Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Répartition des heures supplémentaires de travail sur une base équitable - Attribution sur la base du moindre coût - Compétence - Groupe Services correctionnels - les fonctionnaires s'estimant lésés contestaient la pratique de l'employeur d'offrir le temps supplémentaire sur la base du moindre coût - l'employeur et l'agent négociateur avaient convenu d'offrir le temps supplémentaire en priorité aux agents de correction rémunérés pour le temps supplémentaire à taux et demi, puis à ceux rémunérés à temps et trois quarts et, enfin, à ceux rémunérés à temps double - les fonctionnaires s'estimant lésés ont allégué que cette pratique était inéquitable envers les agents de correction rémunérés pour le temps supplémentaire à temps double - ils ont démontré que les agents de correction rémunérés pour le temps supplémentaire à temps double avaient accumulé moins d'heures de temps supplémentaire que les autres - l'employeur s'est opposé à la compétence de l'arbitre de grief parce que la méthode de répartition du temps supplémentaire n'était pas prévue dans la convention collective - il a ajouté que les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas établi que le temps supplémentaire avait été réparti de façon inéquitable - l'arbitre de grief a rejeté l'objection de l'employeur, puisque les griefs contestaient la répartition du temps supplémentaire - elle a conclu à l'inexistence de preuve concrète démontrant que, après analyse de tous les facteurs pouvant expliquer une disparité au nombre d'heures accumulées, seul demeure le facteur d'iniquité. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-07-08
  • Dossier:  166-2-31938, 166-2-32476
  • Référence:  2004 CRTFP 85

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARIO ROIREAU ET CONRAD GAMACHE

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :  Evelyne Henry, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:   Céline Lalande, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur :   Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
les 29 et 30 janvier 2004;
représentations écrites déposées
les 26 février et 17 et 22 mars 2004.


[1]   Messieurs Mario Roireau et Conrad Gamache sont des agents de correction (AC) AC-02 travaillant à l'établissement Cowansville. Ils contestent la procédure de répartition du temps supplémentaire, alléguant qu'elle contrevient à la clause 21.10 de la convention collective signée le 2 avril 2001 par l'UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN (UCCO-SACC-CSN) et le Conseil du Trésor relativement au groupe Services correctionnels.

[2]   Les fonctionnaires s'estimant lésés soutiennent que les AC-02 travaillant des postes de 12 heures n'ont pas accès à une part équitable du temps supplémentaire à cause de la politique de l'employeur qui vise à offrir le temps supplémentaire au moindre coût.

[3]   L'employeur s'est opposé à la compétence de l'arbitre pour entendre un grief qui conteste la procédure d'attribution du temps supplémentaire. J'ai pris l'objection sous réserve.

[4]   Les fonctionnaires s'estimant lésés ont témoigné et fait entendre cinq autres témoins : Gilles Leclerc, Eric Marcotty, Paul Hinse, Marcel Larocque et Michel Martel.

[5]   Mario Roireau est à l'emploi du Service correctionnel depuis octobre 1977 et est un AC-02 depuis 1988. Il travaille selon un horaire de postes de 12 heures (horaire de 12 heures) depuis avril 2002. Auparavant, il travaillait selon un horaire de postes 8 heures (horaire de 8 heures). Il y a 16 AC-02 sur l'horaire de 12 heures et 56 sur l'horaire de 8 heures.

[6]   M. Roireau est disponible « pratiquement » toutes ses journées de repos et pendant les quatre heures à la fin de sa journée de travail. En avril 2002, il était un peu moins disponible pendant ses journées de repos. Pendant les quatre heures après ses quarts de travail, M. Roireau est disponible, à l'occasion, mais pas toujours.

[7]   Les disponibilités pour le temps supplémentaire sont inscrites sur un formulaire intitulé « Signature des AC-02's pour la disponibilité du surtemps » (pièce P-1). Le nom de tous les AC y figure en ordre alphabétique. Il y a trois parties, une pour indiquer le quart de travail où l'AC est disponible, une autre pour la signature et une dernière pour annuler la disponibilité.

[8]   Les AC indiquent avec un crochet le quart de travail qui les intéressent : M pour matin, J pour jour et S pour soir. Si par la suite un AC change d'avis et ne veut plus être disponible, il initiale la case appropriée dans la colonne de droite. Un formulaire (pièce P-1) est rempli pour chaque jour du mois; la date figure en bas, à gauche. Les formulaires sont gardés dans un cartable qui contient toutes les feuilles du mois à venir. Les feuilles sont disponibles d'une semaine à une semaine et demi avant le mois à venir. La pièce P-1 est un exemplaire des feuilles de février 2004.

