Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sanction pécuniaire (20 jours de rémunération) - Harcèlement - Abus d'autorité - Crédibilité - le fonctionnaire s'estimant lésé, surveillant correctionnel (CX-03), s'est vu imposer une sanction pécuniaire équivalant à 20 jours de rémunération pour avoir harcelé deux agents ayant déposé des plaintes à cet égard - l'un des agents était membre de l'équipe régionale d'intervention en cas d'urgence, et le fonctionnaire s'estimant lésé représentait la direction au sein de cette équipe - les quatre allégations déposées par le premier plaignant contre le fonctionnaire s'estimant lésé portaient sur le fonctionnement de l'équipe d'intervention en cas d'urgence - le fonctionnaire s'estimant lésé a été relevé de ses fonctions au sein de l'équipe jusqu'à la fin de l'enquête relativement à sa conduite - le deuxième plaignant, à son arrivée au travail, a été informé par le fonctionnaire s'estimant lésé que celui-ci était furieux qu'une plainte de harcèlement ait été déposée contre lui - lorsque le plaignant lui a annoncé qu'il était le représentant syndical responsable de la plainte, la conversation s'est envenimée et le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé au plaignant d'abandonner l'affaire - selon l'allégation, le fonctionnaire s'estimant lésé a alors proféré des menaces de mort à l'endroit du plaignant - le fonctionnaire s'estimant lésé a nié avoir élevé la voix et avoir fait des menaces, mais il a admis avoir clairement déclaré qu'il n'entendait pas laisser quiconque ruiner sa carrière et que le plaignant aurait à livrer la bataille de sa vie - l'employeur a prétendu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait preuve d'un abus de pouvoir et qu'il avait harcelé les deux plaignants - le fonctionnaire s'estimant lésé a admis deux allégations portées contre lui et a reconnu qu'il aurait dû savoir que ses propos pouvaient être interprétés comme une menace de nuire à la carrière d'un employé et qu'une telle conduite était répréhensible et constituait du harcèlement - l'arbitre a conclu que la gravité des allégations justifiait l'application d'un fardeau de la preuve plus rigoureux, ainsi que l'application d'un critère de crédibilité tel que défini dans l'affaire Faryna v. Chorney (infra) - il a statué que l'employeur avait démontré que les incidents en question étaient survenus et qu'ils constituaient du harcèlement et de l'abus de pouvoir - il a également conclu que les fonctions de surveillance du fonctionnaire s'estimant lésé et son adhésion au « code d'honneur » constituaient des facteurs aggravants relativement aux troisième et quatrième allégations portées contre lui - compte tenu que l'employeur avait imposé la sanction après avoir tenu compte de ses années de service, de son dossier disciplinaire vierge et des facteurs aggravants, l'arbitre ne voyait aucune raison de réviser la sanction pécuniaire, et il a rejeté le grief. Grief rejeté. Décisions citées : Samra (166-2-26543); Gale, 2001 CRTFP 85; Teeluck (166-2-27956); Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-01-27
  • Dossier:  166-2-31800
  • Référence:  2004 CRTFP 3

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

JAMES THEODORE MACKIE
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé
:  
Douglas MacAdams, avocat

Pour l'employeur :  Richard Fader, avocat


Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 23, 24 et 25 juillet 2003.


[1]    Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. James Theodore Mackie, surveillant correctionnel (CX-03) à l'établissement Kent à Agassiz (C.-B), a déposé un grief le 17 avril 2000 pour contester la sanction pécuniaire (équivalente à 20 jours de rémunération) qui lui a été imposée le 17 mars 2000.

[2]    Des enquêtes ont été instituées à la suite de deux plaintes de harcèlement présentées respectivement par M. Mark Olsen (CX-01) et M. Neil MacLean (CX-02).

[3]    Dans la plainte datée du 8 novembre 1999, M. Olsen allègue que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir. Le sous-commissaire, M. Pieter H. de Vink, a confié à M. Michael Gallagher le mandat de faire la lumière sur les allégations de harcèlement résumées ci-dessous (pièce E-10) :

[Traduction]

  1. Il est allégué que M. James T. Mackie (l'intimé) s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir durant les trois dernières années en menaçant par trois fois d'exclure M. Mark Olsen de l'équipe régionale d'intervention en cas d'urgence.
  2. Il est allégué que M. James T. Mackie (l'intimé) s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir en mai 1999 en menaçant M. Mark Olsen, au PPCC de l'établissement Kent, de l'exclure de l'équipe régionale d'intervention en cas d'urgence.
  3. Il est allégué que M. James T. Mackie (l'intimé) s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir le 19 octobre 1999 en intimidant M. Mark Olsen au Service d'admissions et d'élargissement de l'établissement Kent.
  4. Il est allégué que M. James T. Mackie (l'intimé) s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir en octobre 1999 en étiquetant M. Mark Olsen comme un « traître » devant ses collègues de travail.

[4]    Dans la plainte datée du 10 novembre 1999, M. MacLean allègue avoir été harcelé par M. Mackie. Il soutient que ce dernier a abusé de son pouvoir ce jour-là en menaçant de ruiner sa carrière et/ou de le tuer pendant qu'ils discutaient ensemble dans le bureau du surveillant correctionnel.

[5]    M. Michael Gallagher a été chargé par le sous-commissaire de la région du Pacifique (M. Pieter H. de Vink) de faire la lumière sur les allégations de harcèlement des deux plaignants. Il a remis son rapport à M. Kevin Morgan, sous-directeur adjoint de l'établissement Kent, qui a institué une enquête disciplinaire sur les agissements de M. Mackie.

[6]    M. Gallagher en est arrivé à la conclusion que M. Mackie avait abusé de son pouvoir et harcelé MM. Olsen et MacLean et il a retenu leurs allégations. Il a remis son rapport à M. Morgan, qui a ordonné la tenue d'une enquête disciplinaire, avant de recommander au directeur de l'établissement Kent, M. Paul Urmson, d'infliger une sanction disciplinaire.

[7]    Le 17 mars 2000, après avoir examiné le rapport disciplinaire de M. Morgan et écouté la bande audio de l'entrevue menée par M. Gallagher, M. Paul Urmson a infligé une sanction pécuniaire équivalant à 20 jours de traitement à M. Mackie. Suite à une rencontre disciplinaire qu'il a tenue en présence de M. Mackie, il est arrivé à la conclusion que M. Mackie avait harcelé deux subordonnés à l'établissement Kent.

[8]    Les faits sur lesquels l'employeur s'est appuyé pour conclure que M. Mackie avait harcelé M. Olsen sont résumés ci-dessous à partir de la preuve présentée par les parties lors de l'audience de l'affaire en l'instance.

Première allégation de M. Olsen : Menacé par trois fois au cours des trois dernières années d'être exclu de l'équipe régionale d'intervention en cas d'urgence (ERIU)

[9]    Il existe dans chaque établissement correctionnel des équipes d'intervention en cas d'urgence relevant de la responsabilité de la direction locale. En 1996, M. Douglas Richmond s'est vu confier le mandat de restructurer les équipes d'intervention sur une base régionale. Une équipe régionale d'intervention en cas d'urgence (ERIU) a été formée et des agents de correction rattachés aux équipes locales ont été sélectionnés pour en faire partie. Les ERIU ne constituent pas une entité officielle et les agents de correction demeurent des employés des établissements locaux. M. Olsen, agent de correction, faisait partie de l'ERIU. Il continuait de relever de l'établissement Kent pour tout ce qui concernait ses conditions de travail, ses besoins en formation et en matériel.

[10]    Le rôle et les responsabilités des chefs des équipes régionales d'intervention en cas d'urgence et du représentant de la direction alimentaient les discussions des membres de ces équipes. M. Mackie, surveillant correctionnel à l'établissement Kent, jouait le rôle de représentant de la direction auprès de l'EIU et il formulait des recommandations à la direction de l'établissement sur les besoins en dotation, en formation et en matériel. Chaque établissement conserve son pouvoir décisionnel sur les agents de correction faisant partie de l'EIU. Or, les chefs des équipes d'intervention voulaient être habilités à titre exclusif à prendre toutes les décisions en tout temps, qu'il s'agisse d'une situation d'urgence (émeute ou prise d'otages) ou de questions administratives (séances de formation, besoins en matériel). Un certain nombre d'entre eux, dont M. Mike Price, se sont employés à convaincre M. Richmond, en 1998 et 1999 de limiter les attributions de M. Mackie en tant que représentant de la direction auprès de l'EIU. Les membres de l'équipe avaient eux aussi de la difficulté à comprendre où s'arrêtaient les responsabilités des chefs d'équipe et où commençaient celles du représentant de la direction.

[11]    La question de la définition des rôles demeurait aussi nébuleuse pour M. Olsen, l'un des membres de l'EIU. Il a plaidé auprès du sous-directeur de l'établissement Kent, aux environs de septembre 1999, pour que M. Yolland soit réintégré dans l'ERIU. M. Mackie n'a guère apprécié que M. Olsen prenne une telle initiative et lui a rappelé, devant M. Yolland, que c'était au représentant de la direction concerné qu'il appartient de recruter les membres de l'EIU. Dans le courant de la conversation, M. Mackie a dit à M. Olsen : « Je pourrais te faire exclure de l'équipe d'un trait de crayon (en accompagnant ses paroles d'un claquement de doigts) ».

