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Résumé :

Grief contestant un renvoi en cours de stage - retrait du soutien de l'agent négociateur - Opposition de l'employeur à la compétence de la Commission - Représentation du fonctionnaire s'estimant lésé par une avocate - Aucune observation de l'avocate malgré la communication de la Commission - Absence de compétence de la Commission - le fonctionnaire s'estimant lésé a été renvoyé en cours de stage de son poste de CX-01 au motif qu'il avait commis de graves infractions au code de discipline : avoir négligé d'inscrire les heures de travail ou des rondes de sécurité dans le registre, avoir dormi pendant les heures de travail, avoir apporté un combiné radio-cassette du lieu de travail à la maison sans permission et ne pas s'être présenté pour un quart de travail - l'employeur s'est opposé à la compétence de l'arbitre pour entendre le grief, et l'agent négociateur a informé la Commission qu'il ne représenterait pas le fonctionnaire s'estimant lésé - la Commission a envoyé deux lettres au fonctionnaire s'estimant lésé qui n'ont pas été réclamées bien qu'elles aient été adressées à la bonne adresse - le fonctionnaire s'estimant lésé a ensuite informé la Commission qu'il avait retenu les services d'une avocate et a demandé une extension du délai pour la présentation d'observations écrites relativement à la question de la compétence, afin de permettre à son avocate de prendre connaissance du dossier - l'avocate n'avait fait parvenir aucune observation à la nouvelle date limite fixée par la Commission et elle n'avait envoyé aucune réponse à la proposition de la Commission concernant les dates d'audience - la Commission a envoyé deux lettres à l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé, mais n'a reçu aucune réponse; la question de la compétence a donc été tranchée sur la foi des documents soumis - le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu que son licenciement était un renvoi en cours de stage et que l'employeur avait déterminé qu'en raison de son inconduite le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas les aptitudes nécessaires pour occuper le poste d'agent de correction - il a été statué que le fait que cette inconduite aurait pu mener à une imposition de sanction disciplinaire n'était pas pertinent parce que l'employeur avait exercé les pouvoirs qui lui étaient conférés par l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique au lieu d'imposer des mesures disciplinaires - l'employeur a agi de bonne foi et la Commission n'avait donc pas compétence en la matière. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2003-10-24
  • Dossier:  166-2-31841
  • Référence:  2003 CRTFP 97

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

DANNY ROSS
fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel Canada)

employeur

Devant :   Yvon Tarte, président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   Lui-même

Pour l'employeur :   Marie-Josée Lemieux


(Décision rendue sans audience.)


[1]    En juin 2002, M. Ross, qui avait occupé le poste d'agent de correction (CX-1) à l'établissement Kent en Colombie-Britannique, a contesté son renvoi en cours de stage. L'agent négociateur (UCCO-SACC-CSN) du fonctionnaire s'estimant lésé a transmis les documents concernant le renvoi de l'affaire à l'arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP ou Commission), en janvier 2003.

[2]    La lettre de renvoi de l'employeur, datée du 5 juin 2002, se lisait en partie :

[Traduction]

J'ai le regret de vous informer qu'en vertu du pouvoir qui m'est délégué à titre d'administrateur général, aux termes de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la présente est pour signifier votre renvoi en cours de stage au poste d'agent de correction 1, (CX-01), numéro de poste 25100, à compter de la fermeture des bureaux, le 5 juin 2002.

Ma décision est motivée par le fait que vous avez commis de graves infractions au Code de discipline. Vous n'avez pas satisfait à la première norme, responsabilité dans l'exécution des tâches, parce que vous avez refusé ou négligé d'exercer vos fonctions d'agent de la paix en n'inscrivant pas dans le registre des unités J et K vos heures de travail et les rondes de sécurité que vous étiez tenus d'effectuer. Vous n'avez pas satisfait à la deuxième norme, conduite et apparence, parce que vous avez été trouvé en train de dormir pendant les heures de travail, le 9 mai 2002, et que vous avez apporté un combiné radio-cassette du lieu de travail à votre domicile sans permission. En outre, vous n'avez pas respecté le protocole et vous ne vous êtes pas présenté à votre quart de travail prévu à l'horaire, le 31 mars 2002. En raison de vos actions, je n'ai d'autres choix que de vous renvoyer en cours de stage.

[3]    Dans sa réponse au grief, l'employeur a répété que M. Ross avait été renvoyé en cours de stage, avec motifs à l'appui, compte tenu qu'il avait, par ses actions, négligé d'exécuter ses fonctions d'agent de correction selon les normes de rendement établies.

[4]    Dans une lettre datée du 30 janvier 2003, l'employeur a contesté la compétence d'un arbitre nommé en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) d'entendre l'affaire. L'employeur prétendait notamment que :

[Traduction]

Le libellé de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) n'appuie pas le renvoi en arbitrage. Le grief de M. Ross ne porte ni sur l'interprétation ou l'application d'une disposition de la convention collective ou d'une décision arbitrale, ni sur une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, ni sur un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques. De plus, le paragraphe 92(3) de la LRTFP interdit le renvoi à l'arbitrage par la Commission d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Dans l'affaire Leonarduzzi, Division de première instance de la Cour fédérale, dossier de la Cour T-1231-99, à la page 16, paragraphe 37, le juge Lemieux a dit :

« .l'employeur n'a pas à produire une preuve prima facie d'un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l'emploi et non à un autre motif. »

Il a ajouté au paragraphe 40 de la même décision :

« . La question en litige porte sur un renvoi, que le fonctionnaire allègue avoir été fait de mauvaise foi, pour lequel l'employeur n'a pas présenté de motif lié à l'emploi, sauf à dire que le défendeur n'avait pas satisfait aux normes. Toutefois, l'employeur ne dit pas au défendeur en quoi il ne satisfaisait pas aux normes. L'employeur ne peut s'appuyer sur le paragraphe 28(2) pour licencier des employés sans leur fournir un motif réel. »

Dans sa lettre de renvoi, M. Ross a été informé qu'il était renvoyé en cours de stage pour des motifs reliés à son emploi ayant commis de graves infractions au Code de discipline.

