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Résumé :

Grief du Conseil national mixte - Distance parcourue pour aller au travail et en revenir - Jour férié désigné - Horaire prévoyant que les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent un jour férié désigné payé - Promesse de paiement de la part de l'employeur - les fonctionnaires s'estimant lésés étaient tous des inspecteurs des viandes (EG) travaillant à l'abattoir de Guelph (Ontario) - comme l'abattoir ne peut pas fonctionner sans inspecteurs, tous les fonctionnaires s'estimant lésés devaient travailler le 12 novembre 2001, le jour férié désigné payé pour le jour du Souvenir - un des fonctionnaires s'estimant lésés a demandé au superviseur d'autoriser par écrit sa demande de remboursement des coûts kilométriques parce qu'il avait l'intention d'utiliser son véhicule personnel ce jour-là - la note de service du superviseur donnait aux inspecteurs l'autorisation d'utiliser leur véhicule privé pour se rendre au travail - les fonctionnaires s'estimant lésés ont demandé le remboursement de leurs coûts kilométriques au titre de l'utilisation de leur véhicule pour se rendre au travail et en revenir, mais le superviseur leur a appris que la haute direction lui avait donné comme consigne de ne pas rembourser les demandes - l'arbitre a statué qu'un employé qui est tenu de se rendre au travail un jour férié désigné payé qui n'est pas un jour de travail habituel a droit à une indemnité de coûts kilométriques ou au remboursement des dépenses engagées pour d'autres moyens de transport commerciaux, comme prévu à la clause 31.06, si l'employé a obtenu l'autorisation préalable de l'employeur - en ce qui concerne d'autres articles de la convention collective qui reprennent le libellé, l'arbitre a statué que la clause 31.06 s'appliquait dans les circonstances où l'employé était tenu de se rendre au travail avec peu de préavis - l'arbitre a conclu que les fonctionnaires s'estimant lésés ne satisfaisaient pas aux conditions du préambule de la clause 31.06 (<< qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente >>) parce qu'ils avaient travaillé pendant une journée de travail normale prévue à l'horaire, qui se trouvait être un jour férié désigné payé - en dernier lieu, l'arbitre a statué que le principe de préclusion ne s'appliquait pas parce que les fonctionnaires s'estimant lésés ne pouvaient pas invoquer la note du superviseur pour justifier leur demande. Grief rejeté. Décision citée :Eckert et autres (166-2-14893 à 98).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-07-04
  • Dossier:  166-32-31497
  • Référence:  2003 CRTFP 55

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

BARRY JEFFERIES ET AUTRES
fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS
employeur

Devant:   D.R. Quigley, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  

Sherrill Robinson-Wilson, Alliance de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Hamilton (Ontario),
le 6 mai 2003.


[1]   Il s'agit du renvoi à l'arbitrage d'un grief déposé par Barry Jefferies, Sheik Bacchus, Gary Dutchak, Mike Fitzgerald, Debbie Gallagher, François Lafrance, E.J. (Ted) McCarroll, Mike McDonald, Alan Mutrie, Don Radford, Robert Stagg, John Stewart, Carl Vance, Ken Wallace et Donald Wamil.

[2]   Les parties ont déposé un « Exposé conjoint des faits » (A-1) énonçant ce qui suit :

[Traduction]

Barry Jefferies et autres - Dossier de la CRTFP 166-32-31497

Exposé conjoint des faits

  1. La convention collective applicable aux présents griefs est la Convention collective entre l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Alliance de la fonction publique du Canada qui a été signée le 6 juillet 2001 et qui a pris fin le 31 décembre 2002.

  2. À la date où ils ont déposé leurs griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés étaient tous inspecteurs des viandes (EG) et travaillaient au Better Beef Plant, 781, rue York, Guelph (Ontario).

  3. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont soumis des réclamations de coûts kilométriques pour avoir utilisé leurs véhicules personnels de leur résidence à leur lieu de travail et de leur lieu de travail à leur résidence pour le poste que chacun d'eux a effectué le lundi 12 novembre 2001.

