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Résumé :

Congé payé pour obligations familiales - Horaire de travail - Semaine comprimée - Définition de « jour » - Groupe Vérification, commerce et achat - le fonctionnaire s'estimant lésé avait une semaine de travail comprimée d'en moyenne 37,5 heures - il travaillait normalement neuf heures par jour - la convention collective stipulait que le nombre total de jours de congé payé pour obligations familiales ne devait pas dépasser cinq jours au cours d'un même exercice financier - elle ne définissait pas le mot « jour » - un protocole d'entente annexé à la convention collective stipulait que, pour les employés dont la semaine de travail était comprimée, les dispositions de la convention collective libellées en terme de jours devaient être converties en heures à raison d'une durée journalière de 7,5 heures - le fonctionnaire s'estimant lésé alléguait avoir droit chaque année à des congés payés pour obligations familiales équivalant à cinq quarts de neuf heures - l'employeur maintenait qu'il n'avait pas droit à plus de 37,5 heures de congé par année - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit à des congés payés pour obligations familiales n'excédant pas 37,5 heures par exercice. Grief rejeté. Décisions citées :Breitenmoser c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRFTP 103; Bouchard c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2004 CRFTP 41; Stockdale c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRFTP 4; Canada (Procureur général) c. King, 2003 DPICF 593; King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 117; Phillips c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-20099 (19910425) (QL); Breau c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2003 CRTFP 65; Mackie c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2003 CRTFP 103.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-11-22
  • Dossier:  166-34-31862
  • Référence:  2004 CRTFP 166

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

KULWANT (KAL) SAHOTA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur


Devant :   John Steeves, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Paul Reniers, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Harvey Newman, avocat


Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 29 septembre 2004.


[1]    Ce grief porte sur le calcul du congé payé pour obligations familiales dans le cas d'un fonctionnaire dont la semaine de travail est comprimée.

[2]    Il est fondé sur l'interprétation de la clause 8.06 (Semaine de travail comprimée), de la clause 17.13 (Congé payé pour obligations familiales) et de l'Appendice « B » (Durée du travail) de la convention collective du fonctionnaire s'estimant lésé.

[3]    Le représentant de l'intéressé soutient que son congé devrait être calculé en fonction des heures qu'il travaillait dans sa semaine comprimée. Pour sa part, l'employeur maintient que le calcul devrait être basé sur le nombre de jours travaillés.

[4]    Les parties reconnaissent que les dispositions applicables au grief figurent dans la convention collective entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada à l'égard du groupe Vérification, commerce et achat (codes 90541/1999, 90551/1999 et 90552/1999), expirée le 21 juin 2001.

Contexte

[5]    Les faits ne sont pas contestés.

[6]    L'employeur est d'une façon générale responsable de la gestion des recettes fiscales et des douanes pour le gouvernement du Canada; il a des bureaux dans tout le pays. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'acquitte de diverses fonctions de vérification, en qualité d'analyste d'interprétation technique principal, depuis 2001 ou 2002; il a débuté dans la fonction publique fédérale en août 1987.

[7]    Durant l'exercice 2001-2002, sa semaine de travail était comprimée conformément à la clause 8.06 de la convention collective. Il avait un cycle de travail de 150 heures en quatre semaines équivalant en moyenne à 37,5 heures par semaine. Il travaillait normalement neuf heures par jour. Cet arrangement est acceptable en application des dispositions sur la semaine de travail comprimée. Les congés ont été pris pour des raisons tout à fait légitimes qui ne sont pas pertinentes ici.

