Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Compensation tenant lieu de réintégration - Calcul du montant de l'indemnité - le fonctionnaire s'estimant lésé fut licencié le 11 octobre 2001 - dans une première décision (2004 CRFTP 17), l'arbitre avait conclu que le licenciement devait être annulé parce que l'employeur avait agi de façon hâtive et inappropriée en remerciant le fonctionnaire au motif que celui-ci avait fait défaut de produire un rapport médical satisfaisant - l'arbitre avait cependant jugé que la réintégration était inappropriée puisque, selon lui, la preuve démontrait que le lien de confiance entre le fonctionnaire et l'employeur était irrémédiablement rompu - le fonctionnaire affichait une agressivité manifeste à l'endroit de l'employeur et rien ne permettait de croire qu'il pourrait fonctionner convenablement s'il était réintégré dans son milieu de travail - une indemnité tenant lieu de réintégration devait donc être déterminée et c'est l'objet de la présente décision - après avoir pris en compte les représentations écrites des parties, l'arbitre conclut qu'une indemnité équivalant à une année de salaire est appropriée - l'arbitre tient compte du fait que le fonctionnaire était lui-même fautif et méritait une suspension sans traitement - il prend en compte également la nature de l'emploi, l'âge du fonctionnaire s'estimant lésé (50 ans) et les possibilités pour lui de se trouver un emploi.Grief accueilli en partie. Décision citée :Doucette c. Conseil du Trésor (Ministère de la défense nationale), 2003 CRTFP 66.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20041013
  • Dossier:  166-2-31819
  • Référence:  2004 CRTFP 148

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

GILLES ALAIN LOYER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

Conseil du Trésor
(Service correctionnel du Canada)

employeur



Devant:
Jean-Pierre Tessier, commissaire
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Richard Mercier, avocat, UCCO-SACC-CSN
Pour l'employeur:
Jennifer Champagne, avocate
Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
du 9 au 12 septembre 2003.

[1]    La présente décision vise à déterminer une compensation à accorder à Gilles Alain Loyer tenant lieu d'une réintégration.

[2]    M. Loyer a été licencié le 11 octobre 2001, et l'audience de son grief a eu lieu en 2003. Par la suite, j'ai rendu une décision (2004 CRTFP 17) dans laquelle j'ai conclu que le licenciement devait être annulé parce que l'employeur avait agi de façon hâtive et inappropriée.

[3]    J'ai pu constater, lors de l'audience en 2003, que M. Loyer conservait une agressivité envers les personnes de la direction de l'établissement et que je devais, comme en ont d'ailleurs convenu les parties, déterminer une compensation tenant lieu de réintégration.

[4]    Les parties ont produit des notes écrites en juin et juillet 2004 à ce sujet.

Arguments des parties

[5]    L'employeur soutient que M. Loyer n'est pas exempt de tous reproches et que la décision de l'arbitre indique que l'employeur est en droit d'agir, notamment en suspendant sans solde M. Loyer jusqu'à ce qu'il produise un certificat médical.

[6]    L'employeur rejette les prétentions du fonctionnaire s'estimant lésé au fait qu'il doit être remboursé de tous les préjudices qu'il a subis. Il soutient que des dommages d'intérêts majorés ne sont accordés que dans le cas de rupture de contrat de travail dans des circonstances exceptionnelles. Tel qu'indiqué dans l'affaire Augustin Ernest Chénier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 27, la conduite reprochée à l'employeur doit être « particulière, répréhensible, malicieuse ou arbitraire » pour que de tels dommages soient accordés.

[7]    L'employeur conclut en soulignant que M. Loyer a déjà obtenu une indemnité de départ équivalente à 22 503,93 $, ce qui représente 23,45 semaines de salaire. Une compensation de six mois serait équitable dans ces circonstances.

[8]    De son côté, le fonctionnaire s'estimant lésé réclame une compensation équivalant à trois ans de salaire et que la perte réelle subie se chiffre approximativement à 268 621,41 $.

[9]    Au soutien de ses prétentions, le fonctionnaire s'estimant lésé souligne qu'il s'est écoulé deux ans et demi entre son licenciement et la décision arbitrale, ce qui correspond à 123 250 $.

[10]    Il soutient, de plus, qu'il faut tenir compte des journées de maladie accumulées et de la perte de vacances.

[11]    Compte tenu du fait que M. Loyer est âgé de 50 ans et qu'il fut licencié, la possibilité de se trouver un emploi est presque nulle. Une compensation de 107 500 $ doit lui être attribuée pour la perte d'emploi.