  4. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a refusé de rembourser les fonctionnaires s'estimant lésés pour les kilomètres réclamés le 12 novembre 2001.

  5. Le 12 novembre 2001 était le jour férié désigné payé pour le jour du Souvenir conformément à l'article 31 de la convention collective.

[3]   L'avocat de l'employeur a appelé un témoin et n'a déposé aucune pièce; la représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a appelé un témoin, Barry Jefferies, et a déposé deux pièces. Ni l'une ni l'autre des parties n'a demandé l'exclusion de témoins et chacune a fait un bref exposé introductif.

[4]   Barry Jefferies est inspecteur des viandes depuis 1992 et occupe actuellement un poste de groupe et niveau EG-02. Son témoignage se résume comme suit.

[5]   Les heures normales de travail à la Better Beef Plant sont de 6 h 35 à 15 h 05, du lundi au vendredi; à l'occasion, l'établissement est ouvert le samedi ou le dimanche. M. Jefferies a précisé qu'au cours des dernières années l'établissement a été ouvert seulement pendant deux jours fériés, soit le lundi de Pâques et le jour du Souvenir. L'établissement n'était pas ouvert les autres jours fériés désignés payés prévus à l'article 31 de la convention collective entre l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) et l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), signée le 6 juillet 2001 et dont la date d'expiration était le 31 décembre 2002.

[6]   M. Jefferies a témoigné que depuis qu'il travaille à l'ACIA, les inspecteurs des viandes ont travaillé les jours fériés désignés payés mentionnés ci-dessus (soit le lundi de Pâques et le jour du Souvenir), puisque les autres employés de l'établissement doivent travailler et qu'ils ne peuvent le faire sans les inspecteurs des viandes.

[7]   Le présent grief découle du fait que les fonctionnaires s'estimant lésés ont travaillé le lundi 12 novembre 2001 (le jour du Souvenir).

[8]   M. Jefferies a affirmé que si un inspecteur des viandes désirait prendre congé pendant un jour férié désigné payé, il devait en demander l'autorisation à son supérieur, le Dr E.J. Benson, un VI-02. Le Dr Benson est responsable de la Better Beef Plant et peut approuver ou refuser les demandes de congé. Si un employé demande congé un jour férié désigné payé, le Dr Benson refusera le congé, à moins qu'il puisse remplacer l'employé.

[9]   M. Jefferies était représentant syndical pour l'AFPC et, comme il y avait eu des désaccords par le passé concernant les réclamations de coûts kilométriques pour se rendre au travail un jour férié désigné payé, il a choisi la voie proactive et a discuté de la question directement avec le Dr Benson. M. Jefferies a demandé à ce dernier d'autoriser par écrit le remboursement de coûts kilométriques parce que M. Jefferies avait l'intention d'utiliser son véhicule personnel pour se rendre au travail le 12 novembre 2001.

[10]   Le témoin a reconnu la pièce G-2, une note que lui adressait le Dr Benson le 9 novembre 2001, laquelle énonce ce qui suit :

[Traduction]

Objet : Véhicule privé - jour férié

La présente note vise à autoriser les employés de l'inspection à utiliser leurs véhicules personnels pour se rendre au travail le jour férié du lundi 12 novembre 2001.

[11]   M. Jefferies a déclaré qu'à sa connaissance tous les fonctionnaires s'estimant lésés ont pris leur propre véhicule pour se rendre au travail ce jour-là. Il a précisé que, dans son cas, aucun service de transport en commun n'était offert près de sa résidence.

[12]   M. Jefferies a témoigné qu'il avait été rémunéré, pour sa journée de travail du 12 novembre 2001, à tarif et demi pour la première période de sept heures et demie et à tarif double pour les heures subséquentes, conformément à la convention collective.

[13]   M. Jefferies a indiqué que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient présenté leurs réclamations de coûts kilométriques au Dr Benson, ce dernier les ayant informés par la suite que la haute direction lui avait donné instruction de ne pas les rembourser. Le présent grief a donc été déposé le 13 novembre 2001.