[8]    Une clause de la convention collective prévoit un congé payé pour obligations familiales et stipule que le nombre total de jours de congé payés pouvant être accordés « [...] ne doit pas dépasser cinq (5) jours au cours d'un exercice financier ». Le relevé des congés payés pour obligations familiales que le fonctionnaire s'estimant lésé a pris entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2002 (pièce 2) démontre l'utilisation suivante des congés pour obligations familiales :

[Traduction]
16 mai 20016,5 heures
29 août 20019,0 heures
30 août 20019,0 heures
26 novembre 20019,0 heures
21 janvier 20024,0 heures
Total37,5 heures

[9]    Le problème est arrivé lorsque l'intéressé a demandé un congé payé pour obligations familiales le 21 juin 2002. Il reconnaissait avoir droit à cinq jours de congé de ce genre en vertu de la convention collective, mais cela signifiait selon lui cinq de ses jours de travail avec sa semaine comprimée. Autrement dit, il estimait pouvoir prendre cinq jours de congé à raison de neuf heures par jour puisqu'il travaillait normalement neuf heures par jour dans sa semaine comprimée, et c'est pour cette raison qu'il a demandé (et pris) neuf heures de congé le 21 janvier 2002.

[10]    L'employeur n'était pas d'accord avec lui sur cette interprétation de la convention collective. À son avis, un « jour » a sept heures et demie, de sorte que le congé payé pour obligations familiales auquel le fonctionnaire avait droit totalisait trente-sept heures et demie pour tout l'exercice. L'employeur a donc rejeté la demande de neuf heures de congé le 21 janvier 2002 et déclaré au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il ne pouvait prendre que quatre heures de congé pour obligations familiales. Selon lui, au-delà de ces quatre heures, l'intéressé aurait dépassé la période de congé à laquelle il avait droit en vertu de la convention collective.

[11]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a pris ses cinq heures supplémentaires d'absence de son travail le 21 janvier 2002 à même ses congés annuels. Ensuite, il a présenté un grief contestant le refus de lui accorder ces heures sous forme de congé payé pour obligations familiales.

Dispositions de la convention collective

[12]    La « Semaine de travail comprimée » est prévue par la clause 8.06, dont les dispositions pertinentes sont les suivantes :

8.06 Semaine de travail comprimée

Nonobstant les dispositions du présent article, sur demande de l'employé et avec l'approbation de l'Employeur, l'employé peut effectuer sa durée de travail hebdomadaire au cours d'une période autre que celle de cinq (5) jours, à condition que, au cours d'une période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours civils, l'employé travaille en moyenne trente-sept heures et demie (37½) par semaine. Dans le cadre des dispositions de la présente clause, la méthode de relevé des présences doit être acceptée mutuellement par l'employé et l'Employeur [...]

[...]

[13]    Le congé payé pour obligations familiales est prévu à la clause 17.13, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

17.13 Congé payé pour obligations familiales

[...]

(c)   Le nombre total de jours de congé payé qui peuvent être accordés en vertu des sous-alinéas [17.12]b)(i), (ii) et (iii) ne doit pas dépasser cinq (5) jours au cours d'un exercice financier.

[...]

[14]    Les parties reconnaissent que la version anglaise de la clause 17.13 contient une erreur, puisqu'il faudrait lire « 17.13 » plutôt que « 17.12 ».

[15]    L'Appendice « B » de la convention collective est aussi applicable en l'espèce; ses dispositions pertinentes sont les suivantes :

Appendice « B »

[...]

Durée du travail

L'Employeur et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada conviennent que, à l'égard des employés auxquels s'appliquent les dispositions de la clause 8.06 de l'article 8 « Durée du travail » il faut convertir en heures les dispositions de la convention collective libellées en termes de jours, en fonction d'une durée journalière de sept heures et demie (7½).

Pour plus de certitude, les dispositions suivantes doivent être administrées comme suit :

ARTICLE 2 - INTERPRÉTATION ET DÉFINITIONS

La clause c) qui définit le « taux de rémunération journalier » ne s'applique pas.

ARTICLES 9 et 13 - HEURES SUPPLÉMENTAIRES ET TEMPS DE DÉPLACEMENT

La rémunération pour un employé aux termes de ces deux articles ne doit s'appliquer qu'à un jour de travail normal pour les heures effectuées en sus des heures journalières inscrites à l'horaire de travail de l'employé.

La rémunération pour un employé un jour de repos aux termes de ces deux articles doit être calculée à tarif et demi (1½), sauf le dimanche, où elle est calculée à tarif double (2).

