Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Horaire de travail par poste - Moyenne d'heures hebdomadaire - Délai de présentation - Groupe Services correctionnels - le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait par poste - de 1998 à 2001, l'horaire de travail comportait 60 cycles de deux semaines répartis sur 120 semaines - depuis le 1er avril 2002, l'horaire de travail comportait 72 cycles de deux semaines répartis sur 144 semaines - le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief alléguant que, depuis 1998, l'employeur a porté à son horaire de travail un nombre d'heure excédant ce que prévoit la convention collective - l'employeur a objecté que le grief était prescrit pour la période couvrant les années 1998 à 2001 - l'arbitre de grief a conclu que la partie du grief portant sur les années 1998 à 2001 était prescrite - l'arbitre de grief a conclu que le total des heures travaillées par le fonctionnaire s'estimant lésé depuis le 1er avril 2002 correspondait à la moyenne hebdomadaire de 37,5 heures prévue à la convention collective. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-07-26
  • Dossier:  166-2-31931
  • Référence:  2004 CRTFP 94

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

CONRAD GAMACHE
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)


employeur


Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Céline Lalande, Union of Canadian Correctional Officers -Syndicat des agents correctionnel du Canada - CSN

Pour l'employeur :   Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
les 6 et 7 novembre 2003.


[1]    M. Gamache travaille au pénitencier de Cowansville. Au cours des années 1998 à 2002, il travaille selon un horaire variable.

[2]    Vers le 2 mars 2002, il prend connaissance de son horaire de travail. Il effectue aussi une vérification pour voir son horaire antérieur des deux semaines précédentes, comme il le fait habituellement. M. Gamache constate à ce moment qu'il peut, par cette fonction de l'ordinateur, accéder à tous ses horaires, allant jusqu'à l'année 1998.

[3]    Après avoir vérifié ses horaires antérieurs, il constate que le total d'heures travaillées par année dépasse le nombre d'heures prévues pour une année à la convention collective.

[4]    Le 14 mars 2002, il présente un grief afin que l'employeur lui rémunère les heures travaillées en trop depuis le 1er avril 1998. L'employeur a répondu aux différents paliers de la procédure applicable aux griefs que le grief était prescrit en ce qui concerne la période de 1998 à 2001.

[5]    Le grief est renvoyé à l'arbitrage en février 2003 et l'audience a lieu en novembre 2003, à Sherbrooke.

Les faits

[6]    Lors de son témoignage, M. Gamache explique qu'il travaille par poste. Pour la période du 9 avril 2001 à mars 2002, les cycles de postes sont répartis entre 72 agents de correction. Pour la période antérieure, soit du 1er avril 1998 au 8 avril 2001, les cycles de postes étaient répartis entre 60 agents de correction.

[7]    M. Gamache dépose, en liasse, les horaires qu'il a travaillés pendant ces années. On y retrouve à la pièce F-2, les horaires de travail pour l'année 1998/1999; à la pièce F-3, ceux pour l'année 1999/2000; à la pièce F-4, ceux pour l'année 2001/2002; à la pièce F-5, ceux pour l'année 2001/2002; et à la pièce F-6, ceux pour l'année 1997/1998.

[8]    Au cours de la procédure applicable aux griefs, l'employeur aurait refusé de vérifier et de calculer les heures travaillées par M. Gamache pour la période 1998 à 2001, puisqu'il considère le grief hors délai pour cette période. Cependant, l'employeur dit avoir constaté que pour la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002, M. Gamache aurait travaillé 1 960 heures, ce qui, selon l'employeur, excéderait de quatre heures le nombre d'heures à travailler par année, soit 1 956. M. Gamache dépose à cet effet la réponse de l'employeur au palier final de la procédure applicable aux griefs (pièce F-7).

[9]    L'employeur, de son côté, fait témoigner M. Bob Charlton, qui est notamment responsable de l'organisation des horaires de travail.

[10]    M. Charlton explique que l'horaire de postes est conçu en fonction du nombre d'agents de correction d'une même classification dans un établissement. Chaque ligne de l'horaire de postes représente un cycle de deux semaines de travail. L'horaire de postes d'avril 2001 à mars 2002, comporte 72 cycles, compte tenu du fait qu'il y a 72 agents de correction. Chaque agent de correction reçoit son horaire pour deux semaines, indiquant le cycle qu'il travaille sur l'horaire de postes.

[11]    Ainsi, l'agent de correction effectuera, pour deux semaines, le cycle qui lui est attribué. Par la suite, il doit travailler selon l'horaire le prochain cycle et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il ait travaillé tous les cycles de l'horaire de postes.

[12]    M. Charlton dépose une compilation (pièce E-2), comportant 72 lignes où apparaît le nombre d'heures effectivement travaillées par M. Gamache et le nombre de jours et heures à travailler, pour un total de 5 400 heures.

[13]    Selon M. Charlton, l'horaire de postes est parfaitement équilibré puisque, si M. Gamache en travaille chaque cycle, il effectuera 5 400 heures en 144 semaines (soit 72 cycles de deux semaines), ce qui représente une moyenne de 37,5 heures par semaine.