[14]   En contre-interrogatoire, M. Jefferies a admis qu'il était au courant que des réclamations de coûts kilométriques avaient été refusées dans le passé. Toutefois, il a déclaré qu'après avoir reçu la note du Dr Benson, [traduction] « je m'attendais vraiment à être remboursé pour les kilomètres réclamés. »

[15]   Le Dr J. Tarkowski a occupé divers postes au cours de sa carrière à l'ACIA, dont celui d'inspecteur des viandes. À l'heure actuelle, il occupe un poste de groupe et niveau VM-03 et il supervise divers programmes de l'ACIA comme ceux de l'inspection des viandes, de l'hygiène et de la santé des animaux. Il est également responsable de deux abattoirs et de 20 unités d'inspection des viandes. Le Dr Benson relève directement du Dr Tarkowski.

[16]   Le Dr Tarkowski a témoigné qu'il n'avait appris que le 13 novembre 2001 l'existence de la note (pièce G-2) envoyée par le Dr Benson à M. Jefferies visant à approuver l'utilisation de véhicules personnels pour que les employés se présentent au travail le 12 novembre 2001. Il a déclaré que lorsqu'il a pris connaissance de la note, il a tenu une réunion à huis clos avec le Dr Benson au cours de laquelle il a précisé la position de l'ACIA concernant les réclamations de coûts kilométriques pour se rendre au travail un jour férié désigné, et a fait référence à la clause 31.06 de la convention collective.

[17]   Le témoin a déclaré que le Dr Benson avait préféré sa propre interprétation de la clause 31.06. Le Dr Tarkowski a rejeté l'interprétation du Dr Benson et l'a informé qu'il devait refuser les réclamations de coûts kilométriques des fonctionnaires s'estimant lésés. Il a également informé le Dr Benson que toute décision à venir relativement à l'interprétation d'une clause de la convention collective devait être discutée avec lui ou avec un conseiller des ressources humaines. Le témoin a ajouté que Dr Benson ne l'avait pas consulté à propos de la pièce G-2.

[18]   Il a été confirmé au cours du contre-interrogatoire que le Dr Benson peut approuver, sous réserve des nécessités du service, les heures supplémentaires, les affectations intérimaires, les demandes de congés (vacances, maladie, deuil), les indemnités de repas et les réclamations de coûts kilométriques. Cependant, dans sa réponse, le témoin a déclaré : [traduction] La pièce G-2 a été la seule fois au cours des six ou sept années où le Dr Benson a été superviseur qu'il a autorisé une réclamation de coûts kilométriques pour se présenter au travail un jour férié. »

ARGUMENTS

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[19]   Les fonctionnaires s'estimant lésés ont utilisé leurs véhicules personnels pour se rendre au travail un jour férié, soit le 12 novembre 2001. Le droit de réclamer des coûts kilométriques est prévu dans la clause 31.06 de la convention collective.

[20]   Les inspecteurs des viandes étaient tenus de travailler; ils n'avaient pas le choix, comme en a témoigné M. Jefferies. Ce dernier a précisé que, pour prendre congé, il fallait remplir un formulaire et que, si le superviseur ne pouvait trouver un remplaçant, le congé ne pouvait pas être approuvé.

[21]   Dans le cas de M. Jefferies, aucun service de transport en commun n'était offert et, par conséquent, il n'avait d'autre choix que de prendre son propre véhicule.

[22]   Par ailleurs, le superviseur des fonctionnaires s'estimant lésés, le Dr Benson, a confirmé (pièce G-2) que leurs réclamations de coûts kilométriques seraient approuvées.

[23]   La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a cité la décision suivante : Eckert et autres (dossiers de la Commission 166-2-14893 à 14898).

