux de notre Ministère, c'est-à-dire avoir une attitude respectueuse, faire preuve de professionnalisme et assurer le service à la clientèle, de la façon suivante :

  • vous avez été négligent en ne vous acquittant pas de vos tâches d'expert maritime principal d'une manière compatible avec l'importance de notre rôle de réglementation de la sécurité;
  • vous avez abusé de votre autorité en ne vous comportant pas de façon juste et judicieuse avec nos clients canadiens et étrangers, sans les insulter;
  • vous avez fait preuve d'insubordination en n'appliquant pas promptement et avec efficience les instructions du superviseur responsable.
  • Votre inconduite est entièrement inacceptable et vos abus de pouvoir ont rompu la relation d'emploi, particulièrement compte tenu de la fiabilité et de l'intégrité exemplaires qu'on attend de vous en tant qu'expert maritime principal. Il est impératif que tous les intervenants (y compris la direction et les clients) aient la plus grande confiance en vous, surtout puisque votre poste exige que vous vous acquittiez largement indépendamment de vos fonctions en exerçant les grands pouvoirs qui vous sont délégués par le Ministre. De plus, vous êtes un représentant du gouvernement du Canada et du peuple canadien dans vos rapports avec les clients, qui comprennent des représentants de l'étranger, ce qui vous impose une responsabilité additionnelle à cet égard.

    J'ai tenu compte de vos états de service relativement courts et du fait qu'il y a eu d'autres plaintes des clients à votre endroit depuis que vous travaillez chez nous, des plaintes dont d'autres représentants de la direction et moi-même vous ont parlé, en vous informant clairement des attentes de Transports Canada. J'ai aussi dûment tenu compte du fait que vous avez constamment refusé de réfléchir à votre comportement, d'assumer une responsabilité personnelle quelconque pour la détérioration de votre relation avec vos clients et d'aider la direction à trouver une solution au problème (les plaintes des clients) ainsi que de coopérer dans le cadre de l'enquête jusqu'à la onzième heure.

    Vos actions ont irréparablement rompu la confiance que nous devons avoir en vous pour que vous puissiez continuer à travailler dans la fonction publique fédérale. Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le sous-ministre des Transports et en conformité avec l'alinéa 11(2)f) et le paragraphe 11(4) de la

    Loi sur la gestion des finances publiques et avec l'article 50 des Conditions d'emploi dans la fonction publique, je mets fin dans la présente lettre à votre emploi dans la fonction publique, pour inconduite. Cette décision prend effet immédiatement.

    Vous avez le droit de présenter un grief pour contester cette décision, conformément aux procédures précisées dans votre convention collective.

    [3]   L'avocat de l'employeur a déposé 43 pièces, y compris le rapport de « l'enquête de Sorensen » (pièce E-12) et fait comparaître 5 témoins. Pour sa part, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déposé 51 pièces et appelé 6 témoins.

    [4]   En décembre 2002, l'employeur a demandé l'aide des Services de règlement des conflits de la Commission pour régler l'affaire. Une séance de médiation a été organisée le 3 février 2003, mais les parties ont été incapables d'arriver à une entente.

    Contexte

    [5]   Le Canada a signé deux protocoles d'entente internationaux visant l'élimination des pratiques inacceptables en matière de transport maritime, celui de Paris et celui de Tokyo, le premier signé par la plupart des pays européens et le second appliqué essentiellement dans les pays du littoral du Pacifique.

    [6]   Au moment où ce grief a été déposé, il y avait deux agents de transport maritime à Thunder Bay, Sandy Henderson, propriétaire de Lake Superior Shipping Ltd., et William Hyrb, propriétaire de Lakehead Shipping Company Ltd. À ce moment-là, le gestionnaire de la Direction de la sécurité maritime de la Région de l'Ontario du Centre de Transports Canada (TCC) de Thunder Bay était John Kingwell, qui a été remplacé depuis par Dave Mackrell, d'abord à titre intérimaire à compter du 20 novembre 2000, puis pour une période indéterminée à partir du 8 mai 2001. Le Centre pouvait compter sur les services de cinq inspecteurs maritimes principaux (Amir Maan, Dave Mackrell, Charlie Nadkarni, Don Schroeder et Peter Mihalus). M. Mihalus était le gardien de port en titre; c'est lui qui avait formé les autres inspecteurs pour qu'ils puissent s'acquitter de ces fonctions. M. Kingwell est celui qui avait pris la décision de former les inspecteurs pour qu'ils puissent assumer les fonctions de gardiens de port en plus de leurs tâches normales, afin de répondre à la demande croissante de services de ce genre.

    [7]   Avant 1996, le port de Thunder Bay chargeait environ 70 navires par année; entre 1997 et 2001, il a accueilli chaque année quelque 180 navires qu'il a dû charger. Les fonctions de gardiens de port représentent environ 40 p. 100 des tâches annuelles d'un inspecteur, dans la majorité des cas une fois le grain est récolté, transporté par train à Thunder Bay et chargé à bord des navires avant que la Voie maritime (du Saint-Laurent) ne gèle. Le port est donc extrêmement occupé d'octobre à la mi-décembre et le grain représente 90 p. 100 des produits chargés.

    [8]   Pendant que les navires sont à quai, les gardiens de port s'assurent que leur cargaison est chargée conformément à la Loi sur la marine marchande du Canada ainsi qu'à la réglementation sur les grains, contrôlent les qualifications des équipages (capitaines, mécaniciens, etc.), délivrent des certificats, inspectent les cales et coordonnent les activités avec les agents des entreprises de transport maritime, les manutentionnaires et les représentants des autres organismes gouvernementaux.

    [9]   Les inspecteurs maritimes principaux ont notamment pour fonctions de comparer les navires aux plans afin d'en mesurer le tonnage et d'approuver les plans avant la construction, la modification et la remise en état des navires. Ils sont aussi chargés de faire respecter deux lois applicables à la pollution marine, la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.

    [10]   Lorsqu'un vraquier (qu'on appelle un « navire de haute-mer » à Thunder Bay) est au port, un gardien de port monte à bord pour effectuer une inspection préliminaire et délivrer un certificat de recommandation, au besoin. Ce certificat atteste que le gardien de port a inspecté les compartiments du navire conçus pour qu'on y charge du grain. Il n'est délivré que si le gardien de port fait au capitaine des recommandations pour qu'il se conforme à la réglementation sur le chargement du grain; ces recommandations sont considérées comme nécessaires pour remédier aux lacunes et précisées comme telles dans le certificat. TC perçoit des frais minimes pour la délivrance du certificat. Quand les recommandations ont été appliquées et que le gardien de port et le personnel de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) le confirment, le certificat est délivré, attestant que les cales ne contiennent pas d'insectes (leur fumigation peut s'être imposée) et satisfont aux normes de propreté exigées par la réglementation de l'ACIA. Le gardien de port délivre à ce moment-là un certificat de navire prêt à charger autorisant les manutentionnaires et les agents à commencer d'y charger le grain.

    [11]   À Thunder Bay, le grain ne peut être chargé que dans un navire n'excédant pas huit mètres de tirant d'eau, conformément à la réglementation régissant la Voie maritime du Saint-Laurent. Si le tirant d'eau du navire excède cette limite, il est arrêté à l'entrée du canal Welland, ses propriétaires se font imposer une amende et les autorités en déchargent du grain jusqu'à ce que le tirant d'eau soit conforme. Tout cela coûte très cher. En fait, le chargement du grain à Thunder Bay est caractérisé par un autre facteur : il est possible de charger de 500 à 1 000 tonnes à l'heure dans ce port, mais impossible d'en décharger plus de 35 à l'heure. Il est donc préférable que le navire soit chargé avec précision pour que le grain soit bien réparti dans ses cales. La quantité de grain qu'elles contiennent doit être calculée non seulement pour que le tirant d'eau maximum ne soit pas dépassé, mais aussi pour éviter de détruire l'intégrité de la coque et pour correspondre aux calculs de stabilité établis pour le navire lui-même. Quand le navire vogue, le grain chargé dans ses cales a des caractéristiques semi liquides puisqu'il se déplace d'un bord à l'autre ou de la proue à la poupe. Les calculs de stabilité sont conçus pour tenir compte de ces déplacements de la cargaison afin d'éviter que le navire ne gîte de plus de 12 degrés (on dit qu'un navire gîte lorsqu'il donne de la bande soit à bâbord, soit à tribord. S'il gîte de plus de 12 degrés, il risque de chavirer quand la mer est agitée). Une fois satisfait des calculs de stabilité qu'on lui présente, le gardien de port appose son tampon pour les approuver, le grain est chargé, les cales sont fermées et le navire obtient son certificat d'aptitude à prendre la mer.

    [12]   La saison de navigation se termine à la mi-décembre, à peu près au moment où la Voie maritime gèle. En janvier, février et mars, les inspecteurs visitent les navires des Grands Lacs pour évaluer leur état. Il y a toujours un navire en cale sèche à Thunder Bay pendant cette saison; à la fin d'avril ou au début de mai, les navires de haute-mer arrivent.

    Les faits

    [13]   Phillip Nelson travaille à TC depuis 15 ans. Il y est depuis cinq ans directeur régional de la Direction de la sécurité maritime de la Région de l'Ontario.

    [14]   Le 31 août 1998, M. Nelson a offert à M. Maan une nomination pour une période indéterminée (pièce E-1) comme expert maritime principal (TI-07) au TCC de Thunder Bay. Il déclarait dans sa lettre d'offre que M. Maan aurait pour responsabilité de veiller à ce que les compagnies de transport maritime se conforment à la Loi sur la marine marchande du Canada ainsi qu'à la réglementation. En sa qualité de gardien de port, M. Maan allait devoir monter à bord des navires pour veiller à ce que les marchandises qu'on y charge au Canada soient conformes à la réglementation sur la sécurité. Il allait aussi être autorisé à vérifier les qualifications des équipages.

    [15]   M. Maan relevait au début de John Kingwell (TI-08). M. Nelson a déclaré que M. Kingwell était un gestionnaire médiocre, mais qu'il avait des connaissances étendues sur l'industrie de la navigation et beaucoup d'expérience. Il a précisé que, en septembre 2000, M. Kingwell avait réclamé une mutation à Sarnia, ce qui lui avait permis [traduction] « de faire un changement au niveau de la supervision sans devoir intervenir ». M. Nelson avait appris que divers agents d'entreprises de transport maritime et propriétaires de navires s'étaient plaints à plusieurs reprises de la qualité du service des inspecteurs maritimes.

    [16]   M. Nelson a témoigné avoir appris qu'il y avait eu des plaintes à l'endroit de M. Maan de son propre directeur général à Ottawa, Bud Streeter, de même que de deux agents de compagnies de transport maritime de Thunder Bay, William Hyrb (Lakehead Shipping Company Ltd.) et Sandy Henderson (Lake Superior Shipping Ltd.), ainsi que d'Ivan Lance, président de la Chambre de transport maritime à Montréal. On se plaignait que M. Maan était impoli avec les clients, grossier avec l'équipage et les officiers de navires étrangers et trop pointilleux dans son application des règles. M. Nelson a déclaré que les clients contestaient aussi les services que TC faisait payer par les utilisateurs, dont les heures supplémentaires de son personnel. Selon eux, M. Maan manipulait le système à son profit.

    [17]   M. Nelson a déclaré que M. Kingwell était convaincu que les entreprises de transport maritime se montraient vindicatives à l'endroit de M. Maan; au début, il a appuyé M. Maan, tout comme M. Kingwell. Toutefois, les plaintes se sont aggravées. M. Nelson a fait état d'une lettre de M. Henderson datée du 23 avril 2001 (pièce E-2) dans laquelle cet agent se plaignait d'un incident survenu à bord du MS Federal St. Laurent. Le samedi 21 avril 2001, M. Maan parlait avec le capitaine du certificat de prévention de la pollution dans l'Arctique (CPPA) qu'il devait délivrer, en disant qu'il reviendrait le lendemain (dimanche) pour le faire. M. Henderson avait dit à M. Maan de revenir plutôt le lundi, puisque le navire ne devait pas appareiller avant 16 h ce jour-là, et le capitaine était d'accord, car le lundi lui aurait convenu. Dans sa lettre, M. Henderson avait déclaré ce qui suit : [traduction] « Pendant cette discussion qui s'est déroulée en ma présence, le capitaine ou commandant n'a jamais demandé qu'il [M. Maan] vienne le dimanche. » M. Nelson a témoigné que M. Maan s'était effectivement rendu à bord du navire le dimanche pour délivrer le CPPA, ce qui entraînait des frais d'heures supplémentaires.

    [18]   M. Nelson a identifié la pièce E-19, un courriel que M. Mackrell avait envoyé à M. Maan le 11 avril 2001. M. Mackrell informait M. Maan que, conformément à la note de service qu'il avait déjà envoyée à ce sujet (pièce E-18), les heures supplémentaires devraient [traduction] « être autorisées au préalable par le gestionnaire ». M. Mackrell a témoigné que, pendant qu'il était gestionnaire par intérim, la note de service en question (pièce E-18) avait été lue, comprise et signée par M. Maan, pour attester qu'il l'avait lue et comprise, le 25 novembre 2000. Elle se lisait notamment comme suit :

    [Traduction]

    ACTIVITÉS DES GARDIENS DE PORT ET INSPECTIONS POUR LE CONTRÔLE PAR L'ÉTAT DU PORT

    Le contrôle continuel des opérations de chargement des navires est inutile et doit cesser. Durant le chargement, le gardien de port n'a besoin de visiter les navires que lorsque les manutentionnaires responsables du chargement réclament sa présence pour attester qu'une cale est pleine avant que l'écoutille ne soit fermée pour que le navire puisse partir, ou qu'on lui demande de revérifier les calculs révisés de la stabilité résultant d'un changement des plans de chargement.

    Il est interdit aux inspecteurs de visiter un navire quelconque hors des heures normales de travail sans l'autorisation préalable du gestionnaire sauf pour les raisons susmentionnées et lorsqu'on leur demande d'inspecter un navire afin de délivrer un certificat attestant qu'il est prêt pour le chargement ou pour quitter le port. Les heures supplémentaires ne seront pas approuvées pour d'autres raisons que celles-là.

    (C'est moi qui souligne.)

    [19]   M. Nelson a déclaré que M. Maan était le fonctionnaire qui gagnait le plus d'argent pour ses heures supplémentaires de toute la région. Il a témoigné que la lettre du 23 avril 2001 de M. Henderson (pièce E-2) a été montrée à M. Maan le jour même. Il a ajouté que, le 26 avril 2001, il a reçu une autre plainte par écrit (pièce E-3) de M. Henderson, par l'intermédiaire de M. Mackrell. Dans cette plainte, M. Henderson déclarait que, le 24 avril 2001, M. Maan avait dit au capitaine et au second du MS Federal St. Laurent, en sa présence ainsi qu'en présence d'un manutentionnaire (Vaso Popovic), qu'il allait retirer le CPPA qu'il avait délivré le dimanche à cause de la lettre du 23 avril 2001 où M. Henderson déclarait que M. Maan avait travaillé le dimanche au tarif des heures supplémentaires et ce, sans raison. M. Maan aurait dit qu'il ne reprendrait pas le CPPA si M. Henderson retirait sa lettre.

    [20]   M. Nelson a aussi précisé qu'il y avait dans la pièce E-3 d'autres allégations qui lui semblaient inquiétantes, à savoir que M. Henderson alléguait que M. Maan avait :

    • délibérément fermé les yeux sur des lacunes à bord du navire;

    • menacé de quitter le navire et de s'assurer qu'aucun autre inspecteur n'y monterait;

    • menacé d'appeler le syndicat au sujet de l'incident.

    [21]   M. Nelson considérait ces allégations comme très graves. Il a réagi, le 26 avril 2001, en envoyant à M. Mackrell un courriel (pièce E-5) lui enjoignant de ne pas confier de travail à M. Maan sur des navires associés à M. Henderson et à Lake Superior Shipping Company Ltd., en raison des plaintes que M. Henderson avait portées quant au comportement du fonctionnaire s'estimant lésé, puisque TC pourrait décider d'enquêter sur la question. Il avait donné cette instruction pour démontrer la bonne foi de TC si les allégations devaient se révéler fondées ainsi que pour prévenir une escalade entre MM. Maan et Henderson. Le 27 avril 2001, M. Mackrell a envoyé à M. Maan un courriel (pièce E-6) dans lequel il déclarait ce qui suit : [traduction] « Jusqu'à nouvel ordre, il vous est interdit de visiter un navire dont Sandy Henderson est l'agent. Il vous est interdit aussi de communiquer avec Sandy Henderson pour quelque raison que ce soit. »

    [22]   Vers la fin d'avril ou au début de mai, M. Nelson a ordonné à Ed Lavender, gestionnaire des Services techniques de la Direction de la sécurité maritime de la Région de l'Ontario, ainsi qu'à Cyndie Kaufman-Sinclair, chef d'équipe aux Relations de travail de la Région de l'Ontario de TC, de mener une enquête administrative sur les plaintes de M. Henderson au sujet de la conduite de M. Maan (pièce G-3). Les enquêteurs ont interrogé plusieurs personnes, dont MM. Henderson, Mackrell, Popovic et Maan. Leurs conclusions et leurs recommandations se lisent comme suit :

    [Traduction]

    Conclusions

    Bien qu'il y ait un conflit de personnalité entre Sandy et Amir, les autres interrogatoires ont confirmé qu'Amir n'a pas agi en professionnel et qu'il a de mauvaises relations avec d'autres clients du secteur du transport maritime.

    Compte tenu du fait que nous avons été incapables d'obtenir une lettre du capitaine, il est difficile de réfuter l'affirmation d'Amir que le capitaine a demandé qu'il fasse son inspection le dimanche. Par conséquent, nous ne recommandons pas de mesures disciplinaires sévères pour cet incident.

    Il faudrait suivre de près le comportement d'Amir; une procédure devrait être établie pour traiter de façon efficace et efficiente d'autres plaintes éventuelles.

    Recommandations

    1. Amir a besoin de counseling sur les services à la clientèle.

    2. Amir a besoin d'un cours sur le respect en milieu de travail. En fait, tout le personnel du bureau de Thunder Bay a besoin de ce cours. Nous prenons actuellement des arrangements pour qu'un instructeur le donne à Thunder Bay.

    3. Il faut préciser par écrit les procédures applicables au travail des gardiens de port, y compris le principe d'autorisation préalable des heures supplémentaires.

