Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (non-disciplinaire) - Employeur distinct - Licenciement disciplinaire allégué - Compétence - Procédure de règlement des griefs - la fonctionnaire s'estimant lésée était absente du travail pour des raisons médicales pendant une période de plus de deux ans et demi lorsqu'elle a reçu une lettre de licenciement pour incapacité médicale - elle a déposé un grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), invoquant le sous-alinéa 92(1)b)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - l'employeur s'est opposé à la compétence en prétendant que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas épuisé la procédure de règlement des griefs et que le grief n'était pas visé par l'alinéa 92(1)c) de la LRTFP parce que l'Agence des douanes et du revenu (ADRC) était un employeur distinct - la Commission a conclu que, même si l'employeur s'était initialement opposé à la compétence du fait que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas épuisé la procédure de règlement des griefs au moment du renvoi, la réponse de dernier palier de l'employeur avait été fournie à la fonctionnaire s'estimant lésée, à la suite du renvoi à l'arbitrage, et l'employeur n'avait pas répété son objection depuis ce temps - la Commission a conclu que l'employeur avait donc abandonné ce motif - la Commission a alors étudié l'application de l'article 92 de la LRTFP - elle a conclu que l'alinéa 92(1)a) ne pouvait pas s'appliquer parce que le grief ne mentionnait pas d'infraction à un article de la convention collective - l'alinéa 92(1)b) ne pourrait pas s'appliquer non plus, parce que l'ADRC est un employeur distinct - en dernier lieu, l'alinéa 92(1)c) ne pourrait pas s'appliquer parce qu'il visait seulement les cas de mesures disciplinaires - l'employeur avait fourni à la Commission de l'information sur les motifs du licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée, se déchargeant ainsi du fardeau de la preuve - le fardeau de la preuve était passé à la fonctionnaire s'estimant lésée qui devait démontrer que les mesures prises par l'employeur constituaient une imposture ou un subterfuge, ce qu'elle n'a pas fait. Grief rejeté. Décisions citées :Flynn c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-2-29015 (1999) (QL); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2004 CRFTP 10; Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada-Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-26613 (1996) (QL); Hamelin c. Conseil du Trésor (Solliciteur général-Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-19440 (1991) (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-06-01
  • Dossier:  166-34-31758
  • Référence:  2004 CRTFP 46

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

KATHERINE ANNE MCCONNELL
fonctionnaire s'estimant lésée

et

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Devant :   Yvon Tarte, président

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :   Elle-même

Pour l'employeur :   Charlene Hall, conseillère en relations de travail, et Me Kerry E.S. Boyd


(Décision rendue sans audience à partir
des soumissions écrites des parties.)


[1]   La fonctionnaire s'estimant lésée était chef d'équipe (AV-4) à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), à Calgary (Alberta). Mme McConnell était absente du travail pour des raisons médicales depuis le 31 janvier 2000 et, le 23 août 2002, l'employeur a envoyé à la fonctionnaire s'estimant lésée une lettre signée par le directeur du Bureau des services fiscaux de Calgary, Reid Corrigall, pour l'informer que l'ADRC avait l'intention de mettre fin à son emploi à compter du 4 septembre 2002, invoquant son incapacité médicale. Conformément à la lettre, la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée à la date prévue et, selon le grief, le relevé d'emploi indique que le motif du licenciement est la maladie ou une blessure subie au travail.

[2]   La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) le 6 novembre 2002 et la Commission a reçu l'avis de renvoi à l'arbitrage (formule 14) le 12 novembre 2002. Sur la formule 14, la fonctionnaire a indiqué qu'elle avait porté son grief au dernier palier du processus de règlement des griefs le 22 septembre 2002 et qu'à la date du renvoi elle n'avait obtenu aucune réponse. À l'article 15 de la formule 14, la fonctionnaire a précisé qu'elle renvoyait son grief à l'arbitrage conformément au sous-alinéa 92(1)b)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[3]   Parmi les documents accompagnant l'avis de renvoi de la fonctionnaire s'estimant lésée figurait une lettre datée du 6 novembre 2002 dans laquelle elle demandait à la Commission de [traduction] « ne fixer aucune séance de médiation ni audience pour le moment, puisque d'autres procédures quasi-judiciaires et judiciaires en cours risqueraient de faire double emploi avec les mesures prises par la Commission ». La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé que l'affaire soit mise en suspens jusqu'à ce que les autres procédures en cours soient terminées.