Pour l'employeur

[24]   L'avocat de l'employeur a fait valoir que pour que la clause 31.06 s'applique, les fonctionnaires s'estimant lésés doivent être obligés de se rendre au travail un jour férié désigné payé qui ne fait pas partie de leur horaire de travail habituel.

[25]   La clause 31.05 énonce ce qui suit : « Lorsqu'un employé-e travaille pendant un jour férié » et la clause 31.06 : « L'employé-e qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente ». L'avocat de l'employeur a ensuite fait référence à d'autres clauses de la convention collective dont le libellé est semblable, soit la clause 29.04 (Disponibilité) : « L'employé-e qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente », la clause 30.01a) (Indemnité de rentrée au travail) : « Lorsque l'employé-e est tenu de rentrer au travail et qu'il ou elle s'y présente » et la clause 27.05c) (Heures supplémentaires) : « Lorsque l'employé-e est tenu de se présenter au travail et se présente effectivement au travail ». Toutes ces clauses utilisent une formulation précise; si un employé est tenu de se présenter au travail et qu'il s'y présente en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire, l'employé a droit de se prévaloir des dispositions contenues dans ces clauses.

[26]   Si la position des fonctionnaires s'estimant lésés est maintenue, elle aura pour effet d'accorder un avantage aux employés qui prennent leur voiture pour se rendre au travail, alors que les employés qui utilisent le transport en commun n'en auront pas. L'intention de la clause 31.06 est de rembourser les coûts kilométriques dans les cas où un employé doit se présenter au travail avec peu de préavis. La pièce G-2 visait à autoriser les employés de l'inspection à utiliser leurs véhicules personnels pour se rendre au travail pendant un jour férié (le 12 novembre 2001) et ne constituait pas une promesse de remboursement des coûts kilométriques.

[27]   L'avocat de l'employeur a cité les décisions suivantes : Graham, Revill, Armstrong et autres (dossiers de la Commission 166-2-2735 à 2737) et Eckert et autres (supra).

MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]   Les clauses 31.05 et 31.06 de la convention collective applicable sont les suivantes :

31.05 Lorsqu'un employé-e travaille pendant un jour férié, il ou elle est rémunéré :

  1. à tarif et demi (11/2) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence du nombre d'heures journalières normales prévues à son horaire tel qu'indiqué à l'article 24 de la présente convention, et à tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là,

    ou

  2. sur demande, et avec l'approbation de l'Employeur, il ou elle peut bénéficier :

    1. d'un jour de congé payé (au tarif normal), à une date ultérieure, en remplacement du jour férié,

      et

    2. d'une rémunération calculée à raison d'une fois et demie (11/2) le tarif normal pour toutes les heures qu'il ou elle effectue jusqu'à concurrence du nombre d'heures journalières normales prévues à son horaire tel qu'indiqué à l'article 24 dans la présente convention collective,

      et

    3. d'une rémunération calculée à raison de deux (2) fois le tarif horaire normal pour toutes les heures qu'il ou elle effectue le jour férié en sus de ses heures journalières normales prévues à son horaire tel qu'indiqué à l'article 24 dans la présente convention collective.

  3. Nonobstant les alinéas a) et b), lorsque l'employé-e travaille un jour férié accolé à un jour de repos pendant lequel il ou elle a aussi travaillé et a été rémunéré pour des heures supplémentaires conformément au paragraphe 27.01b) ou c), il ou elle touche, en plus de la rémunération qui lui aurait été versée s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour férié, deux (2) fois son taux de rémunération horaire pour toutes les heures effectuées.

  4. Sous réserve des nécessités du service et de la présentation d'un préavis suffisant, l'Employeur accorde les jours de remplacement aux moments où l'employé-e les demande.

    1. Lorsque, au cours d'une année financière, l'employé-e n'a pas bénéficié de tous les jours de remplacement qu'il ou elle a demandés, ceux-ci sont, à sa demande, reportés pour une période d'un (1) an.

    2. En l'absence d'une telle demande, les jours de remplacement non utilisés sont payés en espèces au tarif normal de l'employé-e en vigueur au moment où les jours de remplacement ont été acquis.

