Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Renvoi en période probatoire - Question de savoir s'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée - le fonctionnaire s'estimant lésé a été engagé à titre de surveillant principal - sa nomination était conditionnelle à une période de probation de 12 mois - l'employeur l'a renvoyé en cours de période de probation au motif qu'il n'avait pas démontré le niveau de rendement requis pour occuper son poste - l'employeur a fait valoir que l'arbitre n'était pas compétent pour trancher le grief puisque celui-ci se rapportait à un renvoi en période de probation - le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que l'arbitre était effectivement compétent pour entendre et trancher le grief, puisque l'employeur avait agi de mauvaise foi en le licenciant - l'arbitre a déterminé que l'employeur avait établi qu'il avait licencié le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de la période de probation pour un motif lié à l'emploi, à savoir qu'il éprouvait une insatisfaction à l'égard de l'aptitude du fonctionnaire s'estimant lésé - le fonctionnaire s'estimant lésé n'ayant pas réussi à établir que son licenciement était un trompe-l'oil ou du camouflage, l'arbitre a conclu qu'il n'était pas compétent pour enquêter davantage sur la question. Grief rejeté. Décisions citées : Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, [2001] A.C.F. no 802; Canada (Procureur général) c. Penner (C.A.), [1989] A.C.F. no 461; Corporation of District of Maple Ridge and Canadian Union of Public Employees, Local 622 (1989), 15 C.L.A.S. (50); Smith (166-23017).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-02-24
  • Dossier:  166-23-31504
  • Référence:  2003 CRTFP 15

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARK SPURRELL
fonctionnaire s'estimant lésé

et

BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES
employeur

Devant :   D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Richard Fader, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 7 et le 8 janvier 2003.


[1]   Le 20 août 2003, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a renvoyé à l'arbitrage un grief concernant le renvoi en cours de stage de Mark Spurrell, un surveillant principal (niveau RE-5) au Groupe des institutions financières du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).

[2]   L'avocat de l'employeur a déposé quatre pièces et a fait entendre deux témoins; le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déposé deux pièces et a fait entendre un témoin : le fonctionnaire s'estimant lésé.

[3]   Les deux représentants ont fait de brefs exposés introductifs; ils ont tous deux convenu que le BSIF est un employeur distinct régi par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) et ses règlements. Il a également été convenu que l'employeur avait respecté ses obligations à l'égard de la période de préavis pour le renvoi en cours de stage et que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été avisé quatre semaines à l'avance.

FAITS

[4]   Wing-Haan Tam a été gestionnaire (RE-6) au BSIF depuis les sept dernières années. Avant de joindre les rangs de la fonction publique, Mme Tam a travaillé pour la société Imperial Life Insurance et à la Banque de Montréal pour un total de 14 années. Elle est comptable en management accrédité (CMA) et est titulaire d'une Maîtrise en administration des affaires (MBA).

[5]   Mme Tam était le supérieur immédiat du fonctionnaire s'estimant lésé à ce moment et relevait de Calvin Johansson, le directeur du Groupe des institutions financières.

[6]   Mme Tam a témoigné que deux superviseurs principaux, dont le fonctionnaire s'estimant lésé, relevaient directement d'elle, et que son portefeuille comprenait de six à sept institutions financières. Chacun des deux superviseurs principaux se serait vu assigner trois ou quatre de ces institutions financières et devrait fournir des contacts soutenus, réaliser une analyse détaillée des profils de risque des institutions, développer des évaluations de risques et une matrice de risque sommaire des institutions, tenir des réunions, rédiger des rapports et correspondre avec les institutions en temps opportun et fournir des rapports auxquels seules des corrections mineures devraient être apportées.

[7]   Mme Tam a témoigné que lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé aurait acquis toutes les aptitudes nécessaires pour occuper le poste de surveillant principal, il serait en mesure de diriger les inspections sur place, d'effectuer, à titre d'inspecteur principal, des inspections sur place des institutions; de même qu'il serait responsable de la coordination des activités, de tenir le calendrier des réunions et d'effectuer des inspections sur place des institutions.

[8]   Elle a également déclaré que, à titre de nouvel employé, le fonctionnaire s'estimant lésé la rencontrait pour discuter de questions particulières ou pour obtenir des directives supplémentaires.

[9]   Mme Tam a déclaré que l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé s'est terminé le 19 avril 2002, et que cette décision avait été prise par M. Johansson. Sa participation dans cette décision était de fournir des commentaires à ce dernier quant aux secteurs pour lesquels le fonctionnaire s'estimant lésé devait s'améliorer et de faire rapport de toutes les observations qu'elle pouvait faire.

[10]   Mme Tam a identifié la pièce E-1, la lettre de M. Johansson envoyée au fonctionnaire s'estimant lésé le 22 juin 2001 qui lui offrait un poste d'une durée indéterminée au niveau RE-5. Voici un aperçu de ce que la lettre disait : [Traduction]
...De plus, en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de ses règlements (article 28), les douze premiers mois d'emploi continu font partie de la période de stage.
...
   Les conditions qui régiront votre emploi sont celles prévues par le Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique et par la convention collective...

