Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Agent de correction - Possession de stupéfiants et conduite avec capacité réduite - Perte temporaire du permis de conduire - Crédibilité - Tentative du fonctionnaire s'estimant lésé de cacher la vérité - Rupture du lien de confiance - Fonctionnaire s'estimant lésé a terni l'image du Service correctionnel - Ignorance du code de conduite non un facteur atténuant - le fonctionnaire s'estimant lésé, un agent de correction (CX-1) a été licencié suite à une enquête menée par l'employeur relativement à des événements survenus le 27 janvier 2002 - le soir en question, le fonctionnaire s'estimant lésé reconduisait sa copine après un << rave >> lorsqu'il a été arrêté par la police pour conduite avec un taux d'alcoolémie dépassant la limite légale - une fois rendus au poste de police, les agents de police ont remarqué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait laissé tomber par terre trois éprouvettes et un tube qu'il tentait de cacher avec son pied - le tube contenait de la poudre blanche qui s'est avérée être de la kétamine (drogue de l'annexe F de la Loi sur les aliments et drogues), alors que l'une des éprouvettes contenait de l'acide hydroxy-4 butanoïque (communément appelée G.H.B. ou drogue du viol) et les deux autres des résidus de cette même substance - le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré à la police que ces objets ne lui appartenaient pas et qu'ils les avaient ramassés par terre au club - pendant qu'il était au poste de police, le fonctionnaire s'estimant lésé a appelé son employeur pour l'informer qu'il avait été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies, sans toutefois mentionner les accusations potentielles de possession de stupéfiants, ni la suspension temporaire de son permis de conduire - le 4 juillet 2002, la police a accusé le fonctionnaire s'estimant lésé de conduite avec facultés affaiblies et de possession de G.H.B. - la police a alors informé l'employeur - le directeur intérimaire de l'établissement a ensuite ordonné la tenue d'une enquête sur les accusations portées et le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu sans salaire pendant cette période - au cours de l'enquête, le fonctionnaire s'estimant lésé a continué à maintenir que les drogues ne lui appartenaient pas - lors de l'audience en arbitrage, il a cependant reconnu que les éprouvettes appartenaient à son amie et qu'il avait inventé une histoire pour la protéger - le rapport d'enquête a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait, par son attitude et son comportement, brisé irrévocablement le lien de confiance entre l'employeur et lui - l'employeur a décidé de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé parce qu'il avait fait du tort à l'image du Service correctionnel, que sa conduite était incompatible avec son rôle d'agent de la paix et qu'il avait omis d'informer l'employeur des accusations criminelles portées contre lui et du fait que son permis de conduire avait été suspendu - l'arbitre a statué que le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé ait omis d'informer son employeur de la suspension temporaire de son permis de conduire ne justifiait pas son licenciement, puisque cette suspension n'a pas eu d'incidence dans le milieu de travail et puisque l'employeur aurait pu facilement en déduire que son permis de conduire avait été suspendu automatiquement du fait de son arrestation pour conduite avec facultés affaiblies - cependant, l'arbitre a soutenu que les accusations de possession de stupéfiants sont très graves et que les versions données par le fonctionnaire s'estimant lésé pour expliquer comment il est venu en possession de ces drogues n'était pas crédible et que ces explications ne minimisaient aucunement la gravité des faits démontrés - l'arbitre a conclu que, par son comportement, le fonctionnaire s'estimant lésé a prouvé qu'il savait avoir mal agi et que son emploi était compromis - l'arbitre a donc conclu que l'ignorance du code de conduite ne constituait pas un critère atténuant - l'arbitre a statué que la perte de confiance de l'employeur à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé était justifiée et que la possession de drogues, même en petite quantité, justifiait le licenciement d'un agent de correction travaillant avec des détenus, dont plusieurs étaient incarcérés pour des crimes reliés à la drogue - le fonctionnaire s'estimant lésé avait terni l'image du Service correctionnel. Grief rejeté. Décisions citées :Flewwelling c. Canada [1985] R.C.F. 1129; Courchesne (166-2-12299).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-07-04
  • Dossier:  166-2-31738
  • Référence:  2003 CRTFP 57

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

RICHARD SIMONEAU
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant:   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé :   
   Céline Lalande, avocate

Pour l'employeur :   Jennifer Champagne et Stéphane Hould, avocats


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 7 au 9 avril 2003.


[1]      Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Richard Simoneau, a inscrit un grief auprès de son employeur en date du 22 août 2002, à l'encontre de son congédiement. Le grief est rédigé comme suit :
DESCRIPTION DU GRIEF

Je conteste la décision de l'employeur de me congédier (licencié) à partir du 22 Août.
(sic pour la citation entière).

MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES

Ma réintégration immédiate a mon poste de travail comme CX I (Agent correctionnel) a l'établissement Archambault. Remboursement du salaire et Avantage sociaux que m'octroie ma convention collective. (sic pour la citation entière).

[2]      Ce grief a été renvoyé à l'arbitrage le 9 novembre 2002 à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« Commission » ).

[3]      Les comportements de M. Simoneau, lors de son arrestation en date du 27 janvier 2002 et par la suite, pour des infractions de conduite d'un véhicule à moteur alors qu'il avait la capacité réduite par l'alcool et pour possession de drogues ont entraîné une perte de confiance irrémédiable de l'employeur à son endroit. Le licenciement effectif le 22 août 2002 découle de la conduite inacceptable de M. Simoneau :
-  étant susceptible de ternir l'image du Service correctionnel;

-  étant incompatible avec son rôle d'agent de la paix et de la    mission du Service correctionnel;

-  omettant d'informer l'employeur des infractions qui lui sont    reprochées et de la suspension de son permis de conduire.

