Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Licenciement - Compétence - Renvoi en période probatoire - Allégation de licenciement disciplinaire - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé deux griefs, le premier s'opposant aux actions des mandataires de son employeur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qu'il a considérées comme du harcèlement et de l'abus de pouvoir à son endroit, et le deuxième, s'opposant à la décision de l'Agence de le licencier - l'arbitre a confirmé que l'embauche du fonctionnaire s'estimant lésé le 10 janvier 2000 relevait entièrement de la compétence de l'Agence et que les mesures transitoires prévues dans la Loi établissant l'Agence ne pouvaient s'appliquer - la preuve produite a permis d'établir que l'employeur avait licencié le fonctionnaire s'estimant lésé à un moment où ce dernier était en période probatoire - en dépit de la formation initiale qui a été offerte à l'employé, l'employeur avait remarqué des lacunes dans l'exécution de ses fonctions, de sorte qu'une formation supplémentaire lui a été offerte, sans qu'aucune amélioration ne soit constatée - l'arbitre a conclu qu'on avait produit une preuve suffisante pour établir qu'il y avait une raison valide, sur le plan de l'emploi, de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en période probatoire - l'arbitre a déterminé que, bien que cette conclusion fasse en sorte que les griefs ne pouvaient être renvoyés à l'arbitrage suivant l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il devait quand même déterminer si le licenciement était réellement le résultat de l'application de la Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et non pas un subterfuge ou un camouflage pour dissimuler un congédiement de nature disciplinaire, ce qui rendrait possible le renvoi à l'arbitrage selon 92(1)c) de la LRTFP - l'arbitre a confirmé que c'est sur le fonctionnaire s'estimant lésé que résidait le fardeau de démontrer que le renvoi en cours de probation était un congédiement disciplinaire déguisé - de l'avis de l'arbitre, l'employeur demeure le seul à pouvoir déterminer la stratégie d'intervention qu'il veut voir appliquer par ses employés et ceux-ci doivent se plier aux exigences des personnes en autorité; dans la présente affaire, la preuve produite ne l'a pas convaincu que l'évaluation du rendement du fonctionnaire s'estimant lésé avait été effectuée de manière discriminatoire à son endroit - l'arbitre a par conséquent conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était pas acquitté du fardeau de la preuve et ne l'avait pas convaincu que le véritable motif de renvoi en période probatoire était autre qu'une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à ses aptitudes à satisfaire aux exigences de l'emploi. Griefs rejetés. Décision citée : Procureur général du Canada c. Judith L. Penner [1989] 3 C.S. 429 (C.A.F.).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-03-24
  • Dossier:  166-34-31253
  • Référence:  2003 CRTFP 28

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

PIERRE ARCHAMBAULT
fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   lui-même

Pour l'employeur :   Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec)
les 10 et 11 décembre 2002.


[1]   Le fonctionnaire s'estimant lésé, Pierre Archambault, a inscrit deux griefs auprès de son employeur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence) en date du 16 novembre 2000.

[2]   Au grief inscrit sous le numéro 1249-461-19682, M. Archambault conteste les agissements des mandataires de l'Agence qu'il considère comme du harcèlement et de l'abus de pouvoir à son endroit dans les termes suivants :

Je conteste les agissements des mandataires de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada (ADRC), nommément entre autre, madame Francine Fortier, madame Suzanne Blais, Monsieur Antoine Bourdeau, madame Suzanne Auchu, madame Pauline Couture. Ces agissements, particulièrement entre autre la décision de mettre fin à mon emploi, de ne prendre en note que les points négatifs, de ne pas prendre en considération les dossiers réglés, de ne faire une évaluation juste et honnête, constituent du harcèlement et de l'abus de pouvoir à mon endroit.
Au grief inscrit sous le numéro 1249-461-19683, M. Archambault conteste la décision de l'Agence de mettre fin à son emploi sans motifs raisonnables. Aux deux griefs, M. Archambault demande d'être réintégré à son emploi.

[3]   La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a ouvert le présent dossier de renvoi à l'arbitrage y incluant les deux griefs soumis à son employeur par M. Archambault.

[4]   J'ai pris sous réserve l'objection préliminaire soumise par l'avocate de l'employeur selon laquelle la Commission n'aurait pas juridiction en regard d'un renvoi en période probatoire qui est l'objet du présent dossier. Les arguments soumis par les parties à cet égard seront exposés à la présente décision avec l'ensemble des arguments, à la suite de l'exposé de la preuve.

Les faits

[5]   Mme Francine Fortier, Directrice adjointe de la division des recouvrements des recettes (Bureau des services fiscaux de la Montérégie, Rive-Sud), a témoigné pour le compte de l'employeur.

[6]   M. Pierre Archambault a témoigné à son compte et a fait entendre trois fonctionnaires (Claude Castonguay, Harry Louis, Sylvie Landry).

[7]   M. Archambault a été engagé pour une période déterminée au poste d'agent de contacts pour les recouvrements (groupe et niveau PM-01) du 10 janvier 2000 au 31 mars 2001 (pièce E-2). Dans la correspondance du 15 février 2000, l'Agence informe M. Archambault qu'il sera en probation pour une période maximum de 12 mois. Antérieurement à cet engagement, M. Archambault a travaillé au service à la clientèle du ministère du Revenu (de janvier à mai) et au service du recouvrement du même ministère (jusqu'en octobre 1998). Il a exercé un emploi de garde de sécurité (temps partiel) pour la compagnie Garda (en 1999) et a occupé un poste à durée déterminée au service de recouvrement des pensions alimentaires (Revenu Québec) d'octobre 1999 jusqu'à son engagement pour l'Agence en janvier 2000.