[9]   En avril 2002, il y avait des formulaires semblables. M. Roireau ne se souvient pas si, à cette époque la liste des AC couvrait tous les AC ou s'il y avait une liste séparée pour les AC-01 et les AC-02. Le cartable des formulaires de disponibilité est gardé sur le comptoir où les AC signent le registre de présence.

[10]   M. Roireau a présenté la liste de compilation du temps supplémentaire en date du 31 mars 2002 (pièce P-2). Cette liste est imprimée à partir des entrées informatiques utilisées par le Service correctionnel pour offrir du temps supplémentaire aux AC.

[11]   Sur la première colonne, il y a le nom des AC; en ombragé apparaît le nom des AC travaillant un horaire de 12 heures et, en fond blanc, celui des AC travaillant un horaire de 8 heures. Sur cette liste sont inscrits tous les AC-01 et AC-02. Le 31 mars est la dernière journée de compilation pour les heures supplémentaires. Le 1er avril, tous recommencent à zéro pour une période d'un an.

[12]   La deuxième colonne indique le total des heures supplémentaires accumulées. La troisième colonne indique la disponibilité. La quatrième colonne est en blanc, la suivante (T. 5) est pour le temps et demi. La sixième colonne (T. __) est pour le temps double ou le temps et trois quarts. La colonne « HRE » est pour l'heure à laquelle l'AC a été appelé. La colonne « CX-05 » est pour les initiales du surveillant correctionnel qui offre le temps supplémentaire et la dernière colonne « OK-Refus » est pour indiquer si l'offre a été acceptée ou refusée.

[13]   La disponibilité indiquée sur la pièce P-1 est reportée chaque jour sur la pièce P-2 par un surveillant correctionnel. Par la suite, à l'aide des horaires de travail, le surveillant correctionnel établit, pour chaque AC, quel taux de temps supplémentaire doit être rémunéré. Après le quart de travail, ainsi que lors d'un premier jour de repos, c'est à temps et demi que le temps supplémentaire est rémunéré. Pour le deuxième jour de repos et les jours de repos subséquents, c'est à temps double. Pour les AC qui travaillent un horaire de 12 heures, le temps supplémentaire est rémunéré à temps et trois quarts en tout temps.

[14]   Un formulaire P2 est préparé pour chaque quart de travail, à chaque jour de l'année. C'est avec ce formulaire que le surveillant correctionnel établit sa priorité d'appel en temps supplémentaire. Il appelle l'AC qui compte le moins d'heures et qui est rémunéré au taux de temps supplémentaire le plus faible. Il appelle tous les AC à temps et demi avant tous les autres, peu importe leur nombre d'heures supplémentaires accumulées. Même si un AC rémunéré à temps et trois quarts n'a aucune heure accumulée de temps supplémentaire et un autre, rémunéré à temps et demi, compte 100 heures accumulées de temps supplémentaire, il va appeler ce dernier.

[15]   M. Roireau introduit la pièce P-3, qui est le même formulaire que P-2, mais en date du 31 juillet 2002. Cette compilation s'applique aux AC-02. Les noms apparaissant en ombragé sont ceux des AC travaillant un horaire de 12 heures et, sur fond blanc, les AC travaillant un horaire de 8 heures. M. Roireau a obtenu la pièce P-3 en imprimant le formulaire pour la journée du 31 juillet 2002.

[16]   M. Roireau fait remarquer que les fonctionnaires dont le nom apparaît en ombragé ont en général moins d'heures supplémentaires accumulées que les autres. Il indique que M. J. Lamoureux, qui travaille un horaire de huit heures, a 98,75 heures alors que lui, M. Roireau, n'en a que 21,5. M. Roireau avait augmenté sa disponibilité. Il explique l'écart par le fait que M. Lamoureux, travaillant un horaire de 8 heures, était payé à temps et demi et était toujours prioritaire sur M. Roireau, qui devait être rémunéré à temps et trois quarts.

[17]   En contre-interrogatoire, M. Roireau confirme que la pièce P-2 se rapporte à la compilation des heures supplémentaires avant l'entrée en vigueur de l'horaire de 12 heures pour les AC-02. Le grief de M. Roireau, daté le 31 mai 2002, demande de changer la procédure de répartition du temps supplémentaire car, selon lui, elle est discriminatoire à l'égard des employés travaillant un horaire de 12 heures. M. Roireau déclare que la priorité donnée aux AC payés à temps et demi sur ceux payés à temps et trois quarts est inéquitable et contraire à la clause 21.10 de la convention collective.