[4]      M. Simoneau occupe un poste d'agent de correction I (CX-01) à l'établissement Archambault pour une période indéterminée depuis le 23 août 1999 (pièce E-1). Il a ouvré antérieurement auprès du Service correctionnel Canada pour une période d'environ deux ans, sur appel.

[5]      L'établissement Archambault est un pénitencier à sécurité moyenne. Un agent de correction I est assigné selon les besoins du service et ne bénéficie pas d'un poste fixe. Il exécute normalement ses fonctions en présence des détenus qu'il encadre avec un rôle d'éducateur.

[6]      Il peut être appelé à effectuer des patrouilles, à intervenir pour des contrôles, des fouilles et des interventions auprès des détenus et à les escorter à l'extérieur de l'établissement. Il peut avoir à conduire un véhicule du Service correctionnel Canada en diverses circonstances et l'ordre permanent 335 précise que le fonctionnaire conduisant un véhicule doit posséder un permis de conduire en règle de la province et correspondant au type de véhicule conduit (pièce E-19).

[7]      En date du 27 janvier 2002, à 3 h 43, les agents Guy Dussault et Yolaine Tardif de la Sûreté du Québec effectuent une intervention de vérification relativement au véhicule conduit par Richard Simoneau après que ce dernier ait fait crisser ses pneus lors d'un départ à un feu de circulation. Suite à la demande de l'agent Dussault de lui montrer son permis de conduire, M. Simoneau lui exhibe sa carte d'identité du Service correctionnel Canada ainsi que son insigne (en son témoignage, l'agent Dussault a précisé que M. Simoneau « lui a flashé sa badge »). M. Simoneau ne réussi pas le test d'ivressomètre (test ADA), est mis en état d'arrestation et menotté après une fouille sommaire. M. Simoneau a une attitude arrogante, précisant aux policiers qu'ils ne savent pas comment le menotter correctement. Lors de l'interrogatoire au poste de police, M. Simoneau laisse tomber par terre trois éprouvettes et un tube qu'il tente ensuite de cacher avec son pied. Une des éprouvettes contient environ 4 ml d'un liquide incolore et les deux autres sont pratiquement vides, ne contenant que des résidus d'un liquide incolore. Le tube contient une poudre blanchâtre. Les policiers l'avisent alors que des chefs d'accusations pourraient être portés contre lui pour possession de drogue suite à l'expertise sur les produits. M. Simoneau leur précise que ces éprouvettes ne sont pas à lui. Entre deux alcootests, il dit avoir ramassé les éprouvettes par terre au club. Les résultats des alcootests sont de 87 mg pour le premier test et de 83 mg pour le second (pièces E-12 et E-13). Après la prise de photo et d'empreintes digitales, M. Simoneau est libéré vers 5 h 30 et un avis l'informant que son permis de conduire est suspendu jusqu'au 11 février 2002 lui est remis (pièce E-14).

[8]      Pendant la période durant laquelle il a été détenu au poste de police, M. Simoneau a parlé à M. Michel Coune, surveillant correctionnel intérimaire, lors d'un entretien téléphonique effectué à l'établissement Archambault par l'entremise de l'agent Dussault. Il lui a alors précisé qu'il avait été arrêté pour avoir fait crisser ses pneus et avoir dépassé la limite permise du taux d'alcoolémie. Il n'a pas précisé au surveillant les éléments reliés à la possession de drogue.

[9]      M. Simoneau n'a pas avisé son superviseur (M. Luc Goyette) lors de son retour au travail, que son permis de conduire avait été suspendu. Pendant la durée de la suspension de son permis de conduire, M. Simoneau était assigné au contrôle « T » (contrôle une des portes du pénitencier) et n'avait pas à conduire un véhicule du service. Il savait qu'une condition d'emploi est d'avoir un permis de conduire valide.

[10]      Les analyses effectuées sur les échantillons de substances saisies à M. Simoneau par la police révèlent que le liquide incolore est de l'acide hydroxy-4 butanoïque (communément appelée G.H.B. ou drogue du viol) et que la poudre est de la kétamine (drogue de l'annexe F de la Loi sur les aliments et drogues) (pièces E-17 et E-18).

[11]      Le 4 juillet 2002, deux sommations sont émises contre Richard Simoneau : la première (pièce E-15) pour avoir conduit un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue (articles 253a) et 255c) du Code criminel), et d'avoir conduit alors que son alcoolémie dépassait 80 mg par 100 ml de sang (articles 253b) et 255(1) du Code criminel), la seconde pour possession de G.H.B. ( article 4(1) (6) b) de la loi réglementant certaines drogues et autres substances) (pièce E-16). Les faits à l'origine des sommations ont été constatés le 27 janvier 2002.

[12]      Les services d'intelligence du Service correctionnel Canada ont été avisés par les agents de liaison de la Sûreté du Québec que les sommations ont été émises contre le fonctionnaire s'estimant lésé le 4 juillet 2002 et copies ont été acheminées par télécopieur. Ces informations ont été transmises à M. Pierre Bernier (Directeur intérimaire de l'établissement Archambault) qui a décidé de confier un mandat d'enquête disciplinaire à Mme Ninon Paquette (Directrice-adjointe à la gestion) et à M. Richard Desmeules (agent de sécurité préventive) relativement aux faits entourant les accusations criminelles portées contre le fonctionnaire (pièce E-2).