[12]    M. Mackie a admis qu'il avait tenu ce genre de propos, précisant toutefois qu'il n'avait nullement l'intention de menacer M. Olsen. Il voulait juste lui faire comprendre son rôle en tant que représentant de la direction auprès de l'ERIU. Il a déclaré que M. Olsen savait déjà que c'était sa responsabilité de faire des recommandations à la direction de l'établissement sur la composition de l'EIU.

[13]    La preuve présentée par l'employeur sur ce point se limite à ce seul incident, bien que M. Olsen indique dans sa plainte avoir été harcelé à 3 occasions sur une période de trois ans. L'employeur a conclu que M. Mackie ne s'était pas conduit de manière convenable à l'endroit de M. Olsen en ce qui concerne l'incident qui s'est produit aux environs de septembre 1999. À ses dires, la conclusion de harcèlement par abus de pouvoir repose principalement sur la perception de M. Olsen, qui a senti une menace dans les propos de M. Mackie. La direction soutient que cette conclusion de harcèlement par abus de pouvoir concorde avec les définitions qui sont données dans la « Politique relative au harcèlement en milieu de travail », dont les passages pertinents sont reproduits ci-dessous :

Appendice A

Définitions

On entend par harcèlement tout comportement malséant et blessant d'un employé de la fonction publique envers un autre employé de la fonction publique dont l'importunité était connue de l'auteur ou n'aurait pas dû lui échapper. Tout propos, action ou exhibition répréhensible qui humilie, rabaisse ou embarrasse un employé, que ce soit une fois ou continuellement, est une manifestation de harcèlement.

[...]

L'abus de pouvoir est une forme de harcèlement et se produit lorsqu'une personne exerce de façon indue l'autorité ou le pouvoir inhérent à son poste dans le dessein de compromettre l'emploi d'un employé, de nuire à son rendement au travail, de mettre son moyen de subsistance en danger ou de s'ingérer de toute autre façon dans sa carrière. Il comprend l'intimidation, la menace, le chantage ou la coercition.

Deuxième allégation de M. Olsen : Menacé d'être exclu de l'ERIU en mai 1999

[14]    La deuxième allégation est aussi reliée au débat concernant « la filière hiérarchique » mentionné précédemment. La conversation qui s'est déroulée entre MM. Olsen et Mackie en mai 1999 portait sur ce sujet. M. Olsen soutenait qu'il relevait du chef d'équipe régional (M. Mike Price) et que c'était ce dernier qui devait fournir au représentant de la direction (M. Mackie) l'information voulue au sujet de l'équipe. M. Mackie s'employait à faire comprendre à M. Olsen qu'il devait obtenir son autorisation avant de convoquer les autres membres de l'EIU à des séances de formation ou de les informer d'autres affaires relevant de sa compétence comme représentant de la direction.

[15]    M. Mackie a explicitement prévenu M. Olsen qu'il risquait d'être exclu de l'EIU s'il ne respectait pas la filière hiérarchique en place. MM. Hubscher et Helgason, qui ont été témoins de la conversation, ont interprété les propos de M. Mackie comme un avertissement. L'employeur a conclu que M. Mackie ne s'était pas conduit de manière convenable à l'endroit de M. Olsen pour le même motif que dans le cas du premier incident.

Troisième allégation de M. Olsen : Harcelé par abus de pouvoir et intimidation le 19 octobre 1999

[16]    La direction a ordonné la tenue d'une enquête en août 1999, après que M. Olsen eut informé Mme Michelle Rogers, chef de l'inventaire, que M. Mackie avait utilisé à des fins personnelles un masque à gaz de l'EIU. M. Mackie a été interrogé par M. K. Morgan (chef d'unité, chargé de faire la lumière sur l'affaire) vers le 10 octobre 1999 concernant cette allégation de détournement de matériel de l'EIU.

[17]    M. Olsen allègue que M. Mackie l'a informé, le 19 octobre 1999, qu'il faisait l'objet d'une enquête en lui disant : « Il y a quelqu'un dans l'équipe qui essaie d'avoir ma peau. Je vais trouver qui c'est et lui montrer de quel bois je me chauffe. »

[18]    M. Olsen a interprété les propos de M. Mackie comme une menace personnelle. M. Mackie a déclaré qu'il ne savait pas à ce moment-là que c'était M. Olsen qui était l'instigateur de l'enquête et que ce n'était donc pas lui qu'il visait. M. Mackie a admis à l'audience qu'il était contrarié de faire l'objet d'une enquête à cause d'une plainte frivole qui compromettait sa carrière. L'allégation concernant M. Mackie a été jugée sans fondement par l'enquêteur, qui a conclu dans son rapport qu'il n'existait aucune preuve permettant d'établir que M. Mackie avait abusé de ses pouvoirs en détournant du matériel de l'EIU. Il disait aussi s'interroger sur le rôle de M. Olsen dans cette affaire puisque celui-ci lui avait affirmé qu'il n'était pas l'instigateur de l'enquête.

[19]    Concernant la troisième allégation, la direction a conclu que M. Mackie avait tenu des propos inacceptables, et ce, peu importe s'il savait ou non à l'époque que M. Olsen était l'auteur de la plainte. Étant donné que M. Olsen était pleinement justifié de se sentir menacé par M. Mackie, la direction a conclu que M. Mackie s'était rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir en ces circonstances.

Quatrième allégation de M. Olsen : Harcelé par abus de pouvoir pour avoir été traité de « rat » le 29 octobre 1999

[20]    Le 29 octobre 1999, M. Mackie est entré dans une unité de l'établissement et s'est mis à raconter à deux agents de correction, MM. Rick Peck et Sean Hubscher, tous deux membres de l'EIU, les détails de l'enquête dont faisait alors l'objet M. Rico Laidler, un agent de correction faisant partie de l'EIU comme armurier.

[21]    Il s'agissait de l'enquête qui avait été instituée quand M. Olsen avait informé le chef de l'EIU qu'il avait trouvé des balles et des munitions dans le sac de M. Laidler après une séance de formation. La preuve montre que, ayant entendu parler de l'enquête, les membres de l'équipe (MM. Peck et Hubscher), ont demandé à M. Mackie de leur donner des précisions. Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué à l'audience que, s'il avait fourni des détails sur l'enquête, c'est seulement parce qu'il croyait en la nécessité d'instaurer un climat de confiance absolue entre les membres de l'EIU. Dans le courant de la conversation, M. Mackie a dit aux deux agents de correction que c'était M. Olsen, en le qualifiant de « rat », qui avait « rapporté » M. Laidler. M. Hubscher a raconté la conversation à M. Olsen.

[22]    MM. Peck et Hubscher ont témoigné que M. Mackie avait bien tenu les propos en question au sujet de M. Olsen et M. Mackie l'a admis à l'audience. Dans son grief, M. Mackie indique que M. Olsen était déjà considéré comme un « rat » par ses collègues avant l'incident du 29 octobre 1999 parce qu'il avait porté des accusations non fondées contre M. Laidler. Un « rat », selon M. Mackie, c'est quelqu'un qui déforme la vérité ou ment à dessein pour causer du tort à quelqu'un d'autre. M. Mackie a qualifié les propos qu'il avait tenus de « non professionnels », indiquant qu'il avait eu tort de s'exprimer de cette façon, que « la langue lui avait fourché » et qu'il regrettait d'avoir dit ce qu'il pensait.

[23]    M. Rico Laidler a témoigné que M. Olsen s'était présenté à son domicile pour l'informer qu'il allait faire l'objet d'une enquête après que le sous-directeur, M. Kevin Morgan, ait vérifié le contenu de son sac. M. Laidler a déclaré qu'il avait été déçu d'apprendre que M. Olsen était l'instigateur de l'enquête et qu'il ne comprenait pas pourquoi il avait agit ainsi. M. Laidler a été suspendu de ses fonctions d'armurier pendant la durée de l'enquête, mais il a été réintégré peu de temps après avoir été blanchi de toute faute.

[24]    Le qualificatif de « rat » au service correctionnel est lié à l'existence d'une « loi du silence » à l'intérieur de l'établissement. Un agent est considéré comme un « rat » si, au lieu de garder le silence sur ce qui se passe dans l'établissement ou de camoufler la vérité, il enfreint la loi du silence et parle. Un « rat », aux dires de presque toutes les personnes qui ont témoigné en l'espèce, c'est quelqu'un qui fait des déclarations, qu'elles soient vraies ou non. La direction du service correctionnel essaie par divers moyens d'enrayer cette loi du silence et le directeur de l'établissement Kent, M. Urmson, a témoigné que c'est un problème qu'il est bien déterminé à régler.

[25]    L'étiquette de « rat » vaut à celui qui en est affublé d'être mis à l'index par les autres. On évite de lui parler ou de s'occuper de lui et on l'ignore complètement. L'agent de correction qui est considéré comme un « rat » ne peut plus compter sur les autres pour assurer sa sécurité, qui se trouve ainsi gravement menacée. Personne ne se portera à son secours s'il est en danger ou ne fera quoi que ce soit pour prévenir un danger. Il est de notoriété publique que la sécurité des agents de correction repose d'abord et avant tout sur la solidarité des membres de l'équipe et la grande confiance qui existe entre eux. Autrement dit, la confiance disparaît quand on est considéré comme un « rat ».

