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Résumé :

Salaire - Classification - Restructuration de service - Fonctions similaires à d'autres employés de classification supérieure - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief alléguant que son employeur ne le rémunérait pas de façon équitable par rapport aux autres employés qui ont les mêmes fonctions que lui - le fonctionnaire s'estimant lésé était préposé au poste de visite et correspondance dont la classification était AC-I (CX-01 actuellement) - antérieurement, le fonctionnaire s'estimant lésé occupait un poste dont la classification était AC-II (CX-02) - le fonctionnaire s'estimant lésé a précisé qu'en 1990 il y a eu une restructuration de service et qu'à cette époque, il s'était informé pour connaître son statut - on l'a informé que l'abolition se ferait par attrition et par conséquent, si un employé ne désirait pas être muté dans un autre poste, il pourrait conserver son poste actuel tant qu'il le désirerait - en pratique, le fonctionnaire s'estimant lésé était le seul à conserver son poste puisque le programme de l'établissement vise à ce que les employés effectuent une rotation dans l'ensemble des postes, environ six mois dans chacun d'eux - le fonctionnaire s'estimant lésé a attesté que les deux autres employés qui travaillaient avec lui effectuaient des t&acir;ches similaires aux siennes - compte tenu que ces employés changeaient périodiquement aux deux ans, c'est lui qui devait former les nouveaux arrivants - les seuls employés qui pouvaient accéder à ce travail étaient des CX-02 dans le cadre d'une rotation lente de deux ans - le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu qu'il constituait un cas particulier mais qu'à sa connaissance, tous ceux qui effectuaient des remplacements à un service étaient à un salaire équivalent à celui de CX-02 - en pratique, le poste du fonctionnaire s'estimant lésé diffère des autres puisqu'il travaille sur un horaire de cinq jours par semaine, et qu'il n'a pas comme ses collègues à être affecté à d'autres postes sujets à des horaires variables - l'arbitre de grief s'est fondé sur la prépondérance de probabilité pour conclure que les autres fonctionnaires avaient exercé par intérim les fonctions d'un niveau supérieur - selon l'arbitre de grief, il ne fait aucun doute, compte tenu de la preuve présentée, que le fonctionnaire s'estimant lésé accomplit des t&acir;ches similaires à ses deux autres collègues occupant des postes classifiés CX-02 et qui travaillent dans le cadre d'une << rotation lente >> de deux ans au service de visite et correspondance - l'arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé effectue des t&acir;ches similaires aux employés détenant des postes dont la classification est CX-02 et que la seule et unique différence était le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas soumis à la rotation de poste - l'arbitre a souligné que cette situation provenait de la décision de l'employeur qui lui accordait cette garantie de stabilité - selon l'arbitre de grief, le fonctionnaire s'estimant lésé forme les nouveaux venus au service de visite et correspondance et effectue les mêmes t&acir;ches qu'eux; il doit donc recevoir à titre d'intérim la même rémunération comme l'exige l'article 48.07 de la convention collective - l'arbitre de grief a demandé à l'employeur de rémunérer le fonctionnaire s'estimant lésé à un salaire équivalent à un poste CX-02 occupé par intérim à compter des 25 jours précédant le grief du 15 juillet 2000. Grief accueilli. Décision citée :Bégin et autres (166-2-18911 à 18917).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-12-22
  • Dossier:  166-2-31428
  • Référence:  2003 CRTFP 117

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GUY LAJOIE
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Céline Lalande, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur :   Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 2 et 3 septembre 2003.


[1]   M. Guy Lajoie est à l'emploi du Service correctionnel Canada et travaille à l'établissement Archambault depuis 1985.

[2]   Depuis 1988, il est préposé au poste de visite et correspondance dont la classification est AC-I (CX-01 actuellement). Antérieurement, M. Lajoie occupait un poste dont la classification était AC-II (CX-02).

[3]   Le 23 juillet 2000, M. Lajoie dépose un grief alléguant que son employeur ne le rémunère pas de façon équitable par rapport aux autres employés qui occupent les mêmes fonctions que lui.