31.06 L'employé-e qui est tenu de se présenter au travail un jour férié désigné et qui s'y présente touche la plus élevée des deux rémunérations suivantes :

(Je souligne)

  1. une rémunération équivalant à trois (3) heures de rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour chaque rentrée jusqu'à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d'une période de huit (8) heures;

    ou

  2. la rémunération calculée selon les dispositions du paragraphe 31.05.

  3. lorsque l'employé-e est tenu de se présenter au travail et se présente effectivement au travail dans les conditions énoncées en 31.06a) ou b) ci-dessus et qu'il ou elle est oblige (sic) d'utiliser des services de transport autres que les services de transport en commun normaux, il ou elle est rembourse (sic), de la façon suivante, des dépenses raisonnables qu'il ou elle a engagées.

    1. les frais de millage au taux normalement payes a (sic) l'employé-e lorsqu'il ou elle est autorise (sic) par l'employeur a (sic) utiliser son automobile lorsqu'il ou elle voyage dans son propre automobile;

      ou

    2. les dépenses effectivement engagées pour d'autres moyens de transport commerciaux.

[29]   M. Jefferies a témoigné que ses heures de travail à la Better Beef Plant étaient de 6 h 35 à 15 h 05, du lundi au vendredi. Depuis 1992, il travaille le lundi de Pâques et le jour du Souvenir parce que les employés de l'établissement ne peuvent travailler sans les services qu'il assure à titre d'inspecteur des viandes.

[30]   M. Jefferies a également déclaré qu'au moment du dépôt de son grief, il était représentant syndical de l'AFPC. Il a ajouté que la clause 31.06 est une disposition controversée, puisque son interprétation a donné lieu à des désaccords entre le syndicat et l'employeur. Il a précisé que, voulant être proactif, il avait demandé à son supérieur immédiat, le Dr Benson, de l'autoriser à utiliser son véhicule personnel pour se rendre au travail le 12 novembre 2001 (pièce G-2). M. Jefferies a témoigné qu'il avait utilisé son véhicule parce qu'aucun service de transport en commun n'était offert près de sa résidence et qu'il avait présenté sa réclamation de coûts kilométriques au Dr Benson. Toutefois, le Dr Benson a ensuite informé tous les fonctionnaires s'estimant lésés qu'il avait reçu instruction du Dr Tarkowski de ne pas leur rembourser les kilomètres réclamés.

[31]   La question en l'espèce est de déterminer si un employé dont l'horaire prévoit qu'il travaillera pendant un jour férié désigné payé et qui se présente au travail est en droit de se faire rembourser ses frais de déplacement, comme le prévoit l'alinéa 31.06c).

[32]   À l'article 31 (Jours fériés désignés payés), la clause 31.01 précise que le jour du Souvenir est un jour férié désigné payé.

[33]   Selon la preuve, il est clair qu'au moment où le présent grief a été déposé, les fonctionnaires s'estimant lésés travaillaient comme inspecteurs des viandes du lundi au vendredi à la Better Beef Plant. En l'espèce, le 12 novembre 2001 était un lundi, un jour normal de travail prévu à l'horaire.

[34]   La clause 31.09 énonce ce qui suit : « Lorsque les nécessités du service le permettent, l'Employeur ne demandera pas à un employé-e de travailler le 25 décembre et le 1er janvier au cours de la même période des fêtes de fin d'année ». Il est évident, selon le libellé de cette clause, que l'employeur prévoit que des employés travailleront pendant les jours fériés désignés payés, comme le jour de Noël et le Jour de l'an. De plus, il est évident que si un employé travaille pendant un jour férié, les dispositions de la clause 31.05 s'appliquent.

[35]   À l'instar de l'avocat de l'employeur, je suis d'avis que les termes utilisés dans la clause 31.06 « qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente » ont été repris dans d'autres dispositions de la convention collective (soit la clause 29.04 (Disponibilité), la clause 30.01a) (Indemnité de rentrée au travail) et la clause 27.05c) (Heures supplémentaires) et font référence aux instances où un employé se présente au travail pour travailler en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire.