[26]    M. Olsen a témoigné qu'il avait été la cible de l'hostilité des autres après le 29 octobre 1999, recevant des appels de menace à son poste de travail et faisant l'objet de représailles de la part de ses collègues, qui évitaient de lui adresser la parole. Un jour, il a trouvé une tasse verte en plastique à son poste de travail. Sur cette tasse, il y avait un logo d'un club de propriétaires d'armes légères et quelqu'un avait dessiné un rat dans un viseur à réticule. M. Olsen a montré la tasse à M. Ray Gill, agent de correction, avant de la mettre dans un sac en plastique et de la sortir de l'établissement. Il interprétait le dessin comme une menace de mort non équivoque et il craignait pour sa vie et celle de sa famille. Il était bouleversé par les incidents et se sentait comme sali; il a perdu toute estime personnelle et toute dignité pour une bonne période de temps. M. Laidler a confirmé à l'audience que la tasse verte avec le dessin d'un « rat » lui appartenait. Il a précisé que le dessin se trouvait sur la tasse bien avant que M. Olsen porte plainte et que c'était un sujet inépuisable de plaisanteries dans le service.

[27]    L'employeur a considéré comme un facteur aggravant le fait qu'un surveillant qualifie un agent de correction de « rat » en dépit des efforts manifestes de la direction pour enrayer ce genre de conduite. Être étiqueté de la sorte par quelqu'un en autorité est plus lourd de conséquences que de l'être par une autre personne. L'employeur a conclu que l'allégation avait été prouvée et que M. Mackie s'était rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir.

Allégation de M. MacLean : Menace de ruiner sa carrière ou de le tuer le 10 novembre 1999

[28]    La plainte de M. MacLean datée du 10 novembre 1999 est reliée aux plaintes de M. Olsen. M. MacLean est représentant syndical à l'établissement Kent. C'est le président de la section locale qui a conseillé à M. Olsen de s'adresser à M. MacLean, qui était en charge des plaintes de harcèlement. M. MacLean a aidé M. Olsen à préparer et à rédiger sa plainte, laquelle a été reçue le 9 novembre 1999 par le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement.

[29]    Le même jour, M. Mackie a été avisé par écrit qu'il était suspendu de ses fonctions de représentant de la direction auprès de l'EIU jusqu'à la fin de l'enquête visant à faire la lumière sur une plainte de harcèlement déposée contre lui. Cette lettre lui déplaisait.

[30]    Le 10 novembre 1999, M. MacLean s'est présenté au bureau du surveillant correctionnel aux environs de 7 h 10. Le surveillant en charge était M. Mackie, qui a répondu à ses salutations en lui disant qu'il était très en colère parce que quelqu'un avait déposé une plainte de harcèlement contre lui. À un moment donné au cours de l'échange, M. MacLean a informé M. Mackie que c'est lui qui représentait M. Olsen, l'auteur de la plainte.

[31]    M. MacLean a déclaré à l'audience que la conversation entre les deux avait dégénérée. Portes closes, M. Mackie a demandé à M. MacLean d'abandonner l'affaire s'il voulait éviter que sa carrière en souffre. M. MacLean a précisé dans sa plainte ce qui suit : « M Mackie, qui était assis, a pivoté dans son fauteuil en souriant et a dit : « Il y a plein d'employés ici qui sont prêts à vous tirer tous les deux. J'aurais juste à sourire. Je n'aurais pas un mot à dire, il me suffirait de sourire. » Il a aussi déclaré que M. Laidler était très fâché contre eux deux et qu'il les attendait dans le stationnement pour les descendre. M. MacLean a perçu ces propos comme une menace sérieuse et il a quitté le bureau dans un état de grand désarroi, ses mains tremblantes par l'effet du stress.

[32]    M. MacLean s'est dirigé vers l'antichambre pour y rédiger un compte rendu de l'incident (pièce E-14). Il a décrit l'incident à la sous-directrice, Mme Diane Knopf, et lui a envoyé par courriel une copie des notes (pièce E-13) qu'il avait rédigées. À sa demande, elle l'a autorisé à quitter le travail même s'il devait participer à une séance de formation ce jour-là. Avant de quitter l'établissement, M. MacLean s'est installé dans la salle d'ordinateurs pour y dactylographier sa plainte (pièce E-11). M. John Romane, chef d'unité, l'a aperçu à ce moment-là (entre 11 h et 11 h 30). Il a remarqué que M. MacLean ne semblait pas très désemparé et qu'il décrivait les faits de façon très claire. Il ne pleurait pas et il a refusé l'offre de faire appel au Programme d'aide aux employés (PAE) pour obtenir des services de médiation et d'appui.

[33]    M. MacLean a témoigné que l'incident l'avait terriblement stressé. Il était très mal à l'aise de se trouver dans cette situation. Il considérait M. Mackie comme un ami au travail dont la réputation était bien établie.

[34]    Pendant qu'il parlait à Mme Knopf, M. MacLean était hors d'haleine et il a témoigné à l'audience qu'il avait éclaté en sanglots. Il a aussi montré des signes évidents de détresse après l'incident, souffrant d'insomnie pendant plusieurs mois à cause de l'énorme stress.

[35]    Dans l'après-midi, aux environs de 15 h, M. MacLean s'est présenté au poste de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Agassiz et s'est entretenu avec l'agente E. Bernard. Il l'a informée qu'il voulait rapporter une menace qui lui avait été faite et lui a demandé de lui apporter immédiatement son aide. L'agente Bernard a vérifié qu'il n'y avait pas urgence et lui a fixé un rendez-vous pour le lendemain, ayant conclu qu'il n'y avait pas de danger immédiat. M. MacLean a refusé de voir un autre agent pour porter plainte.

[36]    Aux dires de M. Mackie, la porte du bureau était ouverte lorsque M. MacLean l'a informé qu'il représentait M. Olsen, l'auteur de la plainte de harcèlement. De deux à quatre employés sont entrés dans le bureau et en sont ressortis durant l'échange. M. Mackie nie avoir élevé la voix et proféré des menaces ou avoir menacé de tuer qui que ce soit durant la conversation qui a duré 10 minutes. Il admet toutefois clairement avoir dit que M. MacLean allait devoir livrer la bataille de sa vie et qu'il n'entendait pas laisser quiconque ruiner sa carrière. Il était contrarié, a-t-il précisé, parce que c'était la deuxième fois en deux mois qu'on cherchait à lui nuire, la première fois étant quand on l'avait accusé de détourner du matériel de l'EIU à des fins personnelles.

[37]    M. Mackie a nié avoir proféré les menaces décrites aux paragraphes 4 et 10 de la plainte de M. MacLean (pièce E-11). On peut lire ce qui suit dans l'exposé de son grief (pièce E-15) :

[Traduction]

Il y a eu une discussion entre M. MacLean et moi, seuls, sans témoins [...] Quand il m'a appris que c'est lui qui représentait M. Olsen, je lui ai dit qu'on ne pouvait pas se parler et qu'il devait quitter mon bureau. Il n'en a rien fait et il a continué de m'entretenir de la plainte de M. Olsen. Bien que la discussion ait dégénérée, je n'ai jamais menacé de m'en prendre personnellement à M. MacLean ou de lui nuire professionnellement. Il est venu me voir pour discuter de la plainte de M. Olsen quand tout ce que j'attendais de lui c'est qu'il poinçonne et s'en aille à la séance de formation prévue ce jour-là. Je considérais l'incident comme une conversation entre deux amis qui se connaissent depuis 10 ans et qui ont déjà réglé des problèmes à l'amiable avant.

[38]    M. Mackie a collaboré à l'enquête policière et a renoncé à son droit de se faire représenter par un avocat lors de la rencontre avec l'agente Bernard le 16 novembre 1999. Il lui a dit qu'il n'avait rien à cacher. La policière a conclu qu'il n'y avait pas lieu de recommander que des accusations soient portées contre M. Mackie suite à la dénonciation de M. MacLean. Elle en est arrivée à cette conclusion après avoir établi que M. Mackie n'avait pas la réputation d'être violent et que son compte rendu des faits était plausible. L'agente Bernard a communiqué les résultats de son enquête à M. MacLean, qui a accepté sa conclusion selon laquelle il n'existait, selon elle, aucun danger.

[39]    Mme Knopf a interrogé M. Mackie après la plainte de M. MacLean. M. Mackie a déclaré qu'il n'avait pas été relevé de ses fonctions à l'issue de cette rencontre, mais que c'est lui avait demandé d'être muté à un autre établissement pour la durée de l'enquête. Le 18 novembre 1999, le directeur de l'établissement Kent a informé M. Mackie par écrit qu'il n'avait pas le droit d'entrer dans l'établissement Kent sans sa permission. M. Mackie a été affecté au dépôt régional pour la durée de l'enquête.

[40]    La direction a conclu que M. Mackie avait harcelé M. MacLean. Au moyen d'une lettre datée du 17 mars 2000, M. Urmson l'a avisé de la sanction disciplinaire qui lui était infligée, dans les termes suivants (pièce E-4) :

[Traduction]

Je désire par les présentes vous faire part des conclusions auxquelles je suis arrivé à l'issue de l'audience disciplinaire à laquelle vous avez participé le 6 février 2000 pour discuter des résultats de l'enquête visant à faire la lumière sur votre conduite envers vos subordonnés.

Comme vous me l'avez demandé, j'ai écouté la bande audio de l'entrevue avec M. Gallagher. J'ai aussi examiné le rapport disciplinaire préparé par M. Morgan et pris en considération les observations que vous avez formulées lors de notre rencontre. J'en arrive à la conclusion que vous avez harcelé deux subordonnés à l'établissement Kent.