[4]   Le grief est référé à l'arbitrage en juillet 2002, et l'audience du dossier a lieu les 2 et 3 septembre 2003.

[5]   Au début de l'audience, l'employeur soulève une objection à la compétence de l'arbitre compte tenu que selon lui, il s'agit d'un problème de classification. Cette objection est prise sous réserve.

[6]   Lors de son témoignage, M. Lajoie explique qu'en 1988, cinq personnes travaillaient au service de visite et correspondance. Cependant, depuis 1992, trois employés y travaillent, soit M Lajoie (AC-I; actuellement CX-01) et deux autres employés (AC-II; actuellement CX-02).

[7]   M. Lajoie précise qu'en 1990 il y a une restructuration de service. À cette époque, il s'est informé pour connaître son statut (pièce F-2). Le 3 mai 1990, le sous-commissaire, Jean-Claude Perron, confirme que les employés du secteur de visite et correspondance ne seront pas déclarés excédentaires. L'abolition se fera par attrition et par conséquent, si un employé ne désire pas être muté dans un autre poste, il pourra conserver son poste actuel tant qu'il le désirera (pièce F-3).

[8]   Une lettre du 4 septembre 1990 (pièce F-4) confirme le fait que M. Lajoie peut demeurer à son poste.

[9]   En pratique, M. Lajoie est le seul à conserver son poste puisque le programme de l'établissement vise à ce que les employés effectuent une rotation dans l'ensemble des postes, environ six mois dans chacun d'eux. Cependant, dans le cas du service de visite et correspondance, on applique une " rotation lente ", c'est-à-dire que l'employé y séjourne pour deux ans.

[10]   M. Lajoie qualifie son travail de proactif avec les détenus. Ainsi, lors de visites, il observe les agissements des détenus avec leurs familles. Avant une visite au détenu, il en discute avec le détenu et fait des vérifications avec la ou les personnes qui doivent visiter le détenu.

[11]   Particulièrement, dans le cas de visites privées dans les roulottes, il fait part de ses observations au comité de visites familiales.

[12]   M. Lajoie reçoit une description de tâches en 1998. Il fait remarquer que les tâches ont évolué au cours des années. Il doit entrer des données à l'ordinateur et s'y référer pour connaître les activités des détenus.

[13]   M. Lajoie atteste que les deux autres employés qui travaillent avec lui effectuent des tâches similaires aux siennes. Compte tenu que ces employés changent périodiquement aux deux ans, il doit former les nouveaux arrivants. Les seuls employés qui peuvent accéder à ce travail sont des CX-02 dans le cadre d'une rotation lente de deux ans.

[14]   M. Lajoie prétend qu'il constitue un cas particulier et d'ailleurs l'ancien directeur de l'établissement Archambault expédie une lettre le 22 juillet 1999 à l'administration régionale insistant pour que le salaire de M. Lajoie soit celui d'un CX-02 (pièce F-6).

[15]   Un autre employé de l'établissement, M. Luc Querry, indique qu'il occupe un poste classifié CX-01. Cependant, chaque fois qu'il effectue un remplacement au niveau du service de visite et correspondance, il reçoit une rémunération équivalente à celle d'un AC-II. À sa connaissance, tous ceux qui effectuent des remplacements à un service sont rémunérés à un salaire équivalent à celui de CX-02.

[16]   De son côté, l'employeur fait témoigner M. André Courtemanche qui est sous-directeur à l'établissement Archambault depuis 1998. Il connaît bien la situation de M. Lajoie. Selon M. Courtemanche, M. Lajoie aurait pu faire une demande à un poste classifié CX-02, mais à ce moment il devait accepter d'être mobile puisque la nouvelle restructuration des services veut que les employés soient plus polyvalents et occupent divers postes par rotation : soit des affectations de six mois ou plus longues dans certains cas. Il dépose des correspondances de 1993 et 1994 en ce sens (pièces E-1 et E-2).

