Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation de la convention collective - Prime de poste - Prime de fin de semaine -Admissibilité des heures supplémentaires effectuées immédiatement après un poste - Rétroactivité de la réparation - les fonctionnaires s'estimant lésés, qui travaillent par postes, ont contesté le refus de l'employeur de leur verser une prime de poste et une prime de fin de semaine pour des heures supplémentaires effectuées immédiatement après leur poste du soir - les fonctionnaires s'estimant lésés ont touché une rémunération à tarif et demi pour les heures supplémentaires effectuées et ont touché une prime de poste pour les heures normalement prévues à l'horaire, mais l'employeur a refusé de leur verser la prime de poste ou la prime de fin de semaine pour les heures supplémentaires effectuées - l'agent négociateur a fait valoir que la prime de poste est versée à tous les employés qui travaillent par postes et qui effectuent plus de la moitié des heures de leur poste entre 16 h 00 et 8 h 00 - en ce qui concerne la prime de fin de semaine, l'agent négociateur a expliqué que celle-ci était payable aux employés dont les postes de travail étaient le samedi ou le dimanche - la convention collective ne précise pas que le poste de travail doit être prévu à l'horaire de la fin de semaine pour que l'employé ait droit à une prime de fin de semaine pour les heures supplémentaires effectuées immédiatement après le poste de soirée du vendredi - l'employeur a fait valoir que les heures supplémentaires sont compensées par les clauses particulières pour le surtemps et diffèrent des primes de postes et de fin de semaine - l'employeur a donc prétendu que les primes de fin de semaine et de poste ne peuvent pas être cumulées à la rémunération pour les heures supplémentaires, et que les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas droit au paiement de ces primes puisque les heures supplémentaires effectuées n'étaient pas prévues à leur horaire - après avoir analysé l'article de la convention collective et la jurisprudence pertinente, l'arbitre a statué que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient le droit de toucher une prime de poste pour les heures travaillées suite à leur poste de soirée - l'arbitre a statué que le renvoi aux heures supplémentaires dans l'article de la convention collective sur la prime de poste indiquait que les parties avaient eu l'intention de rémunérer les heures supplémentaires de la même manière que les heures prévues à l'horaire des postes et, comme les heures supplémentaires étaient rattachées à un poste pour lequel une prime était payable, celle-ci était également payable pour les heures supplémentaires en question - en ce qui concerne la prime de fin de semaine, l'arbitre a conclu qu'elle n'était pas payable parce que les heures supplémentaires effectuées après minuit suivaient immédiatement un poste pour lequel la prime de fin de semaine n'était pas payable - il a conclu, toutefois, qu'une prime de poste aurait été payable pour les heures supplémentaires en question puisqu'elles suivaient immédiatement un poste pour lequel une prime de poste était payable - en citant la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Coallier, l'arbitre a limité le redressement à 25 jours de la date de présentation des griefs. Grief accueilli en partie. Décisions citées :Barnes et Solowich (166-2-1828 et 1829); Duval (166-2-12382); Cox (166-2-15399); Coallier [1983] A.C.F. No 813 (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-09-24
  • Dossiers:  166-34-31433 et 31434, 166-34-31435, 166-34-31436
  • Référence:  2003 CRTFP 81

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

R. LÉTOURNEAU, C. LÉTOURNEAU, J. BENOÎT
fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant:  Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésés :   
Francine Cabana, Alliance de la Fonction publique du
                              Canada

Pour l'employeur :   Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Québec (Québec),
le 25 juin 2003


[1]      Les fonctionnaires s'estimant lésés ont déposé des griefs auprès de leur employeur en date du 21 juin 2000 pour Jacques Benoît, le 29 août 2000 pour Richard Létourneau (2 griefs) et le 11 octobre 2000 pour Carl Létourneau.