[18]   M. Roireau ne peut dire combien d'heures il avait en avril 2002. Il ne peut dire le nombre d'heures pour janvier 2003, car il n'a pas les documents pour aller vérifier. M. Roireau ne peut dire le nombre d'heures accumulées au moment où le surveillant a signé le grief en juin 2002, car il n'a pas aujourd'hui en sa possession le formulaire de juin 2002. M. Roireau peut avoir accès au document pour la période d'avril 2003 à avril 2004.

[19]   M. Roireau nie être dans la moyenne des heures supplémentaires tout au long de l'année. M. Roireau indique qu'aucun nom apparaissant en ombragé ne compte parmi ceux qui possèdent le plus de temps supplémentaire accumulé. M. Roireau nie que la pièce P-3 le place dans la moyenne des heures accumulées de temps supplémentaire.

[20]   M. Roireau a pris de 20 à 25 jours de vacance pendant l'année 2002/2003. Il a pris deux semaines en été et deux semaines en hiver. M. Roireau nie que ses vacances affectent sa disponibilité pendant la période où il y a le plus de temps supplémentaire. Pour trois jours de vacance, il doit utiliser 4 jours et demi de ses crédits de congé annuel, de sorte que, à la fin, il se retrouve à peu près au même point que les AC travaillant un horaire de 8 heures. M. Roireau ne peut indiquer de disponibilité durant ses jours de vacance, mais il peut le faire pour ses jours de repos. Il a pris des vacances, comme l'ont fait tous ses collègues de travail.

[21]   En ré-interrogatoire M. Roireau spécifie que les noms apparaissant en ombragé sur la pièce P-2 sont ceux de AC-01 qui sont payés à temps et trois quarts. M. Roireau a pris des vacances vers la fin juillet, début août 2002; il ne peut être plus précis, mais c'est normalement à cette période qu'il prend ses vacances. À l'été 2002, M. Roireau n'est pas allé en voyage; il a donc dû normalement indiquer des disponibilités, mais ne peut dire quand.

[22]   M. Roireau introduit la pièce P-4 qui couvre les heures supplémentaires accumulées au 31 mars 2003. Ce formulaire couvre la période du 1er avril 2002 au 31 mars 2003 pour les AC-02. Les noms apparaissant en ombragé sont ceux des AC travaillant un horaire de 12 heures. Le nom de M. Roireau est le 13e du bas de la première page; il a un total de 82,75 heures. L'avant-dernier nom sur la deuxième page est celui de Marc Coté, un AC-02, travaillant un horaire de 8 heures; il a un total de 283,29 heures.

[23]   D'après M. Roireau, M. Ferland, dont le nom apparaît en ombragé, a beaucoup d'heures supplémentaires, mais il n'a pas travaillé selon l'horaire de 12 heures pendant toute l'année. Il a fait beaucoup d'heures supplémentaires pendant qu'il travaillait selon l'horaire de 8 heures.

[24]   Il y a 16 AC-02 travaillant selon l'horaire de 12 heures, soit quatre par pavillon. On demande des volontaires pour chaque pavillon, qui sont choisis par ancienneté. L'AC qui se porte volontaire doit s'engager pour une période de 3 mois; s'il n'aime pas cela, il peut retourner à l'horaire de 8 heures. M. Roireau est demeuré sur l'horaire de 12 heures; il aime toujours sa situation de vie et « voyager trois jours plutôt que six ». À sa connaissance, seulement deux AC ont quitté l'horaire de 12 heures parce qu'ils ne faisaient pas assez de temps supplémentaire.

[25]   M. Gilles Leclerc travaille au Service correctionnel depuis 12 ans. Il est à l'établissement Cowansville depuis 9 ans comme AC-02; auparavant, il était à Port-Cartier.

[26]   M. Leclerc travaille selon l'horaire de 8 heures, sur le poste de relève. Il a travaillé selon l'horaire de 12 heures d'avril à août 2002. Il affirme avoir effectué très peu d'heures supplémentaires pendant cette période. M. Leclerc était disponible à tous les postes, surtout ses journées de repos. M. Leclerc a indiqué ses disponibilités sur un document semblable à la pièce P-1. Son nom apparaît à la deuxième page de la pièce P-3; il a un total de 45,50 heures accumulées au 31 juillet 2002. M. Leclerc dit initialement qu'il s'agit d'heures converties, que ce total représente peut-être 2 postes de 12 heures, puisqu'il ne voit pas la période qu'il a travaillée. M. Leclerc indique qu'il y a eu une entente pour convertir les heures travaillées en heures payées plutôt qu'indiquer le total des heures travaillées. M. Leclerc est incertain si la pièce P-3 indique les heures converties ou non. M. Leclerc a quitté l'horaire des 12 heures vers le 16 août 2002.

