Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension - Refus d'étayer des allégations contre le superviseur - Non-participation à une réunion - Plainte jugée frivole et vexatoire par l'employeur - Raisons personnelles légitimes et convaincantes - Fonctionnaire s'estimant lésée informée que sa coopération était volontaire - Sanction disciplinaire injustifiée - la fonctionnaire s'estimant lésée avait allégué que son superviseur (A.B.) avait commis une fraude, en se servant de fausses déclarations d'heures supplémentaires et de coupons de taxi frauduleux pour lui rembourser l'argent qu'il lui avait emprunté - elle avait accepté de tremper dans cette affaire de peur de représailles, mais fini par refuser de s'en mêler davantage - elle alléguait que l'attitude de son superviseur à son endroit avait changé par suite de ce refus - elle a fini par déposer une plainte de harcèlement - l'employeur a rejeté la plainte, mais entrepris une enquête en règle sur les allégations de fraude de la fonctionnaire s'estimant lésée - un avocat du ministère de la Justice a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui offrir la possibilité de rencontrer les enquêteurs, en précisant toutefois qu'elle n'était pas tenue de se présenter devant le enquêteurs - la fonctionnaire s'estimant lésée a décidé de ne pas le faire - l'employeur l'a informée que les enquêteurs s'étaient fait dire de mettre fin à leur enquête, en lui offrant une autre possibilité de les rencontrer, et l'intéressée a refusé - dans leur rapport, les enquêteurs ont conclu qu'ils étaient incapables de faire des commentaires sur les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée - l'employeur a récrit à l'intéressée pour lui demander de participer à une réunion en vue d'établir les faits et d'obtenir des renseignements détaillés sur son refus de coopérer dans une enquête - la fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle avait cru qu'elle n'était pas tenue de participer à l'enquête et que, une fois que l'employeur avait conclu que sa plainte de harcèlement n'était pas fondée, elle s'était dit qu'elle n'avait aucun intérêt à poursuivre l'affaire - le grief qu'elle avait présenté pour contester une autre mesure disciplinaire devait être entendu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, et la question de ses prêts et de leur remboursement allait être sur le tapis - la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle serait disposée à parler de ces questions après que son grief aurait été entendu au troisième palier - l'employeur lui a de nouveau récrit en lui offrant une dernière chance de s'expliquer - il l'a informée que, si elle décidait de ne pas le faire, elle serait passible de mesures disciplinaires - la réunion prévue à cette fin avait été fixée au cours de la semaine précédant l'audition du grief au troisième palier - la fonctionnaire a communiqué avec son représentant syndical, qui lui a dit que la réunion serait reportée - quand elle ne s'est pas présentée à la réunion, l'employeur lui a téléphoné à son travail afin de lui demander pourquoi - la fonctionnaire s'estimant lésée a dit qu'elle pensait que la réunion avait été reportée - elle ne s'est pas fait ordonner de cesser de faire ce qu'elle faisait et de venir à la réunion - la fonctionnaire s'estimant lésée a écopé d'une suspension de dix jours - elle a été punie pour ne s'être pas présentée à la réunion, mais la preuve a révélé de la confusion quant à la demande de reporter la réunion, et tant la fonctionnaire s'estimant lésée que sa représentante syndicale pensaient qu'elle avait été reportée - la fonctionnaire s'estimant lésée avait une raison légitime et convaincante de ne pas se présenter à la réunion - l'employeur n'a subi aucun préjudice du fait qu'elle ne s'est pas présentée, puisqu'il aurait pu fixer la réunion à une date ultérieure à l'audience du grief au troisième palier - la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi été punie pour ne pas avoir répondu aux questions sur son allégation, mais elle ne l'a pas fait d'abord parce qu'elle n'était pas tenue de coopérer, puis parce qu'elle pensait que la réunion avait été reportée - l'employeur n'avait pas prouvé que les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée étaient frivoles et vexatoires - la sanction disciplinaire était injuste et injustifiée. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-11-10
  • Dossier:  166-2-31288
  • Référence:  2004 CRTFP 162

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

SHARON-ROSE TAYLOR

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada)

employeur



Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Robert Lindey, avocat


Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
le 6 juin 2003 ainsi que les 23 et 24 mars 2004.


[1]    La fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Sharon-Rose Taylor, agente d'information à la Direction des communications et des services ministériels du Bureau régional du Manitoba du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, a présenté un grief le 2 octobre 2001 pour contester la suspension de dix jours sans traitement qui lui avait été imposée le jour même. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 17 mai 2002.

[2]    La directrice générale régionale de la Région du Manitoba, Mme Marilyn Kapitany, a précisé dans une lettre datée du 2 octobre 2001 les raisons de sa décision d'imposer une sanction à l'intéressée (pièce E-15) :

[Traduction]

Dans une lettre datée du 18 septembre 2001, vous vous êtes fait offrir une dernière chance d'étayer vos allégations contre [« A.B. »]. À ce moment-là, vous avez aussi été informée que ne pas coopérer dans cette enquête pourrait mener à des mesures disciplinaires.

Le 21 septembre 2001, vous ne vous êtes pas présentée à la réunion en question à laquelle vous aviez été convoquée. Au cours de la conversation téléphonique que j'ai eue avec vous le jour même, vous m'avez déclaré ne pas être préparée à répondre à des questions au sujet des allégations que vous aviez faites contre [« A.B. »].

Vos allégations contre [« A.B. »] sont très graves; elles ont obligé le Ministère à retenir les services d'une organisation de l'extérieur pour lui faire mener une enquête interne. Sans votre témoignage direct, certaines des allégations les plus graves que vous avez faites n'ont pas pu être confirmées. Votre refus de collaborer avec les enquêteurs ne me laisse d'autre choix que de conclure que votre plainte était frivole et vexatoire.

Par conséquent, en vertu de l'article 50 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique et du pouvoir qui m'a été délégué par le sous-ministre, j'ai décidé de vous imposer une suspension de dix jours sans traitement, du mercredi 3 octobre 2001 au mardi 16 octobre 2001 inclusivement... [sic]

(N.B. :Les initiales « A.B. » ont été substituées au nom de la personne visée par les allégations, afin d'éviter de révéler son identité.)

[3]    Au début d'octobre 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée a parlé à M. Lloyd Fucile, un représentant national de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et de remboursement de frais de taxi. Le 24 octobre 2000, M. Fucile a écrit à Mme Mary Blais, la directrice générale régionale associée, pour l'informer qu'il acceptait qu'elle rencontre la fonctionnaire s'estimant lésée afin de discuter de ses allégations et d'autres éléments relatifs à ces questions (pièce E-1). Dans sa lettre, M. Fucile précisait que Mme Blais et lui s'étaient déjà parlé à ce sujet.