    4. Il faut établir tant oralement que par écrit une procédure sur la façon de traiter les plaintes. Cela comprendrait l'accusé de réception de la plainte, l'enquête, la discussion avec l'inspecteur en cause, les mesures disciplinaires le cas échéant, ainsi que la réponse au plaignant.

    5. Pour autoriser des heures supplémentaires, il faut le préciser clairement et par écrit à tout le personnel.

    6. Dave Mackrell a besoin d'un cours sur les relations de travail à l'intention des gestionnaires. Cela vaut aussi pour tous les gestionnaires de la Direction de la sécurité maritime.

    7. Dave a aussi besoin de formation en gestion. On a proposé sa candidature au CRB pour un cours de gestionnaire.

    [23]   M. Nelson a rappelé une rencontre qu'il avait eue avec M. Maan, la représentante locale de son syndicat, Christine Collins, le directeur général régional, Terry Gibson, ainsi que M. Lavender. Cette rencontre avait pour but de régler le problème des plaintes entre l'industrie du transport maritime (M. Henderson) et M. Maan. Ce dernier était d'avis qu'il n'y avait pas de problème à régler; il n'a proposé aucune solution. M. Nelson a donc décidé, d'accord avec M. Gibson, de mener une enquête en règle sur les plaintes des clients contre M. Maan.

    [24]   Le 6 septembre 2001, M. Nelson a écrit une lettre à Al Tassie, de Sorensen Investigations Inc. (pièce E-7) précisant le mandat de l'enquête qu'il voulait lui confier. Il déclarait notamment ce qui suit dans cette lettre : [traduction] « J'aimerais retenir vos services pour enquêter sur les allégations contre un de nos inspecteurs [M. Maan] d'un client - Sandy Henderson - dans deux lettres distinctes qui vous ont déjà été envoyées par Cyndie Kaufmann-Sinclair... afin que vous prépariez et nous remettiez un rapport sur vos constatations, avec toutes les analyses de la situation que vous jugeriez utiles pour nous aider dans notre prise de décisions. » (C'est moi qui souligne.)

    [25]   M. Maan a été interrogé par M. Tassie à Thunder Bay, le 28 septembre 2001, en présence de deux représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Lors de cette rencontre, il a demandé à M. Tassie de lui présenter ses questions par écrit. Elles lui ont été envoyées par porteur le 23 octobre 2001.

    [26]   M. Nelson a rencontré M. Maan à Sarnia à la mi-novembre et lui a proposé de travailler chez lui pour répondre aux questions de M. Tassie. Le 19 novembre 2001, M. Nelson a reçu un courriel de Christine Collins, la vice-présidente régionale de l'Ontario de l'Union canadienne des employés des transports (pièce E-11), l'informant qu'elle avait conseillé à M. Maan de ne pas répondre à ces questions tant qu'il n'aurait pas reçu d'avis contraire du syndicat. M. Nelson a répondu à Mme Collins le jour même en lui déclarant qu'un rapport résulterait de l'enquête préliminaire de M. Tassie.

    [27]   Quand il a reçu le rapport de l'enquête, après en avoir discuté avec des agents des relations de travail de Toronto et d'Ottawa, M. Nelson a décidé de suspendre M. Maan sans traitement à compter du 5 décembre 2001.

    [28]   Le 14 décembre 2001, M. Tassie a interrogé M. Maan en présence de Mme Collins et de Simon Ferrand, un agent des relations de travail.

    [29]   M. Nelson a reçu le rapport final de l'enquête en janvier 2002; il en a reparlé avec des agents des relations de travail d'Ottawa ainsi qu'avec M. Streeter. Pendant qu'il en discutait, un autre incident mettant en cause M. Maan est survenu, quoique pas à bord d'un navire cette fois-là. M. Maan s'était fait dire par M. Mackrell de ne pas se rendre à Nipigon (Ontario) pour voir un client, mais il avait décidé de le faire quand même, ce qui a été considéré comme de l'insubordination. Après ces discussions, M. Nelson a conclu qu'il avait des raisons suffisantes pour licencier M. Maan. Ces raisons sont précisées dans la pièce E-13, la lettre de licenciement :

    1. M. Maan avait été négligent dans l'exercice de ses fonctions d'expert maritime principal;

    2. M. Maan avait abusé de son autorité;

    3. M. Maan avait fait preuve d'insubordination.

    [REMARQUE : Dans son témoignage, M. Nelson a fait état d'incidents survenus à bord de cinq des six navires mentionnés dans le rapport final de M. Tassie. La liste de ces navires et des dates des incidents se lit comme suit :

    (1)MS Lake Champlain : 30 juin 2000
    (2)MS Lok Rajeshwari :22 septembre-2 octobre 2000
    (3)MS Millennium Condor : 2 décembre 2000
    (4)MS Pintail : 13 septembre 2000
    (5)MS Marilis-T : 14 septembre 2000
    (6)MS Federal St. Laurent : 21-24 avril 2001.]   

    MS Federal St. Laurent

    [30]   M. Nelson a témoigné que la conduite de M. Maan était inacceptable dans ses rapports avec l'équipage, le capitaine et l'agent du MS Federal St. Laurent : il a menacé de retirer un CPPA qu'il avait délivré, de quitter le navire et de faire en sorte qu'aucun autre inspecteur n'y revienne, en ajoutant qu'il en parlerait au syndicat. Ce faisant, il a manqué aux valeurs figurant dans l'« Énoncé de la vision et des valeurs » de TC (pièce E-14), le respect, le professionnalisme, la communication, le travail d'équipe et la prestation des services aux clients. M. Nelson a ajouté que M. Maan avait fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions en fermant les yeux sur des lacunes pour faire une faveur aux propriétaires du MS Federal St. Laurent.

    [31]   M. Nelson a déclaré avoir parlé à tous les inspecteurs pour leur conseiller d'être prudents dans leurs inspections, en raison d'un incident dans le cas d'un autre navire (le True North II). La gravité de cet incident avait sensibilisé davantage les inspecteurs à leur responsabilité de signaler les lacunes.

    [32]   Comme nous l'avons vu, le Canada a signé le Protocole d'entente de Paris, qui vise à toutes fins utiles l'élimination des pratiques de transport maritime non conformes aux normes dans le monde entier. Environ 370 marins ont perdu la vie quand les vraquiers à bord desquels ils naviguaient ont coulé sans laisser de traces. En fermant les yeux sur ces lacunes, M. Maan ne s'était pas conformé à ce Protocole d'entente. Il occupait un poste de confiance et était investi de l'autorité ultime à cet égard, de sorte que fermer les yeux sur des lacunes était pour lui une grave inconduite.

    MS Lok Rajeshwari

    [33]   M. Nelson a maintenu que M. Maan avait délivré un certificat même si l'inspecteur Don Schroeder avait ordonné la détention du navire. M. Maan aurait même délivré ce certificat sans vérifier visuellement si les filtres de bouchain avaient été réparés et remplacés. D'autres inspecteurs n'auraient pas délivré de certificat sans cela. M. Nelson s'est fondé sur cet incident-là aussi lorsqu'il a décidé de licencier M. Maan.

    MS Millennium Condor

    [34]   M. Nelson a déclaré que l'inspecteur Charlie Nadkarni devait visiter ce navire le 2 décembre 2000 à 10 h 30 pour vérifier les nouveaux calculs de stabilité effectués par le second. M. Maan s'est toutefois présenté à bord avant 10 h 30, contrairement aux instructions de M. Mackrell. Quand il en a été informé, M. Mackrell a envoyé M. Nadkarni inspecter un autre navire, en ordonnant à M. Maan de rester à bord pour approuver les calculs de stabilité. M. Maan n'est toutefois pas resté sur place pour approuver ces calculs; il est parti inspecter un autre navire. Le chargement du Millennium Condor a été retardé, ce qui a coûté environ 3 300 $ à ses propriétaires pour payer les heures supplémentaires des manutentionnaires.

    MS Lake Champlain et MS Marilis-T

    [35]   M. Nelson a déclaré qu'on l'avait informé d'incidents à bord de ces navires, mais il n'a pas précisé de quoi il s'agissait dans son témoignage.

    Incident du district de Nipigon

    [36]   M. Nelson a déclaré que la décision de M. Maan de se rendre à Nipigon même si M. Mackrell lui avait dit de ne pas le faire avait été considérée comme de l'insubordination. Il a été informé de l'incident survenu le 27 septembre 2001 entre MM. Mackrell et Maan dans une série de courriels (pièce E-15). Il a témoigné avoir demandé à M. Mackrell d'obtenir de M. Maan un rapport sur cet incident et ajouté qu'il n'avait jamais reçu de réponse du fonctionnaire s'estimant lésé.

    [37]   M. Nelson a basé sa décision de licencier M. Maan sur les incidents qui précèdent de même que sur le fait que M. Maan n'avait pas de longs états de service à TC et qu'il n'y avait guère d'espoir de le persuader de ne pas récidiver.

    [38]   En contre-interrogatoire, M. Nelson a reconnu que M. Kingwell était le gestionnaire du Bureau de Thunder Bay de la Direction de la sécurité maritime de 1997 jusqu'à sa mutation à Sarnia en août 2000. Il a aussi admis que M. Kingwell n'avait jamais manqué d'intégrité dans l'exercice de ses fonctions.

    [39]   M. Nelson s'est fait présenter la pièce G-1, une série de courriels de M. Kingwell qui lui étaient adressés pour demander son avis et des directives au sujet des demandes insistantes de MM. Henderson et Hyrb, qui réclamaient les services de deux gardiens de port plutôt que ceux d'un gardien qu'il était autorisé à offrir. Quand il a été interrogé au sujet de la déclaration de M. Kingwell dans un de ses courriels qu'il avait [traduction] « reçu un appel une heure plus tôt de Sandy Henderson contestant un des calculs d'Amir, appel terminé en qualifiant Amir de 'maudit trou du cul'... [dans lequel il ajoutait qu'il avait] parlé à Amir, dont les calculs sont immaculés et parfois extrêmement impressionnants », le témoin a répondu qu'il s'agissait des calculs de M. Henderson qui étaient inversés, par erreur. Quant aux propos de M. Henderson qualifiant M. Maan de [traduction] « maudit trou du cul », M. Nelson a déclaré que c'était la seule allégation du genre qu'on lui avait faite, et que M. Henderson avait nié avoir dit cela. Comme il n'avait pas de preuve, M. Nelson avait conclu qu'il ne pouvait rien faire.

    [40]   M. Nelson a aussi confirmé en contre-interrogatoire avoir donné à M. Tassie, au début de son enquête, des instructions de tenir compte de toutes les allégations ou de toutes les plaintes qui pourraient être portées à son attention.

    [41]   M. Nelson n'a pas pu préciser quand exactement il avait été mis au courant des incidents à bord du MS Lake Champlain ou du MS Lok Rajeshwari. Il a admis qu'il aurait pu le savoir avant l'enquête de M. Tassie.

    [42]   M. Nelson a aussi reconnu dans son contre-interrogatoire que M. Mackrell n'aurait pas dû délivrer de certificat de navire prêt à charger au MS Lok Rajeshwari, le 29 septembre 2000, sans avoir fait d'inspection.

    [43]   Il a terminé en déclarant qu'il appuyait la décision de M. Kingwell d'offrir les services d'un seul gardien de port.

    [44]   Dave Mackrell est au service de TC depuis 20 ans; il a des antécédents en mécanique. Il est devenu gestionnaire du TCC de Thunder Bay le 8 mai 2001. Il a témoigné que les gardiens de port sont nommés par décret et qu'ils travaillent habituellement à tour de rôle avec les autres inspecteurs, sur une base hebdomadaire.

    [45]   M. Mackrell a témoigné que M. Nelson l'avait informé des plaintes d'agents et de propriétaires de navires au sujet des services des gardiens de port et du nombre d'heures supplémentaires que ceux-ci accumulaient. Il a déclaré que la pièce E-18, datée du 20 novembre 2000, et la pièce E-19 avaient pour but d'informer M. Maan qu'il devait faire autoriser ses heures supplémentaires à l'avance par le gestionnaire.

    MS Lok Rajeshwari

    [46]   M. Mackrell a relaté les événements de la façon suivante : l'inspection initiale avait constaté des problèmes relatifs aux membrures et aux filtres de bouchain. Ces filtres sont des plaques d'acier inoxydable percées d'une série de trous de 3/8 de pouce disposées au-dessus du bouchain pour empêcher les céréales d'y tomber.

    [47]   Le 26 septembre 2000, le témoin est monté à bord du navire vers 9 h 10. Il a rencontré le capitaine, l'équipage et les préposés à la fumigation (le navire était terriblement infesté d'insectes). Il n'a pas inspecté les filtres de bouchain.

    [48]   Le 29 septembre 2000, à 8 h, il est remonté à bord pour délivrer le certificat de navire prêt à charger. Le capitaine a soulevé la question des filtres de bouchain, en lui demandant un certificat postdaté au 26 septembre 2000. Comme le capitaine ne s'était pas assuré que ces filtres avaient été approuvés, il a dit être dans de beaux draps, parce que son erreur allait faire perdre des milliers de dollars aux propriétaires du navire. (Le navire avait été frété par ses propriétaires; M. Hyrb représentait les intérêts des affréteurs, et M. Henderson, ceux des propriétaires. Ce sont les propriétaires qui doivent s'assurer que le navire est prêt à charger - autrement dit que toutes les lacunes sont corrigées -; une fois le navire déclaré prêt à charger, l'affrétage commence et les affréteurs assument les frais.) M. Mackrell a témoigné qu'il n'avait pas vu si les filtres de bouchain avaient été réparés et installés, de sorte qu'il avait refusé de délivrer le certificat demandé.

    [49]   Le témoin a identifié la pièce E-22, en déclarant que ce certificat, portant la signature de M. Maan et daté du 26 septembre 2000, était postdaté. M. Maan n'était pas monté à bord du navire ce jour-là, d'après la formule de déploiement mensuel du personnel (pièce E-23), où l'on peut lire que, le 26 septembre 2000, M. Maan avait passé une heure à bord du vapeur Oakglen, six heures à des tâches générales de bureau et environ une demi-heure en déplacement, puis qu'il avait passé une heure à bord du MS Lok Rajeshwari et environ une demi-heure en déplacement le 28 septembre 2000.

    [50]   En contre-interrogatoire, M. Mackrell a reconnu que la pièce E-20 était le rapport d'inspection préliminaire de M. Schroeder. Or, la pièce G-11 stipule que : [traduction] « Toutes les membrures ainsi que la bride de support fissurées ont été réparées à la satisfaction de l'expert de service. » La pièce G-12, datée du 24 septembre 2000, est une demande du Lok Rajeshwari à Pascol Engineering pour faire réparer le support fissuré du côté bâbord de la cale no 2 et d'installer à bord cinq filtres (boîtes grattoirs) de pompage du bouchain. La pièce G-13, datée du 24 septembre 2000, est la réponse de Pascol Engineering; on peut y lire que les fissures ont été colmatées et que les cinq filtres conformes à l'échantillon ont été fabriqués et livrés.

    [51]   M. Mackrell a aussi déclaré avoir délivré un certificat de navire prêt à charger le 29 septembre 2000, sans toutefois inspecter le bouchain, puisque l'ACIA l'avait informé que les filtres étaient en place. Il a ajouté avoir dit à M. Maan, le 20 octobre 2000, que le capitaine allait lui demander un certificat postdaté, et lui avoir enjoint de ne pas délivrer ce certificat. Cette conversation avait eu lieu dans le bureau du TCC, en présence de M. Mihalus, qui était le gestionnaire par intérim à ce moment-là.

    MS Millennium Condor

    [52]   Le témoin a déclaré que M. Maan ne s'était pas fait confier la tâche d'approuver les calculs de stabilité; c'était M. Nadkarni qui en était responsable. M. Maan est quand même monté à bord du navire, de sorte que M. Mackrell a envoyé M. Nadkarni en inspecter un autre, en ordonnant à M. Maan de rester à bord du Millennium Condor, d'approuver les calculs de stabilité, puis de délivrer un certificat de navire prêt à charger.

    [53]   M. Mackrell a maintenu que M. Maan lui avait à toutes fins utiles déclaré qu'il était le gardien de port et qu'il ferait ce qu'il voulait. Le témoin a affirmé que la priorité à Thunder Bay est le chargement des navires, et non l'inspection des navires à quai.

    [54]   M. Maan n'est pas resté à bord du navire. M. Mackrell a reçu un appel téléphonique de M. Henderson, qui lui a déclaré que les manutentionnaires attendaient qu'on leur dise de commencer le chargement. M. Nadkarni a eu l'ordre d'aller à bord approuver les calculs de stabilité. Ce retard a coûté environ 3 300 $ pour les services des manutentionnaires et des arrimeurs.

    [55]   Le témoin a déclaré avoir reçu deux plaintes au sujet de ce qui s'était passé à bord du MS Millennium Condor, une de James Richardson International Limited, le 4 décembre 2000 (pièce E-26), et l'autre de M. Henderson, le 6 décembre 2000 (pièce E-25).

    [56]   Le 7 décembre 2000, M. Mackrell a écrit à James Richardson International une lettre d'excuses (pièce E-27) au sujet des actions de M. Maan. Dans son témoignage, il a déclaré que, même s'il était précisé dans cette lettre que [traduction] « Des mesures disciplinaires ont été prises à l'égard de cet incident », il n'y avait eu aucune sanction contre M. Maan, parce que M. Nelson était d'avis que ce n'aurait pas été souhaitable, étant donné que M. Mackrell et M. Maan étaient en lice pour le poste de gestionnaire du bureau.

    [57]   En contre-interrogatoire, M. Mackrell a déclaré que M. Maan ne l'avait jamais appelé pour l'informer qu'il inspectait le navire, ou qu'il quittait le MS Millennium Condor avant d'avoir approuvé les calculs de stabilité. Il ne pouvait pas se rappeler si c'était M. Maan qui était le gardien de port à ce moment-là.

    [58]   M. Mackrell a précisé que c'est M. Nelson qui avait décidé de ne pas prendre de sanctions contre M. Maan, en raison du concours pour le poste de gestionnaire du bureau. Il a aussi déclaré que M. Nelson avait reçu la lettre d'excuses qu'il avait envoyée à James Richardson International (pièce E-27), dans laquelle on peut lire que des mesures disciplinaires avaient été prises.

