Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Congé pour bénévolat - Congé personnel - Horaires de travail variables - Notion de « jour » - Res judicata - les fonctionnaires s'estimant lésées travaillent 10 heures pas jour selon leurs horaires variables de travail - elles ont demandé des congés de bénévolat et personnels à différentes dates; l'employeur a approuvé les demandes mais seulement pour une période de huit heures pour chaque journée demandée - les parties et les clauses de la convention collective invoquées étaient les mêmes que dans l'affaire Stockdale et autres (infra) - cependant, comme la convention collective comme telle n'était pas la même, il a été statué que la doctrine de la chose jugée ne s'appliquait pas - l'arbitre a conclu qu'aux fins de maintenir un certain degré d'uniformité et de certitude dans les relations du travail, il y avait lieu d'interpréter les dispositions qui sont semblables de manière similaire, à moins qu'il existe une excellente raison de modifier cette interprétation - elle a également statué que l'arbitre devait étudier chaque dossier en fonction de son mérite particulier et par rapport à la convention collective pertinente - même si elle n'était pas liée par des décisions antérieures, elle estimait pouvoir s'en inspirer - un examen de décisions arbitrales antérieures sur la question de l'interprétation de « jour » a révélé que les arbitres avaient constamment conféré à « jour » son sens ordinaire, à moins qu'une disposition expresse soit prévue dans une convention collective - dans l'affaire en l'espèce, la convention collective comporte plusieurs définitions du terme « jour » s'inscrivant dans d'autres contextes, comme les jours fériés ou les jours de repos - certaines dispositions prévoient que les crédits de congé doivent être convertis en heures - l'arbitre a conclu que les congés visés ne constituaient pas des crédits journaliers de congé et que rien en permettait de dire que tous les types de congé devaient être convertis en heures - en règle générale, un jour équivaut à 24 heures - l'article 2 de la convention collective définit un « congé » comme une absence autorisée pendant les heures normales de travail d'un employé - une juxtaposition de cette définition et des dispositions sur les congés de bénévolat et personnels a permis de clarifier la question, et l'arbitre a conclu que le terme « jour » correspondait à une période de 24 heures et que, par conséquent, les fonctionnaires s'estimant lésée avaient droit à des congés de bénévolat et personnels pour la durée de leurs quarts - l'arbitre a rejeté l'argument de l'employeur relativement à la neutralité de coûts, compte tenu qu'aucune preuve ne démontrait que l'employeur avait engagé des coûts supplémentaires pour remplacer les fonctionnaires s'estimant lésées durant leurs congés. Griefs accueillis. Décisions citées :Stockdale et autres, 2004 CRFTP 4; Francoeur, dossier de la CRTFP 166-2-25922; Breau et autres. , 2003 CRTFP 65; Mackie, 2003 CRTFP 103; King et Holzer, 2001 CRTFP 117; Phillips, dossier de la CRTFP 166-2-20099; Diotte, 2003 CRTFP 74.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-05-20
  • Dossier:  166-2-31579, 166-2-31580
  • Référence:  2004 CRTFP 41

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARIE-ÈVE BOUCHARD ET MÉLANIE CÔTÉ

fonctionnaires s'estimant lésées

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agriculture et Agro-alimentaire Canada)


employeur


Devant :   Sylvie Matteau, présidente suppléante

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésées
:  
Rachel Dugas, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Stéphane Hould, avocat


(Décision rendue sans audience.)


[1]    De consentement des parties, les présents dossiers ont été joints et ont été soumis à l'arbitrage sans audition. Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits, accompagné des pièces justificatives et leurs argumentations respectives.

[2]    Les griefs portent sur l'interprétation de deux dispositions de la convention collective portant sur les congés payés pour bénévolat et congé personnel, tel qu'ils doivent s'appliquer dans le cas des deux fonctionnaires s'estimant lésées travaillant au même service et dont les horaires de travail sont variables.

La preuve

[3]    Les faits et pièces ont été présentés de la manière suivante :

  1. Les plaignantes sont à l'emploi d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada, section Recherche à Lennoxville, Québec;
  2. Elles occupent des postes de « Vacher », GL-MAN-06;
  3. La convention collective applicable est la « Convention entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada - Groupe : Services de l'exploitation » signée le 19 novembre 2001 et qui expire le 4 août 2003;
  4. Cette convention collective contient deux nouveaux articles qui permettent un jour de congé payé au cours de chaque année financière, soit l'article 41.01 « congé pour bénévolat » et l'article 52.02 « congé personnel »;
  5. L'année financière se termine le 31 mars de chaque année;
  6. Entre octobre 2001 et juin 2002, les plaignantes travaillent 40 heures par semaine, soit 10 heures par jour selon l'horaire imposé par l'employeur pour la période du 24 octobre 2001 au 30 juin 2002 pour Marie-Ève Bouchard et pour la période du 22 octobre 2001 au 30 juin 2002 pour Mélanie Côté;

Pièce S-1 :   Lettres de Jean-Pierre Charuest datées du 27 septembre 2001 (en liasse)

  1. Le quart de travail est de 6h00 à 17h00 (10 heures de travail);
  2. Les plaignantes ont demandé des congés pour bénévolat et des congés personnels pour diverses périodes entre janvier 2002 et juin 2002;

A) Marie-Ève Bouchard a demandé :

- un congé personnel pour le 4 janvier 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 21 décembre 2001, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 28 décembre 2001);

Pièce S-2 : Demande de congé du 21 décembre 2001

- un congé pour bénévolat pour le 13 février 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 8 février 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 11 février 2002);

Pièce S-3 : Demande de congé du 8 février 2002

- un congé personnel pour le 24 mai 2002, de 8h00 à 17h00, soit une période de 8 heures et un congé annuel de 2 heures, compte tenu de l'interprétation de l'employeur qui refuse de payer le congé personnel de 10 heures (demande le 15 mai 2002, acceptée par l'employeur le 16 mai 2002);

Pièce S-4 : Demande de congé du 15 mai 2002

- un congé pour bénévolat pour le 5 juin 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 29 mai 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 30 mai 2002);

Pièce S-5 : Demande de congé du 29 mai 2002

B)     Mélanie Côté a demandé :

- un congé pour bénévolat pour le 5 mars 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 19 février 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 1er mars 2002);

Pièce S-6 : Demande de congé du 19 février 2002

- un congé personnel pour le 16 mars 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 4 mars 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 5 avril 2002);

Pièce S-7 : Demande de congé du 4 mars 2002

- un congé personnel pour le 11 juin 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 29 mai 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 30 mai 2002);

Pièce S-8 : Demande de congé du 29 mai 2002

- un congé pour bénévolat pour le 12 juin 2002, de 6h00 à 17h00, soit une période de 10 heures (demande le 29 mai 2002, acceptée pour 8 heures par l'employeur le 30 mai 2002);

Pièce S-8 : Demande de congé du 29 mai 2002

  1. L'employeur a autorisé huit heures de congé mais a refusé les deux heures supplémentaires;
  2. Les plaignantes ont donc complété à nouveau des formulaires de congé pour deux heures supplémentaires pour chaque journée de congé;
  3. Marie-Ève Bouchard modifie ses demandes de congés (demande avril 2002, acceptée par l'employeur le 5 avril 2002; demande le 31 mai 2002, acceptée par l'employeur le 31 mai 2002);

Pièce S-9 : Demande modifiée d'avril 2002
Pièce S-10 : Demande modifiée du 31 mai 2002

  1. Mélanie Côté modifie ses demandes de congés (demande le 19 février 2002, acceptée par l'employeur le 1er mars 2002; demande le 4 mars 2002, acceptée par l'employeur le 20 mars 2002; demande le 4 juin 2002, acceptée par l'employeur le 9 juillet 2002);