[4]    Mme Blais a témoigné que les allégations qui lui avaient été rapportées par M. Fucile étaient très graves et concernaient des actes frauduleux.

[5]    Mme Blais a demandé à M. Jim Welsh, directeur par intérim des services ministériels, et à Wendy Suarez, directrice des Ressources humaines, de rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée pour entendre ses déclarations. Le 25 octobre 2000, l'intéressée commençait à purger une suspension de trois jours qui lui avait été imposée le 24 octobre (pour une autre raison). M. Welsh et Mme Suarez l'ont interrogée chez elle ce jour-là, le 25 octobre 2000, en présence de son mari (pièces E-3 et E-5).

[6]    À cette occasion, la fonctionnaire s'estimant lésée a remis à M. Welsh et à Mme Suarez une copie de la déclaration (pièce E-2) qu'elle avait rédigée auparavant à l'intention de M. Fucile. Mme Blais a témoigné que M. Fucile lui avait remis officieusement une copie de cette déclaration écrite quand ils avaient discuté de la question au début d'octobre 2000. Elle a reçu une copie officielle du document de M. Welsh, après la rencontre de ce dernier avec l'intéressée.

[7]    Les représentants de la direction à la rencontre du 25 octobre 2000 ont lu la déclaration écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée, qui leur a aussi donné d'autres renseignements. Elle leur a dit qu'« A.B. » lui avait emprunté de petites sommes d'argent peu après son entrée à la Direction des communications. Le 26 mai 1999, au cours d'un voyage en service commandé à Russell, au Manitoba, elle avait prêté 100 $ à « A.B. »; à la mi-juin, quelques semaines plus tard, elle lui avait prêté 150 $. Ces sommes lui avaient été rendues au début de juillet. Moins de deux semaines après, elle avait prêté 500 $ à « A.B. ». Elle a témoigné à l'audience avoir montré aux deux représentants du Ministère son bordereau de retrait bancaire, daté du 22 juillet 1999. Elle les a aussi informés qu'« A.B. » lui avais remis des coupons de taxi vierges, en lui demandant de les signer. Elle a déclaré aussi qu'il aurait demandé à d'autres collègues de signer des coupons de taxi pour lui.

[8]    La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à « A.B. » de lui rembourser l'argent qu'il lui devait. Le 30 juillet 1999, « A.B. » l'a fait venir dans son bureau en lui demandant d'apporter sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet. « A.B. » a apporté des modifications à cette demande en augmentant le nombre d'heures qu'elle réclamait. Il lui a expliqué que c'était pour lui rembourser son dû. Il a fini de remplir la formule et augmenté de 21 le nombre des heures supplémentaires réclamées.

[9]    La fonctionnaire s'estimant lésée a remis à M. Welsh et à Mme Suarez le texte des notes de son journal personnel où elle avait précisé le nombre d'heures supplémentaires qu'elle avait travaillées en juillet (pièce E-4).

[10]    Dans son témoignage, elle a déclaré avoir montré une copie de sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet (pièce G-1) à M. Welsh et à Mme Suarez, en leur soulignant les modifications manuscrites de la main d'« A.B. ». Elle ne leur a pas remis cette copie de la formule, puisqu'ils pouvaient obtenir l'original du bureau. M. Welsh et Mme Suarez ont affirmé au contraire que Mme Taylor ne leur a pas montré de copie de sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet quand ils l'ont rencontrée le 25 octobre 2000. Mme Suarez a obtenu ultérieurement du bureau une copie de cette formule.

[11]    La fonctionnaire s'estimant lésée a dit à ses interlocuteurs qu'elle avait accepté de tremper dans cette affaire parce qu'« A.B. » lui avait ouvertement déclaré qu'il se débarrassait des gens qui ne collaboraient pas avec lui. Il lui avait fait clairement savoir qu'elle lui devait « énormément » parce qu'il s'était mouillé pour lui faire obtenir un poste à la Direction des communications. Bref, l'intéressée a dit avoir participé à cette fraude au sujet des heures supplémentaires et des coupons de taxi parce qu'elle craignait qu'« A.B. » ne la fasse congédier si elle refusait d'obtempérer.

[12]    « A.B. » lui devait encore 105 $ après le paiement de sa demande modifiée à la hausse pour les heures supplémentaires de juillet. Au début de septembre, il a voulu modifier sa demande de paiement d'heures supplémentaires d'août en l'augmentant de dix heures, en lui expliquant que cela couvrirait ce qu'il lui devait, plus 100 $ qu'il lui a demandé de lui remettre. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé. Elle a déclaré que, après ce refus, l'attitude d'« A.B. » à son endroit a changé, et que leur relation s'est détériorée. Par exemple, en janvier 2000, il a tenu un relevé de son temps et de ce qu'elle faisait, ce qui l'a amenée à déposer une plainte de harcèlement contre lui. (Cette plainte de harcèlement contre « A.B. » a été rejetée.)

[13]    M. Welsh et Mme Suarez ont présenté à Mme Blais un rapport verbal de leur rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 25 octobre 2000. Mme Blais a décidé qu'une enquête en règle s'imposait pour vérifier les allégations de l'intéressée. Me Thomas A. Saunders, avocat principal au ministère de la Justice du Canada, a été chargé du dossier; il a donné à KPMG Investigation & Security Inc. (KPMG) le mandat d'enquêter sur les allégations contre « A.B. ». M. Welsh et Mme Suarez ont rencontré les enquêteurs de KPMG. Mme Suarez leur a fait parvenir une copie de la déclaration écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée ainsi qu'une copie de sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires et leur a transmis les renseignements qu'elle avait obtenus de l'intéressée au sujet de l'argent prêté à « A.B. » et des coupons de taxi.

[14]    Le 30 octobre 2000, Mme Blais a écrit une lettre officielle à « A.B. » pour l'informer qu'on menait une enquête administrative (pièce G-2) :

[Traduction]

Enquête administrative

À la suite de notre discussion du 24 octobre 2000, la présente lettre a pour objet de vous confirmer que Mme Sharon-Rose Taylor a fait contre vous les allégations suivantes :

  • Vous avez demandé à vos subordonnés de vous prêter de l'argent.

  • Vous avez falsifié des demandes de paiement d'heures supplémentaires et détourné des fonds pour rembourser vos emprunts à vos subordonnés.

  • Vous avez impliqué vos subordonnés dans la falsification de coupons de taxi.

Par conséquent, nous mènerons une enquête administrative. Vous serez tenu au courant des progrès de cette enquête.

Conformément à la note de service du 24 octobre 2000, vos pouvoirs de signer des documents financiers en votre qualité de ... ont été suspendus, et ce, jusqu'à nouvel ordre.

Je dois vous avertir qu'on pourra vous imposer des mesures disciplinaires par suite de l'enquête.