[36]   À mon avis, un employé qui est tenu de se présenter au travail un jour férié désigné payé qui n'est pas un jour de travail habituel a droit à une indemnité de coûts kilométriques ou au remboursement des dépenses engagées pour d'autres moyens de transport commerciaux, comme le prévoient les sous-alinéas 31.06c)(i) et (ii), si l'employé y est autorisé au préalable par l'employeur.

[37]   M. Jefferies a témoigné que la clause 31.06 soulevait la controverse depuis 1992. La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a soutenu que le remboursement des coûts kilométriques avait été une question litigieuse par le passé, mais n'a pas fait la preuve qu'il était pratique courante de rembourser ces coûts. En effet, la preuve montre que le Dr Benson acceptait pour la première fois en six ou sept ans de rembourser les coûts kilométriques réclamés aux termes de la clause susmentionnée. Selon moi, M. Jefferies a voulu respecter les conditions du sous-alinéa 31.06c)(ii) en obtenant du Dr Benson une note dans laquelle il acceptait de faire rembourser par l'employeur l'utilisation d'un véhicule personnel pour se rendre au travail pendant un jour férié désigné payé. Cependant, les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas satisfait aux exigences du préambule de la clause 31.06 : « qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente ». Les fonctionnaires s'estimant lésés ont travaillé pendant une journée de travail normale prévue à l'horaire, qui se trouvait à être un jour férié désigné payé.

[38]   Je suis également d'avis que les termes « qui est tenu de se présenter au travail [...] et qui s'y présente » visent les cas où l'employeur a besoin des services d'un employé à peu de préavis et qu'aucun service de transport en commun n'est offert. Dans ces cas, une prime est versée en application de la clause 31.06.

[39]   Le fait que M. Jefferies ait choisi de vivre dans un secteur où on n'offre pas de service de transport en commun dépend entièrement de lui. L'employeur n'est pas responsable de ce choix et ne devrait pas avoir à rembourser la réclamation de coûts kilométriques.

[40]   Bien que M. Jefferies ait déclaré avoir cru qu'en obtenant la note du Dr Benson (pièce G-2), il s'assurait que les autres fonctionnaires s'estimant lésés et lui se feraient remboursés les kilomètres réclamés, je tiens à préciser qu'il n'existe aucun droit de ce genre; l'interprétation du Dr Benson de la clause 31.06 était erronée. Une promesse faite par l'employeur de ne pas appliquer les dispositions d'une convention collective peut, dans certaines circonstances, donner naissance à un droit dans un cas où s'applique la doctrine de la préclusion. Toutefois, pour pouvoir appliquer la doctrine de la préclusion dans une instance, il faut d'abord démontrer que la promesse a été faite alors que le promettant était en pleine connaissance de ses droits (c.-à-d. qu'il doit être établi que l'employeur connaissait ses droits et qu'il a quand même fait la promesse, tout en sachant qu'il renonçait à l'un de ses droits). La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés n'a pas produit de preuve établissant que le Dr Benson savait que les réclamations de coûts kilométriques n'étaient pas permises par la convention collective lorsqu'il a signé la note. En outre, M. Jefferies ne s'est nullement fondé sur la note puisqu'il devait utiliser son propre véhicule pour se rendre au travail étant donné qu'aucun service de transport en commun n'était offert de son domicile ce jour-là. La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés n'a pas prouvé que l'un d'eux s'était fondé sur la note et avait utilisé son propre véhicule sur la seule foi de la note du Dr Benson. Comme l'a déclaré l'ancien vice-président J.M. Cantin dans la décision Eckert et autres (dossiers de la Commission 166-2-14893 à 14898) : « L'erreur est humaine, mais elle ne peut pas changer les dispositions de la convention collective ».

[41]   Pour tous ces motifs, le présent grief est rejeté.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 4 juillet 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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