Pièce S-6 : Demande modifiée du 19 février 2002
Pièce S-7 : Demande modifiée du 4 mars 2002
Pièce S-11 : Demande modifiée du 4 juin 2002

  1. En date du 24 avril 2002, les plaignantes ont déposé les griefs 8753 et 8754 :
  2. « L'employeur ne respecte pas les articles mentionnés à la partie B de la formule de grief, selon la convention collective groupe : services de l'exploitation : articles 25.01, 25.02 a), 25.03, 25.04, 25.05, 34.01 a) et b). »;

  3. Les plaignantes demandent le redressement suivant :
  4. « Je demande que la convention soit respectée;

    Je demande de ne subir aucun préjudice suite à ce grief;

    Je demande que mes journées de congé de bénévolat ou congé personnel respectent le nombre d'heures indiquées sur ma cédule de travail : cédule 6h00 à 17h00 = 10 heures par jour;

    - Je demande à être présente à l'audition de tous les paliers de grief, et ce aux frais de l'employeur;

    - Je demande à ce que ma banque de congés soit créditée des 4 (quatres (sic)) heures de congé annuel dont elle a été débitée ou qu'elle ne soit pas débitée de quatre heures (4). »;

  5. L'employeur a rejeté les griefs des plaignantes au dernier palier de la procédure de règlement des différends.

[4]    L'argumentation des parties est reproduite en intégralité, omission faite de certaines répétitions. Toutes les décisions auxquelles elles ont fait référence ont été produites au dossier et ont été prises en considération dans la présente décision.

Argumentation des fonctionnaires s'estimant lésées

Ces griefs portent sur l'interprétation de la notion de « jour » afin de déterminer les avantages que les plaignantes peuvent obtenir en prenant un congé pour bénévolat (article 41.01) et un congé personnel (article 52.02). Les articles pertinents de la convention collective suivent :

« 41.01 Congé pour bénévolat : Sous réserves des nécessités du service telles que déterminées par l'Employeur et sur préavis d'au moins cinq (5) jours ouvrables, l'employé-e se voit accorder, au cours de chaque année financière, un (1) jour de congé payé pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada.

Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l'employé-e et à l'Employeur. Cependant, l'Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l'employé-e. »

« 52.02 Congé personnel : Sous réserves des nécessités du service déterminées par l'Employeur et sur préavis d'au moins cinq (5) jours ouvrables, l'employé-e se voit accorder, au cours de chaque année financière, un (1) jour de congé payé pour des raisons de nature personnelle.
Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l'employé-e et à l'Employeur. Cependant, l'Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l'employé-e. »

1.      Res judicata/Chose jugée :

L'interprétation de la notion de « jour » a été le sujet de plusieurs griefs devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). En effet, ce n'est pas la première fois que l'interprétation de cette notion est en litige relativement au congé pour bénévolat et au congé personnel. En effet, la question a déjà été décidée dans l'affaire Stockdale et al., 2004 PSSRB 4 (166-2-32069).

Dans cette affaire, il s'agissait de treize (13) plaignants de la classification GT. Ceux-ci étaient gouvernés par la convention collective du groupe « Services techniques », qui a été signée le 19 novembre 2001 et dont la date d'expiration était le 21 juin 2003. Cette convention collective contenait deux nouveaux articles de congés soit l'article 46.01 « congé pour bénévolat » et l'article 55.02 « congé personnel » qui se lisent comme suit :

« 46.01 Congé pour bénévolat : Sous réserves des nécessités du service telles que déterminées par l'Employeur et sur préavis d'au moins cinq (5) jours ouvrables, l'employé-e se voit accorder, au cours de chaque année financière, un (1) jour de congé payé pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada.

Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l'employé-e et à l'Employeur. Cependant, l'Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l'employé-e. »

« 55.02 Congé personnel : Sous réserves des nécessités du service déterminées par l'Employeur et sur préavis d'au moins cinq (5) jours ouvrables, l'employé-e se voit accorder, au cours de chaque année financière, un (1) jour de congé payé pour des raisons de nature personnelle.

Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l'employé-e et à l'Employeur. Cependant, l'Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l'employé-e. »

M. Stockdale et autres travaillaient douze (12 ) heures par quart sur un horaire de quarts de travail variables. Leurs quarts de travail étaient de 7h00 à 19h00.

L'employeur a avisé les plaignants qui demandaient un congé de douze (12) heures que son interprétation d'une journée de congé était de 7.5 heures et que les plaignants devaient compenser les 4.5 heures additionnelles demandées.

En comparant l'affaire Stockdale et als. au présent dossier, nous constatons ce qui suit :

  • Il s'agit des mêmes parties à la convention collective, soit l'Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du trésor;
  • Il s'agit pratiquement des mêmes faits soit, des employés qui travaillent sur des horaires variables dont les heures dépassent une journée « normale » de travail selon l'employeur;
  • Il s'agit du même libellé d'articles portant sur le congé pour bénévolat et le congé personnel;
  • Il s'agit du même litige, soit l'interprétation de la notion « jour de congé ».

Malgré que la Commission n'applique pas strictement les doctrines de res judicata et de stare decisis, il demeure que la Commission adopte la règle suivante dans la décision Francoeur (166-2-25922), à la page 7:

« C'est donc dire que la doctrine de la chose jugée ne devrait être appliquée de façon rigide dans le domaine des relations de travail dans la fonction publique fédérale. Ceci dit, une décision antérieure du tribunal ou d'un arbitre du tribunal touchant le même litige devrait être suivie dans une cause postérieure a fortiori si elle implique les mêmes parties et la même convention collective sauf si cette première décision est manifestement erronée. » (Nous soulignons)

La Commission devrait suivre la décision rendue dans l'affaire Stockdale et als. puisqu'elle implique les mêmes parties et le même libellé quant aux articles relatifs aux congés pour bénévolat et congé personnel.

2.      Certitude, uniformité, stabilité et prévisibilité quant aux décisions antérieures :

Subsidiairement, nous soumettons que si la Commission détermine qu'il n'y a pas chose jugée, la Commission doit suivre le raisonnement de l'arbitre Mackenzie dans l'affaire Stockdale et als.. Basée sur la décision King et Holzer, 2001 CRTFP 117 (166-34-30346, 30638 et 30639), l'arbitre MacKenzie a jugé ce qui suit, à la page 9, paragraphes 34 et 35 :

[...]

[La version française se lit comme suit :

La décision de la Commission dans l'affaire King et Holzer, supra, portait sur l'interprétation du terme « jour » au sens des dispositions relatives au congé pour obligations familiales dans le cadre d'une convention collective différente. La décision a été maintenue par la Cour fédérale (Canada c. King, supra). M. Done a fait valoir que j'étais lié par la décision rendue dans l'affaire King et Holzer. Je ne peux convenir que je suis lié par cette décision puisqu'elle met en cause des dispositions prévoyant un congé et une convention collective différentes.

Toutefois, les motifs prononcés à l'appui de cette décision sont convaincants, tout comme les remarques du juge dans le cadre du contrôle judiciaire de cette décision. Les motifs sont convaincants parce qu'ils se rapportent à une disposition relative au congé qui est semblable, le libellé de la convention étant semblable également. Aux fins de maintenir un certain degré d'uniformité et de certitude dans les relations du travail, il y a lieu d'interpréter les dispositions qui sont semblables de manière similaire, à moins qu'il existe une excellente raison de modifier cette interprétation. Il y a lieu de noter que, bien que les griefs en l'espèce reposent sur une convention collective différente, le libellé de la convention qui se rapporte aux ententes sur des horaires de postes variables est identique.]