[4]   On a envoyé à l'employeur une copie de la lettre du 6 novembre 2002, de la formule 14 et de l'énoncé de grief en lui demandant d'informer la Commission de sa position à l'égard de la demande de mise en suspens présentée par la fonctionnaire s'estimant lésée.

[5]   Dans sa réponse datée du 15 novembre 2002, l'employeur fait valoir que la Commission n'a pas compétence pour entendre le grief, et ce, pour deux raisons : 1) le grief de Mme McConnell est maintenant traité dans le cadre du processus interne de règlement de griefs et la fonctionnaire s'estimant lésée n'a donc pas épuisé ce processus avant de recourir au renvoi, tel que l'exige le paragraphe 96(1) de la Loi; 2) le grief n'est pas visé par l'alinéa 91(1)c) de la LRTFP puisque l'ADRC est un employeur distinct. Par conséquent, l'employeur a demandé que la Commission rejette le renvoi à l'arbitrage.

[6]   Le 29 novembre 2002, la Commission a envoyé à la fonctionnaire s'estimant lésée une copie de la lettre de l'employeur du 15 novembre 2002 en lui demandant de présenter sa réponse sur la question de la compétence au plus tard le 17 décembre 2002. Le 19 décembre 2002, elle a informé la Commission qu'en raison d'un projet de voyage elle n'était pas en mesure de répondre à l'objection de l'employeur à l'égard de la compétence avant le 24 janvier 2003 et a demandé une prorogation de délai, demande qui lui a été accordée.

[7]   La Commission a reçu le 11 février 2003 la réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée, datée du 6 février 2003, à l'objection de l'employeur à l'égard de la compétence. En ce qui concerne l'allégation de l'employeur selon laquelle elle n'avait pas encore épuisé le processus interne de règlement des griefs avant de renvoyer son grief à la Commission, la fonctionnaire s'estimant lésée a joint une copie de la réponse de l'employeur au dernier palier datée du 17 janvier 2003. Mme McConnell a déclaré que l'objection de l'employeur sur ce point était donc sans objet. Quant au deuxième argument de l'employeur, la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que l'alinéa 91(1)c) n'existait pas et que l'argument de l'employeur était donc « invalide ». Elle a aussi précisé avoir confirmé avec les représentants de deux agents négociateurs que [traduction] « la CRTFP a le pouvoir de rendre une décision finale sur toute mesure disciplinaire entraînant le licenciement même si l'ADRC est un employeur distinct ».

[8]   En réponse à cette lettre, l'employeur a informé la Commission de ce qui suit dans une lettre datée du 17 février 2003 :

[Traduction]

Une erreur typographique s'est glissée dans la citation de l'alinéa 91(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Il aurait fallu faire référence à l'alinéa 92(1)c) de la Loi qui prévoit que, dans le cas d'un employeur distinct, seule une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire peut être renvoyée à l'arbitrage. Comme le licenciement de Mme McConnell n'était pas de nature disciplinaire, l'employeur soutient que la Commission n'a pas compétence en l'espèce.

La Commission a envoyé une copie de la lettre à la fonctionnaire s'estimant lésée le 27 février 2003.

[9]   Dans une lettre datée du 4 décembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à la Commission de fixer une date d'audience d'arbitrage. L'employeur a répondu à la demande d'audience de la fonctionnaire et, dans sa lettre datée du 22 décembre 2003, a réitéré son objection à l'égard de la compétence de la Commission pour entendre le grief et a demandé à la Commission de rendre une décision sur l'objection avant la tenue de toute audience dans cette affaire. Selon l'employeur, Mme McConnell a présenté un grief contestant son congédiement, pour des raisons d'incapacité, aux termes de l'alinéa 51(1)g) de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Loi sur l'ADRC) et la Commission n'a donc pas compétence pour entendre le grief. L'alinéa 51(1)g) de la Loi sur l'ADRC énonce ce qui suit :

51.(1) Par dérogation aux paragraphes 11(2) et (3) et à l'article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'Agence peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel :

g) prévoir, pour des motifs autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie...

Dans une lettre datée du 7 janvier 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a aussi demandé à la Commission de trancher la question de sa compétence avant la tenue de toute audience d'arbitrage. La fonctionnaire s'estimant lésée a précisé qu'elle préférait que la question soit traitée par écrit à partir de la correspondance déjà envoyée à la Commission par les deux parties concernées.