[13]      Il est décidé de suspendre sans solde le fonctionnaire s'estimant lésé pour la durée de l'enquête disciplinaire, à compter du 5 juillet 2002. M. Bernier avise le représentant syndical (M. Dany Stevens) de cette décision et procède ensuite à une rencontre disciplinaire avec M. Simoneau, en présence du représentant syndical et de Mme Cynthia Racicot (Sous-Directrice intérimaire). Lors de cette rencontre, M. Bernier remet copie des sommations à M. Simoneau et l'avise de sa suspension sans solde pour la durée de l'enquête disciplinaire. L'avis de suspension (pièce E-1), copie du mandat d'enquête (pièce E-2) et de l'interdiction d'accès à l'établissement (pièce E-3) lui sont remis après que les faits à l'origine de l'arrestation soient relatés. Les faits à la base des accusations ne sont pas discutés lors de cette rencontre. La direction a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'un représentant du service d'aide aux employés était disponible pour le rencontrer si nécessaire. M. Simoneau est ensuite escorté à l'extérieur de l'établissement après avoir remis sa carte d'identification, les clés de l'établissement ainsi que son insigne.

[14]      M. Richard Simoneau demeure stoïque lors de cette rencontre disciplinaire. Il ne pensait pas que des accusations seraient portées contre lui, croyant que les fioles saisies par les policiers dans la nuit du 27 janvier 2002 étaient vides. Il avait la conviction que la possession de kétamine n'était pas illégale. Il était abasourdi par la situation et n'a pas réagi lors de la rencontre du 5 juillet 2002.

[15]      Après avoir évalué avec M. Simoneau les suites à donner en ce dossier, seul M. Dany Stevens est retourné rencontrer M. Bernier et Mme Racicot et a eu l'impression que le cas de M. Simoneau semblait considéré clos par la direction qui parlait alors de déchirer la carte d'identité du fonctionnaire s'estimant lésé et de se débarrasser du cas.

[16]      M. Simoneau a comparu sans la présence d'un avocat, au Palais de justice de Laval le 5 août 2002 et a soumis un plaidoyer de non-culpabilité aux accusations déposées contre lui.

[17]      À l'enquête disciplinaire du 16 juillet 2002, M. Simoneau maintient sa déclaration selon laquelle il aurait ramassé les fioles contenant de la drogue par terre au club pour en faire cadeau à un ami. Cet ami utiliserait des résidus de G.H.B. récupérés dans les fioles comme sédatif pour l'aider à dormir. Il a aussi précisé que la fiole contenant la kétamine était pleine et il voulait l'offrir comme cadeau à un ami. Il explique, lors de son témoignage à l'audience au présent grief, qu'il a maintenu cette version des faits pour protéger l'amie qui l'accompagnait dans la nuit du 27 janvier 2002 et qu'il ne voulait pas modifier la version des faits donnée aux policiers de peur de s'incriminer d'avantage. Lors de cette rencontre, M. Simoneau était assisté de M. Stevens et de Me Céline Lalande (UCCO-SACC-CSN).

[18]      M. Simoneau est connu en son milieu de travail comme un adepte des « raves » et un bon vivant qui fréquente beaucoup les clubs. Il parle ouvertement à ses collègues de travail de ces soirées et leur montre des photographies qui ont été prises à ces occasions. Aucune mesure disciplinaire n'apparaît au dossier de M. Simoneau qui est considéré comme un bon employé par ses superviseurs. Il a été l'objet d'un suivi dans le programme d'assiduité au travail, l'employeur considérant qu'il semblait abuser des congés de maladies. Des notes de services de félicitations ont été émises à M. Simoneau en avril 1998 (incendie dans une cellule), en septembre 1999 (extraction de cellule d'un détenu) et en novembre 1999 (usage de force et mise sous contention) soulignant l'excellence de son travail à ces occasions (pièce G-2).

[19]      Le rapport d'enquête disciplinaire (pièce E-6) est complété à la fin de juillet 2002 et remis à M. Pierre Bernier. Le rapport est conclu dans les termes suivants :
[…]

CONCLUSION

Le témoignage de M. Simoneau ne nous apparaît pas plausible en ce qui a trait à la possession de la drogue qu'il dit avoir ramassé par terre pour donner à un ami et au fait qu'il n'est pas certain d'avoir avisé son surveillant quant à la suspension de son permis.

Il est évident que M. Simoneau de par son comportement et ses allégations a tenté de maquiller la vérité. Son attitude lors de l'entrevue constitue à notre avis un facteur aggravant.

Son attitude et son comportement par les infractions qu'il a commises vont à l'encontre de son rôle d'agent de correction et d'agent de la paix et également de la Mission du Service correctionnel du Canada.

Le comportement et les actes commis par M. Richard Simoneau en relation avec les événements du 27 janvier 2002 font en sorte que le lien de confiance avec son employeur est rompu.

RECOMMANDATION

À la lumière des conclusions de cette enquête, le comité est d'avis que l'employeur devrait imposer une mesure disciplinaire sévère, n'excluant pas le licenciement.

[…]

[20]      Le rapport d'enquête disciplinaire fait référence à l'ordre permanent 335 (2002-07-08) (pièce E-19) qui précise à l'article 7 :
[…]

EMPLOI DES VÉHICULES

Les fonctionnaires conduisant un véhicule doivent posséder un permis de conduire en règle de la province de Québec et correspondant au type de véhicule conduit. C'est la responsabilité de l'usager de s'assurer qu'il possède un permis réglementaire. Ils doivent de plus, en tout temps, observer les règlements de la circulation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du périmètre de l'établissement.