ARTICLE 12 - JOURS FÉRIÉS DÉSIGNÉS PAYÉS

Un jour férié désigné payé représente sept heures et demie (7½) seulement.

ARTICLE 14 - CONGÉS - GÉNÉRALITÉS

À compter de la date à laquelle la clause 8.06 de l'article 8 s'applique ou cesse de s'appliquer pour un employé, les crédits de congés annuels et de congés de maladie accumulés sont convertis en jours ou en heures, le cas échéant.

ARTICLES 15 ET 16 - CONGÉS ANNUELS - CONGÉ DE MALADIE

[...]

Arguments des parties

[16]    Le fonctionnaire s'estimant lésé invoque plusieurs décisions basées sur des conventions collectives de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) où les arbitres ont conclu qu'un jour de congé est égal aux heures de travail prévues à l'horaire des fonctionnaires. Les parties reconnaissent que le libellé de la convention collective qui nous intéresse n'est pas identique, mais il existe une étroite corrélation entre les conventions, de sorte qu'il faut arriver au même résultat dans cette affaire-ci pour des fins d'uniformité, de certitude et de prévisibilité.

[17]    L'employeur accepte les conclusions des décisions fondées sur les conventions collectives de l'AFPC, mais soutient que la convention collective pertinente est unique : elle exige qu'un « jour » soit de sept heures et demie et non calculé en fonction des heures de travail prévues à l'horaire du fonctionnaire. Les décisions rendues à l'égard des conventions collectives de l'AFPC ne sont donc pas applicables ici.

Motifs de décision

[18]    Dans cette affaire, il s'agit de déterminer si la notion d'un « jour » à l'alinéa 17.13c) s'entend de sept heures et demie de travail, comme le soutient l'employeur, ou équivaut au nombre d'heures effectivement travaillées par un fonctionnaire dont la semaine de travail est comprimée, ce qu'affirme le fonctionnaire s'estimant lésé. Avec son interprétation, il aurait pu prendre cinq jours de congé de neuf heures par jour.

[19]    Il est utile, pour commencer, d'analyser le libellé de la convention collective séparément sans tenir compte des décisions fondées sur des conventions collectives différentes.

[20]    Comme la clause 17.13 le stipule, le nombre total de jours de congé payé pour obligations familiales ne doit pas dépasser cinq jours par exercice. C'est assez clair pour la plupart des fonctionnaires, dont la durée hebdomadaire et quotidienne du travail correspondent à la norme générale, mais dans ce cas-ci, lorsqu'un fonctionnaire prend un tel congé et que sa semaine de travail est comprimée, ce qui signifie que la durée journalière de son travail est différente, ce qu'on entend par un « jour » n'est pas évident. Je souligne en passant que la notion de « jour » n'est pas définie à l'article 2 « Interprétation et définitions ».

[21]    L'Appendice « B » de la convention collective précise que :

[...]

[...] à l'égard des employés auxquels s'appliquent les dispositions de la clause 8.06 de l'article 8 « Durée du travail » il faut convertir en heures les dispositions de la convention collective libellées en termes de jours, en fonction d'une durée journalière de travail de sept heures et demie (7½).

[...]

[22]    Cette formulation est significative, car elle prouve que les parties estimaient que la clause 8.06 nécessitait un protocole d'entente distinct. En outre, elles ont décidé comment interpréter cette clause quand il est question de jours dans d'autres dispositions de la convention collective. La portée de l'Appendice « B » n'est pas limitée à la clause 8.06. En fait, il est censé baliser son interprétation dans le contexte d'autres dispositions de la convention. Son libellé va plus loin, puisqu'il stipule que les dispositions de la convention collective libellées en terme de « jours » doivent être converties en heures à raison de sept heures et demie par jour.

[23]    Je conclus que l'alinéa 17.13c) est une disposition de la convention collective visée par l'Appendice « B », puisqu'il contient le mot « jours ». L'Appendice « B » exige que j'interprète la clause 17.13 dans le contexte dudit Appendice.