Le harcèlement de subordonnés par un surveillant est une faute de conduite très grave qui ne saurait être tolérée. Pour en arriver à ma décision concernant la sanction disciplinaire à appliquer, j'ai pris en considération vos états de service, vos appréciations du rendement et votre dossier disciplinaire vierge. Compte tenu de ce qui précède et en conformité avec la partie II de la Loi sur la gestion des finances publiques , je vous inflige une sanction pécuniaire équivalent à vingt (20) jours de rémunération.

Je tiens à vous rappeler qu'une autre infraction disciplinaire grave pourrait entraîner la prise de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement.

[41]    M. Urmson a expliqué à l'audience qu'il devait apprécier la menace qui avait prétendument été proférée contre M. MacLean d'un point de vue différent de celui de la GRC. En dépit du fait que l'agente Bernard en était venue à la conclusion que M. Mackie n'avait tenu aucun propos menaçant, l'employeur se devait de déterminer si une menace avait été proférée en contravention de la politique et du règlement en matière de harcèlement et, notamment, de la définition de harcèlement. La décision de la direction était fondée sur le fait que M. MacLean croyait ou percevait que les propos tenus par M. Mackie le 10 novembre 1999 constituaient une menace. Le directeur en est arrivé à la conclusion que M. MacLean était intimement convaincu que M. Mackie l'avait menacé, selon la prépondérance des probabilités.

[42]    M. Urmson a pris en considération le dossier disciplinaire vierge de M. Mackie comme facteur atténuant et fait abstraction des incidents qui s'étaient produits plus de douze mois avant les plaintes. Il a considéré comme un facteur aggravant le fait que M. Mackie s'était conduit de manière inacceptable envers MM. Olsen et MacLean, au mépris de ses responsabilités comme surveillant correctionnel et qu'il avait abusé de ses pouvoirs d'une manière qui correspondait avec la définition d'abus de pouvoir énoncé dans la « Politique relative au harcèlement en milieu de travail ».

[43]    À la suite des plaintes, M. Mackie a pris environ 70 jours de congés de maladie. Il a aussi été privé de nombreuses possibilités d'heures supplémentaires en étant muté d'un établissement à sécurité maximale au dépôt régional.

[44]    Après avoir statué sur les plaintes de harcèlement et infligé une sanction disciplinaire à M. Mackie, le directeur de l'établissement s'est penché sur la question de son affectation au dépôt régional. M. Urmson a informé M. Mackie de sa décision administrative dans les termes suivants le 28 mars 2000 (pièce E-5) :

[Traduction]

Compte tenu des plaintes de harcèlement qui ont récemment été accueillies, j'ai examiné la situation en ce qui concerne votre emploi à l'établissement Kent, notamment.

Au paragraphe 20 de la directive du commissaire sur le harcèlement (CD 255), il est écrit que les gestionnaires doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir l'harmonie au travail après le règlement d'une plainte.

Vu le grand nombre de personnes qui ont été témoins des incidents de harcèlement et le fait que l'un des plaignants est toujours employé à l'établissement Kent, je crois que votre retour à l'établissement nuirait à l'harmonie au travail.

Après avoir pris en considération toutes les solutions de rechange possibles, j'en suis venu à la conclusion que vous deviez demeurer au dépôt régional jusqu'à ce qu'on vous trouve un poste ailleurs.

Argumentations

Pour l'employeur

[45]    L'employeur doit s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe et démontrer que le fonctionnaire a contrevenu au « Code de discipline » et/ou aux « Règles de conduite professionnelle ». Dans l'affaire qui nous occupe, M. Mackie aurait abusé de ses pouvoirs de la manière décrite dans la « Politique relative au harcèlement en milieu de travail » et nui à l'instauration d'un climat de travail exempt de harcèlement.

[46]    Dans l'affaire en l'instance, la preuve est contradictoire et l'arbitre doit dès lors évaluer la crédibilité des témoins. Pour savoir si un témoin dit réellement la vérité, il faut établir si sa version cadre avec la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée comme raisonnables une personne pratique et informée qui se trouverait en ce lieu et dans ces circonstances (Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354).

[47]    Il y a deux actions de M. Mackie qui ne sont pas contestées. En effet, le fonctionnaire s'estimant lésé admet avoir dit qu'il pouvait faire exclure M. Olsen de l'EIU d'un trait de crayon et que M. Olsen, en le qualifiant de « rat » avait « rapporté » M. Laidler. M. Mackie aurait dû savoir que ses propos pouvaient être interprétés comme une menace de nuire à la carrière d'un employé et qu'une telle conduite était répréhensible et constituait du harcèlement. Il aurait dû savoir que qualifier M. Olsen de « rat » devant deux agents de correction était quelque chose d'inacceptable et que cela pouvait causer du tort à M. Olsen.

[48]    Dans la plainte de M. MacLean, la preuve montre que M. Mackie était en colère contre M. Olsen et qu'il lui a clairement demandé d'abandonner l'affaire. Il n'est pas plausible que M. MacLean ait porté plainte juste pour détruire la carrière de M. Mackie, quand on sait qu'ils étaient de bons amis au travail.

[49]    Dans l'arrêt Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R C.S. 84, la Cour suprême du Canada, aux pages 95-96, cite avec approbation le passage suivant d'un jugement de la Cour suprême des États-Unis :

Les responsabilités d'un surveillant ne se limitent pas au pouvoir d'embaucher et de renvoyer des employés et [page 96] de leur imposer des mesures disciplinaires ni au pouvoir de recommander de tels [sic] mesures. Sa tâche consiste plutôt à s'occuper de la surveillance quotidienne du milieu de travail afin d'en assurer la sécurité et la productivité. Il n'y a aucune raison pour laquelle l'abus de ce dernier pouvoir devrait avoir des conséquences différentes de celles qu'entraîne l'abus du premier. Dans les deux cas, c'est le pouvoir conféré au surveillant par l'employeur qui lui permet de commettre l'acte répréhensible: c'est précisément parce que le surveillant est considéré comme investi de l'autorité de l'employeur qu'il est en mesure d'imposer à ses subordonnés une conduite sexuelle à laquelle ces derniers ne souhaitent pas se prêter.

[50]    Ce principe peut s'appliquer à l'affaire qui nous occupe car le surveillant, M. Mackie, était investi de l'autorité de l'employeur et était dès lors en mesure d'imposer à deux subordonnés, MM. Olsen et MacLean, une conduite abusive — harcèlement par abus de pouvoir — à laquelle ils ne souhaitaient pas se prêter.

[51]    Les faits de l'affaire montrent que M. Mackie a clairement contrevenu au « Code de discipline » et aux « Règles de conduite professionnelle ». Il n'a fait montre d'aucun regret, et les conséquences de ses actions pour les deux plaignants sont très graves. L'employeur a pris en considération le dossier disciplinaire vierge de M. Mackie à titre de facteur atténuant. Par conséquent, la sanction pécuniaire équivalent à 20 jours de rémunération est raisonnable et devrait être confirmée par l'arbitre.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[52]    Il s'agit dans les cinq cas d'allégations de harcèlement par abus de pouvoir. Pour obtenir gain de cause, l'employeur doit faire la preuve des divers aspects de la définition de harcèlement et d'abus de pouvoir qui se trouve dans le Manuel du Conseil du Trésor, Appendice A (pièce E-6), et aux paragraphes 2 et 5 de la directive du commissaire (pièce E-7). Le fonctionnaire s'estimant lésé demande à l'arbitre de tenir compte du libellé du paragraphe 12 de la directive du commissaire, qui définit dans les termes suivants la protection accordée dans l'exercice des fonctions de supervision :

[Traduction]

La présente politique ne limite pas les pouvoirs des personnes investies de responsabilités de gestion et de surveillance en matière de counselling, d'appréciation du rendement, de relations de travail et d'application de sanctions disciplinaires.

[53]    Le fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que la norme de preuve applicable est celle décrite dans l'affaire Gale c. Le Conseil du Trésor (2001 CRTFP 85). L'employeur devrait être tenu de démontrer au moyen de preuves claires, convaincantes et déterminante que chaque allégation est fondée. La raison pour laquelle cette norme devrait être appliquée, c'est que les allégations sont graves. La réputation du fonctionnaire s'estimant lésé est en jeu dans chaque cas. Concernant l'allégation no 4 (l'incident où le fonctionnaire aurait dit que l'un des plaignants était un « rat »), l'employeur soutient que, dans le contexte d'une prison, c'est une très grave accusation. Il convient dès lors d'astreindre l'employeur à une norme plus rigoureuse. L'allégation no 5 (celle de M. MacLean) pourrait, quant à elle, entraîner des sanctions pénales, et on peut donc dire que c'est aussi une très grave accusation.

[54]    La norme de preuve devrait s'appliquer à chaque allégation. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé soutient que ce serait une erreur fondamentale que de permettre que les considérations s'appliquant à une allégation soient englobées dans les considérations s'appliquant aux autres.

[55]    Deux des accusations concernent des incidents dont personne n'a été témoin, à savoir l'allégation no 1 (les trois incidents en autant d'années) et l'allégation no 5 (celle de M. MacLean). L'affaire Gale c. Le Conseil du Trésor, supra, nous fournit des indications utiles sur la façon de procéder dans ce genre de situation. Il est précisé que le critère à appliquer pour évaluer la crédibilité des témoins, c'est la compatibilité de sa version avec la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée une personne pratique et informée qui se trouverait en ce lieu et dans ces circonstances.