    MS Federal St. Laurent

    [59]   M. Mackrell a déclaré que M. Maan faisait des heures supplémentaires le samedi 21 avril 2001 lorsqu'il a approuvé les calculs de stabilité et délivré un certificat de navire prêt à charger ainsi que le CPPA réclamé par Federal Navigation. M. Maan n'a pas délivré ce CPPA le samedi; il est retourné à bord du navire le dimanche 22 avril 2001 pour cela. Le lundi 23 avril 2001, M. Mackrell s'est fait montrer une copie de la lettre de plainte de M. Henderson (pièce E-2); il a déclaré avoir reçu une deuxième plainte (pièce E-3) de M. Henderson le 26 avril 2001.

    [60]   M. Mackrell a parlé à M. Maan de l'incident; il lui a demandé une explication. M. Maan n'a pas admis qu'il y avait eu des problèmes ou une altercation à bord du navire. Conformément aux instructions de M. Nelson, M. Mackrell a informé M. Maan, dans un courriel daté du 27 avril 2001 (pièce E-6), qu'il lui était interdit d'avoir d'autres contacts avec M. Henderson.

    [61]   En contre-interrogatoire, M. Mackrell a reconnu qu'il avait reçu le 18 avril 2001 la demande de CPPA (pièce G-14); il a déclaré qu'il était parti à Toronto pour une entrevue le lendemain. Il ne se rappelait pas que M. Maan lui avait dit qu'il n'avait jamais fait d'inspection préalable à la délivrance d'un CPPA. Néanmoins, il a déclaré que c'était la première fois qu'il confiait une inspection de ce genre à qui que ce soit au TCC de Thunder Bay. (Il avait lui-même déjà fait ce genre d'inspection plusieurs fois.)

    Incident du district de Nipigon

    [62]   Le témoin a déclaré que M. Maan s'était fait confier la tâche d'inspecter un navire (le Jim Dan D), qu'il avait visité dans le passé. Il y retournait pour une troisième fois. Ce jour-là, M. Mackrell était à St. Catharines, mais, le 26 septembre 2001, il avait envoyé à M. Maan un courriel dans lequel il lui demandait de téléphoner au bureau à 8 h 30 le 27 septembre. Comme M. Maan n'arrivait pas au bureau, la secrétaire (Donna Sandberg) lui a téléphoné à 8 h 35 sur son cellulaire pour lui dire de téléphoner à M. Mackrell, ce qu'il a fait à 8 h 53. M. Mackrell a demandé à M. Maan pourquoi il partait pour Nipigon. M. Maan a répondu qu'il n'avait pas d'ordre à lui donner. M. Mackrell a déclaré qu'il a ordonné à M. Maan d'arrêter, de rebrousser chemin et de revenir au bureau. C'est à ce moment-là que M. Maan a mis fin à la conversation. Il n'a pas retourné son appel, bien que la couverture du réseau cellulaire soit complète et qu'il y ait aussi des boîtes téléphoniques sur la route de Nipigon.

    [63]   En contre-interrogatoire, M. Mackrell a reconnu que son courriel à l'intention de M. Maan avait été envoyé le 26 septembre 2001 à 17 h 07, même si la journée de travail normale de M. Maan se termine à 16 h 30.

    [64]   M. Mackrell a déclaré qu'il ne se rappelait pas sa rencontre avec M. Lavender (pièce G-3), en déclarant qu'il avait vu le rapport de l'enquête administrative de M. Lavender pour la première fois à l'audience.

    [65]   M. Mackrell a déclaré n'avoir jamais employé le mot « wog », parce que ce n'est pas un terme de sa génération, mais il a dit que c'était l'acronyme de « Worthy Oriental Gentleman ». Il a déclaré ne pas se rappeler s'il avait dit « you people » le 2 décembre 2000.

    [66]   Sandy Henderson est propriétaire de Lake Superior Shipping Ltd., une entreprise en exploitation depuis 1964. Ses responsabilités consistent à représenter les propriétaires de navires arrivant à Thunder Bay, à coordonner leur chargement et à s'assurer que les inspections sont effectuées et les documents nécessaires obtenus. Il rend compte de ses activités aux propriétaires des navires et entretient des rapports avec les fonctionnaires de TC, de l'ACIA, des Douanes et des autorités portuaires canadiennes.

    [67]   Son témoignage peut se résumer comme suit : quand M. Maan a commencé à travailler à TC, M. Henderson n'avait pas de problèmes avec lui. Toutefois, après trois ou quatre mois, il a constaté que M. Maan ralentissait ses inspections pour pouvoir faire des heures supplémentaires. Il a déclaré que ses frais d'heures supplémentaires étaient plus élevés quand M. Maan était le gardien de port. En outre, M. Maan se montrait sarcastique dans ses rapports avec les équipages des navires. Le capitaine d'un navire devrait être traité avec respect. M. Maan se prenait pour le juge et le jury, et il imposait sa loi. Si quelqu'un contestait son autorité, il lui disait de cesser de parler et de se taire.

    MS Lake Champlain

    [68]   M. Henderson se rappelait avoir reçu un appel de M. Maan pendant qu'il prenait un café et des beignes. M. Maan lui a dit que le capitaine se montrait difficile et qu'il ne parlait qu'aux capitaines, pas aux seconds. M. Henderson a déclaré que le capitaine est un de ses amis et qu'il était vraiment mécontent de s'être fait tirer d'un profond sommeil. C'est le second qui faisait les calculs de stabilité, parfois en présence du capitaine et parfois pas. La tâche de M. Maan consistait à vérifier les calculs de stabilité et à s'assurer qu'il n'y avait pas de problèmes de sécurité. Il avait menacé de quitter le navire et de faire en sorte qu'aucun autre inspecteur ne vienne l'inspecter ainsi que de se plaindre au syndicat, si le capitaine ne le recevait pas. M. Henderson a précisé qu'il avait présenté des excuses au capitaine pour la conduite de M. Maan. Si celui-ci avait quitté le navire comme il menaçait de le faire, le chargement aurait été perturbé, ce qui aurait entraîné des frais supplémentaires.

    MS Lok Rajeshwari

    [69]   On avait constaté la présence d'insectes dans les cales; l'ACIA avait donc ordonné une fumigation. En outre, l'inspecteur Don Schroeder avait constaté que les filtres de bouchain étaient défectueux. Lake Head Shipping Ltd. avait pris des arrangements le 24 septembre 2000 pour que ces filtres soient remplacés par Pascol Engineering.

    [70]   Le 29 septembre 2000, M. Mackrell a délivré un certificat de navire prêt à charger. Le capitaine lui a demandé de postdater au 26 septembre 2000 le certificat d'inspection préliminaire délivré par M. Schroeder, mais M. Mackrell a refusé de le faire puisqu'on ne l'avait pas appelé pour qu'il inspecte les nouveaux filtres de bouchain. Le chargement du navire s'est terminé le 30 septembre 2000 sans qu'il ait obtenu de certificat postdaté. Le lundi 2 octobre 2000, vers 13 h 30, le capitaine a produit un certificat postdaté au 26 septembre 2000. M. Henderson n'a pas eu le choix : il a dû lui aussi postdater son énoncé des faits (pièce E-32). Ce document, que l'agent doit préparer pour chaque navire, précise la date et l'heure du chargement, de l'inspection, du départ, etc. Le 13 novembre 2000, le témoin a écrit une lettre de plainte à Bud Streeter (pièce E-33) parce que M. Kingwell ne s'était pas occupé de lui et le considérait comme un fauteur de troubles; par conséquent, il avait décidé de s'adresser à son supérieur.

    MS Millennium Condor

    [71]   Le samedi 2 décembre 2000, deux gardiens de port étaient en service.

    [72]   En 1999, M. Kingwell avait écrit deux lettres à MM. Henderson et Hyrb (pièce E-34). La première, datée du 4 novembre, portait sur le calendrier des inspections des gardiens du port : M. Kingwell informait ses agents que les inspections auraient lieu seulement si l'on pouvait s'attendre qu'elles puissent vraiment être effectuées en une seule visite, à la fin de laquelle un certificat de navire prêt à charger pourrait être délivré. La seconde, datée du 8 novembre, portait sur les nombreux appels téléphoniques aux gardiens de port ainsi que sur les heures supplémentaires. M. Kingwell demandait aux agents de limiter leur nombre d'appels et, de préférence, de n'en faire qu'un seul pour demander des services.

    [73]   Le témoin a déclaré qu'il avait écrit le 6 décembre 2000 une lettre de plainte à M. Mackrell (pièce E-25) contestant essentiellement ce qui suit : la répartition du grain dans le navire avait changé, de sorte que le second refaisait les calculs de stabilité. M. Henderson a déclaré avoir parlé avec M. Mackrell des services d'un gardien de port dont il avait besoin. Il a été décidé que M. Nadkarni serait envoyé à bord pour faire l'inspection vers 10 h 30. Un manutentionnaire a informé M. Henderson, vers 10 h 15, que M. Maan était déjà à bord. M. Henderson a téléphoné à M. Mackrell pour lui dire que M. Nadkarni et lui iraient inspecter un autre navire. M. Maan a ensuite décidé de quitter le navire pour aller en inspecter un autre dans le port. Le chargement des navires ou le fait de s'assurer qu'ils sont prêts à appareiller est la priorité numéro 1. En débarquant, M. Maan empêchait le navire d'être chargé. Plutôt que d'être fini à 16 h, le chargement n'a été terminé qu'à 19 h 30.

    [74]   M. Henderson est revenu à bord à 14 h 30, avec M. Nadkarni, qui a approuvé les calculs de stabilité, après quoi le navire a été chargé de 16 h à 17 h 30. Le chargement a alors été interrompu, mais il a recommencé, et il était fini vers 19 h 30.

    [75]   Le 4 décembre 2000, M. Henderson a reçu une lettre (pièce E-26) de James Richardson International Limited, qui se plaignait d'avoir dû débourser 3 300 $CAN de trop en étant contrainte à payer des heures supplémentaires injustifiées ce samedi-là.

    MS Federal St-Laurent

    [76]   M. Henderson a déclaré que c'est par suite de sa lettre du 26 avril 2001 (pièce E-3) à M. Mackrell que TC a décidé de mener l'enquête Tassie.

    [77]   Le samedi 21 avril 2001, M. Maan était à bord du navire pour discuter avec le capitaine de la délivrance d'un CPPA. Il a dit qu'il reviendrait le lendemain (dimanche). M. Henderson lui a déclaré que ce n'était pas nécessaire, puisque le navire n'appareillerait pas avant le lundi et que M. Maan pourrait revenir ce jour-là. M. Maan a toutefois répondu qu'il était occupé le lundi. (S'il venait délivrer le certificat le dimanche, le propriétaire du navire se ferait facturer les heures supplémentaires qu'il réclamerait.) Personne ne discutait avec M. Maan, de sorte que M. Henderson a écrit une lettre (pièce E-2) à M. Mackrell, en espérant qu'elle se rendrait plus haut.

    [78]   Le mardi 24 avril 2001, M. Maan est monté à bord du navire. M. Henderson était assis dans le bureau du capitaine, avec celui-ci et M. Popovic. M. Maan a menacé de reprendre le CPPA à moins que M. Henderson ne retire sa lettre de plainte (pièce E-2). M. Henderson lui a répondu qu'il ne la retirerait pas. Sur ce, M. Maan a déclaré qu'il avait fermé les yeux sur des lacunes en raison de sa bonne relation avec le capitaine et avec Anglo-Eastern Ship Management Ltd. Le capitaine n'arrivait pas à croire qu'il y avait des lacunes à son bord. M. Popovic a demandé à M. Maan ce qui se passerait si le capitaine refusait de lui rendre le CPPA. M. Maan a répliqué qu'il quitterait le navire, qui ne pourrait pas appareiller. M. Maan a rempli une formule de constatation de lacunes SI-7 (pièce E-4) dans laquelle il déclarait qu'il faudrait installer deux gyrocompas à bord du navire pour qu'il puisse naviguer jusqu'à Churchill. Le capitaine, pour sa part, maintenait qu'un gyroscope aurait suffi, et il a téléphoné à Anglo-Eastern Ship Management Ltd.

    [79]   À son arrivée à bord du navire, M. Maan n'avait fait état d'aucune lacune. Il l'a fait seulement après que M. Henderson eut refusé de retirer sa lettre de plainte. Le capitaine a rendu le CPPA à M. Maan après en avoir fait une photocopie qu'il a remise à M. Henderson (pièce E-35).

    [80]   M. Henderson a identifié la pièce E-29, un fax qu'il avait envoyé à M. Mackrell le 21 mai 2001, pour lui demander une copie du certificat rendu à M. Maan; la pièce E-30 est la réponse de M. Mackrell, disant que M. Maan avait détruit ce document.

    [81]   Le témoin a conclu en déclarant que M. Maan faisait la loi : [traduction] « Il se prenait pour Dieu ». « Il fallait faire ce qu'il disait, ou il allait se plaindre au syndicat. » M. Henderson a déclaré qu'il n'a pas eu de problèmes avec d'autres inspecteurs, en disant : [traduction] « Il y a un Écossais, un Estonien, deux Indiens et un Canadien. Je n'ai jamais eu de problèmes sauf avec ce gars-là. »

    [82]   Quand il s'est fait demander, en contre-interrogatoire, s'il avait crié après M. Maan à bord du MS Lake Champlain, le témoin a reconnu que oui, parce que M. Maan se montrait stupide dans ses rapports avec le capitaine. Il a aussi déclaré qu'il lui était arrivé de manquer de respect à M. Maan et que cela n'avait rien à voir avec la compétence de l'intéressé, mais plutôt avec sa façon de traiter les gens. Il a déclaré qu'il avait aussi une certaine difficulté à comprendre ce que M. Maan disait.

    [83]   M. Henderson a de plus confirmé qu'il lui était arrivé à plusieurs reprises de jurer en parlant de M. Maan dans son dos.

    [84]   Le témoin a confirmé aussi qu'il avait traité M. Maan de [traduction] « maudit idiot » en présence de MM. Mihalus et Schroeder, mais qu'il ne pouvait pas se rappeler exactement quand il avait dit cela. Il n'a jamais fait d'excuses à M. Maan pour avoir dit qu'il était un idiot à bord du MS Lake Champlain.

    [85]   M. Henderson a déclaré que, selon lui, la note de service du 26 mai 2000 (pièce G-8) de M. Kingwell signifiait que le capitaine devait présenter les calculs de stabilité au gardien de port à son arrivée à bord du navire, et que ce n'était pas au gardien de port qu'il incombait de faire ces calculs.

    [86]   M. Henderson ne se rappelait pas quand il a remis le CPPA à M. Maan. Il ne se rappelait pas non plus que le capitaine avait demandé à M. Maan de revenir le dimanche, parce que le navire ne devait pas appareiller avant 16 h le lundi 23 avril 2001. Il a toutefois reconnu que le navire n'avait pas quitté le port avant le mardi 24 avril 2001, à cause du mauvais temps.

    [87]   Le témoin a déclaré avoir vu la formule SI-7 dans laquelle il est précisé que le navire devait avoir deux gyrocompas, en précisant toutefois qu'il n'était pas sûr de la règle applicable aux CPPA stipulant que le navire doit avoir tous ses certificats valides pour la durée d'application du CPPA. Quand il s'est fait demander pourquoi il voulait vérifier comment le CPPA initial était formulé, puisqu'il avait une copie de l'original, il a répliqué : [traduction] « Parce que j'en avais envie et que je voulais le voir ». Il a déclaré avoir remis sa copie du CPPA original à M. Tassie.

    [88]   En réplique, M. Henderson a confirmé que sa première plainte écrite contre M. Maan était en juillet 2000 et que M. Kingwell l'avait ignorée. Sa première plainte officielle à TC a été présentée le 13 novembre 2000 (pièce E-33). Il a déclaré que, quel que soit l'inspecteur qui se faisait payer des heures supplémentaires par TC, en définitive, c'était son client qui payait.

    [89]   Il a déclaré n'avoir jamais été consulté quant à la procédure de concours pour le poste de gestionnaire du TCC; il n'avait pas donné son nom comme référence.

    MS Lok Rajeshwari

    [90]   Le témoin a déclaré qu'il avait envoyé une lettre de plainte à Bud Streeter à Ottawa (pièce E-33) parce qu'il avait la conviction que M. Kingwell l'ignorait et qu'il n'avait pas rencontré M. Nelson.

    [91]   Selon le témoin, jusque vers 9 h 30 le 29 septembre 2000, M. Mackrell n'avait pas été appelé pour inspecter les filtres de bouchain; M. Henderson ne savait pas lui-même que le capitaine avait demandé un certificat postdaté que M. Mackrell avait refusé de délivrer. Il ne se rappelait pas le nom du capitaine, ne se souvenait plus de sa nationalité et ne savait pas si M. Maan était le gardien de port dans la semaine du 25 septembre au 1er octobre 2000. Quand on lui a posé la question, il a répondu : [traduction] « C'est sans importance. » Il a déclaré qu'il n'avait jamais parlé de la question du certificat postdaté avec M. Maan et qu'il ne lui avait pas non plus envoyé copie de sa plainte. Il est convaincu que ce certificat avait été postdaté de trois jours. Conformément aux instructions de ses mandants, il a modifié son énoncé des faits (pièce E-32) pour stipuler que, à 14 h le 26 septembre 2000, les filtres de bouchain étaient impeccables. Il a déclaré que c'est à TC qu'il incombait de régler cet incident.

    MS Millennium Condor

    [92]   M. Henderson a témoigné que, d'après un manutentionnaire qui était à bord du navire, M. Maan l'avait quitté vers 12 h 30. Il a déclaré avoir appelé M. Maan à 10 h 30 et s'être fait dire par ce dernier qu'il quitterait le navire à midi pour aller en inspecter un autre (le Shipka). M. Maan aurait dû rester à bord puisque les navires au mouillage sont les derniers à être inspectés. M. Henderson a déclaré : [traduction] « Je paie pour leurs services, je paie les factures. Je fais ce travail depuis 40 ans. Je demande leurs services, je sais donc quand j'ai besoin du gardien de port. »

    [93]   En contre-interrogatoire, M. Henderson a admis avoir téléphoné à M. Kingwell pour lui dire que M. Maan ne devrait pas se faire payer des heures supplémentaires pour cette visite-là, mais que M. Nadkarni aurait dû s'en faire payer.