Ce même raisonnement a été expliqué par l'arbitre Kuttner dans l'affaire Breau et als., 2003 CRTFP 65 (166-2-31278 à 80), page 12, et par le vice-président Potter dans l'affaire Mackie, 2003 CRTFP 103 (166-2-32060), page 5.

3.      Notion de « jour » :

Dans l'affaire King et Holzer, le président Tarte a conclu qu'une interprétation normale d'un « jour », soit d'une période de vingt-quatre (24) heures est constante avec l'intention de la convention collective, tout comme ce fut le cas de la décision Stockdale et als..

De plus, dans l'affaire King et Holzer, la notion de « jour » est définie à l'article portant sur la durée du travail, tel que l'article 25.01 en l'espèce:

« 25.01 : Aux fins de l'application du présent article :

a) le jour est une période de vingt-quatre (24) heures qui commence à 00h00; »

À moins d'indication contraire dans la convention collective, comme c'est le cas pour un congé annuel ou un congé de maladie acquis, une journée ne doit signifier qu'une période de vingt-quatre (24) heures.

Cette interprétation était également appuyée dans l'affaire King et Holzer par le fait que les parties ont prévu la conversion en heures de la période ouvrant droit à la rémunération d'intérim (article 25.13 f)) mais que cette conversion de jours à heures pour le congé familial n'existait pas. Il s'agissait de la même situation dans l'affaire Stockdale et als. et dans l'affaire Phillips, 166-2-20099, page 33. C'est également le cas en l'espèce, tel que l'indique l'article 28.06 g). La Cour fédérale du Canada - division de première instance ((2000) F.C.J no. 1887) a aussi confirmé cette interprétation. Par ailleurs, la Cour fédérale d'appel (2002 FCA 178) a rejeté la demande d'appel de l'employeur le 7 mai 2002.

Dans l'affaire Stockdale et als., l'arbitre Mackenzie nous éclaire davantage, à la page 11 de sa décision:

[...]

[La version française se lit comme suit :

À l'instar de la disposition sur le congé pour obligations familiales, les dispositions sur le congé personnel et sur le congé de bénévolat ne sont pas des « crédits journaliers de congé », ni ne relèvent de la portée des dispositions de la convention qui prévoient la conversion des congés en heures (alinéa 37.01a)). Bien que l'avocat de l'employeur puisse être d'avis qu'il s'agit de « congés supplémentaires », le libellé de la convention collective ne peut appuyer une telle opinion. Le congé de bénévolat désigne le jour de congé payé « pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance ». Le congé personnel désigne le jour de congé payé « pour des raisons de nature personnelle ». Ces congés ne s'accumulent pas et ils doivent être utilisés au cours de chaque année financière, comme c'est le cas pour les congés pour obligations familiales.]

Il appert donc que le congé pour bénévolat et le congé personnel ne s'accumulent pas et ne peuvent, par conséquent, être convertis en heures. Il n'y aucun motif permettant à la Commission de dévier de l'interprétation de l'arbitre MacKenzie dans l'affaire Stockdale et als., affaire qui portait sur les mêmes congés qu'en l'espèce.

4.      Notion de « congé » :

Par ailleurs, la notion de « congé » est définie à l'article 2.01, soit l'article des définitions de la convention collective :

« 2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

b)   « congé » désigne l'absence autorisée du travail d'un employé-e pendant ses heures de travail normales ou régulières. »

Puisque les heures de travail normales et régulières des plaignantes sont de dix (10) heures par jour et que cette notion a été amplement définie ci-haut, un jour de congé en vertu des articles 41.01 et 52.02 doit également représenter dix (10) heures.

[5]    Les fonctionnaires s'estimant lésées demandent les mesures correctives suivantes :

Après avoir rendu cinq (5) décisions portant sur la notion de « jour », soit les affaires Phillips, King et Holzer, Breau et als., Mackie et Stockdale et als., nous demandons à la Commission de maintenir l'interprétation constante de la notion de « jour » et par conséquent, d'accueillir les griefs des plaignantes et de les compenser pour les crédits de congés annuels qu'elles ont dû débiter de leurs banques de congés.

Argumentation de l'employeur

Introduction

Les présents griefs appellent à l'interprétation de la nouvelle convention collective afin de déterminer la durée d'un « jour » de congé dans le contexte particulier de fonctionnaires travaillant selon un horaire variable. Il s'agit ici d'interpréter les dispositions conférant un congé payé pour bénévolat et un congé payé pour raisons personnelles. Il va sans dire que la prise de ce type de congé dans un contexte d'horaire variable se traduit forcément, selon l'interprétation donnée à la notion de « jour », par des résultats inéquitables aux parties, dépendamment de la durée du quart de travail. L'employeur soumet qu'en l'espèce, la seule interprétation de la notion de « jour » apte à se conjuguer avec la condition sine qua non de la mise en oeuvre des horaires variables, à savoir l'absence de coûts supplémentaires, est celle de la journée « normale » de travail prévue à la convention, soit 8 heures pour les employés travaillant en moyenne 40h/semaine.

[...]

Arguments

Doctrine de la chose jugée ou res judicata

L'agent négociateur plaide que le litige en l'espèce a déjà été tranché dans l'affaire Stockdale et al., 2004 PSSRB 4. Me Dugas invoque l'identité des parties et du libellé des clauses examinées. Pour ces raisons, elle invite la Commission à adopter l'approche de l'arbitre dans l'affaire Francoeur, 1995 CRTFP 6, et à accueillir les griefs en l'espèce.

L'employeur soumet que la Commission ne peut appliquer la doctrine de la chose jugée à la présente affaire puisqu'il s'agit ici d'une convention collective différente de celle examinée dans l'affaire Stockdale et al., supra. En effet, même si la doctrine de la chose jugée n'est généralement pas appliquée par la Commission, il faut à tout le moins que le litige soit identique pour que ladite doctrine trouve application en droit. Il va de soi qu'un arbitre appelé à interpréter les clauses d'une convention collective doit le faire dans un contexte général, c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble des dispositions de la convention devant lui afin d'en dégager l'intention des parties. Même si des dispositions identiques sont couchées dans deux conventions impliquant les mêmes parties, l'arbitre doit évidemment les étudier dans le contexte de l'ensemble des dispositions propre à chacune des conventions. Il s'agit en l'espèce d'un litige différent de celui sur lequel s'est penché l'arbitre dans l'affaire Stockdale et al. et l'arbitre saisi de la présente affaire se doit d'examiner l'ensemble des dispositions de la convention pertinente.

Certitude, uniformité, stabilité quant aux décisions antérieures

Soulevant l'intérêt du maintien de la stabilité et de la certitude dans les relations de travail, l'agent négociateur demande subsidiairement à la Commission de tout simplement suivre le raisonnement de l'arbitre dans l'affaire Stockdale et al., qui s'était appuyé sur l'interprétation de « jour » donnée dans l'affaire King et Holzer, 2001 CRTFP 89. Avec égards, l'employeur soumet que l'arbitre saisi de la présente affaire ne devrait pas suivre le raisonnement étayé dans l'affaire Stockdale et al. puisque l'arbitre n'a pas tenu compte, à sa juste valeur, de l'impact qu'avait l'interprétation qu'il a préférée sur le principe de la neutralité des coûts lors de la mise en oeuvre des horaires variables. De plus, le principe de la stabilité et de la certitude dans les relations de travail ne lie pas l'arbitre et ne lui impose donc pas une seule interprétation possible lorsqu'il examine des dispositions similaires. En d'autres mots, le principe invoqué par l'agent négociateur n'a pas pour conséquence d'établir l'interprétation « correcte » en droit qui doit être donnée à un « jour » de congé. Il est loisible à un arbitre d'arriver à une interprétation divergente de celles auxquelles sont arrivés ses prédécesseurs ou, le cas échéant, de réviser sa propre approche. Dans le cadre d'une demande en contrôle judiciaire d'une décision arbitrale, le principe d'uniformité fut distingué et analysé en ce sens par la Cour d'appel de l'Ontario dans Essex County Roman Catholic School Board v. O.E.C.T.A., 205 D.L.R. (4th) 700. En tenant compte de sa propre analyse dans Lanark, où une interprétation divergente de la même disposition couchée dans la même convention avait résisté au critère du « manifestement déraisonnable », la Cour arrive à la conclusion suivante (pars. 34 et 35) :

« In short, Osborne J.A. was dealing only with the matter before the court - was arbitrator Picher's award patently unreasonable? He was not trying to resolve conflicts in the arbitral jurisprudence or enumerate a «correct» and, therefore, binding precedent for future arbitrations. This is evident from his observation, «I do not think that the goal of consistency and thus predictability can trigger a correctness standard of review (to resolve conflict in arbitral jurisprudence) when the standard of review would otherwise be patent unreasonableness» (p.441). See also: Domtar...

