Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Directives sur le service extérieur (D.S.E.) - Congé pour cause de blessure ou maladie attribuable à la mission - Maladie non endémique au Canada - Règlement du Conseil national mixte - Compétence - Groupe Service extérieur - à son retour de mission au Bénin, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait l'objet d'un diagnostique de trouble d'adaptation avec humeur dépressive - ses médecins traitants l'ont placée en arrêt de travail pendant une période de neuf mois et demi - pendant cette période, des tests cliniques ont établi qu'elle était porteuse du bacille de Koch (tuberculose) et un traitement préventif à l'Isoniazide lui a été prescrit - la fonctionnaire s'estimant lésée a connu des effets secondaires à l'Isoniazide et ce traitement a éventuellement été abandonné - l'employeur a demandé à Santé Canada, comme le prévoient les D.S.E. incorporées dans la convention collective, d'évaluer si l'arrêt de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée avait pour cause une maladie qui ne se serait pas produite ou n'est pas endémique au Canada - les D.S.E. stipulent que, en de telles circonstances, une absence n'est pas imputée aux crédits de congés acquis par un fonctionnaire - bien que Santé Canada ait reconnu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait été exposée au bacille de Koch par une personne infectée outre-mer, une telle exposition étant improbable au Canada, il a été évalué que l'arrêt de travail n'était pas couvert par les D.S.E. - à la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, cette évaluation a été révisée - Santé Canada a confirmé son évaluation - la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief demandant à l'employeur de lui rembourser les crédits de congés annuels et de maladie débités de sa banque de congés suite à l'évaluation de Santé Canada - la fonctionnaire s'estimant lésée a allégué que des problèmes de santé pendant sa mission au Bénin l'avaient laissée affaiblie et avaient causé son arrêt de travail - l'employeur a répondu que l'arbitre de grief devait se limiter à examiner comment l'employeur avait appliqué l'évaluation faite par Santé Canada - il a soutenu que réviser l'évaluation de Santé Canada aurait pour effet de modifier la convention collective - l'arbitre de grief a conclu qu'il avait compétence pour examiner l'interprétation des D.S.E. faite par Santé Canada, car limiter l'examen à l'application qu'a donnée l'employeur à cette interprétation équivaudrait à dénaturer le droit de présenter un grief - l'arbitre de grief a conclu que l'arrêt de travail causé par le trouble d'adaptation avec humeur dépressive dont souffrait la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas couvert par les D.S.E. - il a cependant conclu que les effets secondaires à l'Isoniazide avaient prolongé cet arrêt de travail de sept semaines et que cette période ouvrait droit aux avantages stipulés aux D.S.E. Grief accueilli, en partie. Décision citée :Sandes c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accises) , dossier de la C.R.T.F.P. 166-2-12658 (1982) (QL)..

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-07-21
  • Dossier:  166-2-31783
  • Référence:  2004 CRTFP 91

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

SUZANNE DUBOIS
fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence canadienne de développement international)


employeur

Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :   André Lortie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 10 février 2004.


[1]   Mme Suzanne Dubois a inscrit un grief contre son employeur en date du 1er novembre 2001. Ce grief conteste la décision de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) de lui refuser les avantages prévus à la directive 47 des « Directives sur le service extérieur » (D.S.E.). Mme Dubois demande que les crédits de congés annuels et de maladie qu'elle a utilisés pendant la période d'octobre 1998 à août 1999 lui soient remis.

[2]    Les parties ont admis, lors de l'audience, que les D.S.E. sont intégrées à la convention collective applicable au présent dossier. L'introduction aux D.S.E. prévoit à cet effet (pièce G-8) :

[...]

Les présentes lignes de conduites sont considérées comme étant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du Conseil national mixte [...]

[...]

[3]    L'agent négociateur de Mme Dubois a approuvé le renvoi de ce grief à l'arbitrage le 28 novembre 2002. La Commission a enregistré le renvoi à l'arbitrage le 2 décembre 2002.

[4]    Au début de l'audience, les parties ont admis que l'arbitre de grief a compétence pour trancher le présent grief. Ce recours à la procédure de grief est prévu à l'Introduction aux D.S.E. dans les termes suivants :

[...]

Dans le cas de prétendue interprétation ou application erronée du contenu de cette ligne de conduite, la procédure de règlements de griefs applicable à tous les fonctionnaires syndiqués, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, sera celle décrite à l'article 14.0 du règlement du Conseil national mixte [...]

[...]

D'autre part, le Règlement du Conseil national mixte (C.N.M.) précise la portée et la base de la procédure de redressement par griefs comme suit :

[...]

14.1.2 Tous les griefs présentés en vertu de la présente procédure de règlement des griefs sont tranchés en conformité avec l'esprit de la directive ou de la politique ayant donné lieu au litige.

14.1.3 Le fonctionnaire qui s'estime lésé par l'interprétation ou l'application, de la part de l'employeur, de toute directive ou politique qui a été acceptée par le Conseil et qui a été approuvée par l'organisme exécutif compétent du gouvernement, a le droit de présenter un grief.

[...]

De plus, le Règlement du C.N.M. précise, en son paragraphe 14.1.17, que le grief d'un fonctionnaire peut être renvoyé à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.) lorsqu'il n'a pas été réglé à la satisfaction du fonctionnaire selon la procédure prévue à l'article 14 du Règlement du C.N.M.