    [94]   M. Henderson a déclaré n'avoir jamais tenté de faire congédier M. Maan. Il voulait simplement que son comportement change.

    [95]   Quand il s'est fait interroger sur la pièce E-12, onglet 15, c'est-à-dire sur son interrogatoire par M. Tassie, au cours duquel il a dit que M. Maan était à bord du navire à midi, M. Henderson a déclaré que l'incident s'était produit 11 mois avant et qu'il lui était difficile de se le rappeler.

    [96]   Vaso Popovic est manutentionnaire chez Logistics Stevedoring Co. Ltd. à Thunder Bay depuis 1996. Il est en contact avec les représentants de TC de l'inspection préliminaire à la délivrance du certificat de navire prêt à charger. En sa qualité de manutentionnaire, il charge du grain dans les cales conformément au plan de chargement conçu pour le navire et approuvé par le gardien de port de service. Ce fonctionnaire peut venir à bord d'un navire deux ou trois fois, étant donné que le plan de chargement peut changer (manque de grain, nécessité d'en charger davantage, etc.). Par conséquent, le plan approuvé à l'origine peut être modifié, de sorte qu'il faut parfois refaire les calculs de stabilité avant qu'un nouveau plan ne soit approuvé. Les gardiens de port ont des tolérances pour ces calculs, mais elles ne sont pas uniformes; chacun a les siennes.

    [97]   Le témoin a déclaré que ses rapports avec M. Maan étaient pour le moins variables, car ils étaient parfois agréables et parfois aussi très désagréables. Il a déclaré qu'il ne savait jamais exactement de quelle humeur était M. Maan, qui avait une personnalité « Dr Jekyll et M. Hyde ». Quand on contestait son autorité, c'est M. Hyde qui l'emportait : il devenait belliqueux, arrogant et insultant pour les capitaines et les seconds.

    MS Federal St. Laurent

    [98]   M. Popovic a déclaré qu'il était dans le bureau du navire avec le capitaine, le second et M. Henderson. Dès son arrivée, M. Maan a parlé d'une lettre de plainte que M. Henderson avait envoyée à la direction locale de TC. Pour autant qu'il s'en souvienne, M. Maan était venu à bord du navire le dimanche pour délivrer le CPPA, même si M. Henderson avait demandé qu'il le fasse le lundi pour éviter de devoir payer des heures supplémentaires. M. Popovic a déclaré qu'il n'avait pas vu la lettre de plainte de M. Henderson. Il a entendu M. Maan dire à M. Henderson de retirer la lettre; autrement, il allait reprendre le CPPA. M. Henderson a répondu qu'il était trop tard puisque la lettre était en possession de la direction locale de TC. M. Maan a dit qu'il allait donc annuler le CPPA. À ce moment-là, M. Popovic a demandé à M. Maan ce qui arriverait si le capitaine refusait de lui rendre le certificat. M. Maan a répondu qu'il allait en informer le syndicat et qu'aucun autre inspecteur ne viendrait à bord du navire. M. Henderson a alors demandé à M. Maan : [traduction] « Est-ce une menace? » M. Maan a expliqué qu'il avait délivré le certificat seulement parce qu'il avait de bons rapports avec les propriétaires du navire puisqu'il avait travaillé pour eux dans le passé, et qu'il avait fermé les yeux sur certaines lacunes.

    [99]   En contre-interrogatoire, M. Popovic a reconnu son interrogatoire par M. Tassie (pièce E-12, onglet 14). Il ne se rappelait pas s'il avait informé M. Henderson qu'il avait été interrogé, mais il a admis qu'il aurait pu le lui avoir dit.

    [100]   M. Popovic a déclaré qu'il était arrivé à bord à 8 h, sans toutefois pouvoir se rappeler à quel moment M. Maan avait délivré le certificat de navire prêt à charger, ni à quelle heure l'appareillage avait eu lieu. Il ne pouvait pas se rappeler non plus si le second et M. Maan avaient discuté des gyroscopes dont le navire devait être équipé. Toutefois, il se rappelait la discussion concernant le retrait du CPPA. À l'époque, il était à deux ou trois mètres de MM. Maan et Henderson, qui discutaient ferme sur la question de savoir si le capitaine avait consenti à l'inspection le dimanche. Le capitaine était parti en disant : [traduction] « Je ne veux pas être mêlé à ça. »

    [101]   Le témoin se rappelait que M. Maan avait dit à M. Henderson qu'il n'y aurait pas d'heures supplémentaires réclamées pour l'inspection du dimanche. Il ne se souvenait pas si le capitaine avait demandé à M. Maan s'il pouvait garder le certificat, mais il l'a vu le remettre à M. Maan.

    [102]   Au sujet de la question qu'il avait adressée à M. Maan sur ce qu'il allait faire au cas où le capitaine ne lui remettrait pas le certificat, M. Popovic a déclaré que M. Maan lui avait répondu qu'il devrait passer au bureau une autre fois lui reposer la question. (Il a été établi par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé que ce témoin n'a jamais posé la question de nouveau.) M. Popovic a déclaré qu'il n'avait pas pris de notes et qu'il n'avait pas non plus présenté de plainte au sujet de cet incident.

    [103]   Il a dit se rappeler que l'altercation entre MM. Henderson et Maan avait commencé quand M. Maan avait menacé de quitter le navire et d'appeler le syndicat.

    MS Marilis T

    [104]   Le témoin se rappelait cet incident comme ceci : il était à bord du navire, dans la cabine du capitaine, avec celui-ci et M. Maan. M. Maan a étudié les calculs de stabilité, et il a déclaré qu'il n'était pas à 500 moments. Il a dit au capitaine que, s'il n'avait pas 500 moments, il devrait vérifier tous les réservoirs, ce qui serait très long; pendant ce temps-là, il allait être impossible de charger le navire.

    [105]   M. Popovic a demandé à M. Maan pourquoi il ne suffirait pas de 50 à 100 moments, puisqu'il n'était au courant d'aucune exigence qu'il y en ait 500. M. Maan lui a répliqué sèchement : [traduction] « Ça ne vous regarde pas. Ne posez pas de questions. » Il parlait fort et ne se contrôlait plus. M. Popovic dit avoir répondu : [traduction] « C'est un pays libre, pas une dictature de Transports Canada. »

    [106]   En contre-interrogatoire, M. Popovic a reconnu que M. Maan avait délivré la pièce G-20, certificat de navire prêt à charger, le 14 septembre 2001 à 10 h 20. Il a admis aussi que le navire avait environ 400 moments, et que c'était au capitaine qu'il incombait de faire les calculs de stabilité.

    [107]   Le témoin a reconnu en outre que M. Maan lui avait probablement dit qu'il ne devrait pas poser de questions parce qu'il n'était ni le capitaine, ni le second du navire. Il a toutefois déclaré qu'il avait fait des calculs de stabilité pour des navires à Thunder Bay, même s'il est payé par Logistics Stevedoring Co. Ltd., dont Canadian Grain Trimmers est une division.

    [108]   M. Popovic ne souscrit pas à l'idée qu'il faudrait faire une vérification du niveau des réservoirs de combustible et d'eau, mais il a avoué qu'il n'était au courant que de ce qui figurait sur la formule des calculs de stabilité et qu'il ignorait que les quantités de liquide à bord du navire n'avaient pas été vérifiées.

    [109]   Craig Koenig est inspecteur à l'ACIA depuis le 15 mars 1997. Il se rappelait avoir été interrogé par M. Tassie et se souvenait vaguement de l'incident survenu à bord du MS Lake Champlain. Il se rappelait que, lorsque M. Henderson avait demandé à M. Maan pourquoi le capitaine avait été réveillé, celui-ci avait déclaré qu'il voulait parler avec le capitaine. L'échange n'était pas hostile, mais le témoin a entendu le capitaine dire à M. Maan : [traduction] « Amir, tu mens ». M. Koenig n'avait entendu aucun échange entre le capitaine et M. Maan avant celui-là.

    [110]   En contre-interrogatoire, ce témoin a déclaré qu'il ne prenait jamais de notes et qu'il n'avait pas non plus rapporté l'incident.

    [111]   John Kingwell a commencé à travailler dans le milieu du transport maritime à l'âge de 13 ans; il vivait alors au Royaume-Uni. Il a commencé à travailler à temps plein en 1951. En 1979, il débutait à la Garde côtière du Canada (GCC) comme capitaine et officier supérieur de navires de recherche et de sauvetage. En 1988, il a été muté au TCC, à la Direction de la sécurité maritime, où il a travaillé comme expert maritime (on appelle désormais ces experts des inspecteurs maritimes). En 1997, il est devenu le gestionnaire du TCC de Thunder Bay, mais est parti le 24 août 2000 pour Sarnia, où il est devenu gestionnaire des Services des programmes.

    [112]   M. Kingwell a témoigné qu'il est titulaire d'un certificat de capitaine au long cours qui l'autorise à commander n'importe quel navire au monde.

    [113]   Son témoignage peut se résumer de la façon suivante. Il a déclaré que les agents des compagnies de transport maritime attendent beaucoup des services offerts par TC. En sa qualité de nouveau gestionnaire du TCC, il devait composer avec des ressources à la baisse. Le niveau de service auquel les agents s'attendaient, combiné avec son manque de ressources, créait beaucoup de frictions. Il avait envoyé la pièce G-8 pour rappeler aux agents que ce n'était pas aux gardiens de port qu'il incombait de faire les calculs de stabilité. Les gardiens de port doivent plutôt se faire présenter ces calculs par le capitaine; ils peuvent l'aider en lui signalant des erreurs, le cas échéant, mais leur tâche s'arrête là. Cela n'a pas eu l'heur de plaire aux agents, qui refusaient de concéder ce point.

    [114]   Le capitaine du navire doit se conformer à tous les aspects du règlement sur le chargement du grain, notamment quant aux calculs de stabilité. Le témoin a identifié la pièce G-22, Règlement sur les cargaisons de grains. Le paragraphe 6(2) du Règlement (Critères de stabilité à l'état intact) stipule que : « Sous réserve du paragraphe (3), aucun navire ne doit être chargé de grains au Canada jusqu'à ce que le capitaine n'ait démontré au gardien de port, au moyen des renseignements sur la stabilité du chargement de grains, l'aptitude du navire à se conformer, tout au long du voyage, aux exigences du paragraphe (1). » C'est le gardien de port qui détermine si les exigences applicables aux calculs de stabilité ont été respectées. M. Kingwell estimait que M. Henderson était convaincu d'avoir le droit de donner des ordres aux gardiens de port. Pourtant, rien dans la Loi sur la marine marchande du Canada ne donne à un agent l'autorité voulue pour donner des ordres à un fonctionnaire du Canada.

    [115]   TC tente de répondre aux demandes des agents, mais, en bout de ligne, c'est le Conseil du Trésor du Canada qui paye les inspecteurs, et les services qu'ils offrent sont facturés aux compagnies de transport maritime.

    [116]   M. Kingwell a déclaré que, en sa qualité de gestionnaire du TCC de la Direction de la sécurité maritime, il avait longuement parlé avec tous les inspecteurs de leur rôle et de leurs responsabilités. En fait, il avait créé un comptoir de répartition des tâches dans le bureau. Le problème était que les agents tentaient d'assigner des tâches indépendamment à son personnel, ce qui était inacceptable. Les agents pensaient que les inspecteurs devaient laisser tomber toutes leurs autres tâches pour se consacrer exclusivement aux fonctions de gardiens de port. Ils croyaient que TC n'existait que pour eux.

    [117]   L'attitude cavalière des agents s'est confirmée après l'entrée en vigueur du Code canadien du travail (CCT), qui prévoit certains critères lorsqu'on monte à bord d'un navire : il faut porter un casque, des lunettes et des bottes de protection. Les agents ont refusé de se conformer à ces exigences, de sorte que M. Kingwell a dû émettre une directive précisant qu'il fallait leur interdire de monter à bord des navires à moins qu'ils ne se conforment au CCT, ce qui a créé d'autres problèmes puisque les inspecteurs sont censés le faire respecter.

    [118]   En ce qui concerne l'incident survenu à bord du MS Lake Champlain, M. Kingwell a enquêté sur les allégations de M. Henderson que M. Maan s'était mal conduit, y compris l'allégation qu'il avait réveillé le capitaine. Il a conclu que M. Maan faisait tout simplement son travail et que c'était M. Henderson qui s'était mal conduit en le traitant d'idiot devant ses collègues en lui disant : [traduction] « Ne sois pas stupide. »

    [119]   M. Kingwell a déclaré que l'avis de concours pour le poste de M. Maan avait été affiché à Sarnia en 1998. Il y avait eu trois candidats, mais M. Maan avait été le seul à passer une entrevue, puisque les deux autres ne s'étaient pas présentés et qu'il avait réussi l'examen écrit. M. Kingwell n'a jamais communiqué avec les anciens employeurs de M. Maan à Vancouver ou en Inde, parce que l'agent des relations de travail intéressé avait déclaré que ses références étaient satisfaisantes. Le témoin a déclaré que M. Maan est détenteur d'un certificat supplémentaire de chef mécanicien qu'on obtient après des études d'un niveau tout à fait différent et qui atteste de ses compétences en ce qui concerne les moteurs à vapeur et autres; c'est l'équivalent d'un doctorat. M. Maan est considéré comme un des deux plus grands experts dans son domaine au Canada, en raison de son expérience et de ses connaissances.

    [120]   MM. Nadkarni et Mackrell ont encadré M. Maan quand il a commencé. M. Kingwell a décidé de le dispenser de sa période de stage, et il était considéré comme un candidat très prometteur pour avoir de l'avancement. (Un comité dont M. Nelson faisait partie l'avait reconnu.)

    [121]   M. Kingwell a déclaré avoir supervisé M. Maan pendant deux ans et demi. Il l'a coté entièrement satisfaisant dans son rapport d'évaluation du rendement et du potentiel (RÉRP) (pièce G-23) pour la période du 31 août 1998 au 31 mars 1999. Dans son RÉRP pour la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2000 (pièce G-10), il l'a aussi coté entièrement satisfaisant, mais lui a attribué la cote « Supérieur » [dépasse constamment toutes les exigences] dans les domaines de la construction, des réparations et de l'inspection, des inspections pour déterminer l'aptitude à naviguer, de la stabilité des subdivisions à l'état intact et avec des dommages, de l'équipement électrique, de l'adaptabilité et des relations interpersonnelles. En ce qui concerne ce dernier facteur, M. Kingwell a écrit dans ce rapport que M. Maan est [traduction] « très courtois et poli - se comporte toujours comme un professionnel ». Il a déclaré qu'il avait demandé au moins six à huit fois à M. Nelson de signer les RÉRP de M. Maan, mais que M. Nelson ne l'a jamais fait. (Dans les trois années qu'il a passées au TCC de la Direction de la sécurité maritime, M. Nelson n'a jamais signé ses RÉRP.)

    [122]   M. Kingwell a témoigné que l'expression « fucking wog » employée par M. Mackrell signifie : (pour les fins de la présente décision, je n'expliquerai pas l'adjectif) « Workers on Government Contract »; l'acronyme « wog » était estampillé sur le dos de la combinaison des ouvriers. C'était un terme dédaigneux et désobligeant employé pour désigner des personnes originaires du Moyen-Orient.

    [123]   M. Kingwell a témoigné que M. Henderson avait expressément déclaré, dans une conversation téléphonique, que M. Maan était un [traduction] « maudit trou du cul ». Cet agent avait fait de nombreuses plaintes contre les inspecteurs. Dans le cas de M. Maan, le témoin a jugé ses plaintes frivoles et non fondées. Il a déclaré avoir vérifié la situation dans chaque plainte, avoir toujours conclu que M. Maan faisait du très bon travail et constaté que les clients, dont les représentants de la Garde côtière des États-Unis à la rivière St. Mary's, avaient une très haute opinion de lui.

    [124]   M. Kingwell a déclaré que M. Maan n'était pas celui des cinq inspecteurs qui gagnait le plus d'argent en heures supplémentaires. En fait, il se situait habituellement au troisième rang dans le rapport mensuel des heures supplémentaires que M. Kingwell devait payer à même son budget.

    [125]   M. Kingwell a déclaré qu'il est ridicule de déclarer qu'un navire peut légalement prendre la mer quand les calculs de stabilité sont d'un moment. Les douze derniers navires qui ont quitté le port de Thunder Bay avaient des calculs de stabilité de 2 000 à 10 000 moments. Pour établir ces calculs, on tient compte de jusqu'à 30 variables, et 500 moments est un nombre préférable à un seul moment. Si les calculs soulèvent des doutes, la procédure normale consiste à sonder les réservoirs.

    [126]   En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré avoir travaillé comme gardien de port à Churchill, à la petite île Cornwallis, dans l'Arctique et à Thunder Bay, en plus d'avoir été superviseur à la GCC.

    [127]   Il n'a pas démordu de son évaluation de M. Maan, à savoir qu'il le considère comme un des deux meilleurs spécialistes dans son domaine, et ce après avoir travaillé avec des inspecteurs sur la côte est et sur la côte ouest, de même qu'à Ottawa.

    [128]   M. Kingwell a déclaré que l'on confiait aux inspecteurs les fonctions de gardien de port à tour de rôle, du lundi au dimanche. Les agents et les inspecteurs recevaient une copie de la liste de roulement dont il se servait.

    [129]   M. Kingwell a déclaré que son budget pour les heures supplémentaires était d'environ 36 000 $ par année et que la plus grande partie de cette somme était consacrée aux fonctions de gardiens de port. Si un inspecteur était appelé par un agent qui voulait lui faire inspecter un navire après les heures de travail ou en fin de semaine, l'inspecteur était payé trois heures même si le travail n'avait pris que deux minutes, conformément à la convention collective. Les agents téléphonaient constamment pour réclamer les services d'un gardien de port. Pendant les heures normales de travail, s'ils avaient besoin de ces services, ils s'adressaient au comptoir de répartition, mais, après les heures de travail, M. Kingwell se fondait sur son tableau de service. L'agent ou le capitaine d'un navire est tenu d'informer le gardien de port avant de commencer à charger du grain, en vertu du paragraphe 538(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada (pièce E-38).