[10]   Le 12 janvier 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à la Commission en réponse à la lettre de l'ADRC du 22 décembre 2003. Dans sa lettre, Mme McConnell affirme ce qui suit :

[Traduction]

Je ne fais aucunement référence à la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada et indique que c'est l'ADRC qui m'a congédiée pour incapacité. Ce n'est pas moi qui présente un grief contestant mon congédiement pour des raisons d'incapacité.

En ce concerne l'argument de l'employeur relatif à l'alinéa 92(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la fonctionnaire s'estimant lésée écrit :

[Traduction]

Sur la formule 14, qui fait partie du grief que je présente à la CRTFP, je précise que mon grief vise à contester mon congédiement aux termes de l'alinéa 92(b)(1). Ce congédiement constitue une mesure disciplinaire.

Elle a donc soutenu que la Commission a compétence en l'espèce et a déclaré qu'elle voulait que la question de la compétence soit réglée le plus tôt possible.

[11]   Le 5 février 2004, la Commission a écrit aux parties pour les informer qu'elle accepterait leurs soumissions écrites, y compris toute allégation de fait, sur la question à savoir si le licenciement était de nature disciplinaire ou non.

[12]   La fonctionnaire s'estimant lésée a transmis sa soumission par télécopieur le 6 février 2004; il s'agit d'une copie de sa lettre du 6 février 2003. Des renvois au contenu de ces observations figurent au paragraphe 7 de la présente décision. La soumission de la fonctionnaire s'estimant lésée a ensuite été transmise à l'employeur et la Commission a reçu le 3 mars 2004 la soumisson de l'employeur, datée du 2 mars 2004. Une copie de la soumission de l'employeur a été envoyée à la fonctionnaire s'estimant lésée, à la fois par l'employeur et par la Commission.

[13]   Dans sa soumission, l'employeur relate que la fonctionnaire était absente du travail pour des raisons médicales depuis le 31 janvier 2000 et que, en août 2002, il a décidé de la licencier au motif suivant : [traduction] « votre incapacité de remplir vos fonctions pour cause de maladie. » En septembre 2001, Dr Jorundson de l'Agence d'hygiène et de sécurité au travail a informé l'ADRC que, d'après les rapports médicaux, la fonctionnaire s'estimant lésée ne devrait pas travailler pour l'Agence. Il a également déclaré qu'étant donné les récentes menaces de violence faites par la fonctionnaire s'estimant lésée, il avait l'intention de demander un autre examen médical. Le deuxième médecin a également conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée ne devrait pas travailler à l'Agence. Puis, en novembre 2001, Dr Jorundson a fait savoir à l'employeur que la fonctionnaire s'estimant lésée ne pouvait travailler dans aucun bureau de l'Agence, mais qu'elle était capable de travailler pour un autre organisme. Afin de préciser l'état de santé de la fonctionnaire s'estimant lésée, l'Agence a demandé qu'un nouvel examen médical indépendant soit mené pour évaluer son état, examen qui a été mené le 12 avril 2002 par un spécialiste de la Calgary Health Authority. Dans sa lettre du 23 août 2002, l'employeur a informé la fonctionnaire s'estimant lésée de ce qui suit :

[Traduction]

À ce jour, l'Agence n'a reçu ni renseignement à l'égard de cet examen, ni copie du rapport médical du spécialiste.

Il ajoute dans la même lettre :

[Traduction]

L'employeur a le droit et l'obligation de s'assurer que tout employé est médicalement apte à retourner au travail et à remplir les fonctions de son poste. Comme vous avez omis de fournir les renseignements nous permettant de déterminer si vous êtes apte à retourner au travail et à remplir les fonctions de votre poste, et que vous n'avez pas collaboré afin de régler cette question, je ne peux que conclure, d'après les renseignements médicaux dont dispose l'Agence, que vous n'êtes pas apte à retourner au travail afin de remplir les fonctions de votre poste d'attache. En outre, je ne dispose pour le moment d'aucune preuve me permettant de croire que vous pourrez retourner au travail dans un avenir prévisible.

L'employeur a ensuite informé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle serait licenciée aux termes de l'alinéa 51(1)g) de la Loi sur l'ADRC.

[14]   L'employeur a aussi joint à sa soumission un exemplaire du système de gestion des conflits de l'Agence et, plus particulièrement, des lignes directrices pour la présentation et le traitement d'une demande d'examen par une tierce partie indépendante (ETPI). Le processus d'ETPI a été mis sur pied par l'Agence aux termes du paragraphe 54(1) de la Loi sur l'ADRC qui énonce ce qui suit :

54(1) L'Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

Le processus permet donc l'examen par une tierce partie indépendante des licenciements pour incapacité.

