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Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Omission d'informer l'employeur de la perte du permis de conduire - le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait dans un parc national comme manouvre saisonnier dans les sentiers, et avait été nommé pour une période indéterminée - il devait, pour occuper cet emploi, détenir un permis de conduire valide - l'employeur a appris que le fonctionnaire s'estimant lésé était sous le coup d'une interdiction de conduire pour une période de trois ans parce qu'il avait été déclaré coupable, le 14 septembre 2000, de conduite avec facultés affaiblies et de conduite pendant une période d'interdiction - le 7 mai 2001, l'employeur a licencié le fonctionnaire s'estimant lésé au motif qu'il n'avait pas informé son superviseur de la suspension de son permis de conduire et que la possession d'un permis de conduire valide était une condition à l'occupation de son poste - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait omis d'informer l'employeur de la suspension de son permis de conduire - le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé à cet égard était incorrect, secret et trompeur - en outre, la possession d'un permis de conduire valide était une condition à l'occupation de son emploi - sans ce permis, le fonctionnaire s'estimant lésé était incapable de s'acquitter de toutes les fonctions de son poste pour une période de trois ans - l'arbitre a conclu qu'il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que l'employeur compose avec cette restriction pendant cette période - même s'il a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit les véhicules de l'employeur alors que son permis de conduire était suspendu, l'arbitre ne s'est pas fondé sur cette conclusion factuelle pour en arriver à sa décision, puisque cela n'a pas fait partie des motifs de l'employeur pour mettre fin à l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé, qui sont énoncés dans la lettre de licenciement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-04-30
  • Dossier:  166-33-31528
  • Référence:  2003 CRTFP 35

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MICHAEL MALONEY
fonctionnaire s'estimant lésé

et

L'AGENCE PARCS CANADA
employeur

Devant:   D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé
:            
Debra Seaboyer, Alliance de la Fonction publique
                                   du Canada

Pour l'employeur:        Richard E. Fader, avocat


Affaire entendue à Whitehorse (Yukon)
les 11 et 12 mars 2003.


[1]      Dans cette affaire, Michael Maloney, un manoeuvre saisonnier nommé pour une période indéterminée comme membre d'une équipe d'entretien des sentiers, groupe et niveau GL-ELE-03, a contesté son licenciement par l'Agence Parcs Canada (APC) dans un grief déposé le 28 mai 2001.

[2]      Les motifs du licenciement sont précisés dans une lettre datée du 7 mai 2001, sous la signature de Duane West, surintendant du parc et de la réserve de parc national de Kluane (pièce E-4) :
[Traduction]

À la suite de notre rencontre du 1er mai 2001 en présence de Sean Fitzgerald, je me suis renseigné sur la situation concernant la perte de votre permis de conduire. Notre enquête a conclu que vous faisiez l'objet d'une suspension administrative de ce permis pour une période de trois ans après avoir commis plusieurs infractions de conduite avec facultés affaiblies et de conduite d'un véhicule sans permis.

J'ai aussi enquêté sur le fait que vous n'avez pas informé votre superviseur ni la direction des Parcs de cette suspension et j'ai réfléchi à la question de la confiance que nous devons avoir en nos employés. Votre conduite dans cette situation était inacceptable parce que vous n'avez pas été franc avec votre employeur; vous lui avez caché des choses et vous avez tenté de le duper.

En outre, être détenteur d'un permis de conduire est une condition d'emploi de votre poste à Parcs Canada. Comme vous n'êtes plus titulaire d'un permis de conduire valide et que vous ne pourrez pas vous acquitter de toutes les fonctions de votre poste pour une période de trois ans, vous ne satisfaites pas à cette condition d'emploi. Il ne serait pas raisonnable de prendre les mesures pour compenser votre manque de permis et de satisfaction aux exigences durant cette période.

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués en application du paragraphe 12(4) et de l'alinéa 13(3)b) de la Loi sur l'Agence Parcs Canada, je vous licencie de votre emploi à Parcs Canada pour cette raison. Votre licenciement prend effet immédiatement. Vous avez droit à des recours contre cette décision, conformément aux mécanismes qui vous sont offerts. Joan Emslie, de notre Bureau de rémunération des ressources humaines, sera à votre disposition afin de vous expliquer les implications pour vos avantages sociaux de ma décision de vous licencier.

[3]      L'avocat de l'employeur a déposé quatre pièces en preuve et fait comparaître deux témoins; la représentante du fonctionnaire s'estimant lésé n'a déposé aucune pièce, mais elle a fait témoigner deux personnes, dont le fonctionnaire s'estimant lésé.

Les faits

[4]      Brian Bakker est superviseur d'une équipe d'entretien des sentiers (GL-MAN-SCII); il est au service de l'APC depuis 15 ans. Il a témoigné qu'il supervise quatre ou cinq manoeuvres essentiellement chargés de l'entretien de 205 kilomètres de sentiers dans le parc national de Kluane (PNK). Ces sentiers sont utilisés par les randonneurs, le personnel du parc et les amateurs de plein air et de vie sauvage. Le PNK a été désigné site du patrimoine mondial en 1980. On y trouve les plus grandes calottes glaciaires non polaires du monde, de grands glaciers, ainsi que le mont Logan, qui, avec ses 19 525 pieds, est le plus haut sommet en Amérique du Nord. Le PNK s'étend sur quelque 27 000 kilomètres carrés. M. Bakker a d'autres fonctions, notamment en matière de ressources humaines en ce qui concerne la dotation, l'obtention de l'équipement nécessaire pour le parc et la satisfaction de ses besoins logistiques.