In summary, since this court's decision in Lanark determined only that arbitrator Picher's award was not patently unreasonable, it remained open for a different arbitrator to make a different award, provided that is was not patently unreasonable. It follows that the Divisional Court erred by concluding that it was unreasonable for arbitrator Brown to interpret article 7.2(d) in a fashion different from the interpretation of arbitrator Picher.» (nous soulignons)

La cour a finalement accueilli l'appel, conclu que l'interprétation devant elle, même si opposée à celle dans Lanark, méritait également déférence et a donc renversé la décision de la cour de première instance.

Notion de jour

En ce qui a trait à la durée d'un « jour de congé », la période n'est pas explicitement définie dans la convention collective. Cette période ne peut être de 24 heures tel que le prétend l'agent négociateur en se fondant sur le langage de la clause traitant de la durée du travail (25.01). Cette période de 24 heures ne peut s'interpréter comme voulant indiquer la durée du travail puisque le résultat serait absurde, la clause 25.02 (a) se lisant comme suit si on y insère cette conversion : « Pour les employés qui travaillent 5 [périodes de 24 heures] consécutives par semaine, sur une base régulière... » Or, il est clair que l'intention ici était plutôt de définir le jour pour fins d'établir l'horaire, tel un jour de calendrier, et non de définir la durée d'un « jour » de travail ou de congé. En l'espèce, pour définir la durée d'un « jour » de travail, il faut se référer aux clauses 25.02 a) et b). Par renvoi à l'Appendice « B », clauses 2.02 et 2.03, la durée normale d'un jour de travail est de 8 heures.

S'appuyant sur l'interprétation retenue dans l'affaire King et Holzer, l'agent négociateur allègue ensuite qu'à moins d'indication contraire, telle la table de conversion en heures pour les congés « acquis », un jour de congé doit être interprété comme durant 24 heures. Ce raisonnement se fonde sur la prémisse que la notion de jour civil (24 heures) est celle qui est prévue par défaut ou implicitement lorsque les parties emploient le mot jour.

Avec respect, ce raisonnement n'est pas appuyé par le langage employé aux dispositions spécifiques aux congés, précisément à la clause 34.01 :

34.01

a)   Dès qu'un employé devient assujetti à la présente convention, ses crédits journaliers de congés acquis sont convertis en heures. Lorsqu'il ou elle cesse d'y être assujetti, ses crédits horaires de congé acquis sont reconvertis en jours, un jour équivalant à sept heures et demi (7½).

b)   Les congés sont accordés en heures, le nombre d'heures débitées pour chaque jour de congé correspondant au nombre d'heures normalement prévues à l'horaire de l'employé pour la journée en question.

c)   Nonobstant les dispositions qui précèdent, dans l'article 46, Congé de deuil payé, le mot « jour » a le sens de jour civil. (nous soulignons)

D'une part, le paragraphe b) indique que les congés sont accordés en heures, mais les parties demeurent muettes quant au quantum et aucune référence n'est faite au type de congé visé. D'autre part, le paragraphe a) précise qu'une conversion à 7,5 heures s'applique aux congés « acquis ». Il en découle que les parties ont prévu la conversion en heures pour tous les congés, précisant que c'est 7,5 heures pour les congés acquis. Si l'intention implicite avait été de donner le sens de jour civil aux congés autres que ceux qui s'« acquièrent », il aurait été inutile d'inclure le paragraphe c), celui-ci rendant inopérantes les dispositions a) et b) et confirmant l'intention d'accorder, par exception, un congé de deuil selon des périodes de 24 heures.

Mais quel nombre d'heures les parties avaient-elles l'intention d'accorder pour la durée d'un jour de congé « non acquis » ? Comme il est clair que ce n'est pas le sens de jour civil, la seule interprétation logique et équitable est celle du nombre normal d'heures de travail journalières, soit 8 heures pour les employés travaillant en moyenne 40 heures par semaine, et 7,5 heures pour les employés travaillant en moyenne 37,5 heures par semaine. Tel qu'exposé à la rubrique suivante, l'établissement d'un horaire variable n'a pas pour effet de modifier la moyenne d'heures hebdomadaires de travail, et, par conséquent, ne doit pas modifier la durée des congés.

Enfin, à la page 9 de ses notes, l'agent négociateur cite les décisions Breau et al. 2003 CRTFP 65, et Mackie, 2003 CRTFP 103, comme faisant partie d'une série de décisions de la Commission portant sur la notion de « jour ». Avec égards, l'employeur soumet qu'elles portent plutôt sur l'interprétation des dispositions afférentes à l'administration de la paie, précisément au calcul du taux de majoration lorsque les employés travaillent un jour férié. Ces deux décisions n'ayant trait à l'interprétation de la durée d'un jour de congé, l'employeur soumet qu'elles n'apportent aucun éclairage sur l'exercice dont est saisi l'arbitre en l'espèce.

Principe de neutralité des coûts

Le maintien de la neutralité des coûts est une condition essentielle à la mise en oeuvre des horaires variables. Le langage de la clause 28.04 est non équivoque quant à l'intention des parties :

Conditions régissant l'administration des horaires de travail variables

28.04 Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en oeuvre d'un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire...

Le caractère obligatoire de cette clause est évident. En employant les mots « nonobstant toute disposition contraire » et « ne doit pas », les parties ont voulu faire primer le principe de neutralité des coûts sur tout langage de la convention menant à un résultat contraire. L'arbitre est donc lié par cette condition dans l'interprétation qu'il donne au mot « jour », dans le contexte de la durée d'un congé, et il se doit de lui accorder celle qui respecte ce principe, même si cela implique une variation dans l'interprétation du mot « jour » selon la disposition étudiée. Le principe de la neutralité des coûts a été reconnu par l'arbitre dans l'affaire Diotte, 2003 CRTFP 74, par.22.

L'établissement d'un horaire variable de travail modifie la durée d'un quart de travail normal, qui est de 8 heures selon la convention en l'espèce (voir clauses 2.02 et 2.03 de l'appendice « B »), afin de procurer plus de jour de repos à l'employé. Il ne modifie pas le nombre d'heures total de travail qui...

Or, contrairement à la conclusion tirée par l'arbitre dans l'affaire Stockdale et al. (par. 40), l'employeur soumet respectueusement que l'octroi d'un congé de bénévolat ou pour raisons personnelles pour une période supérieure à celle qui était octroyée lorsque l'employé travaillait selon un quart normal de 8 heures, entraîne une rémunération additionnelle, même si cette dernière profite à une autre personne. Avec égards pour les motifs invoqués par l'arbitre dans l'affaire Stockdale et al. (par. 40), rien dans le langage de la clause 25.11 (28.04 en l'espèce) n'indique que la rémunération additionnelle doit bénéficier à l'employé prenant congé.