[5]    La directive 47 des D.S.E., dont la fonctionnaire s'estimant lésée réclame l'application à son endroit, se lit comme suit :

Partie VII - Jours fériés, congés et voyages personnels

DSE 47 - Congé pour cause de blessure ou maladie attribuable à la mission

Introduction

Toute absence attribuable à une blessure ou à une maladie qui, selon Santé Canada, ne se serait pas produite ou n'est pas endémique au Canada, n'est pas imputable aux crédits de congé acquis par un fonctionnaire, peu importe la localité où le fonctionnaire se trouve au moment de l'absence. Les autres absences attribuables à une blessure ou à une maladie non visée par la présente directive sont assujetties aux dispositions des conventions collectives ou des règlements appropriés.

Directive 47

47.01 Lorsque Santé Canada détermine qu'une maladie n'est pas endémique au Canada, l'administrateur général peut autoriser le fonctionnaire à prendre un congé en raison d'une maladie attribuable à la mission.

47.02 Lorsque Santé Canada détermine qu'une blessure a des conséquences qu'elle n'aurait normalement pas au Canada, l'administrateur général peut autoriser le fonctionnaire à prendre un congé en raison de ladite blessure pour une période plus longue que celle à laquelle donnerait normalement droit la même blessure au Canada.

47.03 Lorsqu'un fonctionnaire est absent pour cause de maladie attribuable à sa mission et non endémique au Canada ou en raison des suites d'une blessure qui n'aurait normalement pas eu les mêmes conséquences au Canada, son absence ne doit pas être imputée à ses crédits de congé de maladie acquis, quelle que soit sa localité d'affectation au moment de l'absence.

[6]    Un protocole d'entente déterminant les modalités d'affectation de Mme Dubois de l'ACDI au groupe SECOR est intervenu le 26 septembre 1995 (pièce G-2). Mme Dubois exerçait les fonctions de gestionnaire de projet à Cotonou, au Bénin, pour une durée de trois ans, à compter du 18 septembre 1995.

[7]    Durant son séjour au Bénin de 1995 à 1998, Mme Dubois a subi des crises de paludisme (malaria) à plusieurs reprises, dont certaines très sévères. Elle a été traitée par Halfan ou Artemux, la quinine étant mal supportée. Le rapport de la Dre Anne-Marie Caudron-Tidjani, daté du 23 août 1999, précise aussi que Mme Dubois a souffert d'une très violente intoxication alimentaire en juin et juillet 1998, qui a nécessité un traitement d'urgence. Elle est restée très affaiblie par cet épisode (pièce G-4). Les parties ont reconnu, lors de l'audience, que la malaria (paludisme) et la tuberculose sont des maladies non endémiques au Canada.

[8]    Le dernier jour de travail de Mme Dubois à son poste au Bénin est le 30 juin 1998. Elle est de retour au Canada le 1er juillet 1998 et reprend son travail à l'ACDI le 31 août 1998 (pièce E-1). Mme Dubois s'absente du travail pour raison d'invalidité à compter du 20 octobre 1998. Son médecin traitant, la Dre Nadine Ostiguy, a posé un diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive et lui a demandé de passer des tests de laboratoire, vu qu'elle arrive d'Afrique. La période d'invalidité a été prolongée successivement jusqu'au 3 août 1999. La Dre Ostiguy note en son rapport daté du 13 juin 2000 la chronologie des consultations de Mme Dubois et l'évolution de son invalidité jusqu'à la consolidation le 3 août 1999 (pièce G-5).

[9]    Le rapport médical en date du 13 juin 2000 (pièce G-5) révèle que le diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive, posé par la Dre Ostiguy le 20 octobre 1998, repose sur la déclaration de sa cliente, qui dit subir du harcèlement au travail. Les symptômes d'épuisement (pleure facilement; manque de concentration et d'énergie) ne sont pas documentés par les résultats des tests qui auraient été subis par Mme Dubois. Seul un résultat positif au test P.P.D., démontrant qu'elle est porteuse du bacille de Koch, est mentionné au rapport de la Dre Ostiguy. Tous les autres tests présentent des résultats normaux (sans toutefois préciser tous les tests passés), et ce, jusqu'au 13 avril 1999, alors que la Dre Ostiguy cesse sa pratique pour une période de congé de maternité. De plus, il est précisé à la pièce G-5 que le Dr Foccroulle diagnostique de nouveau un trouble d'adaptation avec humeur dépressive le 18 mai 1999, alors que Mme Dubois dit vivre encore du harcèlement de la part de son patron. Le 17 juin 1999, elle précise au Dr Nappert qu'elle vit du harcèlement au travail et d'autres stresseurs et qu'elle a des effets secondaires à l'I.N.H. (Isoniazide) Ces malaises reliés aux effets secondaires ont cessés depuis l'arrêt du traitement à l'I.N.H. le 25 juillet 1999, tel qu'elle le mentionne au Dr Nappert lors de la rencontre du 19 août 1999. En novembre 1998, Mme Dubois a un résultat positif au test P.P.D., c'est-à-dire qu'elle est porteuse du bacille de Koch (pouvant causer la tuberculose) qu'elle a contracté suite à un contact avec une personne atteinte de tuberculose lors de sa mission au Bénin. Elle est cependant asymptomatique (pièce G-5). Un traitement préventif contre la tuberculose lui est prescrit par la Dre Ostiguy, qui débute le 25 janvier 1999. Mme Dubois est informée des effets secondaires et des symptômes reliés, pour lesquels elle doit nécessairement re-consulter. Lors de visites de contrôle avec ses médecins traitants, en février et avril 1999, aucun effet secondaire n'est identifié et Mme Dubois précise qu'elle tolère bien son traitement.