[24]    En anglais, le mot « jour » est au singulier à l'Appendice « B » et au pluriel à l'alinéa 17.13c). Or, l'alinéa 2.02b) de la convention collective précise que les expressions utilisées dans la convention qui ne sont pas définies dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ont le même sens que dans la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21. Je n'ai rien vu dans la convention collective sur l'emploi du singulier et du pluriel, mais le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation dispose que « le pluriel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité ». Je le rappelle, l'Appendice « B » stipule qu'il faut convertir les jours en heures en fonction d'une durée journalière de travail de sept heures et demie. Cette analyse m'amène à conclure que le mot « jours » à l'alinéa 17.13c) englobe la notion d'un « jour ». Et l'Appendice « B » précise, je le répète, que les jours ont sept heures et demie.

[25]    Par conséquent, dans cette affaire, il faut interpréter la convention collective en concluant qu'un fonctionnaire travaillant une semaine comprimée a droit à un maximum de trente-sept heures et demie de congé payé pour obligations familiales par exercice.

[26]    La convention collective contient-elle des indications qu'on pourrait aboutir à une interprétation contraire?

[27]    Je souligne qu'il y a une faute d'orthographe ou de typographie à l'Appendice « B », en anglais, car la proposition « [...] the provisions of the Collective Agreement which specifies [sic] days shall be converted to hours [...] » n'est pas claire. Comme je l'ai fait plus haut, j'ai conclu qu'il s'agissait ici d'une erreur typographique et que la proposition devrait plutôt se lire « [...] the provisions of the Collective Agreement which [specify] days shall be converted to hours [...] » On pourrait penser qu'il ne s'agit pas d'une erreur, ce qui laisserait entendre que les parties voulaient que l'Appendice « B » s'applique aux dispositions de la convention collective libellées de façon que les jours soient convertis en heures. Comme l'Appendice « B » a pour objet d'autoriser cette conversion, j'ai rejeté cette interprétation-là. Autrement dit, je ne vois pas d'autres dispositions que celles de l'Appendice « B » qui stipulent cette conversion.

[28]    Après cette formulation dans son premier paragraphe, l'Appendice « B » se poursuit en ces termes : « [p]our plus de certitude, les dispositions suivantes doivent être administrées comme suit [...] ». La série de dispositions que j'ai citées plus tôt est alors énumérée, y compris l'article général sur les congés, l'article 14. On a fait valoir au nom du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il faudrait interpréter l'Appendice « B » au sens étroit comme s'il s'appliquait seulement aux dispositions de cet article-là. Cela signifierait qu'il ne s'applique pas à l'article 17, mais je ne souscris pas à ce raisonnement. Le libellé du premier paragraphe de l'Appendice est général en ce qui concerne la conversion des jours en heures dans les cas où une disposition de la convention collective emploie le mot jours au pluriel, toujours dans la version anglaise. Cela vise les fonctionnaires auxquels la clause 8.06 s'applique, mais rien là ne limite l'application de cette disposition à celles sur les congés de l'article 14 ni n'exclut le congé payé pour obligations familiales visé à l'article 17.

[29]    À mon avis, la liste des articles énumérés à l'Appendice « B » a pour but qu'on puisse appliquer avec « plus de certitude » l'énoncé général du début de cet Appendice à ces articles-là. Cette certitude accrue est exprimée dans un exposé narratif succinct pour chaque article. Je reconnais que ces articles-là semblent tous viser des congés acquis et que le congé payé pour obligations familiales n'est pas acquis, mais cela n'est rien de plus qu'une preuve que les parties voulaient plus de certitude dans le cas des congés acquis et non des autres congés. L'expression « [p]our plus de certitude » du second paragraphe de l'Appendice « B » ne prévaut pas sur l'application générale du premier paragraphe.

[30]    On a conclu dans d'autres décisions, en ce qui concerne le congé payé pour obligations familiales, qu'un jour de congé équivaut à la durée journalière de l'horaire de travail du fonctionnaire; cette conclusion est entièrement différente de celle à laquelle je suis arrivé dans les paragraphes qui précèdent.