Le remplacement d'un employé pour une période de 10 heures plutôt que de 8 heures entraîne forcément une rémunération additionnelle que l'employeur doit défrayer. Le seul moyen de respecter la clause 28.04 dans l'interprétation de la durée des congés étudiés en l'espèce est de maintenir le statu quo, à savoir d'accorder 8 heures de congé, période dont bénéficiait l'employé avant la mise en oeuvre de l'horaire variable. Ceci traduit fidèlement l'intention des parties qui n'ont pu avoir souhaité que deux employés visés par la même convention et effectuant en moyenne le même nombre d'heures hebdomadaires reçoivent des avantages différents en raison seulement de la variation du nombre d'heures qu'ils travaillent quotidiennement. Dans un scénario où l'horaire de travail variable serait établi hebdomadairement en fonction de trois quarts de 12 heures et un de 4 heures (total de 40 heures), l'agent négociateur adopterait sûrement la thèse de l'employeur et non celle qu'il suggère en l'espèce si l'employé se voyait accorder son congé, en fonction de la nécessité du service, le jour où son quart de 4 heures est prévu à l'horaire.

Conclusion

Pour tous ces motifs, l'employeur demande à l'arbitre de rejeter les griefs des plaignantes, les clauses 41.01 et 52.02 de la convention collective ayant été respectées.

   Réplique

[6]    En réplique la représentante des fonctionnaires s'estimant lésées soumet que :

1.      Res judicata/Chose jugée :

L'employeur affirme, à la page 5 de sa plaidoirie, qu'il « s'agit en l'espèce d'un litige différent de celui sur lequel s'est penché l'arbitre dans l'affaire Stockdale et al.... ». Toutefois, l'employeur n'indique aucunement en quoi ce litige est différent.

Nous soumettons respectueusement qu'il s'agit du même litige, soit l'interprétation de la notion de « jour de congé ».

2.      Certitude, uniformité, stabilité et prévisibilité quant aux décisions antérieures :

L'employeur soumet à la page 5, que dans l'affaire Stockdale et al., l'arbitre MacKenzie « n'a pas tenu compte à sa juste valeur, de l'impact qu'avait l'interprétation qu'il a préférée sur le principe de la neutralité des coûts lors de la mise en oeuvre des horaires variables. »

Nous soumettons que l'arbitre a clairement tenu compte de cet argument qui a été rejeté puisqu'il n'a pas convaincu la Commission. Le Président Tarte avait d'ailleurs également rejeté cet argument dans l'affaire King et Holzer. Nous reviendrons plus loin dans notre réplique sur le principe de la neutralité des coûts.

Par ailleurs, l'employeur soumet à la page 5, que « ... le principe de la stabilité et de la certitude dans les relations de travail ne lie pas l'arbitre et ne lui impose donc pas une seule interprétation possible lorsqu'il examine des dispositions similaires ». Cependant, l'employeur semble faire fi des enseignements de la Cour fédérale qui est venue confirmer l'interprétation du Président Tarte dans l'affaire King et Holzer. Il ne s'agit plus seulement que de suivre le raisonnement des arbitres de la Commission mais aussi de suivre la décision rendue par la Cour fédérale.

3.      Notion de « jour » :

A)      Article 25.01 :

L'employeur indique que la période de 24 heures dans la définition de jour indiquée à l'article 25.01 ne peut s'interpréter comme voulant indiquer la durée du travail. Pourtant, il faut lire l'article dans son intégralité :

« ARTICLE 25

DURÉE DU TRAVAIL

Exclusions

Les groupes FR, LI et SC sont exclus de l'application du présent article.

25.01 Aux fins de l'application du présent article :

a)      le « jour » est une période de vingt-quatre (24) heures qui commence à 00h00;

b)      la « semaine » est une période de sept (7) jours consécutifs qui commence à 00h00 le lundi matin et se termine à 24h00 le dimanche. »

D'abord, le titre de l'article 25.01 est clair : « Durée du travail »! Il n'y a aucun résultat absurde quant à l'interprétation avancée par l'agent négociateur puisque cette interprétation respecte l'intention des parties à l'effet que la définition de jour s'insère dans le contexte de la durée du travail.

Si l'intention des parties avait été de définir la notion de « jour » à l'article 25.01 comme un jour de calendrier, soit un jour civil (calendar day), cela aurait été spécifié comme c'est le cas à l'article 25.05. Nous reproduisons ici la version anglaise qui est plus éclairante :

« 25.05      Scheduled of hours of work shall be posted at least fifteen (15) calendar days in advance of the starting of the new schedule... » (nous soulignons).

En français, cette notion de «calendar day» se traduit par «jour civil» que nous traiterons un peu plus loin. C'est donc dire que la notion de « jour » prévue à l'article 25.01 n'est pas un jour civil tel qu'interprété par l'employeur mais est bel et bien une période de 24 heures et un jour ouvrable dont les heures de travail normales des plaignantes sont de 10 heures.

D'autre part, l'interprétation suggérée par l'employeur, soit de confondre la notion de « jour » et la notion des « heures de travail normales » aurait pour effet de faire en sorte que la définition de « semaine » serait de 7 jours consécutifs, soit 7 jours de 8 heures : une semaine se définirait alors à 56 heures. Cette interprétation est tout à fait déraisonnable.

De plus, les articles 41.01 et 52.02 prévoient que l'employé doit donner un préavis de 5 jours ouvrables. Selon l'interprétation avancée par l'employeur (5 jours X 8 heures), ceci impliquerait que l'employé doit donner un préavis de 40 heures, soit un peu moins de 2 jours.

Enfin, si la définition de jour prévue à l'article 25.01 ne reçoit pas application et en l'absence d'une autre définition ailleurs dans la convention collective, il faut s'en remettre au sens commun. Dans la réalité, il est d'un commun usage de référer à un jour comme étant une période de 24 heures.

B)      Article 2.02 et 2.03 de l'Appendice « B »:

L'article 25.02 renvoit aux articles 2.02 et 2.03 de l'Appendice « B » : Pour faciliter la compréhension, nous reproduisons ici lesdits articles :

2.2   Conformément à l'alinéa 25.02 a), Durée de travail, la semaine de travail normale est quarante (40) heures par semaine et huit (8) heures par jour.

2.3   Conformément à l'alinéa 25.02 b), l'Employeur établit les horaires de travail de façon à ce que les employé-e-s travaillent huit (8) heures par jour et effectuent une moyenne de quarante (40) heures et en moyenne cinq (5) jours par semaine.

Ces articles font référence à 8 heures de travail par jour. Toutefois, ces articles ne reçoivent pas application puisque les plaignantes ont un horaire de travail de 10 heures par jour, qui constitue la durée de leurs heures de travail normales. L'article qui reçoit application est le suivant :

« 28.05

a)      Les heures de travail d'une journée figurant à l'horaire variable peuvent être supérieures ou inférieures aux heures indiquées à l'appendice particulière au groupe visé; les heures du début et de la fin, les pauses-repas et les périodes de repos sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l'Employeur, et les heures journalières de travail sont consécutives.

b)      L'horaire doit prévoir une moyenne d'heures de travail par semaine pendant la durée de l'horaire comme il est indiqué à l'appendice particulière au groupe visé.

i)      La durée maximale d'un horaire de postes est de six (6) mois.

c)      Lorsque l'employé-e modifie son horaire variable ou cesse de travailler selon un tel horaire, tous les rajustements nécessaires sont effectués. »

Puisque les heures de travail peuvent être supérieures aux heures indiquées à l'Appendice « B », la durée normale d'un jour de travail dans le cas des plaignantes est de 10 heures et par conséquent, lorsqu'elles s'absentent pour un congé, l'absence est autorisée « pendant ses heures de travail normales ou régulières » (article 2.01 c) ).