[8]   Mme Fortier avisa M. Archambault de son renvoi en période probatoire par une correspondance en date du 30 octobre 2000 (pièce E-1). Elle précise que différentes évaluations démontrent qu'il ne rencontre pas les attentes de l'employeur et qu'il cessera d'être un employé suite à un préavis de deux semaines, soit le 14 novembre 2000.

[9]   Lors des deux premières semaines d'emploi (du 10 au 21 janvier 2000), M. Archambault a bénéficié d'une formation couvrant l'ensemble des facettes du travail des agents de contacts pour les recouvrements qui a été dispensée à un groupe de 11 nouveaux employés (pièce E-3).

[10]   Suite à la formation, M. Archambault est intégré à une équipe de travail sous la responsabilité de Suzanne Blais (chef d'équipe) et Suzanne Auchu (conseillère technique). Un inventaire fluctuant entre deux cents et trois cents dossiers de particuliers a été confié à M. Archambault.

[11]   Dans l'exercice de ses fonctions, l'Agent de contacts pour les recouvrements doit effectuer l'analyse des dossiers qui lui sont confiés et fixer un nombre hebdomadaire maximum de dossiers entre cinq et huit comme priorité d'interventions (liste « DR »). L'agent de contacts doit proposer à son chef d'équipe des interventions en vue de recouvrer les sommes dues à l'Agence par le contribuable. Le conseiller technique avise l'agent de contacts relativement aux interventions possibles et lui fournit les réponses aux problèmes qu'il peut rencontrer dans l'exécution de ses fonctions. Un suivi à la formation est assuré par le conseiller technique qui révise le travail des agents de contacts en début d'emploi.

[12]   Une rotation d'inventaire est effectuée entre les agents de contact, au mois de mars 2000, conformément à une politique de l'Agence. À cette occasion, M. Archambault se voit confier pour la première fois un inventaire comprenant des dossiers de corporation en plus des dossiers d'individus. Le chef d'équipe s'est alors assuré que M. Archambault est confortable avec les dossiers de corporation. Ce dernier lui a alors précisé qu'il détenait un baccalauréat en administration avec option en comptabilité et bien qu'il ait exposé ne pas être familier avec le programme informatique « CORPAC » utilisé dans les dossiers de corporation, il se déclare confortable d'intervenir dans ce type de dossiers.

[13]   Suzanne Blais a rencontré M. Archambault en date du 26 mai 2000 relativement à certaines lacunes qu'elle a constatées. Une formation complémentaire lui a été fournie les 30 et 31 mai ainsi que les 6, 7 et 8 juin 2000 par le conseiller technique de son équipe de travail.

[14]   Une revue du travail de M. Archambault a été effectuée par la suite sur une base régulière par le conseiller technique et le chef d'équipe. Lors d'une rencontre tenue vers le 12 juin 2000 (le 15 juin, selon M. Archambault), il lui a été précisé des points à améliorer. Selon M. Archambault, l'employeur le réprimande alors pour des peccadilles.

[15]   Le 31 août 2000, le chef d'équipe précise à M. Archambault que peu d'amélioration a été constatée (pièce E-4). M. Archambault témoigne au fait que le conseiller technique lui aurait reproché d'autres lacunes en regard de dédoublement, de rédaction de radiation et de plan d'action à effectuer en ses dossiers. Le fonctionnaire conteste la question du dédoublement et minimise l'importance des reproches relatifs à la rédaction des radiations. Des exemples de reformulations demandées par Mme Auchu sont énoncés par le fonctionnaire aux détails fournis à Mme Châtillon en regard de la plainte de harcèlement (document 19, pièce G-1).

[16]   En date du 14 septembre 2000, la directrice adjointe de la division informe verbalement et par écrit M. Archambault qu'une nette amélioration du rendement est exigée dans les deux prochaines semaines (soit jusqu'au 29 septembre 2000). À défaut d'amélioration au terme de cette période, un renvoi en période de probation sera envisagé (pièce E-4). M. Archambault lui soumet qu'il ressent un bris de confiance envers son chef d'équipe (Suzanne Blais), ce qui est perçu comme une demande de changement d'équipe par Mme Fortier.

[17]   M. Archambault se déclare en incapacité de travail pour la période du 18 septembre au 1er octobre 2000. À son retour au travail, il est assigné à l'équipe de travail sous la responsabilité d'Antoine Bourdeau (chef d'équipe) qui est secondé par Pauline Couture (conseillère technique). M. Archambault conserve l'inventaire des dossiers dont il était responsable antérieurement. Considérant la période d'invalidité de M. Archambault, la directrice adjointe lui fixe, suite à son retour au travail, une période de trois semaines pour améliorer son rendement, soit jusqu'au 20 octobre 2000 (pièce E-7).

[18]   Lors d'une rencontre tenue le 3 octobre 2000, M. Bourdeau précise les améliorations qu'il désire au travail de M. Archambault comme suit :

  • Améliorer sa concentration et son écoute.

  • Prendre connaissance des dossiers en lisant les historiques des comptes afin d'identifier les actions qui ont déjà été prises pour ne pas faire de dédoublement.

  • Étudier les dossiers en profondeur, c'est-à-dire la provenance de la dette, la situation financière du client, les systèmes informatiques (rapid, Tps) afin de prendre des arrangements selon la capacité de payer du client.