[11]   Le 25 juin 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté et signé la lettre d'offre et a commencé à travailler au BSIF le 7 août 2001.

[12]   Mme Tam a témoigné que, étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé était un nouvel employé et qu'il était du secteur privé, elle l'avait jumelé à des membres d'équipe plus chevronnés et on lui avait demandé d'effectuer des tâches de nature plus courante. Au cours de sa première rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé, elle lui a présenté deux options : elle pourrait lui confier des tâches qui comportent un niveau élevé de direction et le laisser effectuer l'examen des secteurs s'ils ont besoin d'être corrigés ou modifiés, ou elle pourrait lui fournir des directives précises et le « tenir par la main ». Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il préférait la première option et Mme Tam a indiqué qu'elle a dit au fonctionnaire s'estimant lésé qu'elle aurait aussi fait le même choix.

[13]   Mme Tam a décrit le « Document d'engagement à l'égard des buts » du BSIF (pièce E-2), qu'elle avait passé en revue avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Le document établit les buts, les objectifs, les responsabilités, les priorités et le code de conduite pour lequel le fonctionnaire s'estimant lésé serait responsable. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accusé réception de ce document en signant une copie le 30 août 2001.

[14]   Mme Tam a déclaré qu'elle partait en vacances au début du mois de septembre 2001 et que quelques jours avant son départ, possiblement le mercredi ou le jeudi, elle avait confié un lot de tâches au fonctionnaire s'estimant lésé. Le vendredi, il lui a dit que le travail demandé était terminé, ce qui l'a grandement surprise. Il a également précisé qu'il souhaitait prendre l'après-midi de congé et qu'il aimerait commencer à travailler selon une semaine de travail comprimée. Mme Tam l'a informé que, puisqu'elle devait passer en revue la semaine de travail comprimée avec lui et puisqu'il n'était au service du BSIF que depuis trois semaines, elle aurait besoin de temps pour évaluer son travail. Elle a terminé la conversation en disant qu'elle examinerait sa demande dans un avenir rapproché.

[15]   Mme Tam a déclaré qu'à son retour de vacances, le travail qu'elle avait confié au fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas été fait. Elle a demandé à le rencontrer et lui a demandé de lui expliquer pourquoi les tâches n'avaient pas été effectuées. Il a répondu qu'il n'avait pas eu suffisamment de temps, qu'il n'y avait pas suffisamment de renseignements et qu'il avait dû naviguer sur Internet et assister à un certain nombre de séances de formation.

[16]   Mme Tam a témoigné que, même si le BSIF encourage les séances de formation pour ses employés, il s'attend également à ce que ces derniers soient responsables envers les tâches qui leur sont confiées. Elle a également indiqué qu'elle s'attendait à ce que le fonctionnaire s'estimant lésé, à titre de surveillant principal, aurait informé M. Johansson, qui autorise la formation, qu'il avait des tâches à effectuer.

[17]   Mme Tam a résumé plusieurs rencontres et incidents qu'elle a eus avec le fonctionnaire s'estimant lésé comme suit.

[18]   Mme Tam a eu une rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de laquelle elle l'a informé de l'importance des échéances et du respect des calendriers. Elle lui a également mentionné que s'il éprouvait n'importe quel problème, il pourrait en parler à d'autres membres d'équipe ou à un autre surveillant principal. Elle a également déclaré au fonctionnaire s'estimant lésé que le temps passé à naviguer sur Internet n'était pas justifié pour la majorité des travaux qu'il effectuait. Le témoin a également mentionné qu'elle avait informé M. Johansson au sujet de ses rencontres avec le fonctionnaire s'estimant lésé.

[19]   Mme Tam a fait référence à un incident où le fonctionnaire s'estimant lésé avait été assigné pour effectuer un rapprochement de comptes pour la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC). Le fonctionnaire s'estimant lésé l'a informée qu'il avait eu un problème avec l'institution, mais qu'il l'avait résolu, bien qu'il était préoccupé quant à ses responsabilités vis-à-vis de la loi à l'égard des rapprochements. Elle a tenté de lui expliquer qu'il y avait un certain nombre de façons d'effectuer un rapprochement; toutefois, il devait être en mesure de justifier son évaluation. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas apprécié sa réponse et lui a posé la même question à quatre reprises, et à ce moment Mme Tam a commencé à s'impatienter et lui a dit : [Traduction]   « Je ne répondrai pas une fois de plus à cette question. » Mme Tam a déclaré que même si elle s'était impatientée, elle comprenait que le fonctionnaire s'estimant lésé était un nouvel employé, qu'il était anxieux et qu'il recherchait un niveau de confort. Elle lui a par conséquent accordé le bénéfice du doute quant à son comportement agressif.