C)      Article 34.01 - Jour civil:

L'employeur plaide, à la page 7, que « Ce raisonnement se fonde sur la prémisse que la notion de jour civil (24 heures) est celle qui est prévue par défaut ou implicitement lorsque les parties emploient le mot jour ». L'interprétation de l'agent négociateur est à l'effet que la notion de « jour » constitue une période de 24 heures. Lorsque l'adjectif « civil » est ajouté au mot « jour », la notion de « jour civil » vient préciser aux parties qu'il s'agit d'un jour de calendrier qui inclut un jour de travail ou un jour ouvrable. En effet, les jours de calendrier incluent les samedis, dimanches et jours fériés dans le langage commun alors que la notion de « jour » dans la convention collective fait référence à un jour ouvrable.

Cette interprétation est constante avec l'article 2(2) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993), dont nous reproduisons ici la version anglaise :

2(2) Where a period of time is specified in these Regulations as a number of days, the period shall be computed as being the number of days specified, exclusive of Saturdays and holidays.

[La version française se lit comme suit :

2(2) Il n'est pas tenu compte des samedis et des jours fériés dans le calcul des délais spécifiés dans le présent règlement.]

Par ailleurs, seuls les articles suivants de la convention collective font référence à la notion de « jour civil ». Nous commentons chacun de ces articles.

25.05 Le calendrier de travail est affiché pendant 15 jours civils et les calendriers restent en vigueur pour une période de 28 jours civils. Il appert donc que la notion de « jour civil » inclut bien évidemment les samedis, dimanches et jours fériés.

25.06 Le premier jour de repos est réputé commencer juste après minuit le jour civil où l'employé a effectué ou est réputé avoir effectué son dernier poste prévu à l'horaire. En effet, le jour de repos pourrait être un samedi, dimanche ou un jour férié.

28.02 À la demande d'un employé, la semaine de travail peut être répartie autrement que sur une période de cinq jours à condition que, au cours d'une période d'au plus 28 jours civils, l'employé fasse en moyenne le temps de travail indiqué à l'appendice visé. Ceci, encore fois, démontre que la notion de « jour civil » inclut les samedis, dimanches et jours fériés.

34.01 c) Pour le congé de deuil, le mot « jour » a le sens de jour civil puisqu'un décès peut survenir un samedi, dimanche ou un jour férié.

46.02 Le congé de deuil est d'une durée de 5 jours civils incluant bien évidemment les samedis, dimanches et jours fériés. De plus, les parties ont pris la peine de déterminer que l'employé sera payé pour les jours (donc les heures de travail normales) qui ne sont pas des jours de repos (partie des jours civils) normalement prévus à son horaire.

En conséquence de ce qui précède, la notion de « jour civil » n'offre aucun éclairage quant à déterminer la durée d'un congé qui est basé sur la durée des heures de travail normales. Elle ne permet qu'aux parties de distinguer entre un « jour civil » (calendar day) qui inclut les jours ouvrables, les jours de repos et les jours fériés par opposition à un « jour » qui fait référence à un jour ouvrable soit les heures de travail normales d'un employé.

D)      Article 34.01- Crédits horaires de congé

i)      Jour de congé acquis :

Dans l'affaire Stockdale et al., l'arbitre Mackenzie a conclu, à la page 11, que :

« À l'instar de la disposition sur le congé pour obligations familiales, les dispositions sur le congé personnel et sur le congé de bénévolat ne sont pas des « crédits journaliers de congés », ni ne relèvent de la portée des dispositions de la convention qui prévoient la conversion des congés en heures.

(...)

Ces congés ne s'accumulent pas et ils doivent être utilisés au cours de chaque année financière, comme c'est le cas pour les congés pour obligations familiales. »

L'arbitre MacKenzie se base sur le raisonnement de la Cour fédérale qui se lit comme suit, dans l'affaire Stockdale et al., à la page 10 :

« ... On ne m'a cité aucune disposition de la convention collective pertinente indiquant que le congé payé pour obligations familiales est un « crédit journalier de congé » au sens du paragraphe 33.01 de la convention collective (la disposition qui convertit un crédit de congé en jours en heures). Si le congé payé pour obligations familiales n'est pas un « crédit journalier de congé », mais plutôt un crédit journalier de congé qui est un droit, et je suis convaincu qu'il peut être ainsi interprété, le paragraphe 33.01 ne s'applique tout simplement pas à un congé payé pour obligations familiales, malgré le fait que ce paragraphe et le paragraphe 43.01 figurent tous les deux à la partie IV - Congés de la convention collective. »

Notons que l'article 33.01 auquel réfère la Cour fédérale a exactement le même libellé que l'article 34.01.

Nous soumettons que la Commission devrait maintenir l'interprétation de l'arbitre MacKenzie et suivre celle de la Cour fédérale.

ii)      Jour de congé non-acquis :

L'employeur plaide ce qui suit, à la page 7 :

« Mais quel nombre d'heures les parties avaient-elles l'intention d'accorder pour le durée d'un jour de congé « non-acquis »? Comme il est clair que ce n'est pas le sens de jour civil, la seule interprétation logique et équitable est celle du nombre normal d'heures de travail journalières... »

         Nous sommes tout à fait d'accord avec cette interprétation de l'employeur. Toutefois, l'employeur erre dans la suite de son raisonnement :

« ... soit, 8 heures pour les employés travaillant en moyenne 40 heures par semaine, et 7,5 heures pour les employés travaillant en moyenne 37,5 heures par semaine.

En effet, cette interprétation ne résiste pas suite aux arguments que nous avons présentés ci-haut relativement à l'article 28.05.

4.      Article 28.04 - Principe de la neutralité des coûts :

L'article 28.04 se lit comme suit :

« 28.04 Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en oeuvre d'un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire, et ne doit pas non plus être réputée retirer à l'Employeur le droit d'établir la durée du travail stipulée dans la présente convention. »

Le principe de la neutralité des coûts a été plaidé par l'employeur dans l'affaire King et Holzer. Le Président Tarte a tranché cet argument en déclarant aux pages 9 et 10 de la décision:

« Enfin, je ne crois pas que cette interprétation des dispositions visant le congé pour obligations familiales contrevienne à la clause 25.25 de la convention collective, puisque l'article 43 prévoit l'octroi d'un tel congé en fonction d'une période de 24 heures. »

D'autre part, l'arbitre MacKenzie s'est également prononcé sur le principe de la neutralité des coûts, à la page 12, de l'affaire Stockdale et al. :

« L'interprétation du terme « jour » comme étant un poste complet ne contrevient pas à cette disposition, puisqu'il n'en résulte aucune rémunération supplémentaire à l'employé qui se voit accorder un jour de congé. À la fin de l'année, l'employé touche le même salaire annuel qu'un employé qui effectue un horaire normal. »

La Commission s'est donc déjà prononcée sur des libellés d'articles identiques à celui de l'article 28.04. Il n'y a aucun motif pour lequel la Commission devrait diverger de son interprétation précédente.

Par ailleurs, l'employeur invoque l'affaire Diotte. Il faut replacer cette affaire dans son contexte particulier. D'abord, il s'agit d'un cas où le plaignant s'est absenté pour un congé de maladie, soit un congé acquis, ce qui est différent du congé pour bénévolat et du congé personnel qui sont des congés non-acquis. D'autre part, il n'y a aucune indication dans l'affaire Diotte que les parties sont en présence du même libellé qu'à l'article 28.04 de la présente convention collective. Nous soumettons donc que cette décision ne peut s'appliquer car elle se distingue.

