Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Plainte - Droit de déposer un grief - Existence d'un autre recours administratif de réparation - Plainte en matière de dotation - Bien-fondé du recours - les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants ont participé à un processus de dotation établi par l'Agence des douanes et du revenu Canada (ADRC) - suite à leur évaluation, il a été déterminé qu'ils n'étaient pas qualifiés - les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants ont soutenu que le recours fourni par le programme de dotation de l'ADRC était insatisfaisant - ils ont tous déposé des griefs portant sur le bien-fondé du recours et déposé des plaintes fondées sur l'article 23 en faisant valoir qu'on les avait privé du droit de déposer un grief et que l'employeur avait refusé de répondre au grief - l'arbitre a statué qu'il n'était pas compétent à entendre ces griefs ou plaintes - à son avis, il existe un autre recours administratif de réparation, et la façon dont se déroule la procédure administrative de réparation ne peut pas faire l'objet d'un grief; cette question doit plutôt faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Griefs rejetés. Plaintes rejetées. Décision citée : Re Cooper, [1974] A.C.F. No 1016 (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-12-18
  • Dossier:  166-34-31523 à 31527, 161-34-1267 et 1268, 161-34-1274 à 1279
  • Référence:  2003 CRTFP 116

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GURBAX DHUDWAL, AZMINA HIRJI, LAUREN KUNIMOTO, DANIELA SALMEN, PAUL SKINNER, DAVID ERNEST HARDER, PATRICK ANTHONY LOGAN, DARSHAN SINGH

Fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Employeur

Devant :   Guy Giguère, président suppléant

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésés :  
Paul Reniers, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Richard Fader, avocat


Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 28 octobre 2003.


[1]    Gurbax Dhudwal, Azmina Hirji, Lauren Kunimoto, Daniela Salmen et Paul Skinner ont tous déposé un grief entre décembre 2001 et février 2002. Ils allèguent que l'employeur, contrairement aux dispositions de la clause 34.05 de la convention collective et de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), avait à tort refusé de traiter les griefs antérieurs qu'ils avaient déposés. Ces griefs antérieurs portaient sur le recours prévu au programme de dotation en personnel de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).

[2]    Le 11 juillet 2002, D. J. Tucker, commissaire adjoint, Ressources humaines, à l'ADRC, a répondu à ces griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a écrit que les problèmes qu'ils ont soulevés sont des questions de dotation qui ne peuvent pas être traitées dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Il a expliqué que l'article 91 de la LRTFP et la clause 34.05(a) de la convention collective stipulent que dans les cas où il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes de cette loi pour traiter la plainte particulière d'un fonctionnaire, cette procédure doit être suivie. Il a rejeté les griefs et indiqué que le recours en matière de dotation établi par l'ADRC est la procédure administrative dont peuvent se prévaloir les fonctionnaires s'estimant lésés.

[3]    Le 8 octobre 2003, les fonctionnaires s'estimant lésés ont tous déposé des plaintes fondées sur l'article 23 de la LRTFP. Ils ont expliqué qu'on leur avait refuser le droit de déposer un grief en violation de l'article 8(2)(c)(ii) de la LRTFP. Ils alléguaient également que l'employeur ne s'était pas conformé aux dispositions de la clause 74.1 du Règlement de la LRTFP en refusant de répondre à leurs griefs.

[4]    Patrick Anthony Logan, David Ernest Harder et Darshan Singh, également à l'emploi de l'ADRC, ont déposé des plaintes semblables fondées sur l'article 23 de la LRTFP entre juillet et octobre 2003.

[5]    À l'audience, les deux représentants ont convenu que même si le fardeau de la preuve incombait aux fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants, il serait préférable que l'employeur présente d'abord ses arguments, puisque la preuve présentée par l'employeur était de nature plus générale.

Preuves

[6]    Margaret Rashid, directrice par intérim, Renouvellement du personnel et gestion de carrière, ADRC, a expliqué qu'avec l'entrée en vigueur de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Loi sur l'ADRC), L.C. 1999, ch. 17 en novembre 1999, le pouvoir de nomination a été donné à l'ADRC. Avant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'ADRC, la Commission de la fonction publique avait autorité sur le recours en matière de dotation à l'ADRC. En raison de la nouvelle Loi, l'ADRC devait développer ses propres recours en matière de dotation. Mme Rashid a indiqué que le processus de dotation est divisé en trois phases. À chacune de ces phases, des recours particuliers sont prévus et des mesures correctives peuvent être prises.