[5]      Son témoignage se résume comme il suit. L'emploi saisonnier du fonctionnaire s'estimant lésé commençait vers le 1er mai et se terminait vers le 5 septembre de chaque année. Avant 1999, ils étaient de bons amis. Cette année-là, toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé à se présenter au travail en retard; en outre, il a pris une série de congés non autorisés. On lui en a parlé; la cote de son Rapport d'évaluation personnelle (REP) a été ramenée de « Supérieur » à « Satisfaisant ».

[6]      En mai 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé a recommencé à s'absenter de façon répétée, habituellement le lendemain du jour de paye. Le lundi 8 mai 2000, il devait commencer un cours obligatoire sur le fonctionnement des tronçonneuses. Il s'y est présenté le lundi, le mardi et le mercredi, mais pas le jeudi 11 mai. M. Bakker a témoigné que, en sa qualité de superviseur, il s'était rendu à la résidence du fonctionnaire s'estimant lésé puisque celui-ci n'avait pas le téléphone. Après une brève discussion, il lui a demandé de produire un certificat médical validant son absence. (Le fonctionnaire s'estimant lésé devait apporter le certificat médical à son travail le lundi suivant.)

[7]      Vers la fin mai, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est encore présenté au travail en retard, à plusieurs reprises; un beau jour, M. Bakker l'a engueulé devant les autres membres de l'équipe. Il a témoigné avoir fait des excuses au fonctionnaire s'estimant lésé pour ses propos devant les autres, en lui disant [traduction] « à l'avenir, nous ferons ça en privé ».

[8]      M. Bakker a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté au travail avec 45 minutes de retard le 22 juin 2000. Le lendemain, vers 2 h 45, il a été interpellé sur la route; son permis a été suspendu sur-le-champ et il a été incarcéré. M. Bakker a témoigné qu'il n'a pas été informé de la suspension du permis à ce moment-là.

[9]      Le mardi suivant la fête du Jour du Canada, en juillet 2000, M. Bakker était allé chercher le fonctionnaire s'estimant lésé chez lui pour le conduire au travail; il lui a demandé où était son véhicule. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu : [traduction] « Je n'avais pas payé l'immatriculation; on l'a saisi. » M. Bakker a déclaré avoir cru sur parole le fonctionnaire s'estimant lésé; il n'avait pas de raison de soupçonner que son permis de conduire avait été suspendu.

[10]      Le 7 juillet 2000, une rencontre a été organisée pour examiner les allégations du fonctionnaire s'estimant lésé que M. Bakker le traitait injustement. étaient présents Bruce Sundbo, le président de la section locale de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, Shawn Fitzgerald, un représentant syndical, Lloyd Freeze, le gestionnaire dont M. Bakker relève, et M. Bakker lui-même. Le fonctionnaire s'estimant lésé a préféré ne pas assister à cette rencontre, mais les participants n'en ont pas moins parlé de plusieurs questions de travail.

[11]      Le 18 juillet 2000, un accident de la route très grave survenu à l'extérieur du PNK a laissé plusieurs morts et blessés. M. Bakker a témoigné qu'il était en train de venir en aide aux blessés lorsqu'il a constaté la présence du fonctionnaire s'estimant lésé. Le lendemain, épuisé d'avoir prodigué ses soins aux victimes, M. Bakker a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de conduire le camion Dodge de l'APC, avec sa remorque chargée de deux véhicules tout-terrain (VTT), jusqu'à Mush Lake, à 40 kilomètres environ de Haines Junction. Le fonctionnaire s'estimant lésé a conduit pendant que M. Bakker prenait place du côté du passager. Le témoin a répété qu'il n'avait aucune raison de penser que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas de permis de conduire. Il a déclaré que la loi exige un permis pour conduire un VTT.

[12]      Le 25 juillet 2000, l'équipe d'entretien dont le fonctionnaire s'estimant lésé et M. Bakker faisaient partie s'est rendue par hélicoptère dans un coin reculé du PNK, pour y passer huit jours. D'après M. Bakker, en préparation de cette expédition, le fonctionnaire s'estimant lésé s'était occupé de rassembler les véhicules du parc, parce que l'équipe allait devoir conduire de véhicules de l'APC pour transporter, les fournitures nécessaires.

[13]      Le 19 août 2000, M. Bakker est encore allé chercher le fonctionnaire s'estimant lésé chez lui pour le conduire au travail. Il lui a demandé : [traduction] « Quand vas-tu récupérer ton véhicule? », et son interlocuteur lui a répondu : [traduction] « Je ne le sais pas exactement. Je n'ai pas payé mon assurance. »

[14]      À la fin d'août 2000, M. Bakker a commencé à entendre des rumeurs - Whitehorse est une petite ville - que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas de permis de conduire. Il en a parlé à Donna Harriott, des Ressources humaines, parce qu'il était convaincu que c'était grave; il en a parlé aussi à M. Freeze, son supérieur.

[15]      M. Bakker a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié à la fin de la saison 2000, le 8 septembre 2000. Le 7 octobre 2000, le témoin était dans un bar local quand le fonctionnaire s'estimant lésé, qui sortait de nulle part, l'a frappé derrière la tête assez fort pour le faire tomber de sa chaise. Il a déclaré s'être levé et être parti, mais, comme il sortait du bar, le fonctionnaire s'estimant lésé lui a dit : [traduction] « Il ne faudrait pas que je te rencontre ou que je voie Lloyd Freeze dans une ruelle. » Le lendemain 8 octobre, dans un magasin local, il a déclaré à M. Bakker : [traduction] « Tu ferais mieux d'être sur tes gardes. ».