[20]   Mme Tam s'est également souvenue d'un autre incident où la vice-présidente de Internal Audit ING., Karen Dalton, s'était personnellement plainte à elle du comportement agressif du fonctionnaire s'estimant lésé et de son intimidation envers un de ses employés. Mme Tam a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé pour lui rappeler les règlements du BSIF visant la conduite des employés. Elle a ensuite rencontré M. Johansson pour discuter de ce qui semblait être une série d'événements où le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé était incompatible au rôle joué par le BSIF. M. Johansson était préoccupé, étant donné qu'il avait lui aussi remarqué le comportement agressif du fonctionnaire s'estimant lésé alors qu'il animait une séance d'orientation à laquelle assistait le fonctionnaire s'estimant lésé. Mme Tam a indiqué à M. Johansson qu'elle rencontrerait à nouveau le fonctionnaire s'estimant lésé et qu'elle examinerait le « Document d'engagement à l'égard des buts » du BSIF (pièce E-2).

[21]   Lorsque Mme Tam a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé, elle a plus particulièrement abordé les cinq questions suivantes :
  1. la responsabilisation quant à l'achèvement des travaux en temps opportun, individuellement et au sein de l'équipe;
  2. une attente à ce que chaque personne mette en pratique l'ensemble de ses connaissances et de ses capacités, partage des idées et fasse preuve d'initiative pour permettre à l'équipe d'être aussi efficace que possible;
  3. une conduite professionnelle de la part des employés;
  4. le respect des échéances établies pour la surveillance, des commentaires en respectant les dates d'échéance et un avis rapide si les échéances ne peuvent être respectées;
  5. une rédaction claire des rapports de gestion et de la correspondance avec les institutions, en temps opportun et ne demandant qu'une révision mineure.

[22]   Mme Tam a informé le fonctionnaire s'estimant lésé que les connaissances prennent du temps à assimiler et que s'il avait besoin d'aide, il pouvait soit en parler à l'équipe, soit à elle. Elle lui a encore parlé de l'option d'un niveau élevé de direction ou d'un niveau détaillé; le fonctionnaire s'estimant lésé a une fois de plus confirmé son choix initial. En outre, au cours de cette rencontre, la politique sur la semaine de travail comprimée a encore été soulevée par le fonctionnaire s'estimant lésé. Mme Tam l'a informé qu'elle avait besoin de plus de temps pour évaluer ses travaux, mais qu'ils pourraient étudier la question à nouveau dans quelques mois. Elle lui a également précisé qu'elle comprenait qu'il avait une famille et que s'il avait besoin de congés pour des questions d'ordre familiales, il avait droit à cinq journées de congé pour obligations familiales en vertu de la convention collective. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été très volubile et n'a pas posé beaucoup de questions au cours de cette rencontre; par conséquent, le jour suivant Mme Tam lui a envoyé un courriel (pièce G-1) résumant les aspects préoccupants dont ils avaient discuté.

[23]   Mme Tam se rappelle d'un autre incident où le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait des commentaires dans un endroit public à l'égard des institutions financières. À la suite de cet incident, elle l'a rencontré dans son bureau et lui a demandé de passer le code de conduite du BSIF en revue.

[24]   Mme Tam a également mentionné une autre occasion où le fonctionnaire s'estimant lésé et une autre membre de l'équipe faisaient une inspection sur place et les renseignements qu'ils devaient recueillir étaient très importants pour une présentation d'un examen par voie d'audience qu'elle devait donner. Elle a envoyé un courriel au fonctionnaire s'estimant lésé pour lui demander les renseignements mais n'a rien obtenu. Les notes de la séance étaient réparties en trois secteurs que le fonctionnaire s'estimant lésé devait remplir, ce qui n'a pas été fait. Lorsque Mme Tam lui a demandé son avis à propos de l'échéance, il n'a pas répondu; en fait, il ne pouvait pas ou ne voulait pas lui donner une idée de la date où elle pourrait s'attendre à recevoir les travaux demandés qui, selon elle, auraient pu être faits par une personne occupant un poste de niveau inférieur.

[25]   Le dernier incident que Mme Tam a relaté s'est déroulé lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé et elle ont assisté à une réunion de synthèse avec M. Johansson. Avant l'arrivée de M. Johansson, un affrontement s'est produit entre le fonctionnaire s'estimant lésé et elle parce qu'il voulait modifier des projets de lignes directrices sur la conformité. Elle a expliqué au fonctionnaire s'estimant lésé que les documents n'étaient que des projets et que les changements étaient sans importance. Lorsque M. Johansson les a rencontrés, le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau soulevé cette affaire. Finalement, M. Johansson a indiqué qu'il souscrivait au raisonnement de Mme Tam et a avisé le fonctionnaire s'estimant lésé de respecter la décision prise collectivement. M. Johansson a pris note de l'attitude et du comportement du fonctionnaire s'estimant lésé.

