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Résumé :

Suspension (une journée de travail) - Acte fautif (retard au travail) - Service correctionnel - Imposition d'ordres par l'employeur avant un quart de travail - le fonctionnaire s'estimant lésé travaille à l'établissement Leclerc depuis plus de 20 ans - le 29 avril 2002 survient un incident avant le début de son quart de travail prévu pour 16 h 00 - le fonctionnaire s'estimant lésé est assigné le 29 avril à l'hôpital Cité de la santé et le surveillant lui téléphone pour lui demander de s'y présenter pour 16 h 00 - malgré cet appel, le fonctionnaire s'estimant lésé se présente à l'établissement Leclerc vers 15 h 00 et demande au surveillant de lui fournir un véhicule pour se rendre à la Cité de la santé ou de lui payer ses frais de transport (kilométrage) - selon l'employeur, le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu un ordre clair de se rendre au travail à la Cité de la santé pour 16 h 00 et a refusé d'obéir en indiquant qu'il ne quitterait pas l'établissement Leclerc avant 16 h 00 - compte tenu des circonstances, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est vu imposer une sanction disciplinaire équivalant à une journée de travail - le fonctionnaire s'estimant lésé dépose un grief contestant la décision de l'employeur de lui imposer une suspension d'une journée - pour sa part, la représentante du fonctionnaire s'estimant lésé souligne qu'il est important de savoir si un ordre peut être donné à l'employé alors qu'il n'a pas débuté son quart de travail - elle souligne qu'en définitive, vers 15 h 55, le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté de se rendre à la Cité de la santé et qu'en ce sens, la sanction imposée par l'employeur, s'il y a lieu d'en imposer une, est trop sévère - la preuve a démontré que généralement les agents correctionnels se présentent à l'établissement avant leur quart de travail, ils vérifient la cédule de travail corrigée et discutent entre eux - s'il survient des discussions entre un agent et un surveillant, elles doivent se faire dans un cadre de respect qui vise à ne pas perturber le milieu de travail - dans les faits, le surveillant a indiqué au fonctionnaire s'estimant lésé que s'il maintenait sa position de ne quitter qu'à 16 h 00 et donc de volontairement arriver en retard sur son quart de travail à la Cité de la santé, il serait remplacé par quelqu'un d'autre pour assurer que le service se fasse à l'heure - l'arbitre de grief a souligné que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait pas invoquer sa propre turpitude - selon l'arbitre de grief, le fonctionnaire s'estimant lésé s'était placé dans une situation difficile pour une question de frais de transport représentant quelques dollars et il causait ainsi un tort à l'employeur en manifestant son intention de perturber le service et d'arriver en retard à la Cité de la santé - en définitive, le fonctionnaire s'estimant lésé est retourné chez lui le 29 avril et son salaire n'avait pas été coupé - c'était seulement par la suite qu'on lui a imposé une sanction disciplinaire équivalant à une journée de salaire - cette sanction fut réduite à 62,50 $ - l'arbitre de grief a conclu que la règle générale d'obéir et de faire un grief par la suite trouve toute son application dans le présent cas et que la sanction disciplinaire était justifiée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-07-11
  • Dossier:  166-2-31761
  • Référence:  2003 CRTFP 59

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ROBERT CLARE
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant:  Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé :   
Céline Lalande, avocate

Pour l'employeur :   Hélène Brunelle, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 22 et 23 mai 2003.


[1]      Robert Clare travaille à l'établissement Leclerc depuis plus de 20 ans. Le 29 avril 2002 survient un incident avant le début de son quart de travail prévu pour 16 h 00.

[2]      Compte tenu des circonstances, M. Clare se voit imposer une sanction disciplinaire équivalant à une journée de travail.

[3]      Le 6 juin 2002, M. Clare dépose un grief contestant la décision de l'employeur de lui imposer une « suspension d'une journée ».

[4]      Le grief est renvoyé à l'arbitrage le 26 novembre 2002 et l'audience a lieu le 22 mai 2003.