[10]    Depuis le début de son invalidité, le diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive est établi et a été maintenu tout au long de la période d'invalidité. Ce diagnostic est confirmé par le Dr Foccroulle le 18 mai 1999. La Dre Ostiguy note en plusieurs endroits de son rapport des éléments stresseurs qui sont portés à sa connaissance par sa cliente : harcèlement au travail; hébergement de son frère présentant des problèmes de santé mentale; fardeau financier. Mme Dubois se plaint de symptômes de grippe (février 1999) et d'avoir de la fièvre (mai 1999). Le 17 juin 1999, Mme Dubois consulte le Dr Nappert et mentionne qu'elle subit des effets secondaires (non précisés) à l'I.N.H.. La période d'invalidité qui devait prendre fin le 20 juin 1999 est alors prolongée par le Dr Nappert jusqu'au 3 août 1999. Elle a cessé de prendre l'I.N.H. le 25 juillet 1999 et il semble qu'elle ne ressent plus d'effets secondaires depuis. Les 19 et 27 août 1999, elle rencontre le Dr Nappert pour identifier les effets secondaires qu'elle associait à l'I.N.H. (pièce G-5).

[11]    Le Dr Patrick Barnabé a témoigné pour Mme Dubois lors de l'audience. Mme Dubois n'a pas demandé qu'il soit considéré comme un témoin expert. Le Dr Barnabé a été le médecin traitant de Mme Dubois de 1967 à 1990. Pendant cette période, Mme Dubois avait tendance à souffrir d'anémie chronique, son sang présentant un taux d'hémoglobine ou d'hématocrite inférieur à la norme. Des résultats d'analyse apparaissant à son dossier montrent des taux d'hémoglobine de 114 le 19 janvier 1978 et de 116 le 5 août 1990. Le taux normal se situe entre 115 et 117.

[12]    En juillet 2000, Mme Dubois consulte de nouveau le Dr Barnabé et lui demande son avis relativement à la nature de son incapacité pour la période du 20 octobre 1998 au 3 août 1999, suite à son retour du Bénin. Le Dr Barnabé à étudié le rapport produit par la Dre Ostiguy (pièce G-5) et les diverses attestations et analyses effectuées au dossier de Mme Dubois pour déduire qu'elle souffrait d'anémie lors de son retour du Bénin.

[13]    Selon le Dr Barnabé, les crises de paludisme et l'intoxication alimentaire dont a souffert Mme Dubois au Bénin, précisées au rapport de la Dre Caudron-Tidjani (pièce G-4), auraient créé un état d'épuisement général au moment de son retour au Canada. Le paludisme entraîne une hémolyse (destruction des globules rouges du sang), créant une situation d'anémie. Les résultats des tests effectués le 14 avril 1999 montrent un taux d'hémoglobine de 122 et un taux d'hématocrite de 0,36 (pour un taux normal entre 0,33 et 0,47). Le taux d'hémoglobine est à 119 le 9 avril 2003 et celui d'hématocrite est à 0,35. Selon le Dr Barnabé les résultats des tests, tant avant qu'après l'affectation de Mme Dubois au Bénin, démontrent que Mme Dubois est anémique ou est proche de la normale et indiquent un diagnostic de tendance à l'anémie chronique.

[14]    À son retour d'Afrique, Mme Dubois était épuisée physiquement, selon le Dr Barnabé. Il considère que le diagnostic posé au Bénin était exact au regard des crises de paludisme et qu'elle aurait dû être traitée à la quinine. Le Dr Barnabé ne croit pas que la quinine était mal supportée, car l'Halfan et l'Artemux qui lui ont été prescrits sont des dérivés de la quinine. À son retour au Canada, Mme Dubois aurait eu une récidive de paludisme et s'est soignée elle-même, sans consultation médicale, avec l'arsenic qui lui restait. Le Dr Barnabé précise que l'ACDI devrait forcer des examens médicaux et des prises de sang dès le retour au pays. Mme Dubois a consulté un médecin près de quatre mois après son retour seulement et des tests dès son arrivée au pays auraient pu établir l'état d'anémie assez ou très sévère dont elle souffrait à ce moment.

[15]    Dans sa correspondance du 23 octobre 2002, le Dr Barnabé conclut que l'état d'anémie sévère dont souffrait Mme Dubois à son arrivé a été aggravé par le traitement à l'I.N.H., qui a fait déborder le vase. L'anémie dont souffrait Mme Dubois a joué sur son coté affectif à cause du stress. Le Dr Barnabé, en sa lettre du 23 octobre 2002, conclut comme suit son évaluation du dossier (pièce G-6) :

[...]

      Donc, lorsque je dis dépression majeure, il y a certes dépression, mais une dépression et un stress psychologique secondaire associé à un état d'épuisement physique dû aux conditions sévères et inhabituelles de son existence en Afrique. Madame Dubois n'était donc pas en condition de reprendre son travail à son retour au Canada pour des raisons strictement physiques.

[...]

[16]    En contre-interrogatoire, le Dr Barnabé précise qu'il a basé son évaluation sur les rapports des Dres Ostiguy et Caudron-Tidjani. Il a été informé des problèmes de harcèlement au travail soulevés par Mme Dubois, mais n'était pas informé d'accusations portées contre Mme Dubois au Bénin, ni de problèmes reliés au fait qu'elle hébergeait son frère présentant un problème de santé mentale. Il n'a pas été informé des problèmes financiers qu'aurait eu à affronter Mme Dubois. Il ne se souvient pas s'il a été informé du décès de la mère de Mme Dubois.

[17]    Suite à la demande de Mme Dubois de lui appliquer les avantages prévus à la directive 47 des D.S.E., l'employeur a référé le dossier à l'Agence d'hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada le 6 avril 2000 (pièce E-2). L'objet de cette démarche y est précisé comme suit :

[...]