  • Établir des plans d'actions dans les dossiers les plus complexes.

  • Adopter les exemples fournis par le conseiller technique à la situation du client et non copier les exemples mots à mots lors de la rédaction d'une radiation.

  • Améliorer la structure des phrases et la syntaxe dans la composition des textes de radiation.

  • Assurer une gestion efficace de l'inventaire au SARRS (exemple : planification par ordre de priorité, plus gros, plus vieux), contrôle, date de rappel «DR» utilisation de la liste alpha. n.b. les mots soulignés ont été ajoutés manuellement sur le document, par le chef d'équipe lors de la rencontre (pièce E-6).

  • Au besoin, consulter le conseiller technique dans l'accomplissement de son travail.

[19]   M. Archambault est accompagné par un représentant syndical lors de cette rencontre du 3 octobre 2000. Deux rétroactions par semaine sont prévues avec le chef d'équipe et un rapport sera déposé à Mme Fortier à la fin de la période qui est fixée au 30 octobre 2000.

[20]   Suite aux rencontres de rétroaction tenues avec le fonctionnaire M. Bourdeau consigne ses constatations au rapport d'évaluation du rendement (pièce E-8). Les reproches retenus par le chef d'équipe et les réponses du fonctionnaire (précisées lors de l'audience) se présentent comme suit :

  1. le 6 octobre 2000, en avant-midi, M. Bourdeau constate que le fonctionnaire n'a pas respecté les critères demandés (gros comptes et vieux comptes) pour refaire sa planification d'inventaire. Bien que l'employé ait été avisé de prioriser de cinq à huit comptes par jour, l'inventaire est hors contrôle après seulement deux jours, 19 comptes apparaissant alors à la liste « DR », en plus des nouveaux comptes. M. Archambault explique l'accroissement de sa liste « DR » par l'arrivée de nouveaux comptes par le courrier et de ceux réactivés suivant les retours d'appels effectués par ou vers les contribuables.

  2. le 6 octobre en après-midi, une vérification de contrôle effectuée à l'inventaire de l'employé révèle des erreurs techniques à certains comptes (des erreurs sont précisées pour six comptes). En réponse aux manquements relevés, M. Archambault témoigne qu'il est en désaccord avec la stratégie ou les actions recommandées par son chef d'équipe et le conseiller technique en ces comptes. Il témoigne au fait qu'il vérifie régulièrement les informations au système « PAYDAC », contrairement aux conclusions de son supérieur sur ce point. Pour le fonctionnaire, ses supérieurs cherchent à déprécier son travail et ne veulent que motiver son congédiement. Il soumet que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi en omettant d'inclure à la page 2 de la pièce E-8 les constats qui lui sont favorables du dossier de 44 474,00 $. Il admet qu'il a fait une erreur de lecture de date lorsqu'il a suggéré d'effectuer une saisie prématurée (avant le délai de 90 jours prescrit).

  3. une autre rétroaction effectuée le 11 octobre 2000 montre que les renvois « DR » de l'employé sont à plus de 15 planifiés pour les 10 et 11 octobre 2000. Plusieurs des comptes contrôlés démontrent que l'employé n'a pas vérifié les informations présentes au système « PAYDAC » et au « RAPID ». M. Archambault précise lors de son témoignage qu'il est en désaccord avec les conclusions tirées relativement à l'utilisation des systèmes « PAYDAC » et « RAPID ». Il exprime aussi son désaccord avec les actions recommandées par ses supérieurs en ce qui concerne ces comptes. M. Archambault souligne qu'il n'était pas en accord avec ses supérieurs en regard des informations qu'il doit inscrire ou transcrire au système « SARRS ».

  4. le chef d'équipe soumet, lors de la rétroaction du 17 octobre 2000, que la planification d'inventaire est de nouveau hors contrôle (21 « DR » à sa planification) deux jours seulement après avoir exigé que le fonctionnaire la refasse pour la période du 12 au 20 octobre. Selon M. Archambault, la rétroaction aurait eu lieu le 16 octobre, plutôt que le 17 octobre, et les demandes de son chef d'équipe (versus les copies de T2 et autres actions demandées) n'avaient pour objectif que de le retarder dans l'exécution de ses fonctions. La vérification de certains des comptes à l'inventaire de M. Archambault démontre, pour l'employeur, que l'analyse des informations aux comptes ou dans les systèmes informatiques est déficiente (absence d'analyse de T2, pas de vérifications au système « RAPID » ). L'employé semble avoir de la difficulté à faire la différence entre les actionnaires, les administrateurs et l'entreprise. Le chef d'équipe constate qu'aucun plan d'action de perception n'a été fait par M. Archambault dans aucun des comptes à son inventaire.

  5. M. Archambault a témoigné du fait que les exigences variaient (autant en regard des stratégies d'intervention que des exigences de rédactions de radiations) d'un chef d'équipe à l'autre ou entre les conseillers techniques et les chefs d'équipe. Selon lui, certaines directives reçues lors de la formation initiale sont contredites par celles reçues des conseillers techniques et des chefs d'équipe lors de l'exécution de ses fonctions d'Agent de contacts pour les recouvrements.