[7]    La première phase est une phase préalable de présélection; les candidats éliminés ont le droit de demander une rétroaction individuelle. Ils peuvent faire part de leurs préoccupations au comité de sélection, qui a évalué leur candidature à cette étape. Si l'on se rend compte qu'une erreur a été commise, la personne est réintégrée dans le concours.

[8]    La deuxième phase est une phase d'évaluation; les qualifications des candidats présélectionnés sont évaluées selon des critères établis en fonction du poste, tels que les connaissances, les aptitudes, les qualités personnelles et la compétence. Deux recours par étapes sont prévues à ce niveau. Les candidats ont le droit de demander une rétroaction individuelle semblable à celle qui est offerte à la phase de présélection, durant laquelle ils ont la possibilité de prendre connaissance des résultats de leur évaluation et de faire part de leurs préoccupations au comité de sélection. Après la rétroaction individuelle, les candidats ont également le droit de demander que la décision soit révisée. Cette révision est effectuée par le superviseur du gestionnaire embaucheur. La révision de la décision vise à déterminer si le candidat a été traité de façon arbitraire à une étape particulière du processus de sélection. L'onglet 14 du programme de dotation en personnel de l'Agence des douanes et du revenu du Canada présente la définition du terme « arbitraire » (pièce E-2, page 4) :

Arbitraire est défini comme suit :

« De manière irraisonnée ou faite capricieusement; pas faite ou prise selon la raison ou le jugement; non basée sur le raisonnement ou une politique établie; n'étant pas le résultat d'un raisonnement appliqué aux considérations pertinentes; discriminatoire (c'est-à-dire différence dans le traitement ou méconnaissance des privilèges normaux dus aux personnes à cause de leur race, âge, sexe, nationalité, religion ou affiliation syndicale). »

Si l'on juge que le candidat a été traité de façon arbitraire, plusieurs mesures correctives peuvent être prises, telles que la réintégration du candidat dans le concours et la réalisation d'une nouvelle évaluation ou la conception d'un nouvel outil d'évaluation, si l'outil actuel ne permet pas d'évaluer la compétence. Mme Rashid a expliqué que cette conclusion est assujettie à un contrôle judiciaire et qu'elle a été examinée par le passé par la Cour fédérale.

[9]    La troisième phase du processus de dotation en personnel est la phase de placement; les candidats qui satisfont à tous les critères d'évaluation sont regroupés, et le placement est effectué parmi les membres de ce groupe. À cette phase, les candidats ont accès à une rétroaction individuelle comme aux phases précédentes, suivie d'une révision de la décision par le supérieur ou par une tierce partie indépendante. Mme Rashid a indiqué que tous les fonctionnaires qui ont déposé les griefs et les plaintes en l'espèce étaient rendus à la deuxième phase du processus de dotation en personnel, soit la phase d'évaluation. Ils ont reçu une rétroaction individuelle et ont demandé une révision de la décision puisqu'ils n'étaient pas satisfaits de l'évaluation et voulaient être jugés qualifiés. Mme Rashid a expliqué que les recours en matière de dotation sont assujettis à un contrôle judiciaire. Toutefois, les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants n'ont pas demandé un contrôle judiciaire, à l'exception de Darshan Singh (pièce E-12).

[10]    Deux fonctionnaires ont témoigné pour le compte de l'agent négociateur, et les représentants de l'agent négociateur et de l'employeur ont convenu que ces témoignages décrivent l'expérience des fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants à l'égard du processus de dotation en personnel et du processus de recours.

[11]    Paul Skinner, AU-2 à l'emploi du BSF de Burnaby-Fraser de l'ADRC, a expliqué qu'il est délégué syndical de l'agent négociateur depuis 1996 et qu'il est maintenant membre du comité exécutif de la division de Vancouver de l'ADRC de l'Institut. À ce titre, il a fait le suivi des griefs et des plaintes faisant l'objet de la présente audience. De plus, il est un plaignant et un fonctionnaire s'estimant lésé dans deux de ces dossiers.

[12]    Un concours au niveau AU-2 au BSF de Burnaby-Fraser a été le premier processus de dotation en personnel assujetti à la Loi sur l'ADRC. M. Skinner a observé qu'il s'agissait d'un processus d'apprentissage pour la direction et que les gestionnaires n'avaient peut-être pas reçu suffisamment de formation. Au départ, lorsque les candidats demandaient une rétroaction individuelle, des limites de temps étaient fixées relativement à la durée de celle-ci. Les candidats recevaient une copie de l'examen et de la solution, mais n'avaient qu'une demi-heure pour en prendre connaissance. Après l'intervention de l'agent négociateur, l'employeur a éventuellement accepté de fournir des copies de ces documents mais uniquement aux candidats qui en avaient fait la demande.