[…]

[21]      L'enquête disciplinaire retient contre le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il a contrevenu à la règle 2 (conduite et apparence) du Code de discipline (pièce E-10) qui est rédigée comme suit :
[…]

2. RÈGLE DEUX
   CONDUITE ET APPARENCE

Infractions

Commet une infraction l'employé qui :

[…]
  1. se conduit d'une manière susceptible de ternir l'image du Service, qu'il soit de service ou non;
  2. commet un acte criminel ou une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu d'une loi du Canada ou d'un territoire ou d'une province, risquant ainsi de ternir l'image du Service ou d'avoir un effet préjudiciable sur le rendement au travail;
  3. omet d'avertir son supérieur, avant de reprendre ses fonctions, de ce qu'il a été accusé d'une infraction criminelle ou d'une infraction à une autre loi;

[…]

[22]      Il est aussi retenu contre M. Simoneau qu'il a contrevenu aux Règles du Code de conduite professionnelle (pièce E-11), particulièrement, à la règle deux qui précise :
[…]

2. RÈGLE DEUX
CONDUITE ET APPARENCE

Le comportement d'une personne, qu'elle soit de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter de façon à rehausser l'image de la profession, tant en paroles que par leurs actes. De même, lorsqu'ils sont de service, leur apparence extérieure doit refléter leur professionnalisme et être conforme aux normes de la santé et de la sécurité au travail.

Discussion et pertinence

L'esprit professionnel au sein du Service correctionnel dépend beaucoup de la manière dont les employés parlent, en service se présentent et s'habillent. Il faut montrer l'exemple. En tant que modèles pour les délinquants, les employés se doivent d'adopter des normes élevées que les délinquants peuvent respecter et essayer d'imiter. Employer un langage injurieux, être discourtois envers les autres ou ne pas respecter leurs opinions pourraient encourager les délinquants témoins de ce comportement à faire de même, et, de ce fait, créer une atmosphère peu favorable à une interaction saine. Les employés doivent veiller à se présenter, tant en service qu'en dehors du service, comme des citoyens responsables et respectueux des lois.

Les employés qui commettent des actes criminels ou d'autres violations graves de la loi - en particulier dans le cas de récidives ou d'infractions suffisamment graves pour entraîner l'incarcération - ne présente [sic] pas le genre de comportement considéré comme acceptable dans le Service, sur les plans tant personnel ou professionnel. Par conséquent, tout employé accusé d'une infraction au Code criminel ou à une loi fédérale, provinciale ou territoriale doit en aviser son surveillant avant de reprendre ses fonctions.

Tout employé peut, à certains moments, avoir des problèmes personnels qui affectent son rendement. Le Service se doit de lui proposer de l'aide. Malgré cela, on ne peut, à cause de ses problèmes personnels, laisser passer un comportement ou un rendement qui reste à désirer, ou négliger de prendre les mesures qui s'imposent.

[23]      Avant l'enquête disciplinaire, M. Simoneau n'aurait pas été informé des règles contenues aux Codes de discipline et de conduite professionnelle. L'employeur ne lui a pas remis ces documents au cours de son emploi.

[24]      Le rapport d'enquête disciplinaire est remis à M. Simoneau par l'entremise de M. Stevens, vers le 6 août 2002. Une rencontre a lieu le 13 août 2002, à la demande de M. Yves Fafard, Directeur de l'établissement Archambault, afin d'obtenir la version de M. Simoneau relativement au rapport d'enquête disciplinaire. M. Dany Stevens (représentant syndical), et M. Mario Lévesque (représentant de la gestion) participent à cette rencontre. M. Fafard résume comme suit sa compréhension des représentations de M. Simoneau (pièce E-9) :
[…]

Globalement, Richard Simoneau reconnaît la véracité des informations contenues dans ce rapport d'enquête. Il demande cependant à apporter les correctifs suivants au niveau de son témoignage : les trois (3) fioles n'ont pas été ramassées par terre mais il se les est procurées via d'autres amis afin de les remettre à son ami ayant une problématique au niveau du sommeil. Il rajoute qu'une des fioles était pleine.

L'employé nous a fait part des conseils de son avocat de ne pas « ouvrir » afin de ne pas s'incriminer davantage considérant que ce qu'il nous dit peut être utilisé contre lui en justice.

Il termine en disant qu'il a « compris » sa leçon et que c'est sûr que ça ne se reproduira plus. Qu'il est tranquille depuis cette date et que ces événements ont mis un point final à son ancien style de vie.

[…]

[25]      Ces éléments sont confirmés par les témoignages de M. Fafard, M. Stevens et M. Simoneau lors de l'audience.

[26]      Le 22 août 2002, M. Fafard rencontre le fonctionnaire s'estimant lésé pour lui remettre la lettre de licenciement en présence de M. Stevens et de M. Lévesque. Le licenciement est effectif à compter du 22 août 2002 à 16 h 00 (pièce E-5). L'employeur précise qu'il doute très sérieusement de la version des faits soumise par le fonctionnaire s'estimant lésé et conclut au licenciement sur la base des faits entourant les incidents du 27 janvier 2002, pour les raisons suivantes (pièce E-5) :
[…]

J'estime que les infractions que vous avez commises sont très graves et totalement inacceptables. Vous vous êtes comporté de manière susceptible à ternir l'image du Service. Votre conduite est tout à fait incompatible avec votre rôle d'agent de la paix et la Mission du Service correctionnel du Canada. Vous avez perdu toute la confiance de votre employeur.