[2]      Les parties ont convenu d'un énoncé conjoint des faits rédigé comme suit :

1.     Les employés sont couverts par la convention collective entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de l'Alliance de la fonction publique du Canada expirant le 31 octobre 2000;
2.     En 2000, les trois individus étaient des douaniers, PM-02, travaillant sur un horaire variable selon des quarts de travail préétablis, respectivement à l'aéroport de Québec et au Service maritime de Montréal;
3.     Les trois employés contestent le refus de l'employeur de payer la prime de poste (27.01 de la convention collective) ou la prime de fin de semaine (27.02 de la convention collective) pour des heures effectuées la nuit;
4.     Au moment des griefs, l'aéroport de Québec et le Service maritime de Montréal n'avaient pas de quart de nuit à ces lieux de travail;
5.     Au moment des griefs, l'aéroport de Québec n'a pas de quart de travail de nuit la fin de semaine;
6.     À l'époque des griefs, les employés ont effectué du temps supplémentaire au-delà de leur quart de travail. Les parties s'entendent sur les heures de travail des employés pour chaque grief à savoir :
00-3921-17461 :
(dossier de la Commission 166-34-31433)
Période de travail du 25 août 2000. Demande l'application de l'article 27.01 de la convention collective (prime de poste). L'employé a travaillé le 18 août sur le quart de travail de 16h00 à 00h00 et a continué sa période de travail entre 00h01 et 1h00 le 19 qui était rattachée à sa période du 18 août.
00-3921-17462 :
(dossier de la Commission 166-34-31434)
Même événement que le grief 17461. Période de travail du 25 août 2000. Demande l'application de l'article 27.02 de la convention collective (prime de fin de semaine). L'employé a travaillé le 18 août (vendredi) sur le quart de travail de 16h00 à 00h00 et a continué sa période de travail entre 00h01 et 1h00 le 19 qui était rattaché à sa période du 18 août.
00-3921-18671 :
(dossier de la Commission 166-34-31435)
Période de travail du 29 septembre 2000. Demande l'application de l'article 27.01 de la convention collective (prime de poste). Le quart de travail de l'employé à cette période est de 16h00 à 24h00. Dans la nuit du 25 et du 27 septembre, l'employé a continué son travail entre 00h01 à 00h30.
00-3921-16208 :
(dossier de la Commission (166-34-31436)
Période du 22 octobre 1999 et période du 25 mai 2000. Demande l'application de 17.01 de la convention collective (prime de poste). Le 22 octobre le quart de travail était de 15h00 à 23h00. L'employé a continué son travail de 23h00 à 3h00. Le 25 mai 2000 le quart de travail était de 15h00 à 23h00. L'employé a continué son travail de 23h00 à 8h00.
7.     Les employés ont été rémunérés pour leur temps supplémentaire;
8.     Les employés n'ont pas reçu leur prime de poste ou prime de fin de semaine pour leur travail effectué lorsqu'aucun quart de travail n'était à l'horaire à savoir :
00-3921-17461 :
(dossier de la Commission 166-34-31433)
Entre 00h01 et 1h00 le 19 qui était rattachée à sa période du 18 août. Ce grief demande également le paiement de la prime de poste pour l'avenir.
00-3921-17462 :
(dossier de la Commission 166-34-31434)
Entre 00h01 et 1h00 le 19 août (samedi). Ce grief demande également le paiement de la prime de fin de semaine pour l'avenir.
00-3921-18671 :
(dossier de la Commission 166-34-31435)
Les 25 et du 27 septembre, entre 00h01 et 00h30. Ce grief demande également le paiement de la prime de poste pour l'avenir.
00-3921-16208 :
(dossier de la Commission 166-34-31436)
Le 22 octobre 1999 et 25 mai 2000 de 23h00 à 8h00.

[3]      Les articles pertinents de la convention collective précisent comme suit, les primes de poste et de fin de semaine:

ARTICLE 27

PRIMES DE POSTE

[…]

27.01 Prime de poste

L'employé-e qui travaille par postes, dont la moitié ou plus des heures sont habituellement prévues entre 16 h et 8 h, touche une prime de poste d'un dollar et soixante (1,60$) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 16 h et 8 h. La prime de poste n'est pas payée pour les heures de travail effectuées entre 8 h et 16 h.