[13]    Des problèmes sont survenus à l'étape de la révision de la décision. Les candidats qui souhaitaient être représentés par le syndicat durant la révision étaient informés que leur représentant syndical serait uniquement autorisé à observer et à prendre des notes. On a demandé aux candidats de fournir des observations écrites pour la révision de la décision. Leurs observations portaient en grande partie sur les questions subjectives qui avaient été posées dans les concours. Les candidats ont voulu discuter de cette question à l'occasion de la révision de la décision, mais leur demande a été rejetée.

[14]    M. Skinner n'a pas eu une meilleure expérience. Il n'a pas pu obtenir une copie de la documentation durant la rétroaction individuelle. Durant la révision de la décision, il voulait discuter des réponses qu'il avait données à un examen écrit et on lui a dit que le réviseur de la décision ne pouvait pas discuter de ses réponses ni des corrections. Le réviseur de la décision lui a posé des questions sur sa participation dans le syndicat. Ses préoccupations n'ont pas été traitées dans la réponse à ses observations écrites. Le 3 décembre 2001, il a déposé un grief (pièce G-5) dans lequel il allègue que le recours en matière de dotation n'a pas permis de traiter de façon adéquate sa plainte et ses préoccupations à l'égard du processus de dotation en personnel. Dans sa réponse (pièce G-6), l'employeur indiquait que le problème soulevé par le fonctionnaire dans son grief est une question de dotation de personnel pour laquelle un recours est prévu en vertu de la clause 54.1 de la Loi sur l'ADRC; et cette question ne peut pas faire l'objet d'un grief. À la suite de la réponse de l'employeur, M. Skinner a déposé un deuxième grief qui fait l'objet de la présente audience. Dans ce grief, il fournissait l'explication suivante : [traduction] « Puisque aucun autre processus n'est en place en cas d'une conduite injuste de l'ARDC lors de la procédure de recours en matière de dotation, cette conduite peut faire l'objet d'un grief. (...) Contrairement aux dispositions de la clause 34.05 de la convention collective et de l'article 91 de la LRTFP, l'employeur a refusé à tort de traiter mon grief concernant le bien-fondé du recours prévu en vertu du programme de dotation en personnel de l'Agence ».

[15]    Durant le contre-interrogatoire, M. Skinner a expliqué qu'il n'a pas déposé en Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire du recours en matière de dotation.

[16]    Daniela Salmen est AU-02 intérimaire à l'Unité de vérification du BSF de Vancouver. Elle a expliqué qu'elle était candidate à un concours AU-02. N'ayant pas été sélectionnée, elle a demandé une rétroaction individuelle. Dick Wong, président du comité de sélection, l'a informée que la rétroaction individuelle ne durerait que 15 minutes et qu'elle ne pourrait pas consulter une copie de l'examen, ses réponses ni ses notes. Il lui a demandé de présenter ses questions par écrit. Il lui a également dit que ses notes ne seraient pas changées à la suite de la rétroaction individuelle et que l'objectif de cette rencontre n'était pas de scruter l'examen à la loupe. Après la rétroaction individuelle, elle est retournée à son bureau pour écrire une note sur la rencontre (pièce G-12). Elle s'est informée auprès de la section des ressources humaines sur le processus de demande d'accès à l'information afin d'obtenir une copie de l'examen. Plus tard, on l'a informée qu'elle devrait s'adresser à nouveau au comité de sélection pour avoir accès à l'examen (pièce G-13).

[17]    Le 2 août 2001, une nouvelle rencontre a eu lieu avec le comité de sélection. Selon le témoignage de Mme Salmen, Dick Wong lui a dit que dès qu'elle a vu ses résultats, 57 sur 100, elle a immédiatement cherché à faire augmenter ses notes. Dick Wong lui a expliqué que les réponses recherchées devaient correspondre textuellement à la philosophie de la vérification de M. Blair, comme l'indiquait l'avis de concours. Mme Salmen a expliqué que cet avis n'avait pas été affiché au BSF de Vancouver puisque M. Blair est le directeur du BSF de Burnaby-Fraser et l'auteur d'une note de service faisant référence à la philosophie de vérification. La rencontre de rétroaction individuelle devait durer 30 minutes et puisqu'ils ont manqué de temps, elle s'est vu accorder une troisième entrevue qui a eu lieu le lendemain. Elle a demandé que Kurt Siegert soit présent à titre de représentant syndical, mais sa demande a été rejetée et il n'a pas été autorisé à entrer dans la salle. Lorsqu'elle a indiqué à M. Wong qu'en additionnant ses notes, elle aurait dû avoir 58 et non 57 comme on l'avait indiqué sur la copie de son examen, il est devenu agité et s'est mis en colère. Il a répondu qu'il ne discuterait pas des notes puisque ceci pourrait être fait à la prochaine phase, soit la révision de la décision.