[15]   Dans sa soumission, l'employeur a soutenu que seul l'alinéa 92(1)c) de la LRTFP pouvait s'appliquer au grief de Mme McConnell, étant donné que l'alinéa 92(1)a) ne s'applique qu'aux griefs portant sur l'interprétation et l'application d'une convention collective et que l'alinéa 92(1)b) ne s'applique qu'aux fonctionnaires de ministères ou de secteurs de l'administration publique nommés à la partie I de l'annexe I de la LRTFP ou désignés par décret pris au titre du paragraphe 92(4) de la LRTFP. L'employeur a également soutenu que le paragraphe 51(1) de la Loi sur l'ADRC (reproduit ci-dessus au paragraphe 9) confirme que le licenciement de Mme McConnell n'est pas visé par les alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[16]   L'employeur a aussi fait valoir que, dans un cas de licenciement non disciplinaire, une fois que l'employeur a présenté une preuve digne de foi indiquant un motif de renvoi valable à première vue, la Commission n'a plus compétence et le grief devrait être rejeté. L'employeur invoque la lettre de licenciement comme preuve de la nature non disciplinaire du licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée et souligne à nouveau dans sa soumission la preuve médicale portant sur l'aptitude à travailler de la fonctionnaire. Enfin, il soutient que la fonctionnaire s'estimant lésée, qui porte le fardeau de la preuve, n'a présenté aucune preuve ni aucun argument permettant d'établir que son licenciement par l'ADRC constituait un congédiement disciplinaire déguisé. L'employeur souligne que la soumission écrite de Mme McConnell sur la question de la compétence confirme plutôt que l'Agence l'a licenciée en raison de son incapacité.

[17]   La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé et obtenu une prorogation du délai de réplique jusqu'au 31 mars 2004.

[18]   Le 15 mars 2004, la Commission a reçu une lettre de la fonctionnaire s'estimant, demandant simplement que l'affaire soit mise en suspens jusqu'à nouvel ordre. L'employeur, qui a reçu une copie de la demande, a répondu, dans une lettre datée du 25 mars 2004, qu'il s'opposait fortement à la demande. L'employeur a souligné que le grief avait été renvoyé à l'arbitrage plus de 16 mois auparavant et que l'ADRC avait immédiatement demandé que le grief soit rejeté pour défaut de compétence. Néanmoins, l'affaire est restée en suspens pendant plus d'un an, jusqu'à ce que Mme McConnell demande à la Commission de fixer une date d'audience et de trancher la question de la compétence, indiquant qu'elle était empressée de procéder. Comme le souligne l'employeur, la dernière demande de la fonctionnaire s'estimant lésée ne comportait aucune justification. L'employeur a souligné que le retard accusé dans cette affaire avait déjà causé un préjudice à l'ADRC et que tout retard supplémentaire porterait atteinte à la capacité de l'ADRC de traiter cette affaire. L'employeur a aussi réitéré sa position quant au défaut de compétence de la Commission pour traiter cette affaire.

[19]   L'affaire a été renvoyée à la Commission et la fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu une autre prorogation jusqu'au 16 avril 2004 pour répondre à la soumission de l'employeur. On l'a informée que, si elle ne présentait pas de soumission, l'affaire serait tranchée à partir des documents versés au dossier à cette date. Comme la Commission n'a reçu aucune autre soumission sur la question, l'employeur et la fonctionnaire s'estimant lésée ont été informés que l'affaire avait été renvoyée à la Commission et serait tranchée à partir des documents versés au dossier.

Motifs de la décision

[20]   La question à trancher dans la présente affaire consiste à déterminer si un arbitre de la CRTFP a compétence pour entendre le grief déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée qui conteste son licenciement par l'ADRC.