[26]   Mme Tam a témoigné qu'en avril 2002 elle a été mutée à un autre secteur du BSIF, une mutation dont elle avait fait la demande quelque temps auparavant en vue d'élargir des connaissances des institutions de plus grande importance. Étant donné qu'elle ne serait plus la supérieure immédiate du fonctionnaire s'estimant lésé, une réunion a été tenue avec Chuck Reynolds, le nouveau gestionnaire du fonctionnaire s'estimant lésé, M. Johansson et Gina Dimanis, la directrice des ressources humaines du BSIF. Mme Tam a déclaré que c'est au cours de cette réunion, le 19 avril 2002, alors qu'elle avait un résumé de deux pages sur les secteurs où le fonctionnaire s'estimant lésé devait s'améliorer, que d'autres plaintes ont fait surface. Mme Dimanis a indiqué qu'il y avait eu des plaintes d'autres collègues quant à l'attitude et au comportement du fonctionnaire s'estimant lésé, et à son comportement perturbateur pendant un cours du BSIF. C'est également au cours de cette réunion qu'ils ont évalué les antécédents professionnels du fonctionnaire s'estimant lésé et leurs observations à l'égard de son attitude et de son comportement. Un sentiment général semblait dire que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas sa place au sein du BSIF; toutefois, M. Johansson prendrait la décision finale quant au renvoi ou non du fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage.

[27]   Au cours d'un contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à Mme Tam si elle avait entendu des plaintes de collègues et si elle les avait exprimées au fonctionnaire s'estimant lésé. Mme Tam a répondu : « Je ne me souviens pas si j'ai parlé ou non au fonctionnaire s'estimant lésé. » Elle a déclaré qu'il ne s'agissait pas tant des plaintes de collègues que le fait que « nous avons tous convenu pendant cette réunion que le rendement du fonctionnaire s'estimant lésé, son comportement agressif et son manque de professionnalisme ne cadraient pas avec l'image du BSIF. La décision de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage faisait suite à la demande de M. Johansson. »

[28]   Lorsque le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à Mme Tam s'il était raisonnable d'accorder au fonctionnaire s'estimant lésé, qui avait eu des plaintes à son égard, la chance de donner son point de vue, elle a acquiescé. Cependant, elle a rappelé que les plaintes n'étaient pas aussi sérieuses que les autres questions qui ont été portées à l'attention du fonctionnaire s'estimant lésé par l'entremise d'une série de rencontres qu'ils ont eues, mais son comportement ne s'est pas amélioré. En fait, pendant et après les rencontres, le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas prononcé, ou très peu, quant aux questions qu'elle a soulevées.

[29]   Calvin Johansson est au service de la fonction publique depuis 15 ans et est directeur du Groupe des institutions financières. Trois gestionnaires, dont Mme Tam, relèvent directement de lui.

[30]   M. Johansson a témoigné qu'il avait participé au processus d'embauche du fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il avait pris la décision de renvoyer ce dernier en cours de stage. Au cours d'une rencontre officielle, il a présenté et lu au fonctionnaire s'estimant lésé la lettre de licenciement de M. Spurrell datée du 19 avril 2002. La lettre est reproduite ci-dessous (pièce E-3) : [Traduction]
Pour le compte du Bureau du surintendant des institutions financières, j'ai le regret de vous informer de notre décision de mettre fin à votre emploi en cours de stage. Tenant lieu d'avis, vous recevrez l'équivalent de quatre semaines de salaire.

   Cette mesure est nécessaire étant donné que vous n'avez pas su démontrer le niveau de rendement requis pour le poste de surveillant principal. Un certain nombre d'entretiens avec votre gestionnaire aux fins d'obtenir des commentaires et une orientation n'ont entraîné aucune amélioration significative de votre rendement.

[31]   M. Johansson a ajouté qu'il ne s'agissait en aucune façon d'un licenciement pour des motifs disciplinaires, mais qu'il s'agissait plutôt d'un renvoi en cours de stage. Il a déclaré que le pouvoir d'en arriver à une telle décision lui avait été conféré par le sous-ministre en vertu de la LEFP. La décision de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé a été prise à la suite d'une série de consultations avec Mme Tam et Mme Dimanis. De plus, le motif qu'il a utilisé était fondé sur les points suivants :

  1. le problème persistant du fonctionnaire s'estimant lésé quant à son comportement dépourvu de professionnalisme;

  2. le rendement du fonctionnaire s'estimant lésé et son respect des échéances de tâches exigées; et

  3. les problèmes persistants avec les membres de l'équipe et d'autres individus du BSIF.

[32]   M. Johansson a déclaré qu'il a été témoin du comportement agressif du fonctionnaire s'estimant lésé lorsqu'il (M. Johansson) donnait un cours d'orientation sur le cadre de surveillance à des nouveaux employés. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'arrêtait pas de poser la même question, à laquelle M. Johansson a répondu de nombreuses fois, mais le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas satisfait de la réponse. M. Johansson a remarqué son intonation et a pris note de cette marque d'agressivité.

[33]   M. Johansson a relaté l'incident auquel Mme Tam a fait référence où le fonctionnaire s'estimant lésé avait été présumé avoir eu un comportement perturbateur au cours d'une séance de formation. Il a discuté avec le directeur de la formation, Russell Yeoman, qui a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait démontré un comportement agressif au cours de la période de questions.