[14]    Finalement, M. Charlton dépose l'horaire de postes antérieur, qui comporte 60 cycles (pièce E-1).

Arguments

[15]    Le fonctionnaire s'estimant lésé expose qu'il a méticuleusement vérifié ses horaires de travail et que, pour chacune des années, il constate qu'il excède le total de 1 956 heures.

[16]    Le fonctionnaire s'estimant lésé se base sur la définition du taux de rémunération hebdomadaire pour arriver à ce total de 1 956 heures par année. La sous-clause 2.01t) prévoit :

t) « taux de rémunération hebdomadaire » désigne le taux de rémunération annuel de l'employé-e divisé par cinquante-deux virgule cent soixante-seize (52,176) (weekly rate of pay);

En multipliant l'horaire hebdomadaire de 37,5 heures par 52,176, on obtient 1 956 heures par année.

[17]    De son côté, l'employeur expose que, dans le présent cas, pour la période débutant en avril 2001, l'horaire de postes comporte 72 cycles de deux semaines, pour un total de 144 semaines. L'horaire de postes couvre donc presque trois années civiles.

[18]    De plus, l'employeur réplique qu'il y a prescription pour les années 1998 à 2001, et que, selon la preuve présentée, les horaires de travail de M. Gamache comportent une répartition équivalente à 37,5 heures par semaine pour la période 2001 à 2002. Il n'y a aucune heure excédentaire et le grief devrait être rejeté.

Motifs de la décision

[19]    Pour bien situer le dossier, il faut se référer à l'article 21 de la convention collective conclue le 2 avril 2001, entre le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canda - CSN à l'égard du groupe Services correctionnels (codes 601 et 651) et plus particulièrement à la clause 21.02 et la sous-clause 21.03a) :

Travail par poste

21.02 Lorsque, en raison des nécessités du service, les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement;

  1. elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

    (i) travaillent une moyenne de trente-sept heures et demie (37 ½) par semaine

    et

    (ii) travaillent huit (8) heures par jour.

    **

  2. l'Employeur prendra toutes les mesures raisonnables possibles :

    (i) pour ne pas fixer le début du poste de travail dans les huit (8) heures qui suivent la fin du poste de travail précédent de l'employé-e

    (ii) pour veiller à ce qu'un-e employé-e affecté-e à un cycle de postes régulier ne doive pas changer de poste plus d'une fois au cours de ce cycle sans son consentement, sauf en situation d'urgence survenant dans les pénitenciers. [sic]

    et

    (iii) pour éviter toute variation excessive de la durée du travail.

  3. sauf en situation d'urgence survenant dans les pénitenciers, l'horaire de travail doit être fixé de telle façon que chaque poste puisse se terminer au plus tard neuf (9) heures après qu'il a commencé,

  4. l'horaire de travail doit être fixé de telle façon que l'employé-e ne soit pas normalement tenu de travailler plus de huit (8) heures civils consécutifs. Des exceptions peuvent être permises, à la demande de l'employé-e et avec l'approbation de l'Employeur, ou après consultation entre l'Employeur et l'Agent négociateur,

  5. la moyenne des heures de travail doit être établie sur une période (en semaines) ne dépassant pas le produit de deux (2) fois le nombre de postes d'agents des services correctionnels du même niveau de classification dans une institution,

  6. l'employé-e doit bénéficier d'au moins deux (2) jours de repos consécutifs à la fois.

21.03

**

  1. les horaires des postes de travail doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d'obtenir un avis raisonnable pour connaître le poste de travail, comme il est indiqué dans l'horaire, doit correspondre à l'horaire du poste de travail régulier de l'employé-e.

[20]    Quatre éléments de ces dispositions sont à considérer et on peut les résumer comme suit :

  1. l'horaire de postes doit être établi de façon à ce que l'agent de correction travaille une moyenne de 37,5 heures par semaine;

  2. l'horaire de travail est de huit heures par jour;

  3. la moyenne des heures doit être établie sur une période d'une semaine, ne dépassant pas le produit de deux fois le nombre de postes d'agent de correction du même niveau;

  4. les horaires de travail sont affichés 14 jours à l'avance.

[21]    L'horaire de postes antérieur à 2001 comporte 60 cycles de deux semaines et couvre donc 120 semaines de calendrier, soit plus de deux ans.

[22]    Je n'ai pas de preuve spécifique sur le moment où les horaires de travail sont connus, à l'exception du fait que l'agent de correction reçoit son horaire de travail pour 14 jours. Cet horaire peut en pratique être modifié, en ce sens qu'un jour de repos peut être remplacé par une journée de formation, etc. Cette journée est reprise en jour de repos par la suite.

[23]    Selon le témoignage de M. Charlton, les pièces E-1 et E-2 ne reflètent que des modifications et font abstraction des jours de vacances ou de congé de maladie, etc.

[24]    Le temps opportun pour faire un grief serait donc au moment du dépôt de l'horaire de postes.

[25]    L'autre moment intervient en cours de route si l'agent de correction constate qu'on modifie effectivement l'horaire de postes de base, qu'on le fait travailler davantage de journées lors d'une semaine et qu'on ne reprend pas ce temps dans la ou les semaines qui suivent.