(N.B.:Le titre de la personne visée par les allégations a été omis pour éviter qu'on ne déduise son identité.)

[15]    La fonctionnaire s'estimant lésée a reçu copie de cette lettre de sa représentante de l'AFPC en mai 2001; elle en ignorait le contenu jusque-là.

[16]    Le 12 décembre 2000, Mme Blais a envoyé une note de service à tout le personnel de la Direction des communications et des services ministériels pour l'informer de la tenue de l'enquête administrative (pièce G-3) :

[Traduction]

La présente note a pour objet de vous informer qu'on entreprend immédiatement une enquête administrative sur des allégations d'abus du pouvoir de signature de documents financiers.

Un représentant de KPMG communiquera peut-être avec vous pour vous poser des questions. Votre collaboration avec les enquêteurs est cruciale pour que nous puissions nous prononcer rapidement et en toute équité sur les allégations.

[17]    Les enquêteurs de KPMG ont communiqué avec la fonctionnaire s'estimant lésée afin de prendre rendez-vous avec elle pour l'interroger. Le 28 février 2001, elle leur a fait savoir qu'elle ne se présenterait à aucune entrevue de ce genre tant qu'elle n'aurait pas obtenu les conseils de son représentant syndical. Me Saunders a été informé de sa réaction dans une lettre datée du 21 mars 2001 (pièce E-6). Mme Blais en a été informée elle aussi; elle en a parlé avec M. Fucile.

[18]    Le 17 avril 2001, Me Saunders a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui offrir la possibilité de rencontrer les enquêteurs de KPMG (pièce E-7) :

[Traduction]

Comme vous le savez sans doute, nous représentons le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (« MAINC »).

Le MAINC nous a demandé il y a quelque temps d'entreprendre une enquête sur les allégations d'un certain nombre de ses fonctionnaires contre [« A.B. »]. À cette fin, nous avons retenu les services de KPMG Investigation & Security Inc. (« KPMG ») pour nous aider.

Vous vous rappellerez que vous êtes une des fonctionnaires du MAINC qui ont fait des allégations à l'endroit d' [« A.B.] ». En fait, ce sont vos allégations qui ont entraîné l'enquête originale.

Nous avons appris que KPMG a tenté plusieurs fois de vous rencontrer pour discuter de vos allégations. En dépit de ses efforts, KPMG n'a pas réussi à vous rencontrer ni à fixer un rendez-vous pour vous rencontrer à cette fin, à la date où je vous écris cette lettre.

Cette situation nous préoccupe. L'enquête est en cours depuis longtemps. En toute équité pour [« A.B. »], il faut qu'elle finisse.

Nous avons donc pris des dispositions pour que M. Matt Duncan, de KPMG, se présente à la salle de conférence du 10e étage des locaux du MAINC, le mercredi 25 avril 2001, à 9 h 30, pour que vous puissiez le rencontrer.

Je tiens à préciser clairement que votre présence est à titre volontaire et que vous n'êtes pas tenue d'aller à cette rencontre si vous ne voulez pas y aller. Cela dit, vous devriez comprendre que, si vous ne vous présentez pas, l'enquête se poursuivra sans tenir compte de vos allégations; nous conclurons alors que vous les avez retirées et que vous ne voulez pas que nous en tenions compte plus longtemps. Si vous souhaitez rencontrer M. Duncan à l'heure et à la date susmentionnées, votre gestionnaire vous libérera pour que vous puissiez le faire.

[C'est moi qui souligne.]

[19]    Quand la fonctionnaire s'estimant lésée a reçu cette lettre, elle a appris que d'autres fonctionnaires avaient aussi fait des allégations visant « A.B. ». Comme l'auteur de la lettre précisait qu'elle n'était pas obligée de se présenter à la rencontre si elle ne souhaitait pas le faire, elle a décidé de ne pas y aller. Me Jeffrey Palamar, un avocat représentant l'intéressée, a informé Me Saunders de sa décision par télécopieur, le 25 avril 2001. Dans cette communication, Me Palamar déclarait n'être pas sûr que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait eu des renseignements valables à donner à KPMG et qu'elle n'était pas en mesure de rencontrer son représentant à la date proposée (pièce E-8). Mme Taylor se rappelait que Me Saunders avait précisé dans sa lettre que ses allégations allaient être considérées comme retirées si elle décidait de ne pas se présenter à la rencontre prévue pour le 25 avril 2001 avec l'enquêteur de KPMG.

[20]    Mme Marilyn Kapitany, qui est directrice générale régionale depuis le 9 avril 2001, a informé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle avait enjoint à KPMG de terminer son enquête et de lui soumettre un rapport au plus tard le 31 mai 2001, après s'être fait aviser que l'intéressée ne s'était pas présentée à la rencontre du 25 avril. Elle a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée une lettre datée du 26 avril 2001 (pièce E-9) qui se terminait ainsi :

[Traduction]

Je tiens beaucoup à ce que vous ayez la possibilité de vous faire entendre sur cette question. Si vous voulez rencontrer [les représentants de] KPMG, veuillez m'en informer ou en informer Wendy Suarez. Il faudrait que vous les rencontriez très bientôt pour qu'ils aient le temps d'incorporer vos propos dans leur rapport.

[21]    Dans cette lettre (rédigée par Mme Suarez), Mme Kapitany demandait à la fonctionnaire s'estimant lésée de coopérer dans l'enquête administrative; la date ensuite du 31 mai 2001 avait été fixée pour que l'intéressée ait une chance de dire ce qu'elle savait aux enquêteurs. Pour sa part, la fonctionnaire s'estimant lésée a interprété cette lettre où l'on précisait « si vous voulez » en se disant qu'elle avait le choix, comme Me Saunders le lui avait écrit dans sa lettre du 17 avril 2001. En outre, elle s'attendait à ce que l'enquête soit terminée avant le début de juin 2001 et qu'elle soit fondée seulement sur les allégations d'autres fonctionnaires.

[22]    Le 5 juillet 2001, KPMG a soumis un rapport (pièce E-12) au ministère de la Justice. Au sujet des allégations de la fonctionnaire à l'endroit d'« A.B. », il précisait ce qui suit :

[Traduction]

PORTÉE LIMITÉE

Nous n'avons pas réussi à parler avec Mme Taylor des questions qu'elle a soulevées et qui sont résumées dans le document non daté et non signé qu'elle a remis à M. Welsh en août 2000. Si nous avions pu lui parler, nous aurions peut-être obtenu d'autres renseignements qui auraient pu changer certaines de nos constatations. De même, nous n'avons pas enquêté auprès des compagnies de taxi pour déterminer qu'il existe des preuves que les courses dont on a réclamé le remboursement n'avaient pas eu lieu.