[34]   M. Johansson a confirmé qu'il avait approuvé les séances de formation demandés par le fonctionnaire s'estimant lésé, mais il a déclaré qu'il avait informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il en ferait ainsi pourvu que le fonctionnaire s'estimant lésé ait le temps et que cela n'affecte pas son travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a assuré que cela n'affecterait pas son travail, mais en fin de compte, il n'a pas terminé ses tâches. M. Johansson a déclaré qu'il compte sur l'honnêteté et le professionnalisme des gens; par conséquent, à ce moment il a approuvé les séances de formation du fonctionnaire s'estimant lésé. De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé passait beaucoup trop de temps à naviguer sur Internet et Mme Tam avait conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé à plusieurs reprises à propos de son utilisation d'Internet.

[35]   En ce qui a trait au rendement et au respect des délais de la part du fonctionnaire s'estimant lésé, M. Johansson a déclaré qu'il comptait sur Mme Tam, qui travaillait chaque jour avec le fonctionnaire s'estimant lésé et qui connaissait ses habitudes de travail, pour l'informer des mesures qu'elle avait prises pour améliorer le rendement du fonctionnaire s'estimant lésé. En fait, Mme Tam et M. Johansson se sont rencontrés à plusieurs occasions.

[36]   M. Johansson a conclu en déclarant que Mme Tam, Mme Dimanis et lui ont discuté de la possibilité que le fonctionnaire puisse avoir du succès au sein du BSIF. Toutefois, après avoir délibéré relativement à cette affaire, M. Johansson a décidé de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage.

[37]   Au cours du contre-interrogatoire, M. Johansson a confirmé qu'il avait parlé personnellement à M. Yeoman, directeur de la formation, qui confirmait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait eu un comportement perturbateur et agressif au cours d'une séance de formation. Il a admis, toutefois, qu'il n'avait pas parlé à des collègues ou à d'autres individus qui avaient formulé des plaintes à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé.

[38]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a invoqué à M. Johansson que le BSIF n'a aucune politique ou procédure pour les employés en stage et que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait reçu aucune évaluation en bonne et due forme, puisque les employés en stage n'ont aucune évaluation avant d'avoir complété une année de service. Cependant, M. Johansson a déclaré que la gestionnaire dans cette affaire, Mme Tam, a fait des commentaires personnels au fonctionnaire s'estimant lésé, mais pas dans un document officiel.

[39]   M. Johansson a convenu au cours du contre-interrogatoire qu'un employé doit être tenu au courant si quiconque formule une plainte à son sujet et connaître le fondement de la plainte. Il a également convenu que le faible rendement du fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas été rédigé, mais a déclaré que Mme Tam a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé, discuté du « Document d'engagement à l'égard des buts » (pièce E-2) avec lui à plusieurs reprises et que l'essentiel de la deuxième rencontre avait été rédigé (pièce G-1).

[40]   M. Johansson a également déclaré que les organismes de réglementation doivent à l'occasion faire des mises au point avec des institutions financières, mais que s'ils rencontrent des obstacles, la confrontation n'est pas la solution. L'alternative est de chercher de l'aide auprès d'un gestionnaire ou d'aller le voir personnellement.

[41]   En conclusion, M. Johansson a indiqué qu'il avait discuté de l'attitude, du comportement et des évaluations du rendement du fonctionnaire s'estimant lésé avec Mme Tam, M. Yeoman, Mme Dalton et Mme Dimanis. Parallèlement à ses propres observations du fonctionnaire s'estimant lésé, il a pris la décision que le BSIF ne convenait pas tout à fait au fonctionnaire s'estimant lésé et, par conséquent, l'a renvoyé en cours de stage.

[42]   Le fonctionnaire s'estimant lésé, Mark Spurrell, a déclaré qu'il avait accepté une offre d'emploi au BSIF le 25 juin 2001, et qu'il avait commencé à travailler le 7 août 2001. Avant de joindre les rangs du BSIF, il a travaillé pour la Banque de Nouvelle-Écosse pendant 10 ans, au sein de plusieurs postes. Il a décrit les tâches qu'il avait lorsqu'il était à l'emploi de la Banque de Nouvelle-Écosse et a produit en preuve, par l'entremise de son représentant, son curriculum vitae (pièce G-2).

[43]   M. Spurrell a témoigné que M. Johansson était satisfait de son curriculum vitae et qu'il était positif quant à l'embauche par le BSIF du fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier a comparé le poste qu'il occupait à la Banque de Nouvelle-Écosse à son poste de surveillant principal (RE-5) et a défini son changement d'emploi comme étant une mutation latérale. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il trouvait que le secteur privé avait un style de gestion plus ouvert, où on discute avec candeur et où on peut questionner la direction et poser des questions exploratives afin d'être bien préparé face à toutes les situations qui peuvent survenir.

[44]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que la direction du BSIF accepte mal les questions exploratives; les échéances données sont repoussées, puis soudainement changées, et cela se produit assez fréquemment. De plus, l'atmosphère était tendue et parfois opaque.

[45]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a poursuivi en déclarant que, bien qu'il y avait une courbe d'apprentissage prononcée, il sentait qu'il avait les compétences pour faire le travail et voulait apprendre.