[26]    La partie du grief portant sur la période 1998 à 2001 ne cadre pas avec les critères énumérés précédemment. Le grief est déposé en 2002 et ne peut couvrir la période se terminant en 2001.

[27]    L'autre partie du grief traite de la période 2001 à 2002. L'horaire de postes de 2001 comporte 144 semaines. Si on se réfère à la sous-clause 21.02e) de la convention collective, la moyenne des heures doit être établie sur cette période de 144 semaines.

[28]    L'agent de correction peut donc présenter un grief lorsqu'il constate que le nombre d'heures travaillées au cours d'un certain nombre de semaines dépasse celui des cycles prévus et que, selon lui, il y a peut de chance qu'il y ait récupération.

[29]    Ainsi, si on se réfère aux cycles 37 à 49, de la pièce E-2, on constate que M. Gamache y a respectivement travaillé 88, 64, 72, 88, 64, 80, 88, 64, 72, 88, 64, 72 et 88 heures.

[30]    La seule façon d'appliquer valablement l'article 21 de la convention collective est de permettre que l'agent de correction puisse signaler un déséquilibre en cours de route. La position inverse voudrait que l'on attende la fin de la période pour voir si l'horaire de postes respecte une moyenne de 37,5 heures par semaine.

[31]    Dans le présent cas, comme l'horaire de postes débute en avril 2001 et s'étend sur 144 semaines, ce n'est qu'au début de 2004 que l'on pourrait, pour un agent de correction, évaluer s'il a effectué 37,5 heures par semaine en moyenne.

[32]    Comme l'horaire de postes antérieur comptait 60 cycles, débutant en 1998 pour se terminer en avril 2001, M. Gamache avait tout le temps pour vérifier, à cette époque, s'il y avait un dépassement d'heures. Le grief du 14 mars 2002 ne peut couvrir cette période car il est présenté tardivement.

[33]    Le grief présenté en mars 2002 peut, cependant, couvrir une situation de dépassement constatée pour les semaines qui précèdent. Il paraîtrait contraire à l'esprit des rapports collectifs de travail de déclarer le grief comme étant fait prématurément puisque l'horaire de postes s'étend jusqu'en 2004.

[34]    La période visée dépend, à mon avis, de chaque cas d'espèce. Comme je l'ai exprimé précédemment, le grief peut être déposé à partir du moment où l'agent de correction constate un déséquilibre d'horaire et une non-récupération de temps dans les semaines qui suivent.

[35]    Comme il s'agit de cycles de sept à 11 jours de travail répartis sur deux semaines, il est possible d'établir dans des cas précis que, si la tendance se maintient, M. Gamache ne pourra pas récupérer les heures travaillées en trop et qu'une correction ou paiement doit être effectué.

[36]    L'examen des pièces déposées me permet de constater que la compilation (pièce E-2) comporte 5 400 heures pour une période de 144 semaines, soit une moyenne de 37,5 heures par semaine. Tout était équivalent. M. Gamache a pu effectuer plus d'heures une semaine, mais en bout de course, on obtient une moyenne de 37,5 heures.

[37]    De façon pratique, je constate aux lignes 3, 4, 9 et 10 ce qui suit. M. Gamache indique (pièce F-3) le nombre de jours travaillés et l'employeur (pièce E-2) le nombre de jours travaillés, ce qui donne ce qui suit :

Gamache  Employeur
Ligne 3 : 10 jours 9 jours (72 heures)
Ligne 4 : 10 jours 11 jours (88 heures)
Ligne 9 : 11 jours 9 jours (72 heures)
Ligne 10 : 9 jours 11 jours (88 heures)

[38]    Ce sont les seules différences de chiffres que je constate de la ligne 61 à 71 et de la ligne 1 à 13, couvrant la période d'avril 2001 à mars 2002.

[39]    Il n'y a donc aucun déséquilibre d'horaire qui compromette le respect d'une moyenne de 37,5 heures par semaine puisque je constate qu'il y a reprise de temps.

[40]    L'horaire de postes de 144 semaines respecte la moyenne de 37,5 heures par semaine et les heures travaillées par M. Gamache, selon les pièces déposées, respectent cette moyenne au moment du grief.

[41]    En effet, l'horaire des lignes 61 à 71 et 1 à 13 représente 50 semaines pour 1 888 heures. Cependant, la pièce F-5 ne couvre que 50 semaines d'horaire et, si on ajoute au début ou à la fin deux semaines de quatre jours (64 heures), on obtient 1 952 heures pour une moyenne de 37,5 heures sur 52 semaines. Il ne s'agit là que d'un exercice théorique puisque comme je l'ai expliqué précédemment, l'horaire de postes est basé sur 144 semaines.

[42]    Compte tenu du fait que, selon la preuve présentée, l'horaire de postes de 2001 et suivant respecte la moyenne de 37,5 heures par semaine et qu'il y a prescription pour les horaires de 1998 à 2001, le grief étant déposé en mars 2002, le grief est rejeté.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

Ottawa, le 26 juillet 2004

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