[18]    La révision de la décision a été mené par Mike Quebec, directeur adjoint, Division de la vérification et de l'exécution du BSF de Vancouver. Kurt Siegert a accompagné Mme Salmen. Elle a expliqué à M. Quebec le traitement qu'elle avait reçu à la rencontre de rétroaction individuelle et que sa note totale était incorrecte. Après l'avoir écouté, M. Quebec lui a dit qu'il organiserait une autre rencontre de rétroaction individuelle. Ils n'ont pas discuté de ses questions et commentaires écrits sur l'examen (pièce G-15) puisqu'elle sentait que M. Quebec voulait mettre rapidement fin à la rencontre.

[19]    Par la suite, une quatrième rencontre de rétroaction individuelle a eu lieu avec Dick Wong. Il lui a dit qu'ils pouvaient prendre tout le temps dont ils avaient besoin. Elle lui a posé des questions sur l'examen (pièces G-15 et G-16) et sur la façon dont le comité a déterminé ses notes à plusieurs questions. Il a répondu à ses questions en lui disant soit qu'il ne savait pas ou qu'il ne s'en souvenait pas. De plus, il a expliqué que sa réponse pouvait être correcte, mais qu'il ne s'agissait pas de la réponse recherchée. Elle a indiqué à M. Wong que le total de ses notes était incorrect, et il a répondu que les notes ne seraient pas changées. Elle a alors déposé un grief alléguant que le recours en matière de dotation n'avait pas permis de traiter adéquatement sa plainte (pièce G-17). La réponse de l'employeur était semblable aux autres, c.-à-d. que cette question ne peut pas faire l'objet d'un grief puisqu'il s'agit d'une question de dotation pour laquelle il existe une autre procédure administrative. Elle a donc déposé un deuxième grief (pièce G-19) alléguant que l'employeur avait rejeté à tort son grief.

Arguments

[20]    M. Fader soutient que la LRTFP reconnaît un droit limité de présenter un grief en vertu des dispositions de l'article 91(1). Lorsqu'il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes de cette loi, un employé ne peut pas exercer son droit à déposer un grief. À titre d'employeur distinct (article 50 de la Loi sur l'ADRC), l'ADRC a le droit exclusif de nommer (article 53(1) de la Loi sur l'ADRC) et elle doit élaborer un programme régissant la dotation en personnel incluant le recours offert aux employés (article 54(1) de la Loi sur l'ADRC). L'ADRC a établi un programme de dotation en personnel comprenant un processus de recours en matière de personnel. Un fonctionnaire s'estimant lésé/plaignant a demandé un contrôle judiciaire à la Cour fédérale puisque le recours en matière de dotation de l'ADRC est assujetti au contrôle judiciaire. Si les fonctionnaires s'estimant lésés étaient mécontents du résultat des recours en matière de dotation, ils auraient dû demander un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[21]    À l'appui de ses arguments, M. Fader a invoqué la jurisprudence suivante : Re Cooper, [1974] A.C.F. no 1016 (C.A.) QL; Canada (procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 QL; Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), (dossier de la Commission 166-2-29657); Anderson c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2003] A.C.F no 924 QL; Sargeant c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2002] A.C.F. no 1372 QL; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2002] A.C.F no 161 QL.