[…]

27.02 Prime de fin de semaine

a)   L'employé-e qui travaille par postes, la fin de semaine,
reçoit une prime supplémentaire d'un dollar et soixante (1,60$) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

[…]

[4]      Les parties admettent que les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent par poste au sens de la convention collective.

[5]      Les fonctionnaires ont reçu la prime de poste pour les heures de travail prévus à leurs quarts de travail (de 16h00 à 00h00 ou de 15h00 à 23h00, selon les cas) et ont été rémunérés selon le tarif des heures supplémentaires (sans prime de poste ou de fin de semaine) pour le temps qu'ils ont travaillé au-delà de leurs quarts de travail.

[6]      Les fonctionnaires demandent que l'employeur leur verse la prime de poste ou la prime de fin de semaine pour les durées précisées dans leurs griefs respectifs. Ils demandent en plus de recevoir ces primes pour le travail qu'ils ont effectué de nuit ou de fin de semaine depuis le 1er novembre 1999. Ils demandent aussi de recevoir les primes pour le travail qu'ils effectueront à l'avenir.

Plaidoirie pour l'agent négociateur

[7]      L'avocate de l'agent négociateur soumet que la clause 27.01 de la convention collective prévoit qu'une prime de poste est versée pour les employé(e)s travaillant par poste et dont la moitié ou plus des heures sont habituellement prévues entre 16h00 et 8h00. Une prime d'un dollar et soixante (1,60$) l'heure est payée pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 16h00 et 8h00. La prime de poste n'est pas payée pour les heures de travail effectuées entre 8h00 et 16h00.

[8]      Les trois fonctionnaires ont travaillé sur le quart de travail du soir de 16h00 à 00h00, Richard Létourneau le 18 août 2000, Carl Létourneau les 25 et 27 septembre 2000 de 15h00 à 23h00 et Jacques Benoît le 22 octobre 1999 et le 25 mai 2000.

[9]      L'employeur n'a pas respecté les stipulations de la clause 27.01 de la convention collective en refusant de payer la prime de poste pour les heures supplémentaires effectuées par les fonctionnaires à la suite de leurs quarts de travail dont la moitié des heures était prévue entre 16h00 et 8h00. L'arbitre doit accepter les griefs, déclarer que l'employeur n'a pas respecté la clause 27.01 de la convention collective, ordonner à l'employeur de verser les primes de poste aux fonctionnaires pour les périodes visées par les griefs et pour toutes les périodes de même nature depuis le 1er novembre 1999 ainsi que pour l'avenir.

[10]      La clause 27.02 prévoit une prime de fin de semaine pour l'employé(e) qui travaille par poste la fin de semaine, reçoit une prime d'un dollar et soixante (1,60$) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires effectuées le samedi et(ou) le dimanche. Rien ne précise en cet article que le quart de travail doit être habituellement prévu la fin de semaine pour que la prime soit attribuée. Richard Létourneau a effectué du temps supplémentaire le samedi suite à son quart de travail du vendredi de 16h00 à 00h00 et a droit en conséquence à recevoir la prime de fin de semaine pour le temps supplémentaire travaillé entre 00h01 et 01h00, le samedi 19 août 2000.

[11]      L'arbitre doit accepter le grief, déclarer que l'employeur n'a pas respecté la clause 27.02 de la convention collective, ordonner à l'employeur de verser la prime de poste au fonctionnaire pour la période couverte par le grief et pour toutes les périodes de même nature depuis le 1er novembre 1999, ainsi que pour l'avenir.

Plaidoirie pour l'employeur

[12]      L'avocat de l'employeur soumet que les fonctionnaires ne peuvent pas demander de faire rétroagir la décision pour plus de 25 jours selon le principe établi par l'arrêt Coallier [1983] A.C.F. no. 813 et l'arbitre ne devrait pas accepter de faire rétroagir la décision au 1er novembre 1999.