    [130]   En contre-interrogatoire, M. Kingwell a déclaré que la difficulté était que son budget lui permettait d'offrir les services d'un seul gardien de port, alors que les agents réclamaient les services de plus d'un gardien en même temps. Il demandait aux agents de s'entendre entre eux, en leur disant que, s'ils en étaient incapables, TC y verrait. Fondamentalement, la règle pour fournir les services d'un gardien de port est que [traduction] « le premier navire au port prêt à charger a la priorité; le premier navire prêt à appareiller a la priorité. »

    [131]   M. Kingwell a déclaré que, si un navire est prêt à charger et qu'un gardien de port le quitte pour aller au mouillage, les agents se plaignent parce que ça retarde le personnel des élévateurs, les pilotes, etc., et qu'ils ont des frais supplémentaires à supporter. Il serait impensable que le gardien de port agisse de la sorte.

    [132]   M. Kingwell a déclaré n'avoir jamais reçu de plainte précise de M. Hyrb contre M. Maan au cours des quatre années qu'il a passées au TCC. Toutes les plaintes écrites de M. Henderson ont été versées au dossier; M. Kingwell a téléphoné à cet agent pour en parler. Quand les plaintes étaient présentées de vive voix, ils se rencontraient à l'heure du déjeuner pour en discuter. Le témoin a déclaré qu'il avait toujours informé M. Nelson par courriel chaque fois qu'il recevait une plainte contre M. Maan. M. Nelson était tenu parfaitement au courant.

    [133]   En réponse à une question concernant le passage du « Port Warden Handbook » relatif à la formule de calcul de stabilité du grain, où l'on peut lire ce qui suit : [traduction] « Quand il monte à bord, le second, le second officier ou, dans certains cas, le capitaine présentent au gardien de port une copie dûment remplie de la formule canadienne de 'calculs de stabilité du grain' », M. Kingwell a déclaré que le Handbook est un document de la Côte Ouest et que les gardiens de port peuvent s'en servir ou non; ce n'est pas un texte réglementaire. C'est le capitaine qui est responsable, et c'est lui qui présente les calculs de stabilité au gardien de port.

    [134]   En ce qui concerne l'incident qui aurait eu lieu à bord du MS Lake Champlain, M. Kingwell a déclaré en avoir parlé avec M. Maan. M. Maan était retourné à bord du navire; le capitaine n'avait pas présenté de plainte et il n'y avait eu aucun retard du chargement, ni non plus d'heures supplémentaires à payer. M. Maan avait déclaré qu'il devrait peut-être communiquer avec M. Henderson pour lui expliquer la Loi sur la marine marchande du Canada et ses règlements (chapitre S-9, Partie VIII, Gardiens de port) (pièce E-12, onglet 5); M. Kingwell a déclaré qu'il était d'accord avec lui. Le fax a donc été envoyé à M. Henderson, qui a téléphoné à M. Kingwell 20 minutes après sur son cellulaire pour lui déclarer qu'il n'avait pas dit à M. Maan : [traduction] « Ne sois pas un idiot; ne sois pas stupide », et qu'il allait se plaindre par écrit. M. Kingwell lui a dit très bien, mais il n'avait pas l'intention de pousser l'affaire plus loin. Il a souligné qu'il y a des moments où l'on se dispute et où le ton monte, et qu'il y a beaucoup de stress quand on charge le grain.

    [135]   En réplique, M. Kingwell a dit qu'il avait approuvé l'envoi des règlements à l'agent. La responsabilité du gardien de port consiste à maintenir le service, mais cela peut se révéler difficile à l'occasion, par exemple quand un inspecteur attend qu'on lui fournisse les calculs de stabilité pour un navire et qu'un autre agent attend que cet inspecteur fasse une inspection préliminaire à quai. Il peut aussi arriver que des remorqueurs ou des employés d'élévateurs attendent. Dans ces cas-là, le gardien de port est pris entre deux feux.

    [136]   Richard Nisbet est un spécialiste multiproduits (EG-04) à l'ACIA. Il travaille dans son domaine depuis 12 ans et il est chargé de l'administration de 13 lois et de 16 règlements concernant les céréales, les pesticides, la foresterie, etc.

    [137]   M. Nisbet a témoigné avoir travaillé à maintes reprises avec M. Maan. Il a aussi déclaré qu'il n'avait jamais été témoin de menaces proférées par M. Maan à l'endroit d'un agent, d'un capitaine ou de membres de l'équipage d'un navire. Il a précisé que c'était habituellement M. Henderson qui était l'instigateur tandis que M. Maan gardait son calme et le laissait se défouler.

    [138]   Le témoin a reconnu que M. Tassie l'avait interrogé (pièce E-12, onglet 18), mais, quand il s'est fait demander s'il avait été interrogé au sujet de l'incident survenu à bord du MS Lake Champlain, il a répondu par la négative. Sa version de l'incident en question se résume comme suit.

    [139]   M. Nisbet était monté à bord du navire à 6 h 30. M. Maan était déjà là, mais l'agent de la compagnie de transport maritime (M. Henderson) n'était pas encore arrivé; il s'est présenté 15 à 20 minutes plus tard. C'était inhabituel, puisque les inspecteurs insistent pour que l'agent soit présent afin de faciliter leur rencontre avec le capitaine et les officiers. Quand il est monté à bord, M. Nisbet s'est rendu à la cabine du capitaine en compagnie de trois stagiaires de l'ACIA. Le capitaine était assis à son bureau; M. Maan était debout à côté du second. M. Nisbet n'a jamais entendu M. Maan menacer le capitaine et déclarer qu'il ne parlait qu'avec des capitaines, pas avec des seconds, ou qu'il quitterait le navire et ferait en sorte qu'aucun autre inspecteur ne vienne faire l'inspection réglementaire. Il n'y avait pas de conflit entre le capitaine et M. Maan; en fait, M. Maan aidait le capitaine à faire les calculs de stabilité. C'est M. Henderson qui était agité. Il parlait fort, en s'en prenant à M. Maan; c'était un monologue de M. Henderson, qui a dit à M. Maan de se taire et de cesser d'être un idiot. M. Nisbet a déclaré qu'il n'a vu aucune indication que le capitaine était fâché contre M. Maan, qu'il l'avait traité de menteur ou qu'il avait déclaré que M. Maan déformait la vérité. M. Nisbet est parti du MS Lake Champlain vers 8 h, avec les stagiaires de l'ACIA.

    [140]   En contre-interrogatoire, M. Nisbet a répété que le capitaine n'était absolument pas fâché contre M. Maan; il a déclaré que, si le capitaine avait été fâché, il s'en serait souvenu. Il a aussi confirmé que, lorsqu'il est monté à bord du navire, à 6 h 30, le capitaine était dans sa cabine, assis à son bureau, et qu'il l'a salué, comme les autres membres de l'équipe de l'ACIA.

    [141]   M. Nisbet se rappelle un autre incident survenu vers la fin d'août 1999 lors d'une rencontre qu'il avait eue avec Doreen Moore et Gerry Dignard, tous deux de l'ACIA, ainsi qu'avec M. Hyrb, Roy Ward, de la Canadian Ports Clearance Association, et M. Henderson. À cette occasion, il y a eu une discussion sur les changements que l'ACIA comptait apporter à ses services. M. Henderson s'est mis en colère et a déclaré : [traduction] « C'est ridicule en maudit ». Il a jeté son cartable sur le plancher en s'écriant que Mme Moore n'avait aucune idée de ce qu'était l'industrie du transport maritime, ni des politiques de l'ACIA.

    [142]   Peter Mihalus a travaillé sept ans et demi comme inspecteur (TI-07) au TCC de Thunder Bay de la Direction de la sécurité maritime; il a remplacé M. Kingwell 25 ou 30 fois pendant ses absences.

    [143]   Son témoignage se résume de la façon suivante. Il n'a jamais constaté que M. Maan était grossier, que ce soit envers le capitaine ou envers les membres de l'équipage d'un navire. Il se rappelle que M. Henderson l'avait traité de [traduction] « maudit idiot » devant lui et devant M. Schroeder. Il avait dit à M. Henderson que c'était une remarque inacceptable. Il a aussi entendu M. Henderson déclarer plus d'une fois [traduction] « le trou du cul [M. Maan] ne viendra pas ici aujourd'hui ».

    [144]   M. Mihalus a aussi déclaré qu'il y avait eu un incident entre MM. Maan et Henderson quand ils étaient à bord d'un autre navire (le Halifax) et qu'il avait entendu M. Mackrell qualifier M. Maan de [traduction] « maudit métèque ». C'était une expression qu'il n'avait pas entendue jusque-là; il a appris plus tard que c'était une insulte qu'on adressait à des travailleurs ou à des personnes originaires du Moyen-Orient.

    [145]   M. Mihalus a décrit son interrogatoire de cinq à dix minutes par M. Tassie (pièce E-12, onglet 10). M. Tassie ne lui a jamais posé de questions au sujet d'un certificat postdaté concernant le MS Lok Rajeshwari. M. Mihalus était le gestionnaire par intérim à l'époque; on ne l'avait pas informé de plaintes au sujet d'un certificat d'instruction préliminaire postdaté. Les certificats coûtent 135 $, et les agents se font tirer l'oreille pour s'en faire délivrer un autre. Il n'empêche qu'un autre certificat aurait pu être délivré si les recommandations n'avaient pas été appliquées. Il est interdit de délivrer un certificat de navire prêt à charger tant que l'ACIA n'a pas confirmé que la fumigation nécessaire a été faite et que les cales sont conformes à sa réglementation.

    [146]   Le témoin a déclaré que les calculs de stabilité et les moments de dérive ont pour objet d'assurer une marge de sécurité. Il a dit qu'il contesterait le calcul s'il y avait 400 moments, et il avait 500 moments en tête. Thunder Bay est le seul port du Canada qui n'a pas de conseiller maritime pouvant aider le personnel des navires à faire les calculs de stabilité. C'est un irritant majeur pour les agents des compagnies de transport maritime, qui s'attendent à ce que les inspecteurs fassent les calculs eux-mêmes. Le fait est que les inspecteurs peuvent aider les officiers de navire à faire ces calculs, mais leur tâche consiste simplement à s'assurer que les calculs sont bons parce que, si les inspecteurs faisaient eux-mêmes les calculs de stabilité et qu'il y avait un accident, la GCC pourrait en être tenue responsable. Le 26 mai 2000, M. Kingwell a envoyé à MM. Hyrb et Henderson une note de service pour le leur rappeler, en déclarant ce qui suit (pièce G-8) :

    [Traduction]

    Commentaires : FONCTIONS DES GARDIENS DE PORT - CALCULS DE STABILITÉ

    La présente note de service a pour objet de vous rappeler que les gardiens de port ne sont pas tenus de participer aux calculs de stabilité du grain. Cette responsabilité incombe plutôt au capitaine, qui doit présenter les calculs au gardien de port, à son arrivée à bord.

    Le gardien de port peut donner verbalement des instructions générales, à l'occasion, pour accélérer le travail; il signale toutes les erreurs qu'il constate, afin que le capitaine puisse refaire ses calculs et les représenter pour qu'ils soient de nouveau vérifiés.

    Je vous sais gré de l'attention que vous porterez à cette question.

    [147]   M. Mihalus a déclaré qu'il avait formé tous les inspecteurs, y compris M. Maan, en commençant en 1997 avec M. Nadkarni. S'il ne peut pas obtenir un calcul de stabilité d'au moins 500 moments, il [traduction] « surveille [le navire] comme un faucon guette sa proie ». Les manutentionnaires chargent le grain dans les cales à un rythme de 800 à 1 000 tonnes à l'heure, et ce facteur peut changer deux ou trois fois les calculs de stabilité. Il est important que le commerce se fasse, bien sûr, mais les inspecteurs sont tenus de s'assurer que les règles et les règlements sont respectés.

    [148]   M. Mihalus a témoigné avoir travaillé pendant quatre ans avec M. Maan. Il a ajouté que M. Maan est un professionnel et qu'il fait son travail de façon très méticuleuse. Il était toujours disposé à aider ses collègues et il avait une excellente réputation auprès des propriétaires de navires canadiens ainsi que des manutentionnaires. M. Mihalus a déclaré qu'il n'aurait pas de problème à travailler de nouveau avec M. Maan.

    [149]   Enfin, M. Mihalus a déclaré que M. Henderson se plaignait de tout le monde, mais qu'il [traduction] « s'en prenait particulièrement à Amir ».

    [150]   En contre-interrogatoire, M. Mihalus a expliqué que c'est pour des questions de responsabilité civile et pour se conformer à la pièce G-8 que les gardiens de port peuvent seulement approuver les calculs, bien qu'il préfère pour sa part avoir au moins 500 moments. Il a déclaré que, s'il ne peut pas arriver à 500 moments, il va pousser plus loin parce que les calculs de stabilité auraient pu être faits quand le navire était vide, qu'il n'y avait pas de combustible ou d'eau à bord, qu'il aurait pu y avoir un pied de boue dans le bouchain, etc. Quand un navire gîte, les inspecteurs sont légalement autorisés à vérifier les réservoirs de ballast, les niveaux de liquide, etc. Ça peut être long et ça peut coûter cher, mais les gardiens de port ont ce pouvoir.

    [151]   Le témoin a déclaré qu'il insiste toujours pour que le capitaine du navire lui présente les calculs de stabilité, parce que c'est sa responsabilité. Ce n'est jamais un second qui présente les calculs de stabilité directement au gardien de port; c'est toujours le capitaine qui le fait.

    [152]   M. Mihalus a déclaré qu'on ne lui a jamais demandé un autre certificat d'inspection préliminaire, probablement en raison de son coût (135 $). Il a affirmé qu'il ne délivre pas de certificats postdatés. Si des réparations s'imposent, il demande à voir la documentation et vérifie les lacunes lui-même avant de délivrer un certificat. Il a déclaré que les inspecteurs ne délivrent pas de certificat postdaté. Il n'a jamais entendu parler d'une chose pareille et n'a jamais non plus entendu parler d'une plainte concernant la délivrance d'un certificat postdaté.

    [153]   John Haikalis travaille actuellement pour Hayes Stewart Inc. comme expert maritime conseil. Quand ce grief a été déposé, il travaillait pour Empire Stevedoring, où sa tâche essentielle consistait à charger du grain. Son navire était le MS Millennium Condor.

    [154]   M. Haikalis a déclaré que M. Maan était monté à bord le samedi 2 décembre 2000 pour vérifier si les cales étaient pleines. Il attendait pour charger le navire, mais les calculs de stabilité n'étaient pas prêts. Le témoin a été catégorique : [traduction] « Je peux charger du grain à un rythme de 800 à 1 000 tonnes à l'heure, mais, à Thunder Bay, je ne peux le décharger qu'à 35 tonnes à l'heure. S'il y a une erreur, c'est moi qui paie la note, et ça peut être 10 000 $ à 15 000 $ par jour. » Il gardait environ 500 tonnes de grain en réserve. Il s'est rappelé que M. Maan avait quitté le navire à 12 h 30. Il a déclaré avoir cessé de charger le grain parce qu'il attendait les calculs de stabilité. De 13 h 20 à 13 h 45, il a chargé environ 100 tonnes de plus et il a attendu d'autres calculs de stabilité. Entre 13 h 45 et 15 h, le second refaisait les calculs de stabilité et le navire bougeait.

    [155]   Le témoin a déclaré que M. Maan n'avait jamais retardé le chargement du navire. M. Henderson voulait que le témoin charge plus de grain en se fondant sur les vieux calculs de stabilité. Il criait : [traduction] « Tu peux en prendre plus. » Le témoin a déclaré : [traduction] « Je ne l'écoute jamais. Ce n'est qu'un agent. C'est moi qui suis blâmé et qui paie la note. Je n'ai pas de problème à travailler avec n'importe qui à Thunder Bay, sauf M. Henderson. Je ne m'occupe pas de lui. »

    [156]   Il n'y a pas eu de contre-interrogatoire de ce témoin.

    [157]   Amir Maan a commencé à travailler à la Direction de la sécurité maritime au TCC de Thunder Bay le 31 août 1998. Son dernier jour au travail a été le 5 décembre 2001.

    [158]   M. Maan est arrivé au Canada en février 1997; sa famille l'a rejoint en mai 1998. C'est pendant qu'il était à Vancouver qu'il a vu l'avis de concours pour le poste de TI-07 sur le site Web de la Commission de la fonction publique. Pour être admissible, il a passé l'examen canadien de mécanicien de première classe diesel et vapeur, même s'il avait ce certificat au Royaume-Uni depuis 1980.

    MS Lake Champlain

    [159]   M. Maan a témoigné être monté à bord du navire à 6 h 15, comme M. Henderson le lui avait demandé la veille. Il a été étonné de constater que personne ne l'attendait pour l'accueillir à la passerelle d'embarquement, ce qui n'est pas conforme au protocole. Après avoir attendu cinq minutes, il s'est rendu à la cabine du capitaine, qui lui a ouvert la porte, ce sur quoi il l'a informé qu'il n'y avait personne à la passerelle d'embarquement, en demandant au capitaine s'il l'attendait ou non. Il lui a aussi demandé s'il était malade; le capitaine a répondu : [traduction] « Non, ça va. Donnez-moi cinq minutes. »

    [160]   M. Henderson n'était pas là. Le capitaine a invité M. Maan dans son bureau; ils ont échangé leurs cartes de visite. Le capitaine a donné à M. Maan l'information sur son navire (tonnage et immatriculation). M. Maan a alors téléphoné à M. Henderson, qui aurait dû être là à 6 h 30. (Le protocole veut que l'agent soit à bord du navire quand le gardien de port y arrive.)

    [161]   Le second est arrivé à la cabine du capitaine avec les calculs de stabilité. Certains agents de l'ACIA étaient arrivés entre-temps. M. Henderson s'est présenté à 7 h; il est resté debout à côté d'une cloison. Quand le capitaine s'est tourné vers lui pour l'informer que M. Maan était monté à bord tout seul, M. Henderson a répondu que M. Maan était un [traduction] « idiot ». Les calculs de stabilité étaient satisfaisants; on en a fait une photocopie pour le rapport. L'inspection a été faite avec le second et les inspecteurs de l'ACIA.

    [162]   M. Maan a déclaré qu'il n'y avait pas eu de discussion, à son avis. Il a délivré un certificat de navire prêt à charger et il est parti à 8 h. Il est remonté à bord du navire le 1er juillet 2000 pour délivrer un certificat l'autorisant à prendre la mer. Il n'y avait pas de problèmes; le navire a appareillé à l'heure prévue.