L'objectif du rendez-vous demandé pour Mme Dubois est de déterminer si les absences de travail de Mme Dubois (octobre 98/août 99) sont attribuables à une blessure ou à une maladie, qui selon Santé Canada, ne se serait pas produite ou n'est pas endémique au Canada. Je joins, pour votre information, une copie de la directive du service extérieur 47 (DSE 47).

[...]

[18]    Santé Canada répond à la demande le 21 juin 2000, dans les termes suivants (pièce E-3) :

[...]

À son retour du Bénin, Mme Dubois a été traitée préventivement pendant quelques mois pour une condition secondaire à une exposition à une personne infectée outre-mer (en effet une telle exposition est plutôt improbable au Canada). Ce traitement médical reçu par Mme Dubois normalement n'impose pas d'absence du travail.

Les renseignements médicaux dont nous disposons ne nous permettent pas d'affirmer que les symptômes qui ont causé son absentéisme étaient attribuables à une maladie telle que spécifiée par le DES (sic) 47.01 et DES (sic) 47.02.

[...]

[19]    Au mois de mars 2001, le Dr Barnabé a fait parvenir à Santé Canada de l'information additionnelle en regard du dossier de Mme Dubois. L'employeur a demandé à Santé Canada de réévaluer le cas à la lumière des nouvelles informations le 4 avril 2001 (pièce E-5). Le dossier a été transmis au Comité médical aviseur du programme d'hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada, qui a conclu comme suit (pièce E-6) :

[...]

Le Comité a donc étudié le dossier de Madame Dubois à sa session du 25 septembre, 2001 et a conclu « qu'il n'y avait pas d'évidence de maladie, de condition médicale, ou d'effets secondaires reliés à de la médication qui rencontrent la définition de DES [sic] 47. »

[...]

[20]    L'employeur a refusé à Mme Dubois les avantages de la directive 47 des D.S.E. sur la base de cette conclusion de Santé Canada. Mme Dubois a contesté cette décision de son employeur par grief le 1er novembre 2001.

[21]    La correspondance du Dr Barnabé à Santé Canada le 23 octobre 2002 est postérieur au grief de Mme Dubois, qui est en date du 1er novembre 2001 (pièce G-6).

[22]    Le Comité des directives sur le service extérieur du C.N.M. a été saisi du grief de Mme Dubois. Le Comité a procédé à l'étude de ce dossier et le procès verbal de la réunion tenue le 25 juin 2002 précise sa recommandation comme suit (pièce G-1) :

[...]

Recommandation du Comité

Le Comité étudie soigneusement la documentation qu'on lui a remise dans son analyse de l'exposé présenté au nom de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il conclut qu'on n'a pas prouvé que son absence pour raisons de maladie était attribuable à la mission, comme il aurait fallu le faire pour qu'elle puisse bénéficier des avantages de la DSE 47 - Congé pour cause de blessure ou de maladie attribuable à la mission. Il recommande donc que le grief soit rejeté.

[...]

[23]    Le comité exécutif du C.N.M. a été saisi de cette recommandation lors de sa réunion tenue le 5 septembre 2002. La décision est exposée au procès verbal, déposé comme pièce E-7, comme suit :

[...]

La fonctionnaire a présenté un grief pour protester contre la décision de l'employeur de refuser qu'elle bénéficie de la DSE 47 - Congé pour cause de blessure ou maladie attribuable à la mission, pour la période d'octobre 1998 à août 1999. Elle a demandé que l'employeur approuve son congé pour cause de blessure ou maladie attribuable à la mission et lui rembourse ses crédits de congé annuel et de congé de maladie pour la période en question.

[...]

Le Comité exécutif étudie et approuve le rapport du Comité des directives sur le service extérieur, qui a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée a été traitée conformément à l'esprit de la Directive. Il n'a pas été prouvé que son absence pour cause de maladie était attribuable à la mission, conformément à la DSE 47 - Congé pour cause de blessure ou maladie attribuable à la mission. Le grief est donc rejeté.

[...]

[24]    Mme Dubois avait présenté une demande à la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (C.S.S.T.), le 19 avril 1999. Cette demande visait à faire considérer les problèmes de santé qu'elle a subis suite à son affectation au Bénin comme maladie professionnelle (pièce G-3). Cette demande a été refusée le 7 septembre 1999 et a été contestée le 20 septembre 1999. Le refus d'accorder la demande a été maintenu suite à une révision administrative et un avis en ce sens a été transmis à Mme Dubois le 9 août 2000 (pièce E-4).

[25]    La Norme d'évaluation de santé professionnelle en vigueur au moment du grief a été déposée par l'employeur comme pièce E-9. Il est admis que Mme Dubois et ses personnes à charge n'ont pas bénéficié des évaluations de santé précisées au point 19 de l'annexe A de la Norme d'évaluation de santé professionnelle.

Arguments

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[26]    Les D.S.E. reconnaissent, selon le principe de l'équivalence, que les fonctionnaires en service à l'étranger ne devraient être ni plus ni moins favorisés que s'ils travaillaient au Canada. D'autre part, la directive 47.03 des D.S.E. précise :

47.03 Lorsqu'un fonctionnaire est absent pour cause de maladie attribuable à sa mission et non endémique au Canada ou en raison des suites d'une blessure qui n'aurait normalement pas eu les mêmes conséquences au Canada, son absence ne doit pas être imputée à ses crédits de congé de maladie acquis, quelle que soit sa localité d'affectation au moment de l'absence.

[27]    Selon l'évaluation du dossier effectuée par le Dr Barnabé, Mme Dubois présentait des problèmes de santé lors de son retour du Bénin. Ces problèmes de santé découlaient des crises de malaria et de l'intoxication alimentaire sévère qu'elle avait subies lors de sa mission et qui lui ont causé une anémie démontrée par les divers symptômes précisés dans les rapports médicaux déposés en preuve (asthénie, fatigue, maux de tête, etc.).