[13]      L'article 27 de la convention collective doit être interprétée dans un contexte général, en considérant que les objectifs particuliers des primes de poste et de fin de semaine sont pour inciter les employés à accepter des quarts de travail en dehors des heures de travail de jour.

[14]      Les heures supplémentaires sont compensées par les clauses particulières pour le surtemps et diffèrent des primes de postes et de fin de semaine. Les primes n'ont pas pour objectif de compenser le temps supplémentaire qui est couvert par l'article 28 de la convention collective. Cette distinction entre la prime pour temps supplémentaire et la prime de poste y est précisée à la décision de l'arbitre David M. Beatty dans la cause Barnes et Solowich et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-1828 et 166-2-1829). Cette interprétation est reprise dans la décision Duval et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-12382).

[15]      Dans la décision Samborksy et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-19803 à 166-2-19805) le commissaire T.O. Lowden précise que le terme « poste », non défini à la convention collective, correspond aux heures régulières d'un fonctionnaire, telles qu'elles sont établies par l'employeur selon un horaire prévu à la convention collective. Dans ce dossier, la clause M-31.01 est textuellement la même qu'au présent dossier (sauf en ce qui a trait au montant de la prime). Comme le temps supplémentaire n'est pas prévu à l'horaire d'un fonctionnaire, il ne donne pas droit à la prime pour les heures de travail qui sont effectués en surtemps.

[16]      Aux présents dossiers, les fonctionnaires ont effectué des heures supplémentaires qui leur donnent droit à la rémunération au taux majoré des heures supplémentaires mais ne constituent pas un poste ouvrant droit aux primes prévues aux clauses 27.01 et(ou) 27.02. De plus, les primes de poste ne peuvent pas être cumulées à la rémunération pour les heures supplémentaires et les griefs devraient être rejetés en conséquence.

[17]      En réplique, la représentante de l'agent négociateur soumet qu'il a été reconnu dans la décision Cox et le Conseil du Trésor [1988] C.R.T.F.P. no. 11, que lorsque la période de travail d'un employé excède la durée du poste normalement prévu à l'horaire, il a droit à une prime si le poste normal auquel les heures supplémentaires sont accolées commande le versement d'une telle prime.

[18]      D'autre part, si la prime de poste n'est payable que pour les heures habituellement prévues à l'horaire entre 16h00 et 8h00, il en est autrement pour la prime de fin de semaine qui est payable pour toutes les heures de travail effectuées le samedi ou le dimanche suivant le libellé de la clause 27.02.

Motifs de la décision

[19]      Dans les dossiers 166-34-31433 (Richard Létourneau), 166-34-31435 (Carl Létourneau), et 166-34-31436 (Jacques Benoît), les fonctionnaires réclament une prime de poste pour les heures supplémentaires qu'ils ont effectuées à la suite de leurs quarts de travail. Pour chacun d'eux, leur quart régulier de travail, pour les périodes en cause, était de soir (de 16h00 à minuit dans les 2 premiers cas et de 15h00 à 23h00 dans le troisième).

[20]      La preuve démontre que les fonctionnaires en cause ont reçu la prime de poste pour les heures de travail qu'ils ont effectuées lors de leur quart de travail régulier de soir et que l'employeur les a rémunérés au taux majoré du temps supplémentaire, pour les heures travaillées en surtemps.

[21]      Les fonctionnaires allèguent dans leurs griefs qu'ils sont en droit de recevoir la prime de poste pour les heures travaillées en surtemps, en plus de la rémunération reçue sur la base du taux des heures supplémentaires.

[22]      L'employeur refuse de verser la prime de poste pour les heures effectuées par les fonctionnaires en temps supplémentaire au-delà des heures habituellement prévues en leurs quarts de travail, soit de 16h00 à minuit ou de 15h00 à 23h00. Ces quarts réguliers de travail sont considérés des quarts de soir ouvrant droit à la prime de poste prévue à la clause 27.01 de la convention collective et l'employeur a effectivement payé la prime aux fonctionnaires pour les heures prévues à ces quarts de travail.