    [163]   M. Maan a déclaré avoir informé M. Kingwell de l'incident au cours duquel il s'était fait qualifier d'idiot. Il s'est fait dire de vérifier dans la Loi sur la marine marchande du Canada et dans le Règlement sur le chargement des grains pour déterminer les responsabilités du capitaine et de l'agent. M. Kingwell lui a dit qu'il tentait de passer d'un vieux système à un nouveau et que cela contribuerait à clarifier les rôles des intéressés pour tous les inspecteurs qui relevaient de lui. M. Maan a fait une photocopie du Règlement et l'a montrée à M. Kingwell; ils étaient d'accord pour l'envoyer à M. Henderson.

    [164]   M. Maan a témoigné que ce n'est pas avant d'avoir vu le questionnaire de M. Tassie, le 24 octobre 2001, qu'il s'est rendu compte qu'on avait porté plainte contre lui au sujet du MS Lake Champlain. M. Kingwell lui avait dit que toutes les plaintes de M. Henderson avaient été réglées.

    MS Lok Rajeshwari

    [165]   M. Maan était le gestionnaire par intérim du 25 septembre au 1er octobre 2000, quand l'intérim est passé à M. Mihalus du 2 au 15 octobre. M. Mackrell était le gardien de port de service du 25 septembre au 1er octobre 2000; M. Maan a assumé cette tâche à son tour du 2 au 9 octobre.

    [166]   M. Maan a déclaré que le 26 septembre 2000, il était à bord du vapeur Oakglen, à la cale sèche Pasco. Vers 13 h 15, il a reçu un appel de M. Mackrell lui déclarant qu'il était occupé, mais qu'il avait besoin d'un inspecteur à bord du MS Lok Rajeshwari. Comme les autres inspecteurs étaient occupés eux aussi, M. Maan s'est rendu à bord de ce navire. M. Henderson avait réclamé un certificat de navire prêt à charger. D'après lui, les lacunes énumérées par M. Schroeder avaient été corrigées.

    [167]   M. Maan est monté à bord du MS Lok Rajeshwari à 13 h 40. Le navire n'était pas prêt; on n'avait pas terminé la réparation des membrures dans les cales. M. Henderson a déclaré que le navire était prêt à charger, mais le capitaine a dit que non. M. Maan a demandé le certificat d'inspection préliminaire; le capitaine lui en a montré deux, le premier daté du 23 septembre 2000 (pièce E-20) et signé par M. Schroeder, qui précisait qu'il y avait des lacunes dans la cale no 2 ([traduction] « membrures et bride de support fissurées »), la cale no 6 ([traduction] « filtres de bouchain à réparer à la satisfaction de l'expert maritime ») et les cales no 1, no 3, no 4 et no 5 ([traduction] « filtres de bouchain à inspecter par l'équipage et à réparer au besoin à la satisfaction de l'expert maritime »). Le second certificat (pièce G-11) avait été signé par M. Schroeder le 24 septembre 2000; il confirmait que toutes les membrures fissurées ainsi que la bride de support avaient été réparées à sa satisfaction.

    [168]   La pièce G-13 est une facture de Pascol Engineering pour [traduction] « cinq filtres de bouchain conformes à l'échantillon fabriqués et fournis ». La pièce G-35, datée du 26 septembre 2000 et signée par le capitaine, confirmait que les filtres avaient été fournis au navire.

    [169]   M. Maan a déclaré être alors allé visiter la cale no 6 avec le second pour inspecter les filtres de bouchain, aussi appelés la boîte aux roses. Le second a appelé la salle des machines pour ordonner qu'on commence à pomper le bouchain. Dans la cale no 6, ça fonctionnait, et le second a affirmé que le autres filtres de bouchain avaient été installés. M. Maan n'a pas inspecté lui-même les autres filtres; c'est une pratique courante. Il a délivré un certificat d'inspection préliminaire (pièce E-22) à 14 h le 26 septembre 2000, en précisant que les filtres de bouchain avaient été installés à bord et qu'ils étaient en bon état. Il n'a pas délivré de certificat de navire prêt à charger ce jour-là.

    [170]   Le 27 septembre 2000, M. Mackrell a déclaré qu'on attendait que la fumigation du navire soit terminée pour le charger. M. Maan est retourné à bord le lendemain. La fumigation n'était pas terminée; il n'a donc pas délivré de certificat de navire prêt à charger.

    [171]   Le 29 septembre 2000, M. Mackrell a délivré le certificat de navire prêt à charger (pièce G-36). M. Maan a déclaré s'être de nouveau rendu à bord du navire le 2 octobre 2000. Pendant qu'il était là, M. Mackrell n'a rien dit au sujet d'un certificat postdaté. M. Maan a déclaré qu'on ne lui en a jamais demandé un. Il n'était pas au courant des allégations avant le 20 mars 2002, la première fois qu'il a vu la plainte. Avant cette date, il n'avait aucune idée de son auteur. Il ne s'est jamais fait demander quoi que ce soit au sujet d'un certificat postdaté par M. Mackrell, M. Henderson, M. Lavender ou M. Mihalus, qui était son superviseur à l'époque.

    MS Millennium Condor

    [172]   M. Mackrell est devenu le gestionnaire par intérim du TCC de Thunder Bay de la Direction de la sécurité maritime en novembre 2000. Le 27 novembre 2000, M. Maan travaillait comme gardien de port; M. Nadkarni n'était pas chargé de cette tâche cette semaine-là, pour autant que M. Maan le savait. Le 3 novembre 2000, M. Maan avait délivré un certificat de navire prêt à charger. À 9 h, il est monté à bord du MS Utviken pour faire une inspection à quai. Il a quitté ce navire pour se rendre à bord du MS Millennium Condor à 10 h 30. En cours de route, il a téléphoné à un manutentionnaire (M. Haikalis) pour savoir si l'une ou l'autre des cales étaient pleines. Il s'est fait répondre que quelques-unes l'étaient; il a donc demandé au manutentionnaire de déplacer le navire. Vers 10 h 35, M. Maan est arrivé à bord du navire en prévoyant y passer 10 à 15 minutes, mais le capitaine l'a informé que le plan de chargement avait été modifié et qu'il attendait les nouveaux calculs de stabilité. M. Maan l'a informé qu'il avait un autre rendez-vous à 12 h 15.

    [173]   À 10 h 40, M. Henderson a téléphoné; M. Maan l'a informé qu'il devait aller à bord d'un autre navire à quai (le Shipka) à 12 h 15.

    [174]   M. Mackrell a téléphoné à 11 h pour dire à M. Maan que M. Nadkarni était sur le quai. M. Maan a déclaré que les calculs de stabilité n'étaient pas prêts; M. Mackrell lui a répondu qu'il enverrait M. Nadkarni ailleurs. M. Maan a expliqué à M. Mackrell que l'agent du navire (M. Hyrb) et une équipe d'inspecteurs de l'ACIA avaient réservé un remorqueur pour se rendre à bord d'un autre navire (le Shipka). L'agent attendait un certificat de navire prêt à charger. Si M. Maan ne se rendait pas à bord du Shipka, tous ces gens allaient attendre pour rien. Il a attendu les calculs de stabilité à bord du MS Millennium Condor pendant une heure et demie. Le capitaine lui a dit qu'il semblait que le second n'arrivait pas à finir les calculs. M. Maan lui a expliqué qu'il devait se rendre à bord d'un autre navire, le Shipka.

    [175]   M. Maan a déclaré avoir appelé M. Mackrell à 12 h 25 pour lui expliquer que les calculs de stabilité n'étaient pas terminés et qu'il devrait demander au capitaine de téléphoner à M. Henderson une fois que ce serait fait. Le journal de M. Maan pour la journée du 2 décembre 2000 confirme qu'il a quitté l'autre navire (le Shipka) à 16 h. Personne ne l'avait informé que M. Nadkarni travaillait aussi comme gardien de port. Il a su par la suite que cela avait été décidé le vendredi. M. Maan a déclaré qu'on aurait dû l'en informer, parce qu'il était le gardien de port.

    [176]   M. Maan a téléphoné à M. Henderson à 15 h 45 pour l'informer que le navire pouvait appareiller. Il a ensuite téléphoné à M. Mackrell pour lui dire qu'il s'occuperait du navire. M. Mackrell a répondu : [traduction] « Vous n'irez pas à bord du navire. Vous autres, vous les métèques, vous pouvez vous plaindre à qui vous voudrez. » M. Maan a déclaré que M. Mackrell l'avait déjà traité de [traduction] « métèque » en 1999. À l'époque, il avait montré à M. Maan la définition du mot dans le dictionnaire, mais, même s'il en connaissait la connotation négative, M. Mackrell a décidé de continuer à l'utiliser en sa présence.

    [177]   La pièce G-25 confirme que le numéro du téléphone cellulaire de M. Maan était le (807) 628-6450 et qu'il a appelé M. Mackrell à son numéro de téléphone cellulaire ((807) 628-5151) à 15 h 45 ce jour-là.

    [178]   La pièce G-26 confirme que M. Maan avait téléphoné à M. Mackrell à 12 h 26, 15 h 45 et 15 h 46. M. Maan a envoyé un courriel à M. Nelson pour l'informer qu'il considérait la remarque de M. Mackrell comme insultante. Il a déclaré avoir eu connaissance de l'allégation portée contre lui dans le résumé du questionnaire de M. Tassie le 29 octobre 2001. Toutefois, ce n'est pas avant le 20 mars 2002 qu'il a su que la plainte avait été portée par M. Henderson. Personne n'a soulevé la question de la plainte avec lui et personne ne l'en a informé non plus.

    [179]   La pièce G-24 confirme que, le 30 novembre 2000, la cale no 3 du MS Millennium Condor était vide et qu'on commençait à y charger 1 550 tonnes métriques de graines de lin le 2 décembre 2000, à 15 h.

    MS Federal St-Laurent

    [180]   M. Maan était le gardien de port de service le 18 avril 2001 quand on lui a demandé de délivrer un CPPA. Il ne l'avait jamais fait jusque-là, même s'il avait reçu une formation initiale en 1999.

    [181]   M. Maan a déclaré avoir reçu la pièce G-37 de M. Mackrell; c'était une demande de CPPA d'Anglo-Eastern Ship Management Ltd. Le navire en question était censé arriver à Thunder Bay dans la soirée du vendredi 20 avril 2001 et en repartir le matin du dimanche 22 avril 2001. Il n'y avait aucune zone mentionnée dans la demande de CPPA. M. Maan est arrivé à bord du navire le samedi 21 avril 2001, à 16 h 15; il a fait une inspection préliminaire et délivré un certificat de navire prêt à charger.

    [182]   La pièce G-38 est un extrait du journal de M. Maan où l'on voit qu'il a reçu sept appels de M. Hyrb réclamant des inspections. Le troisième appel, reçu à 12 h 55 le samedi 21 avril 2001, réclamait une inspection le lundi 23 avril 2001 à 6 h 30 pour le MS Federal Yoshino. Le MS Federal St. Laurent était censé quitter le port à midi le lundi. L'inspection nécessaire à la délivrance d'un CPPA aurait pris environ deux heures. M. Maan a dit au capitaine qu'il ne pourrait pas faire l'inspection le lundi; ce n'était pas possible. Ils se sont entendus pour qu'il la fasse le dimanche, et M. Henderson n'a pas protesté.

    [183]   Le samedi 21 avril 2001, le navire n'était pas prêt à charger et le capitaine n'avait pas non plus le règlement ou les publications relatives au CPPA à bord. Il ne savait pas très bien pour quelles zones il avait besoin du CPPA et ce n'était pas précisé dans la demande d'Anglo-Eastern Ship Management Ltd. (pièce G-37).

    [184]   M. Maan a déclaré avoir remis à M. Henderson le règlement et les publications en question pour qu'il puisse les faire photocopier; il a demandé qu'on lui rende les originaux. Le lendemain, c'est-à-dire le jour où il avait dit qu'il reviendrait inspecter le navire (le dimanche), M. Henderson n'était pas là. M. Maan a fait l'inspection requise pour la délivrance du CPPA, puis, à 11 h 20, il a téléphoné à M. Mackrell afin de vérifier les tolérances minimales pour ce genre d'inspection. C'était la première inspection de ce genre qu'il faisait. M. Mackrell a déclaré que, si le navire avait un certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures, ça suffisait pour qu'on puisse délivrer un CPPA.

    [185]   M. Maan a déclaré qu'il pensait qu'une inspection préalable à la délivrance d'un CPPA allait plus loin que ce que M. Mackrell lui avait dit, mais il a quand même délivré le CPPA demandé le dimanche 22 avril 2001. La carte des zones de contrôle pour la sécurité maritime (pièce G-40) révèle que, pour se rendre de Thunder Bay à Churchill en passant par Montréal, le navire devait traverser les zones 14 et 15.

    [186]   Le lundi 23 avril 2001, M. Maan a fait une recherche plus poussée dans la réglementation et les publications (pièce G-41, Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et Règlement sur les appareils et le matériel de navigation). Il a clairement compris que le navire avait besoin de deux gyrocompas, puisqu'il jaugeait 20 837 tonnes et que ce n'était pas un navire canadien (il battait pavillon de la Barbade). Le navire était donc assujetti à la convention internationale sur la sécurité en mer et il était considéré comme un navire assujetti à la convention en vertu de la loi. En tant que navire non canadien assujetti à la convention sur la sécurité, il devait se conformer aux normes, en ayant à son bord le certificat de sécurité relatif à la construction des navires de charge (CSCNC) et le certificat de sécurité relatif à l'équipement des navires de charge (CSENC). La pièce G-43, un certificat international de franc-bord, délivré par Det. Norske Veritas (de Shanghai, en Chine) le 13 février 2001, avait été prorogé jusqu'au 13 juillet 2001. La pièce G-44, un certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures, lui aussi délivré par Det. Norske Veritas le 14 février 2001, était prorogé jusqu'au 13 juillet 2001. La pièce G-45, un certificat de sécurité relatif à l'équipement des navires de charge délivré par Det. Norske Veritas le 14 février 2001, était valide jusqu'au 30 avril 2001, mais il n'avait pas été prorogé, contrairement aux deux certificats qui précèdent. M. Maan a déclaré s'être rendu compte de cette lacune le mardi 24 avril 2001. La pièce G-42 est un document de TC intitulé « Avis aux experts maritimes » où l'on peut lire ce qui suit au sujet des fonctions générales de ces fonctionnaires :

    1. Le paragraphe 316(5) de la Loi sur la marine marchande du Canada impose la responsabilité de la certification d'un navire à son propriétaire; le propriétaire doit aussi préciser le type de certificat d'inspection requis, soit pour un navire à passagers ou pas, la classe des voyages proposés, l'équipage prévu du navire, etc.

    [187]   Le capitaine n'avait jamais limité les zones dans lesquelles le navire devait passer aux zones 14 et 15. La demande (pièce G-37) ne faisait que déclarer que le capitaine désirait demander un CPPA.

    [188]   En ce qui concerne l'inspection des navires, l'Avis aux experts maritimes (pièce G-42) précise que, « lorsqu'un expert maritime est d'avis que les dispositions de l'alinéa a) ou b) du paragraphe 17(2) du RPPEAN s'appliquent, le certificat peut être déclaré invalide ou, lorsque l'expert maritime y a accès, il peut être invalidé par une inscription appropriée à l'endos ». [Alinéa 8(13)b) du Règlement sur la prévention de la pollution des eaux arctiques par les navires - Certification et Inspection.]

    [189]   M. Maan a déclaré qu'il était un agent de pollution de la prévention dûment qualifié en vertu de la LMMC. L'article 11.10 du Règlement (pièce G-42) stipule que le CPPA est valide pour une période d'au plus un an et qu'il expire toujours le 31 mars. M. Maan en a alors informé M. Mackrell, qui lui a dit qu'il devrait rédiger un autre certificat. M. Maan a déclaré avoir expliqué à M. Mackrell qu'il ne pouvait pas le faire et qu'il fallait que le certificat soit délivré par un représentant de Det. Norske Veritas, les représentants du pays dont le navire battait pavillon (la Barbade). Dans la matinée du 24 avril 2001, M. Maan a aussi parlé à M. Nabil, du bureau de Winnipeg de TC, qui avait fait de nombreuses inspections de navires voulant obtenir un CPPA. M. Nabil lui a dit que le navire devait être équipé de deux gyroscopes, de deux sondeurs acoustiques et de deux radars; en outre, tous les certificats devaient être valides.

    [190]   On n'avait pas terminé le chargement du navire à 10 h 20 le mardi 24 avril 2001, quand M. Maan est remonté à bord. Il a demandé au capitaine de combien de gyroscopes et de sondeurs acoustiques son navire était équipé; le capitaine lui a répondu qu'il avait un appareil de chaque type. M. Maan a montré au capitaine que le Règlement exigeait que son navire soit équipé de deux gyroscopes et de deux sondeurs acoustiques. Le capitaine a déclaré que les navires frères de la flotte avaient obtenu un CPPA même s'ils n'étaient équipés que d'un appareil de chaque type. M. Maan a déclaré avoir expliqué au capitaine qu'il y avait peut-être une restriction ou une exemption. Le capitaine tenait à obtenir le CPPA, de sorte qu'il a téléphoné à ses mandants à Montréal pour leur demander de lui télécopier des copies des autres certificats pertinents. M. Maan a déclaré que le capitaine n'avait pas reçu de fax pendant qu'il était à bord. Il a rédigé un rapport SI-7 précisant les lacunes, puis annulé le certificat original qu'il avait délivré en traçant une ligne dessus.

    [191]   M. Maan a déclaré que le capitaine ne s'était pas plaint à lui du retrait du CPPA ou des heures supplémentaires qu'il avait faites le lundi 22 avril 2001. Il avait semblé satisfait après s'être fait montrer que le règlement exigeait deux gyroscopes et deux sondeurs acoustiques.

    [192]   M. Maan a déclaré que la formule SI-7 (pièce E-4) précise clairement que la raison du retrait du CPPA était que (1) le navire doit avoir tous les certificats valides pour la durée du CPPA et (2) qu'il doit être équipé de deux gyrocompas. Il a déclaré qu'il ne parlait qu'au capitaine du navire lorsqu'il s'agissait de questions importantes de sécurité maritime.