[…]

[27]      Pour l'employeur, les accusations reliées à la possession de drogue sont graves et portent plus à conséquence pour un agent de correction qui possède le statut d'agent de la paix en ses fonctions. À ce titre, il est appelé à faire respecter la loi à l'intérieur du pénitencier et particulièrement envers les détenus. Les détenus de l'établissement Archambault sont identifiés comme membres de groupes de motards criminalisés, condamnés pour une grande partie d'entre eux, pour des crimes reliés à la drogue. En ces circonstances, il est incompatible que le gardien des détenus soit lui-même relié au monde criminalisé de la drogue. L'agent de correction deviendrait une proie pour les détenus informés d'incidents de cette nature et créerait une brèche dans le système de sécurité de l'établissement.

[28]      Les admissions du fonctionnaire s'estimant lésé relativement à la possession de drogue, le fait qu'il n'a pas avisé l'établissement des accusations portées contre lui et de la suspension de son permis de conduire, qu'il ait tenté de maquiller les incidents et modifié sa version des faits à plusieurs occasions, sont à la base de la perte de confiance de l'employeur en M. Richard Simoneau.

[29]      En tentant de se sortir du pétrin en utilisant son statut d'agent de la paix face aux policiers de la Sûreté du Québec, M. Simoneau a terni l'image du Service correctionnel du Canada auprès d'un des partenaires importants du Service.

[30]      Le 20 novembre 2002, la Cour accepte le plaidoyer de culpabilité de M. Simoneau sur l'infraction de conduite d'un véhicule à moteur alors qu'il avait consommé une quantité d'alcool telle que son alcoolémie dépassait 80 mg par 100 ml de sang. Il est acquitté relativement à la possession de drogue, aucune preuve n'ayant été soumise suite à une entente sur l'ensemble des dossiers entre le procureur de la Couronne et l'avocat de M. Simoneau (pièce G-3). L'installation d'un éthylomètre sur le véhicule de M. Simoneau lui permet de recouvrer son permis de conduire le 20 février 2003.

[31]      Une nouvelle version des circonstances suivant lesquelles le fonctionnaire s'estimant lésé a été mis en possession des substances interdites a été soumise lors de l'audience au présent dossier. Selon cette version, les fioles de G.H.B. ont été achetées par Marie-Josée Beauvais pour son usage personnel lors de la soirée au club Millénium. Comme elle n'avait pas de sacoche ou de poche pour mettre les fioles, elle a demandé à M. Simoneau de les garder sur lui. Lorsqu'elle désirait en consommer, elle lui demandait de les lui remettre. Elle a consommé deux des trois contenants de G.H.B. Mme Beauvais n'a pas mentionné d'achat de kétamine en son témoignage. Selon le témoignage de M. Simoneau, Marie-Josée Beauvais aurait acheté la kétamine à la demande du groupe d'amies qui s'est cotisé pour l'offrir en cadeau à un autre ami. M. Simoneau a donné une part de 20 $ sur le prix d'achat de la kétamine et l'aurait conservé sur lui. Il n'a pas pensé à remettre les fioles à Marie-Josée Beauvais lorsqu'il a pris son véhicule automobile pour aller la reconduire chez elle après la soirée.

[32]      M. Simoneau considère qu'il n'est pas correct que des accusations aient été portées contre lui. D'une part, il pensait que les fioles de G.H.B. étaient vides et que la kétamine n'était pas illégale. De plus, il est rare, selon lui, que des sommations soient émises lorsque l'ivressomètre indique moins de 100 mg par ml de sang. Pourtant, il a témoigné qu'il a eu une réaction de panique lorsqu'il a réalisé, au poste de police, qu'il était en possession de ces substances.

[33]      M. Simoneau soumet qu'il a eu sa leçon et qu'il regrettait les faits. Il précise qu'il a modifié son style de vie et qu'il ne participe plus aux « raves ». Il fréquente les clubs à une fréquence beaucoup moindre qu'avant et il aurait consommé de la drogue qu'à une seule occasion, avec son amie, depuis les incidents du 27 janvier 2002. Selon lui, sa consommation de drogue n'a jamais présenté un problème car elle était occasionnelle.

[34]      Le docteur Serge Lecours, spécialisé en toxicologie, a procédé à des tests de dépistage de consommation de drogue sur M. Simoneau entre le 26 février et le 6 avril 2003. Un premier test de dépistage général de drogues s'est avéré négatif ainsi que ceux pour le dépistage de consommation d'amphétamine (incluant l'ecstasy et le speed) et de G.H.B.

Les plaidoiries

[35]      Pour l'employeur, le comportement de M. Simoneau lors de l'arrestation démontre qu'il savait qu'il avait mal agi. Il n'a pas été honnête avec son employeur en tentant de camoufler l'incident, relativement à la possession de drogue. De plus, sa version des événements change aux différentes étapes du dossier. La version qu'il a tenté de démontrer lors de l'audience n'est pas plus crédible que les autres, le témoin étant venu pour corroborer son témoignage n'ayant pas précisé avoir acheté la kétamine.

[36]      L'admission de possession et de consommation de drogue par M. Simoneau est incompatible avec le statut d'agent de la paix et d'agent correctionnel. La faille qu'il présente dans le système de sécurité est incontournable et entraîne un bris de confiance irréparable.