[27]   Sur la pièce P-4 le nom de M. Leclerc figure au 8e rang du haut de la deuxième page; il a un total de 177,52. Il s'agit d'heures converties.

[28]   M. Leclerc impute l'écart entre le nombre d'heures de juillet 2002 et celui de mars 2003 au fait qu'il travaillait au début selon l'horaire de 12 heures et, par la suite, selon l'horaire de 8 heures; le temps supplémentaire lui était offert en priorité par rapport à ses 16 confrères qui travaillaient des postes de 12 heures. Il dit « je pouvais quasiment choisir l'heure de mon surtemps ». M. Leclerc estime qu'il y a eu une accélération du temps supplémentaire, passant d'une quarantaine d'heures à 177 heures.

[29]   M. Leclerc n'aimait pas travailler l'horaire de 12 heures; suite au décès de son père, il a voulu changer. Il a demandé à retourner à l'horaire de 8 heures à la fin de juin ou au début de juillet 2002. Il a dû se trouver un remplaçant et travailler environ 19 heures pour ajuster les horaires. Selon M. Leclerc, l'horaire de 12 heures est populaire, sauf au pavillon 9. M. Leclerc est le premier AC-02 à revenir à l'horaire de 8 heures.

[30]   En contre-interrogatoire, M. Leclerc admet qu'il n'a pas cessé de travailler un horaire de 12 heures à cause du fait qu'il faisait moins de temps supplémentaire. Il a quitté parce que le décès de son père a créé des bouleversements dans sa vie. De plus, en travaillant selon l'horaire de 12 heures, M. Leclerc s'est retrouvé à être officier en charge du pavillon. En travaillant sur un horaire de 12 heures, il risquait davantage « d'être déposté » du pavillon 9 et, lorsque de soir et de nuit, il était officier en charge de pavillons, ce qui lui plaisait moins.

[31]   M. Leclerc a travaillé des jours fériés entre avril 2002 et mars 2003. Les primes pour le travail un jour de congé férié sont les mêmes peu importe l'horaire et ne sont pas comptabilisées dans les heures supplémentaires.

[32]   Eric Marcotty travaille au Service correctionnel depuis juillet 2002. Il a débuté à l'établissement de Cowansville comme AC-01 et est devenu AC-02 par intérim en octobre 2002. Il travaille selon l'horaire de 8 heures depuis le début.

[33]   M. Marcotty décrit comment il indique sa disponibilité pour le temps supplémentaire. Il n'a pas pris de congés annuels entre octobre 2002 et mars 2003. Selon la pièce P-4, M. Marcotty a effectué 261,01 heures supplémentaires entre août 2002 et le 31 mars 2003. Il était appelé régulièrement pour faire du temps supplémentaire, après ses quarts de travail et durant ses jours de repos. M. Marcotty était payé à temps et demi pour ses heures supplémentaires.

[34]   M. Marcotty ne peut expliquer pourquoi on lui offrait plus souvent du temps supplémentaire. M. Marcotty terminera sa période de probation en juillet 2004. Il ne peut dire la proportion des heures supplémentaires qu'il a accumulées comme AC-01 ou AC-02 entre août 2002 et mars 2003.

[35]   M. Paul Hinse est à l'établissement Cowansville depuis septembre 2000. Il a débuté comme AC-01 et est devenu AC-02 par intérim le 10 décembre 2001.

[36]   M. Hinse travaille selon l'horaire de 12 heures depuis le 26 août 2002. Comme AC-02, il a travaillé selon l'horaire de 8 heures du 10 décembre 2001 au 26 août 2002. Il a remplacé Gilles Leclerc sur l'horaire de 12 heures.

[37]   M. Hinse n'a pas changé ses disponibilités pour travailler du temps supplémentaire après son changement d'horaire.

[38]   M. Hinse indique son nom sur la pièce P-6, qui est le cumulatif du temps supplémentaire en date du 31 août 2002. Le nom de M. Hinse apparaît en ombragé sur la deuxième page, vers la fin. Il a un total de 86 heures supplémentaires travaillées.

[39]   Sur la pièce P-4, le nom de M. Hinse figure en troisième place, sur la deuxième page : il a 151,88 heures. Il croit que ce total représente des heures travaillées. M. Hinse dit que les listes des heures converties sont apparues en 2003/2004.