[21]   M. Archambault a soumis son intention de déposer lors de l'audience, des copies de comptes dans lesquels il avait travaillé lors de sa période d'emploi à l'Agence. Une objection a été soulevée par l'avocate de l'employeur au dépôt des dossiers de contribuables qui sont confidentiels. Après vérification de la motivation de M. Archambault pour le dépôt de ces documents, j'ai décidé qu'il n'était pas nécessaire de déposer en preuve des dossiers (ou parties de dossiers) de contribuables pour démontrer, soit de bons résultats obtenus en certains dossiers; soit des directives contradictoires de la part de ses supérieurs ou des formateurs et des conseillers techniques; soit que d'autres employés commettent les mêmes erreurs que celles qu'on lui reproche. Le témoignage de M. Archambault sur ces points est suffisant pour démontrer sa position et le dépôt de documents confidentiels n'ajouterait rien à ce témoignage. D'autre part, M. Archambault peut conserver en sa possession, pour la durée de l'audience, tous les documents qu'il a actuellement en sa possession et qui pourraient être considérés confidentiels. Après que l'audience sera close, il est recommandé que les parties se rencontrent de façon à résoudre entre elles la question des documents confidentiels qui pourraient être en possession de M. Archambault et qui appartiendraient à l'Agence.

[22]   M. Archambault a témoigné qu'il avait réussi à percevoir des montants importants dans plusieurs des comptes de son inventaire. Il soumet que l'employeur n'a pas voulu considérer ces points positifs lors des diverses rétroactions effectuées dans ces dossiers bien que M. Bourdeau lui ait précisé que tout était bien dans les autres dossiers. Selon le fonctionnaire, le fait que l'employeur ne précise que les points négatifs lors des rétroactions démontre qu'il est de mauvaise foi.

[23]   Les trois fonctionnaires appelés à témoigner par M. Archambault ont précisé qu'il est normal que le conseiller technique ou le chef d'équipe suggèrent des modifications aux procédures de recouvrement dans les comptes des Agents et qu'ils exigent des modifications en regard de la planification de l'inventaire et des priorités d'action. Le maximum de comptes devant apparaître au « DR » hebdomadaire varie entre cinq et huit et il arrive d'excéder ce maximum soit par réception de courrier, soit par entretien téléphonique. Il est courant de réaménager les priorités dans ces circonstances pour éviter de se retrouver hors contrôle. Les directives reçues lors de la formation initiale peuvent être modifiées en cours d'emploi, soit lors de rencontre d'équipe, soit par directives provenant du conseiller technique et du chef d'équipe. Les stratégies d'intervention dans les comptes peuvent être différentes d'un chef de groupe à l'autre et d'un conseiller technique à l'autre et les agents de contacts appliquent les stratégies demandées par ces personnes. Les agents de contacts affirment qu'ils appliquent les actions demandées par le conseiller et son chef d'équipe et réorientent leurs interventions en conséquence. Il en est de même en regard du vocabulaire utilisé lors de la rédaction des avis de radiation et de l'entrée des informations aux différents systèmes informatisés ou sur papier.

[24]   Bien que M. Archambaut ait assigné huit autres fonctionnaires parmi les employés du bureau des services fiscaux de la Montérégie (pièce G-3) et que ces fonctionnaires soient absents au moment de l'audience, aucune action n'est nécessaire de la part de l'arbitre pour les assigner, étant entendu que ces témoins éventuels témoigneraient au même sens que M. Castonguay, M. Louis et Mme Landry.

[25]   M. Archambault a manifesté une intention probable d'appeler M. Antoine Bourdeau (chef d'équipe) comme témoin. L'objection soulevée par l'avocate de l'employeur à l'encontre de la possibilité de faire témoigner cette personne a été rejetée par l'arbitre. Bien que M. Archambault ait bien été avisé qu'il pouvait faire témoigner M. Bourdeau il n'a pas cru bon d'appeler cette personne à la barre.

[26]   M. Archambault a témoigné qu'à l'occasion d'un repas organisé pour un autre employé, il a voyagé en compagnie de Mme Blais. À cette occasion, Mme Blais l'aurait interrogé sur des éléments personnels (garde de sa fille, droits de visite, etc.) et la conversation ne portait pas sur des sujets professionnels. À une autre occasion, il aurait reçu une réponse froide et même un peu hostile de la part de Mme Blais alors qu'il l'a saluée lors d'une visite qu'elle a faite au bureau accompagnée de ses enfants.

[27]   Selon M. Archambault, Mme Blais lui a reproché des peccadilles et a fait preuve de harcèlement à son endroit en dépréciant son travail et en refusant de tenir compte des éléments positifs. Cette attitude de l'employeur a été maintenue malgré le changement d'équipe et a été aussi constatée lors de rencontres avec Mme Fortier. La solidarité des représentants de l'employeur a fait en sorte que le travail de sape débuté par Mme Blais a continué avec M. Bourdeau et Mme Fortier.

[28]   Des recours en rétroaction individuelle et en révision de décision de rétroaction individuelle sont précisés au programme de dotation de l'Agence (pièce E-9) et s'appliquent dans le cas d'un renvoi en période probatoire. La rétroaction individuelle est exercée par la personne responsable du processus de dotation (Mme Fortier, au présent dossier) et la révision de la décision de rétroaction est exercée par le superviseur de la personne responsable (M. Denis Martineau, Directeur du bureau des services fiscaux de la Montérégie, Rive-Sud).

[29]   M. Archambault a demandé la rétroaction individuelle le 30 octobre 2000 (document 9, pièce G-1) et une réponse négative lui a été fournie le 31 mai 2001 (pièce E-10). Une demande de révision a été véhiculée le 7 juin 2000 (pièce E-11) et une réponse négative lui a été fournie le 27 juin 2001 par M. Martineau (pièce E-12).

