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Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Déclaration inexacte du fonctionnaire s'estimant lésé concernant ses qualifications au cours de la procédure de sélection - Conduite d'un véhicule de l'employeur alors qu'une ordonnance d'un tribunal le lui interdisait - Omission d'informer l'employeur d'une arrestation - Omission d'adhérer à la politique de l'employeur concernant la gestion des fonds publics - le fonctionnaire s'estimant lésé s'est porté candidat à un poste d'inspecteur des douanes, pour lequel il devait détenir un permis de conduire valide - à ce moment-là, le fonctionnaire s'estimant lésé était sous le coup d'une ordonnance d'un tribunal lui interdisant de conduire où que ce soit au Canada pour une période d'un an - dans l'espoir que l'on tienne compte de sa candidature, le fonctionnaire s'estimant lésé a obtenu un permis de conduire sous un autre nom - par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé a été promu au poste de surintendant des douanes, qui est assorti de responsabilités de supervision d'autres employés - la preuve a établi que, à une occasion au moins, le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit le véhicule de son employeur au cours de la période d'interdiction de conduire - le fonctionnaire s'estimant lésé a omis également d'informer l'employeur de son arrestation pour agression alléguée - le fonctionnaire s'estimant lésé a été relâché et aucune accusation criminelle n'a été portée par suite de cette arrestation - en outre, le fonctionnaire a, à une occasion, omis de suivre la politique de l'employeur sur la gestion de fonds publics, puisqu'il avait retiré 80 $ d'une petite caisse pour faire de la monnaie et avait omis de laisser une reconnaissance de dette pour fins de vérification - l'argent a été retourné plusieurs jours après qu'il eut été retiré de la petite caisse - l'employeur a mis fin à son emploi pour les incidents en question - il s'est fondé sur le fait que le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas conforme à ses valeurs et sur le fait que le lien de confiance entre le fonctionnaire et l'employeur avait été irrémédiablement rompu - l'arbitre a conclu que l'employeur avait prouvé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait enfreint les normes de conduite de l'employeur, son code de déontologie et ses politiques de gestion financière - ces actes d'inconduite étant graves, l'arbitre a conclu que la décision de l'employeur de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé était une sanction disciplinaire appropriée. Grief rejeté. Décision citée : Re Douglas Aircraft Co. of Canada Ltd. and United Automobile Workers, Local 1967 (1973), 2 L.A.C. (2d) 147.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-01-31
  • Dossier:  166-34-31431
  • Référence:  2003 CRTFP 8

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

JAMES WESLEY COPP
fonctionnaire s'estimant lésé

et

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant :   D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Lui-même

Pour l'employeur :   Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Kamloops (Colombie-Britannique),
du 3 au 6 décembre 2002.


[1]      Ce grief conteste le licenciement et la révocation de la cote de fiabilité approfondie de James Wesley Copp. Au moment de son licenciement, M. Coop était surintendant des douanes (PM-04) à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).

[2]      Les raisons du licenciement de M. Copp et de la révocation de sa cote de sécurité sont précisées dans une lettre datée du 23 juillet 2001 de G. Blake Delgaty, directeur régional, Douanes, Région du Pacifique, ADRC (pièce E-1) :

[Traduction]

Le 21 juin 2001, vous avez été suspendu indéfiniment sans traitement en attendant que la direction puisse mener un examen exhaustif de toute l'information recueillie dans le cadre de deux enquêtes distinctes sur votre conduite. Cet examen est maintenant terminé; j'ai conclu que vous avez commis de nombreux actes d'inconduite et que, à plusieurs reprises, vous ne vous êtes pas conformé aux Normes de conduite de l'ADRC. Mes conclusions sont résumées ci-après.

L'avis de concours d'août 1997 pour le poste d'inspecteur des douanes précisait clairement que tous les candidats devaient être détenteurs d'un permis de conduire valide. Vous n'aviez pas de permis de conduire valide au moment où vous avez présenté votre demande, durant le processus de sélection et même quand vous avez commencé à travailler comme inspecteur des douanes en mai 1998. Pourtant, vous connaissiez manifestement les exigences de l'Agence à cet égard.

Vous avez obtenu votre permis de conduire de la Colombie-Britannique sous de fausses représentations, en septembre 1997, sans avoir informé la Direction des véhicules automobiles et la Société d'assurance de la Colombie-Britannique que, sous le nom de James Wesley Huett-Copp, vous étiez sous le coup d'une ordonnance d'un tribunal qui vous interdisait de conduire un véhicule à moteur où que ce soit au Canada pour une période d'un an expirant le 2 juillet 1998.

L'Agence avait le droit d'être clairement informée directement par vous, sans autre intervention d'un processus administratif quelconque, que vous étiez détenteur ou pas d'un permis de conduire valide avant le début de votre emploi. Vous avez déclaré avoir présenté un permis de conduire de la Colombie-Britannique délivré au nom de James Wesley Huett à un membre du comité de sélection. Comme votre photo apparaît sur ce permis, je pense que ce membre du comité de sélection vous aurait reconnu sur le permis, ce qui explique l'erreur administrative qui a fait qu'on n'a pas relevé la différence des noms de famille. Votre explication quant à votre permis de conduire n'est pas raisonnable, et j'ai conclu que vous saviez qu'il n'était pas valide.

La formule « Demande d'enquête de sécurité sur le personnel et autorisation » de l'ADRC que vous avez remplie en février 1998 révèle que vous n'avez donné qu'un de vos deux noms de famille, Copp. Vous n'avez pas donné votre nom de famille Huett, ni votre nom de famille Huett-Copp dans la case réservée au « Nom de famille à la naissance », ni dans celle de « Tout autre nom utilisé » de cette formule. À mon avis, ce que vous avez dit à l'enquêteur de la DAI afin d'expliquer pourquoi vous n'aviez pas rempli ces cases n'est pas plausible.

Votre décision de conduire un véhicule de l'ADRC alors que vous étiez sous le coup d'une ordonnance d'un tribunal vous interdisant de conduire un véhicule à moteur où que ce soit au Canada a causé de vives inquiétudes. Votre conduite à cet égard constitue une infraction du paragraphe 259(4) du Code criminel du Canada. Vous l'aviez reconnu par écrit en signant l'attestation de l'ordonnance du tribunal datée du 2 juillet 1997. Ce document vous informait clairement que, ce faisant, vous vous rendiez coupable d'une infraction criminelle et que vous étiez passible d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas deux ans. En conduisant un véhicule de l'ADRC pour votre travail dans ces conditions, surtout puisque vous aviez la responsabilité de faire respecter les lois administrées par l'ADRC (dont le Code criminel du Canada) dans votre rôle d'agent de la paix, vos actions m'ont démontré que vous n'aviez absolument aucun respect pour l'essence même de votre travail d'inspecteur des douanes, qui consiste à maintenir et à faire respecter la loi. Vous n'avez donné aucune explication plausible de votre conduite à cet égard.

Le 13 octobre 2000, la GRC vous a délivré un avertissement pour excès de vitesse au volant d'un véhicule de l'ADRC. Une autre inspecteure des douanes vous a ensuite demandé ce que signifiait le nom James Wesley Huett qui figurait sur la contravention qu'elle avait trouvée dans ce véhicule. Vous avez admis avoir inventé une histoire pour éviter que cette inspecteure ou d'autres agents ne vérifient votre nom dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne (CIPC). En outre, le 12 décembre 2000, un autre de vos collègues a constaté que la somme de 80 $ manquait dans la petite caisse du bureau de Roosville. Vous avez admis avoir pris cet argent, contrairement à la politique de l'Agence sur la gestion des fonds publics.

Dans ces deux incidents, vous avez commis de très graves erreurs de jugement. En votre qualité de surintendant des douanes et de gestionnaire, vous aviez notamment pour responsabilité de veiller à ce que tous les employés se conforment aux procédures établies. Or, les gestionnaires sont censés donner l'exemple. Pourtant, votre conduite a clairement fait passer un message très clair et démoralisant à vos subordonnés qui étaient au courant de ces incidents, à savoir que le surintendant, le gestionnaire, n'était pas soucieux de sa propre conduite au travail. Je conclus que votre conduite sapait énormément l'efficacité de la gestion de l'organisation, en plus de constituer un rejet total des valeurs de toute l'Agence.

Le 21 août 1998, vous avez été arrêté, informé de vos droits garantis par la Charte et averti par la GRC pour voies de fait causant des blessures (dossier no 98-0005858), à la suite d'un incident à la boîte de nuit Elements de Penticton, le 12 juillet 1998. Vous n'avez pas informé l'Agence de cette arrestation alors que vous étiez tenu de le faire par les Normes de conduite de Revenu Canada, le prédécesseur de l'ADRC. Les voies de fait causant des blessures relèvent du Code criminel, une loi fédérale directement liée à vos fonctions officielles d'inspecteur des douanes. J'ai pris bonne note que le document rempli à votre arrestation révèle que vous vous êtes identifié à la GRC sous le nom de famille Huett. Vous avez toujours affirmé que vous n'aviez pas été arrêté à cette occasion, mais la déclaration de la GRC à l'enquêteur de la DAI vous contredit.

La direction a discuté de toutes ces questions avec vous à l'entrevue disciplinaire qui a eu lieu le 21 juin 2001. Pour décider des mesures à prendre, j'ai tenu compte du fait que vous avez manqué de franchise durant l'enquête et que vous n'avez manifestement pas reconnu le caractère critique de votre comportement. Même si vous avez quelques réalisations à votre crédit dans l'organisation des Douanes depuis que vous êtes à notre service, la gravité des nombreux faits que je viens de décrire me préoccupe beaucoup.