[46]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé que Mme Tam était son supérieur immédiat. Il a indiqué, toutefois, qu'il n'y a jamais vraiment eu d'interaction entre eux sauf pendant les réunions d'équipe. Il a déclaré que lorsqu'il lui posait des questions difficiles liées à son emploi, elle lui revenait parfois avec une réponse et parfois non. Il a précisé qu'il avait pratiquement appris son emploi de ses collègues; ces derniers l'ont informé que le style de gestion de Mme Tam était de ne pas poser de questions, qu'il fallait faire comme elle voulait. Il a également découvert peu après son arrivée que trois autres personnes qui travaillaient pour Mme Tam avaient toutes été mutées à l'extérieur du BSIF.

[47]   Il a également précisé qu'il ne croyait pas qu'il était juste qu'il soit licencié sans aucune évaluation ou commentaires écrits dans son dossier personnel. Il a souligné qu'il avait les compétences nécessaires pour l'emploi au BSIF. En outre, il n'était au courant d'aucune plainte de ses collègues, tant écrites que verbales, et il n'avait appris l'existence de ces plaintes qu'au moment de son licenciement.

[48]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé que ni M. Johansson ni Mme Tam ne lui avait parlé de plaintes de collègues. Il a également précisé qu'en aucun temps avait-on mentionné, tant verbalement qu'à l'écrit, que son attitude ou son comportement avaient mis son emploi en jeu. Ses rapports étaient remis à temps et il n'avait en aucun temps dérogé aux règles de confidentialité ou démontré un comportement agressif. Il a essayé de changer et de se conformer aux procédures de travail après en avoir pris connaissance.

[49]   Au cours du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il ne croyait pas que M. Johansson avait une intention cachée ou que son licenciement était pour des raisons disciplinaires.

ARGUMENTS

Pour l'employeur

[50]   L'avocat de l'employeur soutient qu'il s'agit ici d'un renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié en vertu de l'article 28 de la LEFP, qui se lit comme suit :
28.(1) À partir de la date de sa nomination à un poste pourvu par nomination externe, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par règlement par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie.

Idem

(1.1)Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas le stage.

(2)À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

[51]   L'avocat m'a aussi renvoyé à la disposition pertinente de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) , dont l'article 92 se lit comme suit :
   92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

   (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

   (3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la

Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[52]   L'avocat de l'employeur a soutenu que, en l'espèce, les faits démontrent qu'il ne s'agit pas d'un cas de discipline, mais d'un renvoi en cours de stage en vertu de l'article 28 de la LEFP. Il n'y avait aucune intention cachée; le fonctionnaire s'estimant lésé était en stage et pour les motifs cités par M. Johansson et par Mme Tam, il a été convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas un bon « élément » pour le BSIF.

[53]   L'avocat a conclu en disant que, tel que mentionné dans la lettre d'offre, le fonctionnaire s'estimant lésé savait qu'il était en stage. M. Johansson, qui avait la délégation de pouvoirs pour agir ainsi, l'a subséquemment renvoyé en cours de stage avec un préavis de quatre semaines.

[54]   L'avocat de l'employeur m'a référé aux affaires suivantes : Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, [2001]   A.C.F. nº 802; Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997]   A.C.F. nº 225; Tipple et Sa Majesté la Reine (Conseil du Trésor) , dossier de la Cour fédérale nº A-66-85; Canada (Procureur général) c. Penner (C.A.F.) , [1989]   A.C.F. nº 461 et Brownrigg (dossier de la Commission 166-2-27623).

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[55]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé affirme que, bien qu'il ne s'agit peut-être pas d'une intention malveillante ou d'une démonstration de mauvaise foi, l'employeur n'a pas retenu certains secteurs de ses responsabilités. M. Johansson ne connaissait peut-être pas ses obligations quant à l'établissement d'une cause pour le renvoi en cours de stage, ce qui n'a pas été prouvé à la présente audience, et cela constitue de la mauvaise foi.

[56]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a quitté un poste qu'il occupait depuis plus de 10 ans dans le secteur privé pour joindre les rangs du BSIF. Son témoignage, qui n'a pas été contesté, a décrit le BSIF comme étant une organisation fermée, rigide et secrète. Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire s'estimant lésé a commis des erreurs; cela est normal pour un employé en stage. Sa nature sceptique et le fait de questionner la direction sur certains points découlent de son passé dans le secteur privé.

[57]   Si le BSIF avait voulu sauvegarder la relation, il aurait pu, à tout le moins, mettre ses préoccupations par écrit et le fonctionnaire s'estimant lésé aurait par conséquent été au courant de son mauvais rendement. Il ne fait aucun doute qu'il y avait un problème de communication et de malentendus entre le fonctionnaire s'estimant lésé et Mme Tam. Cette dernière n'avait auparavant jamais supervisé un employé en stage dans la fonction publique. De plus, il n'y avait aucune ligne directrice ou procédure en place au BSIF pour l'aider dans sa tâche de supervision d'un employé en stage; il n'y avait aucun critère utilisé pour évaluer le fonctionnaire s'estimant lésé.