[16]      Le 7 mars 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau agressé M. Bakker dans un bar en lui criant : [traduction] « Allons dehors régler ça. » M. Bakker a témoigné avoir quitté la scène.

[17]      Le 17 avril 2001, en vue de la préparation de la saison suivante, le fonctionnaire s'estimant lésé et MM. Fitzgerald, Freeze et Bakker se sont réunis au Centre des opérations du PNK. C'était une occasion pour le fonctionnaire s'estimant lésé de parler avec eux de plusieurs des préoccupations de la direction et d'y répondre. La direction était notamment mécontente de la réticence du fonctionnaire s'estimant lésé à remplir les parties de son REP dont il était responsable (ses buts et objectifs ainsi que l'évaluation à 360 degrés de son superviseur, M. Bakker), même après qu'on lui eut dit à maintes reprises de le faire. Il a aussi été question du comportement agressif de l'intéressé envers son superviseur, de son accusation de conduite avec facultés affaiblies et d'une somme de 1 200 $ qu'il avait acceptée comme avance pour un voyage qu'il n'avait pas fait.

[18]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a nié avoir été accusé de conduite avec facultés affaiblies; il a reconnu que les parties du REP dont il était responsable n'avaient pas été remplies et il a déclaré que M. Bakker était la cause de son comportement agressif. Il a accepté de rembourser l'avance de 1 200 $, et il l'a fait.

[19]      Le 5 mai 2001, M. Bakker a commencé la saison; sa dernière rencontre officielle avec le fonctionnaire s'estimant lésé a été la rencontre du 17 avril 2001.

[20]      En janvier 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé et M. Bakker se sont rencontrés en dehors des heures de travail au Castaway Bar; le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé à crier après M. Bakker. Celui-ci a déclaré que, comme le principe clé en l'occurrence est d'éviter le problème, il est parti du bar.

[21]      M. Bakker a identifié la pièce E-1, la lettre de nomination du fonctionnaire s'estimant lésé, datée du 30 octobre 1998, sous sa signature. Cette lettre se lit en partie comme il suit :
[Traduction]
. . .

L'Annexe " A " de la présente lettre précise les conditions d'emploi de ce poste. Ces conditions telles que précisées sont essentielles tant pour obtenir ce poste que pour le conserver. Vous devez signer et me retourner le double de ce document avec votre lettre d'acceptation.
. . .

L'Annexe " A " précise notamment que :
[Traduction]
. . .

X b. Afin d'être nommé à ce poste, vous devez détenir un permis de conduire Classe 5 valide. Vous serez tenu de conserver ce permis de conduire valide tant que vous occuperez le poste. Vous devez fournir une preuve que vous avez le permis de conduire requis en acceptant cette offre.

. . .

[22]      M. Bakker a identifié la pièce E-2, un [traduction] « Précis relatif à un conducteur du gouvernement du Yukon ». Ce document confirme que le fonctionnaire s'estimant lésé conduisait avec facultés affaiblies le 23 juin 2000 et qu'il en avait été reconnu coupable le 14 septembre 2000. Il révèle aussi que l'intéressé avait conduit sans permis le 3 août 2000. La durée de la suspension du permis de conduire pour ces deux infractions est de trois ans à compter de la date de la condamnation, de sorte que le permis de l'intéressé ne devait pas être réactivé avant le 13 septembre 2003.

[23]      En contre-interrogatoire, M. Bakker a déclaré que l'enquête pour déterminer si le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas de permis de conduire avait initialement été confiée à M. Freeze (le directeur et gestionnaire des équipes d'entretien des sentiers) à la mi-septembre 2000, mais que le Comité de justice de Haines Junction, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les employés du greffe de la cour y avaient aussi participé par la suite. Il a concédé qu'aucun membre de la direction n'avait abordé la question avec le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de l'enquête.

[24]      Quand la représentante du fonctionnaire s'estimant lésé le lui a demandé, M. Bakker a reconnu qu'il savait qu'un autre manoeuvre affecté à l'entretien des sentiers avait perdu son permis et que le gestionnaire responsable avait pris des dispositions afin qu'il puisse garder son emploi. Toutefois, ce manoeuvre (que nous appellerons « M. B ») travaillait à plein temps pour le parc depuis cinq ans, il avait été honnête avec la direction et il avait informé immédiatement son superviseur de l'incident après qu'on l'eut accusé d'une infraction. Le témoin a déclaré que « M. B » ne relevait pas de lui et que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas révélé avoir perdu son permis de conduire.

[25]      Duane West est le surintendant du PNK. Il travaille pour l'APC depuis 30 ans. Fondamentalement, il est le gestionnaire le plus haut gradé du PNK; 5 gestionnaires relèvent de lui, tout comme 18 employés travaillant l'année durant et 18 employés saisonniers.

[26]      M. West a témoigné avoir été informé par M. Bakker, en septembre 2000, du REP de moins en moins satisfaisant du fonctionnaire s'estimant lésé, de son refus de remplir les parties du REP dont il était responsable et de la rupture de sa relation de confiance avec son superviseur (M. Bakker). Il a aussi été informé en novembre 2000 de la suspension du permis de conduire de l'intéressé.