Arguments de l'agent négociateur

[22]    M. Reniers soutient que la procédure de recours prévue en vertu du programme de dotation en personnel de l'ADRC n'a pas l'importance ni l'autorité d'autres procédures de recours et ne prévoit pas de réparation pour les questions soulevées par les fonctionnaires s'estimant lésés ou plaignants. Le droit de déposer un grief dans la fonction publique est un élément fondamental des relations de travail en vertu de la LRTFP. Les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants soutiennent que le recours en matière de dotation peut faire l'objet d'un grief mais n'est pas arbitrable. Ainsi, ils demandent que leurs superviseurs ou gestionnaires rendent des comptes aux gestionnaires supérieurs de l'ADRC sur la façon dont ils exercent leurs fonctions dans le processus de recours en matière de dotation. Le processus de règlement de griefs encourage le dialogue et est un processus économique. Il est très onéreux pour les employés d'aller en Cour fédérale puisque ce processus exige de recourir aux services d'un avocat et est associé à de longs délais. L'accès est limité puisque la Cour fédérale n'est pas une procédure administrative de recours. Le processus de règlement de griefs fonctionne puisque les griefs ou plaintes en l'espèce ont incité l'employeur à apporter des améliorations à son processus de concours et à ses procédures de recours en matière de dotation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[23]    L'article 91(1) de la LRTFP se lit comme suit :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi;

ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi;

(2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113.

La preuve non contredite indique que l'employeur a établi un programme de dotation en personnel prévoyant un recours en matière de dotation en vertu de l'article 54 de la Loi sur l'ADRC. La preuve indique également que le processus de dotation en personnel prévoit une procédure administrative de réparation. Mme Rashid a témoigné qu'en vertu du recours en matière de dotation, une réparation peut être accordée, puisqu'un candidat peut être réintégré dans le concours et évalué de nouveau. De plus, l'outil d'évaluation peut être remanié si nécessaire.

[24]    Dans Re Cooper (supra), la Cour d'appel fédérale, au paragraphe 11, a conclu que lorsqu'une telle procédure administrative de réparation est prévue, le fonctionnaire doit présenter sa plainte à l'instance qui, aux termes de la loi appropriée, détient le pouvoir de l'instruire. La Cour a indiqué clairement que les fonctionnaires en question ne peuvent pas déposer un grief fondé sur l'article 91 ou 92 de la LRTFP concernant cette décision.

[25]    Les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants sont insatisfaits de la façon dont a été mené le recours en matière de dotation. Comme on l'avait conclu dans Re Cooper (supra), la façon dont se déroule la procédure administrative de réparation ne peut pas faire l'objet d'un grief. Cette question doit plutôt faire l'objet d'un contrôle judiciaire en Cour fédérale.

[26]    Il a été démontré que les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants se sont prévalus de la procédure administrative de réparation appropriée lorsqu'ils ont demandé une rétroaction individuelle et une révision de la décision prévus dans le recours en matière de dotation de l'employeur. Puisqu'ils étaient insatisfaits du résultat du recours en matière de dotation, ils ont déposé leurs griefs, et l'employeur a répondu qu'il ne s'agissait pas d'une question pouvant faire l'objet d'un grief. Ils ont alors déposé des griefs et des plaintes alléguant qu'on leur avait refusé le droit de déposer un grief. Un des fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants, Darshan Singh, a demandé un contrôle judiciaire du processus d'examen de la décision.

[27]    La réparation que les fonctionnaires s'estimant lésés souhaitent obtenir ne peut pas être accordée par les arbitres nommés en vertu de la LRTFP, mais plutôt par la Cour fédérale. En effet, comme on l'observe dans la jurisprudence présentée par l'employeur, plusieurs demandes de contrôle judiciaire déposées en Cour fédérale visaient l'examen du recours en matière de dotation de l'ADRC et de cas individuels.

[28]    Je conclus donc que les griefs doivent être rejetés faute de compétence. Pour les mêmes raisons, les plaintes doivent être rejetées puisqu'aucun droit de grief n'a été refusé, ces questions de dotation, et particulièrement le recours en matière de dotation, ne pouvant pas faire l'objet d'un grief en vertu de la LRTFP.

[29]    Ceci étant dit, le processus de recours en matière de dotation qu'ont décrit les fonctionnaires s'estimant lésés/plaignants était certainement troublant. Aucune preuve n'a été fournie par l'employeur à cet égard, et il pourrait y avoir certaines circonstances atténuantes dont je n'ai pas été informé. Toutefois, l'agent négociateur a démontré qu'à la suite du dépôt de ces griefs, des mesures ont été prises par l'employeur pour améliorer son processus de révision. À mon avis, cela démontre l'importance d'une bonne communication entre les parties. Les préoccupations de l'agent négociateur et de ses membres à l'égard des recours en matière de dotation qui surviendraient dans le futur devraient être communiquées à l'employeur d'une façon moins formelle qu'une demande de contrôle judiciaire. Je recommande fortement aux parties d'élaborer un mécanisme pour traiter ces questions.

Guy Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 18 décembre 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.