[17]   M. Courtemanche indique que les employés occupant des postes classifiés CX-02ont une fonction dynamique en ce sens qu'ils suivent le dossier de six à sept détenus.

[18]   En pratique, le poste de M. Lajoie diffère des autres puisqu'il travaille sur un horaire de cinq jours par semaine, et qu'il n'a pas comme ses collègues à être affecté à d'autres postes sujets à des horaires variables. Il fait référence à des notes de services relativement à la protection salariale et à la possibilité de mutation (pièces E-8 et E-9).

[19]   M. Courtemanche est bien conscient que le cas de M. Lajoie est particulier mais qu'il n'appartient pas à l'établissement de classifier les employés. Il admet qu'au départ de M. Lajoie, si l'administration veut conserver ce poste, elle devra le faire classifier CX-02 pour pouvoir recruter des gens puisque deux autres employés travaillant au service de visite et correspondance proviennent de postes classifiés CX-02.

Plaidoiries

[20]   Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, il exerce des fonctions identiques à ses deux autres collègues et en ce sens il doit recevoir la même rémunération.

[21]   L'employeur rétorque que M. Lajoie détient un privilège de demeurer au même poste sans devoir effectuer de rotation. Ce poste est classifié CX-01 et l'arbitre n'a pas l'autorité pour accorder une autre classification.

Motifs de la décision

[22]   Il est vrai que l'arbitre ne peut intervenir en matière de classification. Cependant, la clause 48.07 de la convention collective applicable aux fonctionnaires du Groupe services correctionnels (pièce F-1) prévoit ce qui suit :

48.07 Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un employé-e d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins une (1) journée de travail, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

[23]   Dans Bégin et autres (dossiers de la Commission 166-2-18911 à 18917), l'arbitre s'est fondé sur la prépondérance de probabilité pour conclure que les fonctionnaires avaient exercé par intérim les fonctions d'un niveau supérieur. L'arbitre avait conclu que les employés consacraient 70 pour cent de leur temps à s'acquitter des fonctions de classification supérieure.

[24]   Il ne fait aucun doute, compte tenu de la preuve présentée, que M. Lajoie accomplit des tâches similaires à ses deux autres collègues occupant des postes classifiés CX-02 et qui travaillent dans le cadre d'une " rotation lente " de deux ans au service de visite et correspondance.

[25]   On pourrait toujours prétendre qu'il s'agit là d'une affectation temporaire et que les employés détenant un poste classifié CX-02 ne peuvent baisser de salaire lorsqu'ils effectuent des tâches au service de visite et correspondance. Dans un tel cas, il faut se demander pourquoi les employés, tel M. Luc Querry, détenant un poste classifié CX-01, sont rémunérés à un niveau de salaire CX-02 lorsqu'ils effectuent des remplacements au service de visite et correspondance.

[26]   Il a été démontré que M. Lajoie effectue des tâches similaires aux employés détenant des postes dont la classification est CX-02. La seule et unique différence est le fait que M. Lajoie n'est pas soumis à la rotation de poste. Or, cet état de chose provient de la décision de l'employeur qui lui accorde cette garantie de stabilité.

[27]   D'ailleurs, dans la lettre du 22 juillet 1999 (pièce F-2), l'employeur admet lui-même que les tâches de préposé à la visite et correspondance ont été nettement enrichies depuis quelques années. Le système mis en place par l'employeur prévoit d'ailleurs que des employés occupant des postes classifiés CX-02 y effectuent une rotation lente de deux ans.

[28]   M. Lajoie forme les nouveaux venus au service de visite et correspondance et effectue les mêmes tâches qu'eux; il doit donc recevoir à titre d'intérim la même rémunération comme l'exige l'article 48.07 de la convention collective.

[29]   En conséquence de ce qui précède, je fais droit au grief et demande à l'employeur de rémunérer M. Lajoie à un salaire équivalent à un poste CX-02 occupé par intérim à compter des 25 jours précédant le grief du 15 juillet 2000.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 22 décembre 2003.

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