[27]      Dans son témoignage, M. West a déclaré être officiellement intervenu lors d'une rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé et son représentant syndical, M. Fitzgerald, le 1er mai 2001. C'est à cette rencontre que le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il n'avait pas besoin de permis de conduire pour s'acquitter de ses fonctions au PNK, mais il n'a jamais admis ce jour-là avoir conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis était suspendu. Il n'a pas non plus exprimé le moindre remords. Les conditions d'emploi de l'APC stipulent expressément que les employés doivent avoir un permis de conduire valide. M. West a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était jamais rendu compte de la gravité de ses actes.

[28]      M. West a déclaré avoir demandé conseil à son spécialiste des ressources humaines et avoir vérifié le pouvoir qui lui est délégué en vertu des autorisations de délégation de la gestion des ressources humaines de l'APC (pièce E-3) en vigueur le 1er avril 1999 avant de signer la lettre de licenciement (pièce E-4). Les raisons pour lesquelles il a décidé de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé sont les suivantes :
  • la suspension pour trois ans de son permis de conduire allait empêcher le fonctionnaire s'estimant lésé de s'acquitter efficacement de ses fonctions;
  • le fonctionnaire s'estimant lésé avait caché le fait qu'il avait perdu son permis de conduire, de sorte qu'il ne satisfaisait plus à ses conditions d'emploi;
  • le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas informé la direction de la perte de son permis de conduire; elle a donc dû faire enquête pour le savoir;
  • le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis de conduire était suspendu;
  • le lien de confiance entre le fonctionnaire s'estimant lésé et l'APC avait été rompu;
  • le poste que le fonctionnaire s'estimant lésé occupait était au niveau d'entrée, et il n'est pas le genre de personne que l'ACP souhaitait embaucher à temps plein.

[29]      En contre-interrogatoire, M. West a dit être convaincu qu'il était clair pour le fonctionnaire s'estimant lésé que la rencontre du 1er mai 2001 pouvait entraîner son licenciement. Il a aussi déclaré avoir cru M. Bakker sur parole quand celui-ci lui a dit que le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis de conduire était suspendu.

[30]      Todd Chambers a commencé à travailler comme manoeuvre affecté à l'entretien des sentiers du PNK en 1996; cet emploi a pris fin en 2002.

[31]      Le témoin a déclaré que, à l'été 2000, il faisait partie de la même équipe que le fonctionnaire s'estimant lésé. Il a dit que l'intéressé l'avait informé de la suspension de son permis de conduire, en déclarant qu'on lui avait délivré un permis temporaire, sans toutefois pouvoir se rappeler quand cela lui avait été dit. Il a aussi témoigné n'avoir jamais vu le fonctionnaire s'estimant lésé conduire de véhicules de l'APC pendant que son permis était suspendu.

[32]      En contre-interrogatoire, M. Chambers a concédé n'avoir jamais informé son superviseur, M. Bakker, ni aucun autre membre de la direction que le fonctionnaire s'estimant lésé avait perdu son permis de conduire. L'avocat de l'employeur s'est aussi fait confirmer par le témoin qu'il ne savait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été accusé de conduire un véhicule pendant que son permis était suspendu. M. Chambers n'a pas non plus pu préciser si le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait montré son permis temporaire ou pas.

[33]      Quand il s'est fait demander s'il pensait que M. Bakker avait menti au sujet des dates auxquelles le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis était suspendu, M. Chambers a répondu : [traduction] « Non, je ne pense pas qu'il mentait, c'était il y a trois ans; il y a peut-être de la confusion sur les dates et les heures. »

[34]      Le fonctionnaire s'estimant lésé, Michael Maloney, a témoigné avoir commencé à travailler au PNK en 1995, comme manoeuvre affecté aux équipes d'entretien des sentiers. Il a joué différents rôles dans ce contexte pendant six saisons, en tant que contremaître à sa deuxième et à sa troisième années, ainsi que comme manoeuvre les autres années.

[35]      M. Maloney a déclaré avoir été grippé dans la première semaine de mai 2000, alors qu'il suivait un cours sur l'utilisation des tronçonneuses. M. Bakker est venu le voir chez lui pour lui dire que, s'il ne lui remettait pas un certificat médical au plus tard à 16 h 30 le jour même, il serait congédié. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il avait pris cette menace de M. Bakker au sérieux.

[36]      L'intéressé a aussi déclaré avoir été interpellé par la police à Whitehorse le 23 juin 2000. Il a échoué l'alcootest et a été accusé de conduite avec facultés affaiblies, puis relâché. Il n'a pas été incarcéré, contrairement à ce que M. Bakker a déclaré dans son témoignage. Il a dit avoir écopé sur place d'une suspension de 24 heures de son permis de conduire et s'être fait remettre un permis temporaire de deux semaines. à l'expiration de son permis temporaire, son permis a été automatiquement suspendu pour 90 jours.

[37]      M. Maloney a déclaré que, le 3 août 2000, il « transportait des affaires » dans son camion quand il s'est fait arrêter par la gendarme Shirley Telep, qui lui a demandé son permis de conduire. Par la suite, il a été accusé d'avoir conduit un véhicule pendant que son permis était suspendu, en vertu de la Motor Vehicle Act.