[37]      Les critères déterminés à l'affaire Millhaven Fibres Ltd, Millhaven Works and Oil, Chemical and Atomic Workers Int, Local 9-670 (1967) 1(A) Union Management Arbitration Cases 328 s'appliquent au présent dossier. Selon cette décision, la conduite de l'employé hors du lieu de travail peut motiver le congédiement dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :
[…]

1) que la conduite de l'employé en cause fait du tort à l'entreprise ou à ses produits;
2) que la conduite de l'employé le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement;
3) que la conduite de l'employé amène ses compagnons de travail à refuser de travailler avec lui ou les rend réticents à le faire ou incapables de le faire;
4) que l'employé a été reconnu coupable d'une grave infraction au Code criminelle portant atteinte à la réputation de l'entreprise et à celle de ses employés;
5) que la conduite de l'employé nuit à la gestion des opérations et du personnel de l'entreprise.

[…]

[38]      Les critères de Millhaven (supra) ont été appliqués par la Commission dans l'affaire Dashney (dossier de la Commission 166-2-14177) et repris dans l'affaire Flewwelling c. Canada, [1985] A.C.F. 1129. Dans le dossier Flewwelling, (supra) la Cour a confirmé la décision de l'arbitre qui avait maintenu le congédiement d'un agent de surveillance au ministère des Pêches et Océans. Les trois juges de la Cour d'appel fédérale soulignent :
[…]

Il me semble qu'il existe des formes d'inconduite qui, peu importe qu'elles soient prohibées par règlement, par le Code criminel ou par toute autre loi, sont de nature telle que toute personne raisonnable peut facilement se rendre compte qu'elles sont incompatibles et en contradiction avec l'exercice par leur auteur d'une charge publique, surtout si les fonctions de cette charge consistent à appliquer la loi. Comme l'a dit récemment le juge en chef Dickson au nom de la Cour suprême dans l'arrêt Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction [sic] publique, non publié, qui a été rendu le 10 décembre 1985 :

        La fonction publique fédérale du Canada fait partie de l'exécutif du gouvernement. À ce titre, sa tâche fondamentale est d'administrer et d'appliquer les politiques. Pour bien accomplir sa tâche, la fonction publique doit employer des personnes qui présentent certaines caractéristiques importantes parmi lesquelles les connaissances, l'équité et l'intégrité.

[…]

[39]      Au dossier Boivert (dossiers de la Commission 166-2-25435 et 26200), l'arbitre a conclu que les infractions criminelles commises par le fonctionnaire s'estimant lésé (vol et recel de plus de 1 000 $), étaient tout à fait incompatibles avec ses fonctions même en l'absence de publicité et malgré un dossier disciplinaire vierge, surtout dans le milieu carcéral où l'employeur se doit d'assurer la sécurité du personnel et des détenus.

[40]      Dans le dossier Fleming (dossiers de la Commission 166-2-13488 et 12489), l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait pas être réintégré à son emploi sans nuire à la bonne marche et à la réputation du Service correctionnel du Canada et du camp de correction en particulier alors qu'il a reconnu sa culpabilité au trafic de marijuana.

[41]      L'incompatibilité d'accusations criminelles avec les fonctions d'agent de la paix a été retenue aux décisions suivantes :
-  Kikilidis (dossiers de la Commission 166-2-3180 à 3182)

-  Courchesne (dossier de la Commission 166-2-12299)

-  Wells (dossier de la Commission 166-2-27802)

-  Sharma (dossier de la Commission 166-2-14588)

-  Cunningham (dossier de la Commission 166-2-18834)

-  Renaud (dossiers de la Commission 166-2-30897 et 30898)

[42]      Les principes élaborés aux causes précitées doivent recevoir application au présent dossier et le congédiement devrait être maintenu.

[43]      Pour la partie syndicale, M. Simoneau n'a pas nié la possession bien qu'il ait précisé que ça ne lui appartenait pas. Il a avisé son employeur qu'il avait été arrêté avec un taux d'alcoolémie dépassant la limite permise. Il ne pouvait pas aviser l'employeur d'accusations qui n'avaient pas encore été portées. Ce n'est que cinq mois après les incidents que les sommations ont été communiquées à l'employeur avant même que M. Simoneau n'en soit informé.

[44]      Suivant le témoignage de M. Simoneau, il croyait que les fioles de G.H.B. étaient vides et que la kétamine n'était pas illégale. Ainsi, il croyait véritablement qu'il ne pouvait pas être accusé de possession. En ces circonstances, on ne peut pas conclure que M. Simoneau ait voulu tromper l'employeur en ne l'informant pas des éléments reliés à la possession.

[45]      M. Simoneau n'a pas connaissance des Codes de discipline et de conduite professionnelle, et il demeure sous l'impression que les incidents reliés à sa vie privée n'ont pas à être dévoilés à l'employeur. Bien que ses actions aient pu ternir l'image du Service correctionnel du Canada auprès de la Sûreté du Québec, la quantité minime de drogue en sa possession en minimise l'impact.

[46]      Le présent dossier doit être distingué des cas cités car aucune publicité n'a été faite relativement aux incidents. Les faits reprochés n'ont pas été commis à l'intérieur de ses fonctions et aucune preuve ne démontre une réaction quelconque de ses compagnons de travail. La suspension du permis de conduire n'a eu aucun impact sur les opérations, M. Simoneau ayant été assigné à un poste fixe ne nécessitant pas de conduire un véhicule pour toute la durée de la suspension.

