Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Salaire - Rémunération supplémentaire - Interprétation de la convention collective - Aménagements de postes d'horaires variables - Jours fériés désignés payés - Chose jugée - ces griefs comptent parmi une série de griefs déposés par des fonctionnaires membres de plusieurs unités de négociation, dont l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) est l'agent négociateur, pour contester la façon de l'employeur de calculer la rémunération supplémentaire des employés assujettis à des ententes sur le travail par poste et à des horaires variables, conformément à la convention collective pertinente - En l'espèce, cette convention est celle que le Conseil du Trésor (CT) et l'AFPC ont signée le 16 mai 2000 pour établir les conditions d'emploi de tous les fonctionnaires du groupe Services des programmes et de l'administration - l'arbitre a statué que ni l'une ni l'autre des parties ne contestait sa compétence pour instruire les griefs et, bien que la doctrine de la chose jugée ait été soulevée dans les arguments avancés, c'était essentiellement pour discuter de la mesure dans laquelle il devrait souscrire à la décision de l'arbitre dans une affaire où les faits étaient virtuellement identiques, mais où les fonctionnaires s'estimant lésés n'étaient pas les mêmes et où les mêmes parties étaient liées par une convention collective différente, quoique connexe - selon l'arbitre, le fait de nier l'influence des décisions antérieures rendues dans des circonstances factuelles similaires et de réclamer une interprétation de dispositions identiques ou très voisines de conventions collectives entre les mêmes parties saperait complètement les valeurs universellement reconnues comme essentielles pour tout système rationnel de règlement des différends par un tiers, à savoir la certitude, l'uniformité, la stabilité et la prévisibilité - D'autre part, ni la justice, ni l'équité ne devraient être sacrifiées à ces valeurs, puisque, dans notre régime de négociation collective, si l'on ne conteste pas leur compétence, l'arbitre de différends ou l'arbitre de griefs est tenu par la loi d'arbitrer au fond les affaires dont il est saisi - Le fait est d'ailleurs qu'agir autrement en retenant aveuglément les motifs d'une décision rendue dans une affaire antérieure pourrait raisonnablement être considéré comme un déclinatoire de compétence indu - l'arbitre a interprété le sous-alinéa 25.27e)(i), combiné avec la première moitié du sous-alinéa (ii), comme équivalant à la proposition << en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là >> figurant à la seconde moitié de l'alinéa 30.08a) - bref, tout fonctionnaire travaillant un jour férié désigné payé continue d'avoir le droit de toucher la somme qu'on lui aurait versée de toute manière s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là - dans le cas de tous les fonctionnaires, c'est l'équivalent de 7,5 heures à tarif simple, ce qui, pour les fonctionnaires travaillant selon un horaire normal, représente 7,5 heures effectivement travaillées n'importe quel jour, tandis que, pour ceux qui sont assujettis à une entente sur le travail par poste, cela représente 7,5 heures théoriquement travaillées un jour quelconque - dans les deux cas, cette somme est incluse dans le chèque de paye ordinaire émis toutes les deux semaines - autrement dit, quelle que soit la façon qu'on l'interprète, la déduction des sommes versées pour des heures théoriquement travaillées dans une période quelconque de deux semaines du cycle de six semaines des sommes payées pour les heures effectivement travaillées un jour férié désigné payé a pour effet de priver les fonctionnaires assujettis à l'entente sur le travail par poste de la rémunération à laquelle ils ont droit conformément aux sous-alinéas 25.27e)(i) et (ii), soit 7,5 heures au tarif simple plus 11 heures au tarif majoré de moitié - en se fondant sur l'analyse précédente, l'arbitre a conclu que les griefs devaient être accueillis - pour toutes les périodes de deux semaines de paye au cours desquelles ils ont travaillé un jour férié désigné payé, les fonctionnaires s'estimant lésés ont le droit de toucher, en sus de la somme versée dans leurs chèques de paye ordinaires, une rémunération supplémentaire calculée en fonction du nombre d'heures prévu à leur horaire qu'ils ont travaillées à tarif et demi, et à tarif double pour toutes les heures travaillées en sus de ces heures prévues à leur horaire - l'employeur a été tenu de verser aux fonctionnaires s'estimant lésés la somme qu'il leur devait faute de les avoir rémunérés intégralement pour le travail qu'ils ont effectué un jour férié désigné payé, conformément à ce qui a été précisé. Griefs accueillis. Décisions citées :Re United Automobile Workers and L.A. Young Ltd. (1958), 8 L.A.C. 196; Re Brewer's Warehouse Co. Ltd. and International Union of Brewery, Flour, Cereal, Malt Yeast, Soft Drink and Distillery Workers Local 278 C (1954), 5 L.A.C. 1797; Re Phillips Cables Ltd. And United Electrical, Radio and Machine Workers, Local 510 (1978), 16 L.A.C. (2d) 225; Essex County RC School Board c. Ontario English Catholic Teacher's Association [2001] O.J. No. 3602 (QL); 56 O.R. (3d) 85; King c. Conseil du Trésor (Revenu Canada- Douanes et Accise) (1999) CRTFP No. 110.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-07-29
  • Dossiers:  166-2-31278, 166-2-31279, 166-2-31280
  • Référence:  2003 CRTFP 65

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

DANNY J. BREAU, STACEY LEE CRONIN ET RONALD J. LAURIN
fonctionnaires s'estimants lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Justice Canada)

employeur

Devant:   Thomas Kuttner, c.r., commissaire à temps partiel

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés   Michael Tynes, agent de médiation et d'arbitrage des griefs, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Richard E. Fader, avocat, et Deborah MacDonald, agente de la rémunération et des relations de travail


Affaire entendue à Bathurst (Nouveau-Brunswick),
le 25 mars 2003.


[1]   Ce groupe de griefs est le dernier de la série de griefs déposés par des fonctionnaires membres de plusieurs unités de négociation dont l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) est l'agent négociateur pour contester la façon de l'employeur de calculer la rémunération supplémentaire des employés assujettis à des ententes sur le travail par poste et à des horaires variables, conformément à la convention collective pertinente. En l'espèce, cette convention est celle que le Conseil du Trésor (CT) et l'AFPC ont signée le 16 mai 2000 pour établir les conditions d'emploi de tous les fonctionnaires du groupe Services des programmes et de l'administration (pièce no 1). Pour les motifs qui suivent, j'ai conclu que ces griefs doivent être accueillis.

[2]   Même si ce différend entre les parties porte essentiellement sur l'interprétation et l'application des dispositions du sous-alinéa 25.27e)(ii) de la convention collective, qui porte sur la rémunération versée pour les jours fériés désignés payés, je reproduis ici les nombreux articles de la convention collective qui portent sur la durée du travail et l'administration de la paye et qui sont aussi pertinents dans ce contexte.

ARTICLE 6

RESPONSABILITÉS DE LA DIRECTION

6.01   Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l'autorité des personnes chargées d'exercer des fonctions de direction dans la fonction publique.

[...]

Travail de jour

25.06   Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 :

  1. la semaine normale de travail est de trente-sept heures et demie (37 1/2) et s'étend du lundi au vendredi inclusivement,

    et

  2. la journée normale de travail est de sept heures et demie (7 1/2) consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h.

[...]

25.09   Horaire variable

  1. Nonobstant les dispositions du paragraphe 25.06, l'employé-e peut, s'il ou elle en fait la demande et que l'Employeur y consent, répartir sa semaine de travail autrement que sur une période de cinq (5) jours à condition que, au cours d'une période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours civils, l'employé-e travaille en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine.

  2. Au cours de chaque période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours, l'employé-e doit bénéficier de jours de repos les jours qui ne figurent pas à son horaire de travail normal.

  3. Les employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant les horaires de travail variables qui figurent aux paragraphes 25.24 à 25.27.

25.10   Horaires d'été et d'hiver

L'Employeur peut faire varier les heures de travail hebdomadaires et journalières à la suite de consultations avec l'Alliance de façon à permettre l'établissement d'horaires d'été et d'hiver, à condition que le nombre total des heures demeure inchangé.

[...]

Travail par poste

25.13   Lorsque, en raison des nécessités du service, la durée du travail des employé-e-s est répartie par roulement ou de façon irrégulière, elle doit être fixée de façon que les employé-e-s, au cours d'une période maximale de cinquante-six (56) jours civils :

  1. sur une base hebdomadaire, travaillent en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) et en moyenne cinq (5) jours;

  2. travaillent sept heures et demie (7 1/2) consécutives par jour, sans compter la pause-repas d'une demi-heure (1/2);

  3. bénéficient en moyenne de deux (2) jours de repos par semaine;

  4. bénéficient d'au moins deux (2) jours de repos consécutifs en un moment donné, sauf quand un jour férié désigné payé qui est un jour chômé sépare les jours de repos; les jours de repos consécutifs peuvent faire partie de semaines civiles séparées.

[...]

25.17   Sauf indication contraire aux paragraphes 25.22 et 25.23, l'horaire normal des postes est le suivant :

  1. de minuit à 8 h; de 8 h à 16 h; de 16 h à minuit;

    ou

  2. de 23 h à 7 h; de 7 h à 15 h; de 15 h à 23 h.

[...]

25.23   Aménagements d'horaires de postes variables

  1. Nonobstant les dispositions des paragraphes 25.05, et 25.13 à 25.22 inclusivement, des consultations peuvent être tenues au niveau local en vue d'établir des horaires de travail par poste qui pourraient être différents de ceux établis par les paragraphes 25.13 et 25.17. De telles consultations incluront tous les aspects des aménagements des horaires de travail par poste.

  2. Quand une entente mutuelle acceptable est obtenue au niveau local, l'horaire de travail variable proposé sera soumis aux niveaux respectifs de l'administration centrale de l'Employeur et de l'Alliance avant la mise en vigueur.

  3. Les deux (2) parties s'efforceront de satisfaire les préférences des employé-e-s quant à de tels aménagements.

  4. Il est entendu que l'application flexible de tels aménagements ne doit pas être incompatible avec l'intention et l'esprit des dispositions régissant autrement de tels aménagements. Cette même application flexible du présent paragraphe doit respecter la moyenne des heures de travail pour la durée de l'horaire général et doit être conforme aux nécessités du service telles que déterminées par l'Employeur.

  5. Les employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant l'horaire de travail variable établies aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement.

Conditions régissant l'administration des horaires de travail variables

25.24   Les conditions régissant l'administration des horaires de travail variables mis en ouvre conformément aux paragraphes 25.09, 25.10 et 25.23 sont stipulées aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement. La présente convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée par celles-ci.

25.25   Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en ouvre d'un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire, et ne doit pas non plus être réputée retirer à l'Employeur le droit d'établir la durée du travail stipulée dans la présente convention.

25.26

  1. Les heures de travail d'une journée quelconque figurant à l'horaire variable précisé au paragraphe 25.24 peuvent être supérieures ou inférieures à sept heures et demie (7 1/2); les heures du début et de la fin, les pauses-repas et les périodes de repos sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l'Employeur, et les heures journalières de travail sont consécutives.

  2. L'horaire doit prévoir une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) de travail par semaine pendant toute la durée de l'horaire.

    1. La durée maximale d'un horaire de postes est de six (6) mois.

    2. La durée maximale des autres types d'horaires est de vingt-huit (28) jours, à moins que les heures de travail hebdomadaires et journalières normales soient modifiées par l'Employeur de façon à permettre la mise en vigueur d'un horaire d'été et d'un horaire d'hiver conformément au paragraphe 25.10, auquel cas la durée de l'horaire est d'un (1) an.

    3. La durée maximale des horaires des agents au service de l'Agence canadienne du pari mutuel est d'un (1) an.

  3. Lorsque l'employé-e modifie son horaire variable ou cesse de travailler selon un tel horaire, tous les rajustements nécessaires sont effectués.

25.27   Champ d'application particulier de la présente convention

Pour plus de certitude, les dispositions suivantes de la présente convention sont appliquées comme suit :

  1. Interprétation et définitions (paragraphe 2.01)

    « taux de rémunération journalier » - ne s'applique pas.

  2. Nombre minimum d'heures entre les postes

    L'alinéa 25.14a), qui concerne le nombre minimum d'heures entre la fin d'un poste et le début du poste suivant de l'employé-e, ne s'applique pas.

  3. Échange de postes (paragraphe 25.21)

    Les employé-e-s qui échangent leurs postes sont rémunérés par l'Employeur comme s'il n'y avait pas eu d'échange.

  4. Heures supplémentaires (paragraphes 28.06 et 28.07)

    Des heures supplémentaires sont payées à tarif et trois quarts (1 3/4) pour tout travail exécuté par l'employé-e en sus des heures de travail prévues à son horaire un jour de travail normal ou les jours de repos.

  5. Jours fériés payés (paragraphe 30.08)

    1. Un jour férié désigné payé correspond à sept heures et demie (7 1/2).

    2. L'employé-e qui travaille un jour férié désigné payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu'il ou elle effectue.

  6. Déplacements

    La rémunération des heures supplémentaires dont il est question au paragraphe 32.06 ne s'applique qu'aux heures qui dépassent le nombre d'heures prévues à l'horaire de travail journalier de l'employé-e au cours d'une journée de travail.

  7. Rémunération d'intérim

    La période ouvrant droit à la rémunération d'intérim indiquée à l'alinéa 64.07a) est convertie en heures.

[...]

Travail accompli un jour férié

[...]

30.08

  1. L'employé-e qui travaille un jour férié est rémunéré au tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence de sept heures et demie (7 1/2) et au tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là

[...]

ARTICLE 64

ADMINISTRATION DE LA PAYE

64.01   Sauf selon qu'il est stipulé dans le présent article, les conditions régissant l'application de la rémunération aux employé-e-s ne sont pas modifiées par la présente convention.

64.02   L'employé-e a droit, pour la prestation de ses services :

  1. à la rémunération indiquée à l'appendice « A » pour la classification du poste auquel l'employé-e est nommé, si cette classification concorde avec celle qu'indique son certificat de nomination;

    ou

  2. à la rémunération indiquée à l'appendice « A » pour la classification qu'indique son certificat de nomination, si cette classification et celle du poste auquel l'employé-e est nommé ne concordent pas.

LES FAITS

[3]   En l'espèce, les faits ne sont pas contestés et se résument succinctement. Les trois fonctionnaires s'estimant lésés, qui avaient tous travaillé auparavant comme agents de correction au Service correctionnel, ont été embauchés au début de 1999 par le ministère de la Justice à titre de préposés aux armes à feu au Centre canadien des armes à feu (CCAF) qui venait d'être créé à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Leurs principales tâches consistaient à traiter et à approuver les permis d'armes à feu et les transferts de propriété de ces armes. À cette fin, ils devaient se renseigner sur les demandeurs et les évaluer grâce aux programmes informatiques perfectionnés du Système canadien d'enregistrement des armes à feu (SCEAF) et du Centre d'information de la police canadienne (CIPC). Les demandes peuvent être faites en direct ou par téléphone. Étant donné que le SCEAF est un programme national intégré et que tout le pays est desservi par le CCAF de Miramichi, ses services sont offerts sept jours sur sept, par quarts, de 8 h à 0 h 30 les jours de semaine et de 9 h 30 à 22 h le week-end, conformément à une entente sur le travail par poste conclue aux termes du paragraphe 25.23 de la convention collective.

[4]   Le Conseil a entendu trois témoignages sur l'établissement des horaires de travail et sur l'administration de la paye, l'un du fonctionnaire s'estimant lésé Danny Breau et les deux autres de représentants de la direction, soit Kathy Nicol, gestionnaire de la rémunération et des relations de travail à Justice Canada, qui est affectée à Ottawa, et Lee Stever, le gestionnaire des Opérations au CCAF de Miramichi. Les préposés aux armes à feu sont censés travailler par roulement avec un horaire variable hebdomadaire, établi toutes les six semaines de façon à totaliser 225 heures de travail sur cette période, ce qui équivaut en moyenne à 37,5 heures par semaine et à 7,5 heures par jour sur cette période de six semaines, comme le stipulent les alinéas 25.13a) et b) ainsi que l'alinéa 25.26b). Les fonctionnaires s'estimant lésés étaient censés travailler selon la formule 4/4, avec quatre quarts de travail suivis de quatre quarts de congé, la durée de ces quarts étant variable, à savoir 12 heures (dont 11 heures payées), 10 heures (dont 8,5 heures payées) et 8 heures (dont 7,5 heures payées). Ils étaient assignés au tableau de service avec des combinaisons variables de quarts de 12, 10 et 8 heures répartis sur toute la période de six semaines (avec un jour de congé supplémentaire), de façon à être censés travailler un total de 225 heures dans chaque cycle de six semaines.

[5]   Comme on le sait, le système gouvernemental d'administration de la paye verse aux fonctionnaires 26 chèques de paye, un toutes les deux semaines; leur rémunération est donc calculée en fonction du traitement correspondant à leur niveau de classification x 37,5 heures x 2, soit deux semaines de traitement au taux de rémunération normal pour une semaine de travail normale (37,5 heures) et une journée normale de travail (7,5 heures), comme le stipule le paragraphe 25.06 de la convention collective en cause en l'espèce. Le système d'administration de la paye est centralisé, et chaque chèque de paye de deux semaines équivaut à la rémunération des 75 heures travaillées au cours des deux semaines précédentes (2 x 37,5). Toute la rémunération supplémentaire, au titre des heures supplémentaires, des primes de poste, de la rémunération d'intérim, de la rémunération pour un jour férié désigné payé, et ainsi de suite, est calculée séparément et individuellement, avec la contribution des régions, puis versée dans un chèque de paye supplémentaire distinct, généralement émis avec le chèque de paye de deux semaines ordinaire. Pour calculer ce qu'il doit verser par ce chèque de paye supplémentaire, l'employeur convertit le nombre d'heures travaillées à tarif majoré en leur nombre équivalent d'heures travaillées, au tarif simple (p. ex., 7,5 heures payées à tarif et demi équivalent à 11,25 heures travaillées au tarif simple (7,5 x 1,5 = 11,25), 10 heures travaillées à tarif et demi équivalent à 15 heures au tarif simple (10 x 1,5 = 15) et 11 heures à tarif et demi équivalent à 16,5 heures au tarif simple (11 x 1,5 = 16,5)). La conversion des heures à tarif majoré en heures au tarif simple figure dans le talon du chèque de paye supplémentaire délivré au fonctionnaire (pièce no 3b)).

[6]   Les ententes sur le travail par poste ne modifient pas fondamentalement le système d'administration de la paye de l'employeur, puisque 26 chèques de paye correspondant chacun à 75 heures travaillées au cours de la période de deux semaines qui précède sont délivrés toutes les deux semaines à chaque fonctionnaire assujetti à cette entente (le chèque de paye ordinaire). Toutefois, en l'espèce, aucun des fonctionnaires visés par l'entente sur le travail par poste ne travaille effectivement, au cours de la période de deux semaines qui précède l'émission du chèque, les 75 heures que ce chèque de paye ordinaire est censé rémunérer. Dépendant de l'horaire des intéressés au tableau de service, ils ou elles peuvent travailler plus que 75 heures ou moins que 75 heures au cours d'une période de deux semaines quelconque, mais jamais exactement 75 heures comme ce serait normalement le cas, n'était-ce l'application de l'entente en question, pour les fonctionnaires travaillant des journées normales dans une semaine de travail normale. Néanmoins, comme je l'ai déjà souligné, les fonctionnaires assujettis à l'entente sur le travail par poste travaillent 225 heures, qui sont réparties sur la période de six semaines du cycle de service, soit le même nombre d'heures qu'un fonctionnaire travaillant selon un horaire normal au cours de cette même période de six semaines. C'est pour cette raison que les fonctionnaires assujettis à cette entente touchent toutes les deux semaines trois chèques de paye ordinaires, dont aucun ne correspond aux heures effectivement travaillées au cours des deux semaines qui précèdent, mais dont la somme correspond à celle des heures qu'ils ont travaillées pendant ces six semaines.

[7]   Lorsque, comme c'est le cas ici, un fonctionnaire assujetti à une entente sur le travail par poste travaille un jour férié désigné payé, l'employeur calcule le chèque de paye supplémentaire correspondant à la prime de poste à laquelle l'intéressé a droit conformément au sous-alinéa 25.27e)(ii), en se fondant sur les heures stipulées à l'horaire que l'intéressé a effectivement travaillées ce jour-là (7,5, 8,5 ou 11 heures). Quand les heures travaillées excèdent les 7,5 heures versées normalement pour un jour férié désigné payé, conformément au sous-alinéa 25.27e)(i), l'employeur tient compte de ce qu'il considère comme des heures en sus déjà payées à tarif simple dans le chèque de paye ordinaire pour les déduire du nombre total d'heures prévues à l'horaire ordinaire travaillées ce jour-là, converties d'heures au tarif des heures supplémentaires en heures au tarif simple, pour arriver à la somme due aux fonctionnaires dans leur chèque de paye supplémentaire.

[8]   Par exemple, dans le cas du fonctionnaire s'estimant lésé Danny Breau, qui avait travaillé un quart de 11 heures le 1er janvier 2001, un jour férié désigné payé, l'employeur a calculé la somme due dans le chèque de paye supplémentaire conformément au sous-alinéa 25.27e)(ii), en convertissant les heures travaillées en heures au tarif simple, de la façon suivante :

Heures de traitement auxquelles l'employé a droit

 7,5 Heures au tarif simple (conformément au sous-alinéa 27.25e)(i))
 16,5 Heures au tarif simple (conformément au sous-alinéa 27.25e)(ii) = 11 x 1,5 heure à tarif et demi)
Total : 24   Heures au tarif simple
 - 11   Heures au tarif simple payées dans le chèque de paye à la quinzaine ordinaire (7,5 + 3,5 = 11)
Somme due :13   heures au tarif simple à payer par un chèque supplémentaire.

OBSERVATIONS

Arguments pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[9]   Au nom des fonctionnaires s'estimant lésés, M. Tynes maintient que l'employeur ne les a pas rémunérés comme il le devait pour les heures qu'ils avaient travaillées un jour férié désigné payé. Il a déduit de l'équivalent de 16,5 heures au tarif simple auxquelles les fonctionnaires s'estimant lésés avaient droit pour leurs 11 heures à tarif et demi (11 x 1,5 = 16,5) les 3,5 heures qui leur avaient été payées dans leur chèque de paye à la quinzaine ordinaire au-delà des 7,5 heures correspondant à une journée de travail un jour férié désigné payé, conformément au sous-alinéa 25.27e)(i), soit 11 - 3,5 = 7,5 heures. Ce faisant, l'employeur a virtuellement refusé de payer aux fonctionnaires s'estimant lésés 2,33 des 11 heures prévues à leur horaire ordinaire qu'ils avaient travaillées à tarif et demi et auxquelles ils avaient droit en vertu du sous-alinéa 25.27e)(ii), soit 2,33 x 1,5 = 3,5 heures, en ne leur payant que 8,66 heures à ce tarif (8,66 x 1,5 = 13), ce qui revient à un total de 13 heures converties au tarif simple, alors qu'il leur en devait 16,5.

[10]   À l'appui de leur position, les fonctionnaires s'estimant lésés invoquent la décision de la CRTFP dans King et le Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et accises) (1999) (dossiers de la Commission nos 166-2-28332 et 28333), rendue par la commissaire Simpson. Dans cette décision, et en se basant sur des dispositions à toutes fines utiles identiques à celles qui s'appliquent en l'espèce, l'arbitre avait rejeté un argument analogue avancé par l'employeur pour justifier sa méthode de calcul de la rémunération supplémentaire dans le contexte d'une entente sur le travail par poste. Elle avait ordonné qu'on verse au fonctionnaire s'estimant lésé King, en sus de son chèque de paye à la quinzaine ordinaire pour la période de deux semaines dans laquelle le jour férié désigné payé était tombé, une rémunération supplémentaire à tarif et demi pour le nombre total d'heures travaillées ce jour-là, soit 8,57 heures. M. King avait donc droit à une rémunération supplémentaire à tarif et demi équivalant à 12,855 heures à tarif simple (8,57 x 1,5 = 12,855). Cette décision a été maintenue par la Cour fédérale, qui avait été saisie d'une demande de contrôle judiciaire, dans Canada (Procureur général) c. King [2000] ACF no 1987 (Section de première instance), appel rejeté [2000] ACF no 673 : 2002 ACF 178 [CA]. M. Tynes maintient que l'employeur cherche ici à réintroduire une question définitivement tranchée par la décision King; la chose est jugée. Les griefs devraient donc être accueillis, et les fonctionnaires s'estimant lésés devraient se faire verser le traitement qu'ils ont perdu en raison de la décision abusive de l'employeur de déduire un traitement gagné de ce qu'il leur devait.

Arguments pour l'employeur

[11]   Me Fader fait valoir que les prétentions des fonctionnaires s'estimant lésés, fondées sur la variabilité des heures travaillées en vertu de l'entente sur le travail par poste au cours d'un quart de 11 heures, équivalent en réalité à une demande de « rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire », ce qui est expressément interdit par le paragraphe 25.25 de la convention collective. Les parties reconnaissent qu'un jour férié désigné payé correspond à 7,5 heures conformément à l'alinéa 25.27e)(i), et que, en plus d'avoir le droit d'être rémunérés à tarif simple pour ces heures, les fonctionnaires s'estimant lésés doivent être payés à tarif et demi pour les 11 heures prévues à leur horaire qu'ils ont travaillées, ce qui équivaut à 16,5 heures au tarif simple (11 x 1,5 = 16,5). Les fonctionnaires s'estimant lésés et l'employeur conviennent que la somme à laquelle ils ont droit pour le quart de 11 heures qu'ils ont travaillé un jour férié désigné payé équivaut à 24 heures au tarif simple (7,5 heures + 16,5 heures = 24). Toutefois, dans leur chèque de paye ordinaire, les fonctionnaires s'estimant lésés ont touché leur rémunération d'un jour férié désigné payé pour les 11 heures de leur poste de travail, soit 3,5 heures de plus que ce à quoi ils avaient droit. Leur verser en plus, dans un chèque de rémunération supplémentaire, une somme équivalant à 11 heures prévues à l'horaire travaillées à tarif et demi, ce qui équivaut à 16,5 heures au tarif simple, signifierait qu'ils recevraient en tout 27,5 heures au tarif simple (11 + 16,5 = 27,5), soit 3,5 heures au tarif simple de plus que ce à quoi ils reconnaissent avoir droit. La seule question à trancher dans ces conditions consiste à savoir s'ils ont touché la somme à laquelle ils avaient droit au tarif majoré converti, soit 16,5 heures au tarif simple pour un jour férié désigné payé où ils avaient travaillé les 11 heures prévues à leur horaire de travail. De toute évidence, ils ont touché ce à quoi ils avaient droit, soit 13 heures au tarif simple dans leur chèque de rémunération supplémentaire et 3,5 heures au tarif simple dans leur chèque de paye ordinaire, qui n'avait pas été rajusté pour refléter le fait que le jour férié désigné est de 7,5 heures seulement plutôt que de 11 heures (11 - 7,5 = 3,5). Les fonctionnaires s'estimant lésés n'arrivent pas à comprendre qu'ils ont touché la totalité de la rémunération supplémentaire à laquelle ils avaient droit, bien qu'elle leur ait été versée en deux chèques distincts. La convention collective réserve à l'employeur, sauf si c'est expressément stipulé autrement, l'autorité de gérer son système d'administration de la paye (paragraphe 64.01); insister pour que toute la rémunération supplémentaire gagnée soit payée dans le chèque supplémentaire versé pour cette rémunération reviendrait à payer aux fonctionnaires s'estimant lésés une somme à laquelle ils n'ont pas droit, compte tenu de la façon de l'employeur de calculer les chèques de paye ordinaires émis toutes les deux semaines.

[12]   L'employeur estime donc que la décision rendue dans King ne peut pas s'appliquer en l'espèce, puisqu'on a constaté dans ce cas-là que le chèque de paye ordinaire du fonctionnaire s'estimant lésé ne lui payait que 7,5 heures pour le jour férié désigné payé, conformément à des dispositions identiques au sous-alinéa 25.27e)(ii). Il n'y avait donc pas d'heures payées en sus dans le chèque de paye ordinaire qu'il fallait déduire du total des heures prévues à l'horaire travaillées le jour férié désigné payé. Subsidiairement, dans la mesure où l'on pourrait dire que les conditions dans King étaient identiques à celles de la présente affaire, la Commission ne devrait pas s'y conformer. L'affaire n'est pas jugée, pas plus que la doctrine de stare decisis ne s'applique en matière d'arbitrage de griefs, comme en témoigne Re International Union of Electrical Workers & Canadian General Electric Co. Ltd. (1959), 9 LAC 342 [Laskin]. En outre, dans l'affaire Essex County Roman Catholic School Board v. Ontario English Catholic Teachers' Association [2001] OJ No. 3602; 56 OR(3d) 85, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que, lorsque la décision d'un arbitre est maintenue comme n'étant pas manifestement déraisonnable, son maintien n'est pas déterminant quant au sens de la disposition contestée et ne lie pas non plus les autres arbitres; plus d'une interprétation peut être raisonnable. La Commission ne devrait pas souscrire au raisonnement de King simplement par souci d'assurer l'uniformité des résultats des procédures, mais plutôt arriver à sa conclusion en se fondant sur le libellé de la convention et sur son application correcte, comme l'employeur l'a fait en l'occurrence. Les calculs de l'employeur ont permis aux fonctionnaires s'estimant lésés d'être intégralement rémunérés pour les 11 heures prévues à leur horaire ordinaire qu'ils avaient travaillées à tarif et demi un jour férié désigné payé. Ces griefs devraient être rejetés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]   La doctrine de la chose jugée et le principe connexe de l'irrecevabilité sont parfois invoqués comme objections préliminaires pour contester l'arbitrabilité d'une affaire. En l'espèce, toutefois, ni l'une ni l'autre des parties ne contestent ma compétence pour instruire les griefs et, bien que la doctrine de la chose jugée ait été soulevée dans les arguments avancés, c'était essentiellement pour discuter de la mesure dans laquelle je devrais souscrire à la décision de l'arbitre du grief dans King – à supposer que je le fasse –, une affaire où les faits étaient virtuellement identiques, mais où les fonctionnaires s'estimant lésés n'étaient pas les mêmes et où les mêmes parties étaient liées par une convention collective différente, quoique connexe. On reconnaît généralement que nier l'influence des décisions antérieures rendues dans des circonstances factuelles similaires et réclamer une interprétation de dispositions identiques ou très voisines de conventions collectives entre les mêmes parties saperait complètement des valeurs universellement reconnues comme essentielles pour tout système rationnel de règlement des différends par un tiers, à savoir la certitude, l'uniformité, la stabilité et la prévisibilité. D'un autre côté, ni la justice, ni l'équité ne doivent être sacrifiées à ces valeurs, puisque, dans notre régime de négociation collective, si l'on ne conteste pas leur compétence, l'arbitre de différends ou l'arbitre de griefs sont tenus par la loi d'arbitrer au fond les affaires dont ils sont saisis. Le fait est d'ailleurs qu'agir autrement en retenant aveuglément les motifs d'une décision rendue dans une affaire antérieure pourrait raisonnablement être considéré comme un déclinatoire de compétence indu.

[14]   L'opinion exprimée il y a déjà longtemps par le juge Lane, dans Re United Automobile Workers and L. A. Young Ltd. (1958), 8 LAC 196, qu'un arbitre de différends [traduction] « est tenu de se conformer même à une décision erronée d'un arbitre qui l'a précédé » (p. 197), n'a pas eu la faveur de son auditoire, et même avant qu'elle soit avancée, on l'a rejetée dans une formule souvent citée : [traduction] « Ce n'est pas une bonne politique », comme l'a écrit Bora Laskin, alors professeur de droit :

[Traduction]

... qu'un conseil d'arbitrage refuse de se conformer à la décision d'un autre conseil dans un différend analogue entre les mêmes parties découlant de la même convention collective, quand ce différend porte sur l'interprétation de la convention. Néanmoins, si le deuxième conseil est vraiment convaincu que la première décision est fautive, son devoir l'oblige à trancher l'affaire dont il est saisi en se fondant sur les principes qu'il estime applicables.

Ce raisonnement a été formulé dans Re Brewer's Warehouse Co. Ltd. and International Union of Brewery, Flour, Cereal, Malt Yeast, Soft Drink and Distillery Workers, Local 278 C (1954), 5 LAC 1797, à la page 1798.

[15]   On a beaucoup discuté des thèmes de la chose jugée, de l'irrecevabilité et du principe de stare decisis dans l'arène arbitrale, dans des décisions et des commentaires souvent difficiles à concilier. Pourtant, deux analyses formulées depuis déjà longtemps, toutes les deux claires, lucides et exhaustives, ont résisté à l'épreuve du temps. La première est celle de l'arbitre de différends Weatherhill, figurant dans une note du rédacteur accompagnant la décision 8 LAC, aux pages 323 et suivantes, et la seconde est la décision de l'arbitre de différends Swan dans Re Phillips Cables Ltd. and United Electrical, Radio and Machine Workers, Local 510 (1978), 16 LAC (2d) 225, où le principe selon lequel un arbitre devrait se conformer à une décision antérieure est très justement déclaré fondé sur la politique collective et publique (page 232) plutôt que sur un principe de droit immuable : elle doit donc guider le processus décisionnel, sans jamais le dicter.

[16]   Rien de tout cela n'est modifié lorsque, dans le contexte d'un contrôle judiciaire, un tribunal confirme une décision antérieure parce qu'elle n'est pas manifestement déraisonnable/clairement irrationnelle, comme dans l'affaire dont je suis saisi. C'est ce que la Cour d'appel de l'Ontario a établi dans Essex County RC School Board, où la Cour divisionnaire avait cassé la décision de l'arbitre du différend, en déclarant qu'elle était manifestement déraisonnable parce que l'arbitre ne s'était pas conformé à un jugement de la Cour d'appel qui avait maintenu une décision antérieure diamétralement opposée dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire. Le juge MacPherson, qui s'exprimait au nom de l'ensemble du banc de la Cour en renversant le jugement de la Cour divisionnaire, avait écrit ce qui suit :

[Traduction]

Dans les procédures de contrôle judiciaire, il y a une différence fondamentale entre le critère de la décision correcte et celui de la nature manifestement déraisonnable d'une décision. Lorsqu'une décision d'un arbitre de différends (ou d'un tribunal administratif) est contrôlée conformément à la norme de la décision correcte, la décision du tribunal détermine l'interprétation « correcte », autrement dit la seule valable. La décision du tribunal implique le règlement de tous les conflits entre les décisions antérieures des arbitres et pose clairement un précédent que tous les arbitres devront respecter à l'avenir.

Lorsque, par contre, une décision d'un arbitre est contrôlée conformément à la norme de la nature manifestement déraisonnable des décisions, l'effet du jugement du tribunal est tout à fait différent. Tout ce que le tribunal chargé du contrôle judiciaire décide, c'est si la décision contestée était manifestement déraisonnable. Pour trancher cette question, le tribunal ne décide pas si la décision contestée était la seule possible ou la meilleure possible : voir United Brotherhood of Carpenters & Jointers of America, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, à la page 341, 102 D.L.R. (4th) 402 (le juge Sopinka). Par conséquent, si le tribunal conclut que la décision n'était pas manifestement déraisonnable, il ne s'ensuit pas que les conflits dans la jurisprudence arbitrale sont nécessairement résolus, ni que les arbitres sont désormais tenus d'appliquer l'interprétation de l'arbitre dont la décision a été confirmée par le tribunal dans le contexte du contrôle judiciaire. (Par. 29 et 30.)

Cela dit, les motifs de la décision d'un tribunal qui se prononce dans une affaire de contrôle judiciaire peuvent aider les arbitres à évaluer l'intégrité de la décision antérieure à laquelle une parties les prie de ne pas se conformer. En outre, le fait que cette décision antérieure a résisté à l'application du critère d'une décision manifestement déraisonnable/clairement irrationnelle influe inévitablement sur l'application de la norme de conviction claire, à l'aune de laquelle le deuxième arbitre évalue l'intégrité de la première décision pour déterminer si elle était fondée ou non. Je vais maintenant me pencher sur le raisonnement de l'arbitre du grief dans King.

[17]   Dans King, l'employeur a invoqué exactement le même argument qu'en l'espèce, au point que son avocat s'est fréquemment reporté aux observations écrites de l'employeur dans cette affaire-là, observations qui sont reproduites dans la décision de l'arbitre du grief, la commissaire Simpson, qui avait souscrit à une observation qualifiant d'inutilement complexe « les méthodes utilisées par l'employeur consistant à additionner certaines heures et à en soustraire d'autres » (par. 26). La clé de son analyse du libellé de la convention collective applicable, qui est à toutes fins utiles identique à celui qu'on trouve dans la présente affaire aux sous-alinéas 25.27e)(i) et (ii), figure dans les paragraphes que je reproduis ici :

La rémunération journalière normale de M. King équivaut à son taux horaire multiplié par 7,5 heures, tel qu'il est prévu dans sa convention collective pour sa classification et son niveau. Cela n'a pas essentiellement été changé par l'Entente sur le travail par poste. Ce que fait l'Entente, c'est de modifier les 7,5 heures journalières en les répartissant sur un moins grand nombre de jours, afin que l'employé puisse effectuer un poste normal de 8,57 heures. Cette répartition des heures n'est faite que par souci de commodité, tel qu'il est dit dans l'Entente. L'employé est toujours rémunéré toutes les deux semaines à son taux horaire pour 7,5 heures par jour, comme s'il avait effectué ses heures de cette façon. Le fait que, en réalité, il effectue un poste (8,57 heures) qui est de 1,07 heures plus long que la journée de 7,5 heures n'a aucun effet sur sa rémunération réelle. Il est rémunéré pour 75 heures de travail toutes les deux semaines.

Qu'il travaille ou non un jour férié désigné payé, il reçoit le même montant de base pour une période de deux semaines dans laquelle tombe un jour férié que pour une période de deux semaines dans laquelle il ne tombe aucun jour férié, c.-à-d. 75 heures [si l'on poursuit le scénario reconnu dans l'Entente sur le travail par poste de l'employé effectuant 7,5 heures par jour sur une période de dix jours, même si, en réalité, il effectue 8,57 heures sur une plus courte période.]

Cela est très clair. Même si un employé effectue plus qu'un poste de 7,5 heures un jour normal de travail (ou un jour férié désigné payé), la rémunération qu'il reçoit pour 75 heures correspond à ce qu'il aurait reçu s'il avait effectué 7,5 heures pendant dix jours ouvrables sur une période de deux semaines. De même, si un jour férié tombe pendant la période de deux semaines et s'il prend le congé (ne travaille pas), il reçoit la même rémunération. Concrètement, il touche la rémunération normale pour la journée : 7,5 heures x par son taux horaire, ou 1/10 de 75 heures puisque c'est là le scénario de base prévu par l'Entente sur le travail par poste.

Il n'y a aucun problème à ce stade-ci. Il reçoit simplement sa rémunération normale pour la journée ou, autrement dit, à la fin de la quinzaine il touche la même rémunération qu'il ait droit à un jour férié désigné payé qui tombe durant la période, ou qu'il travaille pendant une période de deux semaines au cours de laquelle ne survient aucun jour férié. C'est ce qu'il reçoit même s'il ne travaille pas le jour férié. Le seul point en litige est la rémunération supplémentaire à laquelle il a droit s'il effectue 8,57 heures le jour férié désigné payé.

[...]

M. King a droit à sa rémunération normale pour la période de deux semaines dans laquelle tombait la Fête du Canada (7,5 heures le jour férié désigné payé, tel qu'il est expliqué plus haut). Il toucherait cette rémunération qu'il travaille ou non. Toutefois, il a effectué 8,57 heures. Par conséquent, il a droit à une rémunération supplémentaire calculée au taux majoré de moitié pour un total de 12,855 heures (8,57 x 1,5 = 12,855) pour le travail qu'il a accompli le jour férié, en plus de sa rémunération normale pour la période de deux semaines.

[18]   Le juge qui a entendu – et rejeté – la demande de contrôle judiciaire de cette décision que l'employeur avait présentée a souscrit à ce raisonnement, en écrivant ce qui suit aux paragraphes 20 et 22 de ses motifs (dossier de la Cour T-1661-99) :

Il n'est pas contesté que l'application pratique des contrats de travail en question repose sur une fiction, à savoir que le défendeur, et les autres fonctionnaires qui sont dans la même situation que lui, effectuent une journée normale de travail de 7,5 heures, alors qu'en réalité ils effectuent 8,57 heures de travail. La rémunération du défendeur est calculée en fonction de la semaine de travail habituelle de 37,5 heures. On se fonde sur cette fiction pour calculer la rémunération régulière ordinaire; or, à mon avis, il faut également se fonder sur cette fiction pour calculer la rémunération supplémentaire conformément à la convention collective. Cela veut dire que le crédit qu'il faut déduire en faveur de l'employeur est de 7,5 heures, plutôt que de 8,57 heures comme le soutient le demandeur. Telle est la conclusion tirée par l'arbitre.

[...]

L'approche préconisée par le demandeur comporte une lacune en ce sens que, dans le chèque de paie émis à la quinzaine, le défendeur est de fait rémunéré pour 1,07 heures en sus des 7,5 heures normales, et ce, parce qu'il effectue chaque jour 8,57 heures de travail et qu'il est rémunéré pour son travail. Toutefois, le taux horaire est le même que celui qui s'appliquerait s'il effectuait une journée de travail de 7,5 heures. Le défendeur reçoit exactement le même montant que le fonctionnaire qui n'effectue pas un travail par poste.

Je suis d'accord. Loin d'être « vraiment convaincu que la première décision est fautive », je suis d'avis que la commissaire Simpson a correctement interprété les dispositions de la convention collective équivalente concernant la rémunération supplémentaire pour le travail un jour férié désigné payé.

[19]   Il est important qu'on reconnaisse que toutes les ententes sur le travail par poste sont conclues avec l'accord mutuel des parties et que, comme elles dérogent aux conditions qui s'appliquent ordinairement à l'établissement des horaires de travail par poste, elles doivent être lues attentivement afin d'éviter que leur application ne change les droits et les obligations des parties plus que ces dernières ne le voulaient. C'est d'ailleurs l'objet de l'alinéa 25.23d), qui souligne que l'application souple d'une telle entente « ne doit pas être incompatible avec l'intention et l'esprit des dispositions régissant autrement de tels aménagements » et qu'elle « doit respecter la moyenne des heures de travail pour la durée de l'horaire général et doit être conforme aux nécessités du service telles que déterminées par l'Employeur ». Il est donc clair que les intérêts tant des fonctionnaires que de l'employeur qui concluent une entente sur le travail par poste ne doivent pas pouvoir l'emporter indûment sur ceux de l'autre partie. Pour leur part, les fonctionnaires satisfont aux exigences opérationnelles de l'employeur en acceptant qu'il applique des horaires de travail par poste pouvant dépasser ou ne pas atteindre le nombre normal d'heures de travail par jour ou par semaine. De son côté, l'employeur respecte globalement la limite obligatoire qui lui est imposée quant à son droit d'établir les horaires, en prenant soin de s'assurer que, pour la durée d'un cycle de travail par poste, le nombre total d'heures de travail fixées à l'horaire correspond en moyenne aux heures de travail normales par jour et par semaine qui sont stipulées dans la convention, soit 7,5 et 37,5 heures respectivement.

[20]   Le système d'administration de la paye de l'employeur est associé à l'application des ententes sur le travail par poste. Il l'est pour des raisons tant d'efficience pour l'employeur que d'équité pour les fonctionnaires, conformément à ce qui est prévu dans le modèle rigide d'établissement des horaires par poste, soit la journée de travail normale de 7,5 heures dans la semaine de travail normale de 37,5 heures. La mise en ouvre d'un tel système d'administration de la paye prévoyant le versement, dans une année, de 26 chèques de paye à la quinzaine, correspondant chacun à 75 heures travaillées au taux de rémunération du fonctionnaire intéressé, est clairement efficiente. Elle est aussi équitable, puisqu'elle garantit aux fonctionnaires un revenu à la quinzaine régulier, uniforme et prévisible. Ni l'une ni l'autre des parties ne souhaite sacrifier les valeurs d'efficience et d'équité inhérentes à ce système d'administration de la paye à la fois uniforme et rigide en le contraignant à s'adapter au profil souple d'une entente sur le travail par poste. Ce sont plutôt les ententes en question qui ont été conçues de façon à coïncider avec la structure du système d'administration de la paye, quoique pas sur une base journalière, hebdomadaire ou de deux semaines, mais plutôt sur un cycle hebdomadaire plus long, en l'espèce un cycle de six semaines. Dans ce cycle, les parties ont établi des horaires de travail variables compatibles avec leurs propres objectifs, qui peuvent cependant être adaptés au système d'administration de la paye de l'employeur, dont la structure est plus rigide. C'est ainsi qu'on arrive à la « fiction » à laquelle l'arbitre du grief et le juge qui a instruit la demande de contrôle judiciaire ont fait allusion dans King : même s'il est rémunéré par chèques de paye à la quinzaine calculés en fonction d'un horaire journalier de 7,5 heures et d'un horaire hebdomadaire de 37,5 heures, le fonctionnaire assujetti à une entente sur le travail par poste travaille parfois plus que ces heures et parfois aussi moins. Contrairement aux fonctionnaires dont l'horaire les oblige à travailler 7,5 heures par jour, cinq jours par semaine, et dont le chèque de paye de deux semaines correspond exactement au nombre d'heures effectivement travaillées (75), le chèque de paye des fonctionnaires assujettis à une telle entente représente 75 heures théoriquement travaillées dans une période de deux semaines quelconque. Toutefois, cumulativement, trois chèques de paye versés à la quinzaine au fonctionnaire assujetti à une entente comme celle-là correspondent bel et bien au nombre réel d'heures travaillées dans les six semaines qui précèdent, ce qui est aussi le cas, bien entendu, pour les fonctionnaires dont l'horaire est « normal ».

[21]   Par contre, toutefois, les fonctionnaires assujettis à une entente sur le travail par poste, tout comme leurs collègues travaillant selon l'horaire normal, touchent toute la rémunération supplémentaire gagnée en fonction des heures travaillées au tarif majoré. C'est pour cette raison que le paragraphe 25.27 ajuste le seuil au-delà duquel les tarifs de rémunération majorés sont payables à partir des heures normales de travail habituellement applicables, pour tenir compte des heures de travail fixées à l'horaire prévu dans les ententes sur le travail par poste. Ces ajustements ont pour but de faire en sorte que, conformément au paragraphe 25.25, « la mise en ouvre d'un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire ».

[22]   C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter les dispositions de l'alinéa 25.27e) en ce qui concerne la rémunération du travail effectué un jour férié désigné payé. Pour plus de commodité, je reproduis ici de nouveau les dispositions pertinentes de l'article 25.27 et l'alinéa 30.08a) :

25.27   Champ d'application particulier de la présente convention

Pour plus de certitude, les dispositions suivantes de la présente convention sont appliquées comme suit :

  1. Jours fériés payés (paragraphe 30.08)

    1. Un jour férié désigné payé correspond à sept heures et demie (7 1/2).

    2. L'employé-e qui travaille un jour férié payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu'il ou elle effectue.

[...]

Travail accompli un jour férié

[...]

30.08

  1. L'employé-e qui travaille un jour férié est rémunéré au tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence de sept heures et demie (7 1/2) et au tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là.

[23]   Si l'alinéa 25.27e) n'existait pas, les fonctionnaires assujettis à une entente sur le travail par poste auraient droit aux mêmes avantages prévus par l'alinéa 30.08a) que leurs collègues travaillant selon un horaire normal, y compris celui d'être rémunérés au tarif double pour les heures travaillées au-delà de 7,5 heures payées à taux et demi, la durée journalière normale du travail. Toutefois, les horaires variables ne doivent pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles, ce qui serait le cas si le seuil des heures supplémentaires des fonctionnaires assujettis à une entente sur le travail par poste était de 7,5 heures, comme dans l'horaire de travail normal. L'alinéa 25.27d), qui porte sur les heures supplémentaires en général, le stipule clairement, en portant le seuil à partir duquel ces fonctionnaires ont droit à des heures supplémentaires aux heures de travail prévues à leur horaire, et ce à tarif et trois quarts (1,75). Afin d'intégrer les dispositions de l'alinéa 30.08a) sur la rémunération du travail effectué un jour férié désigné payé, qui est censé être en fonction de la durée journalière normale du travail, 7,5 heures, il a fallu faire des ajustements de façon que, comme c'est globalement le cas pour les heures supplémentaires, le seuil de paiement au tarif majoré pour les fonctionnaires assujettis à une entente de travail par poste corresponde aux heures de travail prévues à leur horaire qu'ils travaillent, plutôt qu'à la durée journalière normale du travail de 7,5 heures. C'est la raison d'être de la deuxième moitié du sous-alinéa 25.27e)(ii), qui stipule que les fonctionnaires assujettis à une entente sur le travail par poste, comme leurs collègues travaillant selon l'horaire normal, sont payés à tarif et demi jusqu'à concurrence des heures normales de travail prévues à leur horaire et à tarif double seulement pour toutes les heures additionnelles effectuées.

[24]   Le sous-alinéa 25.27e)(i), combiné avec la première moitié du sous-alinéa (ii), équivaut à la proposition « en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là » figurant à la seconde moitié de l'alinéa 30.08a). Bref, tout fonctionnaire travaillant un jour férié désigné payé continue d'avoir le droit de toucher la somme qu'on lui aurait versée de toute manière s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là. Dans le cas de tous les fonctionnaires, c'est l'équivalent de 7,5 heures à tarif simple, ce qui, pour les fonctionnaires travaillant selon un horaire normal, représente 7,5 heures effectivement travaillées n'importe quel jour, tandis que, pour ceux qui sont assujettis à une entente sur le travail par poste, cela représente 7,5 heures théoriquement travaillées un jour quelconque. Dans les deux cas, cette somme est incluse dans le chèque de paye ordinaire émis toutes les deux semaines.

[25]   L'erreur inhérente aux « méthodes [inutilement complexes] utilisées par l'employeur consistant à additionner certaines heures et en soustraire d'autres », c'est qu'il est parti de 3,5 heures à tarif simple payées dans un chèque à la quinzaine ordinaire en les calculant en fonction des heures théoriquement travaillées – autrement dit 7,5 heures par jour, 37,5 heures par semaine et 75 heures par quinzaine – et en les imputant à la rémunération gagnée au tarif majoré pour les heures effectivement travaillées le jour férié désigné payé, en réduisant d'autant le chèque de paye supplémentaire. Or, on ne peut juxtaposer les heures théoriquement travaillées et les heures effectivement travaillées de cette façon sans réduire la rémunération totale à laquelle les fonctionnaires assujettis à une entente de travail par poste ont droit pour le travail effectué un jour férié désigné payé. Bien que cette approche soit superficiellement séduisante, quand on envisage un jour férié désigné payé isolément, sans l'englober dans le cycle de six semaines de l'horaire de travail variable, elle a deux conséquences imprévues.

[26]   Du point de vue du chèque de paye ordinaire émis toutes les deux semaines, bien que les fonctionnaires intéressés aient effectivement travaillé 225 heures dans leur cycle de six semaines, le calcul de l'employeur ramène injustement de 225 à 221,5 le nombre d'heures qu'ils ont effectivement travaillées et pour lesquelles ils sont payés. La rémunération des 3,5 heures restantes est imputée par l'employeur aux heures rémunérables au tarif majoré qu'ils ont effectivement travaillées le jour férié désigné payé. Cela signifie que les fonctionnaires assujettis à l'entente de travail par poste se sont vu soustraire 3,5 heures de leur chèque de paye ordinaire. D'un autre point de vue, cette façon de procéder a pour effet de réduire le nombre d'heures effectivement travaillées au tarif majoré en le ramenant de 11 à 8,66 heures (11 x 1,5 = 16,5 heures à tarif simple; 8,66 x 1,5 = 13 heures à tarif simple), de sorte qu'il manque 2,33 heures à tarif majoré dans leur chèque de rémunération supplémentaire (2,33 x 1,5 = 3,5 heures à tarif simple).

[27]   On peut même envisager le calcul d'un autre point de vue. Dans tout cycle de six semaines au cours duquel un fonctionnaire assujetti à une entente sur le travail par poste travaille effectivement un poste de 11 heures un jour férié désigné payé, il devrait avoir le droit d'être payé pour 225 heures à tarif simple effectivement travaillées au cours des six semaines qui précèdent dans ses trois chèques à la quinzaine ordinaires correspondant chacun à 75 heures théoriquement travaillées au cours des deux semaines précédentes. En outre, il devrait avoir droit à 16,5 heures à tarif simple (après conversion) payées par un chèque de rémunération supplémentaire correspondant aux 11 heures qu'il a effectivement travaillées le jour férié désigné payé. Ce fonctionnaire a le droit d'être payé pour 241,5 heures à tarif simple travaillées dans cette période de six semaines. D'après le calcul de l'employeur, il touche un chèque de rémunération supplémentaire correspondant à seulement 13 heures à taux simple (après conversion), pour un total de 238 heures travaillées à tarif simple sur une période de six semaines. Il est donc privé de 3,5 heures de paye au tarif simple auxquelles il a droit. Autrement dit, quelle que soit la façon qu'on l'interprète, la déduction des sommes versées pour des heures théoriquement travaillées dans une période quelconque de deux semaines du cycle de six semaines des sommes payées pour les heures effectivement travaillées un jour férié désigné payé a pour effet de priver les fonctionnaires assujettis à l'entente sur le travail par poste de la rémunération à laquelle ils ont droit conformément aux sous-alinéas 25.27e)(i) et (ii), soit 7,5 heures au tarif simple plus 11 heures au tarif majoré de moitié.

[28]   Tout ce qui précède m'amène à conclure que ces griefs doivent être accueillis. Pour toutes les périodes de deux semaines de paye au cours desquelles ils ont travaillé un jour férié désigné payé, les fonctionnaires s'estimant lésés ont le droit de toucher, en sus de la somme versée dans leurs chèques de paye ordinaires, une rémunération supplémentaire calculée en fonction du nombre d'heures prévu à leur horaire qu'ils ont travaillées à tarif et demi, et à tarif double pour toutes les heures travaillées en sus de ces heures prévues à leur horaire. J'ordonne à l'employeur de verser aux fonctionnaires s'estimant lésés la somme qu'il leur doit faute de les avoir rémunérés intégralement pour le travail qu'ils ont effectué un jour férié désigné payé, conformément à ce que je viens de préciser.

[29]   Les griefs sont accueillis. Je demeure saisi de l'affaire seulement pour les fins de l'exécution de ma décision.

Thomas Kuttner, c.r.,
commissaire à temps partiel

Fredericton, le 29 juillet 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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