[30]   Une plainte de harcèlement à été présentée à Mme Châtillon (sous-commissaire ADRC) le 3 novembre 2000 (document 10, pièce G-1). Elle a informé M. Archambault que ses allégations doivent plutôt être soumises à la rétroaction individuelle et à la révision de décision et que sa plainte de harcèlement est rejetée, en date du 18 décembre 2000 (document 20, pièce G-1).

[31]   Les extraits suivants de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de la Loi portant sur la création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (LADRC) doivent être pris en considération au présent dossier.

[32]   En particulier, l'article 92 de la LRTFP détermine quel type de grief peut être renvoyé à l'arbitrage dans les termes suivants :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :
  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;
  2. dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.
  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

[33]   Les dispositions suivantes de la LADRC sont aussi à considérer :

RESSOURCES HUMAINES

50. L'Agence est un employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

51. (1)Par dérogation aux paragraphes 11(2) et (3) et à l'article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'Agence peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel :

a) déterminer les effectifs qui lui sont nécessaires et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

b) déterminer les besoins en matière de formation et perfectionnement de son personnel et en fixer les conditions de mise en ouvre;

[...]

f) établir des normes de discipline et fixer les sanctions pécuniaires et autres, y compris le licenciement et la suspension, susceptibles d'être infligées pour manquement à la discipline ou inconduite et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces sanctions peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

g) prévoir, pour des motifs autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

[...]

54. (1) L'Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

[...]

Les plaidoiries

[34]   L'employeur a soumis qu'en vertu de la LADRC, l'Agence n'est plus assujettie à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) depuis le 1er novembre 1999, soit depuis la date d'entrée en vigueur fixée par décret. Selon la LADRC, l'Agence a le pouvoir de renvoi en période de stage en vertu de l'alinéa 51(1)(g).

[35]   L'Agence a élaboré un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés, suivant les stipulations du paragraphe 54(1) de la LADRC. Ce programme de dotation, déposé comme pièce E-9, précise que les recours en rétroaction individuelle et de révision de la décision sont ouverts à l'employé ayant subi un renvoi en période de stage.

[36]   Ces recours ont été utilisés par M. Archambault (demande de rétroaction le 30 octobre 2000 et demande de révision le 7 juin 2001). Des réponses négatives ont été véhiculées à l'employé (le 31 mai 2001 pour la rétroaction et le 27 juin 2001 pour la révision).

[37]   Le renvoi à l'arbitrage n'est possible que dans les cas d'un grief portant sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire selon l'alinéa 92(1)(c) de la LRTFP.

[38]   La LRTFP ne permet pas de renvoyer à l'arbitrage d'autres griefs que ceux prévus à l'alinéa 92(1)c), aucun autre paragraphe ou alinéa de l'article 92 ne pouvant recevoir application.

[39]   L'employeur devait démontrer à l'arbitre que le renvoi est bien un renvoi en cours de stage. Selon le jugement rendu par l'honorable juge Lemieux dans la cause Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi ([2001] A.C.F. no 802), l'employeur devait d'abord démontrer que le renvoi en période de stage était pour des motifs reliés à l'emploi. La preuve présentée par l'employeur au présent dossier indique un motif de renvoi valable à première vue et est concluante sur ce point (suivant le principe élaboré dans l'affaire Smith reportée au jugement Leonarduzzi) (supra).

[40]   Au présent dossier, l'employeur a prouvé que M. Archambault démontrait des lacunes importantes dans l'exécution de ses fonctions, après une formation initiale du 10 au 21 janvier 2000. En date du 26 mai 2000, l'employeur constate les lacunes et une formation individualisée a été fournie à l'employé les 30 et 31 mai et du 6 au 8 juin 2000.

[41]   Malgré cette formation complémentaire, le fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas en mesure d'améliorer son rendement sur les points précis qui lui ont été précisés le 12 juin 2000. Une évaluation s'avère négative le 31 août 2000 et la Directrice adjointe de la division du recouvrement donne un dernier avis au fonctionnaire s'estimant lésé le 14 septembre 2000. À moins d'une nette amélioration dans les deux prochaines semaines, un renvoi en période probatoire est envisagé. Malgré un délai supplémentaire jusqu'au 20 octobre 2000, M. Archambault n'a pas été en mesure de corriger son rendement en regard des attentes qui lui avaient été fixées le 3 octobre 2000.

[42]   La preuve démontre que l'employeur a renvoyé M. Archambault pour des motifs d'incapacité à rencontrer les attentes de performance fixées par l'employeur. En ces circonstances, l'employeur a assumé son fardeau de preuve en démontrant que le renvoi procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'attitude de M. Archambault. En ce sens, l'arbitre n'a pas de compétence pour examiner la question à savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée et doit rejeter le grief en conséquence.

[43]   Pour sa part, M. Archambault soutien que l'Agence demeure assujettie à la LEFP (en donnant les articles 55, 91 à 95 de la LADRC). Il soumet de plus que les recours prévus au programme de dotation de l'Agence (rétroaction individuelle et révision de décision), ne sont pas de réels recours. La rétroaction est effectuée par la personne en autorité qui a pris la décision de renvoyer l'employé en cours de stage et le supérieur immédiat de la personne en autorité révise cette décision. Ces personnes sont juges et parties et les recours ne présentent pas de garantie d'impartialité nécessaire à établir un réel recours pour l'employé.

[44]   Les conseillers techniques et les chefs d'équipes qui ont procédé aux évaluations en cours d'emploi ont agi de mauvaise foi en omettant de prendre en compte les éléments positifs du travail du fonctionnaire s'estimant lésé pour ne retenir que les points négatifs. Ils ont fait preuve d'acharnement contre lui en lui reprochant des peccadilles (exigences de reformulation des rapports de radiation...) et en retenant contre lui des erreurs dans le traitement des dossiers qui peuvent aussi être constatées chez d'autres employés. Les directives données au fonctionnaire s'estimant lésé sont inconsistantes d'une personne à l'autre (d'un conseiller technique à l'autre et d'un chef d'équipe à l'autre) et ne sont pas conformes au contenu de la formation initiale.

[45]   Selon M. Archambault, l'employeur doit démontrer l'incompétence du fonctionnaire s'estimant lésé et l'arbitre doit déterminer si les affirmations de l'employeur sont véridiques. Le fardeau de preuve incombe à l'employeur qui doit démontrer les fautes grossières commises par le fonctionnaire s'estimant lésé pour justifier l'incompétence.

[46]   Le fait que l'employeur ait agi de mauvaise foi (en refusant de fournir l'historique complet des comptes qu'il a traité dans sa période d'emploi; en ne tenant compte que des éléments négatifs sans considération des éléments positifs) donne la compétence à l'arbitre pour évaluer les véritables motifs au renvoi.

[47]   Lors de la présentation de ses arguments, M. Archambault a soumis qu'il avait été empêché de faire sa preuve. Je lui ai alors offert de présenter toute preuve complémentaire qu'il croit utile et nécessaire en son dossier, à cette étape de l'audience. M. Archambault a décliné cette offre.

[48]   En réplique, l'avocate de l'employeur soumet que les articles de LADRC précisés par M. Archambault dans ses arguments (article 55, 91 et 95) sont des mesures transitoires permettant de préserver les droits des employés lors de la transformation du Ministère à l'Agence. Le libellé de la LADRC, tout particulièrement à partir de l'article 50 et suivant démontre bien que l'Agence n'est pas assujettie à la LEFP.

[49]   Les décisions suivantes ont été soumises par les parties :

Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi [2001] A.C.F. No 802

Procureur général du Canada c. Judith L. Penner [1989] 3 C.F. 429 (CAF)

Canada (Conseil du trésor) c. Rinaldi [1997] A.C.F. No 225

Jacmain c. Canada (Procureur général) [1978] 2 R.C.S. 15

Ling (dossiers de la Commission 166-2-27472 et 27975)

Bellavance (dossiers de la Commission 166-2-28380 et 28381)

Rose (dossiers de la Commission 166-2-27307 et 27308)

Motifs de la décision

[50]   L'Agence des douanes et du revenu du Canada a été créée par la loi sanctionnée le 29 avril 1999 (46-47-48 Elizabeth II chap. 17) et la loi est entrée en vigueur le 1er novembre 1999 par décret (Gazette du Canada, Partie II, vol. 133, No 21-SI/TR/99 -111). L'engagement de M. Archambault, en date du 10 janvier 2000, relève pleinement de l'Agence et les mesures transitoires prévues à la loi créant l'Agence ne peuvent recevoir application. Il en serait autrement si l'engagement de M. Archambault ou son licenciement aurait été antérieur au 1er novembre 1999.

[51]   La LRTFP stipule à l'article 92 en quelles circonstances un grief peut être renvoyé à l'arbitrage pour être tranché par un arbitre.

[52]   Les griefs inscrits contre son employeur par M. Archambault ont été portés jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, tel qu'il appert des réponses de l'employeur présentes au dossier de la Commission. Ainsi la condition précisée au paragraphe 92(1) de la LRTFP est rencontrée.

[53]   L'alinéa 92(1)(a) de la LRTFP ne peut pas recevoir application au présent dossier, car les griefs de M. Archambault contestant son licenciement ne portent pas sur l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

[54]   L'alinéa 92(1)(b) de la LRTFP ne peut pas recevoir application au présent dossier, M. Archambault n'étant pas un employé d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifiée à la partie I de l'annexe I (l'Agence étant plutôt spécifiée à la partie II de l'annexe I) ni désigné par décret pris au titre du paragraphe (4) (l'Agence n'ayant pas été objet d'un tel décret). De plus, le licenciement de M. Archambault n'est pas assujetti aux alinéas 11(2)(f) ou (g) de la Loi sur la gestion des finances publiques par dérogation indiquée au paragraphe 51(1) de la Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

[55]   L'alinéa 92(1)(c) pourrait recevoir application en autant que M. Archambault ait été licencié, suspendu ou ait subi une sanction pécuniaire découlant d'une mesure disciplinaire. L'évaluation des faits apportés en preuve me permettra de déterminer, plus loin à la présente décision, si effectivement M. Archambault a été licencié par effet d'une mesure disciplinaire et si le fardeau de preuve à assumer par les parties en cette circonstance a été assumé.

[56]   Le paragraphe 92(2) ne peut recevoir application, le grief n'étant pas de la nature d'un grief d'interprétation.

[57]   Le licenciement de M. Archambault n'est pas assujetti au régime de la LEFP, l'ensemble des attributions en matière de gestion de personnel ayant été confiées à l'Agence par les articles 51 et suivants de la LADRC. En conséquence, le paragraphe 92(3) de la LRTFP ne peut recevoir application au présent dossier.

[58]   Ainsi, les griefs inscrits par M. Archambault à l'encontre de son licenciement ne peuvent être renvoyés à l'arbitrage que s'ils sont de nature disciplinaire suivant ce raisonnement et implique que la LRTFP ne prévoit pas de recours pour un renvoi en cours de stage.

[59]   Dans les motifs du jugement rendu dans l'affaire Penner (supra), le Juge Marceau a déclaré ce qui suit :

La conclusion fondamentale de l'arrêt Jacmain est, à mon avis, qu'un arbitre nommé sous le régime de la L.R.T.F.P. est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l'employeur ont agi de bonne foi au motif qu'ils ne considéraient pas que l'employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé. Et cette conclusion, selon moi, découle inexorablement des dispositions législatives actuellement en vigueur.

En fait, la législation dans son ensemble pourrait difficilement s'interpréter comme appuyant une autre façon de voir. Comme l'a dit le juge J. Heald [[1977] 1 C.F. 91 (C.A.), sous l'intitulé Procureur général du Canada c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, à la page 100], dont les propos on été approuvés par le juge de Granpré dans ses motifs de l'arrêt Jacmain (à la page 37), l'article 28 vise entièrement à permettre à l'employeur d'apprécier l'aptitude d'un employé à occuper un emploi. Si l'employeur conclut durant cette période que l'employé ne présente pas les qualités requises, il peut alors le renvoyer sans que celui-ci ait la possibilité de recourir à l'arbitrage. Soutenir qu'un employé stagiaire est investi du droit à un arbitrage au cours de son stage équivaut à ignorer complètement le sens évident de l'expression utilisée à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. « Ni l'objet d'une période de stage, ni l'économie des dispositions légales en cause ne sont conciliable avec la proposition qu'un congédiement pour des motifs disciplinaires et un renvoi motivé ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Le premier est la sanction ultime imposée par l'administration à la suite d'un grave écart de conduite, tandis que l'autre est une terminaison d'emploi faisant suite à une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l'employé. S'il est possible que cette appréciation négative de l'aptitude de l'employé ait été faite à la suite d'une inconduite ou d'un écart de comportement, cette circonstance n'atténue en rien la réalité ou la légitimité de l'insatisfaction éprouvée, et elle ne nous justifie pas de confondre le renvoi en cause avec une sanction disciplinaire.

...

Je suis d'avis que si le Parlement a considéré qu'il convenait de mettre sur pied un système d'arbitrage des griefs pour soumettre les pouvoirs détenus par l'administration en matière de discipline au contrôle et à la supervision d'une autorité indépendante, il n'a pas eu l'intention que le régime ainsi instauré limite l'exercice par l'administration de son pouvoir discrétionnaire de choisir les employés lui apparaissant posséder toutes les qualités requises pour occuper les postes dévolus à son personnel permanent, un pouvoir discrétionnaire qui serait diminué de façon grave et irréaliste si le seul motif de renvoi admissible était la qualification technique au sens strict.

[60]   On peut appliquer ce raisonnement du Juge Marceau au présent dossier, car l'ajout du paragraphe 92(3) par la Loi sur la réforme de la fonction publique (L.C. [1992] ch. 54), qui est postérieure à l'arrêt Penner (supra), ne peut pas recevoir application au présent dossier (voir paragraphe 56 supra). Ainsi, la LRTFP ne peut s'interpréter que dans le sens qu'un arbitre nommé sous le régime de cette loi est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que l'employeur a agi de bonne foi au motif qu'il considérait que l'employé ne possédait pas les aptitudes requises pour occuper le poste visé.

[61]   L'employeur doit faire la preuve des motifs à l'appui du renvoi et le Juge Lemieux dans la cause Leonarduzzi (supra) cerne le fardeau de preuve à assumer dans les termes suivants :

Le défendeur soutient que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le fonctionnaire a été licencié pour un motif déterminé valable. Ce n'est pas le cas. Il y a lieu de distinguer entre un motif lié à l'emploi et un « motif déterminé valable ». Dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.F.), une affaire qui portait sur la compétence de la Commission de se saisir d'un grief d'un employé en stage qui avait été licencié pour un motif déterminé en vertu de l'article 28 de la LEFP, le juge Marceau, J.C.A., déclare ceci, à la page 438 :
D'autres arbitres ont adopté une attitude assez différente de celle qui précède : ils ont accepté la thèse selon laquelle, dès le moment où ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée. Dans l'affaire Smith (dossier No. 166-2-3017 de la Commission), l'arbitre Norman exprime sans détours sa pensée à ce sujet :
En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine. L'arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l'employé s'estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l'employeur n'a pas donné de motif valable pour le congédiement. [je souligne]
Le juge Marceau a conclu que l'interprétation de l'arbitre Norman, précipitée, est la seule qui est fondée à la fois sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Jacmain c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 15, et sur la législation.

[62]   La preuve présentée devant moi démontre que l'employeur a licencié M. Archambault alors qu'il était en période probatoire. Malgré une formation initiale fournie à l'employé du 10 au 21 janvier 2000 (pièce E-3), l'employeur dénote des lacunes dans l'exécution de ses fonctions et une formation complémentaire lui est donnée les 30 et 31 mai et du 6 au 8 juin 2000 (pièce E-4). Vers le 12 ou le 15 juin 2000, l'employeur a précisé à M. Archambault les points où une amélioration était nécessaire. Peu d'amélioration a été notée par le chef d'équipe lors d'une rencontre tenue avec l'employé le 31 août 2000. L'employeur informe M. Archambault, par la correspondance du 14 septembre 2000, qu'une nette amélioration de son rendement est exigée dans les deux prochaines semaines et qu'à défaut, un renvoi en période de probation est envisagé (pièce E-4). L'employeur, tenant compte d'une période d'invalidité de M. Archambault, a étendu à trois semaines le délai qui lui était laissé pour s'améliorer et l'a reporté jusqu'au 20 octobre 2000 (pièce E-7). M. Archambault a été transféré à une autre équipe sous la responsabilité de M. Antoine Bourdeau qui a déterminé les critères de rendement qui seront l'objet d'une évaluation (pièce E-6). Au terme de la période, M. Bourdeau effectue un rapport d'évaluation négatif (pièce E-8).

[63]   Ce rapport d'évaluation conclue que M. Archambault a une planification d'inventaire (DR) déficiente et hors contrôle. Lors des rétroactions successives, il est noté un nombre anormalement élevé de comptes en sa planification hebdomadaire d'inventaire qui est considérée « hors contrôle ». Il a été constaté que le fonctionnaire s'estimant lésé n'utilise pas les systèmes informatiques à sa disposition pouvant lui fournir les informations sur les comptes. En plus, M. Bourdeau reproche au fonctionnaire s'estimant lésé de manquer de jugement et de discernement dans les mesures qu'il prend dans les dossiers et qu'il n'a pas fait de plan d'action pour aucun de ses comptes. Le rapport d'évaluation préparé par M. Bourdeau repose sur une série d'exemples précis tirés des comptes sous la responsabilité de M. Archambault et vérifiés lors des rétroactions (pièce E-8).

[64]   Je considère que l'employeur a produit une preuve suffisante indiquant qu'il existe un motif véritable lié à l'emploi de licencier M. Archambault en cours de probation. L'employeur a assumé, à ma satisfaction, son fardeau de preuve.

[65]   Bien que cette conclusion fasse en sorte que les griefs de M. Archambault ne puissent être renvoyés à l'arbitrage suivant l'article 92 de la LRTFP, il me reste à déterminer si le licenciement est réellement le résultat de l'application de la LADRC et non pas un subterfuge ou un camouflage pour dissimuler un congédiement de nature disciplinaire, ce qui rendrait possible le renvoi à l'arbitrage selon 92(1)c) de la LRTFP.

[66]   C'est sur le fonctionnaire s'estimant lésé que réside le fardeau de démontrer que le renvoi en cours de probation est un congédiement disciplinaire déguisé.

[67]   M. Archambault a soutenu que les exigences de l'employeur étaient déraisonnables en regard des stratégies d'interventions exigées par ses supérieurs. D'une part, il a tenté de démontrer que ces stratégies différaient d'un chef de groupe et d'un conseiller technique à un autre. Même s'il m'avait convaincu de ce fait, l'employeur demeure le seul à pouvoir déterminer la stratégie d'intervention qu'il veut voir appliquer pas ses employés et ceux-ci doivent se plier aux exigences des personnes en autorité. Bien que certaines exigences puissent être appliquées de façon différente selon la personne qui est en autorité sur l'employé à un certain moment, ceci ne fait pas en sorte que ces exigences soient déraisonnables de par ce fait.

[68]   Même si M. Archambault a témoigné au fait que les relations sociales avec Mme Suzanne Blais n'étaient pas sans tension, il ne m'a pas convaincu qu'il aurait pu exister un conflit de personnalité avec son chef d'équipe ayant pu motiver le désir de se débarrasser de ses services et de fabriquer un dossier de renvoi de toute pièce. De toute manière, Mme Fortier ayant agréé à transférer M. Archambault à l'équipe de travail sous la responsabilité de M. Bourdeau fait en sorte que le « conflit de personnalité » avec Mme Blais ne puisse pas influencer l'évolution de son rendement suite à ce transfert. La préoccupation de Mme Fortier de faire procéder à une évaluation de rendement le plus professionnellement possible est à l'opposé de l'apparence de mauvaise foi soulevée par M. Archambault.

[69]   Malgré que M. Archambault ait souligné que les erreurs que l'employeur lui reprochait pouvaient aussi être commises par d'autres employés, je ne peux pas retenir cet élément comme une preuve de mauvaise foi. La preuve effectuée à ce titre ne m'a pas convaincu que l'évaluation du rendement de M. Archambault a été effectuée d'une façon discriminatoire à son encontre en exigeant de lui un rendement plus important qu'aux autres employés ou basé sur des critères nettement différents.

[70]   Je ne crois pas que l'employeur ait manifestement empêché le fonctionnaire s'estimant lésé de préparer une défense valable en lui refusant accès à tous les comptes dans lesquels il avait travaillé. Il n'était pas nécessaire que le fonctionnaire s'estimant lésé fasse une preuve qu'en d'autres dossiers il a obtenu de bons résultats (ce qui lui a d'ailleurs été confirmé par M. Bourdeau), mais il se devait plutôt de démontrer que les reproches effectués n'étaient pas les véritables motifs pour son renvoi.

[71]   Je considère que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas assumé son fardeau de preuve et ne m'a pas convaincu que le véritable motif de renvoi était autre qu'une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à ses aptitudes à rencontrer les exigences de l'emploi.

[72]   Pour toutes ces raisons, je conclus que les griefs de M. Archambault ne pourraient pas être renvoyés à l'arbitrage selon l'article 92 de la LRTFP. En conséquence, je rejette ces griefs, n'ayant aucune compétence pour les trancher sur le fond.

Léo Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 24 mars 2003

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