[28]    Selon le Dr Barnabé, l'anémie découle des crises successives de malaria et a été accentuée par le traitement en prophylaxie duquel Mme Dubois a subi des effets secondaires. Le Dr Barnabé a clairement précisé qu'il présume de l'anémie de Mme Dubois lors de son retour au Canada, alors qu'elle avait été affaiblie par les crises de malaria et présentait, avant comme après sa mission, une tendance chronique à l'anémie.

[29]    Selon le Dr Barnabé, s'il y avait eu absence de crises de malaria, il n'y aurait pas eu d'anémie. Selon lui, la dépression que Mme Dubois présentait est un stress psychologique secondaire associé à l'état d'épuisement physique découlant de son séjour au Bénin et l'a rendu incapable de reprendre son travail.

[30]    La malaria, l'intoxication alimentaire et la tuberculose ne sont pas des maladies endémiques au Canada et l'invalidité de Mme Dubois est reliée directement à ces éléments. Lors de son retour du Bénin, l'ACDI n'a pas demandé à Mme Dubois de passer des examens médicaux et ceci représente une faute grave selon le Dr Barnabé. Mme Dubois a consulté un docteur en pratique privée après avoir ressenti des problèmes de santé qui ont été identifiés comme liés à une dépression, alors que cet état découlait clairement de l'anémie causée par les crises de malaria. Sa demande de maladie professionnelle effectuée auprès de la C.S.S.T. présente l'ensemble de la problématique reliée à la malaria, la tuberculose et l'intoxication alimentaire. L'ensemble de la problématique ressort aussi du rapport de la Dre Ostiguy.

[31]    Mme Dubois a démontré que son absence au travail pour toute la période s'étendant du 20 octobre 1993 au 3 août 1999 est attribuable à une maladie non endémique au Canada. Les avantages prévus à la directive 47 des D.S.E. doivent donc lui être appliqués et le grief accueilli en conséquence.

Pour l'employeur

[32]    La seule question qui doit être considérée par l'arbitre de grief est de savoir si l'employeur a appliqué correctement la directive 47 des D.S.E. Selon les termes de la directive 47, c'est Santé Canada qui détermine si le problème de santé présenté par un fonctionnaire découle d'une maladie qui n'est pas endémique au Canada. L'employeur ne peut accorder un congé selon la directive 47 que lorsque Santé Canada détermine que l'absence est pour cause de maladie attribuable à sa mission et non endémique au Canada. La directive convenue entre les parties fait en sorte qu'elles s'en remettent à Santé Canada en de tels cas.

[33]    Suite à la demande de Mme Dubois réclamant que les avantages de la directive 47 des D.S.E. lui soient appliqués, en avril 2000, l'employeur a transmis la demande à Santé Canada. Suite à l'évaluation du dossier médical, une décision négative est rendue par Santé Canada. De nouvelles informations sont alors fournies par le Dr Barnabé et une demande de rouvrir le dossier a été faite par l'employeur auprès de Santé Canada, le 4 avril 2001. Le comité aviseur a procédé à un nouvel examen et est parvenu à la même conclusion le 18 octobre 2001.

[34]    Sur la seule base que les D.S.E. prévoient clairement que les parties s'en remettent à Santé Canada pour trancher la problématique en de telles situations, le grief devrait être rejeté. La révision, par l'arbitrage de grief, de la décision rendue par Santé Canada irait à l'encontre de cette volonté précisée à la directive 47 des D.S.E. Le paragraphe 96(2) de la L.R.T.F.P. empêche qu'une décision sur un grief puisse avoir un tel effet.

[35]    La compétence de l'arbitre de grief est limitée par le paragraphe 96(2) de la L.R.T.F.P., qui précise :

En jugeant un grief, l'arbitre ne peut rendre une décision qui aurait pour effet d'exiger la modification d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

[36]    Cette limitation au pouvoir de l'arbitre de grief a été considéré dans la décision Janowitz c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossier de la C.R.T.F.P. 166-2-14154 (1983) (QL). La même référence au pouvoir de l'arbitre de grief a été prise en considération dans la décision Sandes c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier de la C.R.T.F.P. 166-2-12658 (1982) (QL). Au présent dossier, il faut s'en tenir à ce que les parties ont négocié aux D.S.E., qui prévoient clairement que Santé Canada détermine si le congé est pour cause de maladie attribuable à la mission et non endémique au Canada. L'arbitre de grief ne doit pas substituer sa propre évaluation à celle de Santé Canada.

[37]    D'autre part, Mme Dubois a le fardeau de démontrer que Santé Canada a fait une erreur dans l'évaluation de son dossier. Elle n'a pas démontré quel élément de l'évaluation de Santé Canada est erroné. Elle n'a pas appelé le Dr Coulombe (Santé Canada) comme témoin au présent dossier, alors qu'elle était en mesure de le faire. Elle a présenté une preuve indirecte, qui suggère que sa période d'absence est due à une maladie contractée au Bénin.

[38]    Le témoignage du Dr Barnabé est peu crédible, étant basé sur des suppositions et reposant sur des approximations et des éventualités. Il a rencontré Mme Dubois trois ans après son retour du Bénin. Il se base sur certaines parties des rapports médicaux des Dres Ostiguy et Caudron-Tidjani et en conteste certaines autres. Par exemple, il se dit d'accord avec le diagnostic de paludisme, mais se dit en désaccord avec le traitement; tout comme il est d'accord avec le diagnostic de tuberculose « dormante », mais en désaccord avec le traitement à l'I.N.H. D'une part, il soumet que le travail des médecins traitants, tant au Bénin qu'au Canada, a été bâclé, tout en admettant que l'évaluation qu'il a fait parvenir à Santé Canada en mars 2001 n'était pas complète, une clarification ayant dû être effectuée le 23 octobre 2002.