[38]      Le 14 septembre 2000, il a comparu en plaidant coupable aux deux infractions (conduite avec facultés affaiblies et conduite d'un véhicule pendant que son permis était suspendu), ce qui lui a valu une suspension d'un an de son permis de conduire. Il a déclaré avoir rapporté les événements et les résultats de sa comparution à M. Freeze ce jour-là.

[39]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a aussi déclaré que, sans l'en informer, le Bureau des véhicules automobiles s'est réuni pour étudier son dossier et qu'il a prolongé de deux ans la suspension de son permis de conduire, en raison de son arrestation le 3 août 2000 pour avoir conduit un véhicule pendant que son permis de conduire était suspendu. En contre-interrogatoire, toutefois, il a avoué avoir reçu des lettres du Bureau des véhicules automobiles, mais déclaré les avoir jetées à la poubelle sans les décacheter, parce qu'il avait vendu son véhicule. Il a dit qu'il était convaincu que son permis avait été suspendu pour un an seulement, pas pour trois ans.

[40]      M. Maloney a témoigné qu'il n'avait pas informé son superviseur de la suspension de son permis de conduire, de peur d'être congédié. Il a souligné qu'il n'a jamais conduit un véhicule de l'APC pendant que son permis de conduire était suspendu, même pour le trajet jusqu'à Mush Lake dont M. Bakker a parlé dans son témoignage. Il a affirmé qu'il n'aurait pas conduit de véhicule de l'APC pendant que son permis était suspendu, parce que le véhicule en question n'était pas assuré et qu'il y aurait eu des implications en matière de responsabilité civile qui auraient exposé ses équipiers à des risques. Il a souligné que, même si aucun membre de la direction ne lui avait demandé s'il avait un permis de conduire ou pas, il avait continué à s'acquitter de ses fonctions à l'APC sans permis. En fait, il était au courant du cas d'un autre employé qui avait perdu son permis et qui s'était vu confier d'autres tâches.

[41]      Dans son témoignage sur les deux incidents avec M. Bakker en dehors du travail, M. Maloney a déclaré que, la première fois, M. Bakker avait déclaré qu'il ne voulait pas être vu dans le même bar que lui, ce sur quoi il avait rétorqué : [traduction] « Si tu veux aller dehors, nous allons régler ça. » Il a toutefois affirmé qu'ils n'étaient jamais sortis se battre et qu'il n'avait jamais agressé M. Bakker.

[42]      Dans le cas du deuxième incident, celui du Castaway Bar, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré n'avoir jamais frappé M. Bakker derrière la tête comme celui-ci l'avait affirmé dans son témoignage. Il a déclaré [traduction] : « Nous étions à l'extérieur du bar et j'ai fait mine de lui donner une tape avec ma main ouverte, mais sans le toucher ». Il a aussi déclaré être convaincu qu'il devrait encore travailler à l'APC et que l'employeur aurait dû le suspendre, pas le licencier. Il a maintenu qu'il pouvait s'acquitter de ses fonctions même sans permis de conduire.

[43]      En contre-interrogatoire, M. Maloney a admis que son véhicule avait été saisi pour un mois le 23 juin 2000 et qu'il l'avait conduit pour aller travailler pendant que son permis était suspendu jusqu'à ce que la gendarme Telep l'accuse de conduite sans permis le 3 août 2000. Son véhicule a alors été saisi pour une autre période de deux mois. C'est ensuite qu'il a décidé de le vendre. Il a aussi reconnu qu'il aurait dû ouvrir les lettres que le Bureau des véhicules automobiles lui avait adressées, mais que, comme il avait vendu son véhicule, il avait pensé que les avis qu'on lui envoyait étaient des formules d'immatriculation. Il a ajouté qu'il ne s'était rendu compte qu'à la réunion avec M. West, du 1er mai 2001, que son permis de conduire avait été suspendu pour trois ans.

[44]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu qu'il savait que la rencontre du 1er mai 2001 était censée établir les faits et qu'il était possible qu'elle mène à son congédiement.

[45]      M. Maloney a admis qu'il était tenu d'être titulaire d'un permis de conduire Classe 5 valide et de conserver ce permis. Sa décision de ne pas informer son superviseur de la suspension de son permis de conduire était basée sur sa conviction que, comme il l'a dit, [traduction] « j'aurais été parti [congédié] le lendemain ». Il a aussi déclaré avoir inventé une histoire le 19 juillet afin d'expliquer à M. Bakker qu'il ne pourrait pas conduire le véhicule de l'APC pour aller à Mush Lake.

[46]      M. Maloney a décrit l'incident avec M. Bakker à l'extérieur du Castaway Bar de la façon suivante : [traduction] « C'est moi qui ai commencé. J'étais fâché à cause de ce qui se disait et des incidents au PNK, et c'est pour ça que j'ai fait un geste en direction de M. Bakker. » Il a qualifié ce geste de tentative de donner une petite taloche à M. Bakker sur la joue droite. Heureusement pour lui, le superviseur a reculé, évitant ainsi d'être frappé. Une taloche s'entend ici d'un coup donné avec la main ouverte.

[47]      L'avocat de l'employeur a confirmé à l'audience que jamais, dans toute la procédure de règlement des griefs, même au dernier palier, le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait déclaré avoir rencontré M. Freeze pour lui expliquer la perte de son permis de conduire et sa suspension de trois ans, sans non plus produire de preuves pour le confirmer. Au moment de l'audience, M. Freeze était à l'étranger.

[48]      La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas présenté de réfutation.