[31]    De la plus récente à la plus ancienne, ces décisions sont Breitenmoser c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel) , 2004 CRTFP 103, au paragraphe 32; Bouchard c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada) , 2004 CRTFP 41; Stockdale c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada) , 2004 CRTFP 4; Canada (Procureur général) c. King, 2003 Division de première instance de la Cour fédérale 593; King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 117; et Phillips c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-20099 (19910425) (QL).

[32]    En l'espèce, je dois trancher la question de savoir si le raisonnement des arbitres qui ont rendu ces décisions-là s'applique ici. On n'a pas soulevé le principe de la res judicata, et ce à juste titre compte tenu des différences entre les parties et d'autres raisons. De même, comme il n'y avait pas eu d'autres négociations entre les parties, la solution de cette affaire est une question d'interprétation sans qu'on puisse se fonder sur des éléments historiques. Enfin, on n'a pas soulevé non plus la question de la neutralité des coûts.

[33]    J'ai constaté, en lisant ces décisions, qu'elles portent sur des dispositions de la convention collective différentes de celles qui nous occupent, et c'est pourquoi leurs auteurs sont arrivés à des résultats différents.

[34]    L'exemple le plus clair de cette constatation figure dans Stockdale, supra. Il s'agissait d'une affaire de congé de bénévolat et de congé personnel, qu'on a décrits comme étant analogues au congé pour obligations familiales parce qu'aucun d'entre eux n'est acquis. La convention collective applicable prévoyait une conversion des jours en heures, mais pour les congés acquis. L'arbitre a conclu que les dispositions sur les congés dont il était saisi ne relevaient pas de la portée des dispositions de la convention collective prévoyant la conversion des jours en heures (paragraphe 38). De même, dans Bouchard, supra, l'arbitre a conclu qu'on ne peut extrapoler les règles prévues pour les congés acquis pour les appliquer aux congés qui ne sont pas acquis comme les congés de bénévolat et les congés personnels.

[35]    En l'espèce, je ne peux pas dire que les dispositions sur le congé payé pour obligations familiales ne relèvent pas de la portée des dispositions de conversion de l'Appendice « B ». Ces dispositions de conversion visent le congé payé pour obligations familiales parce que le libellé général vise toutes les dispositions libellées en terme de jours. Il n'est pas question d'extrapolation, puisque l'Appendice « B » est applicable. En outre, sur la question d'une éventuelle distinction entre les congés acquis et non acquis, je dois forcément conclure que l'Appendice « B » s'applique aux deux. En effet, son premier paragraphe est libellé de façon générale puisqu'il y est question « des dispositions de la convention collective » précisant des jours, après quoi on passe à la liste des articles portant sur les congés acquis. Il n'y a aucune indication que l'Appendice « B » ne s'applique qu'à ces congés-là.

[36]    Dans King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, supra, l'arbitre a souligné que la disposition sur la rémunération d'intérim de la convention collective applicable prévoyait la conversion en heures de la période ouvrant droit à cette rémunération. On aurait facilement pu insérer une disposition analogue dans la convention collective à l'égard du congé payé pour obligations semblable, mais on ne l'a pas fait, et le grief a été accueilli. Dans l'affaire en instance, au contraire, cette conversion est prévue dans la convention collective. L'analyse de l'Appendice « B » le prouve.

[37]    Certaines des décisions antérieures étaient aussi fondées sur la définition de la notion de congé. Cette définition est la même dans la convention collective applicable en instance :

« congé » désigne l'absence autorisée du travail d'un employé pendant ses heures de travail normales ou régulières.

[38]    Dans Bouchard, supra, cette définition a été combinée avec le libellé de la disposition sur le congé de bénévolat pour démontrer que ce sont les heures de travail normales ou régulières qui comptent plutôt que les heures de travail calculées en fonction d'un horaire de travail régulier de cinq jours (paragraphes 23 et 24). Dans Breitenmoser, supra, l'arbitre s'est partiellement fondé sur la même définition pour accueillir le grief (paragraphe 36). La définition est pertinente, mais je ne suis pas convaincu qu'elle suffise pour qu'on ne tienne pas compte du sens évident de l'Appendice « B ». Tel que l'a déclaré l'arbitre dans Breitenmoser, supra : « [c]ette disposition doit être interprétée conjointement avec chacune des dispositions sur les congés » (paragraphe 34).