[23]      L'employeur motive son refus de verser la prime de poste pour les heures effectuées en temps supplémentaire sur la base que ces heures supplémentaires ne sont pas des heures « habituellement prévues » selon la clause 27.01 prévoyant le versement d'une prime de poste. De plus, l'employeur soumet que la jurisprudence empêche le cumul des primes de poste et de la rémunération versée selon le tarif spécifique des heures supplémentaires.

[24]      L'analyse de la clause 27.01 de la convention collective et des décisions rendues relativement à des clauses similaires m'amène à conclure que les fonctionnaires sont en droit de recevoir la prime de poste pour les heures de travail effectuées en temps supplémentaire suite à leurs postes du soir. Le temps supplémentaire fut effectué immédiatement à la suite du quart régulier de travail dans chacun des trois dossiers précités et ces quarts de travail donnaient droit à une prime de poste selon la clause 27.01 de la convention collective.

[25]      Dans la décision rendue dans la cause de R. Barnes et G. Solowich (supra), l'arbitre David M. Beatty vient à la conclusion suivante :

Dans le secteur privé, on doit alors tout au moins reconnaître, comme M. Newman l'affirmait, qu'en l'absence d'une mention précise à cet effet dans la convention collective, il existe des doutes quant à savoir si un employé a le droit de recevoir tant la prime des heures supplémentaires accomplies que la prime de poste pour les mêmes heures effectuées. En résumé, la jurisprudence en matière d'arbitrage dans ce domaine tendrait à appuyer l'affirmation de M. Newman selon laquelle les parties avaient l'intention d'inclure l'expression « y compris les heures supplémentaires effectuées » comme mise au point afin d'assurer que l'employé auquel M. Newman fait allusion dans son hypothèse ait droit à la prime de poste en plus du taux de rémunération des heures supplémentaires pour les heures travaillées au cours du poste du soir. En somme, le langage qu'emploient les parties à l'égard de la prime de poste correspond (et s'explique par celle-ci) à l'interprétation habituellement donnée par les arbitres à de telles clauses, tout au moins dans le secteur privé.

[Le souligné est du soussigné]

[26]      La clause 31.01 de la convention collective considérée par l'arbitre Beatty est similaire à la clause 27.01 s'appliquant aux présents dossiers et les termes « y compris les heures supplémentaires » qui y sont utilisés sont bien placés entre deux virgules. Ainsi, suivant le principe élaboré dans la décision R. Barnes et G. Solowich (supra), les parties avaient l'intention d'inclure l'expression placée entre virgules, comme mise au point afin d'assurer que les employés aient droit à la prime de poste en plus du taux de rémunération des heures supplémentaires pour les quarts de travail ouvrant droit à la prime de poste.

[27]      L'exemple soumis par M. Newman à l'arbitre Beatty est présentée comme suit dans sa décision R. Barnes et G. Solowich (supra) :

A titre d'exemple, M. Newman a cité le cas d'un employé dont le poste normal serait prévu de 7 h 30 à 16 h un jour donné, et à qui on demanderait ensuite d'effectuer le poste du soir. Il est évident que ledit employé aurait droit d'être rémunéré au taux d'heures supplémentaires pour ce poste du soir et il est fort probable qu'il exigerait également la prime de poste pour ces heures. M. Newman a soutenu que s'il n'était pas fait mention des heures supplémentaires dans la clause 31.01, un employeur pourrait très bien dans un tel cas, refuser de verser la prime de poste réclamé par l'employé, alléguant que s'il l'accordait, il permettrait injustement « l'accumulation » de tels avantages. En conséquence, M. Newman a ajouté que l'expression « y compris les heures supplémentaires effectuées » a été insérée dans la clause 31.01 afin d'assurer que l'employé auquel il a fait allusion dans son hypothèse aurait droit à la prime de poste de même qu'au taux des heures supplémentaires pour le poste du soir et qu'il serait traité sur un pied d'égalité avec un employé tel que M. Barnes qui a également été rémunéré pour huit heures de travail au taux des heures supplémentaires ainsi que pour huit heures au taux de prime.