[21]   L'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique énumère les circonstances dans lesquelles un grief peut être renvoyé à l'arbitrage et tranché par un arbitre. Mme McConnell a porté son grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, étant donné que son grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, la fonctionnaire s'estimant lésée a rempli la condition préalable à un renvoi à l'arbitrage tel que prévu au paragraphe 92(1) de la LRTFP. L'employeur a d'abord soulevé une objection concernant la possibilité de renvoyer le grief à l'arbitrage étant donné qu'il n'avait pas été porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable au moment du renvoi. Toutefois, la réponse de dernier palier de l'employeur a été fournie à la fonctionnaire s'estimant lésée après le renvoi à l'arbitrage et l'employeur n'a pas réitéré son objection depuis ce temps. Je comprends donc que l'employeur a abandonné son objection à l'égard de la compétence de la Commission et a plutôt décidé de s'en tenir à la détermination de la nature disciplinaire ou non du licenciement. Ayant établi que la fonctionnaire s'estimant lésée a rempli les conditions préalables au renvoi prévues au paragraphe 92(1), je me penche maintenant sur l'application des alinéas 92(1)a), b) et c) au présent grief.

[22]   De toute évidence, l'alinéa 92(1)a) de la LRTFP ne s'applique pas en l'espèce puisque le grief ne fait mention d'aucun article de la convention collective auquel on aurait contrevenu et la formule 14 remplie par la fonctionnaire s'estimant lésée indique que le renvoi à l'arbitrage a été demandé aux termes du sous-alinéa 92(1)b)(ii) seulement, et non de l'alinéa 92(1)a).

[23]   L'alinéa 92(1)b) ne peut s'appliquer au présent grief non plus puisque Mme McConnell n'est pas « un[e] fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I » (l'Agence des douanes et du revenu du Canada est un employeur nommé à la partie II de l'annexe I) « ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4) » (l'Agence n'a pas été ainsi désignée). En tant qu'employée d'un employeur distinct, Mme McConnell ne peut renvoyer son grief à la CRTFP aux termes de l'alinéa 92(1)b). Par conséquent, je conclus que la fonctionnaire ne peut se prévaloir de l'alinéa 92(1)b) afin de renvoyer son grief à l'arbitrage devant la CRTFP. Tel que déterminé ci-dessus, elle est l'employée d'un employeur distinct.

[24]   Quant à l'alinéa 92(1)c), il ne peut s'appliquer que si je conclus que le licenciement de la fonctionnaire découle d'une mesure disciplinaire prise contre elle par l'employeur. L'employeur a soutenu que le congédiement n'était absolument pas de nature disciplinaire, alors que la fonctionnaire s'estimant lésée a prétendu le contraire.

[25]   L'employeur a soulevé son objection préliminaire, en contestant la compétence de la Commission pour entendre le grief, très peu de temps après le renvoi du grief à l'arbitrage. Conformément à des décisions antérieures de la Commission, ainsi qu'à une décision de la Cour fédérale du Canada, il incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée de démontrer que son licenciement est en fait une mesure disciplinaire déguisée : Flynn c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la Commission 166-2-29015 (1999) (QL), Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238 (C.F. 1re inst.), Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2004 CRTFP 10, Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), dossier de la Commission 166-2-26613 (1996) (QL); Hamelin c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel), dossier de la Commission 166-2-19440 (1991) (QL).

[26]   Dans l'affaire Procureur général du Canada c. Leonarduzzi, [2001] 205 F.T.R. 238, la Cour fédérale du Canada a conclu que dans des cas comme celui en l'espèce, l'employeur n'a pas à produire une preuve prima facie d'un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve établissant que le licenciement est lié à l'emploi et non à un autre motif. Dans l'affaire dont je suis saisi, l'employeur a, dans divers documents, souligné de manière générale les faits sur lesquels il s'est fondé pour mettre fin à l'emploi de la fonctionnaire s'estimant lésée. Je conclus donc que l'employeur s'est acquitté de son fardeau initial, tel qu'il est établi, et a présenté des éléments de preuve valables visant à justifier le licenciement. Il incombe alors à la fonctionnaire s'estimant lésée de démontrer que les mesures prises par l'employeur étaient une imposture ou un subterfuge.

[27]   Quels sont les éléments de preuve qui permettent de démontrer que le licenciement était en fait une mesure disciplinaire déguisée? La fonctionnaire s'estimant lésée n'a malheureusement fourni à la Commission aucun élément de preuve à cette fin. En effet, sa correspondance avec la Commission contient plusieurs affirmations selon lesquelles son licenciement était de nature disciplinaire, mais rien de plus. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a présenté à la Commission aucun fait appuyant son allégation et le renvoi de son grief à l'arbitrage.

[28]   Par conséquent, je dois en conclure qu'un arbitre n'a pas compétence pour entendre la présente affaire. Le grief est donc rejeté.

Yvon Tarte,
président

Ottawa, le 1er juin 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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