[47]      Selon la décision rendue au dossier Jalal (dossier de la Commission 166-2-27992), il faut considérer la nature et la gravité des fautes reprochées et leurs impacts sur les intérêts de l'employeur. Il faut démontrer que la faute doit être grave au point de démontrer qu'il y a incompatibilité entre la conduite de l'employé et le maintien du lien d'emploi. Relativement à la réputation de l'employeur, la preuve doit démontrer plus qu'une crainte et qu'elle a été entachée dans les faits. Les éléments n'ont pas été démontrés au présent dossier. La preuve ne démontre pas qu'à l'avenir, le fonctionnaire s'estimant lésé ne sera pas digne de confiance. Les décisions suivantes sont apportées à l'appui de ces arguments :
-  Re Government of Manitoba and Manitoba
   Government Employees' Union (Longclaws)
,
    (1994) 39 L.A.C. (4th) 409

-  Schigol (dossier de la Commission 166-2-21774)

-  Hickford (dossier de la Commission 166-2-18645)

Motifs de la décision

[48]      La preuve démontre clairement que M. Richard Simoneau a été pris le 27 janvier 2002 à conduire son véhicule automobile alors que son taux d'alcoolémie dépassait la limite permise. La Cour l'a effectivement condamné sous ce chef (pièce G-3). Lors de son arrestation, le fonctionnaire s'estimant lésé a informé M. Michel Coune (surveillant correctionnel intérimaire) qu'il avait été arrêté alors qu'il dépassait la limite d'alcoolémie permise. L'employeur aurait pu facilement en déduire que son permis de conduire avait été suspendu automatiquement de par ce fait. Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé n'ait pas avisé effectivement son employeur que son permis était suspendu pour une période de 15 jours, il appert qu'aucun inconvénient n'a affecté les opérations car il n'a pas été appelé à conduire un véhicule automobile durant cette période.

[49]      Pris isolément, la suspension du permis de conduire est un élément qui aurait pu être accommodé par l'employeur et ne constitue pas un élément disciplinaire pouvant motiver une mesure disciplinaire de l'ampleur d'un congédiement.

[50]      En regard des éléments de possession de drogue, les conséquences m'apparaissent plus importantes. D'une part, les différentes versions fournies par M. Simoneau pour expliquer la possession de G.H.B. et de kétamine sont peu crédibles et les circonstances entourant cette possession ne peuvent pas être considérées comme atténuantes. Dans les faits, M. Simoneau admet bel et bien la possession et a eu un comportement démontrant beaucoup de témérité et de manque de maturité. Il savait très bien que la possession de ces substances, même en petite quantité, est illégale et peut entraîner de graves conséquences sur son emploi. Dès l'interception par les policiers, il tente de se tirer d'un mauvais pas en brandissant son identification et son insigne d'agent correctionnel, implorant clairement la complaisance de ses confrères « agents de la paix ».

[51]      Les contorsions de ses poignets alors qu'il est menotté et assis dans la voiture de police ainsi que la tentative pour se débarrasser des fioles compromettantes dans la salle d'interrogatoire confirment que M. Simoneau percevait bien la gravité de la situation. Je ne le crois pas lorsqu'il explique ne pas avoir mentionné les éléments reliés à la possession de drogue lorsqu'il a parlé à M. Coune car il ne croyait pas que des accusations suivraient. En fait, bien qu'il témoigne qu'il croyait les fioles vides, les gestes de panique pour s'en débarrasser ou pour expliquer leur présence démontre qu'au contraire, il savait pertinemment qu'il avait en sa possession des drogues (G.H.B. et kétamine) illicites. Ainsi, son omission d'informer son employeur de la possession lors de l'entretien téléphonique du 27 janvier 2002 est nettement une tentative de camouflage. Même s'il ignorait alors les règles contenues au Code de discipline et de conduite professionnelle qui lui ont été mentionnées que lors de l'enquête disciplinaire ultérieure, il était conscient que la possession de drogue était incompatible avec sa fonction d'agent correctionnel ayant une importante responsabilité d'appliquer la loi. En les circonstances du présent dossier, l'ignorance par le fonctionnaire s'estimant lésé des Codes de conduite et de discipline ne peut pas être un critère atténuant.

[52]      Lors de l'enquête disciplinaire, il continue de prétendre que les fioles ne sont pas à lui et qu'il les aurait ramassées par terre au club. Pourtant, il affirme à cette occasion que trois de ces fioles auraient contenu du G.H.B. et qu'une autre contenait de la kétamine. Je ne peux pas comprendre en quoi il serait atténuant de déclarer posséder ces drogues pour un autre. Au contraire, sa déclaration ne fait qu'aggraver la situation en minant sa crédibilité par un exercice de maquillage prétendument pour ne pas s'incriminer d'avantage ou incriminer son amie.

[53]      Lors de la rencontre du 5 juillet 2002 avec M. Fafard, M. Simoneau ne fournit aucune explication en regard des sommations dont copie lui sont données par M. Fafard. Il explique son silence par le fait qu'il serait assommé par les accusations. Pour l'employeur, son attitude stoïque démontre plutôt qu'il ne semble pas percevoir la gravité de la situation. Bien que je puisse concevoir qu'il est surprenant d'apprendre par l'entremise de l'employeur et plus de cinq mois après l'interception policière, que des sommations sont émises contre soi, le fait de ne soumettre aucune défense ou excuse semble plutôt démontrer qu'il croit se trouver face à une situation incontournable et qu'il n'y a rien à faire pour la changer.