[Le souligné est du soussigné]

[28]      Ainsi, selon cette décision, la ponctuation utilisée à la clause 27.01 de la convention collective du présent dossier nous indique clairement que la prime de poste est payable pour les heures effectuées en temps supplémentaire et doit s'ajouter en fait à la rémunération déjà versée aux fonctionnaires au taux des heures supplémentaires.

[29]      Le vice-président J.-M. Cantin, agissant comme arbitre dans la cause de Duval et le Conseil du Trésor (supra), a conclu que le fonctionnaire avait droit à la prime de poste pour les heures effectuées en temps supplémentaires, et pour lesquelles il avait été rémunéré selon le taux d'heures supplémentaires. Il a repris à son compte l'interprétation suggérée par M. Newman dans l'exemple soumis dans la cause R. Barnes et G. Solowich précitée.

[30]      L'interprétation précisée dans les décisions R. Barnes et G. Solowich (supra) et Duval (supra) peut recevoir application au présent dossier, les heures supplémentaires effectuées par les fonctionnaires étant toutes situées dans des postes ou plus de la moitié des heures se situent entre 16 h 00 et 8 h 00, ouvrant ainsi droit à la prime de poste de la clause 27.01.

[31]      Cette interprétation a été reprise par l'arbitre T.W. Brown dans la décision qu'il a rendue dans la cause Cox et le Conseil du Trésor (supra) relativement à une clause de convention collective similaire à celles interprétées aux deux décisions précédentes. L'arbitre Brown s'exprime comme suit :

[…]

          Les décisions citées par les parties indiquent clairement que l'expression « y compris les heures supplémentaires, effectuées. » sert simplement à définir et, par conséquent, à clarifier l'expression « toutes les heures » qui figure à la clause 31.01. Pour donner droit à une prime de poste, il faut que les heures effectuées par l'employé soient comprises dans un poste dont au moins la moitié des heures sont prévues normalement entre 16 h et minuit. Il en va de même dans le cas des heures supplémentaires : celles-ci doivent être effectuées au cours d'un poste dont au moins la moitié des heures sont normalement prévues entre 16 h et minuit. Il s'agit dès lors de déterminer si, en l'espèce, l'employé s'estimant lésé a effectué ses heures supplémentaires pendant un poste dont au moins la moitié des heures étaient normalement prévues entre 16 h et minuit. En d'autres termes, les heures supplémentaires effectuées se rattachaient-elles au poste qu'il avait effectué de 8 h à 16 h, lequel ne donnait pas droit à la prime, ou faisaient-elles partie du poste qui devait commencer à 16 h et se terminer à minuit et pour lequel une telle prime est prévue?

          Un examen attentif de la clause 31.01b) ainsi que des affaires citées par les deux parties me portent à croire que, aux fins du versement de la prime de poste, les heures supplémentaires qu'un employé effectue ne peuvent être séparées du poste qu'il a effectué selon son horaire normal, qu'il s'agisse d'un poste normal ou d'un poste supplémentaire. Plus précisément, lorsque la période de travail d'un employé excède la durée du poste normalement prévu à son horaire, il a droit à une prime si le poste normal auquel les heures supplémentaires sont accolées commande le versement d'une telle prime. Par exemple, ce serait le cas si un employé faisait des heures supplémentaires sans interruption jusqu'après minuit.

          Un employé qui, selon son horaire, effectue le poste de 8 h à 16 h et qui effectue ensuite des heures supplémentaires est réputé effectuer lesdites heures supplémentaires pendant le poste de 8 h à 16 h bien qu'il travaille aux mêmes heures que les employés affectés à un autre poste prévu à l'horaire, par exemple, celui de 16 h à minuit. On ne peut dire que les heures supplémentaires qu'il effectue sont accolées à un poste dont au moins la moitié des heures sont prévues normalement entre 16 h et minuit.

[Le souligné est du soussigné]

[32]      Dans cette décision, l'arbitre Brown précise clairement qu'un fonctionnaire a droit à la prime de poste lorsque le poste auquel les heures supplémentaires sont accolées commande le versement d'une telle prime. Cette interprétation peut aussi recevoir application aux présents dossiers.