[56]    L'arbitre devrait conclure que les trois incidents des trois dernières années sont frappés de prescription. Ayant fait siennes les conclusions de M. Gallagher, M. Urmson a conclu que la circonstance exceptionnelle qui permettait de remonter trois ans en arrière était l'allégation no 4 (l'incident où le fonctionnaire aurait traité l'un des plaignants de « rat »). Prise séparément, l'allégation no 1 ne comporte aucun élément exceptionnel qui justifierait qu'on l'exclut des autres allégations frappées de prescription. M. Urmson a commis une erreur fondamentale en acceptant que M. Gallagher prenne les considérations applicables à une allégation et les applique aux autres. Cette erreur devrait être corrigée.

[57]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé soutient qu'il faut tenir compte du contexte dans lequel se situent les allégations. De nombreux témoins, à commencer par M. Doug Richmond, ont parlé du désir des membres de l'EIU, M. Olsen compris, de ne plus être assujettis à l'autorité du représentant de la direction, et plus particulièrement, de M. Mackie. Il n'est pas nécessaire de conclure qu'il y avait une conspiration de quelque sorte ou que les griefs de M. Olsen s'inscrivaient dans le cadre d'une campagne ayant pour objectif de causer du tort à M. Mackie. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé indique toutefois que le refus manifeste de M. Olson d'accepter l'autorité et la supervision de M. Mackie devrait inciter l'arbitre à évaluer avec soin son témoignage et celui de son représentant, M. MacLean. À son point de vue, le moment choisi pour porter plainte est un facteur non négligeable. C'est en août 1999 que M. Olsen a accusé M. Mackie de détournement de matériel et dès lors a provoqué une enquête. M. Morgan a interrogé M. Olsen le 20 octobre 1999. Quand M. Olsen a porté plainte le 8 novembre 1999, le rapport de M. Morgan était sur le point d'être déposé. Dans le contexte général que la présence ou la supervision de M. Mackie étaient contestées et de la recherche de moyens pour s'y soustraire, ainsi que du rapport imminent de M. Morgan (pièce G-3), l'arbitre peut et doit conclure que la perception des événements par les plaignants est sujette à caution.

[58]    Voici un résumé succinct des faits que l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé juge importants concernant chaque allégation.

  • Allégation no 1 : Personne n'a été témoin de cet incident. M. Mackie nie les faits. M. Olsen est incapable d'indiquer l'heure, l'endroit, les circonstances de l'incident ou l'effet des propos qu'il réprouve. Aucune plainte n'a été déposée à ce moment-là. Entre autres choses, l'arbitre devrait conclure qu'il n'y a eu aucune plainte dans la période où M. Olsen dit avoir adressé une plainte à M. Richmond, c'est-à-dire à la fin de l'été 1999. L'arbitre devrait conclure que les allégations n'ont pas été prouvées suivant la norme de preuve requise.
  • Allégation no 2 : L'incident s'est produit devant témoins. M. Mackie admet avoir tenu les propos qu'on lui prête. Deux témoins (MM. Helgason et Hubscher) affirment que M. Mackie a parlé d'une voix normale, sans hausser le ton. À leur point de vue, les propos de M. Mackie voulaient dire qu'il entendait, en sa qualité de représentant de la direction, exercer une fonction de supervision normale et bien connue, à savoir suspendre un agent qui ne respectait pas les normes auxquelles sont assujettis les membres de l'équipe d'intervention. D'après les témoignages de MM. Olsen et Mackie, il est clair que M. Olsen acceptait difficilement que M. Mackie s'occupe de tout ce qui concernait l'équipe d'intervention d'urgence. Aucune plainte n'a été déposée à ce moment-là. Tout compte fait, l'employeur n'a pas satisfait à la norme de preuve requise pour que les propos tenus par un surveillant puissent être qualifiés de conduite ou d'observations inadmissibles. L'employeur n'a pas non plus démontré que M. Olsen avait été humilié, rabaissé ou embarrassé. Les employés présents n'ont rien trouvé à redire aux propos entendus.
  • Allégation no 3 : L'incident s'est déroulé en présence de témoins. M. Mackie admet avoir parlé de l'enquête dont il faisait l'objet et avoir dit qu'il voulait trouver celui qui avait parti le bal. Il nie avoir tenu les propos qu'on lui prête. M. Yolland n'a rien entendu. M. Morgan a déclaré à l'audience et consigné dans son rapport (pièce G-3) que M. Mackie avait prétendu qu'il ne savait pas à ce moment-là que c'était M. Olsen qui était l'auteur de la plainte concernant le détournement de matériel. Compte tenu des circonstances, les propos ne s'adressaient pas directement à M. Olsen. Ce dernier a cru qu'il était visé parce qu'il savait des choses que M. Mackie ne savait pas. Eu égard aux faits, l'employeur ne s'est pas acquitté de son fardeau de preuve.
  • Allégation no 4 : L'incident s'est produit en présence de témoins. M. Mackie admet avoir tenu les propos qu'on lui prête et reconnaît qu'ils étaient déplacés. M. Olsen n'était pas présent. M. Mackie répondait aux membres de l'EIU qui lui avaient posé des questions au sujet d'une affaire dont tout le monde était au courant à la prison et qui nuisait au fonctionnement de l'équipe d'intervention. M. Mackie faisait juste converser avec deux membres de l'équipe. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé soutient que la preuve ne permet pas d'établir un lien entre l'affaire de la tasse ou celle des appels et des observations, qui font l'objet de l'allégation no 4. Les membres de l'unité J ont témoigné qu'ils n'avaient rapporté à personne d'autre que M. Olsen ce que M. Mackie leur avait dit. Compte tenu de la situation, l'arbitre devrait se garder de formuler des observations au sujet de l'incident de la tasse ou des appels vu la poursuite civile qui est en cours.
  • Allégation no 5 : Dans le cas de la plainte de M. MacLean, l'arbitre doit évaluer la sincérité du plaignant comme témoin. M. MacLean était au courant de la plainte de harcèlement de M. Olsen contre M. Mackie et savait quand l'incident avait eu lieu. Le fait que M. MacLean soit resté dans le bureau alors qu'il venait de lui dire qu'il voulait mettre un terme à la discussion et le fait que M. Mackie lui ait proposé de faire appel à un médiateur pour régler la plainte ne cadrent pas avec la perception d'une menace. M. Mackie a admis qu'il était contrarié par la plainte de harcèlement car c'était la deuxième dont il faisait l'objet en quelques semaines et qu'il avait dit à M. MacLean : « Tu vas devoir livrer la bataille de ta vie ». Ces propos doivent être perçus non pas comme une menace mais comme une preuve de la détermination de M. Mackie à préserver sa carrière. La franchise de M. Mackie durant l'enquête policière étaye davantage sa prétention d'innocence que sa culpabilité.

[59]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que l'employeur ne s'est pas acquitté du fardeau de preuve applicable quand les allégations se rapportent seulement aux propos tenus par une personne. Compte tenu des faits, la simple prépondérance des probabilités ne peut pas être considérée comme une preuve suffisante, ainsi qu'il est indiqué dans la décision rendue dans l'affaire Gale, supra.

[60]    Dans l'affaire qui nous occupe, M. Mackie admet avoir dit que « Olsen, en le qualifiant de « rat », a rapporté Laidler » à deux agents. Il reconnaît avoir fait une erreur, qu'il n'a toutefois jamais répétée. Il admet que ses propos étaient déplacés. Compte tenu des circonstances, la sanction pécuniaire équivalant à 20 jours de rémunération est tout à fait hors de proportion et devrait être révisée à la baisse par l'arbitre.

[61]    Le fonctionnaire s'estimant lésé indique qu'il insiste pour obtenir les réparations suivantes dans son grief (pièce E-15) :

[Traduction]

  1. Le remboursement de tous les congés de maladie et annuels utilisés du 10 novembre 1999 jusqu'à la fin de la procédure de règlement des griefs à cause des contrariétés et du stress que cela m'a occasionné.
  2. Le paiement du nombre moyen d'heures supplémentaires que je n'ai pas été en mesure d'effectuer, au taux de rémunération applicable en vertu de la convention collective, compte tenu des montants versés à l'ensemble des surveillants correctionnels employés à l'établissement Kent, du 10 novembre 1999 jusqu'à la fin de la procédure de règlement des griefs.
  3. Le paiement de toutes les heures supplémentaires pour lesquelles j'aurais été rémunéré les jours fériés où j'aurais travaillé, du 10 novembre 1999 jusqu'à la fin de la procédure de règlement des griefs.
  4. Le paiement de toutes les primes de poste et de fin de semaine perdues, du 10 novembre 1999 jusqu'à la fin de la procédure de règlement des griefs.
  5. Le paiement de tous les honoraires d'avocats et d'adjoints engagés durant les enquêtes visant à faire la lumière sur les plaintes de harcèlement, la procédure disciplinaire et la procédure de règlement des griefs.
  6. Le paiement des heures supplémentaires, au taux applicable, que m'ont occasionnées les réunions auxquelles j'ai participé durant les enquêtes visant à faire la lumière sur les plaintes de harcèlement, l'enquête de la GRC, la procédure disciplinaire et la procédure de règlement des griefs.

Motifs de la décision

[62]    Je conviens avec les parties que les allégations de harcèlement par abus de pouvoir sont très graves. Dans l'affaire qui nous occupe, le fonctionnaire s'estimant lésé est notamment accusé d'avoir proféré des menaces de mort et d'avoir qualifié un collègue de « rat », des allégations graves qui étayent l'argument de son avocat en faveur de l'application d'une norme de preuve plus rigoureuse.