[39]    Les conclusions tirées par le Dr Barnabé créent une controverse sur le diagnostic de la Dre Ostiguy, basé sur le propre rapport de la Dre Ostiguy. De plus, le Dr Barnabé ignorait les éléments stresseurs, tels l'hébergement par Mme Dubois de son frère présentant un problème de maladie mentale, le fardeau financier, la mère décédée ou les accusations contre Mme Dubois au Bénin. Les conclusions auxquelles arrive le Dr Barnabé ne sont pas crédibles lorsqu'on considère que Mme Dubois a travaillé environ deux mois avant de consulter la Dre Ostiguy, et ce, près de quatre mois après son retour au Canada. Si son anémie avait été aussi grave que le suppose le Dr Barnabé, Mme Dubois aurait consulté un docteur bien avant et aurait été incapable de travailler.

[40]    L'employeur soumet que l'arbitre de grief doit considérer avec beaucoup de déférence les décisions rendues par le Comité des directives sur le service extérieur du C.N.M. (le 25 juin 2002) et par le comité exécutif du C.N.M. (le 5 septembre 2002). Ces deux décisions proviennent d'instances formées de représentants, tant de la partie patronale que de la partie syndicale. Le grief de Mme Dubois a été rejeté par des instances paritaires et il ne s'agit pas d'une décision unilatérale de l'employeur. Cet élément a été considéré dans la décision Sandes c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise) (supra).

[41]    L'arbitre de grief ne peut pas donner droit au grief au présent dossier en l'absence de mauvaise foi de l'employeur et(ou) de Santé Canada. La bonne foi découle nécessairement du fait que l'employeur et Santé Canada ont accepté de réévaluer le dossier à la demande de Mme Dubois et des nouveaux éléments soumis par le Dr Barnabé.

[42]    En conséquence, l'employeur demande le rejet du grief.

Motifs de la décision

[43]    Les D.S.E. sont élaborées en consultation avec les représentants de l'employeur et ceux des agents négociateurs au sein du C.N.M., tel qu'il est précisé à l'introduction des D.S.E. (pièce G-8). Ces D.S.E. sont intégrées à la convention collective, tel que précisé à la sous-clause 39.05(a), et les parties l'ont admis lors de l'audience.

[44]    Suivant l'introduction des D.S.E., la procédure de règlement des griefs décrite à l'article 14 du Règlement du C.N.M. est celle applicable dans les cas d'interprétation ou d'application prétendue erronée du contenu des D.S.E. Ainsi, le fonctionnaire qui s'estime lésé par l'interprétation ou l'application, de la part de l'employeur, d'une directive a le droit de présenter un grief sur la base du paragraphe 14.1.3 du Règlement du C.N.M.

[45]    De plus, les griefs présentés en vertu de cette procédure doivent être tranchés en conformité avec l'esprit de la directive ayant donné lieu au litige selon le paragraphe 14.1.2 du Règlement du C.N.M.

[46]    Le Règlement du C.N.M. précise que le grief peut être renvoyé à l'arbitrage conformément aux dispositions de la L.R.T.F.P. lorsque le grief n'a pas été réglé à la satisfaction du fonctionnaire.

[47]    Au présent dossier, Mme Dubois conteste la décision de l'employeur de lui refuser les avantages de la directive 47 des D.S.E. Elle a soumis que son absence pour toute la période située entre le 20 octobre 1998 et le 3 août 1999 est attribuable à une maladie couverte par la D.S.E. 47. Elle conteste ainsi la décision de Santé Canada, qui a conclu le contraire le 21 juin 2000. Une révision par le Comité médical aviseur du programme d'hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada a réévalué la demande et conclu, le 25 septembre 2001, dans les termes suivants :

[...]

[...] qu'il n'y avait pas d'évidence de maladie, de condition médicale, ou d'effets secondaires reliés à de la médication qui rencontrent la définition de DES [sic] 47.

[...]

[48]    Selon l'admission des parties lors de l'audience, l'employeur a refusé de ne pas imputer aux crédits de congé acquis par Mme Dubois ses absences pour la période d'octobre 1998 à août 1999. Je dois décider si cette décision de l'employeur a été effectuée dans le respect des stipulations de la D.S.E. 47 et en conformité avec l'esprit de cette directive. Je dois aussi évaluer si Santé Canada a bien appliqué l'esprit de ses directives en rendant les deux décisions précitées. Je ne peux pas restreindre l'étude du grief à la seule question à savoir si l'employeur a donné suite correctement à la décision de Santé Canada, ce qui aurait pour effet de limiter le grief à la seule question d'exécution de la décision de Santé Canada (suivant en cela l'argument soumis par l'employeur). La procédure de grief prévue à l'introduction des D.S.E. porte sur l'ensemble des éléments de la directive pouvant porter à interprétation et à application. La détermination que l'absence est attribuable à une maladie non endémique au Canada et attribuable à la mission est à la source du droit conféré au fonctionnaire, tout comme l'application qu'en fait l'employeur en imputant ou non cette absence aux crédits de congé acquis par ce fonctionnaire. Je dois donc considérer chacun de ces éléments en litige au présent dossier. Je ne peux pas, sans dénaturer le droit de recours au grief, le restreindre à la seule question d'application. La décision Sandes c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise) (supra), portant sur la directive concernant les voyages, ne peut pas recevoir application au présent dossier.