[54]      M. Simoneau et son représentant syndical interprètent l'attitude des représentants de l'employeur lors de cette rencontre et dans les moments la suivant comme un jugement final irrévocable et sans appel. Ils ont sûrement tous les deux perçu que l'employeur considérait les actions reprochées comme étant d'une extrême gravité. D'autre part, l'employeur n'aurait pas procédé à l'enquête disciplinaire et entendu M. Simoneau à deux reprises par la suite s'il avait été vraiment convaincu, dès le 5 juillet 2002, de sa culpabilité. Il aurait plutôt procédé au congédiement dès cette rencontre.

[55]      Suite à l'enquête disciplinaire et face à la recommandation de « mesures disciplinaires sévères n'excluant pas le licenciement », M. Simoneau modifie sa version des faits, lors de la rencontre avec M. Fafard du 22 août 2002. Il précise qu'il s'est procuré les drogues par ses amis pour un tiers et non plus qu'il les a ramassées par terre. Il tente ainsi de rendre crédible une explication considérée tout à fait irréaliste par le comité d'enquête. En voulant se cacher derrière les conseils de son avocat de ne pas s'incriminer d'avantage et en soumettant qu'il a compris la leçon, il tente de sauver son emploi. L'employeur n'excuse pas les actions reprochées car il considère que l'attitude et les explications de M. Simoneau, à cette étape du dossier, sont non crédibles.

[56]      Face à la nouvelle explication fournie lors de l'audience, à savoir que c'est Marie-Josée Beauvais qui a procédé à l'achat des drogues, soit pour sa consommation personnelle, soit pour donner en cadeau à un ami, je ne peux que conclure que l'employeur avait parfaitement raison de considérer nulle la crédibilité de M. Simoneau. Face à une telle succession d'explications différentes relativement aux événements, je ne peux accorder aucune crédibilité à aucune d'entre elles, à l'instar de l'employeur, relativement aux circonstances par lesquelles M. Simoneau a été mis en possession des substances illicites.

[57]      Quoiqu'il en soit, les faits de la possession reportés par les policiers de la Sûreté du Québec ne sont pas contredits par M. Simoneau ou les autres témoignages rendus à l'audience et l'admission exprimée confirme la possession des drogues.

[58]      En ces circonstances, la perte de confiance de l'employeur en M. Simoneau est fortement motivée et explique bien que rien ne peut la rétablir. Il est bien compréhensible que cette perte de confiance fasse en sorte que M. Simoneau ne puisse plus assumer convenablement ses fonctions d'agent correctionnel dans le milieu carcéral où la notion de confiance est à la base même du système de sécurité de l'établissement.

[59]      Je considère que la possession simple même d'une petite quantité de drogue rend l'agent correctionnel incapable d'assumer ses tâches de surveillance, d'encadrement et de réhabilitation qu'il doit assumer auprès de détenus qui, pour un grand nombre d'entre eux, sont incarcérés pour des crimes reliés à la drogue.

[60]      Le juge en chef Thurlow et les juges Stone et MacGuigan de la Cour fédérale d'appel soulignent dans l'affaire Flewwelling (supra) que des formes d'inconduite « sont de nature telle que toute personne raisonnable peut facilement se rendre compte qu'elles sont incompatibles et en contradiction avec l'exercice par leur auteur d'une charge publique surtout si les fonctions de cette charge consistent à appliquer la loi ». Je considère que la possession de G.H.B. et de kétamine sont des inconduites qui sont incompatibles et en contradiction avec l'exercice des fonctions d'agent correctionnel. Le fait qu'aucune condamnation n'a été imposée par la Cour à M. Simoneau relativement à la possession de drogues ne minimise aucunement la gravité de l'inconduite qu'il admet avoir commise.

[61]      Il est clair que l'attitude de M. Simoneau lors de son arrestation a terni l'image du Service correctionnel du Canada auprès de la Sûreté du Québec, lorsqu'il a été pris à conduire son véhicule en présentant un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise et alors qu'il est en possession de drogues illégales. En se servant de son statut d'agent correctionnel pour tenter de se tirer de ce mauvais pas, il a entaché la réputation de l'ensemble des agents correctionnels auprès des agents de la Sûreté du Québec.

[62]      La gravité des gestes qui lui sont reprochés ajoutée à la perte de crédibilité causée par les modifications successives de sa version des faits ont irrémédiablement détruit le lien de confiance qui doit exister entre le Service correctionnel du Canada et M. Simoneau. Je suis en accord avec la présidente-suppléante Falardeau-Ramsay lorsqu'elle déclare, en sa décision dans la cause Courchesne (supra) :
La seule existence d'un doute sérieux quant à l'intégrité d'un employé dans le milieu carcéral est suffisant pour prévenir sa réinstallation tant la confiance est un facteur important lorsque la vie et la sécurité des individus est en danger.

[63]      Après avoir examiné l'ensemble de la preuve déposée à l'audience et considéré les témoignages qui y ont été rendus, je conclus que l'employeur a démontré que M. Simoneau a bien commis les actions qui lui ont été reprochées et qui motivent la sanction disciplinaire qui lui a été imposée. Je ne retiens aucun élément pouvant atténuer la gravité des actions reprochées par M. Simoneau. Par les motifs précisés à la présente, je considère que le licenciement constitue une pénalité raisonnable en les circonstances.

[64]      En conséquence, le grief est rejeté.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 4 juillet 2003

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