Par conséquent, si nous obtenons des renseignements supplémentaires pertinents pour nos constatations après la date du présent rapport, nous nous réservons le droit de réévaluer — et au besoin de modifier — les constatations que nous avons présentées, bien que nous ne soyons pas tenus de le faire. En outre, comme nous ne sommes pas des avocats, les commentaires figurant dans notre lettre ne sont pas des avis ou des opinions juridiques et ne devraient pas non plus être interprétés comme tels.

NOS CONSTATATIONS

[...]

Demande falsifiée de paiement d'heures supplémentaires de Sharon Rose-Taylor [sic]

Mme Taylor a remis à M. Welsh, directeur par intérim des Services ministériels d'AINC, une lettre non signée alléguant qu' [« A.B. »] avait gonflé sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet 1999 en y ajoutant plus de 20 heures, afin de lui rembourser un prêt de 500 $ qu'elle lui avait fait le 22 juillet 1999. Il nous a été impossible d'interroger Mme Taylor sur ses allégations.

Quand nous avons interrogé [« A.B. »] , il a nié avoir emprunté 500 $ à Mme Taylor le 22 juillet 1999 et nié catégoriquement avoir apporté ou toléré des modifications de la formule de paiement d'heures supplémentaires que Mme Taylor a présentée pour le mois de juillet. Quand on lui a montré la formule de demande de paiement d'heures supplémentaires qui a été soumise, il a nié que l'écriture était la sienne. [« A.B. »] a déclaré qu'il avait rencontré dans la matinée du 22 juillet 1999 Gail MacDonald, une gendarme de la GRC, ainsi qu'une personne identifiée comme étant M. Muir (« Muir ») au Restaurant Lindy's (« Lindy's ») au sujet de la possibilité d'une manifestation des Premières Nations aux Jeux Panaméricains [« A.B. »] a dit que, après cette rencontre, Muir et lui-même étaient retournés quelque temps au bureau, après quoi ils s'étaient de nouveau rendus chez Lindy's pour déjeuner. [« A.B. »] nie avoir rencontré Mme Taylor à cette date.

[« A.B. »] nous a fourni une copie d'un courriel entre Mme Brazil et Mme Valli Marcoe, du Service des ressources humaines d'AINC, daté du 11 août 2000, juste avant sa suspension de ses fonctions en septembre 2000. Mme Brazil déclarait dans ce courriel que Mme Taylor avait fait sur [« A.B. »] des déclarations qu'elle considérait comme menaçantes pour [« A.B. »].

[...]

Résumé

Comme il nous a été impossible d'obtenir de Mme Taylor des documents ou une déclaration confirmant ses allégations, nous ne pouvons pas faire de commentaires sur la véracité du contenu de la lettre non datée et non signée contenant des allégations que Mme Taylor a soumise à AINC.

Contrat avec l'ancien Nelson James

[...]

Mme Taylor était la gestionnaire de projet de ces contrats, mais nous n'avons pas pu l'interroger sur ces questions.

[...]

RÉSUMÉ DES CONSTATATIONS

[...]

Ni Mme Taylor, ni qui que ce soit d'autre ne nous a remis des pièces justificatives ou d'autres éléments de preuve pour corroborer les allégations qu'elle a faites dans sa lettre de plainte non signée. Il nous est donc impossible de faire des commentaires quant à la véracité de ces plaintes.

[...]

[23]    Mme Kapitany a déduit de ce rapport que KPMG était incapable d'arriver à une conclusion sur les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée parce qu'elle n'avait pas coopéré durant l'enquête administrative. Elle a décidé que la direction se devait de réagir aux allégations indépendamment du ministère de la Justice (qui se penchait sur les allégations de fraude) et de déterminer les raisons du refus de coopérer de l'intéressée.

[24]    La fonctionnaire s'estimant lésée a pris connaissance du rapport de KPMG au cours de l'audience; elle en ignorait le contenu jusque-là.

[25]    Mme Kapitany a expliqué la situation dans une lettre à la fonctionnaire s'estimant lésée, datée du 4 septembre 2001, où elle lui demandait de se présenter à une réunion en vue d'établir les faits, le 7 septembre 2001, en décrivant l'objet de la réunion comme suit (pièce E-10) :

[Traduction]

Cette réunion convoquée pour établir les faits a pour objet de recueillir des renseignements détaillés sur votre refus de coopérer dans une enquête officielle. Vous voudrez peut-être être accompagnée de votre représentant syndical ou d'une personne de votre choix. Je voudrais que vous sachiez que vous pourriez être passible de mesures disciplinaires si vous ne me donnez pas des raisons convaincantes de votre refus de coopérer.

Veuillez vous présenter à la réunion tout à fait prête à discuter des faits que vous connaissez relativement à cet incident....

[26]    La fonctionnaire s'estimant lésée s'est présentée à cette réunion avec sa représentante syndicale, Stella Spruse, vice-présidente de la section locale, le 7 septembre 2001. Mme Kapitany et Mme Suarez étaient présentes. Mme Kapitany a produit le document dans lequel la fonctionnaire s'estimant lésée avait fait des allégations (pièce E-2), en lui demandant de l'expliquer et d'expliquer aussi les événements qu'elle y décrivait. La fonctionnaire s'estimant lésée a protesté contre le fait que sa déclaration écrite soit décrite, dans la lettre de Mme Kapitany, comme une « plainte », en précisant qu'elle la considérait comme un « document de travail ».

[27]    La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que la correspondance qu'elle avait reçue précisait qu'elle n'était pas tenue de se présenter. Le 12 décembre 2000, dans le courriel qu'elle avait adressé à tout le personnel, Mme Blais déclarait que sa collaboration à l'enquête était « cruciale », mais pas qu'elle était obligatoire (pièce G-3). Dans sa lettre du 17 avril 2001, Me Saunders disait qu'elle n'était pas tenue de se présenter; Mme Kapitany l'avait confirmé le 26 avril 2001 (pièce E-9). La fonctionnaire s'estimant lésée avait décidé de ne pas participer à l'enquête de KPMG parce qu'elle avait d'autres dossiers en cours auprès du Ministère, comme son avocat l'avait expliqué dans sa lettre du 25 avril 2001 (pièce E-8). À l'époque, la plainte de harcèlement qu'elle avait déposée contre « A.B. » était en instance; une fois que ses supérieurs ont conclu, en janvier 2001, qu'elle n'était pas fondée, elle s'est dit qu'elle n'avait aucun intérêt à poursuivre l'affaire. Le grief qu'elle avait présenté pour contester une autre sanction disciplinaire devait être entendu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, le 26 septembre 2001, et il serait alors question de ses prêts à « A.B. » et de leur remboursement par celui-ci en gonflant sa demande de paiement d'heures supplémentaires. Dans les notes de Mme Suarez sur la réunion du 7 septembre 2001 (pièce E-11), on peut lire [traduction] « SRT [Sharon-Rose Taylor] a dit qu'elle participerait à la rencontre avec la directrice générale régionale, à la condition qu'elle ait lieu après le 27 [sic] septembre (date d'audition d'un grief sur la question des heures supplémentaires). » En outre, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré dans son témoignage qu'on ne lui avait jamais ordonné de collaborer avec KPMG, ni avertie qu'elle écoperait de mesures disciplinaires en cas de refus.