Enfin, l'employeur soumet deux hypothèses à la page 9, à savoir :

  • « Le remplacement d'un employé pour une période de 10 heures plutôt que de 8 heures entraîne forcément une rémunération additionnelle que l'employeur doit défrayer; »
  • « Dans un scénario où l'horaire de travail variable serait établi hebdomadairement en fonction de trois quarts de 12 heures et un de 4 heures (totale de 40 heures) (...). »

Nous tenons à mettre en garde la Commission qu'il s'agit d'hypothèses Il n'y a aucune preuve au dossier que l'employeur a dû remplacer les plaignantes à la suite de la prise de congés pour bénévolat et de congés personnels. Il n'y a aucune preuve au dossier démontrant que les plaignantes ont travaillé durant un horaire de trois quarts de 12 heures et un 4 de heures. La Commission doit se pencher sur la preuve qu'elle a au dossier.

Nous concluons qu'avec l'interprétation que soumet l'agent négociateur, les plaignantes reçoivent le même salaire et les mêmes bénéfices prévus à la convention collective que tous les autres employés gouvernés par ladite convention collective.

5.      Conclusion

Vu la réplique qui précède, nous demandons à nouveau à la Commission d'accueillir les griefs des plaignantes et de les compenser pour les crédits de congés annuels qu'elles ont dû débiter de leurs banques de congés.

Motifs

[7]    Selon les parties, il s'agit de déterminer, comme dans le dossier Stockdale et al. (supra) la définition du terme « jour » utilisée dans les clauses relatives au congé pour bénévolat et congé personnel. Il s'agit des mêmes parties contractantes et de clauses semblables. Les circonstances sont pratiquement les mêmes, à l'exception du fait que dans la présente affaire, les parties ont été avisées de la position de l'employeur sur l'interprétation des clauses au moment de leurs demandes de congés et non a posteriori comme dans l'affaire Stockdale et al (supra).

[8]    La question se pose alors à savoir si ces dossiers sont soumis à la doctrine de la chose jugée ou res judicata? L'arbitre Mackenzie a d'ailleurs eu aussi à se pencher sur cette question dans le dossier Stockdale et al., (supra) puisque cette question de la définition du terme « jour » a déjà fait l'objet de plusieurs autres décisions de la Commission.

[9]    Dans son analyse de la doctrine et de la jurisprudence exposée dans le dossier Francoeur (supra) le président, Yvon Tarte, concluait :

         C'est donc dire que la doctrine de la chose jugée ne devrait pas être appliquée de façon rigide dans le domaine des relations de travail dans la fonction publique fédérale. Ceci dit, une décision antérieure du tribunal ou d'un arbitre du tribunal touchant le même litige devrait être suivie dans une cause postérieure a fortiori si elle implique les mêmes parties et la même convention collective sauf si cette dernière décision est manifestement erronée.

[10]    En l'espèce, un facteur important est propre à chaque dossier : la convention collective. La doctrine de la chose jugée ne trouve donc pas application ici. Bien que les clauses se ressemblent, je me dois d'étudier les questions présentées dans le contexte de la convention visée. Je dois surtout analyser la question sous l'éclairage d'ensemble de la convention et non dans le faisceau étroit des seules clauses en question.

[11]    La représentante des fonctionnaires s'estimant lésées a également soulevé la question de l'intérêt pour la certitude, uniformité et stabilité quant aux décisions antérieures « d'interpréter les dispositions qui sont semblables de manière similaire, à moins qu'il existe une excellente raison de modifier cette interprétation », tel qu'exprimé par l'arbitre Mackenzie dans le dossier Stockdale et al (supra). Ce principe a toujours été suivi par la Commission et devrait être respecté tel qu'énoncé. Il est toutefois à noter qu'une interprétation ne peut faire l'objet d'une application aveugle aux circonstances ou textes gouvernant un autre dossier. Chaque arbitre doit pouvoir procéder à l'étude du dossier qui lui est présenté sans même prétendre se placer en révision de la décision d'un autre arbitre. Encore une fois, c'est la convention collective en jeu qui doit guider sa décision. Il a toute liberté d'examiner les textes d'un oeil différent, tout en tenant compte des éléments de principe généraux énoncés par ses collègues. Ainsi, je ne suis pas liée mais plutôt éclairée par les décisions précédentes sur le sujet.

[12]    Je m'en remets aux paroles de l'arbitre Kuttner dans le dossier Breau et al (supra) et repris par le vice-président Potter dans le dossier Mackie (supra) :

On reconnaît généralement que nier l'influence des décisions antérieures rendues dans des circonstances factuelles similaires et réclamer une interprétation de dispositions identiques ou très voisines de conventions collectives entre les mêmes parties saperait complètement des valeurs universellement reconnues comme essentielles pour tout système rationnel de règlement des différends par un tiers, à savoir la certitude, l'uniformité, la stabilité et la prévisibilité. D'un autre côté, ni la justice, ni l'équité ne doivent être sacrifiées à ces valeurs, puisque, dans notre régime de négociation collective, si l'on ne conteste pas leur compétence, l'arbitre de différends ou l'arbitre de griefs sont tenus par la loi d'arbitrer au fond les affaires dont ils sont saisi. Le fait est d'ailleurs qu'agir autrement en retenant aveuglément les motifs d'une décision rendue dans une affaire antérieure pourrait raisonnablement être considéré comme un déclinatoire de compétence indue.

[13]    Tel qu'en font foi les textes reproduits à la présente décision, les parties ont longuement argumenté sur la notion de « jour » dans le présent dossier, comme dans plusieurs autres dossiers portés à l'attention de la Commission. La lecture des décisions qui ont été rendues dans divers contextes (dont Stockdale et al. (supra), King et Holzer (supra), Phillips (supra), Breau (supra), Mackie (supra)) démontre qu'il y a consistance à l'effet que la Commission a interprété ce terme dans son sens du langage courant à moins d'une disposition spécifique lui attribuant un sens différent.

[14]    L'examen de la convention collective qui nous concerne ici révèle qu'on y trouve une définition du terme « jour » à quelques reprises. En premier lieu, l'article 2 est une source importante puisque les définitions qui y sont contenues doivent guider l'interprétation de la convention dans son ensemble, à moins de disposition spécifique. Elle offre les définitions de « jour de repos » et « jour férié » mais pas la définition de « jour ».

[15]    Le « jour de repos » est défini comme « un jour autre qu'un jour férié où l'employé-e n'est pas habituellement tenu d'exécuter les fonctions de son poste pour une raison autre que le fait qu'il ou elle est en congé... » (sous-clause 2.01 n)). Le « jour férié » y est défini comme « la période de vingt-quatre heures qui commence à 00h01 un jour désigné comme jour férié payé dans la présente convention; ... » (alinéa 2.01 o) (i)).

[16]    La sous-clause 25.01 a) prévoit une définition du mot « jour » aux fins de l'application de l'article 25 sur la durée du travail (une période de vingt-quatre (24) heures à compter de 00h00). D'autre part, l'article 34 sur la généralité des congés contient une définition propre à cette section. Les sous-clauses a) et b) de la clause 34.01 précisent que les congés sont accordés en heures. Les crédits journaliers de congés acquis sont convertis en heures puis reconvertis en jours équivalent à 7,5 heures lorsque l'employé cesse d'y être assujetti (sous-clause 34.01 a)). Le nombre d'heures débitées chaque journée correspond au nombre d'heures de travail normalement prévues à l'horaire de l'employé-e pour la journée en question (sous-clause 34.01 b)).