[33]      Par ces motifs, les fonctionnaires s'estimant lésés ont droit de recevoir la prime de poste d'un dollar et soixante (1,60$) l'heure, en plus de la rémunération qu'ils ont déjà reçue au taux des heures supplémentaires pour les heures de travail effectuées.

[34]      L'employeur doit verser aux fonctionnaires s'estimant lésés, la prime de poste pour les heures de travail suivantes :

Pour Richard Létourneau (166-34-31433) de 00 h 01 à 1 h 00 le 19 août 2000;

Pour Carl Létourneau (166-34-31435) de 00 h 01 à 00 h 30 pour chacune des nuits du 25 et du 27 septembre 2000;

Pour Jacques Benoît (166-34-31436) de 23 h 00 à 3 h 00 dans la nuit du 22 au 23 octobre 1999 et de 23 h 00 à 8 h 00 dans la nuit du 25 au 26 mai 2000. (N.B. la preuve a démontré que le libellé au paragraphe 6 doit prévaloir sur le libellé du paragraphe 8 de l'énoncé conjoint de faits).

[35]      Les griefs contenus aux dossiers 166-34-31433, 166-34-31435 et 166-34-31436 sont accueillis, la preuve ayant démontré que l'employeur n'a pas respecté les stipulations de la clause 27.01 de la convention collective.

[36]      Relativement au dossier 166-34-31434 au nom de Richard Létourneau, où une prime de fin de semaine est réclamée pour le temps supplémentaire effectué le 19 août 2000 entre 00 h 01 et 1 h 00, le grief est rejeté.

[37]      D'une part, le temps supplémentaire effectué à cette date est rattaché à un quart de travail de soir qui a donné droit à la prime de poste prévue à la clause 27.01 de la convention collective, pour le quart régulier de travail qui se situait entre 16 h 00 et minuit le 18 août 2000. En conséquence de la conclusion à laquelle j'en arrive ci-haut, le temps supplémentaire accolé à ce quart de travail qui commande une prime de poste ouvre aussi droit à la prime de poste prévue à la clause 27.01 de la convention collective.

[38]      D'autre part, le libellé de la sous-clause 27.02a) inclut les termes « y compris les heures supplémentaires » entre deux virgules, tout comme ces termes le sont aussi à la clause 27.01 étudiée ci-haut. Bien que les termes « habituellement prévues » de la clause 27.01 ne soient pas repris à la sous-clause 27.02a), aucun impact n'en découle relativement à l'interprétation que j'ai retenue de la clause 27.01. Ainsi, les deux interprétations retenues pour la clause 27.01 pourraient recevoir application pour la sous-clause 27.02a) en faisant les adaptations nécessaires. En ce sens, le fonctionnaire aurait droit à la prime de fin de semaine, en plus de la rémunération au taux du temps supplémentaire, si les heures qu'il a effectuées en surtemps sont : soit accolées à un poste ouvrant droit à la prime de fin de semaine; soit que les heures effectuées en surtemps sont à l'intérieur d'un poste de fin de semaine établi par l'employeur. Comme aucune de ces situations n'est présente au dossier de la Commission 166-34-31434, aucune violation par l'employeur de la sous-clause 27.02a) n'a été démontrée et le grief en ce dossier est rejeté.

[39]      La demande des fonctionnaires de faire rétroagir la décision au premier 1er novembre 1999 est refusée. Les juges Pratte, Marceau et Hugessen de la Cour d'appel fédéral ont précisé dans le jugement rendu dans la cause Canada (Office national du film) c. Coallier (supra) qu'un grief n'est pas recevable pour la période antérieure à celle du délai de présentation précisé à la convention collective. Au présent dossier, le délai de présentation est de 25 jours selon la clause 18.10 de la convention collective et la décision ne peut pas rétroagir au-delà de ces 25 jours de la date de présentation des griefs suivant le principe établi par la Cour d'appel fédérale.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 24 septembre 2003.

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