[28]    La fonctionnaire s'estimant lésée et sa représentante syndicale (Mme Spruse) ont invoqué les énoncés de principe du Manuel des ressources humaines en ce qui concerne les enquêtes administratives, et plus précisément l'extrait suivant (pièce G-4) :

6.0Politique de gestion
6.1Énoncés de principe
[...]
(g)Les employés sont tenus de se présenter aux rencontres organisées dans le cadre des enquêtes dans la mesure où les superviseurs peuvent ordonner à leurs subordonnés de le faire, mais la divulgation de renseignements est purement volontaire.
[...]

[29]    L'explication de la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas satisfait Mme Kapitany, qui lui a écrit le 18 septembre 2001 pour lui offrir une dernière chance de s'expliquer (pièce E-13) :

[Traduction]

À la suite de notre rencontre du 7 septembre 2001, je tiens à vous offrir une dernière chance de vous expliquer au sujet des allégations que vous avez faites contre [« A.B. »] dans le document que vous avez présenté à la direction l'an dernier, en octobre. Si vous décidez de ne pas le faire, nous n'aurons d'autre choix que de fermer notre dossier sur l'enquête de KPMG.

Cela dit, je tiens à vous informer que votre refus de coopérer dans cette enquête peut mener à des mesures disciplinaires. Vous avez fait de graves allégations contre [« A.B. »]. Comme c'est vous qui avez causé cette enquête, il est essentiel que vous coopériez sans réserve. Votre refus de prouver ces allégations peut aboutir à la conclusion qu'elles étaient frivoles ou vexatoires, voire les deux.

Si vous souhaitez coopérer avant que le dossier ne soit fermé, je suis disposée à vous rencontrer dans mon bureau le vendredi 21 septembre 2001, de 8 h 30 à 10 h, en compagnie de Wendy Suarez, la directrice des Ressources humaines. Vous pouvez vous faire accompagner de votre représentante syndicale ou d'une autre personne de votre choix, si vous voulez.

Veuillez vous présenter à la réunion tout à fait prête à discuter des faits que vous connaissez relativement à cet incident....

[30]    Dans son témoignage, Mme Kapitany a expliqué que le Ministère avait un dossier sur les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'elle devait décider ce qu'elle allait en faire. Pour sa part, la fonctionnaire s'estimant lésée était en proie à une grande confusion parce que la lettre du 26 avril 2001 de Mme Kapitany l'avait informée que le dossier de KPMG serait fermé à partir du 31 mai 2001 (pièce E-9). Tout comme Me Saunders, Mme Kapitany lui avait écrit que KPMG allait poursuivre son enquête sans tenir compte de ses allégations si elle décidait de ne pas se présenter pour répondre aux questions des enquêteurs.

[31]    La fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Spruse ont discuté de la situation avec M. McCarthy (représentant de l'élément national du syndicat) et lui ont demandé de téléphoner au Ministère pour faire reporter la réunion du 21 septembre 2001 jusqu'après l'audition du grief au troisième palier, le 26 septembre 2001. La fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Spruse avaient l'impression que la réunion du 21 septembre 2001 avait été reportée, en raison de l'intervention de M. McCarthy auprès de Mme Suarez. (Mme Suarez a témoigné qu'elle n'avait pas accepté de reporter la réunion du 21 septembre 2001.)

[32]    Le 21 septembre 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'est pas présentée à la réunion. Sur ce, Mme Kapitany lui a téléphoné à son travail afin de lui demander pourquoi. Mme Taylor a répondu qu'elle pensait que la réunion avait été reportée par suite de l'intervention de M. McCarthy. Mme Kapitany ne lui a pas ordonné de cesser de faire ce qu'elle faisait et de venir à son bureau pour se conformer à l'invitation qu'elle avait reçue 18 septembre 2001. À la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Spruse a ensuite téléphoné à Mme Kapitany pour l'informer qu'elle et l'intéressée avaient toutes deux compris, d'après ce que M. McCarthy leur avait dit, que la réunion du 21 septembre 2001 avait été reportée.

[33]    Le 1er octobre 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée a été convoquée à une rencontre fixée au lendemain matin avec Mme Kapitany et Mme Suarez pour être informée de la décision de la direction au sujet des allégations contre « A.B. » (pièce E-14). On l'a informée aussi qu'elle avait le droit d'être accompagnée de sa représentante syndicale.

[34]    Mme Kapitany a témoigné qu'elle avait décidé d'imposer une sanction disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée parce que celle-ci avait fait de graves allégations d'inconduite contre « A.B. » sans produire le moindre élément de preuve après sa première déclaration à ce sujet le 25 octobre 2000. Après avoir dénoncé « A.B. », l'intéressée se devait de faire un suivi pour aider la direction à prendre les mesures appropriées. Ses allégations avaient entraîné des déboursés de 35 000 $ au Ministère et elles avaient sapé le milieu de travail.

[35]    En contre-interrogatoire, Mme Kapitany a précisé que, le 18 septembre 2001, elle avait décidé de mener sa propre enquête sur les allégations à l'endroit d'« A.B. », en plus de celle de KPMG.

Arguments

Pour l'employeur

[36]    La fonctionnaire s'estimant lésée a fait de très graves accusations d'actes fautifs contre « A.B. ». Ensuite, elle a refusé à plusieurs reprises de rencontrer les enquêteurs de KPMG. Leur rapport n'a étonné personne : tout le monde a reconnu qu'une déclaration dactylographiée non signée qui n'était pas étayée par le témoignage de la personne qui l'avait faite ni par d'autres pièces n'était pas suffisante comme preuve dans un cas de fraude. La fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû se rendre compte que les enquêteurs de KPMG n'iraient nulle part si elle refusait de participer à l'enquête. Son attitude a coûté au Ministère 35 000 $ des deniers publics pour une enquête vouée à l'échec.

[37]    Le 7 septembre 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est fait demander d'expliquer son refus de participer à l'enquête officielle. À la réunion, elle a expliqué que, depuis le rejet de sa plainte de harcèlement, elle n'avait pas l'intention de parler davantage de ses allégations.

[38]    L'employeur fait valoir que, le 21 septembre 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée a joué un petit jeu en prétendant qu'elle ne voulait pas parler de ses allégations à cause des représentations qui seraient effectuées lors de l'audience au troisième palier de la procédure des griefs. Les arguments que son représentant syndical a avancés pour elle n'ont pas réussi à convaincre Mme Suarez de reporter la réunion.