[17]    On peut comprendre qu'il a été utile de décrire ces mécanismes de comptabilisation des crédits de congés. Toutefois, le présent litige vise des congés payés qui ne sont pas des congés payés acquis, c'est à dire cumulatifs, comme les congés annuels ou de maladie. On ne peut conclure comme le suggère l'employeur que tous les congés sont soumis à ce régime et que ces mécanismes de calcul doivent s'appliquer aux congés qui nous concernent. Le congé cumulatif converti en heures de travail est de nature différente et devrait être l'exception à la règle habituelle de ce que représente généralement, dans tout autre contexte, une journée de congé, une journée de 24 heures. On pense ici au jour de congé férié. On ne peut extrapoler ces règles prévues pour les congés acquis, aux congés que l'on pourrait qualifier de réguliers ou non-cumulatifs.

[18]    La sous-clause 34.01 c) concerne plus particulièrement un tel congé non-acquis et précise que les congés de deuil payés prévus à l'article 46 sont calculés différemment en ce que le mot « jour » y a le sens du « jour civil ». Cette précision aurait pu nous éclairer. Puisqu'elle ne fait référence qu'au seul congé de deuil, l'employeur y voit confirmation de son interprétation, les autres congés y étant absents alors qu'ils auraient pu y être inclus. En conclusion, seul le congé de deuil serait d'une période de 24 heures.

[19]    Sans équivoque le congé de deuil est ainsi spécifiquement prévu pour une période de 24 heures. Ceci signifie que l'employé peut s'attendre à ne pas être rappelé au travail pour quelque partie de la journée de congé que lui accorde l'article 46.

[20]    Mais qu'en est-il des autres congés comme ceux qui nous occupent et qui n'ont pas été mentionnés expressément à l'article 34? Doit-on conclure qu'ils ont l'équivalence de 7,5 heures tel que prévu à la sous-clause 34.01 a) ou ont-ils une valeur de 24 heures comme dans le cas du congé de deuil (sous-clause 34.01 c)) ou comme il en fut décidé ailleurs dans d'autres dossiers. Il faut compléter l'examen de la convention avant de trancher.

[21]    La définition du « jour civil » ne nous éclaire pas dans la présente affaire et toute analogie tirée de l'appendice « B » de la convention est tout aussi boiteuse si la disposition choisie ne s'applique pas à l'employé qui travaille sur horaire de travail variable; il faudra plutôt examiner la clause 28.05 de la convention et non les clauses 2.02 et 2.03 de l'appendice « B ».

[22]    Une autre définition est beaucoup plus utile dans le présent débat. Il s'agit de la définition du terme « congé » retrouvée à l'article d'interprétation général de la convention, soit l'article 2 :

2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

b)      « congé » désigne l'absence autorisée du travail d'un employé-e pendant ses heures de travail normales ou régulières. » (souligné de la soussignée)

[23]    En conjuguant les deux dispositions sous étude avec la définition générale de l'expression « congé » de la clause 2.01, on obtient le résultat suivant :

41.01   Congé pour bénévolat : Sous réserves des nécessités du service telles que déterminées par l'Employeur et sur préavis d'au moins cinq (5) jours ouvrables, l'employé-e se voit accorder, au cours de chaque année financière, un (1) jour d'absence autorisée du travail (...) pendant ses heures de travail normales ou régulières payé pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada.

[Cette] absence autorisée du travail (...) pendant ses heures de travail normales ou régulières est [prise] à une date qui convient à la fois à l'employé-e et à l'Employeur. Cependant, l'Employeur fait tout son possible pour accorder l'absence autorisée du travail (...) pendant ses heures de travail normales ou régulières à la date demandée par l'employé-e. » ( le souligné de la soussignée)

[24]    L'exercice fait avec la clause 52.02 fournit le même résultat. À noter que l'expression réfère clairement aux heures de travail régulières ou normales de l'employé visé et non aux heures de travail basé sur l'horaire régulier de cinq jours prévu à la convention. Quant à moi, ceci apporte le meilleur éclairage possible sur la question.

[25]    De plus, je vois difficilement comment on pourrait attribuer deux sens différents à un même mot à l'intérieur d'un même paragraphe. En effet, le terme « jour » est utilisé tant pour établir le délai d'avis que la durée du congé. Comment justifier de lui donner dans un cas une valeur de 24 heures et quelques mots plus loin, la valeur de quelques heures? La réponse se trouve dans l'usage du terme « congé » qui définit la durée à l'intérieur de la période de 24 heures.

[26]    L'employeur soutient qu'une telle interprétation est en conflit avec la disposition qui prévoit que la mise en oeuvre des horaires variables ne doit pas lui causer de coûts supplémentaires :

28.04   Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en oeuvre d'un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d'horaire...

[27]    Bien sûr, une rémunération supplémentaire représenterait un coût additionnel pour l'employeur alors qu'il appert de cette clause que les parties cherchaient à neutraliser l'impact de la mise en oeuvre des horaires variables sur les employés et sur l'employeur. Cette disposition trouve tout son sens dans le cadre de la gestion des heures travaillées. On nous demande maintenant d'en faire l'application dans le cadre de l'impact que les congés peuvent avoir sur les coûts de l'employeur en situation d'horaire variable.

[28]    Toutefois, la preuve n'a pas été faite que, dans le présent dossier, les deux fonctionnaires s'estimant lésées ont dû être remplacées ou que l'employeur a eu à payer une rémunération supplémentaire à quelque moment. La preuve n'a pas non plus été faite que l'employeur aurait eu à assurer le service pendant une période de 10 heures. La même situation s'est présentée dans le dossier Stockdale et al. (supra). L'interprétation proposée par la représentante des fonctionnaires s'estimant lésées n'a donc pas nécessairement un impact sur les coûts de l'employeur. Il ne m'est pas permis d'interpréter la convention sur la base d'une hypothèse.

[29]    Quant à la conclusion de l'arbitre dans le dossier Diotte (supra), qui aurait retenu cet argument, elle a été énoncée en fonction du libellé de la convention collective en l'espèce qui prévoyait clairement que la durée des congés pour jours fériés désignés payés correspondait « au nombre d'heures journalières normales prévues dans la présente convention », ce qui se conjuguait très bien avec sa disposition sur la neutralité des coûts similaire à celle du présent dossier. Or, dans le présent dossier, la durée du congé pour bénévolat et congé personnel est établie par la sous-clause 2.01 c) de manière à correspondre aux heures de travail normales ou régulières de l'employé visé.

[30]    Si les parties s'aperçoivent dans la mise en oeuvre de la convention négociée que certaines dispositions seraient possiblement inéquitables ou inadéquates pour régler certaines situations, c'est à la table des négociations qu'ils doivent y remédier.

[31]    En bref, dans le cadre de la présente convention collective, l'interprétation des termes en litige est réconciliée de la manière suivante : le mot « jour » représente une période de 24 heures à moins d'indication contraire; l'expression « jour de congé » rencontrée dans les clauses 41.01 (bénévolat) et 52.02 (personnel) représente une période correspondant à une absence autorisée du travail (...) pendant les heures de travail normales ou régulières de l'employé visé; et pour plus de clarté, la durée du congé de deuil a été précisée (sous-clause 34.01 c)) et correspond, quant à lui, à une période de 24 heures.

[32]    Pour ces motifs, les griefs sont accueillis. Les fonctionnaires s'estimant lésées ont droit aux congés personnel et pour bénévolat pour la totalité des heures qu'elles sont normalement appelées à travailler ces jours-là, soit 10 heures et ont, par conséquent, le droit de recouvrer les heures qui ont été déduites de leur banque de congés respectives pour chaque congé accordé.

Sylvie Matteau
présidente suppléante

OTTAWA, le 20 mai 2004.

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