[63]    Ce fardeau de preuve plus rigoureux est décrit dans l'affaire Samra (dossier de la Commission 166-2-26543) citée dans l'affaire Gale, supra :

[...] La jurisprudence actuelle abonde en affaires qui appuient la notion que dans les cas de prétendue inconduite grave, particulièrement lorsque l'emploi et la réputation d'une personne sont en jeu, l'employeur doit prouver par des preuves claires, convaincantes et solides que les faits allégués se sont produits. Même si la norme n'est pas celle des affaires criminelles où l'on exige des preuves hors de tout doute raisonnable, il faut davantage qu'une simple prépondérance de la preuve.

[64]    L'affaire Teeluck (dossier de la Commission 166-2-27956) concernait une plainte de harcèlement sexuel et l'arbitre McLean a expressément accepté d'appliquer la norme de preuve plus rigoureuse. L'existence d'un « code du silence » à l'établissement Renous et l'incidence de ce code font l'objet d'un addendum à sa décision. À la lecture des observations de l'arbitre, il est clair que le code du silence lui apparaissait suffisamment ancré dans les mentalités pour être qualifié par lui de « parfaitement honteux ». Dans l'affaire qui nous occupe, l'existence de ce « code du silence » est reliée à l'une des allégations formulées dans la plainte de harcèlement de M. Olson, ce qui, avec les allégations de menaces de mort, a certainement accru la gravité des plaintes. Même si l'employeur s'est abstenu de congédier l'employé, je crois moi aussi que la situation nécessite l'application d'une norme de preuve plus rigoureuse.

[65]    De graves allégations sont formulées relativement à des incidents dont personne n'a été témoin, et de telles allégations nécessitent l'application du critère de la crédibilité défini par le juge O'Halloran dans l'affaire Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354, dans les termes suivants :

[Traduction]

En bref, pour pouvoir réellement conclure que l'histoire d'un témoin est vraie en pareil cas, celle-ci doit être en harmonie avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et informée reconnaîtrait d'emblée comme étant raisonnables en ce lieu et dans ces circonstances.

[66]    L'employeur devrait dès lors être tenu de démontrer par des preuves claires, convaincantes et solides que les faits allégués se sont produits. Je dois examiner la preuve relative à chaque allégation et déterminer quels faits me permettent d'arriver à une conclusion finale.

Première allégation de M. Olsen

[67]    M. Olsen s'est plaint que M. Mackie avait menacé par trois fois de l'exclure de l'EIU dans les trois dernières années. Un seul incident, soit celui qui s'est produit aux environs de septembre 1999 concernant le retour de M. Yolland à l'établissement Kent et sa réintégration probable à l'ERIU, a fait l'objet de témoignages. Ceux de MM. Olsen, Mackie et Yolland indiquent clairement que M. Mackie a reproché à M. Olsen de ne pas respecter la filière hiérarchique. Aux yeux de M. Mackie, M. Olsen avait fait fi de son autorité à titre de représentant de la direction responsable du recrutement des membres de l'EIU en s'adressant à la sous-directrice, Mme Knopf , pour discuter de la réintégration de M. Yolland à l'EIU. Je suis convaincu que M. Mackie a très clairement prévenu M. Olsen qu'il devait respecter la filière hiérarchique en place sans quoi il serait exclu de l'équipe. Il m'est toutefois nécessaire de déterminer si un tel avertissement constitue du harcèlement.

[68]    L'employeur a précisé que, dans sa décision d'infliger une sanction disciplinaire, il n'a pas tenu compte des incidents qui s'étaient produits plus de douze mois avant les plaintes. Les faits de l'incident du mois de septembre ne sont pas contestés, les témoins ayant décrit les mêmes événements. Les autres témoins ne partageaient pas le point de vue de M. Olsen que les propos de M. Mackie se voulaient une menace; ils y voyaient plutôt un avertissement. Concernant cette question, il est nécessaire de se reporter à la définition de harcèlement dans la « Politique relative au harcèlement en milieu de travail » pour déterminer si les propos peuvent être considérés comme du harcèlement.

[69]    La définition de harcèlement englobe des commentaires formulés une seule fois ou à répétition. Les commentaires concernant la nécessité de respecter la « filière hiérarchique » peuvent être considérées comme du harcèlement, peu importe qu'elles aient été formulées une seule fois, comme l'indique la preuve, ou trois fois dans les trois dernières années. Les propos que M. Mackie a tenus en présence d'un autre agent de correction (M. Yolland) étaient certainement offensants et ils ont humilié ou embarrassé M. Olsen. Ils s'adressaient clairement à lui et M. Mackie savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu'ils seraient jugés inopportuns par M. Olsen. Faire partie de l'ERIU est une reconnaissance très importante de l'excellence du travail accompli pour un agent de correction qui considère que les membres de l'EIU forment un groupe d'élite hautement qualifié. Se faire dire en présence de collègues qu'on pourrait être exclu de ce groupe parce qu'on refuse de respecter les règles peut être très humiliant ou embarrassant. Compte tenu des faits, je conclus que l'employeur a considéré à juste titre qu'il y avait eu harcèlement par abus de pouvoir, M. Mackie s'étant exprimé en tant que représentant de la direction auprès de l'EIU. Cela ne veut pas dire que la direction ne peut pas aviser les employés des conséquences possibles de leurs actions, mais je conclus que M. Mackie ne s'en est pas simplement tenu à définir, pour la gouverne de M. Olsen, les rôles respectifs des membres de l'EIU ainsi qu'il le prétend, et que ses propos renfermaient une menace de représailles.

[70]    L'absence de preuve circonstancielle concernant d'autres incidents qui se seraient produits dans les trois années précédant la plainte ne modifie en rien le fait que les propos tenus constituent du harcèlement et n'a aucune incidence sur la sévérité de la sanction disciplinaire, l'employeur ayant seulement tenu compte de l'incident du mois de septembre 1999.

Deuxième allégation de M. Olsen

[71]    L'incident qui est à l'origine de la deuxième allégation est relié à celui du mois de mai 1999 concernant les responsabilités du représentant de la direction eu égard à l'EIU. Il est un fait établi que M. Mackie a prévenu M. Olsen qu'il devait obtenir son autorisation avant d'informer les autres membres de l'EIU qu'ils devaient participer à une séance de formation ou s'occuper d'autres questions relevant de sa compétence à titre de représentant de la direction.

[72]    La conversation s'est déroulée en présence de deux autres agents de correction (MM. Hubscher et Yolland), qui ont interprété les propos comme un avertissement, c'est-à-dire que M. Olson devait rentrer dans le rang sinon il serait exclu de l'EIU. Les éléments dont j'ai jugé bon de tenir compte en ce qui concerne le premier incident valent aussi dans le cas du deuxième, et je conclus que M. Olsen avait de bonnes raisons de se sentir offensé par les propos de M. Mackie. Ce dernier aurait raisonnablement dû savoir que ses observations seraient jugées inopportunes par M. Olsen, qui attachait beaucoup d'importance au fait d'être membre de l'EIU.

[73]    J'en arrive dès lors à la conclusion que l'employeur a déterminé à juste titre que M. Mackie s'était rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir à l'égard de M. Olsen en ce qui concerne la seconde allégation formulée dans la plainte.

Troisième allégation de M. Olsen

[74]    Les propos qui sont à l'origine de la troisième allégation ont été formulés par M. Mackie, qui était très contrarié d'apprendre que quelqu'un l'avait dénoncé sur de faux prétexte. Je comprends et accepte le fait que M. Mackie a pris très au sérieux une allégation selon laquelle il avait abusé de ses pouvoirs en s'appropriant du matériel de l'EIU. Ce genre d'allégation était susceptible d'avoir de lourdes conséquences sur sa carrière au Service correctionnel.

[75]    D'autre part, je considère que les propos de M. Mackie à M. Olsen ont été causés par une réaction émotionnelle excessive. M. Mackie savait qu'il n'était pas coupable de détournement de matériel et il s'attendait à ce que l'enquête le confirme, ce qui fut le cas. Je peux comprendre qu'il ait pensé que des membres de l'EIU et certains chefs d'équipe s'étaient ligués contre lui; pour le démontrer, il a rappelé les représentations que les membres de l'équipe avaient faites de vive voix à M. Richmond en 1998 et 1999. Compte tenu de sa longue expérience comme surveillant au Service correctionnel et de la haute estime dans laquelle il était tenu à l'établissement Kent, il aurait dû savoir que la conspiration dont il soupçonnait l'existence n'avait aucune chance de réussir. Je partage le point de vue de l'employeur, qui a conclu que M. Mackie ne s'était pas conduit de manière convenable à l'endroit de M. Olsen en ces circonstances.

[76]    En dépit de cela, je considère que M. Mackie ne savait pas à ce moment-là qui était l'instigateur de l'enquête. Je considère aussi que la virulence des propos tenus par M. Mackie témoigne d'une intention malicieuse de sa part de dissuader le dénonciateur de donner suite à sa plainte. À mon sens, M. Mackie voulait qu'on transmette à la personne qui exerçait des pressions sur lui le message non équivoque qu'il fallait respecter la loi du silence dans ce genre de situation. Cette intention constitue un facteur aggravant dans l'affaire qui nous occupe, surtout depuis que la direction s'emploie à mettre un terme à la loi du silence qui a cours à l'établissement. Un autre facteur aggravant est le fait que M. Mackie occupait un poste de surveillant. Pour tous ces motifs, j'en arrive à la conclusion que, dans le cas de la troisième allégation, l'employeur a conclu à juste titre que M. Mackie s'était rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir.