[39]    La fonctionnaire s'estimant lésée avait été clairement avertie, dans la lettre du 18 septembre 2001, que son refus de coopérer à l'enquête administrative pouvait la rendre passible de mesures disciplinaires. En dépit de cet avertissement, elle a refusé une dernière chance de coopérer. La lettre disciplinaire, datée du 2 octobre 2001, précise les raisons pour lesquelles elle mérite une suspension de dix jours sans traitement. La gravité de ses actions justifie une lourde pénalité. Compte tenu de la suspension de trois jours qu'elle avait déjà à son dossier personnel, la suspension de dix jours sans traitement est raisonnable.

[40]    La décision rendue dans Van der Graaf c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-14940 (1985) (QL), porte sur une affaire comparable. Dans cette affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé avait nié avoir fait une déclaration au cours d'une enquête administrative. L'employeur savait, au moment où il avait formé son comité d'enquête, que l'intéressé n'était pas disposé à confirmer sa déclaration devant les enquêteurs. L'arbitre était alors arrivé à la conclusion que l'employeur avait raison de prendre des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire s'estimant lésé, qui avait déclaré de vive voix à des représentants de la direction qu'un collègue était responsable de méfaits pour ensuite nier avoir fait une telle déclaration devant le comité d'enquête. Les faits dans Van der Graaf, supra, sont analogues à ceux de la présente affaire, de sorte que je devrais, selon l'avocat de l'employeur, conclure que la sanction disciplinaire est justifiée en l'espèce.

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[41]    La fonctionnaire s'estimant lésée a parlé à M. Welsh et à Mme Suarez des allégations qu'elle avait faites contre « A.B. ». Elle les a prouvées en montrant à ces représentants de la direction les dates et les changements apportés par « A.B. » à sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet 1999. Elle leur a aussi montré son bordereau de retrait bancaire des 500 $ qu'elle lui avait prêtés. La direction ne lui a jamais demandé de préciser certaines de ses allégations après qu'elle eut rencontré ses représentants le 25 octobre 2000.

[42]    L'employeur a fait valoir que la fonctionnaire s'estimant lésée ne pouvait pas faire des allégations, puis refuser de témoigner. En cela, il est contredit par le ministère de la Justice du Canada, qui l'a informée qu'elle n'était pas tenue de se présenter et que, si elle décidait de ne pas le faire, l'enquête allait se poursuivre sans tenir compte de ses allégations. De même, dans sa lettre du 26 avril 2001 (pièce E-9), Mme Kapitany a écrit que la fonctionnaire s'estimant lésée avait le choix de rencontrer ou pas les enquêteurs de KPMG avant le 31 mai 2001.

[43]    Le 4 septembre 2001, la direction a exigé que Mme Taylor explique pourquoi elle refusait de participer à l'enquête. Elle a déclaré qu'elle n'était pas tenue d'y participer, mais cela n'a pas satisfait la direction.

[44]    La lettre du 18 septembre 2001 de Mme Kapitany (pièce E-13) a semé la confusion dans l'esprit de la fonctionnaire s'estimant lésée, car elle commençait par l'informer que l'enquête de KPMG se poursuivait, même si on lui avait écrit auparavant qu'elle était censée se terminer au plus tard le 31 mai 2001. En outre, Mme Kapitany écrivait que le refus de l'intéressée de coopérer pendant l'enquête pouvait la rendre passible de mesures disciplinaires, ce qui contredisait l'avis du ministère de la Justice, à savoir qu'elle n'était pas tenue de se présenter devant les enquêteurs, de même que la lettre que Mme Kapitany lui avait écrite en ce sens, elle aussi, le 26 avril 2001 (pièce E-9).

[45]    Le 21 septembre 2001, Mme Kapitany a téléphoné à l'intéressée, qui lui a expliqué qu'elle croyait que la réunion avait été reportée après l'intervention de M. McCarthy auprès de Mme Suarez. À ce moment-là, Mme Kapitany ne lui a pas ordonné de cesser de faire ce qu'elle faisait et de se présenter à la réunion.

[46]    La direction a fait valoir que l'employeur justifie la sanction disciplinaire en raison du refus de la fonctionnaire s'estimant lésée de participer à l'enquête administrative. Elle a déclaré que les conséquences des actions de l'intéressée ont été éprouvantes pour l'employeur, qui a dû assumer de gros frais pour l'enquête de KPMG, et que l'enquête a inutilement perturbé le fonctionnement du milieu de travail.

[47]    La première raison que l'employeur a invoquée est contraire au principe de la « participation volontaire » des fonctionnaires aux enquêtes administratives. De plus, c'est l'employeur qui a décidé de confier à KPMG le mandat de mener une enquête fondée sur les allégations que la fonctionnaire s'estimant lésée et d'autres fonctionnaires avaient faites : les frais engagés par suite de cette décision ne peuvent pas être imputables à la fonctionnaire s'estimant lésée. En outre, on n'a rien produit en preuve pour étayer l'allégation de l'employeur que ses activités auraient été perturbées par l'enquête.

[48]    En l'espèce, la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de participer à l'enquête administrative essentiellement parce que la direction ne lui a jamais ordonné de le faire à quelque stade que ce soit de l'enquête. Dans Re GDX Automotive and United Steelworkers of America, Local 455 (2003), 116 L.A.C. (4th) 265, l'arbitre a conclu qu'il n'était pas justifié de prendre des mesures disciplinaires contre un employé pour s'être prévalu de son droit de garder le silence. La conclusion devrait être la même dans cette affaire.

Motifs de la décision

[49]    La sanction disciplinaire qui a été imposée à la fonctionnaire s'estimant lésée le 2 octobre 2001 est liée à son refus d'étayer les allégations qu'elle avait faites contre « A.B. ». M. Fucile a informé Mme Blais de ces allégations au début d'octobre 2000. Mme Blais a demandé à M. Welsh et à Mme Suarez de rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée pour obtenir sa déclaration.

[50]    Le 25 octobre 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée a remis une copie de sa déclaration écrite (pièce E-2) à M. Welsh et à Mme Suarez; elle leur a expliqué qu'« A.B. » lui avait emprunté de l'argent et qu'il avait augmenté le nombre d'heures dans sa formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet 1999 pour la rembourser. Lors de cette rencontre, la fonctionnaire s'estimant lésée a précisé à la direction à quelle date le nombre de ses heures supplémentaires avait été gonflé et elle leur a montré son bordereau de retrait de l'argent qu'elle avait prêté à « A.B. ». Mme Suarez a par la suite obtenu du Bureau une copie de cette formule de demande de paiement d'heures supplémentaires de juillet. Après avoir reçu un rapport verbal de M. Welsh et de Mme Suarez, Mme Blais a fait intervenir le ministère de la Justice, parce que les allégations étaient très graves et dénonçaient notamment une fraude. L'enquête administrative qui en a résulté a été menée par KPMG Investigation & Security Inc.