Les faits

[5]      M. Alain Bullett compte 26 ans d'ancienneté, dont 13 ans à titre de surveillant correctionnel. Il témoigne relativement aux événements survenus le 29 avril 2002 et dépose le rapport d'observation qu'il a rédigé le 30 avril 2002 (pièce E-1).

[6]      Le témoin explique que les horaires de travail sont préparés à l'avance cependant, il y a une révision la journée même pour palier aux absences et combler certains postes en cas d'urgence. Dans l'après-midi du 29 avril, il aide un collègue, M. Gauthier, surveillant en charge, à compléter l'horaire de travail pour le quart du soir débutant à 16 h 00.

[7]      Sur l'horaire officiel, M. Clare figure au poste 52, soit la fouille des détenus lors des visites du mercredi et du jeudi. Le 29 avril étant un lundi, le détenteur de ce poste est disponible pour être assigné ailleurs en remplacement.

[8]      Généralement, le poste 52 se voit assigner en remplacement dans un autre poste dans l'établissement Leclerc. Il peut cependant arriver qu'il soit assigné ailleurs, comme ce fut le cas le 29 avril.

[9]      Comme l'établissement Leclerc dessert aussi la région pour les besoins de placement de détenus en milieu hospitalier, deux postes sont prévus à l'hôpital Cité de la santé. D'ailleurs, une chambre spéciale y est aménagée de façon sécuritaire. D'autres chambres peuvent être utilisées selon le besoin et des agents y sont affectés.

[10]      M. Bullett a préparé les assignations et M. Gauthier a fait les appels téléphoniques aux remplaçants entre 13 h 00 et 14 h 00. Compte tenu de la pratique établie voulant que le poste 52 agisse comme dernier remplaçant, M. Clare est assigné le 29 avril à l'hôpital Cité de la santé et M. Gauthier lui téléphone pour lui demander de s'y présenter pour 16 h 00.

[11]      Malgré cet appel, M. Clare se présente à l'établissement Leclerc vers 15 h 00 et demande au surveillant M. Bullett de lui fournir un véhicule pour se rendre à la Cité de la santé ou de lui payer ses frais de transport (kilométrage).

[12]      M. Bullett vérifie à propos de la voiture et répond à M. Clare qu'il n'a pas à lui fournir de voiture ou lui payer de kilométrage compte tenu que la Cité de la santé est dans sa zone d'affectation. Il souligne que M. Clare a été prévenu à l'avance et qu'il est de sa responsabilité de se présenter à son travail pour 16 h 00.

[13]      Il est 15 h 40 lorsque M. Bullett demande à M. Clare de se rendre à la Cité de la santé. Ce dernier indique qu'il ne quitterait l'établissement Leclerc qu'à 16 h 00 pour se rendre ensuite à la Cité de la santé.

[14]      M. Bullett donne l'ordre à M. Clare de se rendre à son poste de travail à la Cité de la santé, sinon il serait suspendu. Ce dernier lui aurait rétorqué qu'il ferait mieux de le suspendre car il ne partirait qu'à 16 h 00 pour se diriger vers la Cité de la santé.

[15]      Vers 15 h 55, M. Clare change d'idée et prévient M. Bullett qu'il se rendra à la Cité de la santé. M. Bullett lui confirme alors qu'il est trop tard puisqu'on a demandé à quelqu'un de le remplacer et que de toute façon il est 15 h 55 et il ne pourrait être à 16 h 00 à son poste à la Cité de la santé.

[16]      Mme Louise Maillette est gérante d'unité à l'établissement Leclerc actuellement mais elle occupe cette fonction par intérim depuis octobre 2000. Informée de l'incident du 29 avril 2002, elle prend connaissance du rapport d'observation du surveillant Alain Bullett et rencontre M. Clare le 6 mai pour obtenir sa version de l'incident.

[17]      M. Clare l'informe que compte tenu que son quart de travail débute à 16 h 00, il n'avait pas à recevoir d'ordre avant.