Arguments

Pour l'employeur

[49]      L'avocat de l'employeur a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait caché le fait que son permis de conduire avait été suspendu pour un an parce qu'il avait conduit avec facultés affaiblies et qu'il avait été suspendu pour deux ans de plus parce qu'il avait conduit un véhicule sans permis. Le fonctionnaire s'estimant lésé a conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis était suspendu, alors qu'il savait qu'être détenteur d'un permis de conduire valide est une exigence de son poste. Il n'a informé ni son superviseur, ni la direction de l'APC de la suspension de son permis; l'employeur a dû faire une enquête pour le savoir. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a exprimé aucun remords dans ses rencontres avec son superviseur et avec M. West. Comme le lien de confiance ne peut pas reposer sur des mensonges, les possibilités de réhabilitation de l'intéressé sont inexistantes.

[50]      Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été franc tout de suite avec ses superviseurs, contrairement à « M. B ». En outre, quant à la possibilité d'une réintégration, des menaces de voies de fait à l'endroit d'un superviseur sont inacceptables.

[51]      L'avocat de l'employeur a invoqué les décisions suivantes : Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354; Champagne (dossier de la Commission 166-2-25767) et Copp (dossier de la Commission 166-2-31431).

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[52]      On peut résumer les arguments de la représentante du fonctionnaire s'estimant lésé en disant que les questions à trancher sont les suivantes : (1) l'employeur a-t-il prouvé que le licenciement est justifié et (2) le licenciement était-il la sanction appropriée dans les circonstances. Si non, quelle aurait été la sanction appropriée?

[53]      Selon elle, je devrais me fonder sur le principe juridique que le fardeau de la preuve dans les cas de licenciement incombe à l'employeur, en tenant compte de la crédibilité des témoins (Faryna c. Chorny, supra) et du manque d'uniformité de la conduite de l'APC dans le cas de renvoi d'employés dont le permis de conduire a été suspendu.

[54]      Le témoignage de M. Bakker manque de crédibilité; c'est sa parole ou celle du fonctionnaire s'estimant lésé. M. West a en partie fondé sa décision sur ce que M. Bakker lui avait dit, à savoir que le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit un véhicule de l'APC le 19 juillet 2000 pendant que son permis de conduire était suspendu. Il n'a pas le moindrement douté de ce que M. Bakker lui disait.

[55]      En août 2000, l'employeur a entendu des rumeurs sur la suspension du permis de conduire du fonctionnaire s'estimant lésé. Normalement, l'intéressé aurait dû être suspendu en attendant l'issue d'une enquête interne. M. Bakker aurait dû prendre les mesures nécessaires pour déterminer si les rumeurs étaient fondées puisque la question de la responsabilité civile de l'employeur en pareil cas est très grave.

[56]      En septembre 2000, l'enquête de l'employeur a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était fait suspendre son permis de conduire pour trois ans, mais ce n'est pas avant le 1er mai 2001 qu'il a décidé de le licencier, soit huit mois plus tard. Le long délai d'exécution de cette décision a porté préjudice au fonctionnaire s'estimant lésé, en réduisant ses chances de trouver un autre emploi. Prétendre que les employés étaient licenciés pour la mauvaise saison n'est pas pertinent, puisque l'employeur est tenu d'agir rapidement dans une situation de ce genre.

[57]      Quand il a été jugé coupable de conduite avec facultés affaiblies, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré avoir informé le gestionnaire dont il relevait, M. Freeze, de la suspension de son permis. Rien dans la preuve ne le contredit et M. Freeze n'était pas présent à l'audience.

[58]      Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû informer l'employeur plus tôt, mais M. Bakker avait menacé de le congédier. La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé maintient que l'employeur ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve, puisque rien sauf le témoignage de M. Bakker ne prouverait que l'intéressé a conduit un véhicule de l'APC pendant que son permis était suspendu. Il pouvait s'acquitter de ses fonctions cet été-là : la preuve a démontré qu'il s'en est si bien acquitté que l'employeur n'a jamais su que son permis de conduire avait été suspendu. L'employeur a établi un précédent en laissant « M. B » continuer à travailler sans avoir de permis de conduire.

[59]      En l'espèce, le redressement réclamé serait que je juge le congédiement injustifié et que je réintègre le fonctionnaire s'estimant lésé dans son ancien poste en ordonnant qu'on lui verse le salaire et les avantages sociaux qu'il aurait touchés s'il n'avait pas été licencié.

[60]      La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé a invoqué les rubriques suivantes de Canadian Labour Arbitration, Third Edition, de MM. Brown et Beatty : Discipline and Discharge Procedures (7:2000); Alteration of Grounds (7:2200) et Burden of Proof (7:2300). Elle m'a renvoyé aussi aux décisions Stapleton (dossier de la Commission 166-2-9712) et Pleau (dossier de la Commission 166-2-21170).

Réplique

[61]      Le témoin du fonctionnaire s'estimant lésé, M. Chambers, n'a rien corroboré du tout. En contre-interrogatoire, il a fondamentalement déclaré ne pas pouvoir se rappeler si le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait montré un permis de conduire temporaire; il a témoigné aussi que M. Bakker n'avait pas menti sur les dates auxquelles le fonctionnaire s'estimant lésé avait conduit un véhicule de l'APC, selon lui, puisque cela s'était passé trois ans avant et qu'il y aurait pu y avoir de la confusion quant aux dates et aux heures.