[51]    Le 30 octobre 2000, Mme Blais a informé « A.B. » des allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée à son endroit et du fait qu'il y aurait une enquête administrative (pièce G-2). En décembre 2000, les membres du personnel de la Direction des communications et des services ministériels se sont fait informer par Mme Blais que KPMG allait faire enquête et qu'elle leur demandait de coopérer (pièce G-3).

[52]    Me Saunders a été informé le 21 mars 2001 (pièce E-6), que KPMG ne pourrait pas rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée avant qu'elle n'ait obtenu les conseils de son syndicat. Il a alors offert à l'intéressée la possibilité de rencontrer un enquêteur de KPMG le 25 avril 2001, en lui précisant qu'elle n'était pas obligée de le faire et qu'elle n'était pas tenue d'assister à cette rencontre si elle ne voulait pas (pièce E-7). Me Palamar, un avocat représentant la fonctionnaire s'estimant lésée, a ensuite informé Me Saunders qu'elle ne se présenterait pas devant l'enquêteur (pièce E-8).

[53]    La fonctionnaire s'estimant lésée a été informée par Mme Kapitany que KPMG s'était fait enjoindre de mener son enquête à bien au plus tard le 31 mai 2001 (pièce E-9), et la directrice lui a demandé de l'informer - ou d'informer Mme Suarez - si elle décidait de rencontrer les représentants de KPMG. La fonctionnaire s'estimant lésée a maintenu sa décision de ne pas participer à l'enquête administrative, et, dans son rapport déposé le 5 juillet 2001, KPMG a précisé que l'enquêteur n'avait pas pu parler avec elle pour lui faire étayer ses allégations par des pièces ou par une déclaration (pièce E-12).

[54]    Mme Kapitany a demandé alors à la fonctionnaire s'estimant lésée d'assister à une réunion convoquée pour établir les faits, le 7 septembre 2001, afin d'obtenir des explications de son refus de participer à une enquête officielle (pièce E-10). Dans cette lettre, la fonctionnaire s'estimant lésée était avertie que si les raisons données ne satisfaisaient pas Mme Kapitany, elle pourrait écoper de mesures disciplinaires. L'intéressée a fait valoir à la direction que sa coopération à l'enquête n'était pas obligatoire, sur la foi des renseignements qu'elle avait reçus jusque-là de Mme Blais, de Me Saunders et de Mme Kapitany elle-même. Elle et sa représentante syndicale ont déclaré que la Politique de gestion du Manuel des ressources humaines (pièce G-4) confirmait leur raisonnement : les employés ne sont pas obligés de se présenter pour être interrogés dans une enquête, à moins qu'un superviseur ne leur ordonne de le faire. La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré à la direction que, une fois que sa plainte de harcèlement contre « A.B. » avait été considérée comme non fondée, il ne lui servait plus à rien de maintenir ses allégations dans le contexte de l'enquête de KPMG.

[55]    Ces explications n'ont pas satisfait Mme Kapitany, qui a offert à la fonctionnaire s'estimant lésée une dernière chance de s'expliquer sur les allégations qu'elle avait faites contre « A.B » dans une réunion prévue pour le 21 septembre 2001 (pièce E-13). Dans la lettre qu'elle lui a adressée à cette occasion, Mme Kapitany avertissait la fonctionnaire s'estimant lésée que son refus de coopérer pourrait mener à des mesures disciplinaires.

[56]    La fonctionnaire s'estimant lésée et sa représentante syndicale ont déclaré à Mme Kapitany, le 7 septembre 2001, qu'il serait question des actes fautifs allégués contre « A.B. » quand son grief serait entendu au troisième palier, le 26 septembre 2001. Elles ont demandé à M. McCarthy de téléphoner au Ministère pour faire reporter la rencontre du 21 septembre 2001 jusqu'après que les parties eurent présenté leurs arguments au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

[57]    Quand Mme Kapitany a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée pourquoi elle ne s'était pas présentée à la réunion du 21 septembre 2001, celle-ci a expliqué qu'elle croyait que la réunion avait été reportée à la suite de l'intervention de M. McCarthy auprès de Mme Suarez. Sur ce point, la preuve remise par Mme Spruse et celle de Mme Suarez sont contradictoires. Il n'y a toutefois aucun équivoque dans la preuve sur la question de savoir si la fonctionnaire s'estimant lésée s'est fait enjoindre ou pas de se présenter à la réunion quand Mme Kapitany lui a téléphoné à son travail. Tous les témoins conviennent qu'elle n'a pas reçu cet ordre.

[58]    La direction a décidé d'imposer à la fonctionnaire s'estimant lésée une suspension de dix jours sans traitement, et Mme Kapitany lui a donné ses raisons pour lui imposer cette suspension dans une lettre datée du 2 octobre 2001 (pièce E-15). Mme Kapitany a justifié sa décision pour trois raisons : (1) la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'était pas présentée à la réunion du 21 septembre 2001; (2) la fonctionnaire s'estimant lésée avait déclaré qu'elle n'était pas préparée à répondre à des questions sur ses allégations et (3) le refus de coopérer de la fonctionnaire s'estimant lésée menait à la conclusion que la plainte était frivole et vexatoire.

[59]    Dans un grief contestant une sanction disciplinaire, l'arbitre a le devoir de déterminer premièrement si l'on a prouvé qu'il y a matière à sanction disciplinaire et deuxièmement si la sanction imposée est juste et justifiée. Je vais donc conclure à ces deux égards pour chacune des raisons invoquées à la mesure disciplinaire.

(I)      La fonctionnaire s'estimant lésée ne s'est pas présentée à la réunion du 21 septembre 2001

[60]    La preuve a révélé de la confusion quant à la demande de report de la réunion du 21 septembre 2001. La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné avoir demandé que ses représentants syndicaux interviennent auprès de l'employeur pour faire reporter la réunion, après réception de son avis le 18 septembre 2001. La fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Spruse ont témoigné avoir eu toutes deux l'impression que Mme Suarez avait souscrit aux arguments avancés par M. McCarthy pour faire reporter la réunion, ce que Mme Suarez a nié dans son témoignage.