[18]      Pour prendre sa décision, Mme Maillette se réfère au Code de discipline (pièce E-4) et souligne que l'employé qui se présente en retard au travail commet une infraction (article 5b). Elle considère que le premier devoir de M. Clare est de se rendre à l'heure au travail quitte à faire un grief s'il conteste la politique relativement au remboursement des frais de transport.

[19]      Compte tenu que l'employeur a dû remplacer M. Clare pour son quart de travail à la Cité de la santé, Mme Maillette considère qu'une pénalité de 125 $ est pleinement justifiée. Cette pénalité fut réduite à 62.50 $ par la suite. Il faut considérer aussi que M. Clare a été payé pour son quart de travail du 29 avril bien qu'il fut renvoyé chez lui par le surveillant. La pénalité vise à sanctionner son refus d'obéir à l'ordre et à compenser le tort qu'il a causé à l'employeur en l'obligeant à retenir les services d'un remplaçant.

[20]      De son coté, M. Clare expose qu'antérieurement, l'employeur a déjà remboursé les frais de transport lorsqu'il assigne un employé à la Cité de la santé. Cependant, depuis quelques années, l'employeur communique par téléphone avec les remplaçants ou autres employés disponibles pour leur indiquer leur lieu d'affectation.

[21]      M. Clare ne nie pas les faits; il soutient cependant qu'il trouve surprenant qu'on puisse lui imposer une suspension ou lui donner des ordres entre 15 h 00 et 15 h 50 alors que son quart de travail débute à 16 h 00.

[22]      Il dépose la cédule de travail « appel nominal » (pièce F-1) pour démontrer qu'il était bien assigné au poste 52, fouille de détenu, à l'établissement Leclerc.

[23]      Il convient que les autres jours que le mercredi et le jeudi, l'employeur l'assigne à faire du remplacement à un autre poste dans l'établissement. C'est pourquoi les employés sur le quart de 16 h 00 ont l'habitude de se rendre généralement à l'établissement Leclerc vers 15 h 30 pour examiner la cédule de travail et discuter entre eux à la salle de repos. Le 29 avril, il a cependant été avisé par téléphone de se rendre à la Cité de la santé pour son quart de travail.

[24]      Il souligne que la directive sur les voyages (pièce F-3) n'est pas précise sur le remboursement des frais de transport.

[25]      En conclusion, il explique avoir changé d'idée vers 15 h 55 après avoir téléphoné à son représentant syndical qui lui a conseillé d'aller au travail. M. Clare admet avoir pris quelques minutes avant d'accepter l'idée du représentant syndical.

[26]      M. Michel Blondin est CX-0I et compte plus de 30 ans de service. Il mentionne que le temps de parcours entre l'établissement Leclerc et la Cité de la santé est d'environ 10 minutes.

[27]      Il souligne avoir déjà été remboursé pour ses frais de déplacement afin de se rendre à la Cité de la santé. Relativement à l'incident du 29 avril 2002, il se souvient que vers 15 h 20, son collègue M. Clare et un surveillant discutent de la question de transport. Vers 15 h 40, M. Clare retourne dans la salle de repos et déclare avoir été suspendu alors qu'il n'est même pas en service.

[28]      Ronald Plante est agent à l'établissement Leclerc depuis 1998. Antérieurement, il a travaillé à Donnaconna et à Sept-îles. Il souligne qu'ailleurs qu'à l'établissement Leclerc il était remboursé pour son transport, notamment à Sept Iles. Il confirme les faits relativement à l'incident du 29 avril et souligne que c'est lui qui a conseillé à M. Clare de téléphoner à son représentant syndical. Selon M. Plante, le trajet entre l'établissement Leclerc et la Cité de la santé est de 15 minutes.

Plaidoiries

[29]      Selon l'employeur, M. Clare a reçu un ordre clair de se rendre au travail à la Cité de la santé pour 16 h 00 et a refusé d'obéir en indiquant qu'il ne quitterait pas l'établissement Leclerc avant 16 h 00.