Quatrième allégation de M. Olsen

[77]    Il est un fait établi que, le 29 octobre 1999, M. Mackie a déclaré, en présence de deux agents de correction (MM. Peck et Hutcher), en le qualifiant de « rat » que M. Olsen avait rapporté M. Laidler.

[78]    Ayant entendu les divers témoignages, je saisis la gravité d'une telle déclaration, surtout lorsqu'elle est faite par une personne investie de l'autorité à l'établissement Kent, un établissement à sécurité maximale où sont incarcérés les détenus jugés les plus dangereux, susceptibles de réactions imprévisibles envers les autres détenus ou les agents de correction. Dans ce milieu, la sécurité des détenus comme celle des employés repose sur la solidarité entre les agents de correction et les autres membres du personnel. Être étiqueté comme un « rat » au service correctionnel signifie que la confiance qui est à la base de cette solidarité cessera tout simplement d'exister. Le fait que cette étiquette ait été attribuée par un surveillant d'expérience tenu en haute estime dans l'établissement n'en a rendu les conséquences que plus dévastatrices.

[79]    Les observations formulées par l'arbitre MacLean dans l'affaire Teeluck, supra, sont très pertinentes en l'espèce. Je partage le point de vue exprimé ci-dessous, qui vaut aussi pour l'établissement Kent :

      Le code d'honneur est pris au sérieux par les agents de correction à Renous. Ce code est une façon de dire à tout le monde : si vous dénoncez un collègue, peu importe la gravité ou l'évidence de l'accusation, vous allez le payer cher. Nous vous ferons la vie dure. Non seulement nous vous « bouderons » (la règle du silence), nous vous ferons aussi attendre aux portes entre deux sections et, pire encore, nous prendrons notre temps pour répondre à un appel à l'aide, si nous décidons d'y répondre. Nous vous donnerons des avertissements en glissant un poisson mort dans votre boîte aux lettres, en dégonflant vos pneus dans le stationnement de l'établissement. Et puis, soit dit en passant, si les écrous des roues de votre voiture sont dévissés ou si, par hasard, le dispositif de sécurité du capot de votre voiture a été relâché, ce n'est que pure coïncidence. Peut-être s'agit-il de véritables coïncidences. Mais, au bout d'un certain temps, vous aurez compris : nous ne voulons plus vous voir ici, peu importe vos qualités d'agent. Nous ne voulons pas de vous ici! Qu'est-ce que ça vous prend pour vous le faire comprendre? C'est là le message qui est envoyé à l'agent qui ose enfreindre le code. Dénoncer un collègue à la direction, peu importe la gravité de l'incident, c'est signer son arrêt de mort. Voilà ce qui s'est produit dans les cas de Mmes Matthews et McMullin en l'occurrence. Leur vie est devenue intenable au point où elles ont été obligées quitter la région de Miramichi.

Une façon de voir aussi primitive ne vaut rien de mieux que l'infâme code que les détenus ont la mauvaise réputation d'appliquer. Pour des personnes qui ont juré de respecter et d'appliquer la loi, non seulement une telle réaction à des incidents graves les amène au plus bas niveau, elle en fait des barbares qui s'approprient le droit de décider ce qui est permis ou non à l'établissement. Elle éveille en eux les bas instincts qui leur permettent de rationaliser leurs agissements sur la notion de réalité. « C'est nous qui menons » et que Dieu vienne en aide à ceux et celles qui se trouvent sur notre chemin. Nous leur ferons leur affaire!

Une façon de voir aussi tordu (sic) est inacceptable pour toute personne sensée dont le devoir comme agent de la paix est d'appliquer la loi. L'époque où un agent se devait d'entretenir une telle animosité et lui laisser dicter ses actions au travail est depuis longtemps révolue.

Cela ne signifie pas que les agents n'ont pas le droit de se défendre quand des allégations sont formulées. Les procédures de médiation, de grief et d'arbitrage sont là pour soutenir un collègue. C'est là où la procédure de recours entre en jeu.

Le problème se pose lorsque les agents décident d'accorder leur appui à un collègue au détriment des autres. C'est inacceptable. Au travail, un agent doit pouvoir compter sur le professionnalisme de ses collègues tout au long de la journée. Quand ces derniers décident de refuser de l'aider par solidarité avec un autre collègue, c'est à ce moment-là qu'ils oublient leur professionnalisme et la règle de droit. Lorsque cela se produit, personne à l'établissement, ou à l'extérieur, n'est en sécurité. En effet, la sécurité de tout le monde devient subordonnée aux caprices du partenaire durant le quart, ce qui est, au mieux, une perspective très effrayante quoique peu probable. Un agent ne peut pas se permettre de prendre de chances car les enjeux sont trop importants : il s'agit de sa vie, de sa personne. Personne ne devrait avoir à prendre des précautions au travail par crainte de représailles. Cela nuit au bon fonctionnement de l'établissement. Il faut que cessent ces actes de représailles.

[80]    Même si les actes de représailles décrits par M. Olsen sont différents de ceux mentionnés par l'arbitre MacLean, je partage son point de vue et souscris à ses conclusions. Ce raisonnement tordu contre laquelle s'insurge l'arbitre répugne aussi au directeur de l'établissement Kent, qui a clairement exprimé sa volonté de mettre un terme à de tels actes de représailles à l'intérieur de l'établissement. Son témoignage démontre qu'il demeure inébranlable dans sa détermination à faire cesser ces agissements et qu'il considère cet objectif d'une très grande importance. Je ne peux faire autrement que de convenir avec M. Urmson que, lorsque c'est le surveillant qui est à l'origine des représailles, il faut considérer cela comme un facteur aggravant. En tant que surveillant, M. Mackie se devait d'être au courant de l'importance que la direction attache à l'élimination du « code d'honneur » ou de la « loi du silence » à l'établissement et devait s'employer à soutenir énergiquement ses efforts en ce sens.

[81]    Eu égard aux circonstances, je conclus que l'employeur a déterminé à juste titre que M. Mackie s'était rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir en déclarant que M. Olsen, en le qualifiant de « rat », avait rapporté M. Laidler. Les explications fournies, à savoir qu'il lui était nécessaire de tenir les membres de l'EIU informés du déroulement de l'enquête dont faisait l'objet M. Laidler afin de maintenir la cohésion entre les membres du groupe, sont totalement invraisemblables. Sa déclaration selon laquelle la langue lui a « fourché » montre qu'il est intimement convaincu de pouvoir gérer la place en appliquant les vieux préceptes du « code d'honneur ». J'en ai acquis la conviction en prenant connaissance des observations qu'il formule dans son grief dans le but d'atténuer la portée de ses propos en indiquant ce qui suit dans son grief :

[Traduction]

M. Gallagher prétend que j'ai qualifié M. Olsen de rat le 29 octobre 1999. S'il avait interrogé M. Laidler, dont le nom figure dans ma liste de témoins, il se serait rendu compte que M. Olsen avait déjà été étiqueté comme un rat par ses collègues une semaine avant l'incident pour avoir dénoncé à tort M. Laidler. Celui-ci a été forcé de vivre quelques semaines difficiles, sans motif valable. M. Olsen a dit au gestionnaire de l'unité, M. K. Morgan, que M. Laidler gardait des munitions non réglementaires de l'EIU dans son sac. La direction a dès lors institué une enquête pour faire la lumière sur les activités de M. Laidler comme préposé à l'entretien de l'équipement de sécurité et instructeur en maniement des armes au sein de l'EIU. Par conséquent, quand j'ai appris ce que les autres agents disaient de M. Olsen, j'approuvais. Pour moi, un rat c'est quelqu'un qui déforme la vérité ou qui ment à dessein dans le but de nuire à quelqu'un d'autre. [C'est moi qui souligne.]

[82]    À mon sens, ce raisonnement tordu de M. Mackie a compromis sa capacité d'exercer des fonctions de surveillant au service correctionnel et va directement à l'encontre de l'objectif que s'est fixé le SCC de mettre un terme à la « loi du silence ». Au surplus, je m'interroge sur sa capacité de jouer son rôle d'agent de la paix et d'appliquer la loi vu qu'il trouve acceptable de qualifier quelqu'un de « rat ». Si je me fie à ce que j'ai lu dans le grief, il est évident que M. Mackie « faisait sienne » cette mentalité du code d'honneur. Ses actions nous incitent à nous demander si l'employeur peut désormais compter sur lui pour promouvoir et appliquer ses règles et lignes de conduite.

Les allégations de M. MacLean

[83]    M. MacLean s'est plaint que M. Mackie l'avait harcelé le 10 novembre 1999. Il a témoigné que M. Mackie lui avait demandé d'abandonner la plainte de M. Olsen parce qu'il ne pouvait pas se défendre contre ce genre d'accusation sans nuire à sa carrière. M. Mackie a admis que la conversation « avait dégénérée » et qu'il avait dit à M. MacLean que celui-ci allait « devoir livrer la bataille de sa vie », mais il a nié avoir proféré des menaces en disant qu'il y avait des membres du personnel qui étaient disposés à tirer M. MacLean et M. Olsen ou que M. Laidler attendait dans le stationnement pour descendre M. Olsen.