En outre, vous avez violé et ignoré de nombreux principes exposés dans les Normes de conduite. À cause de toutes vos actions, je suis d'avis que la relation de confiance entre vous et l'Agence a été irréparablement rompue. Je suis particulièrement choqué par votre manque absolu d'éthique et par votre manque de respect pour la loi et pour notre système judiciaire. À titre d'ancien agent de contact pour le recouvrement et d'ancien inspecteur des douanes, et plus particulièrement encore dans votre poste actuel de surintendant des douanes, vous étiez chargé de faire respecter et d'appliquer la loi tout en vous conformant aux valeurs d'intégrité, de professionnalisme, de respect et de coopération de toute l'Agence. Il me paraît évident que vous n'avez pas l'intention de vous conduire conformément aux normes que vous êtes tenu de respecter dans votre emploi au service des citoyens du Canada. J'ai conclu que toute la preuve dont je dispose confirme qu'il est inacceptable pour l'Agence que vous y restiez employé à quelque titre que ce soit. Votre comportement ne me laisse d'autre choix que de vous licencier à partir de la fin de la journée de travail du 24 juillet 2001. Cette décision a été prise conformément aux pouvoirs qui me sont délégués par le commissaire en vertu de l'alinéa 51(1)f) de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Si vous ne l'avez pas encore fait, vous devez immédiatement nous retourner tous les papiers d'identité et tous les biens de l'ADRC que vous avez en votre possession.

En outre, pour toutes les raisons qui précèdent, je révoque immédiatement votre cote de fiabilité approfondie à l'ADRC.

Vous avez le droit de présenter un grief pour contester votre licenciement et la révocation de votre cote de fiabilité, dans un délai de 25 jours à compter de la date de cette lettre, comme prévu par la convention collective conclue entre l'AFPC et l'ADRC.

[3]      L'avocate de l'employeur a déposé 31 pièces et fait comparaître cinq témoins; le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé 33 pièces, mais n'a fait comparaître aucun témoin et n'a pas non plus témoigné lui-même.

Les faits

[4]      M. Copp est entré au service de Revenu Canada (ainsi qu'on appelait alors l'ADRC) le 21 mars 1994, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Jusqu'au 17 septembre 1994, il a travaillé au Centre d'emploi pour étudiants du Canada. Du 3 avril 1995 au 28 mars 1996, il a été agent de recouvrement (PM-01, nomination pour une période déterminée) à Développement des ressources humaines Canada (DRHC), puis, du 29 mai 1996 au 22 juin 1997, agent de contact pour le recouvrement à Revenu Canada. Le 9 juin 1997, il a été nommé pour une période indéterminée.

[5]      En août 1997, pendant qu'il travaillait à Halifax, M. Copp s'est porté candidat à un poste d'inspecteur des douanes (PM-02) à Osoyoos, en Colombie-Britannique. L'affiche annonçant ce poste d'inspecteur des douanes (pièces E-6 et E-7) précisait que : [traduction] « Les candidats doivent détenir un permis de conduire valide et être disposés à conduire un véhicule de l'État ». Le 15 octobre 1997, M. Copp s'est présenté à l'examen écrit pour ce poste d'inspecteur des douanes à Penticton.

[6]      Comme candidat heureux, M. Copp a ensuite suivi un cours de 14 semaines consécutives au Collège de Revenu Canada, situé à Rigaud, au Québec.

[7]      Le 10 février 1998, M. Copp a rempli une formule « Demande d'enquête de sécurité sur le personnel et autorisation » (pièce E-10). L'employeur se sert des renseignements recueillis grâce à cette formule pour faire une enquête de sécurité afin de déterminer si l'intéressé est admissible au niveau de fiabilité approfondie exigé pour le poste d'inspecteur des douanes.

[8]      L'ADRC peut exiger cinq niveaux de fiabilité, selon le poste; le premier est obtenu après une vérification de base de la fiabilité et le deuxième après une vérification approfondie de la fiabilité; les trois autres niveaux sont le niveau I (Confidentiel), le niveau II (Secret) et le niveau III (Très secret).

[9]      Les candidats doivent remplir quatre cases dans la Partie A de la formule (pièce E-10) pour s'identifier, une pour le « Nom de famille », une deuxième pour les « Prénoms au complet (pas d'initiales) », une troisième pour le « Nom de famille à la naissance » et enfin une quatrième pour « Tout autre nom utilisé ». La Partie C de la formule (Vérification de sécurité et consentement) autorise l'employeur à faire des vérifications de sécurité, y compris toute demande de mise à jour ultérieure en vertu de la Politique du gouvernement sur la sécurité. Cette Partie contient dix cases : 1) Date de naissance, 2) Adresse, 3) Études/Compétences professionnelles, 4) Antécédents professionnels, 5) Références/Mon caractère, 6) Vérification de l'existence d'un casier judiciaire, 7) Vérification du dossier de crédit, 8) Fiabilité, 9) Loyauté (évaluation sécuritaire seulement) et 10) Autre (préciser, voir les directives). À la droite de chacun de ces éléments figurent deux cases, la première, désignée par la lettre Y, que le candidat parafe et la seconde, identifiée par la lettre Z, qui doit être parafée par l'agent autorisé. Plus bas, on trouve un espace portant l'inscription suivante : « Je, soussigné, en tant qu'agent autorisé, certifie que les renseignements ci-dessus ont été vérifiés. La cote de fiabilité de base/fiabilité approfondie est accordée ». Les cases restantes sont réservées au nom et au titre de l'agent autorisé, à l'adresse au bureau ainsi qu'aux numéros de téléphone et de télécopieur.

[10]      Le même jour, le 10 février 1998, le fonctionnaire s'estimant lésé a aussi rempli une « Déclaration à l'égard de condamnations criminelles » (pièce E-18); l'ADRC se sert des renseignements obtenus grâce à cette formule pour déterminer si le candidat peut obtenir une cote de fiabilité approfondie, conformément à la Politique du gouvernement sur la sécurité.

[11]      Dans cette formule (pièce E-18), le candidat se fait aussi demander : « Avez-vous déjà été reconnu coupable d'une infraction criminelle à l'égard de laquelle vous n'avez pas obtenu de pardon? » Cette phrase est suivie de la phrase suivante : « Si vous voulez faire des commentaires, veuillez utiliser cet espace », et ensuite : « Un casier judiciaire déclaré n'est pas nécessairement un obstacle à l'emploi, chaque cas étant traité en toute objectivité. »

[12]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une lettre d'offre du poste d'inspecteur des douanes le 30 avril 1998; il est entré en fonctions le 19 mai 1998, à Osoyoos, en Colombie-Britannique, et il a été promu surintendant du bureau de Roosville en août 2000.

[13]      G. Blake Delgaty est actuellement directeur régional des Douanes pour la Région du Pacifique de l'ADRC; il occupe ce poste depuis 1994 et il a commencé à travailler pour Revenu Canada en 1977.

[14]      M. Delgaty a témoigné que c'est bel et bien lui qui a pris la décision de licencier M. Copp et de révoquer sa cote de sécurité. Sa lettre du 23 juillet 2001 (pièce E-1) a été rédigée par Vince Boutellier et Susan Atkinson, deux agents des relations de travail, et signée en son nom par Gail Stewart.

[15]      Dans son témoignage, M. Delgaty a décrit les tâches qui étaient confiées au fonctionnaire s'estimant lésé en sa qualité de surintendant des douanes (PM-04). M. Copp supervisait de 10 à 12 inspecteurs des douanes et était responsable de deux bureaux, l'un à Roosville, un bureau d'entrée terrestre situé à 75 milles environ de Cranbrook, et l'autre à l'aéroport de Cranbrook même. M. Delgaty a confirmé - et la description de travail (pièce E-8) le corrobore - que les principales fonctions de l'intéressé consistaient à exécuter les services du programme des douanes en protégeant les frontières du Canada contre l'entrée de produits illégaux (contrebande, drogues, cigarettes, alcool, pornographie, personnes indésirables, etc.). À titre de chef d'équipe, il devait s'acquitter de tâches d'application de la loi avec les inspecteurs des douanes qu'il supervisait, par exemple en administrant et en faisant respecter quelque 70 lois fédérales de même qu'en faisant des saisies, des arrestations et des fouilles et en contrôlant la circulation, en plus d'avoir des fonctions de relations de travail et des fonctions administratives. Les inspecteurs des douanes sont des agents de la paix qui travaillent en étroite collaboration avec des organisations sours comme la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'Immigration, les gardes-frontières des douanes américaines (U.S. Customs Border Patrol), de même que les bureaux locaux de la police et des shérifs.

[16]      M. Delgaty a déclaré qu'une relation d'étroite collaboration avec ces organisations est d'importance critique, particulièrement dans le contexte de l'après-11 septembre, puisque, comme il l'a dit, [traduction] « Nous devons pouvoir nous faire confiance pour coopérer et partager l'information nécessaire afin de pincer les criminels ».

[17]      Amie Doucet, une inspecteure des douanes au bureau de Roosville qui travaillait pour le fonctionnaire s'estimant lésé, est à l'origine de la chaîne d'événements et d'enquêtes qui a révélé que le fonctionnaire connu par l'ADRC et par ses collègues sous le nom de James Wesley Copp se servait aussi de deux autres noms de famille, Huett et Huett-Copp.

[18]      Mme Doucet a témoigné que, vers le 13 octobre 2000, elle s'était servie du véhicule du bureau de Roosville de l'ADRC pour aller à un cours du Centre d'information de la police canadienne (CIPC) offert à Kingsgate. Elle avait changé de véhicule avec M. Copp à Cranbrook, puisqu'ils étaient tous les deux dans cette ville à ce moment-là. C'est un peu plus tard dans la journée qu'elle a trouvé une contravention d'avertissement pour excès de vitesse émise par le détachement de la GRC de Cranbrook à 11 h 40, le 13 octobre 2000, à l'ordre de « James Huett » (permis de conduire de la C.-B. no 6874319) (pièce G-31). Comme elle se demandait de quelle personne il s'agissait, Mme Doucet a montré la contravention à un collègue, l'inspecteur Larter, qui ne savait pas non plus qui était l'intéressé.

[19]      Mme Doucet a déclaré que, quand elle a demandé à M. Copp ce qu'il en était de ce nom sur la contravention, il lui a répondu : [traduction] « J'ai été stupide; j'ai prêté le véhicule des douanes à mon copain et c'est lui qui a eu la contravention. » Sur ce, Mme Doucet lui a demandé : [traduction] « Et où est ton copain maintenant? »; M. Copp a alors déclaré : [traduction] « Oh, je l'ai laissé au centre commercial. »

[20]      En contre-interrogatoire, quand le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé si d'autres inspecteurs des douanes avaient pris de l'argent dans la petite caisse, Mme Doucet a répondu que oui et que d'autres inspecteurs des douanes s'étaient fait de la monnaie dans le passé.

[21]      Le 20 novembre 2000, Stu Pigot, un agent régional de renseignements au Bureau local de Penticton, a rencontré un informateur anonyme qui a été identifié à l'audience comme étant Blake Webb, un subordonné du fonctionnaire s'estimant lésé. M. Webb a déclaré à M. Pigot que James Wesley Copp avait été reconnu coupable de voies de fait causant des blessures en 1996 ou 1997, ainsi que de possession d'une arme prohibée pendant qu'il habitait à Halifax et qu'il était au service de Revenu Canada. D'après M. Webb, M. Copp se servait du nom de Huett sur son permis de conduire de la Colombie-Britannique. M. Webb ne pouvait pas affirmer que M. Copp avait déclaré ses condamnations criminelles quand il avait été embauché comme agent des douanes ou promu surintendant des douanes. (Ces renseignements, M. Webb les avait illégalement extraits du CIPC; par la suite, il a été puni pour cette infraction.)

[22]      M. Pigot a envoyé une lettre datée du 20 novembre 2000 (pièce E-3) à Ken Macpherson, le chef de la Sécurité et du renseignement de la Région du Pacifique de l'ADRC, en lui résumant les allégations de M. Webb.

[23]      Le 5 janvier 2001, M. Delgaty a envoyé à M. Copp une lettre (pièce E-2) lui annonçant qu'on l'avait informé de graves allégations à son endroit et qu'il avait demandé à la Division des affaires internes d'enquêter sur la question ainsi que sur d'autres allégations concernant le fonctionnaire s'estimant lésé pendant qu'il travaillait au port de Roosville. M. Delgaty l'informait aussi qu'il le réaffectait immédiatement au bureau de Penticton jusqu'à nouvel ordre.

[24]      L'enquête sur les allégations a été confiée à Larry Kozak, qui était depuis 1997 le chef de la sécurité du Centre fiscal de Surrey. M. Kozak avait auparavant été policier pendant 20 ans.

[25]      M. Kozak a témoigné que le mandat qui lui avait été confié par le directeur adjoint André St-Laurent consistait à déterminer si M. Copp avait un casier judiciaire et, si oui, s'il l'avait déclaré au moment où il avait été embauché ou à tout autre moment depuis. M. Kozak s'était fait aussi demander de déterminer si M. Copp s'était servi d'un autre nom pour obtenir son permis de conduire de la Colombie-Britannique.

[26]      L'enquête a commencé à la mi- ou la fin décembre 2000. M. Kozak a terminé son rapport le 3 avril 2001; il l'a présenté à M. St-Laurent, qui l'a envoyé à Ottawa, puis à M. Delgaty.

[27]      M. Kozak a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé et Rick Covell, qui était son avocat à ce moment-là, pour leur expliquer l'objet de l'enquête et pour interroger l'intéressé au sujet des allégations à son endroit. Le fonctionnaire s'estimant lésé a signé une formule d'information communiquée à l'intéressé avant l'interrogatoire (pièce E-28). M. Kozak a posé bon nombre de questions; il a soigneusement pris note des réponses, tout comme l'autre enquêteur présent, Dave Harvey. Les réponses à ces questions devaient figurer dans le rapport d'enquête et pouvaient être utilisées dans le contexte d'une entrevue disciplinaire.

[28]      M. Kozak a interrogé des employés de l'ADRC à Cranbrook, Roosville, Penticton et Osoyoos, des membres de la GRC à Penticton et Halifax, des fonctionnaires des services des statistiques de l'état civil de plusieurs provinces, des employés de la cour provinciale, des membres du personnel de la Direction des véhicules automobiles de la Colombie-Britannique ainsi que d'autres personnes pour vérifier si une ou plusieurs des allégations pouvaient être confirmées.

[29]      M. Kozak a aussi déclaré s'être servi des ressources du CIPC, du Système intégré de récupération de renseignements judiciaires (SIRRJ) (pièce E-19) ainsi que de rapports de police valides, de rapports du détachement de Penticton de la GRC et de documents de la cour provinciale pour mener son enquête à bien. Les résultats de ces recherches exhaustives ont confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait de nombreuses accusations criminelles à son dossier :

(1)  agression à main armée (92-04-03) : le fonctionnaire s'estimant lésé avait obtenu une libération conditionnelle assortie de l'interdiction de posséder des armes à feu, des munitions et des explosifs pendant cinq ans;

(2)  voies de fait causant des blessures (déclaration de culpabilité le 25 novembre 1996);

(3)  conduite avec facultés affaiblies (déclaration de culpabilité le 15 août 1996);

(4)  conduite avec facultés affaiblies (déclaration de culpabilité le 2 juillet 1997); le permis de conduite du fonctionnaire s'estimant lésé avait été suspendu pour un an;

(5)  possession d'une arme prohibée (déclaration de culpabilité le 2 juillet 1997);

(6)  voies de fait causant des blessures (21 février 1998).

[30]      M. Kozak a aussi confirmé (et la pièce E-22 le prouve) que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies le 2 juillet 1997 en vertu de l'article 253 du Code criminel du Canada. L'ordonnance qui lui interdisait de conduire un véhicule à moteur précisait que : [traduction] « Il est interdit au délinquant de conduire un véhicule à moteur sur une rue, une route, une autoroute ou dans tout autre endroit public au Canada pour une période d'un an. » (C'est nous qui soulignons.)

[31]      Cette ordonnance est assujettie au paragraphe 269(4) du Code criminel du Canada, qui dispose que :

Quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire au Canada pendant qu'il lui est interdit de le faire est coupable :

a)  soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans;

b)  soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

[32]      L'attestation de l'ordonnance visant le fonctionnaire s'estimant lésé précisait en outre ce qui suit :

[Traduction]

J'accuse réception d'une copie de cette ordonnance, et je confirme que je l'ai lue/ou qu'elle m'a été lue et que j'ai été informé de la disposition du paragraphe 259(4) du CODE CRIMINEL DU CANADA qui y figure.

Daté à HALIFAX, province de Nouvelle-Écosse, ce deuxième jour de juillet 1997.

[Cette attestation a été signée par M. Copp et par le témoin, Pearl Kaulbach, juge de paix dans la province de Nouvelle-Écosse.]

[33]      M. Kozak a déclaré que M. Copp avait été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies et qu'il lui avait été interdit de conduire où que ce soit au Canada du 2 juillet 1997 au 2 juillet 1998. Pourtant, alors qu'il était à Penticton, M. Copp avait demandé un permis d'apprentissage de la Colombie-Britannique, sous le nom de James Wesley Huett, après quoi, le 16 septembre 1997, il avait obtenu son permis de conduire.

[34]      En consultant le rapport quotidien sur l'utilisation des véhicules, M. Kozak avait pu constater que le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit le véhicule du bureau de Roosville jusqu'à Chopaka le 12 juin 1998, alors qu'il était sous le coup d'une ordonnance d'un tribunal lui interdisant de conduire où que ce soit au Canada.

[35]      M. Kozak a témoigné que, pendant toute son enquête - et plus particulièrement lorsqu'il avait examiné la pièce E-10 (Partie A) -, il avait constaté que le fonctionnaire s'estimant lésé avait écrit « Copp » dans la case du « Nom de famille » et « James Wesley » dans la case « Prénoms au complet (pas d'initiales) ». Par contre, il n'avait rien écrit dans les cases « Nom de famille à la naissance » et « Tout autre nom utilisé ». À la Partie C, il avait donné son consentement aux vérifications prévues, y compris toute demande de mise à jour ultérieure en vertu de la Politique du gouvernement sur la sécurité. Il avait en outre parafé la case Y adjacente aux numéros 1 à 7 des colonnes de renseignements à vérifier. M. Kozak avait déterminé que c'étaient les initiales de M. Profili (lequel était chargé d'interroger les candidats au moment où la formule avait été remplie) qui figuraient aux numéros 1 à 8 dans les colonnes des Z. La signature du fonctionnaire s'estimant lésé figure dans l'espace où apparaît la mention « Je, soussigné, en tant qu'agent autorisé, certifie que les renseignements ci-dessous ont été vérifiés. » Les espaces réservés au nom de l'agent autorisé, à l'adresse au bureau ainsi qu'aux numéros de téléphone et de télécopieur sont restés vierges. M. Kozak a déclaré que M. Profili n'avait jamais vérifié les renseignements figurant dans ces deux colonnes, y compris le casier judiciaire de l'intéressé.

[36]      M. Kozak a précisé que, dans la « Déclaration à l'égard de condamnations criminelles » (pièce E-18), le fonctionnaire s'estimant lésé avait inscrit un X dans la case « Oui » pour déclarer qu'il avait été reconnu coupable d'une infraction criminelle à l'égard de laquelle il n'avait pas obtenu de pardon. Il a aussi souligné que M. Copp avait fait la déclaration suivante dans les lignes suivant « Si vous voulez faire des commentaires, veuillez utiliser cet espace » :

[Traduction]

Un incident isolé de violence conjugale pour lequel j'ai suivi avec succès des cours de gestion de la colère. Je continue à vivre avec la femme qui avait été victime de l'incident, et elle confirmerait certainement qu'il s'agissait d'un incident isolé et que ce n'est plus un problème.

[37]      M. Kozak a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait rempli les pièces E-10 et E-18 (les documents nécessaires à la vérification de sécurité) et qu'il avait aussi soumis ses empreintes digitales à DRHC, où il travaillait avant de se joindre à l'ADRC. DRHC avait envoyé les empreintes digitales à la GRC, qui a répondu le 2 octobre 1994 que M. Copp n'avait pas de casier judiciaire à ce moment-là. Il lui a donc été accordé une cote de fiabilité approfondie valable pour dix ans.

[38]      M. Kozak a témoigné que M. Copp s'était classé deuxième au concours d'inspecteur des douanes du 3 mars 1998. Il a de nouveau donné ses empreintes digitales, au détachement responsable de la GRC, le 24 mars 1998; le 30 avril 1998, on lui a envoyé une lettre lui offrant le poste.

[39]      À la fin de son analyse, M. Kozak a conclu que les imprimés du CIPC et du SIRRJ, la photographie prise par la police et l'aveu même de M. Copp confirment qu'il avait un casier judiciaire, parce qu'il avait déjà été reconnu coupable d'une infraction criminelle à l'égard de laquelle il n'avait pas obtenu de pardon. Il avait été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies, ce qui lui avait fait écoper d'une interdiction de conduire où que ce soit au Canada entre le 2 juillet 1997 et le 2 juillet 1998. Or, le lendemain même de sa condamnation, M. Copp avait présenté une demande d'emploi comme agent de perception à Penticton. A son arrivée à Penticton, il avait demandé un permis d'apprentissage à son nom de famille à la naissance (Huett), même si les dossiers du tribunal (pièce E-22) confirment qu'il avait reconnu sa condamnation et l'interdiction de conduire qu'elle entraînait. En se servant d'un autre nom dans sa demande, il avait évité qu'on sache que son permis de conduire avait été suspendu. À partir du moment où il avait présenté une demande d'emploi comme inspecteur des douanes et jusqu'à la fin des deux premiers mois qui ont suivi sa nomination, il lui était interdit de conduire où que ce soit au Canada. En outre, M. Kozak a déterminé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait bel et bien conduit un véhicule de l'employeur pendant qu'il lui était interdit de conduire un véhicule à moteur quelconque. Puisqu'il avait obtenu un permis de conduire de la Colombie-Britannique sous fausse représentation, M. Copp avait présenté un document non valide (ce permis de conduire) dans sa demande d'emploi comme inspecteur des douanes. Puisque détenir un permis de conduire valide était une exigence fondamentale du poste, il aurait automatiquement été éliminé s'il n'avait pas eu de permis. Malheureusement, au moment de l'entrevue, quand on lui a demandé de produire son permis de conduire, personne n'a remarqué l'anomalie, parce qu'après tout, il était déjà au service de l'ADRC; on n'a donc peut-être pas fait suffisamment attention.

[40]      Comme M. Copp n'avait pas rempli les cases réservées au « Nom de famille à la naissance » et à « Tout autre nom utilisé » de la formule « Demande d'enquête de sécurité sur le personnel et autorisation » (pièce E-10), les agents de sécurité interne ont supposé que « Copp » était le seul nom de famille dont il se servait. Il a soumis ses empreintes digitales à l'ADRC et consenti à ce qu'elle fasse une vérification de sécurité, mais, malheureusement, à cause d'une erreur administrative de l'ADRC, ses empreintes digitales n'ont pas été envoyées à la GRC, et la vérification de son casier judiciaire n'a jamais été effectuée.

[41]      En juillet 1998, deux mois après être devenu inspecteur des douanes, M. Copp a été impliqué à la boîte de nuit Elements dans un incident qui a abouti à son arrestation pour voies de fait causant des blessures. En octobre 2000, après avoir été promu surintendant au bureau de Roosville, M. Copp a menti à Mme Doucet au sujet d'une contravention d'avertissement parce qu'il ne voulait pas que ses collègues ni personne d'autre sachent qu'il se servait d'un autre nom (Huett).

[42]      En contre-interrogatoire, M. Kozak s'est dit d'accord avec le fonctionnaire s'estimant lésé : comme celui-ci avait présenté ses empreintes digitales, on pouvait s'attendre à ce que l'employeur soit parfaitement au courant de son identité et de ses antécédents criminels. M. Kozak a aussi reconnu que la pièce E-10 n'avait pas été bien remplie ni vérifiée par M. Profili, qui était membre du comité de sélection et avait participé à l'entrevue. M. Kozak a toutefois maintenu que, même si le représentant de l'employeur (M. Profili) n'avait pas bien rempli la formule, il était implausible que le fonctionnaire s'estimant lésé ait eu une raison valable de ne pas remplir les cases réservées au « Nom de famille à la naissance » et à « Tout autre nom utilisé ».

[43]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait remarquer qu'il y a un numéro d'assurance sociale (NAS) au haut de la pièce E-10, que ce numéro y avait été inscrit par lui et qu'il devrait aussi signifier, pour peu qu'on ait vérifié, que son nom de famille à la naissance était Huett. M. Kozak n'en a pas moins déclaré que le seul nom qui ait été inscrit sur la pièce E-10 est Copp, et que, à ce moment-là, on n'est pas allé plus loin.

[44]      M. Copp a expliqué que la raison pour laquelle il dit s'appeler Copp plutôt que Huett est que ses parents ont divorcé quand il avait cinq ans. Il s'est fait appeler Huett pendant longtemps, mais il a changé de nom pour se faire appeler Copp à cause des pressions des autres jeunes à l'école. Ce changement de nom n'a toutefois jamais été fait légalement.

[45]      M. Kozak a reconnu, à la demande du fonctionnaire s'estimant lésé, que les accusations d'agression sexuelle, de menaces et de séquestration datant du 25 novembre 1996 (pièce E-19; imprimés du CIPC et du SIRRJ) avaient été rejetées, qu'elles n'avaient pas été portées pour obtenir une condamnation et qu'elles ne faisaient pas partie de son casier judiciaire.

[46]      Le gendarme Thomas Grace est membre de la GRC depuis septembre 1977. Il est affecté au bureau de Penticton depuis août 1997.

[47]      Le gendarme Grace a témoigné avoir fait enquête sur des voies de fait à la boîte de nuit Elements le 12 juillet 1998, vers 1 h 49. Il y avait eu une dispute entre un dénommé Joseph Zaufenberger et un homme non identifié. La victime avait eu la mâchoire fracturée, ce qui avait nécessité d'importants soins médicaux. Au cours de l'enquête qui a suivi, une témoin nommée Tanya Maloney a identifié le fonctionnaire s'estimant lésé dans une série de photographies. Après avoir interrogé différents employés de boîtes de nuit et de cabarets de Penticton, le gendarme Grace a été informé que le suspect était peut-être M. Copp, qui travaillait à temps partiel comme videur au club de nuit Night Moves.

[48]      Dans son témoignage, le gendarme Grace a déclaré que, le 21 août 1998, un de ses collègues, le gendarme Taylor, l'avait informé que M. Copp était en compagnie d'un autre videur à l'extérieur du club de nuit Night Moves. Le gendarme Grace s'est approché du fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer qu'il enquêtait sur des voies de fait; il lui a demandé de l'accompagner au poste de police. Le fonctionnaire s'estimant lésé a pris place sur la banquette arrière de la voiture de police et il a été emmené au bureau de mise en détention du Détachement de Penticton; il n'était pas menotté. Quand on lui a demandé une pièce d'identité, il a présenté un permis de conduire de la Colombie-Britannique au nom de James Wesley Huett. Le gendarme Grace lui a demandé s'il voulait faire une déclaration, mais M. Copp a refusé. Il a été détenu et photographié; on a pris ses empreintes digitales. Ce n'est que le 16 avril 1999 que les Services d'analyse des dossiers de l'unité d'information et d'identification de la GRC ont informé le gendarme Grace que les empreintes digitales soumises au nom de James Wesley Huett étaient en fait celles de James Wesley Copp.

[49]      Quand l'avocate de l'employeur lui a demandé si le fonctionnaire s'estimant lésé avait été arrêté, le gendarme Grace a répondu : [traduction] « Oui, il l'a été. »

[50]      Le gendarme Grace a identifié la pièce E-20, qui était pour lui la pièce C-13, c'est-à-dire la formule de mise en détention où il est noté ce qui suit sous la rubrique des accusations : « SEC. 267(1)(B)C.C. - Assault Causing Bodily » (voies de fait causant des blessures); en fin de compte, on n'a porté aucune accusation en vertu du Code criminel contre le fonctionnaire s'estimant lésé.

[51]      En dépit de la teneur du témoignage du gendarme Grace et de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a beaucoup insisté sur le fait que certaines parties de la pièce E-20 n'avaient pas été correctement remplies et que le gendarme Grace avait signé son propre rapport (pièce E-30) à l'avocat de la Couronne, plutôt que de le faire signer par un sous-officier comme le règlement l'exige.

[52]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé en preuve une note de service adressée au gendarme Grace par Debra Pope, avocate de la Couronne à Penticton (pièce G-13) l'informant que, pour de nombreuses raisons, elle avait décidé de ne pas porter d'accusations contre M. Copp; Me Pope ne croyait guère qu'elle pourrait obtenir un verdict de culpabilité.

[53]      Bill Anderson est au service de l'employeur depuis 26 ans; il est actuellement directeur du District de l'Okanagan et de Kootenay de la Région du Pacifique. Il était le superviseur direct du fonctionnaire s'estimant lésé d'août 2000 au 5 janvier 2001.

[54]      M. Anderson a témoigné avoir reçu copie d'une lettre adressée à M. Copp par M. Delgaty (pièce E-2) lui enjoignant d'enquêter sur des allégations de comportement répréhensible du fonctionnaire s'estimant lésé pendant que celui-ci était au bureau de Roosville. Cette lettre l'informait aussi que le fonctionnaire s'estimant lésé allait être affecté immédiatement au bureau de Penticton, et ce jusqu'à ce que l'enquête soit terminée.

[55]      M. Anderson a dû faire partir le fonctionnaire s'estimant lésé de son bureau à Roosville et récupérer les biens du gouvernement que celui-ci avait en sa possession, dans certains cas à sa résidence.

[56]      Le témoin a déclaré avoir fait partie du comité de sélection qui avait étudié la candidature du fonctionnaire s'estimant lésé et l'avait choisi pour le poste de surintendant des douanes. Ce poste avait été offert à l'intéressé à la mi-mai 2000; il devait entrer en fonctions en août 2000.

[57]      M. Anderson a déclaré avoir été renversé d'apprendre qu'on alléguait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait une fausse identité, qu'il avait un casier judiciaire et qu'il conduisait alors même qu'il lui était interdit de le faire par une ordonnance d'un tribunal. M. Anderson a poursuivi son témoignage en disant que, à mesure que le personnel a été informé des allégations concernant M. Copp, d'autres allégations ont été faites, par exemple au sujet du harcèlement sexuel dont il se serait rendu coupable à l'égard de deux inspecteures des douanes (Mmes Sellman et Kemble) ainsi que de l'utilisation abusive des véhicules du gouvernement, de problèmes d'assiduité et d'une somme de 80 $ disparue de la petite caisse du bureau de Roosville.

[58]      L'enquête de M. Anderson sur les 80 $ manquants l'a mené à la conclusion que, le 12 décembre 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé avait pris cet argent pour faire de la monnaie, sans toutefois laisser dans la petite caisse de reconnaissance de dette pour fins de vérification. L'argent avait été remis dans la petite caisse quatre ou six jours après. La pièce E-11 est un bulletin de la Direction générale de l'administration financière contenant des lignes directrices et des procédures sur la gestion des fonds publics. Le fonctionnaire s'en était fait remettre une copie qu'il devait lire lorsqu'il a été embauché.

[59]      M. Anderson a témoigné que la question de l'argent est d'importance cruciale à l'ADRC, puisque c'est sa raison d'être. Les gestionnaires doivent être considérés comme extraordinairement vigilants dans la gestion des fonds publics. Les paragraphes 3 et 4 de la section 5 A), « Rôles, responsabilité et obligations de rendre compte » de la pièce E-11 se lisent comme il suit :

3)  Tous les employés du Ministère qui traitent des fonds publics doivent rendre compte de ceux-ci, assurer leur protection et leur garde en lieu sûr pendant qu'ils en ont la responsabilité et, par conséquent, appliquer les lignes directrices du Ministère concernant la sécurité ainsi que les politiques et les procédures de contrôle financier énoncées dans le présent bulletin et dans le Manuel de la gestion financière (MGF), le Manuel des opérations de l'Impôt (MOI) et le Manuel de la gestion administrative (MGA).

4)  Un seul employé à la fois doit être responsable et doit rendre compte des fonds publics qu'il a en main.

[60]      M. Anderson a déclaré qu'une seule personne par bureau d'emploi est responsable de la petite caisse, à tour de rôle. En cas de perte d'argent, le paragraphe 1 de la section F) Perte d'argent pour cause de négligence de la pièce E-11 précise que :

1)  Les employés responsables de fonds publics qui perdent ces fonds par manque de diligence ou parce qu'ils n'ont pas respecté les politiques ministérielles de contrôle financier, les lignes directrices et les procédures doivent remettre cet argent si les cadres supérieurs du bureau de Revenu Canada (c.-à-d. les sous-ministres adjoints des Opérations régionales, les directeurs et leur équivalent) prouvent, après avoir consulté la Direction de la sécurité, les Services de vérification et d'évaluation et la Direction de l'administration financière, qu'il y a eu négligence de leur part.

[61]      M. Anderson a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait mis un de ses subordonnés dans une situation intenable pendant plusieurs jours et qu'il n'avait pas fait preuve du leadership nécessaire pour protéger les fonds publics qu'il avait la responsabilité de contrôler.

[62]      M. Anderson a aussi déclaré que, lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé a été réaffecté au bureau de Penticton pendant que l'enquête se poursuivait, il s'était conformé à la directive sur les voyages en ce qui concerne les indemnités de logement, de repas, les faux frais, les frais de voyage et le traitement en pareil cas. Après quelques jours au bureau de Penticton, la rumeur faisait rage et les employées de même que certains de leurs collègues ont commencé à craindre pour leur sécurité en présence du fonctionnaire s'estimant lésé. On lui a donc demandé de rester à l'hôtel du lundi au vendredi et de ne pas se présenter à son lieu de travail jusqu'à ce que l'enquête soit terminée.

[63]      M. Anderson a déclaré que l'enquête des affaires internes confiée à M. Kozak s'était terminée en avril. Toutefois, comme d'autres allégations avaient été portées, il se devait d'enquêter sur elles aussi. Il a témoigné qu'A.R. Watt, le directeur des Douanes du District de l'Okanagan et de Kootenay, avait écrit à M. Copp une lettre (pièce E-30) datée du 15 juin 2001 faisant état de neuf points qu'il allait falloir tirer au clair.

[64]      Le 21 juin 2001, à l'occasion d'une rencontre entre MM. Copp, Watt, Boutellier et Anderson, l'employeur a tenté d'obtenir des explications du fonctionnaire s'estimant lésé au sujet des craintes de l'ADRC à l'égard de ces neuf points (pièce E-30). La réunion a duré de 9 h à 11 h 45; on a posé des questions à M. Copp et soigneusement pris note de ses réponses (pièce E-31). La réunion a repris à 13 h, et c'est à ce moment-là qu'on a présenté au fonctionnaire s'estimant lésé la lettre de licenciement (pièce E-1).

[65]      M. Anderson avait conclu que les réponses du fonctionnaire s'estimant lésé aux questions n'étaient ni franches, ni décisives. La lettre de licenciement avait été préparée à l'avance par précaution, mais l'entrevue a clairement révélé que le licenciement était justifié.

[66]      L'avocate de l'employeur a prié M. Delgaty de se reporter à la pièce E-12, les « Normes de conduite »; il a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était conformé ni aux obligations, ni aux responsabilités légales qui y sont précisées :

[...]

     Vous devez vous conformer entièrement aux dispositions de toutes les lois et règlements appliqués par le Ministère et signaler sans tarder à votre superviseur :

  • tout renseignement qui concerne une infraction possible à ces lois ou règlements ou à toute autre loi criminelle liée à vos fonctions, et qui est porté à votre attention ou dont vous prenez connaissance dans le cadre de vos fonctions, que le contrevenant soit un collègue ou non;
  • si vous êtes arrêté, détenu ou accusé en raison d'une infraction à ces lois ou règlements ou à une loi fédérale liée à vos fonctions officielles, incluant les infractions au code de la route si vous conduisiez un véhicule appartenant au Ministère;
  • si vous êtes accusé d'une infraction au Code criminel.
  •      Prière de vous référer à l'annexe A pour plus de renseignements sur vos responsabilités légales ayant trait à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP)et au Code criminel.

    [67]      Le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était pas conformé non plus au Code de déontologie et de conduite (pièce E-14), où l'on peut lire ce qui suit au paragraphe 3k) :

    k)  Conduite hors du travail

    Nous considérons généralement que votre conduite hors du travail fait partie de votre vie privée. Cependant, vous devez veiller à ce qu'elle ne nuise pas à votre image ni à votre rendement en tant qu'employé de l'ADRC. De nombreux services que vos collègues et vous fournissez sont régis par des lois, p. ex. Loi sur les douanes, Loi sur la taxe d'accise et Loi de l'impôt sur le revenu. Le respect de ces lois lorsque, notamment, vous remplissez votre déclaration de revenu, déclarez des biens achetés à votre retour au Canada, etc., est essentiel à la protection de votre propre intégrité et de celle de l'ADRC.

    Voici des exemples de conduite pouvant entraîner des mesures disciplinaires. Conduite :

  • nuisant à la réputation de l'employeur (p. ex. violations soi-même de lois dont on doit assurer l'application);
  • vous rendant incapable d'exécuter vos fonctions de façon satisfaisante;
  • enfreignant le Code criminel et nuisant à la réputation générale de l'ADRC et à celle de ses employés; et
  • rendant difficile pour l'employeur la gestion efficiente de ses activités et la direction de son effectif.
  • Remarque : Si vous êtes appréhendé, détenu ou accusé d'une infraction liée à vos fonctions officielles, à la législation canadienne ou aux lois et aux règlements fédéraux, notamment en ce qui concerne le Code de la route (si vous conduisez un véhicule de l'ADRC) ou du Code criminel, vous devez en aviser votre gestionnaire sans tarder.

    [68]      M. Delgaty a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait confirmé s'être fait remettre ces politiques en mai 1998 (pièce E-13).

    [69]      M. Delgaty a conclu que, pour décider de licencier M. Copp, il s'est fondé objectivement sur la preuve contenue dans le rapport de l'enquête interne ainsi que sur le bon dossier de rendement du fonctionnaire s'estimant lésé comme inspecteur des douanes, de même que sur certaines des réalisations qu'il avait à son crédit. Néanmoins, le fonctionnaire s'estimant lésé avait trompé l'employeur quant à son identité ainsi qu'au fait qu'il avait plus d'une infraction criminelle à son dossier quand il avait brigué le poste d'inspecteur des douanes. En outre, il avait conduit un véhicule du Ministère alors qu'un tribunal lui avait interdit de conduire. Les lois du Canada sont égales pour tous les citoyens, mais il n'empêche que des agents de la paix comme le fonctionnaire s'estimant lésé sont censés appliquer les lois et les faire respecter plutôt que de les enfreindre. M. Delgaty a retiré à M. Copp sa cote de fiabilité approfondie, dans le contexte de son licenciement; la relation d'emploi a été rompue et il s'est fait retirer son insigne, ses pièces d'identité de fonctionnaire fédéral et sa veste pare-balles.

    [70]      M. Delgaty a déclaré que ce n'est pas sur le rendement de M. Copp qu'il s'était fondé pour le licencier, car c'est plutôt le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé qui est incompatible avec les valeurs de l'ADRC; d'après M. Delgaty, la relation de confiance avait été rompue irréparablement à tout jamais.

    [71]      En contre-interrogatoire, M. Delgaty a reconnu, à la demande du fonctionnaire s'estimant lésé, que, dans la « Déclaration à l'égard de condamnations criminelles » (pièce E-18), celui-ci avait bel et bien déclaré avoir été reconnu coupable d'une infraction criminelle, et que la formule ne contenait pas de case où inscrire le « Nom de famille à la naissance » ni « Tout autre nom utilisé »; il a aussi reconnu que M. Copp avait déclaré avoir été reconnu coupable d'une infraction criminelle même s'il n'était pas tenu de le faire.

    [72]      Quand le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé ce qui était arrivé aux empreintes digitales qu'il avait soumises ainsi qu'à son autorisation de vérifier son casier judiciaire, M. Delgaty a répondu qu'il n'était pas sûr de ce qui s'était passé : [traduction] « On n'a pas suivi la procédure habituelle, mais cela ne relève pas directement de moi. Je leur ai dit d'y voir. »

    [73]      M. Delgaty a admis qu'une personne raisonnable aurait pu partir du principe que les autorités concernées auraient vérifié les antécédents de quelqu'un avant de lui envoyer une lettre d'offre. Il a toutefois déclaré qu'il n'était pas sûr du fonctionnement du processus. Par contre, il a reconnu et admis que M. Profili n'avait pas rempli comme il aurait dû la Partie C de la pièce E-10.

    [74]      Quand le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé si l'enquête de la Division des affaires internes avait causé de l'embarras aux organisations d'application de la loi sours de l'ADRC, M. Delgaty a répondu que non, mais qu'elle aurait été susceptible de le faire (« No, but it had the potential »). Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a aussi posé la question suivante : [traduction] « Si vous vous débarrassiez de moi, la situation allait-elle être résolue? », ce à quoi M. Delgaty a répondu : [traduction] « Oui, nos organisations sours se seraient attendues à ce que nous réglions le problème. Nos partenaires nous auraient gardé leur confiance et ils auraient su que nous respections nos engagements. » M. Delgaty a déclaré en outre que, si l'ADRC avait été au courant des antécédents criminels de M. Copp ou si elle avait su qu'il n'avait pas de permis de conduire valide, elle ne l'aurait pas convoqué à l'entrevue de sélection pour le poste d'inspecteur des douanes.

    [75]      En réplique, M. Delgaty a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas été licencié pour incompétence; en fait, il s'est fondé notamment sur la lettre (pièce G-1) que M. Copp avait envoyée le 2 février 2001 à M. Harvey en admettant ses erreurs et en présentant des excuses pour ses actions ou ses omissions, et il a tenu compte aussi des déclarations attestant de la moralité du fonctionnaire s'estimant lésé (pièces G-3, G-6, G-7 et G-8).

    [76]      En ce qui concerne la mutation de M. Copp au bureau de Penticton, M. Delgaty a déclaré qu'il était nécessaire de l'écarter du bureau de Roosville en raison des allégations de harcèlement sexuel qui avaient été faites à son endroit dans ce service-là.

    ARGUMENTS

    Pour l'employeur

    [77]      L'avocate de l'employeur a déclaré que M. Copp n'a pas été licencié pour incompétence; en fait, il était au début considéré comme un très bon employé et semblait être destiné à une carrière prometteuse à l'ADRC. Toutefois, le licenciement était la seule solution pour l'employeur, en raison du type de travail de l'intéressé et du mandat de l'ADRC. Les agents et les surintendants des douanes doivent être considérés comme sans reproche puisqu'ils ont des fonctions d'agents de la paix. On se fie aux agents de la paix pour protéger les frontières du Canada, faire respecter le Code criminel, la Loi sur les douanes, la Loi sur l'immigration et d'autres lois fédérales. Les Canadiens s'attendent à ce que les agents de la paix soient loyaux, honnêtes et fassent preuve de la plus grande intégrité. L'avocate a aussi affirmé que toutes les allégations avaient été prouvées sans l'ombre d'un doute et que le fonctionnaire s'estimant lésé n'en a réfuté aucune.

    [78]      À l'époque du processus de sélection initial, M. Copp n'avait pas de permis de conduire valide; après avoir été embauché, il a conduit un véhicule du Ministère alors qu'il était sous le coup d'une ordonnance d'un tribunal qui lui interdisait de conduire. Il a décidé de faire fi de cette ordonnance et de demander quand même un permis de conduire de la Colombie-Britannique. Ce n'est pas le genre de conduite que l'ADRC attend de ses agents de la paix : en qualité d'agents de la paix, ses employés ne sont pas censés ignorer les lois, mais plutôt les faire respecter. M. Copp conduisait un véhicule du Ministère alors même que l'ordonnance du tribunal qu'il avait signée lui interdisait de conduire, ce qui constitue une infraction du Code criminel du Canada.

    [79]      L'avocate de l'employeur a maintenu en outre que le fonctionnaire s'estimant lésé avait trompé l'employeur en ne lui donnant pas son nom de famille à la naissance ni tous les autres noms qu'il utilisait, ainsi qu'en ne faisant état que d'une des infractions criminelles dont il avait été reconnu coupable. Même s'il a réussi à cacher son passé pendant un certain temps, on a fini par le découvrir.

    [80]      L'avocate a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait eu de nombreuses occasions de dire la vérité, la première fois quand Mme Doucet lui a demandé ce qui en était de la contravention d'avertissement. Cette fois-là, il a préféré cacher sa véritable identité et son passé. L'occasion aurait pourtant été bonne d'en parler à son superviseur et de tout avouer, mais il a décidé de n'en rien faire.

    [81]      De même, le 5 janvier 2001, M. Anderson a remis au fonctionnaire s'estimant lésé la lettre lui annonçant qu'il était réaffecté à Penticton. Une fois de plus, le fonctionnaire s'estimant lésé a préféré ne pas profiter de cette occasion pour dire la vérité.

    [82]      Il a eu une autre possibilité de dire la vérité à M. Anderson pendant que celui-ci enquêtait en juin 2001, mais, quand il s'est fait demander de donner la liste complète de toutes ses arrestations, de toutes ses accusations et de toutes ses condamnations, il a répondu : [traduction] « Je ne peux pas vous débiter tout ça. Je suis sûr que vous avez la liste. Lisez-la-moi, et je pourrai confirmer ou nier. »De même, pendant l'enquête de M. Kozak, le fonctionnaire s'estimant lésé ne lui a remis aucun document.

    [83]      L'avocate de l'employeur a déclaré que M. Kozak avait témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé refusait de remettre des documents à l'employeur. Il est un peu tard pour le fonctionnaire d'être franc lors d'une audience, après ces faits.

    [84]      En ce qui concerne l'argent disparu de la petite caisse, l'avocate a souligné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait admis non seulement l'avoir pris et ne l'avoir remis dans la petite caisse que plusieurs jours après, mais aussi avoir reçu des mains de M. Anderson la politique sur la gestion des fonds publics; il avait toutefois décidé de ne pas la lire.

    [85]      Ce qui est plus grave que cette infraction, toutefois, c'est l'arrestation du fonctionnaire s'estimant lésé par le gendarme Grace. En sa qualité de surintendant des douanes, M. Copp sait parfaitement ce qui constitue une arrestation; cela fait partie du mandat de l'ADRC, et c'est dans sa description de poste. Le gendarme Grace lui a fait prendre place sur la banquette arrière de la voiture de police, l'a emmené au détachement, l'a fait photographier, a fait prendre ses empreintes digitales et l'a détenu. M. Copp ne pouvait pas partir du poste de police; il était en état d'arrestation, et le gendarme Grace a confirmé dans son témoignage qu'il avait été arrêté.

    [86]      L'avocate de l'employeur maintient en outre que, même si M. Copp savait qu'il était en état d'arrestation, il n'en a jamais informé son employeur, alors qu'il était tenu de le faire en vertu du Code de déontologie. Il a trompé son employeur lorsqu'il a coché la case « Oui » indiquant qu'il avait été reconnu coupable d'une infraction criminelle, en ne faisant des commentaires que sur un incident isolé, alors qu'il avait en fait de nombreuses infractions criminelles à son dossier.

    [87]      L'avocate a déclaré que, même si elle reconnaît qu'il y avait des bavures dans la procédure puisque les formules n'avaient pas été remplies de façon impeccable et que les empreintes digitales du fonctionnaire s'estimant lésé avaient été égarées, elles n'atténuent en rien la gravité de ses actions. L'ADRC ne peut plus faire confiance à cet employé. Il a perturbé énormément le milieu de travail et, maintenant que son casier judiciaire a été révélé, il ne serait plus admissible à la cote de fiabilité approfondie, qui est obligatoire pour tous les postes dans son domaine de travail.

    [88]      Quant au potentiel de réhabilitation du fonctionnaire s'estimant lésé, l'avocate de l'employeur affirme qu'il est nul puisque l'intéressé a toujours menti, caché les faits et refusé de coopérer, en persistant dans cette conduite même à l'audience d'arbitrage de son grief. Les partenaires de l'ADRC, les corps policiers et ses organisations sours sont sans exception au courant de ces condamnations et l'ADRC ne devrait pas être contrainte à le réintégrer dans ses locaux.

    [89]      L'avocate a conclu en maintenant que l'employeur avait décidé que le licenciement était justifié et que M. Copp ne devrait pas être réintégré.

    [90]      Pour finir, l'avocate m'a renvoyé aux décisions suivantes : Singh (dossier de la Commission 166-2-29399); Leblanc (dossier de la Commission 166-2-25267); Flewwelling (dossier de la Commission 166-2-14236); Champagne (dossier de la Commission 166-2-25767); R. v. Huett-Copp, [1997] N.S.J. no 16; Flewwelling, [1985] A.C.F. no 1129; Mackenzie (dossiers de la Commission 166-2-26614 et 26615); Fleming (dossiers de la Commission 166-2-13488 et 13489); Boisvert (dossiers de la Commission 166-2-25435 et 26200) et Sharma (dossier de la Commission 166-2-14588).

    Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

    [91]      M. Copp a déclaré que de nombreux manquements de l'ADRC ont mené à son licenciement, en citant les omissions des responsables de la sécurité, de la direction, des inspecteurs des douanes et du personnel.

    [92]      Il a affirmé en outre avoir déclaré au cours de son entrevue de sélection qu'il avait une infraction criminelle à son dossier. Il avait aussi présenté ses empreintes digitales et consenti à une vérification de sécurité, comme l'ADRC l'exigeait. Il a donné ces renseignements volontairement et l'ADRC savait qu'il avait un casier judiciaire, mais il n'en a jamais été question avant qu'il ne soit promu surintendant des douanes. En ne vérifiant pas son casier judiciaire, l'ADRC lui a fait quitter son emploi à DRHC. Il a déclaré que cela avait renforcé sa conviction que l'ADRC ne s'inquiétait pas de son casier judiciaire.

    [93]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré en outre que c'est parce qu'un employé de l'ADRC (Blake Webb) avait illégalement consulté la base de données du CIPC et divulgué des renseignements de nature délicate qu'on a fomenté la dissension et la peur chez ses collègues et ses subordonnés. Il a déclaré n'avoir jamais enfreint les politiques du CIPC ou du SIRRF.

    [94]      M. Copp a déclaré être convaincu que la direction de l'ADRC a été embarrassée par le rapport de vérification interne quand elle a su qu'on ne se conformait pas à ses politiques ni à ses procédures de sécurité, et qu'il en a résulté une campagne de diffamation dont il a été le bouc émissaire.

    [95]      Il a soutenu qu'on avait établi qu'il entretenait des relations harmonieuses avec ses collègues et ses subordonnés, qu'il avait reçu des primes en reconnaissance de son travail et que ses évaluations de rendement étaient supérieures à la moyenne.

    [96]      L'enquête de M. Kozak a commencé en décembre et s'est terminée à la mi-avril, après quoi M. Anderson a mené une autre enquête qui s'est terminée à la mi-juin. M. Copp avait été envoyé à Penticton où il a dû habiter pendant six mois loin de son foyer, à l'hôtel, même s'il était considéré comme en voyage en service commandé, sans être autorisé à réserver sa chambre d'hôtel pour plus d'une semaine à la fois, en attendant que les enquêtes se terminent. Cette façon de procéder est contraire à la politique disciplinaire même de l'ADRC (pièce E-17), qui stipule que l'employeur n'a que deux possibilités en pareil cas :

  • affectation à des fonctions moins délicates; ou
  • suspension sans traitement pour une période indéterminée.
  • [97]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'employeur l'a retiré de ses fonctions à Penticton et l'a empêché de se présenter au travail en lui enjoignant de rester dans une chambre d'hôtel pendant six mois. C'était extrêmement stressant pour lui parce que l'employeur ne lui a jamais dit quand ces enquêtes étaient censées se terminer. Il en a souffert psychologiquement, physiquement et mentalement. En fait, son médecin lui a dit qu'un traitement pareil a eu et va continuer d'avoir de graves répercussions sur sa santé.

    [98]      M. Copp a soutenu par ailleurs que la lettre de licenciement ne fait aucune allusion à son casier judiciaire.

    [99]      Il a déclaré en outre être convaincu que Bill Anderson et Al Watt, qui est aussi un enquêteur, avaient décidé de se livrer à une longue et sordide chasse aux sorcières (pièce G-18) pour étayer l'enquête en l'espèce. Ils ont enquêté sur des allégations comme la falsification de documents de l'ADRC et le vol de temps, ainsi que sur des actes d'inconduite, alors que rien de tout cela n'a jamais été prouvé. La politique disciplinaire de l'ADRC prévoit que les gestionnaires sont tenus d'être objectifs et d'enquêter sur des faits. On peut d'ailleurs lire à la dernière phrase du paragraphe 4 de la pièce G-18 qu'il serait très utile que l'on puisse prouver qu'il y a eu vol de temps ou fraude quant aux heures de travail déclarées. M. Copp a affirmé que ce n'était pas une façon objective et juste de procéder, mais une tentative de trouver un prétexte quelconque pour le licencier.

    [100]      Il a souligné aussi avoir expliqué à l'enquêteur qu'il avait pris de l'argent dans la petite caisse sans laisser de note explicative. Il a reconnu qu'il aurait dû prendre connaissance des politiques applicables à la gestion des fonds publics, en déclarant par contre qu'il commençait un nouvel emploi, sans formation, dans un bureau où il y avait eu des problèmes de personnel dans le passé, et qu'il n'avait jamais eu le temps de lire les politiques. En fait, Mme Doucet a témoigné que, en sa qualité d'inspecteure des douanes au bureau de Roosville, elle avait personnellement laissé une autre personne avoir accès à la petite caisse, et que de nombreux inspecteurs des douanes s'en servent pour faire de la monnaie.

    [101]      Si la direction a déclaré qu'il avait menti à Mme Doucet au sujet de la contravention d'avertissement, M. Copp a soutenu qu'il ne voulait pas que le personnel soit curieux quant à son nom de famille à la naissance et qu'il cherche à se renseigner sur son compte dans la base de données du CIPC. Les deux fois qu'il a été interrogé, il a admis avoir mal agi dans ce contexte, en expliquant qu'il avait le choix entre deux mensonges, un gros et un petit, le petit sur son nom de famille, qui figurait sur la contravention, et le gros sur sa condamnation pour voies de fait contre sa compagne. Il a aussi déclaré que le personnel ne respecte pas toujours les règles d'accès aux données du CIPC.

    [102]      M. Copp a déclaré que si l'arbitre que je suis examinait attentivement les pièces qu'il a déposées, il constaterait que beaucoup d'entre elles sont estampillées pour attester qu'elles ont été obtenues en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme la pièce G-23 le prouve, il a demandé des renseignements à l'ADRC en août 2001, et ce n'est que le 16 novembre 2001, soit 86 jours après les avoir demandés et grâce à l'intervention du Commissariat à la protection de la vie privée, qu'il a fini par recevoir les documents en question.

    [103]      En ce qui concerne son arrestation par le gendarme Grace, M. Copp a déclaré n'avoir jamais été informé de ses droits garantis par la Charte ni averti, contrairement à ce qu'allègue la lettre de licenciement (pièce E-1). La preuve présentée par le gendarme Grace ne fait pas état d'une arrestation. Le gendarme Grace aurait pu considérer M. Copp comme étant en état d'arrestation, mais celui-ci ne s'est jamais senti arrêté, de sorte qu'il n'avait aucune obligation de signaler l'incident à son employeur.

    [104]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a terminé sa plaidoirie en déclarant qu'il ne croit pas que sa réintégration au Ministère perturberait le service. C'est une grosse organisation et il pourrait être affecté à d'autres directions.

    [105]      À l'appui de son raisonnement, le fonctionnaire s'estimant lésé a invoqué la jurisprudence suivante : Re Versacold Group and Teamsters, Local 419 (1999), 85 L.A.C. (4th) 366; Re Teamsters Union, Local 880 & Reimber Expresslines Ltd. (1958), 8 L.A.C. 341; Jalal (dossier de la Commission 166-2-27992); Hampton (dossier de la Commission 166-2-28445); Re C & C Lath Ltd. and International Woodworkers - Canada, Local 1-80 (1992), 28 L.A.C. (4th) 111; Re Air Canada and Canadian Auto Workers, Local 2213 (Desroches) (1999), 86 L.A.C. (4th) 232; Ling (dossiers de la Commission 166-2-27472 et 17975); Matthews (dossier de la Commission 166-2-27336); Graves (dossiers de la Commission 149-2-199 et 166-2-28758); Fontaine-Ellis (dossier de la Commission 166-2-27804); Laurin (dossier de la Commission 166-2-28147); Taylor (dossier de la Commission 166-2-28563); Lockwood (dossier de la Commission 166-2-27701); Singh 2000 CRTFP 39 (166-2-29399) et Re Maritime Telegraph & Telephone Co. Ltd. and Atlantic Communication & Technical Workers' Union (1991), 24 L.A.C. (4th) 58.

    Réfutation

    [106]      L'avocate de l'employeur a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé continue à invoquer des irrégularités procédurales comme excuses.

    [107]      En ce qui concerne la longueur des enquêtes, il faut souligner que l'enquête interne a été nationale. En effet, l'enquêteur a dû obtenir des renseignements de la GRC et de la police locale d'Halifax, de responsables des statistiques de l'état civil de l'Ontario, de fonctionnaires du gouvernement de la Colombie-Britannique et d'agents de sécurité de cette province, et que cet enquêteur (M. Kozak) était seul pour faire tout ce travail.

    [108]      Dans le cas de l'enquête de M. Anderson, il y avait plusieurs allégations d'inconduite et de nombreuses personnes en cause.

    Motifs de la décision

    [109]      L'employeur a la charge de prouver que, en raison de ses actes d'inconduite et de son manquement aux normes de conduite, au code de déontologie et aux politiques financières de l'ADRC, le licenciement de M. Copp et la révocation de sa cote de fiabilité approfondie étaient justifiés.

    [110]      L'avocate de l'employeur a produit des éléments de preuve qui démontrent clairement qu'il était interdit au fonctionnaire s'estimant lésé de conduire un véhicule où que ce soit au Canada et que son permis de conduire était suspendu quand il a présenté sa candidature au poste d'inspecteur des douanes (PM-02), pour lequel les candidats étaient tenus d'être détenteurs d'un permis de conduire valide.

    [111]      La pièce E-22, l'ordonnance du tribunal interdisant la conduite d'un véhicule à moteur, précise que : [traduction] « Il est interdit au délinquant de conduire un véhicule automobile sur une rue, une route, une autoroute ou dans tout autre endroit public au Canada pour une période d'un an. Daté à Halifax, province de Nouvelle-Écosse, ce deuxième jour de juillet 1997 ». L'ordonnance cite aussi le paragraphe 259(4) du Code criminel du Canada :

    Quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire au Canada pendant qu'il lui est interdit de le faire est coupable :

    a)  soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans;

    b)  soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

    [112]      Le 2 juillet 1997, le fonctionnaire a accusé réception de cette ordonnance en signant l'attestation suivante : [traduction] « que je l'ai vue/ou qu'elle m'a été lue et que j'ai été informé de la disposition du paragraphe 259(4) du CODE CRIMINEL DU CANADA. »

    [113]      Dans son témoignage, M. Kozak a déclaré que le Rapport quotidien sur l'utilisation des véhicules avait confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit un véhicule de Revenu Canada jusqu'à Chopaka le 12 juin 1998, contrevenant ainsi à l'ordonnance qui lui interdisait de conduire.

    [114]      Je conclus comme l'employeur que M. Copp ne satisfaisait pas aux exigences du poste annoncé dans l'avis de concours (pièces E-6 et E-7), à savoir que : [traduction] « Les candidats doivent détenir un permis de conduire valide », et qu'il a effectivement conduit un véhicule de Revenu Canada alors qu'il était sous le coup d'une ordonnance qui lui interdisait de conduire, enfreignant ainsi le paragraphe 259(4) du Code criminel du Canada.

    [115]      En septembre 1997, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé et obtenu un permis de conduire de la Colombie-Britannique, sous le nom de Huett. Le 15 octobre 1997, il s'est présenté à l'examen écrit pour le poste d'inspecteur des douanes (PM-02); en sa qualité de candidat heureux, il a ensuite été en formation pendant 14 semaines à Rigaud, au Québec. Ce n'est pas avant le 10 février 1998 qu'il s'est retrouvé coincé, quand il a dû décider s'il devait dire s'appeler Huett dans la formule « Demande d'enquête de sécurité sur le personnel et autorisation » (pièce E-10), ce qui aurait signalé aux responsables de la sécurité qu'il avait plus d'un nom de famille (et de toute évidence déclenché une enquête de sécurité approfondie). En continuant à dire s'appeler Copp sur la formule, le fonctionnaire s'estimant lésé courait la chance que personne ne vérifierait ses antécédents parce qu'il était déjà fonctionnaire, après tout, et qu'il était connu au Ministère. Et la manouvre a réussi jusqu'à ce que Mme Doucet découvre sa contravention d'avertissement pour excès de vitesse au nom de James Huett. Quand il a menti à Mme Doucet en lui disant qu'il avait été stupide et qu'il avait prêté le véhicule des Douanes à un copain et que c'était celui-ci qui avait eu la contravention, il mentait selon moi pour cacher son autre identité. Une vérification au CIPC aurait révélé qu'il n'avait pas de permis de conduire valide et qu'il n'aurait même pas dû être considéré pour le poste de PM-02, sans compter que ses nombreuses arrestations et condamnations auraient pu avoir des répercussions sur sa cote de fiabilité approfondie.

    [116]      L'explication du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle il n'avait été ni arrêté, ni informé de ses droits garantis par la Charte, ni dûment averti le 21 août 1998 n'est pas plausible. N'importe quelle personne raisonnable - surtout un agent de la paix qui arrête des gens dans l'exercice de ses fonctions - n'aurait jamais cru qu'il n'avait pas été arrêté. Le gendarme Grace a d'ailleurs témoigné que M. Copp était en état d'arrestation. Il a dû prendre place sur la banquette arrière de la voiture de police; il s'est fait demander s'il voulait faire une déclaration et s'il voulait un avocat; il s'est fait photographier; on a pris ses empreintes digitales. À mon avis, le fonctionnaire s'estimant lésé a bel et bien été arrêté. Toutefois, même s'il ne croit pas l'avoir été, le fait reste qu'il n'a jamais communiqué avec son superviseur ou avec la haute direction pour les informer que la police l'avait interrogé. Il avait l'occasion d'informer la direction et de la mettre au courant, mais il a choisi de ne pas le faire parce qu'il voulait lui cacher ses antécédents.

    [117]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a aussi admis ne pas avoir lu les lignes directrices et les procédures du Manuel de gestion financière (pièce E-11). En prenant 80 $ dans la petite caisse et en n'y remettant cet argent que quatre à six jours plus tard, il a effectivement violé ces politiques.

    [118]      Compte tenu de ces faits, il faut peser la jurisprudence applicable. Quelle est la sanction appropriée lorsqu'on ment dans sa demande d'emploi? À cet égard, je me reporte à la décision rendue dans Re Douglas Aircraft Co. of Canada Ltd. and United Automobile Workers, Local 1967 (1973), 2 L.A.C. (2d) 147, où l'on peut lire ce qui suit à la page 153 :

    [Traduction]

    [...] il me semble qu'au moins quatre résultats peuvent se produire chaque fois qu'un candidat ment dans sa demande d'emploi lorsqu'elle est accompagnée d'une déclaration signifiant que les renseignements qu'il donne sont vrais. Premièrement, les renseignements cachés ou trompeurs ont été cachés ou donnés innocemment, auquel cas, s'ils ne sont pas susceptibles d'influer sur le rendement au travail, l'employé ne sera vraisemblablement pas congédié quand l'erreur sera découverte ultérieurement. Deuxièmement, si les renseignements peuvent influer sur son rendement, en dépit du fait qu'ils auraient pu être cachés ou donnés innocemment, l'employé peut effectivement être congédié. Troisièmement, si les renseignements sont délibérément cachés ou sciemment mensongers parce que l'intéressé veut obtenir l'emploi, quand on le constate par la suite, la fausse représentation justifie qu'il soit mis fin à la relation d'emploi. Le quatrième et dernier résultat possible peut impliquer la renonciation au droit de l'employeur de mettre fin à la relation d'emploi si sa conduite indique clairement qu'il tolère ce que le candidat a fait.

    [C'est nous qui soulignons.]

    [119]      En l'espèce, le fonctionnaire s'estimant lésé a délibérément caché qu'il avait deux noms de famille (Huett et Copp) et que, au moment où il avait fait acte de candidature au poste d'inspecteur des douanes (PM-02), il n'était pas détenteur d'un permis de conduire valide, alors que c'était une exigence de Revenu Canada précisée dans l'avis de concours même. Qui plus est, il a enfreint le paragraphe 259(4) du Code criminel en conduisant un véhicule alors qu'une ordonnance d'un tribunal lui interdisait de le faire. Durant toute l'audience, M. Copp s'est essentiellement efforcé de blâmer la direction de ne pas s'être conformée à ses propres politiques de sécurité, en s'en prenant au fait qu'un agent autorisé avait mal rempli une formule et en attaquant les contradictions dans le rapport du gendarme Grace ainsi que dans les politiques disciplinaires de l'ADRC.

    [120]      Je suis d'accord avec le fonctionnaire s'estimant lésé lorsqu'il déclare que quiconque présente ses empreintes digitales et consent à ce qu'on fasse une vérification de sécurité sur son compte en déclarant avoir été reconnu coupable d'une infraction criminelle et en précisant volontairement la nature d'une infraction criminelle quelconque devrait s'attendre à ce qu'un employeur fasse les enquêtes de sécurité requises. Il est certain que l'employeur aurait dû le faire, mais son omission ne justifie pas les actes d'inconduite de l'intéressé.

    [121]      L'employeur ne s'est pas conformé non plus à sa propre politique disciplinaire en n'informant pas régulièrement le fonctionnaire s'estimant lésé du temps (six mois) que l'enquête prendrait. Bien que M. Copp soit resté à l'hôtel pendant toute cette période en service commandé, il ne savait pas quand l'enquête allait se terminer. Je suis convaincu que c'était une période très stressante pour lui et je suis d'accord avec lui là-dessus.

    [122]      Bien que je souscrive à la conclusion du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il y avait des contradictions, des oublis et de l'ineptie dans la conduite de l'employeur, la preuve claire, probante et conséquente que son avocate a produite à l'égard des allégations contre M. Copp les minimise.

    [123]      Quoi qu'il en soit, il vaut la peine de souligner que, dans Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), C.A.F. dossier A-66-85, la Cour d'appel fédérale a jugé que toutes ces lacunes procédurales sont corrigées quand l'affaire est réentendue depuis le début par un arbitre.

    [124]      Pour conclure, si je devais ordonner la réintégration de M. Copp, qui n'aurait jamais dû être considéré pour le poste d'inspecteur des douanes parce qu'il n'avait pas de permis de conduire valide, je saperais fondamentalement une des règles essentielles à l'intégrité de la fonction publique. Les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à ce que les gens qui veulent être embauchés ou promus dans la fonction publique soient honnêtes et francs, à ce qu'ils se comportent de façon professionnelle et qu'ils soient nommés selon leur mérite. À mon avis, l'intégrité suppose qu'on évite toute communication trompeuse, manipulatrice ou indigne. Un mensonge est une communication quelconque dans l'intention de tromper autrui. Que l'on communique avec des mots ou par son comportement, quand on est intègre, on ne peut pas avoir l'intention de tromper.

    [125]      Après avoir pesé toute la preuve qui m'a été soumise, de même que les arguments des parties, je conclus que l'employeur a prouvé que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas conformé aux normes de conduite, au code de déontologie et aux politiques de gestion financière de l'ADRC. Ses actes d'inconduite sont graves et je suis convaincu que la décision de l'employeur de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé était la sanction disciplinaire appropriée.

    [126]      Je ne vois ici aucun potentiel de réhabilitation. Jamais au cours de l'audience M. Copp n'a admis ou avoué s'être porté candidat au poste d'inspecteur des douanes alors qu'il n'avait pas de permis de conduire valide, ni avoir conduit un véhicule de Revenu Canada pendant qu'il était sous le coup d'une ordonnance qui lui interdisait de conduire, enfreignant ainsi le Code criminel du Canada, ni avoir été arrêté pour l'incident à la boîte de nuit Elements, et il n'a jamais présenté d'excuses pour ces actes non plus. L'ADRC a le droit de s'attendre à ce que ses employés qui sont chargés de protéger nos frontières agissent de façon professionnelle et respectent les lois qu'on leur a confié la tâche de faire respecter.

    [127]      Pour tous ces motifs, je ne trouve aucune raison de réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé dans ses fonctions ni de lui rendre sa cote de fiabilité approfondie.

    [128]      Même si l'avocate de l'employeur n'a pas produit de preuves pour qu'on ne rende pas à M. Copp sa cote de fiabilité approfondie, j'estime que, s'il souhaitait briguer un autre poste dans la fonction publique, on enquêterait en tenant compte de toute l'information disponible avant de lui accorder cette cote.

    [129]      En raison de tous les motifs qui précèdent, le grief est rejeté.

    D.R. Quigley,
    commissaire

    OTTAWA, le 31 janvier 2003.

    Traduction de la C.R.T.F.P.

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