[12]    Finalement, le fonctionnaire s'estimant lésé se réfère au cas Gary Doucette c. Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66, dans laquelle l'arbitre octroie une compensation de 12 mois à cet égard et compte tenu des circonstances du présent dossier, le fonctionnaire s'estimant lésé estime qu'une compensation de trois ans serait équitable.

Motifs de la décision

[13]    Après avoir analysé les arguments des parties, examiné la jurisprudence soumise et considéré la preuve présentée lors de l'audience, j'en viens à la conclusion que M. Loyer n'a pas droit à une compensation équivalant à trois ans de salaire pour les motifs énumérés ci-après.

[14]    Tel que je l'ai mentionné dans la décision relative au licenciement, l'employeur se devait d'agir à l'égard de la conduite de M. Loyer. Bien que je diffère d'opinion sur la façon de procéder, on ne peut qualifier la conduite de l'employeur de répréhensible, malicieuse ou arbitraire et, en ce sens, les dommages et intérêts majorés ne sont pas à considérer dans le présent cas.

[15]    Dans ma décision du 1 mars 2004, j'indique que l'employeur était en droit de sévir contre M. Loyer, par exemple, en lui imposant une suspension sans traitement. En ce sens, l'annulation du licenciement ne signifie par pour autant, qu'il y a effet rétroactif au 28 septembre 2001. Le versement d'une indemnité serait un redressement justifié et complet compte tenu de toutes les circonstances.

[16]    M. Loyer est victime de sa conduite. Au cours des années 1999 et 2000, il a fait preuve de méfiance à l'égard de ses supérieurs, il se replie sur lui-même, prend des notes et conteste toute remarque négative qu'on lui adresse.

[17]    Sur ce point, je conclus que sa conduite est assimilable à celle que l'arbitre note dans l'affaire Doucette (supra) :

La réintroduction de M. Doucette dans ce milieu de travail, compte tenu de toutes les circonstances connexes de ses problèmes de comportement et de la difficulté de trouver un travail valable à lui confier, causerait inévitablement d'autres conflits et d'autres tensions dans le milieu de travail qui ne serviraient personne, y compris le fonctionnaire s'estimant lésé lui-même. L'explication que M. Doucette a donnée de son insubordination le 16 avril 2002 confirme aussi le bien-fondé de la conclusion que sa réintégration n'est pas la solution appropriée. Il a expliqué son comportement en disant qu'il pensait que [traduction] « son emploi était menacé », ce qui l'avait incité à [traduction] « arrêter la machine ». Pourtant, s'il était réintégré, son emploi continuerait d'être « menacé » et, comme son comportement l'a prouvé, il est incapable de tolérer pareil stress.

[18]    Pour faire un parallèle avec l'affaire Doucette (supra), je dirais que M. Loyer se sentait menacé et qu'il a levé les bras en se rebellant contre ses supérieurs et ses confrères de travail.

[19]    Finalement, je dois conclure que M. Loyer était sujet à une mesure disciplinaire suite à son refus de se soumettre à un examen médical, c'est pourquoi, comme je l'ai mentionné précédemment, l'annulation du licenciement ne signifie pas que M. Loyer aurait pu être réintégré dans ses fonctions, rétroactivement au licenciement du 28 septembre 2001.

[20]    Même si après quelques mois il avait produit un rapport médical satisfaisant, sa conduite antérieure ne laisse nullement présager qu'il aurait pu fonctionner convenablement dans l'établissement.

[21]    Le lien de confiance entre l'employeur et l'employé fonctionne dans les deux sens. L'attitude de contestation et de méfiance de M. Loyer démontre qu'il a perdu confiance envers l'employeur. Cette attitude ne pouvait qu'ébranler le lien de confiance de l'employeur envers M. Loyer.

[22]    Tel que souligné dans les représentations écrites soumises parles parties, je dois tenir compte de certains critères pour fixer la compensation. Il faut tenir compte de la nature de l'emploi, de l'âge du fonctionnaire (50 ans), des circonstances du licenciement et des possibilités d'emploi. J'ajouterai à cela, l'obligation pour le fonctionnaire de tenter de mitiger les dommages.

[23]    Les parties ont fourni peu de renseignements objectifs sur les possibilités ou difficultés relatives à la recherche d'emploi. Cependant, tenant compte de l'ensemble de ces facteurs, notamment de la nature de l'emploi et de l'âge du fonctionnaire, je crois que la compensation doit équivaloir à une période de temps suffisante pour permettre au fonctionnaire de réorienter sa carrière.

[24]    Pour ces diverses considérations, je crois qu'une compensation équivalant à un an de salaire serait appropriée. Le montant de compensation doit être calculé sur le taux de salaire applicable en octobre 2001. Il faut tenir compte du fait que M. Loyer conserve, en plus, le bénéfice de son indemnité de départ.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 13 octobre 2004

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