Par conséquent, l'employeur soutient respectueusement qu'un arbitre n'est pas habilité à instruire cette affaire et demande que ce renvoi à l'arbitrage soit rejeté sans audience pour défaut de compétence.

[5]    Le 28 avril 2003, UCCO-SACC-CSN a informé la Commission qu'il ne représenterait pas M. Ross aux audiences devant la Commission.

[6]    Le 29 avril 2003, la Commission a informé M. Ross, par écrit, que son agent négociateur avait signifié sa décision de ne plus le représenter. La Commission a alors demandé à M. Ross de lui indiquer s'il était prêt en vue de la tenue de l'audience fixée au 5 juin 2003. Le lettre envoyée à M. Ross par poste prioritaire est revenue à la Commission n'ayant pas été réclamée.

[7]    La Commission a écrit de nouveau à M. Ross, le 22 mai 2003, pour l'informer de la décision de la Commission de statuer sur l'objection préliminaire de l'employeur par voie d'observations écrites et pour l'aviser qu'il devait présenter ses observations écrites d'ici le 12 juin 2003. Encore une fois, cette lettre n'a pas été réclamée.

[8]    Après avoir fait enquête, la Commission a confirmé que les lettres avaient été envoyées à la bonne adresse.

[9]    Le 10 juin 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé à la Commission, par télécopieur, une courte note expliquant qu'il avait retenu les services d'une avocate et que celle-ci avait besoin de temps pour prendre connaissance du dossier. Dans une lettre datée du 12 juin 2003, l'avocate de M. Ross a été avisée qu'elle devait présenter à la Commission ses observations écrites sur la question de la compétence, au plus tard le 15 août 2003. Une copie de cette lettre à l'avocate a également été envoyée à M. Ross.

[10]    Le 10 juillet 2003, une copie du calendrier provisoire des audiences a été envoyée, par télécopieur, à l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé, proposant du 21 au 24 octobre 2003 comme dates d'audiences du grief. Bien que la Commission ait demandé que tout changement proposé lui soit soumis au plus tard le 30 juillet 2003, l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé n'a présenté aucun commentaire.

[11]    Au 15 août 2003, la Commission n'avait pas reçu d'observations sur la question de la compétence, de la part du fonctionnaire s'estimant lésé, ni de son avocate. Le 28 août 2003, l'avocate de l'employeur a demandé à la Commission, par écrit, que le renvoi à l'arbitrage soit rejeté en s'appuyant sur les observations de l'employeur. La Commission a écrit à l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé, le 29 août 2003, pour l'aviser que, comme elle n'avait reçu aucune observation, la Commission instruirait cette affaire et rendrait une décision. Aucune réponse n'a été reçue à la suite de cette communication.

[12]    En dernier lieu, la Commission a écrit de nouveau à l'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé, le 2 octobre 2003, pour lui signifier que l'audience prévue en octobre était annulée et que la question de la compétence serait tranchée sur la foi des documents soumis. Encore une fois, la communication est restée sans réponse.

[13]    Afin de statuer sur la question de la compétence, un examen de certaines dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) s'impose. Les dispositions pertinentes de la LEFP se lisent comme suit :

28.(1) À partir de la date de sa nomination à un poste pourvu par nomination externe, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par règlement par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie.

(1.1) Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas le stage.

(2) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

[14]    Les dispositions pertinentes de la LRTFP se lisent comme suit :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[15]    Dans toute cause portant sur un renvoi en cours de stage, l'employeur doit établir que le licenciement a eu lieu pendant la période de stage et que le ou les motifs du renvoi son reliés à l'emploi et non à un autre motif. Pour produire des éléments de preuve démontrant que le renvoi est survenu en cours de stage, l'employeur doit établir le caractère valable ou le bien-fondé des motifs reliés à l'emploi justifiant le renvoi.

[16]    Dans la présente affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu que son licenciement constituait un renvoi en cours de stage. La lettre de renvoi en cours de stage produite par l'employeur a été présentée à la Commission et est mentionnée précédemment dans cette décision. L'employeur a déterminé qu'en raison de l'inconduite de M. Ross pendant sa période de stage, celui-ci n'avait pas les aptitudes requises pour occuper le poste d'agent de correction. Le fait que cette inconduite était passible de sanctions disciplinaires n'est pas pertinent, puisque l'employeur a préféré exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 28 de la LEFP plutôt que d'imposer des mesures disciplinaires.

[17]    Je suis convaincu que l'employeur a agi de bonne foi au motif qu'il considérait que M. Ross n'avait pas les aptitudes requises pour occuper le poste d'agent de correction. Compte tenu de cette conclusion, je me retrouve sans compétence en la matière.

[18]    Ce renvoi est donc rejeté par défaut de compétence.

Yvon Tarte,
président

OTTAWA, le 24 octobre 2003.
Traduction de la C.R.T.F.P.

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