[49]    Les évaluations et rapports médicaux effectués par la Dre Caudron-Tidjani et par la Dre Ostiguy démontrent que Mme Dubois a subi plusieurs crises de malaria et une intoxication alimentaire violente pendant son séjour au Bénin. En plus, il n'a pas été contesté que Mme Dubois est porteuse du bacille de Koch, suite au contact lors de sa mission avec des personnes souffrant de la tuberculose, tel que le démontre le résultat des tests précisé au rapport de la DDrere Ostiguy. Les parties ont reconnu, lors de l'audience, que la malaria (paludisme) et la tuberculose sont des maladies non endémiques au Canada.

[50]    Il me faut donc déterminer si la période d'absence du travail est attribuable au paludisme ou à la tuberculose dans le présent cas. La chronologie des événements, telle qu'elle m'a été présentée lors de l'audience, me permettra de cerner cette question. Mon évaluation de la chronologie des événements me permet de distinguer deux périodes consécutives d'absentéisme : la première s'étendant du 20 octobre 1998 au 16 juin 1999 pour des raisons de trouble d'adaptation avec humeur dépressive et, la seconde allant du 17 juin au 3 août 1999, pour laquelle s'ajoutent des effets secondaires au traitement par I.N.H.

[51]    Je pourrais bien déduire que, à son retour au Canada, le 1er juillet 1998, tout comme au moment de son retour au travail, le 31 août 1998, Mme Dubois pouvait présenter des signes d'épuisement ou de faiblesse pouvant être symptomatiques d'un état chronique d'anémie ou d'anémie accentuée par les crises successives de malaria suivies d'une intoxication alimentaire sévère. Une conclusion en ce sens ne peut être confirmée que par une analyse sanguine démontrant, à ces dates, un taux d'hémoglobine et/ou d'hématocrite inférieur à la norme. Les résultats des tests auxquels a référé le Dr Barnabé lors de son témoignage sont de janvier 1978, d'août 1990, du 14 avril 1999 et du 9 avril 2003. Aucun résultat de test sanguin ne soutient un diagnostic d'anémie lors du retour au travail de Mme Dubois, et qui pourrait découler des crises de malaria ou d'intoxication alimentaire.

[52]    Le fait que Mme Dubois a pu travailler du 31 août au 20 octobre 1998 démontre qu'elle avait les capacités d'effectuer ses fonctions pendant cette période, bien qu'il soit raisonnable de croire qu'elle ait pu rester affaiblie au retour du Bénin. L'hypothèse du Dr Barnabé à l'effet que Mme Dubois souffrait d'anémie l'empêchant d'effectuer ses fonctions à cette période ne peut donc pas être retenue.

[53]    Le diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive posé par la Dre Ostiguy le 20 octobre 1998 repose sur la déclaration de sa cliente qui dit subir du harcèlement au travail. Les symptômes d'épuisement (larme facile; manque de concentration et d'énergie) ne sont pas supportés par le résultat de tests subis par Mme Dubois. Seul un résultat positif au test P.P.D., démontrant qu'elle est porteuse du bacille de Koch, est mentionné au rapport de la Dre Ostiguy. Tous les autres tests présentent des résultats normaux (sans toutefois préciser tous les tests administrés) et ce, jusqu'au 13 avril 1999, alors que la Dre Ostiguy cesse sa pratique pour une période de congé de maternité.

[54]    Le Dr Foccroulle diagnostique de nouveau un trouble d'adaptation avec humeur dépressive le 18 mai 1999, alors que Mme Dubois dit vivre encore du harcèlement de la part de son patron. Le 17 juin 1999, elle précise au Dr Nappert qu'elle subit du harcèlement au travail et d'autres stresseurs et qu'elle souffre d'effets secondaires à l'I.N.H. Ces malaises reliés aux effets secondaires ont cessés depuis l'arrêt du traitement à l'I.N.H. le 25 juillet 1999, tel qu'elle le mentionne au Dr Nappert lors de la rencontre du 19 août 1999.

[55]    Je retiens que la cause de l'absence au travail de Mme Dubois, du 20 octobre 1998 au 16 juin 1999, est basée exclusivement sur un diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive selon le rapport de la Dre Ostiguy (pièce G-5). Seule l'hypothèse d'anémie (ou épuisement physique), soumise par le Dr Barnabé lors de son témoignage, est présentée pour relier l'absence de Mme Dubois aux maladies non endémiques au Canada (malaria; tuberculose). Le fardeau de démontrer que la période d'absence est reliée à une maladie non endémique au Canada repose sur la fonctionnaire s'estimant lésée et, en l'absence de son témoignage, je dois m'en remettre aux rapports et certificats médicaux au dossier, ainsi qu'au témoignage du Dr Barnabé.

[56]    La conclusion de dépression majeure associée à un état d'épuisement physique dû aux conditions sévères et inhabituelles de la mission au Bénin, qui est tirée par Dr Barnabé dans sa lettre du 23 octobre 2002, ne mentionne pas l'existence ou l'impact des divers stresseurs psychologiques qui ont été précisés par Mme Dubois aux Drs Ostiguy, Foccroulle et Nappert. En contre-interrogatoire, le Dr Barnabé a précisé qu'il n'était pas au courant de ces divers « stresseurs » ou des détails factuels qui y seraient reliés. Sa conclusion, selon laquelle Mme Dubois n'était pas en condition de reprendre son travail à son retour au Canada pour des raisons strictement physiques, ne peut être retenue qu'en omettant de considérer les différents « stresseurs » auxquels elle a été confrontée lors de son retour au Canada et lors de sa période de travail et de son incapacité. La nature « psychologique » de trouble d'adaptation avec humeur dépressive ne peut donc pas être écartée et se doit d'être reliée aux dits « stresseurs » auxquels elle a été confrontée au Canada. Mme Dubois ne m'a pas convaincu, par cette preuve, que son absence était reliée à une maladie non endémique au Canada, à laquelle elle aurait été exposée lors de sa mission au Bénin, pour la période s'étendant jusqu'au 16 juin 1999.