[61]    La fonctionnaire s'estimant lésée restait convaincue que la réunion avait été reportée quand elle a reçu l'appel téléphonique de Mme Kapitany le 21 septembre 2001. Après cette conversation, elle a demandé à Mme Spruse de tirer l'affaire au clair avec la direction. La preuve soumise par la fonctionnaire s'estimant lésée en ce qui concerne le report de la réunion est corroborée par le témoignage de Mme Spruse. Le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Spruse de tirer cela au clair avec l'employeur après sa conversation téléphonique du 21 septembre 2001 me confirme la sincérité de sa conviction. L'employeur ne m'a pas convaincu du contraire puisqu'il n'a produit aucun élément de preuve pour étayer l'argument que Mme Taylor se livrait à un petit jeu à cet égard. Le fait que Mme Kapitany n'a pas ordonné à l'intéressée de cesser de faire ce qu'elle faisait et de se présenter à la réunion ajoute à la confusion sur ce point.

[62]    Dans ces circonstances, le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'est pas présentée à la réunion du 21 septembre 2001 est attribuable à une raison personnelle légitime et à la conviction sincère qu'elle pouvait agir de la sorte, étant donné qu'elle croyait que la réunion avait été reportée. Cette conviction sincère lui avait été inspirée par ce que sa représentante syndicale lui avait dit. Comme la fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué ces circonstances à Mme Kapitany au cours de leur conversation téléphonique du 21 septembre 2001, je conclus qu'elle ne peut pas être tenue responsable de ce malentendu. J'estime qu'elle ne mérite pas de subir une sanction disciplinaire pour ne pas s'être présentée à cette réunion. Qui plus est, la direction n'a subi aucun préjudice en raison de ce malentendu, et une autre réunion aurait pu être organisée après l'audition du grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs le 26 septembre 2001.

(II)      La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle n'était pas préparée à répondre à des questions sur ses allégations

[63]    Il faut interpréter cette déclaration en tenant compte des circonstances, c'est-à-dire du malentendu relatif au report de la réunion du 21 septembre 2001. La fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas préparée à se présenter à la réunion et à répondre à des questions sur ses allégations parce qu'elle était convaincue, au moment de sa conversation téléphonique avec Mme Kapitany, le 21 septembre 2001, que la réunion avait été reportée en vertu d'une entente avec sa représentante syndicale. En outre, dans les notes que Mme Suarez a prises lors de la rencontre du 7 septembre 2001, on peut lire que Mme Taylor avait déclaré qu'elle aurait participé à une réunion avec la direction si celle-ci avait eu lieu après le 26 septembre 2001 — le 27 septembre dans ces notes — (pièce E-11). La direction n'a rien avancé en preuve pour démontrer que la réunion n'aurait pas pu avoir lieu après cette date-là.

[64]    Avant qu'elle lise la lettre du 18 septembre 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée croyait que sa participation à l'enquête administrative n'était pas obligatoire. Cette lettre qui renversait la position exprimée auparavant par écrit par le ministère de la Justice et par son propre Ministère a semé la confusion dans son esprit. Elle ne comprenait pas pourquoi elle devrait être tenue de se présenter à une réunion le 21 septembre 2001 pour participer à l'enquête administrative, ni pourquoi on l'obligerait maintenant à expliquer les allégations qu'elle avait faites contre « A.B. » ainsi qu'à être tout à fait prête à discuter des faits.

[65]    L'employeur savait depuis la rencontre du 25 octobre 1999 que les allégations de la fonctionnaire contre « A.B. » étaient graves. Il savait depuis ce jour que les déclarations de l'intéressée avait déclenché l'enquête de KPMG. Il aurait dû l'informer alors qu'elle devait coopérer pleinement et prouver ses allégations, et que, si elle n'agissait pas en conséquence, il pourrait arriver à la conclusion que ses allégations étaient frivoles ou vexatoires.

[66]    Autrement dit, dans sa lettre du 18 septembre 2001, la direction a changé sa perception en regard de la non-participation de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'enquête administrative. L'employeur ne peut pas la punir de s'être conformée aux avis que la direction et son syndicat lui ont donnés sur la nature volontaire de sa participation à une enquête administrative. En outre, parce que la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'est pas fait enjoindre de se présenter à la réunion du 21 septembre 2001 au cours de la conversation téléphonique qu'elle a eue avec sa supérieure ce jour-là, la direction ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir été préparée à répondre à des questions.

(III)      La plainte était frivole et vexatoire

[67]    L'employeur a conclu du refus de la fonctionnaire s'estimant lésée de coopérer dans l'enquête administrative que ses plaintes étaient frivoles et vexatoires. Le même raisonnement que celui que j'ai retenu au sujet du caractère volontaire de la participation d'un fonctionnaire à une enquête administrative peut s'appliquer aussi à ce motif disciplinaire. Depuis le début, l'employeur était conscient de la gravité des allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée contre « A.B. » lors de sa rencontre du 25 octobre 1999 avec M. Welsh et Mme Suarez. À l'époque, il avait informé l'intéressée que son refus de participer à l'enquête administrative aurait pour effet que ses allégations seraient considérées comme retirées et que l'enquête ne porterait plus que sur les allégations d'autres fonctionnaires. L'employeur ne l'a pas informée alors que son refus de participer ferait que ses allégations seraient considérées comme frivoles et vexatoires et pourrait mener à des mesures disciplinaires. Il a plutôt changé d'idée le 18 septembre 2001, sans donner à la fonctionnaire s'estimant lésée la possibilité de présenter des arguments à cet égard.

[68]    La charge de la preuve incombe à l'employeur, qui n'a pas démontré que les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée sont frivoles et vexatoires. Le simple fait qu'elle n'était pas disposée à discuter de la question à un moment donné ne le prouve pas. En fait, les seuls éléments de preuve dont je suis saisi à cet égard tendent à confirmer les allégations de l'intéressée. L'employeur n'a rien produit en preuve pour qu'on puisse douter le moindrement de ses allégations, et encore moins de ses intentions.

[69]    Dans ces circonstances, on peut douter que la décision disciplinaire soit équitable.

[70]    Pour tous ces motifs, je conclus qu'on ne peut fonder la mesure disciplinaire sur le refus de la fonctionnaire s'estimant lésée de s'expliquer au cours de l'enquête interne du Ministère pour étayer les allégations qu'elle avait faites contre « A.B. ».

[71]    J'estime donc que l'employeur ne s'est pas acquitté de sa charge de prouver qu'il avait des motifs valables d'imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée le 2 octobre 2001. La preuve révèle clairement que cette sanction est injuste et injustifiée.

[72]    Par conséquent, le grief est accueilli. J'ordonne que l'employeur rembourse à la fonctionnaire s'estimant lésée le traitement et les avantages dont elle a été privée durant sa suspension de dix jours, du 3 au 16 octobre 2001. J'ordonne en outre à l'employeur de retirer du dossier personnel de l'intéressée toutes les notes et les lettres relatives à la sanction disciplinaire qui lui a été imposée dans la lettre du 2 octobre 2001.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 10 novembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.