[30]      M. Clare savait précisément qu'il devait travailler à la Cité de la santé et il est important qu'il s'y rende pour le début du quart de travail.

[31]      Si M. Clare désire contester la politique relative au frais de transport, il peut demander au syndicat de poser cette question à l'attention du Conseil national mixte.

[32]      Pour sa part, la représentante de M. Clare souligne qu'il est important de savoir si un ordre peut être donné à l'employé alors qu'il n'a pas débuté son quart de travail. Elle souligne qu'en définitive, vers 15 h 55, M. Clare a accepté de se rendre à la Cité de la santé et qu'en ce sens, la sanction imposée par l'employeur, s'il y a lieu d'en imposer une, est trop sévère.

Motifs de la décision

[33]      Le grief de M. Clare porte sur la sanction disciplinaire qui lui fut imposée. Je n'ai donc pas à examiner la question des frais de transport qui ne font pas l'objet du grief.

[34]      La question à déterminer est de savoir si M. Clare a commis un acte fautif et si l'employeur pouvait lui donner des ordres avant son quart de travail.

[35]      À mon sens, il faut prendre en considération que M. Clare est informé vers 14 h 00 qu'il doit se rendre à la Cité de la santé. Malgré cela il décide de se rendre vers 15 h 10 à l'établissement Leclerc et engage une discussion avec un surveillant relativement au transport.

[36]      La preuve a démontré que généralement les agents correctionnels se présentent à l'établissement avant leur quart de travail, ils vérifient la cédule de travail corrigée et discutent entre eux. S'il survient des discussions entre un agent et un surveillant, elles doivent se faire dans un cadre de respect qui vise à ne pas perturber le milieu de travail.

[37]      C'est M. Clare qui a initié les discussions et il en est ressorti un constat. M. Clare allait attendre jusqu'à 16 h 00 pour quitter l'établissement Leclerc et se diriger vers la Cité de la santé.

[38]      À ce moment vers 15 h 40, le surveillant M. Bullett indique à M. Clare qu'il doit penser à quitter plus tôt s'il veut arriver à temps à la Cité de la santé. Il ne s'agit nullement d'un commentaire déplacé mais plutôt d'un rappel à M. Clare que selon le Code de discipline, un employé doit se présenter à l'heure à son poste de travail.

[39]      Dans l'hypothèse où un employé se présente en habit civil dans la salle de repos 10 minutes avant le début de son quart de travail, il serait normal qu'un surveillant lui fasse remarquer que s'il reste vêtu ainsi, il n'entrera pas au travail à son quart.

[40]      Dans les faits, le surveillant a indiqué à M. Clare que s'il maintenait sa position de ne quitter qu'à 16 h 00 et donc de volontairement arriver en retard sur son quart de travail à la Cité de la santé, il serait remplacé par quelqu'un d'autre pour assurer que le service se fasse à l'heure.

[41]      M. Clare ne peut invoquer sa propre turpitude. Il s'est placé dans une situation difficile pour une question de frais de transport représentant quelques dollars. Il causait ainsi un tort à l'employeur en manifestant son intention de perturber le service et d'arriver en retard à la Cité de la santé.

[42]      En définitive, M. Clare retourne chez lui le 29 avril et son salaire n'est pas coupé.

[43]      C'est par la suite qu'on lui impose une sanction disciplinaire équivalant à une journée de salaire. Cette sanction fut réduite à 62.50 $. Vu sur un autre angle, on peut considérer que M. Clare a reçu 62.50 $ bien qu'il n'ait pas travaillé le soir du 29 avril 2002.

[44]      La règle générale d'obéir et de faire un grief par la suite trouve toute son application dans le présent cas et je crois que la sanction disciplinaire est justifiée. Je rejette donc le grief.

Jean-Pierre Tessier,
Commissaire

OTTAWA le 11 juillet 2003

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