[58]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que l'employeur s'est comporté de façon arbitraire et puisque le fonctionnaire s'estimant lésé était un employé en stage, il avait moins de protection dans le système qu'un employé à temps plein nommé pour une période indéterminée. Un employé en stage a besoin d'un système en place qui lui permet de savoir à quelles attentes il ne répond pas.

[59]   De plus, l'employeur n'a jamais donné l'occasion au fonctionnaire s'estimant lésé de se justifier à l'égard des plaintes de ses collègues, ce qui a créé un effet culminant et ne lui a pas permis de connaître les raisons de son licenciement. Ce licenciement était arbitraire puisque le BSIF n'avait aucune norme ou politique; aucune évaluation du rendement pour les employés en stage n'est préparée et il n'y a aucune formation de gestion pour les surveillants de ces employés.

[60]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a conclu en déclarant que l'employeur n'a pas tenu compte de questions fondamentales de justice et que le fonctionnaire s'estimant lésé a subi la perte de son emploi parce que l'employeur a renoncé à son obligation d'équité, ce qui constitue de la mauvaise foi.

[61]   Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé m'a référé aux affaires suivantes : Re Abex Industries Ltd. and United Food & Commercial Workers' Union, Local 173W (1995), 48 L.A.C. (4th) 353; Leger (dossier de la Commission 166-8-10850); Re Brampton Hydro Electric Commission and National Automobile, Aerospace and Agricultural Implement Workers Union of Canada (CAW - Canada), Local 1285 et al., [1993]   O.J. nº 2553; Sargeant (dossier de la Commission 166-2-15499); Small c. Canada (ministre des Pêches et Océans), [1985]   A.C.F. nº 617; Jacques Vachon c. Sa Majesté du chef du Canada (représentée par le sous-ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, [1982]   2 C.F. 455; Nicholson v. Haldimand Norfolk (Regional) Police Commissioners, [1979]   1 R.C.S. 311, Hartley (dossier de la Commission 166-2-17326); Canada (Procureur général) c. Matthews, [1997]   A.C.F. nº 1692 et Tighe (dossier de la Commission 166-2-15122).

MOTIFS DE LA DÉCISION

[62]   La première question à trancher concerne la norme appropriée qui doit être appliquée dans une situation de licenciement d'un employé en cours de stage. Je remarque que, puisqu'il n'y a aucune preuve produite dans la convention collective pertinente, la norme qui a été adoptée en est une d' « inadéquation » ou d' « insatisfaction ».

[63]   L'autre question que je dois trancher consiste à déterminer si j'ai compétence pour instruire le grief, en tenant compte plus particulièrement du paragraphe 92(3) de la LRTFP. La décision du Juge Lemieux de la Cour fédérale, Division d'appel, dans l'affaire Leonarduzzi (supra) précise les principes applicables en considérant une question de ce genre. À cet égard, le Juge Lemieux déclare, à l'alinéa 37 de sa décision :
... l'employeur n'a pas à produire une preuve prima facie d'un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l'emploi et non à un autre motif. [C'est nous qui soulignons.]   

[64]   À l'alinéa 42, le Juge Lemieux déclare :
Le défendeur soutient que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le fonctionnaire a été licencié pour un motif déterminé valable. Ce n'est pas le cas. Il y a lieu de distinguer entre un motif lié à l'emploi et un « motif déterminé valable ».

[65]   Le Juge Lemieux poursuit en considérant la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Penner (supra) , pour laquelle Marceau J.A. a endossé l'approche prise par l'arbitre dans la décision de Smith (dossier de la Commission 166-2-3017) et a exprimé l'opinion qu'il s'agissait de la seule décision appuyée par la législation. Marceau J.A. a exprimé cette approche de la façon suivante, à la page 438 de la décision de Penner :
... arbitres ont... accepté la thèse selon laquelle, dès le moment où ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée. [C'est nous qui soulignons.]   

[66]   Dans son refus de demande de révision judiciaire, le Juge Lemieux déclare, à l'alinéa 45 de sa décision :
Toutefois, selon moi l'arbitre a tout simplement demandé que l'employeur démontre que le licenciement avait été décidé pour un motif lié à l'emploi, savoir une insatisfaction à l'égard de l'aptitude du fonctionnaire et, comme tel, qu'il agissait en vertu des dispositions de la LEFP....

[67]   Une fois que l'employeur en a fait ainsi, il revient au fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer que les actions de l'employeur sont effectivement un trompe-l'oil ou du camouflage et qu'elles sont par conséquent contraires à l'article 28 de la LEFP.