[39]    On s'est aussi penché dans les décisions antérieures sur les objectifs du congé pour obligations familiales. Dans Phillips, supra, on a souligné que la durée des maladies dans la famille n'est pas calculable à raison de huit heures et quatre dixièmes par jour (l'équivalent de sept heures et demie dans cette affaire-ci et ce que l'employeur considérait là comme l'équivalent d'un jour). Dans cette affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé était un pompier qui pouvait être appelé à travailler des quarts de 18 heures. L'arbitre avait fait une comparaison avec le congé de mariage, pour lequel on accordait cinq jours. Il était « inconcevable » qu'un fonctionnaire travaillant des quarts de 18 heures n'obtienne qu'un peu plus de deux jours de congé. Je reconnais qu'on pourrait invoquer des raisons de principe afin de justifier des congés pour obligations familiales conséquents calculés en fonction des heures travaillées et des heures de congé pour les fonctionnaires dont la semaine de travail est comprimée, mais la convention collective décrit une autre position.

[40]    Ma dernière comparaison avec les décisions antérieures sur cette question consiste à préciser que dans certaines d'entre elles la définition de la notion de « jour » figurait dans l'article des définitions de la convention collective. Ainsi, dans Stockdale, supra, le terme « jour » était défini comme « la période de vingt-quatre (24) heures qui débute à 00 h 01 ». Bien que cette disposition n'ait pas été déterminante, elle a aidé l'arbitre à conclure que le congé personnel et le congé de bénévolat étaient offerts pour la durée du quart des intéressés, soit 12 heures. Par contre, en l'espèce, il n'y a pas de définition comme celle-là dans la convention collective. On parle bien d'un « jour civil », mais c'est dans la clause sur le congé de deuil (17.02). Pour paraphraser une partie du raisonnement invoqué dans King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, supra, les parties auraient aisément pu rédiger l'alinéa 17.13c) afin qu'on sache que le nombre total de jours de congé pour obligations familiales « ne doit pas dépasser cinq (5) jours civils [...] », mais elles ne l'ont pas fait.

[41]    Nous devons aussi tenir compte de l'arrêt de la Cour fédérale au sujet de la demande de contrôle judiciaire de King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, supra (Canada (Procureur général) c. King) La Cour a maintenu la décision de l'arbitre : si les fonctionnaires ont une semaine de travail comprimée, le congé pour obligations familiales devrait être calculé en fonction du nombre d'heures travaillées plutôt que des jours. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai conclu que l'affaire dont je suis saisi diffère de celle-là sous certains aspects importants, de sorte qu'une conclusion différente s'impose. Quoi qu'il en soit, la Cour n'appliquait pas de normes de correction. Que la Cour déclare au paragraphe 24 de sa décision que l'arbitre était libre, dans King c. Agence des douanes et du revenu du Canada, supra, d'arriver à sa conclusion, ne va pas plus loin qu'une déclaration que sa conclusion n'était pas manifestement déraisonnable.

[42]    Je reconnais que, par souci d'assurer la stabilité, la prévisibilité et l'uniformité des relations de travail, il faut que les dispositions semblables des conventions soient interprétées de la même façon (Stockdale, supra, paragraphe 35; Bouchard, supra, paragraphe 11). Par contre, l'arbitre de griefs est tenu par la loi d'arbitrer au fond les affaires dont il est saisi (Breau c. Conseil du Trésor (Justice Canada) , 2003 CRTFP 65 et Mackie c. Conseil du Trésor (Défense nationale) , 2003 CRTFP 103). En l'espèce, les dispositions de la convention collective sont nettement différentes de celles qui s'appliquaient dans les autres affaires.

[43]    Pour ces motifs, le grief est rejeté. Dans les circonstances, le fonctionnaire s'estimant lésé a droit à un maximum de trente-sept heures et demie de congé pour obligations familiales pendant qu'il travaille une semaine comprimée.

John Steeves,
commissaire

BURNABY, le 22 novembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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