[84]    Les versions de MM. MacLean et Mackie sont contradictoires en ce qui concerne les « menaces ». Personne n'a été témoin de l'échange, et l'allégation de harcèlement par abus de pouvoir est certainement très grave. Dans une situation de ce genre, l'employeur doit démontrer par des preuves claires, convaincantes et solides que les faits allégués se sont produits. Le critère à appliquer pour évaluer la crédibilité des témoins c'est celui de la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée comme étant raisonnables une personne pratique et informée qui se trouverait en ce lieu et dans ces circonstances.

[85]    L'avocat de M. Mackie a fait valoir, dans sa plaidoirie, que la version de M. MacLean n'était pas plausible; rien ne l'empêchait de sortir du bureau s'il estimait que la conversation avait assez duré. C'est M. MacLean qui, le premier, a abordé le sujet de la plainte de M. Olsen en disant à M. Mackie qu'il faisait l'objet d'une plainte et que c'est lui qui représentait le syndicat dans ce dossier. Dans les circonstances, il était normal que M. Mackie se dise contrarié car c'était la deuxième fois en quelques semaines que quelqu'un portait plainte contre lui et essayait, selon lui, de ruiner sa carrière. Une personne pratique et informée ne trouverait pas raisonnable que M. Mackie profère des menaces dans ces circonstances. M. Mackie était conscient de la gravité d'une plainte de harcèlement et il ne voulait pas aggraver la situation en faisant des menaces au représentant du plaignant. La police a conclu que M. Mackie n'avait pas menacé M. MacLean, ce qui étaye aussi sa prétention d'innocence.

[86]    L'avocat de l'employeur soutient que la version des faits de M. MacLean devrait l'emporter sur celle de M. Mackie. M. MacLean considérait M. Mackie comme un bon ami au travail et n'avait aucune raison de provoquer un incident mettant en cause un surveillant chevronné jouissant d'une bonne réputation auprès des employés. M. MacLean, soutient l'employeur, est un représentant syndical rompu aux plaintes de harcèlement et il n'avait rien à gagner à inventer ce genre d'incident.

[87]    La véracité des versions contradictoires des événements peut être déterminée par un examen minutieux de la preuve. Celle-ci indique que la conversation entre les deux protagonistes a dégénéré après quelques échanges. Le fait que M. Mackie ait admis avoir dit à M. MacLean que celui-ci « allait devoir livrer la bataille de sa vie » est révélateur de son état d'esprit. Un autre fait révélateur est que M. Mackie a affirmé qu'il était contrarié de voir sa carrière menacée une deuxième fois en quelque mois. Ces éléments m'incitent à conclure que la conversation a dégénéré à cause de l'état d'esprit de M. Mackie. Je ne trouve rien dans la preuve qui m'inciterait à conclure que M. MacLean avait quelque raison de provoquer une altercation. Au contraire, je suis convaincu que M. MacLean dit la vérité quand il affirme que la situation le mettait très mal à l'aise et qu'il a cherché un moyen de mettre un terme à la conversation. Rien dans la preuve ne me permet de déduire que M. MacLean avait, à quelque moment que ce soit, le moindre intérêt à ce que la conversation dégénère. Je conclus dès lors que la conversation a dégénéré par la faute de M. Mackie, qui avait des motifs d'être contrarié et de se laisser emporter par ses émotions.

[88]    Dans son témoignage, M. Mackie a insisté sur le fait que la porte du bureau était ouverte pendant toute la durée de l'échange avec M. MacLean. Il a affirmé que de deux à quatre employés étaient entrés ou sortis pendant ce temps-là. Dans l'exposé de son grief, il indique par contre que « personne n'a été témoin de la discussion entre M. MacLean et moi-même ». Cette contradiction m'incite à conclure que je dois retenir la version des faits non contredite de M. MacLean.

[89]    Je dois décider si M. Mackie a tenu des propos qui peuvent être considérés comme des menaces directes à l'endroit de M. MacLean ou des menaces indirectes à l'endroit de M. Olsen. M. Mackie nie catégoriquement avoir proféré des menaces à l'endroit de M. MacLean, faisant valoir que les conclusions de l'enquête policière étayent sa prétention d'innocence. Le fait que M. Mackie a dit à M. MacLean que celui-ci « allait devoir livrer la bataille de sa vie » est un indice qu'il attachait beaucoup d'importance aux accusations qui pesaient contre lui. Pour M. MacLean, le spécialiste syndical des plaintes de harcèlement, la plainte de M. Olsen ne revêtait pas plus d'importance que d'autres plaintes de même nature. Il a indiqué à l'audience que, si M. Mackie avait communiqué avec lui avant M. Olsen, il l'aurait sûrement représenté, même si M. Mackie n'était pas syndiqué, car c'était un bon ami au travail. Je juge plausible le témoignage de M. Mackie sur ce point. J'arrive aussi à la conclusion que, dans l'ensemble, la conversation, telle que décrite par M. MacLean, satisfait au critère de la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée comme raisonnables une personne pratique et informée qui se trouverait en ce lieu et dans ces circonstances.

[90]    La conclusion de l'enquête de la GRC, à savoir que M. Mackie n'avait pas l'intention de mettre à exécution quelque menace à l'endroit de M. MacLean, n'est pas pertinente en l'espèce. Je partage le point de vue de l'employeur qu'il me faut examiner l'affaire sous un angle différent de celui de la GRC, qui avait pour mandat de déterminer si M. Mackie s'était rendu coupable d'une infraction au Code criminel. Pour ma part, je dois déterminer si M. Mackie s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir en vertu de la « Politique relative au harcèlement en milieu de travail ».

[91]    La preuve recueillie en l'espèce indique que M. Mackie a tenu certains propos à M. MacLean au cours d'une conversation qui s'est déroulée dans le bureau du surveillant le 10 novembre 1999. M. MacLean a interprété ces propos comme signifiant que sa vie était en danger, avec raison, selon moi. M. Mackie, un surveillant d'expérience, aurait raisonnablement dû savoir que ses propos seraient jugés offensants par M. MacLean.

[92]    Les propos que M. Mackie a tenus une fois ont certainement embarrassé M. MacLean. L'embarras que M. MacLean décrit dans son témoignage est aussi manifeste dans la réaction qu'il a eue après le fait, quand il a consigné les détails de l'incident (pièce E-14) et dactylographié sa plainte (pièce E-11) dans les quelques instants qui ont suivi l'altercation. La direction de l'établissement a autorisé M. MacLean à rentrer chez lui, même si une séance de formation était prévue le 10 novembre 1999. Je dois tenir compte du fait que la direction ne donne pas ce genre de permission sans motif valable. Autrement dit, si l'employeur a autorisé M. MacLean à quitter le travail pour la journée, c'est parce que, ayant vu sa réaction et entendu sa version des faits dans les moments qui ont suivi l'incident, il a conclu que son récit était plausible. Le témoignage de M. MacLean, selon lequel il était incapable de participer à la séance de formation parce qu'il était beaucoup trop perturbé par l'altercation, doit être considéré comme le plus plausible dans les circonstances.

[93]    J'ai pris en considération l'argument de M. Mackie concernant le paragraphe 12 de la directive du commissaire, qui définit protège l'exercice des fonctions de supervision, mais je le trouve très peu convaincant. Les actions de M. Mackie ne cadrent pas avec les paramètres établis dans cette directive car les incidents décrits et prouvés par l'employeur ne s'inscrivaient d'aucune manière dans le contexte de l'appréciation du rendement, des relations de travail, de l'application de sanctions disciplinaires ou d'activités de counselling. Même si les actions de M. Mackie pouvaient être définies de façon très générale comme des responsabilités de gestion ou de supervision en matière de relations de travail, je conclus que le fonctionnaire a dépassé les bornes et s'est rendu coupable de harcèlement.

[94]    Pour l'ensemble des motifs exposés aux paragraphes précédents, j'en arrive à la conclusion que l'employeur s'est acquitté de son fardeau de preuve et a démontré que M. Mackie s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir selon la prépondérance des probabilités.

[95]    Je conclus dès lors que l'employeur était justifié d'infliger une sanction disciplinaire à M. Mackie, ayant démontré qu'il s'est rendu coupable de harcèlement par abus de pouvoir à l'endroit de MM. Olsen et MacLean.

[96]    L'employeur a démontré qu'il avait pris en considération le dossier disciplinaire vierge de M. Mackie après presque 22 années de service au SCC et aussi du facteur aggravant que constitue son rôle de surveillant avant d'infliger la sanction disciplinaire pour inconduite. Pour ces motifs, je ne vois aucune raison de réviser la sanction pécuniaire équivalant à 20 jours de rémunération infligée à M. Mackie le 17 mars 2000.

[97]    Je rejette donc le grief de M. Mackie et confirme la sanction infligée par l'employeur.

[98]    Vu ma décision, je me dois également de refuser les autres réparations demandées par le fonctionnaire s'estimant lésé. La demande de remboursement des congés annuels et de maladie doit être rejetée puisque je suis arrivé à la conclusion que l'employeur avait agi comme il se devait en instituant une enquête pour faire la lumière sur la conduite de M. Mackie. Je dois aussi rejeter la demande de paiement des heures supplémentaires (les jours normaux ou les jours fériés), des primes de poste et des primes de fin de semaine. Je tiens également à faire observer que les pertes subies sont attribuables au fait que c'est M. Mackie qui a suggéré d'être muté au dépôt régional. Pour ce qui est du paiement des honoraires d'avocats et d'adjoints et des heures supplémentaires occasionnés par toutes les réunions auxquelles M. Mackie a participé durant l'enquête et la procédure de règlement des griefs, je ne peux en ordonner le remboursement puisque le grief a été rejeté.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 27 janvier 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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