    [193]   Quant à la question de M. Popovic sur ce qui serait arrivé si le capitaine avait refusé de lui rendre le certificat, M. Maan a déclaré qu'il était inacceptable que cette question soit posée devant le capitaine. Il a dit qu'il avait expliqué à M. Popovic qu'il lui en reparlerait une autre fois à son bureau. M. Maan a maintenu qu'il avait des rapports avec M. Popovic sur des questions relatives au commerce, puisque c'est cela qui était de son ressort en sa qualité de manutentionnaire. Il a déclaré ne pas avoir dit qu'aucun autre inspecteur ne viendrait à bord, ni avoir menacé de se plaindre au syndicat. M. Maan était d'avis qu'il y avait des frictions entre M. Henderson, le capitaine et lui-même. Par conséquent, il a dit au capitaine qu'il ne lui serait pas facturé de temps supplémentaire pour le dimanche et il n'a pas réclamé d'heures supplémentaires.

    [194]   La pièce E-37 est une lettre d'Anglo-Eastern Ship Management Ltd. datée du 1er juin 2001 dans laquelle l'entreprise se plaint du retrait du CPPA par M. Maan. Au paragraphe (iii), on peut lire que tous les certificats étaient valides et que les certificats pour toute la durée étaient en route. M. Maan a témoigné n'avoir jamais vu cette plainte avant le 25 juin 2001, en maintenant qu'aucun certificat n'était arrivé pendant qu'il était à bord du navire.

    [195]   Par suite des plaintes de M. Henderson, M. Maan n'a pas été affecté à des tâches à bord de navires associés à Lake Superior Shipping Ltd. et à M. Henderson jusqu'à nouvel ordre, conformément au courriel du 27 avril 2001 que M. Mackrell lui avait adressé (pièce E-5).

    [196]   M. Maan a témoigné avoir été interrogé par M. Lavender le 17 mai 2001, mais il a déclaré ne pas avoir reçu une copie de son rapport d'enquête (pièce G-3) avant le 4 avril 2002, soit 11 mois plus tard. Il a affirmé que jamais personne ne lui avait parlé d'un incident quelconque à bord du MS Federal St. Laurent.

    MS Marilis T

    [197]   M. Maan a déclaré être monté à bord du navire vers 7 h en compagnie de M. Hyrb, pour délivrer un certificat de navire prêt à charger. Comme on avait constaté des lacunes à l'étape de l'inspection préliminaire, mais que les réparations n'étaient pas terminées, il a quitté le navire pour y revenir vers 9 h 50. On lui a présenté les calculs de stabilité, mais la masse de données était impressionnante et certains calculs manquaient. Par exemple, le capitaine ne savait pas exactement combien de mazout il avait embarqué à Montréal, et comme sa destination n'était pas claire non plus, la consommation de combustible n'était pas calculée avec précision. M. Maan a déclaré qu'il avait demandé que les calculs soient refaits. Il a précisé qu'il avait demandé au capitaine d'ajouter du lest afin d'arriver au nombre de moments approprié pour les calculs de stabilité. C'est à ce moment-là que M. Popovic lui a dit qu'il ne devrait pas demander au capitaine d'ajouter du lest. M. Maan a affirmé qu'il était responsable de la sécurité du navire, et que c'était sa signature qui apparaîtrait sur la formule des calculs de stabilité.

    MS Pintail

    [198]   M. Maan était le gardien de port quand il est monté à bord du navire vers 15 h pour délivrer un certificat de navire prêt à charger. Comme les lacunes qui avaient été constatées n'étaient pas corrigées, il n'a pas pu délivrer le certificat demandé. M. Hyrb a téléphoné vers 19 h pour demander qu'il remonte à bord parce que les réparations étaient terminées. M. Maan est donc remonté à bord du navire vers 20 h 15; il a délivré un certificat de navire prêt à charger et il est reparti vers 20 h 45.

    [199]   M. Maan a confirmé qu'il avait été informé de cette plainte le 20 mars 2002.

    Incident du district de Nipigon

    [200]   La pièce G-47 est une lettre du ministère des Ressources naturelles de l'Ontario datée du 19 août 2002 confirmant que le Ministère avait demandé à M. Maan de revenir le 27 septembre 2001 à bord du Jim Dan D pour en terminer l'inspection.

    [201]   M. Maan a déclaré que le courriel de M. Mackrell daté du 26 septembre 2001 (pièce G-16) lui enjoignant de rester au bureau jusqu'à ce que M. Mackrell lui ait parlé n'a pas été reçu au bureau avant 17 h 07. M. Maan a précisé qu'il était parti du bureau à 16 h 45 et qu'il avait pris le départ pour Nipigon vers 8 h 20 le lendemain, dans le véhicule du Ministère. Vers 8 h 35 le 27 septembre 2001, il a parlé à la secrétaire du bureau, qui l'a informé que M. Mackrell voulait lui parler. À 8 h 40, il a téléphoné à Nipigon pour informer les intéressés qu'il était en route. Vers 8 h 53, il a reçu de St. Catharines un appel de M. Mackrell qui voulait savoir pourquoi il se rendait à Nipigon. M. Maan a déclaré avoir dit à M. Mackrell : [traduction] « Ce n'est pas toi qui assure l'intérim; c'est Nadkarni. Nous pourrons en parler à ton retour. » Le signal était faible et M. Mackrell était à peine audible; M. Maan a ensuite perdu le signal sur son cellulaire. Il a dit avoir rappelé M. Mackrell à 14 h 35 pour lui expliquer que l'inspection s'était bien passée. Il a déclaré qu'il n'avait réclamé aucun avantage financier (c.-à-d. pas d'heures supplémentaires) ni d'indemnités de repas pour ce voyage.

    [202]   La pièce G-6 est une série de courriels échangés entre MM. Nelson, Mackrell et Maan. Le dernier, daté du 10 octobre 2001 à 12 h 17, a été envoyé de M. Nelson à M. Maan; on peut y lire ce qui suit : [traduction] « Merci, Amir. J'ai su que Dave [Mackrell] et vous avez parlé de cette question; il semble qu'il y ait eu une mauvaise communication et que des renseignements erronés aient circulé, ce qui a causé la confusion au début. D'après ce que Dave m'a dit, il semble que le problème soit maintenant résolu. Si vous avez d'autres préoccupations, veuillez me le faire savoir. Bien à vous, Phil [Nelson]. »

    [203]   M. Maan a déclaré que M. Tassie ne lui a jamais parlé de l'incident de Nipigon. La première fois qu'il en a été informé, c'était à l'audience.

    Enquête Tassie

    [204]   M. Maan a témoigné que M. Nelson lui a téléphoné le 1er septembre 2001 pour lui expliquer que M. Tassie faisait une enquête. Le 28 septembre 2001, le témoin a rencontré M. Tassie en compagnie de sa représentante syndicale. M. Tassie a refusé de dire qui était l'auteur de la plainte et refusé aussi de leur en donner des copies. La représentante de l'AFPC a demandé une copie du mandat de M. Tassie. Celui-ci devait prendre l'avion; il n'a pas pu leur remettre par écrit les questions qu'il se proposait de poser.

    [205]   Le 29 octobre 2001, M. Maan a reçu le questionnaire de M. Tassie. Il y avait des questions sur des navires où il avait fait des inspections presque un an avant.

    [206]   Le 3 décembre 2001, M. Maan s'est réuni avec M. Nelson et avec sa représentante syndicale pendant environ une heure. La réunion s'est terminée vers 17 h 30; M. Maan s'est fait demander de remettre à la direction son ordinateur et les autre appareils et documents de TC qu'il avait. M. Nelson n'a jamais discuté à cette réunion d'un incident quelconque survenu à bord des navires en question, et M. Maan n'a toujours pas reçu copie des plaintes ou du rapport de M. Tassie.

    [207]   Le 5 décembre 2001, M. Maan a été suspendu pour une période indéfinie, puis licencié à compter du 14 janvier 2002 (pièce E-13).

    [208]   M. Maan a maintenu que la plainte de M. Henderson (pièce G-3) a été analysée mot à mot par M. Lavender en sa présence. La conclusion de l'enquêteur était qu'il n'avait pas demandé à être payé pour des heures supplémentaires; selon lui, la question était vidée.

    [209]   En contre-interrogatoire, M. Maan a répété que M. Henderson avait dit : [traduction] « Amir est un idiot » devant le capitaine du MS Lake Champlain. En envoyant copie du règlement à M. Henderson avec l'approbation de M. Kingwell, il voulait fermer le dossier et dissiper tout malentendu à bord du MS Lake Champlain. M. Maan a souligné que le règlement découlant de la LMMC (paragraphes 561(1) et 561(3)) ne fait pas mention de l'agent ni de ses responsabilités, mais seulement de celles du capitaine et du gardien de port. Il a aussi souligné que, dans son fax, il avait offert à M. Henderson ses meilleurs voux pour la fête du Canada (pièce E-12, onglet 5).

    [210]   M. Maan a expliqué que la facture pour cinq filtres de Pascol Engineering (pièce G-35) ne correspondait qu'au certificat d'inspection préliminaire (pièce E-20) de la cale no 6 (« filtres de bouchain à réparer à la satisfaction de l'expert maritime ») et des cales no 1, no 3, no 4 et no 5 ([traduction] « filtres de bouchain à inspecter par l'équipage et à réparer au besoin à la satisfaction de l'expert maritime »). Chaque cale est équipée de deux filtres de bouchain, mais le navire peut en avoir d'autres à bord. Ces filtres en acier inoxydable ont dix pouces de long et environ huit pouces de diamètre. On les appelle parfois une boîte aux roses; ils sont installés sur un tuyau de pompage du bouchain.

    [211]   Le 26 septembre 2000, M. Maan a rencontré le second, qui avait un walkie-talkie et qui s'en est servi pour appeler la salle des machines en ordonnant qu'on mette en marche pour 15 à 20 minutes les tuyaux de pompage du bouchain tribord de la cale no 6. Il n'y avait pas de fuites; par conséquent, M. Maan a quitté la cale à 15 h 15 et délivré un certificat (pièce E-22) attestant que les réparations avaient été bien faites.

    [212]   M. Maan a déclaré que, dans le rapport de l'enquête Tassie (pièce E-12, onglet 3, page 3), il est écrit qu'il avait confirmé avoir inspecté les filtres le 26 septembre 2002 et qu'il avait montré à M. Tassie son journal attestant qu'il l'avait fait.

    [213]   En ce qui concerne le MS Millennium Condor, M. Maan a confirmé en contre-interrogatoire que M. Mackrell ne le tenait pas au courant et qu'il avait confié des fonctions supplémentaires de gardien de port à M. Nadkarni à son insu.

    [214]   En contre-interrogatoire, M. Maan a expliqué que, dans le cours de deux semaines qu'il avait suivi en 1999, un seul jour était consacré aux inspections requises pour l'obtention d'un CPPA.

    [215]   M. Maan a déclaré avoir montré au capitaine le Règlement sur les CPPA pour lui montrer que le navire n'était pas conforme. Le certificat a été annulé et la formule SI-7 est alors devenue le document officiel et légal dans ce contexte.

    [216]   Pour ce qui est de la lettre du 23 avril 2001 de M. Henderson (pièce E-2), M. Maan a expliqué ne l'avoir jamais considérée comme une plainte; c'était plutôt une question d'horaire de travail, à savoir qu'il avait travaillé le dimanche plutôt que le lundi. Il a déclaré qu'il s'était déjà engagé avec un autre agent pour le lundi. En outre, afin de minimiser l'importance de ce que M. Henderson considérait comme un incident, il n'avait pas réclamé d'être payé pour des heures supplémentaires ce dimanche-là.

    [217]   M. Maan a confirmé en contre-interrogatoire qu'il n'avait pas vu les plaintes avant le 20 mars 2002 et qu'il n'avait jamais rien entendu d'autre au sujet de sa visite à Nipigon jusqu'au début de l'audience.

    Arguments

    Pour l'employeur

    [218]   L'avocat de l'employeur a déclaré que M. Maan s'était régulièrement rendu coupable d'inconduite en raison de sa négligence, de ses abus de pouvoir et de son insubordination. Ses arguments se résument comme suit.

    MS Federal St. Laurent

    [219]   Même si M. Maan avait fait des heures supplémentaires le dimanche sans la permission de son gestionnaire, l'employeur estimait que c'était une infraction mineure, et il a souligné que M. Maan n'avais jamais demandé à être payé pour ces heures supplémentaires. Toutefois, il avait menacé de retirer le CPPA si M. Henderson ne retirait pas sa lettre de plainte. La formule SI-7, précisant que le navire n'était pas conforme faute d'avoir deux gyrocompas, était une monnaie d'échange dont M. Maan voulait se servir pour forcer M. Henderson à retirer sa plainte.

    [220]   M. Popovic a entendu M. Maan menacer de quitter le navire et d'appeler le syndicat si le capitaine ne lui rendait pas le CPPA. M. Popovic se rappelait aussi que M. Maan avait dit avoir fermé les yeux sur des lacunes en raison de sa bonne relation avec Anglo-Eastern Ship Management Ltd. M. Maan a aussi délivré un CPPA même s'il n'était pas sûr que c'était conforme au Règlement. Enfin, quand M. Henderson a demandé une copie du certificat retiré, il s'est fait dire que M. Maan l'avait détruit.

    MS Lok Rajeshwari

    [221]   M. Maan a abusé de son autorité et fait preuve de négligence en postdatant un certificat. Il a eu bien des occasions de dire qu'il avait effectué une inspection le 26 septembre 2001, mais il a décidé de ne pas le faire avant l'audience.

    MS Lake Champlain

    [222]   M. Maan a exigé de parler seulement avec le capitaine, pas avec le second. M. Koenig a entendu le capitaine dire : [traduction] « Amir, tu mens. » Qui plus est, M. Henderson a témoigné que M. Maan avait menacé de quitter le navire et d'appeler le syndicat.

    MS Millennium Condor

    [223]   M. Nadkarni s'était fait confier la tâche d'inspecter le navire, mais M. Maan est arrivé à bord plus tôt et s'est fait alors ordonner d'y rester et d'approuver les calculs de stabilité. Il a toutefois décidé de quitter le navire avant que ces calculs ne soient terminés pour se rendre à bord d'un autre navire (le Shipka) qui n'avait pas la priorité. Le retard qu'il a causé a coûté environ 3 300 $ aux clients pour les heures supplémentaires qu'ils ont dû payer.

    Incident du district de Nipigon

    [224]   M. Maan nie complètement avoir eu un affrontement verbal avec M. Mackrell. Il a coupé la communication avec son superviseur, ne lui a pas retourné son appel et s'est rendu à Nipigon en prétendant avoir perdu le signal sur son cellulaire.

    [225]   On exige une grande intégrité des experts maritimes principaux parce qu'on doit leur faire confiance et pouvoir compter qu'ils se comporteront correctement. Ils travaillent indépendamment et sans supervision. TC ne peut pas tolérer que des inspecteurs ferment les yeux sur des lacunes.

    [226]   M. Maan travaille pour TC depuis relativement peu de temps, et MM. Mackrell et Nelson lui ont parlé à maintes reprises de son comportement. Il n'a pas collaboré avec l'enquête Tassie avant la onzième heure, après avoir été suspendu sans traitement. Même aujourd'hui, il n'admet pas avoir mal agi et se rappelle méticuleusement tous les détails.

    [227]   L'avocat de l'employeur maintient que je ne devrais pas envisager la réintégration, en raison du grand nombre d'incidents survenus à bord de différents navires qui ont été produits en preuve, ainsi que de l'incident du district de Nipigon.

    [228]   L'avocat déclare aussi que je ne peux pas tenir compte des possibilités que M. Maan se corrige, puisqu'il n'a pas admis avoir fait quoi que ce soit de mal. Sans admission, il ne saurait y avoir de changement.

    [229]   L'avocat me renvoie aux décisions suivantes : Matthews (dossier de la Commission 166-2-20753), Re Retail Store Employees Union Local No. 832 and Canada Safeway Ltd. (1974), 41 D.L.R. (3d), 449, et Re IPSCO Saskatchewan Inc. and United Steel Workers of America, Local 5890 (1999), 83 L.A.C. (4th) 396.

    Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

    [230]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que M. Maan a participé à l'enquête Lavender en mai 2001, mais qu'il n'a pas reçu de copie du rapport avant avril 2002. Si les problèmes étaient si critiques et si graves, pourquoi ne lui a-t-on pas imposé de sanctions disciplinaires et ne l'a-t-on pas envoyé en formation? Pourquoi n'en a-t-on pas parlé dans ses RÉRP?

    MS Lake Champlain

    [231]   Il n'y a pas eu de plaintes du capitaine ou du second. M. Nisbet a témoigné que c'était M. Henderson qui s'était montré grossier et qui avait traité M. Maan d'idiot devant ses collègues et d'autres personnes.

    [232]   La lettre de plainte de M. Henderson (pièce E-18) datée du 2 juillet 2000 a été écrite dans le but de nuire à M. Maan et ne lui a pas été montrée avant le 29 octobre 2001, soit quelque 16 mois plus tard.

    [233]   M. Kingwell a fait enquête sur l'incident et n'a constaté aucune faute. Il a fait enquête sur toutes les plaintes de M. Henderson. Ce qui a été discuté, c'était que M. Henderson avait à plusieurs reprises traité M. Maan de [traduction] « maudit trou du cul » et [traduction] « maudit stupide » et qu'il lui avait dit [traduction] « ferme-la et cesse d'être un idiot ».

    MS Lok Rajeshwari

    [234]   En contre-interrogatoire, M. Nelson a témoigné que, le 29 septembre 2000, M. Mackrell avait délivré un certificat de navire prêt à charger sans inspecter les filtres de bouchain.

    [235]   M. Mihalus, qui était le gestionnaire par intérim du 2 au 15 octobre 2000, n'a pas parlé à M. Maan d'une allégation qu'il aurait délivré un certificat postdaté, parce que personne ne lui avait signalé cette plainte ou cette allégation. M. Maan en a été informé le 29 octobre 2001, quelque 13 mois après que le navire eut quitté Thunder Bay.

    MS Millennium Condor

    [236]   D'après M. Haikalis, M. Maan n'a absolument pas retardé le chargement du grain à bord de ce navire. Qui plus est, M. Mackrell n'a pas informé M. Maan qu'il avait aussi confié des fonctions de gardien de port à M. Nadkarni. Comme M. Kingwell l'a déclaré, il arrive que les gardiens de port soient pris entre deux feux. La décision de M. Maan de quitter ce navire parce que les calculs de stabilité n'étaient pas prêts et qu'il avait un autre engagement (aller à bord du Shipka) l'avait placé dans une situation de ce genre. Deux agents se disputaient ses services en même temps.