[57]    Pour les raisons précitées, Mme Dubois ne pouvait se prévaloir de la directive 47 des D.S.E. pour son absence du 20 octobre 1998 au 16 juin 1999. En conséquence, pour cette période, les décisions de Santé Canada et l'application qu'en a fait l'employeur sont conformes à la directive 47 des D.S.E. et l'absence de Mme Dubois a été imputée correctement aux crédits de congés acquis.

[58]    En ce qui a trait à la période du 17 juin au 25 juillet 1999, Mme Dubois a démontré qu'elle a effectivement subi des effets secondaires causés au traitement à l'I.N.H. Ce traitement en prophylaxie est relié au bacille de Koch, qui a infecté Mme Dubois suite au contact qu'elle a eu avec une personne atteinte de la tuberculose alors qu'elle était au Bénin.

[59]    La première décision rendue par Santé Canada, en date du 21 juin 2000, fait référence au traitement préventif « pour une condition secondaire à une exposition à une personne infectée outre-mer ». L'ensemble de la preuve me permet de déduire que Santé Canada fait alors référence au traitement à l'I.N.H. pour contrer le bacille de Koch qui a été contracté par exposition à une personne atteinte de tuberculose. En précisant que « en effet une telle exposition est plutôt improbable au Canada », Santé Canada reconnaît que la tuberculose est une maladie non endémique au Canada. Le traitement médical reçu par Mme Dubois pour une condition secondaire à une exposition à une personne infectée outre-mer par une maladie qui n'est pas endémique au Canada, semble rencontrer le premier élément précisé à l'introduction de la D.S.E. 47; à savoir que la blessure ou la maladie est déterminée non endémique au Canada par Santé Canada.

[60]    Le second élément en regard duquel Santé Canada a conclu en sa décision du 21 juin 2000, est relatif aux symptômes ayant causé l'absentéisme de Mme Dubois. Bien que Santé Canada reconnaisse en sa décision, que Mme Dubois a subi une « condition secondaire » reliée à une maladie non endémique au Canada, sa conclusion précise néanmoins, qu'elle ne peut pas « [...] affirmer que les symptômes qui ont causé son absentéisme étaient attribuables à une maladie telle que spécifiée par le DES [sic] 47.01 et DES [sic] 47.02. » Le Comité aviseur du programme d'hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada a réévalué la demande de Mme Dubois et a conclu, « qu'il n'y avait pas évidence de maladie, de condition médicale ou d'effets secondaires reliés à de la médication qui rencontrent la définition du DES (sic) 47. »

[61]    La preuve présentée lors de l'audience démontre que Mme Dubois a eu des effets secondaires au traitement préventif par l'I.N.H. Le rapport de la Dre Ostiguy (pièce G-5) précise clairement que le Dr Nappert a considéré cet élément pour prolonger l'arrêt de travail, qui devait prendre fin le 20 juin 1999, jusqu'au 3 août 1999. Santé Canada semble avoir pris pour acquis qu'un traitement préventif à l'I.N.H. n'impose pas « normalement » d'absence au travail, sans tenir compte que cet élément, en plus de ceux reliés aux stresseurs psychologiques, a motivé la décision du Dr Nappert de prolonger la période d'invalidité. Le Dr Barnabé a témoigné au fait que le traitement à l'I.N.H. a aggravé l'état de santé de Mme Dubois, qui était demeurée affaiblie des problèmes de santé auxquels elle avait été confrontée lors de sa mission.

[62]    En refusant de considérer que les effets secondaires reliés au traitement à l'I.N.H. ont eu pour effet de prolonger la période d'absence au travail de Mme Dubois, Santé Canada n'a pas décidé en conformité avec l'esprit de la directive qui couvre les absences attribuables à une maladie non endémique au Canada. Les absences reliées aux effets secondaires du traitement que Mme Dubois a subi pour contrer la condition (Bacile de Koch) qu'elle a contractée lors de sa mission au Bénin par exposition à une personne atteinte de tuberculose rencontrent la notion de « toute absence attribuable à une maladie non endémique au Canada » précisée à la directive 47.

[63]    Pour cette période, je considère que Mme Dubois a démontré que les effets secondaires à l'I.N.H. ont prolongé sa période d'invalidité (dont la fin était prévue le 20 juin 1999) jusqu'au 3 août 1999. Bien que du 17 juin au 3 août 1999, les effets secondaires dont souffrait Mme Dubois ont pu effectivement avoir un impact aggravant sur son trouble d'adaptation avec humeur dépressive, il demeure que ces effets secondaires au médicament sont reliés directement à une maladie non endémique au Canada (la tuberculose) à laquelle Mme Dubois a été confrontée lors de sa mission au Bénin.

[64]    Pour cette période d'absence s'étendant du 17 juin au 3 août 1999, Mme Dubois pouvait se prévaloir de la directive 47.03 des D.S.E. et les jours d'absence pour cette période ne sont pas imputables aux crédits de congé de Mme Dubois. J'ordonne à l'employeur d'effectuer toute correction appropriée en conséquence.

[65]    En conséquence, le grief est accepté en partie, Mme Dubois n'ayant droit aux avantages de la directive 47 des D.S.E. que pour la période s'étendant du 17 juin au 3 août 1999.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

Ottawa, le 21 juillet 2004.

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