[40]   M. Hinse déclare que la seule explication pour l'écart entre l'accumulation de 86 heures en 5 mois et celle de 65 heures en 7 mois est le fait que son temps supplémentaire est devenu payable à temps et trois quarts quand il travaillait un horaire de 12 heures alors qu'avant, il était payé à temps et demi lorsqu'il travaillait un horaire de 8 heures.

[41]   En contre-interrogatoire, M. Hinse réaffirme que les heures qui apparaissent à la pièce P-6 sont des heures travaillées. M. Hinse pense, mais n'est pas certain, que le maximum d'heures qu'un fonctionnaire peut travailler dans une journée ne doit pas excéder 16 heures.

[42]   M. Marcel Larocque travaille à l'établissement Cowansville depuis 26 ans. Il est AC-02 depuis 1992.

[43]   M. Larocque travaille selon l'horaire des 12 heures depuis son introduction et sans interruption jusqu'à maintenant. M. Larocque est disponible pour les trois quarts de ses journées de repos, de la première à la dernière. Il est disponible tout le temps, sauf les lundis soirs, où il joue aux quilles, quand il ne travaille pas de nuit. Les AC travaillent de 7 heures à 19 heures de jour, et de 19 heures à 7 heures de nuit.

[44]   Avant de travailler un horaire de 12 heures, M. Larocque était moins disponible, mais avait l'opportunité de travailler 8 heures de temps supplémentaire après son quart de 8 heures, ce qui s'appelle « faire des doubles ». En travaillant un horaire de 12 heures, il peut faire 4 heures de temps supplémentaire après son poste. C'est le maximum de temps supplémentaire qu'il peut faire un jour normal de travail.

[45]   M. Larocque reconnaît son nom à la deuxième page de la pièce P-3, le troisième en haut avec 28,50 heures. Il ne sait pas si ce sont des heures travaillées ou converties au 31 juillet 2002.

[46]   Sur la pièce P-4, M. Larocque reconnaît que son nom, en ombragé, est le troisième du bas de la feuille; il a 90,63 heures. Il affirme que ces heures ont été converties.

[47]   M. Larocque dit qu'on ne lui a jamais offert des 12 heures de temps supplémentaires. Il a fait des 4 heures quand les surveillants correctionnels étaient « mal pris ». Il a aussi effectué des 8 heures pendant ses journées de congé.

[48]   M. Larocque connaît Marc Côté, qui est un AC-02 dont le nom apparaît en dernier sur la pièce P-4. M. Côté a 283,29 heures supplémentaires et travaille selon l'horaire de 8 heures.

[49]   En contre-interrogatoire, M. Larocque indique qu'il travaille en temps supplémentaire lors des congés fériés et que ces heures ne sont pas comptabilisées dans les pièces P-2, P-4 et P-6. Il a travaillé lors de 5 jours fériés. M. Larocque indique que le temps supplémentaire, les primes de postes, etc., sont payés sur un chèque à part, une fois par mois. Le salaire régulier est payé toutes les deux semaines. M. Larocque ne trouve pas équitable la distribution du temps supplémentaire à l'occasion des congés fériés, mais n'a pas fait de grief.

[50]   Michel Martel travaille à l'établissement Cowansville depuis le 16 janvier 1999. Il a commencé comme AC-01 et est AC-02 par intérim depuis deux ans « grosso modo ». Il est devenu AC-02 intérimaire en travaillant selon l'horaire de 8 heures. Il a commencé à travailler selon l'horaire de 12 heures lorsque cet horaire a été introduit, en avril 2002.

[51]   M. Martel est revenu à l'horaire de 8 heures en avril 2003. Entre le 1er avril 2002 et le 31 mars 2003, M. Martel était disponible pour faire du temps supplémentaire et l'indiquait sur des fiches semblables à la pièce P-1. De 90 à 95% du temps, il inscrit son nom comme disponible, peu importe le quart de travail.

[52]   M. Martel est familier avec la pièce P-3. Son nom apparaît en deuxième place sur la deuxième page; il a 28,50 heures de temps supplémentaire. Sur la pièce P-4, son nom est l'avant-dernier sur la première page; il a 129,60 heures accumulées.

[53]   M. Martel connaît Jean Lamoureux, dont le nom apparaît en deuxième page de la pièce P-4. M. Lamoureux est AC-02 intérimaire, comme M. Martel; il a 277,55 heures accumulées sur la pièce P-4. