Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Convention collective - Omission de l'employeur de prendre des mesures correctrices appropriées contre le harcèlement - Demande de congés de maladie payés supplémentaires - le premier grief se rapportait à l'article 22 de la convention collective et contestait l'omission de l'employeur de prendre des mesures correctrices appropriées pour le fonctionnaire s'estimant lésé à la suite d'une plainte de harcèlement et, parallèlement, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé également un congé payé en vertu de la clause 17.17, à l'égard duquel il a déposé un deuxième grief lorsque l'employeur a rejeté sa demande - le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada et avait été affecté à un projet spécial dans un autre lieu de travail - au cours de l'été de 1999, il y a eu une certaine confusion quant aux congés que le fonctionnaire s'estimant lésé devait prendre et aux rapports qu'il entretenait avec son directeur de projet - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé une plainte en octobre, alléguant que ses supérieurs l'avaient harcelé - l'employeur a mis sous contrat une société privée en vue de faire enquête sur la plainte, et le rapport final a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été victime de harcèlement par ses supérieurs et que les actions de ces derniers avaient contribué à créer un environnement de travail hostile - en ce qui concerne l'article 22 de la convention collective, qui porte sur la santé et la sécurité et renvoie à la collaboration entre l'employeur et le syndicat en vue de prévenir ou de réduire le risque d'accidents au travail, l'arbitre a déterminé que le grief n'était pas fondé puisqu'aucune preuve n'avait été produite concernant l'application de cet article - se fondant sur une analyse de la preuve, l'arbitre a conclu que la demande de congé se rapportait à l'état de santé du fonctionnaire s'estimant lésé et qu'elle était appuyée par une expertise médicale et pouvait être assimilée à une demande de congé de maladie - l'arbitre a affirmé qu'il soutenait les principes énoncés dans deux décisions de la Commission, St-Jacques et Grignon, selon lesquelles le rôle de l'arbitre est de déterminer si oui ou non l'employeur a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant un congé spécial, et il a conclu que, dans les circonstances de la présente affaire, l'employeur avait eu des raisons d'assimiler la demande du fonctionnaire s'estimant lésé à une demande de congés de maladie supplémentaires, et qu'il avait appliqué correctement la clause 17.17 - toutefois, même s'il a rejeté les griefs, l'arbitre a formulé les trois recommandations incidentes suivantes aux parties, à savoir que l'employeur maintienne une offre de règlement qu'il avait soumise précédemment et que le fonctionnaire s'estimant lésé l'accepte à condition qu'il soit satisfait aux deux autres recommandations, que l'employeur clarifie sa position sur l'origine du malentendu qui a mené aux difficultés du fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il envoie une lettre confirmant cette position et, enfin, que le fonctionnaire s'estimant lésé soit autorisé à prendre un congé payé pour épanouissement personnel. Griefs rejetés. Décisions citées : St-Jacques (166-2-13467); Grignon (166-2-27602).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-03-03
  • Dossiers:  166-34-31393, 31394
  • Référence:  2003 CRTFP 18

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GUY LÉVESQUE
fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Martin Ranger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Hélène Brunelle


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 14 et 15 janvier 2003.


[1]     M. Guy Lévesque travaille à l'Agence des douanes et du revenu du Canada et fait parti du groupe CS (système d'ordinateur).

[2]     Le 25 mars 2002 il dépose un grief en référant à l'article 22 de la convention collective et reproche à l'employeur de ne pas lui donner des mesures correctives appropriées suite à une plainte de harcèlement.

[3]     Parallèlement, le fonctionnaire réclame l'octroi de congés payés en vertu de la clause 17.17. Devant le refus de l'employeur, il dépose un autre grief le 22 mai 2000.

[4]     Ces griefs sont référés à l'arbitrage en juillet 2002 et l'audience a lieu les 14 et 15 janvier 2003.

[5]     L'employeur convient que la procédure de grief est respectée, mais soumet que le grief référant à l'article 22 de la convention doit être rejeté de facto puisque les faits reprochés n'ont aucun lien avec l'application de cet article. Les parties conviennent de faire une preuve commune pour ces deux griefs. Deux témoignages furent entendus en anglais et un système de traduction simultanée est alors utilisé. Plusieurs documents afférents au dossier sont en anglais.

Les faits

[6]     Du témoignage de M. Lévesque et des documents déposés en preuve on peut retenir ce qui suit : M. Lévesque indique être à l'emploi de l'agence des douanes et du revenu depuis 1997; auparavant, il travaillait pour le Service canadien du renseignement de sécurité. Bien qu'il soit juridiquement à l'emploi de la section de soutien aux bases de données des voyageurs, de l'exécution et des systèmes ouverts (Travellers, Enforcement and Open Systems Database Support Section) située au 875, rue Heron, il est assigné à un projet spécifique « BASIS team » situé au 1495, rue Heron. (rapport d'enquête, pièce F-2)

[7]     À l'été 1999, il y a une confusion quant à la date à laquelle M. Lévesque doit prendre ses vacances. M. Lévesque demande à son supérieur hiérarchique M. Williams la permission de prendre deux semaines de vacances à la fin d'août 1999, troisième et quatrième semaine plutôt que la deuxième et quatrième semaine d'août tel que déjà discuté. M. Williams laisse donc un message à M. AuCoin, Chef de projet, en ce sens et compte tenu qu'il ne reçoit aucun commentaire de M. AuCoin, M. Williams approuve la période de vacances.

[8]     Cependant, au cours de la deuxième semaine d'août M. AuCoin constate que M. Lévesque est au travail. M. Lévesque lui apprend alors qu'il a obtenu des vacances pour les troisième et quatrième semaines d'août. M. AuCoin se dit désorganisé puisqu'il avait planifié du travail pour M. Lévesque et d'autres employés pour cette période. M. Lévesque lui indique que ses vacances ont été dûment autorisées par M. Williams et qu'il sera absent à compter du 16 août.

[9]     À son retour de vacances, M. Lévesque apprend qu'il y a eu des plaintes de la part du chargé de projet et qu'en conséquence, il doit retourner travailler au 875, rue Heron et est retiré de son affectation au projet spécifique. M. Lévesque est informé que le responsable du projet est insatisfait de son travail.

[10]     M. Lévesque dit avoir été fort déçu de la tournure des évènements. Il aurait voulu s'expliquer avec le chargé de projet, mais ce fut impossible. Par la suite le climat s'est envenimé entre M. Lévesque et M. Williams ainsi qu'un autre supérieur, M. Whitworth.

[11]     M. Lévesque dit avoir été harcelé par ses supérieurs au cours des mois de septembre et octobre 1999 au point où sa santé en est affectée. Le 5 octobre 1999, il consulte un psychiatre, le Dr. Bütter pour traiter ses problèmes d'anxiété. Il rencontre régulièrement le Dr. Bütter par la suite.

[12]     Le 13 octobre M. Lévesque dépose une plainte d'harcèlement. L'employeur confie à une compagnie privée le soin de tenir une enquête et le rapport final est remis le 29 mai 2000.

[13]     Le rapport est déposé à titre informatif (pièce F-2). Une lettre du commissaire adjoint, Ken J. Cochrane, y est jointe. Dans cette lettre M. Cochrane confirme que M. Lévesque fut victime de harcèlement de la part de ses supérieurs. Il note que l'action de ces derniers a contribué à créer un milieu de travail « hostile » (Their action contributed to a hostile work environment.)

[14]     Entre le 5 octobre 1999 et le 8 avril 2001, M. Lévesque s'est absenté du travail à plusieurs reprises. Une lettre du 23 avril 2001 (pièce F-4) fait état de ce qui suit :

52 heuresrendez-vous (chez le médecin)
71.25 heurescongé de maladie (sans attestation)
52.5 heurescongé de maladie (avec attestation médicale)
204 heuresvacances annuelles
20.5 heuresrencontre avec représentants syndicaux

[15]     Le Dr. Bütter témoigne à titre d'expert. Il est professeur agrégé à la faculté de médecine à l'Université d'Ottawa. Il dit avoir rencontré à plusieurs reprises M. Lévesque depuis le 5 octobre 1999 pour traiter des problèmes d'anxiété reliés au harcèlement à son travail.

[16]     Dans une lettre du 23 janvier 2001 (pièce F-3 en liasse) il souligne qu'à cette date M. Lévesque « ... est moins anxieux et dépressif mais il demeure toujours vulnérable lorsqu'il ne se sent pas respecté ... » Il semble « ... que ses symptômes (manque de concentration, mémoire fautive, sensation d'étouffement et peurs de certaines situations etc.) iront en diminuant. Il va sans dire que la qualité de vie de monsieur Lévesque et de sa famille a grandement été affectée par ces évènements. Je recommande que monsieur Lévesque poursuive une thérapie psychosociale pour ses difficultés anxio-dépressives. »

[17]     Le Dr. Bütter explique que M. Lévesque lui parle souvent d'injustice lors des rencontres avec son médecin. M. Lévesque fait état notamment de décisions ou de règlements intervenus dans d'autres cas de harcèlement. Il se sent frustré de devoir prendre des congés de maladie ou de vacances pour traiter les séquelles du harcèlement qu'il a subi. Il a notamment informé le Dr. Bütter du rapport de l'enquête sur le harcèlement (juin 2000) et se demande pourquoi l'employeur ne l'aide pas.

[18]     Le Dr. Bütter fait état d'un appel qu'il a reçu de la part de M. Léonard Courchesne (agent de relations de travail). Il considérait ce dernier comme un représentant de l'employeur. Le Dr. Bütter explique qu'à cette époque il recommandait pour M. Lévesque un congé sabbatique d'un an. Lors de la conversation téléphonique avec M. Courchesne, ce dernier lui explique qu'il serait difficile de justifier un congé d'un an, mais que cela serait plus facile si le congé était de six mois.

[19]     Le Dr. Bütter dit avoir recommandé à son « client » M. Lévesque, de composer avec un congé de six mois car il était préférable que les traitements commencent le plus tôt possible. Dans une lettre du 13 mai 2002 (pièce F-8) le Dr. Bütter explique en détail sa position. Il y écrit notamment :
J'ai reçu M. Guy Lévesque le 10-04-02 et constaté qu'il manifeste une symptomatologie modérée anxio-dépressive avec tendance envers l'agressivité. La raison de ma lettre en tant que personne traitant M. Lévesque est donc la suivante :

    a) noter l'état actuel de monsieur

    b) La déception au niveau de mes recommandations (Drs S Tara et Spies)

    c) Trouver une solution raisonnable de résoudre l'état de santé mentale de monsieur avant qu'elle ne se détériore.

...

Je tiens à vous rappeler mes recommandations dans ce dossier (quant à l'octroi de 6 mois de congé annuel à M. Lévesque) qui ont été appuyés par le docteur Tara de Santé Canada. On a demandé à M. Lévesque de signer des documents suite à l'indication que ce dernier recevrait 6 mois de congés annuels. Tout ce qui restait à savoir était de connaître la nature du congé : soit 6 mois continu ou 6 mois intermittent.

[20]     Le Dr. Bütter se dit déçu de la tournure des évènements. Il constate qu'il s'est écoulé beaucoup de temps et que le dossier de M. Lévesque n'est toujours pas réglé. Il rappelle que sa recommandation date du début de l'année 2001. On retrouve les mêmes éléments de discussion dans une lettre que le Dr. Bütter écrivait à M. Courchesne le 5 mars 2001 (pièce F-7) :
[Traduction non-officiel]

     Pour faire suite à notre conversation téléphonique du 1er mars 2001 concernant le recours, par M. Levesque, à un congé sabbatique de six mois, je propose que l'intéressé poursuive sa thérapie au cours de l'année à venir et que cette période de six mois soit jumelée à une participation thérapeutique dans le cadre de laquelle il pourra bénéficier d'activités de gestion du stress et de l'anxiété ainsi que d'exercices d'autoperfectionnement et de croissance.

     S'il n'est pas accompagné d'un cadre thérapeutique, le privilège que représente le congé sabbatique de six mois ne sera pas proactif pour M. Levesque et risquera, par conséquent, de compromettre sa croissance professionnelle et son rôle à titre d'employé du gouvernement fédéral.

[21]     Le Dr. Bütter termine en indiquant qu'encore aujourd'hui M. Lévesque est anxieux au travail; il droit prendre des congés environ une fois par semaine. À quelques reprises, M. Lévesque lui a demandé de lui fournir des certificats médicaux pour ces absences hebdomadaires.

[22]     Le Dr. Bütter se dit excédé de traiter ce dossier à la pièce par des certificats d'absence. Il lui semble qu'il devrait y avoir un quelconque terrain d'entente entre M. Lévesque et son employeur. Selon lui, plus le dossier traîne en longueur plus l'état de M. Lévesque s'aggrave. Il croit qu'il devra bientôt augmenter la dose de médicament de M. Lévesque pour calmer son inquiétude et cela augure très mal.

[23]     De son côté l'employeur assigne comme témoin M. Ken J. Cochrane et Mme Carucci. M. Cochrane est commissaire adjoint et responsable du secteur « information technology » (informatique) à l'Agence des douanes et du revenu du Canada depuis juin 1999.

[24]     M. Cochrane réitère les propos qu'il a formulés dans sa lettre du 30 juin 2000 accompagnant le rapport d'enquête sur la harcèlement à l'endroit de M. Lévesque (pièce F-2). Il est conscient que la harcèlement à l'encontre de M. Lévesque est fondé et par ailleurs que ce dernier a des problèmes de santé.

[25]     C'est en toute bonne foi qu'il s'est tenu informé du cas de M. Lévesque et qu'il a entrepris des discussions avec ce dernier et les représentants syndicaux à l'automne 2000. Selon les responsables de Santé Canada, M. Lévesque pouvait reprendre son travail bien qu'il puisse avoir besoin de période de repos.

[26]     En décembre 2000, il a discuté avec M. Lévesque et son représentant syndical mais aucune entente n'est intervenue.

[27]     Tout au long des discussions avec M. Lévesque, M. Cochrane comprend que ce dernier, sur la recommandation de son médecin, demande un congé de six mois pris à sa discrétion. Au printemps 2001, M. Cochrane demande à la direction des ressources humaines de l'agence et à Santé Canada d'examiner ce cas.

[28]     Il reçoit des conseils de Mme Carucci, directrice adjointe des ressources humaines, relativement à l'application de la convention collective et aux possibilités de recours auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) (Workers' Safety Insurance Board (WSIB)) et du plan d'invalidité long terme de la Sun Life.

[29]     Les discussions avec M. Lévesque et son représentant syndical se sont déroulés au cours d'une longue période. M. Cochrane n'est pas au courant du rôle qu'à pu jouer M. Courchesne (conseiller des ressources humaines) dans le dossier.

[30]     M. Cochrane était désireux de régler ce dossier cependant il ne voulait pas aller à l'encontre de l'avis de ses conseillers relativement à l'application de la convention collective. Selon les avis reçus il ne pouvait accorder de congé de maladie à M. Lévesque autres que ceux prévus à la convention.

[31]     Dans un effort pour finaliser le dossier et vu que le syndicat réclame une réponse écrite, M. Cochrane formule par écrit une offre de règlement à M. Lévesque (en avril 2002 - pièce F-5). Il offre de rembourser les congés pris par M. Lévesque depuis la période de harcèlement à son égard jusqu'au 31 mars 2001. Cela représente 102.75 heures de congé de maladie et une renonciation à considérer ses absences pour rendez-vous médicaux comme absence maladie pour 104.75 heures soit un grand total de 207.5 heures comme compensation. Cependant, M. Lévesque devra, à compter d'avril 2002, puiser dans sa banque de congé de maladie pour toute absence reliée à sa condition de santé.

[32]     De son côté, Mme Carucci, directrice adjointe aux ressources humaines, explique qu'elle est entrée en fonction à l'agence en juillet 2001. Au cours de l'été, elle a pris connaissance du dossier de M. Lévesque mais elle ne lui a pas accordé priorité compte tenu que le rapport d'enquête avait été déposé et que le harcèlement avait cessé.

[33]     C'est à compter de septembre 2001 que le dossier a été réactivé puisque M. Lévesque et son représentant syndical voulaient régler la question des congés. On parlait alors d'un congé de six mois pris par intermittence.

[34]     Selon Mme Carucci dès l'automne 2001, et en décembre 2001, elle a indiqué à M. Lévesque qu'il était impossible d'accorder des congés de maladie additionnels. Elle a aussi vérifié les possibilités auprès de la Sun Life mais il était impossible d'avoir une réponse précise sans que la Sun Life soit saisie d'une demande formelle.

[35]     C'est le syndicat qui a insisté pour qu'elle demande à son patron, M. Cochrane, de fournir une réponse formelle à M. Lévesque soit la lettre du 8 avril 2002 (pièce F-5).

[36]     Interrogée sur l'état de santé actuel de M. Lévesque, Mme Carucci expose que récemment Santé Canada (fin 2002) était d'accord avec une semaine de travail de 4 jours par semaine pour M. Lévesque. (Cet élément de preuve est pris sous réserve.)

Plaidoirie

[37]     Selon le représentant du fonctionnaire il faut se demander si l'employeur peut être tenu responsable des conséquences du harcèlement fait à l'encontre de M. Lévesque.

[38]     En obligeant M. Lévesque à utiliser ses congés de maladie, l'employeur impose à M. Lévesque le fardeau des conséquences de harcèlement dont il a été victime.

[39]     Selon le représentant de M. Lévesque, l'employeur a indûment étiré les délais. Entre la fin de l'enquête sur la harcèlement (mai 2000) et la réponse finale de l'employeur (avril 2002), il s'est écoulé jusqu'à deux ans.

[40]     L'employeur se doit d'accommoder l'employé et ne pas lui faire subir les conséquences du harcèlement opéré à son égard.

[41]     Selon l'employeur le grief basé sur la clause 22.01 est sans fondement et ne visait qu'à forcer l'employeur à répondre par écrit à la demande de congé présenté par M. Lévesque. Cette clause traite de la sécurité et de l'hygiène.

[42]     Relativement à la demande de congés payés, l'employeur souligne que l'arbitre doit s'en tenir au libellé du grief et examiner la clause 17.17 et qu'il n'a pas compétence pour examiner la plainte de harcèlement.

[43]     Relativement à la clause 17.17, l'employeur soutient qu'il faut considérer la portée de la clause et examiner l'exercice de la discrétion. Dans ce dernier cas, il ne s'agit pas de remplacer la décision de l'employeur, mais de déterminer si elle est arbitraire et de mauvaise foi.

Motifs de la décision

[44]     Je me dois de disposer en premier lieu du grief 166-34-31394 portant sur l'article 22 de la convention. Cet article traite de sécurité et d'hygiène et parle de collaboration entre l'employeur et le syndicat pour prévenir ou réduire les risques d'accident de travail.

[45]     Aucune preuve ne me fut présentée relativement à l'application de cet article et je déclare le grief sans fondement.

[46]     Relativement au grief 166-34-31393, référant à une demande de congé payé et s'appuyant sur la clause 17.17, j'examinerai dans un premier temps la nature de la demande et ensuite la portée de la clause 17.17.

[47]     La demande initiale de M. Lévesque est d'un congé d'un an sur la recommandation de son médecin le Dr. Bütter. Cette demande fut réduite par la suite à six mois. Dans la lettre du 5 mars 2001, le Dr. Bütter parle en quelque sorte d'une « banque » de six mois utilisable pendant une période de thérapie d'un an (pièce F-7)

[48]     Dans une lettre du 13 mai 2002 (pièce F-8) le Dr. Bütter indique « ... tout ce qui restait à savoir était de connaître la nature du congé : soit 6 mois continu ou 6 mois intermittent. » Dans une lettre du 23 janvier 2001 (pièce F-3) le médecin recommande que M. Lévesque poursuive « une thérapie psychosociale pour ses difficultés anxio-dépressives. »

[49]     Les témoignages nous montrent qu'en pratique M. Lévesque s'est absenté environ une journée par semaine.

[50]     De l'analyse de la preuve, je dois conclure que la demande de congé est rattachée à l'état de santé de M. Lévesque et est soutenue par une expertise médicale. Telle que présentée cette demande peut à juste titre être assimilée à une demande de congé pour maladie.

[51]     La clause 17.17 est libellée ainsi :
17.17 Congés payés ou non payés pour d'autres motifs

L'Employeur peut, à sa discrétion, accorder un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention.

[52]     Cette clause fait référence à l'exercice d'une discrétion par l'employeur et stipule que le congé est accordé pour d'autres fins que celles indiquées dans la présente convention.

[53]     J'ai énoncé précédemment que telle que présentée, la demande de M. Lévesque portait sur l'octroi de congés rattachés à son état de santé et était motivée par une ordonnance de son médecin. Or la convention prévoit déjà des congés de maladie à l'article 16, de plus la clause 16.05 parle de comptabilisation spécifique lorsqu'il s'agit de congé pour accident de travail.

[54]     Je suis d'accord avec les principes indiqués dans les affaires St. Jacques et Grignon (dossiers de la Commission 166-2-13467 et 166-2-27602) voulant que le rôle de l'arbitre consiste à déterminer si oui ou non l'employeur a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en refusant le congé spécial. Dans les circonstances, je crois que, dans le présent dossier, l'employeur avait raison d'assimiler la demande de M. Lévesque à une demande de congés de maladie additionnels et qu'il a correctement appliqué la clause 17.17.

[55]     Il est bien évident comme je l'ai exprimé précédemment, que mon rôle consiste à déterminer si la décision de refus de l'employeur était bien fondée et que je ne peux substituer ma décision à la sienne. Je trouve cependant dommage que les parties n'aient pas pu trouver de terrain d'entente.

[56]     De fait c'est la question du harcèlement dont a été victime M. Lévesque qui se devait d'être réglée de façon satisfaisante. En me référant aux témoignages de qualité présentés par M. Cochrane et le Dr. Bütter, je me permettrai de formuler trois recommandations aux parties.

[57]     Première recommandation : que l'employeur maintienne son offre de règlement du 8 avril et que M. Lévesque l'accepte dans la mesure ou l'employeur donne suite en grande partie aux recommandations deux et trois qui suivent.

[58]     Deuxième recommandation : Que l'employeur clarifie sa position sur l'origine de la mésentente qui a occasionné des problèmes à M. Lévesque et en ce sens qu'il adresse une lettre à M. Lévesque lui confirmant que son déplacement du 1495, rue Heron est lié à une décision purement administrative et ne met nullement en doute la qualité de travail ni la compétence de M. Lévesque.

[59]     Il y a lieu pour M. Lévesque de faire la différence entre une recommandation médicale relativement à un congé sabbatique et le règlement de son dossier par l'employeur. M. Lévesque ne peut confondre le rôle du Dr. Bütter comme spécialiste médical et vouloir en faire son agent de relations de travail. Je retiens du dossier que M. Lévesque peut retrouver sa stabilité par un respect de l'employeur et une tentative de ce dernier de rétablir la situation en permettant à M. Lévesque de retrouver sa satisfaction d'être au travail, un meilleur équilibre personnel, un rapprochement avec sa famille et un goût de renouer avec l'activité sportive.

[60]     Troisième recommandation : Afin de permettre à M. Lévesque de récupérer, ce dernier devrait pouvoir bénéficier d'un congé payé à des fins de ressourcement. Ce congé pourrait prendre la forme d'une semaine réduite de travail et, dans une première phase, équivaloir à 7 h 30 minutes (1 journée) de congé payé par semaine pendant huit semaines et, dans une deuxième phase, ce congé payé pourrait être de 3 h 45 minutes (1/2 journée) par semaine pendant huit autres semaines.

[61]     J'ose espérer que les recommandations que j'ai formulées précédemment permettront aux parties de régler définitivement leurs problèmes et de rétablir des relations harmonieuses de travail. Je dois cependant, comme je l'ai exprimé précédemment, sur un plan purement juridique, rejeter les griefs de M. Lévesque.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire.

OTTAWA, le 3 mars 2003.

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