    MS Federal St. Laurent

    [237]   La preuve a révélé que ce navire devait arriver au port le vendredi 20 avril 2001 et en repartir trois jours plus tard, le lundi 23 avril. Toutefois, il n'est arrivé que le samedi 21 avril 2001, dans l'après-midi, et il n'a appareillé que le mardi 24 avril 2001, à cause du mauvais temps. La question des heures supplémentaires est secondaire. Conformément à la politique de M. Mackrell, si les heures supplémentaires ne sont pas autorisées à l'avance, elles ne sont pas payées. Si M. Maan avait présenté une demande de paiement de ses heures supplémentaires et que M. Mackrell avait refusé de l'approuver, il aurait eu le droit de présenter un grief. Ce n'est pas M. Henderson qui approuve les heures supplémentaires, c'est l'employeur, TC.

    [238]   Il n'y a pas eu de plainte du capitaine ni du second. La demande de CPPA d'Anglo-Eastern Ship Management Ltd. n'était pas limitée à des zones précises. M. Maan a agi de façon digne de confiance et avec diligence en vérifiant la documentation et la réglementation relatives à la délivrance d'un tel certificat.

    [239]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé me renvoie aux décisions suivantes : Re AFG Industries Ltd. and Aluminium Brick Glass Workers Union (1998), 75 L.A.C. (4th) 336, Re Corporation of the Borough of North York and Canadian Union of Public Employees, Local 373 (1979), 20 L.A.C. (2d) 289, Re Calgary Co-operative Association Ltd. and Calco Club (1991), 23 L.A.C. (4th) 142, Re Nanaimo Collating Inc. and Graphic Communications International Union, Local 525-M (1998), 74 L.A.C. (4th) 251, Re Mercury Builder's Supplies and Teamsters Union, Local 879 (1990), 18 L.A.C. (4th) 168, Amarteifio (dossier de la Commission 166-2-25829), Bastie (dossier de la Commission 166-2-22285), Jalal (dossier de la Commission 166-2-27992), Fontaine-Ellis (dossier de la Commission 166-2-27804), MacLean (dossier de la Commission 166-2-22580) et Jadwani (dossiers de la Commission 166-2-23622, 23623 et 24104).

    Motifs de la décision

    [240]   Pour les motifs qui suivent, j'ordonne que M. Maan soit immédiatement réintégré comme inspecteur maritime TI-07 à Thunder Bay, ou à tout autre endroit sur lequel les parties pourront s'entendre. M. Maan ne sera pas payé pour la période de sa suspension sans traitement, plus précisément du 5 décembre 2001 au 14 janvier 2002. Par contre, il doit être intégralement dédommagé à compter du 14 janvier 2002, sans perte d'ancienneté ni d'avantages.

    [241]   Je demeure saisi de l'affaire pour une période de trois mois de la date de cette décision, dans l'éventualité où les parties auraient des difficultés à l'appliquer.

    [242]   Les raisons de la décision de l'employeur de licencier M. Maan figurent à la pièce E-13. Dans cette lettre, M. Nelson a déclaré que M. Maan avait été négligent, qu'il avait abusé de son autorité, qu'il avait fait preuve d'insubordination et que ses actes d'inconduite avaient rompu sa relation d'emploi avec TC.

    [243]   Ce sont des plaintes alléguant que M. Maan s'était mal conduit à bord du MS Federal St. Laurent qui ont déclenché l'enquête. L'employeur a reçu deux lettres de plainte (pièces E-2 et E-3) de M. Henderson. M. Nelson a chargé M. Lavender de mener une enquête administrative; M. Lavender a rédigé un rapport assorti de recommandations. Toutefois, il a jugé que ce n'était pas concluant, et c'est pourquoi il a ordonné la tenue d'une autre enquête, qui a été confiée à M. Tassie.

    [244]   Au début, le mandat que M. Nelson avait donné à M. Tassie consistait à enquêter sur les allégations de M. Henderson dans ses deux lettres, au sujet d'incidents impliquant M. Maan pendant que ce dernier était à bord du MS Federal St. Laurent. En contre-interrogatoire, M. Nelson a déclaré qu'il avait aussi demandé à M. Tassie d'enquêter sur toutes les autres allégations ou toutes les autres plaintes qui pourraient venir à son attention. M. Nelson a précisé que cela s'était passé peu après le début de l'enquête.

    [245]   L'enquête avait donc escaladé des allégations d'inconduite à bord du MS Federal St. Laurent (du 21 au 24 avril 2001) pour englober aussi les allégations d'inconduite à bord du MS Lake Champlain (le 30 juin 2000), du MS Lok Rajeshwari (le 22 septembre au 2 octobre 2000), du MS Millennium Condor (le 2 décembre 2000), du MS Pintail (le 13 septembre 2000), du MS Marrilis T (le 14 septembre 2000) ainsi que les allégations relatives à l'incident du district de Nipigon (le 27 septembre 2001).

    [246]   M. Nelson voudrait me faire croire que ces incidents, qui n'ont jamais été officiellement signalés à M. Maan avant l'enquête, ont été découverts seulement lorsque M. Tassie a interrogé les témoins. Je ne souscris pas à cette prétention. En contre-interrogatoire, M. Nelson a déclaré qu'il n'était pas sûr d'avoir été au courant des incidents survenus à bord du MS Lake Champlain et du MS Lok Rajeshwari avant l'enquête de M. Tassie. S'il était au courant de ces incidents, et je crois qu'il l'était, en sa qualité de directeur régional de la Direction de la sécurité maritime, pourquoi n'est-il pas intervenu? M. Kingwell a témoigné que, en sa qualité de gestionnaire et de superviseur, il avait enquêté sur les plaintes et qu'il était convaincu qu'aucune mesure corrective ou disciplinaire ne s'imposait.

    [247]   M. Kingwell a témoigné qu'il avait enquêté sur toutes les plaintes écrites et verbales de M. Henderson contre M. Maan, et qu'il en avait informé M. Nelson. M. Nelson a déclaré dans son interrogatoire principal que M. Kingwell était un piètre gestionnaire et que, quand il avait demandé une mutation à Sarnia, sa demande avait été accueillie avec soulagement, parce que M. Nelson pouvait [traduction] « faire un changement au niveau de la supervision sans devoir intervenir ». Le témoignage non contredit de M. Kingwell a révélé que, dans les trois années qu'il a passées au TCC de la Direction de la sécurité maritime, M. Nelson n'a jamais signé ses RÉRP et que, même s'il lui avait demandé à six ou huit reprises au moins de signer les RÉRP de M. Maan, M. Nelson ne l'a jamais fait non plus. En d'autres termes, on peut postuler que, si M. Maan ou M. Kingwell avait eu des lacunes dans son rendement ou dans son comportement, M. Nelson l'aurait signalé dans son RÉRP.

    [248]   M. Nelson a aussi témoigné que, en ce qui concerne l'incident du district de Nipigon, il avait demandé à M. Mackrell d'obtenir de M. Maan un rapport sur l'incident, mais qu'il n'avait jamais reçu de réponse de M. Maan à sa demande. Pourtant, la pièce G-6 est un courriel daté du 10 octobre 2001 que M. Nelson a adressé à M. Maan et dans lequel il a déclaré : [traduction] « Merci, Amir. J'ai su que Dave [Mackrell] et vous avez parlé de cette question [l'incident de Nipigon]... D'après ce que Dave m'a dit, il semble que le problème soit maintenant résolu. Si vous avez d'autres préoccupations, veuillez me le faire savoir. Bien à vous, Phil [Nelson]. » Or, M. Nelson a témoigné qu'il avait notamment fondé sa décision de licencier M. Maan sur cet incident.

    [249]   Pour ce qui est de la lettre du 7 décembre 2000 (pièce E-27) de M. Mackrell à James Richardson International, dans laquelle il présentait des excuses pour la conduite de M. Maan à bord du MS Millennium Condor, M. Mackrell a déclaré que, même s'il était précisé dans la lettre que des mesures disciplinaires avaient été prises à l'égard de cet incident contre M. Maan, aucune sanction n'avait effectivement été imposée. M. Mackrell a témoigné que la raison pour laquelle il n'y avait pas eu de sanction, c'est que M. Nelson estimait qu'il ne faudrait pas poursuivre l'affaire puisque MM. Mackrell et Maan étaient en lice pour le poste de gestionnaire du bureau. En contre-interrogatoire, M. Mackrell a témoigné que M. Nelson avait révisé la lettre avant qu'elle ne soit envoyée.

    [250]   M. Mihalus a témoigné qu'il était le gestionnaire par intérim au moment de l'incident à bord du MS Lok Rajeshwari et qu'il n'a jamais été informé qu'un certificat postdaté avait été délivré. Il a aussi témoigné qu'il n'avait pas reçu de plaintes du capitaine, du second ou de M. Henderson concernant cet incident. Dans son témoignage, M. Maan a déclaré qu'il avait bel et bien signé un certificat (pièce E-22) le 26 septembre 2000, après que le second et lui-même eurent inspecté les filtres de bouchain dans la cale no 6. Ni le second, ni le capitaine n'ont avancé quoi que ce soit pour réfuter ce témoignage. En fait, M. Nelson, qui a témoigné qu'aucun inspecteur ne signerait un certificat de navire prêt à charger sans vérifier les réparations, a fini par reconnaître en contre-interrogatoire qu'il était inacceptable que M. Mackrell ait délivré un certificat de navire prêt à charger sans faire d'inspection, le 29 septembre 2000. M. Nelson a aussi témoigné en contre-interrogatoire qu'il était au courant d'une insubordination de M. Maan à bord de ce navire, mais qu'il ne pouvait pas se rappeler si c'était avant ou après le début de l'enquête de M. Tassie que c'était venu à son attention.

    [251]   Je suis fermement convaincu que l'employeur était parfaitement au courant des allégations contre M. Maan et qu'il avait enquêté sur certaines d'entre elles, mais sans trouver de raison d'aller plus loin. Pour ces motifs, j'ai fondé ma décision seulement sur les incidents dont on allègue qu'ils se seraient produits à bord du MS Federal St. Laurent; je n'ai pas tenu compte de ceux qui se seraient produits à bord des autres navires, ni de l'incident du district de Nipigon.

    [252]   Je souscris à la décision de la représentante locale du syndicat de M. Maan de lui conseiller de ne pas répondre aux questions de M. Tassie sur des allégations qui sortaient de nulle part. Je ne considère pas cela comme de l'insubordination; j'estime plutôt que c'était une précaution que M. Maan a prise avant d'être clairement informé du mandat de l'enquête. La représentante syndicale comprenait manifestement que les principes élémentaires des relations de travail n'étaient pas respectés.

    [253]   M. Nelson a témoigné qu'il avait eu une rencontre avec M. Maan, sa représentante locale du syndicat et M. Lavender pour tenter de régler le problème des plaintes entre l'industrie du transport maritime (M. Henderson) et M. Maan. Avec le recul, on peut se demander s'il n'aurait pas été bon d'inviter aussi M. Henderson à cette rencontre. Quoi qu'il en soit, c'est pendant l'enquête de M. Tassie que les autres plaintes relatives à des incidents survenus à bord d'autres navires se sont révélées. Je comprends la raison de la représentante locale du syndicat de M. Maan de ne pas ouvrir son jeu.

    [254]   Dans Noël (dossiers de la Commission 166-2-26820, 26913, 26929 et 27458 à 62), le président Yvon Tarte a déclaré ce qui suit :

    [...]

    L'employeur doit toutefois accepter sa très grande part de responsabilité dans cette triste histoire. Les principes élémentaires de relations de travail exigent que dans la très grande majorité des circonstances entourant les gestes répréhensibles, une discipline progressive soit imposée.

    [255]   À mon avis, l'employeur ne peut pas être au courant d'événements qui pourraient se révéler être des actes d'inconduite et en prendre note sans mot dire (autrement dit établir une « liste noire »), puis s'en servir en tant que facteur déterminant pour justifier un licenciement. En l'espèce, M. Maan n'a pas vu les plaintes de M. Henderson avant le 20 mars 2002 et il n'avait rien entendu dire avant l'audience au sujet de l'incident de Nipigon.

    MS Federal St. Laurent

    [256]   La question que je dois trancher consiste à décider si, d'après la prépondérance des probabilités, M. Maan a menacé de retirer le CPPA qu'il avait délivré à moins que M. Henderson ne retire sa plainte l'accusant d'abuser des heures supplémentaires.

    [257]   Comme l'avocat de l'employeur l'a déclaré, la question des heures supplémentaires est secondaire. Le fait que M. Maan n'a pas réclamé qu'on lui paye des heures supplémentaires peut mener à deux conclusions différentes. Premièrement, s'il l'avait fait, M. Mackrell n'aurait pas approuvé les heures supplémentaires puisqu'elles n'avaient pas été préalablement autorisées. S'il avait refusé de les approuver, M. Maan aurait eu le droit de présenter un grief. Deuxièmement, en ne réclamant pas des heures supplémentaires, se pourrait-il que M. Maan ait reconnu qu'il aurait pu faire l'inspection le lundi plutôt que le dimanche? Le fait que le capitaine du navire n'a pas témoigné m'amène à la même conclusion que M. Lavender dans le rapport de son enquête administrative :

    [Traduction]

    Compte tenu du fait que nous avons été incapables d'obtenir une lettre du capitaine, il est difficile de réfuter l'affirmation d'Amir que le capitaine a demandé qu'il fasse son inspection le dimanche. Par conséquent, nous ne recommandons pas de mesures disciplinaires sévères pour cet incident.

    [258]   Il semble évident, d'après la preuve, qu'il y a eu parfois de nombreux cas de « Pinocchiose » à Thunder Bay, ou que la vérité a parfois changé. Les témoignages contradictoires révèlent le manque de crédibilité des deux parties. Il est évident aussi que MM. Henderson, Mackrell et Maan ne se tiennent pas en haute estime. Comme plusieurs témoins l'ont déclaré, le manque de professionnalisme de MM. Henderson et Mackrell, qui ont traité M. Maan de [traduction] « maudit trou du cul », « maudit métèque », « maudit idiot », « vous autres », « stupide » et « idiot » ont certainement créé des tensions dans leurs relations professionnelles. Je peux comprendre qu'il arrive souvent dans un port des choses qui entraînent un langage inacceptable et parfois aussi des gestes qui ne sont peut-être pas aussi polis qu'ils le seraient dans une salle de conférence. Néanmoins, les contribuables canadiens ont le droit de s'attendre à ce que les fonctionnaires se comportent professionnellement, honnêtement et avec une grande intégrité, pour justifier la confiance qu'on leur fait. Si un fonctionnaire ne répond pas aux attentes, une discipline progressive pouvant aller jusqu'au congédiement peut être justifiée.

    [259]   D'un autre côté, les fonctionnaires ont le droit d'être traités de façon professionnelle ainsi qu'avec dignité et respect. Si un client du secteur privé décide de ne pas traiter un fonctionnaire de cette façon et de respecter ces valeurs, peut-être l'employeur devrait-il se demander s'il devrait le faire bénéficier de ses services. Cela dit, en toute justice, quand un client porte plainte, il a le droit de s'attendre à ce qu'on en tienne compte.

    [260]   Je conclus que, compte tenu de la prépondérance des probabilités, M. Maan a menacé de retirer le CPPA original si M. Henderson ne retirait pas sa lettre de plainte. Après tout, il avait déjà délivré le CPPA. Par conséquent, je souscrirais à l'argument de l'employeur que M. Maan avait délivré un CPPA sans tenir compte avec toute la diligence voulue du règlement qu'il était autorisé à appliquer. Toutefois, c'est après avoir été informé de la plainte de M. Henderson au sujet des heures supplémentaires qu'il a consacré bien plus de temps que d'ordinaire à une recherche dans la réglementation sur les CPPA. En fouillant assez, il a pu conclure que le navire n'était pas conforme au Règlement, ce qui pouvait lui servir de monnaie d'échange. Le témoignage de M. Popovic confirme aussi l'allégation de M. Henderson. En outre, il me semble suspect, après avoir été témoin pendant toute l'audience des inscriptions méticuleuses de M. Maan dans son journal, de sa mémoire phénoménale des événements et de la qualité de ses dossiers, qu'il n'ait pas conservé de copie du CPPA original qu'il avait annulé. Néanmoins, j'ai tenu compte dans ma décision de la conduite de M. Henderson à l'endroit de M. Maan, et je la considère comme une circonstance atténuante. De plus, je souscris au témoignage de M. Mihalus que M. Henderson se plaignait de tous les inspecteurs, mais qu'il s'en prenait particulièrement à M. Maan. La plainte originale de M. Henderson (pièce E-2) peut bien avoir été un incident de plus qui s'ajoutait aux nombreux incidents d'insultes à son endroit (devant ses pairs, devant ses collègues ou dans son dos) que M. Maan a dû subir. Je reconnais que la menace de M. Maan de retirer le CPPA est une grave infraction, même s'il avait trouvé des raisons légales de le faire. Toutefois, j'en mitige la gravité en raison du comportement de M. Henderson à son endroit.

    [261]   J'ai réfléchi à ce que l'avocat de l'employeur et M. Nelson ont dit en prétendant que les possibilités de M. Maan de s'amender sont inexistantes. Si l'employeur s'était conformé aux principes élémentaires des relations de travail, tous les défauts de comportement qu'il avait perçus auraient pu être signalés et ils auraient à tout le moins été pris en note. Bien que le directeur régional ne les ait pas signés, les RÉRP de M. Maan ne laissent absolument pas entendre que son rendement était mauvais. Par conséquent, je n'ai aucune preuve directe pour me démontrer qu'il y avait ici un problème de rendement ou de comportement qui n'aurait pas pu être corrigé.

    [262]   Ce grief est donc accueilli en partie.

    [263]   J'invite l'employeur à relire les recommandations du rapport de l'enquête administrative de M. Lavender, qui a été déposé en preuve dans la présente décision, parce qu'elles pourraient se révéler utiles. Je recommanderais aussi aux parties de se prévaloir de l'aide des Services de règlement des conflits de la Commission, s'ils sont incapables de s'entendre sur une réinstallation convenable pour M. Maan ou d'assurer sa réintégration au TCC de la Direction de la sécurité maritime à Thunder Bay.

    D.R. Quigley,
    commissaire

    OTTAWA, le 6 novembre 2003.

    Traduction de la C.R.T.F.P.

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