[62]      M. Bakker a cru le fonctionnaire s'estimant lésé sur parole lorsque celui-ci lui a déclaré que son véhicule avait été saisi, puis qu'il n'avait pas payé l'assurance. Il n'avait aucune raison d'en douter.

[63]      La décision de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé a été prise en définitive par suite de la rencontre de l'employeur avec lui et avec son représentant syndical, M. Fitzgerald, le 1er mai 2001, avant le début de la saison. Ces questions ne se posent pas avant le début de la période saisonnière d'embauche des manoeuvres.

[64]      Les injures et les voies de fait dont M. Bakker a été victime sont suffisantes pour justifier le licenciement. L'employeur ne peut pas réintégrer des employés qui se livrent à ce genre de comportement compte tenu du redressement réclamé, la réintégration du fonctionnaire s'estimant lésé. M. Freeze n'a été appelé à témoigner à l'audience ni par suppoena, ni autrement; en fait, c'est à l'audience qu'on a entendu dire pour la première fois que le fonctionnaire s'estimant lésé l'aurait informé de la suspension de son permis de conduire.

[65]      Dans le cas de « M. B », les circonstances étaient différentes, car l'intéressé relevait d'un autre superviseur et avait été franc et honnête, en informant immédiatement son supérieur que son permis de conduire avait été suspendu; en outre, il n'avait pas conduit de véhicule de l'APC sans permis.

Motifs de la décision

[66]      Dans cette affaire, le fardeau de la preuve incombe à l'employeur, et je suis d'avis qu'il s'en est acquitté.

[67]      Dans la lettre de licenciement datée du 7 mai 2001 (pièce E-4), M. West, le surintendant du PNK, a informé le fonctionnaire s'estimant lésé des motifs de son licenciement. La pièce E-2, le « Précis relatif à un conducteur du gouvernement du Yukon », corrobore les résultats de l'analyse et de l'enquête de M. West concernant la suspension pour trois ans du permis de conduire du fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier a d'ailleurs admis dans son témoignage avoir été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies le 23 juin 2000. On lui avait délivré un permis de conduire temporaire de deux semaines, mais il avait quand même continué à conduire son véhicule personnel pour se rendre au travail tous les jours, jusqu'au 3 août 2000, quand la gendarme Telep l'a arrêté pour avoir conduit un véhicule pendant que son permis était suspendu. Le 14 septembre 2000, il a été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies, ce qui lui a valu une suspension d'un an de son permis. D'après son témoignage, le Bureau des véhicules automobiles a étudié son dossier et décidé de porter à trois ans la suspension de son permis en raison de son arrestation le 3 août 2000, parce qu'il avait conduit un véhicule pendant que son permis était suspendu. Cela signifie que son permis de conduire ne doit pas être réactivé avant le 14 septembre 2003.

[68]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné avoir reçu plusieurs lettres du Bureau des véhicules automobiles en déclarant que, comme il avait vendu son véhicule, il avait pensé qu'elles contenaient des formules d'immatriculation, de sorte qu'il les avait jetées à la poubelle sans les décacheter. Il voudrait me faire croire qu'il ignorait que son permis avait été suspendu pour trois ans jusqu'à la rencontre du 1er mai 2001, quand il en a été informé par M. West. Même si je l'avais cru quand il a dit ignorer que son permis avait été suspendu pour trois ans - et je ne l'ai pas cru - nul n'est censé ignorer la loi.

[69]      Le deuxième motif invoqué dans la lettre de licenciement consiste à dire que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était conduit de façon inacceptable en n'informant ni son superviseur, ni la direction de l'APC de la suspension de son permis. Je suis convaincu que sa conduite était inacceptable et qu'il a voulu cacher des faits et duper son employeur.

[70]      M. Bakker a témoigné n'avoir commencé à entendre des rumeurs au sujet des infractions à la loi relatives aux permis de conduire du fonctionnaire s'estimant lésé qu'à la fin d'août 2000, en précisant qu'il en a informé alors Donna Harriott, des Ressources humaines. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il n'avait pas informé un superviseur parce qu'il craignait d'être immédiatement congédié. Pourtant, il a bel et bien informé son collègue de la situation, et il a témoigné avoir aussi informé M. Freeze.

[71]      À cet égard, je suis d'avis que le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé est intéressé, de sorte que je ne peux pas m'y fier. De toute façon, même si le superviseur l'avait licencié, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu présenter un grief, et c'est d'ailleurs exactement ce qu'il a fait quand il a reçu la lettre de M. West lui annonçant son licenciement.

[72]      Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a jamais informé l'APC qu'il avait parlé à M. Freeze de la suspension de son permis de conduire avant l'audience, ni à aucun moment pendant la procédure de règlement des griefs. Il me semble qu'il aurait au moins fait état de cet élément important avant l'arbitrage (ou qu'il aurait fait assigner M. Freeze à comparaître pour lui faire dire dans son interrogatoire principal qu'ils avaient parlé de la suspension de son permis). À mon sens, il est particulièrement significatif que le fonctionnaire s'estimant lésé n'ait avancé ce point qu'à l'audience, alors que M. Freeze se trouvait à l'étranger. Je n'ajoute pas foi à cette partie de son témoignage.

[73]      Le troisième motif avancé dans la lettre de licenciement est que détenir un permis de conduire est une condition d'emploi et que le fonctionnaire s'estimant lésé allait être incapable de s'acquitter de toutes les fonctions de son poste pour une période de trois ans, ce qui n'est pas une période raisonnable pour que l'employeur fasse les accommodements nécessaires.