[68]   Dans l'affaire Re Corporation of District of Maple Ridge and Canadian Union of Public Employees, Local 622 (1989), 15 C.L.A.S. (50), l'arbitre a déclaré : [Traduction]
Même si nous acceptons l'argument qui veut que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas informé des normes attendues, cette affaire nous amène à nous questionner sur la responsabilité ou non de l'employeur d'informer les employés en stage des normes qui ne s'appliquent pas particulièrement au poste en question. Nous ne le croyons pas. Un employeur n'est pas tenu d'aviser les employés en stage qu'ils doivent démontrer une attitude positive à l'égard de leur emploi ou qu'ils doivent bien s'entendre avec leurs collègues en vertu des modalités de cette entente toute personne qui accepte un emploi doit sciemment effectuer une période de stage. Cette personne doit nécessairement être informée que pendant cette période elle est surveillée à la loupe par l'employeur pour évaluer sa « pertinence ». Le bon sens veut que dans ces situations, non seulement un candidat potentiel à un emploi permanent doit-il avoir un rendement qui correspond aux normes de production de l'emploi, mais il ne doit pas être considéré comme faisant défaut en matière de comportement, d'attitude et d'aptitude à bien s'entendre avec les autres employés. Dans ces circonstances, aucune tâche n'est imposée à l'employeur lui demandant d'en aviser les employés en stage. [C'est nous qui soulignons.]   

[69]   Dans le contexte des faits présentés en l'espèce, la décision de M. Johansson de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage était appuyée par Mme Tam, qui a témoigné qu'elle avait remis au fonctionnaire s'estimant lésé le « Document d'engagement à l'égard des buts » (pièce E-2) à son arrivée au BSIF et qu'après avoir remarqué certaines lacunes à l'égard de son attitude et de ses habitudes de travail, elle l'a rencontré pour passer en revue ledit document.

[70]   Mme Tam a également témoigné qu'elle a envoyé un courriel au fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-1) pour souligner et renforcer les points et les secteurs où elle souhaitait voir des améliorations. Elle a fait part à l'audience d'un certain nombre des questions et de préoccupations dont elle avait discuté avec le fonctionnaire s'estimant lésé, notamment : le respect des échéances pour les rapports, l'éthique professionnelle et le comportement constamment agressif du fonctionnaire s'estimant lésé. Cependant, ce dernier n'a pas su améliorer son attitude ou ses habitudes de travail à un niveau satisfaisant.

[71]   M. Johansson a témoigné qu'il avait pris connaissance du rendement et de l'attitude du fonctionnaire s'estimant lésé au cours d'un certain nombre de réunions qu'il a eues avec Mme Tam. Il a en outre été personnellement témoin du comportement du fonctionnaire s'estimant lésé au cours d'un séance d'orientation qu'il animait et M. Yeoman, qui a lui-même été visé par ce comportement du fonctionnaire s'estimant lésé, l'a également confirmé.

[72]   M. Johansson a témoigné que le BSIF ne prépare aucune évaluation du rendement pour les employés en stage avant qu'ils n'aient terminé leur première année d'emploi. Il a également confirmé qu'il n'y a aucune politique ou norme en place; toutefois, il a témoigné que le licenciement n'était pas pour des motifs disciplinaires, mais qu'il s'agissait d'un renvoi en cours de stage.

[73]   Je n'ai aucune raison de ne pas croire que cela était le cas. Le fonctionnaire s'estimant lésé et son représentant n'ont pas réussi à me convaincre du contraire.

[74]   La pièce E-1, la lettre d'offre, stipule clairement que « ...en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de ses règlements (article 28), les douze premiers mois d'emploi continu font partie de la période de stage ». La décision de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage a été prise par M. Johansson, responsabilité qui lui avait été déléguée par le sous-chef. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été renvoyé en cours de stage après avoir complété neuf mois sur douze.

[75]   Dans la lettre informant le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il était renvoyé en cours de stage (pièce E-3), M. Johansson a déclaré que, à titre de préavis, le fonctionnaire s'estimant lésé se verrait remettre l'équivalent de quatre semaines de rémunération, respectant ainsi les exigences des Règlements de la LEFP sur les stages et les délais de préavis.

[76]   Je suis convaincu que l'employeur a renvoyé le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage et non par mesure disciplinaire. Dans son témoignage, M. Johansson l'a confirmé et, en fait, le fonctionnaire a lui-même déclaré pendant le contre-interrogatoire qu'il ne croyait pas que M. Johansson avait des intentions cachées ou qu'il avait été licencié pour des motifs disciplinaires.

[77]   Invoquant les principes énoncés dans la décision du Juge Lemieux dans l'affaire Leonarduzzi (susmentionnée), je suis convaincu que l'employeur a établi que la décision de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage était « pour un motif relié à l'emploi, c.-à-d. un mécontentement quant à la capacité de l'employé ». Étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été en mesure de prouver que son licenciement était un trompe-l'oil ou un camouflage, je n'ai pas compétence pour enquêter davantage sur la question. Le grief est donc rejeté, faute de compétence.

[78]   Toutefois, je ferais preuve de négligence si je ne suggérais pas à l'employeur qu'il aurait avantage, peut-être par l'entremise d'un entretien avec l'agent négociateur, à mettre sur pied un système provisoire trimestriel d'évaluation du rendement en cours de stage. Je suis d'avis que le processus qui lie le « Document d'engagement à l'égard des buts » (pièce E-2) avec l'évaluation du rendement serait plus avantageux pour l'employeur et l'employé en confirmant par écrit les lacunes et les forces qu'un employé a démontré dans un délai d'exécution.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 24 février 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.


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