[74]      MM. Bakker et West ont tous deux témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé allait avoir besoin d'un permis de conduire pour s'acquitter de toutes les fonctions de son poste. L'avocat de l'employeur a déposé en preuve la pièce E-1, signée par le fonctionnaire s'estimant lésé, où sont précisées ces conditions d'emploi. L'Annexe « A » b. de ce document est très claire :
[Traduction]   X   b. Afin d'être nommé à ce poste, vous devez détenir un permis de conduire Classe 5 valide. Vous serez tenu de conserver ce permis de conduire valide tant que vous occuperez le poste. Vous devez fournir une preuve que vous avez le permis de conduire requis en acceptant cette offre.

[C'est moi qui souligne.]

[75]      Le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié pour la mauvaise saison le 8 septembre 2000; on l'a reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies le 14 septembre 2000. Il doit récupérer son permis le 14 septembre 2003. Je suis d'accord avec l'employeur : il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que l'employeur fasse des accommodements pendant trois ans pour un employé saisonnier qui ne satisfait pas aux exigences de son poste. Dans son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a dit être convaincu de ne pas avoir besoin d'un permis de conduire pour s'acquitter de ses tâches quotidiennes, mais il n'a rien produit en preuve pour étayer sa position.

[76]      Je ne souscris pas au raisonnement du fonctionnaire s'estimant lésé selon lequel l'employeur aurait établi un précédent en prenant des dispositions pour que « M. B » puisse conserver son emploi au PNK pendant que son permis de conduire était suspendu. Les faits qui m'ont été soumis révèlent que « M. B » et le fonctionnaire s'estimant lésé ne relevaient pas du même superviseur, que « M. B » avait agi franchement, en informant la direction de la situation dès le lendemain de son arrestation, et qu'il avait dit regretter ses actions. En l'espèce, il est évident que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a informé ni son superviseur, ni la haute direction de la suspension de son permis.

[77]      M. West a témoigné que, lorsqu'il a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé le 1er mai 2000, en compagnie de son représentant syndical, M. Fitzgerald, l'intéressé n'a manifesté aucun remords et n'a pas semblé comprendre la gravité de ses actions. Je souscris à cette interprétation de M. West, parce que je n'ai ni vu, ni entendu la moindre indication que le fonctionnaire s'estimant lésé se rende compte que ses actions étaient inacceptables.

[78]      Je ne vois aucune raison de mitiger la décision de l'employeur de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé et d'ordonner sa réintégration. M. Maloney a témoigné qu'il a effectivement tenté de donner une taloche à son superviseur au Castaway Bar. C'est seulement à la réaction de recul de M. Bakker qu'il doit de n'être coupable que d'une tentative de voies de fait et non de voies de fait comme telles. Je tiens incidemment à lui souligner que la présente décision est un document public et que d'autres personnes, y compris des policiers et des juges, pourront s'y reporter. À mon avis, le réintégrer dans son ancien poste créerait une situation intenable et empoisonnerait l'atmosphère de son lieu de travail.

[79]      Bien que je sois convaincu qu'il est vrai que le fonctionnaire s'estimant lésé a conduit des véhicules de l'APC pendant que son permis de conduire était suspendu, le fait est qu'il n'en était pas question dans la lettre de licenciement de M. West, de sorte que ce n'est pas pertinent pour la présente décision.

[80]      Pour conclure, je suis d'accord avec l'employeur : le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas acquitté de son obligation d'être détenteur d'un permis de conduire Classe 5 valide et de conserver ce permis, alors qu'il s'y était engagé en signant ses conditions d'emploi à l'APC le 30 octobre 1998 (pièce E-1). Par conséquent, il ne pouvait pas s'acquitter de ses fonctions avec l'efficience et l'efficacité voulues. Je conclus aussi qu'il n'a pas tenté d'informer son superviseur ni la direction de l'APC de la suspension de son permis de conduire. En outre, je suis convaincu qu'il n'a pas été franc avec l'employeur, et que c'est seulement grâce à une enquête à laquelle ont participé la GRC et d'autres personnes que la vérité a été découverte. Enfin, j'estime qu'il n'est pas déraisonnable pour l'employeur de licencier un employé qui n'a pas un des éléments essentiels - un permis de conduire - pour s'acquitter de ses fonctions, et ce pour une période de trois ans.

[81]      Sur la question du temps que l'employeur a mis à licencier le fonctionnaire s'estimant lésé, je suis d'accord avec ce dernier : ses chances de trouver un autre emploi auraient pu en souffrir. L'employeur a entrepris son enquête à la mi-septembre 2000, et il avait conclu dès le mois de novembre 2000 que le permis de l'intéressé ne serait pas réactivé avant le 14 septembre 2003. Pour des raisons connues de lui seul, il a attendu jusqu'au 1er mai 2001 pour organiser une rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé afin de parler des questions susceptibles d'avoir des répercussions sur son emploi, et ce n'est que le 7 mai 2001 qu'il lui a présenté la lettre de licenciement. Il s'était donc écoulé près de six mois; c'est une période que je juge inacceptable, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé s'attendait à commencer à travailler au début de mai 2001. Cela dit, et bien que je trouve les actions de l'employeur répréhensibles et tout au mieux d'un amateurisme patent, il n'en reste pas moins que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'acquittait pas d'une des exigences fondamentales de son poste, être titulaire d'un permis de conduire Classe 5 valide.

[82]      Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 30 avril 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.
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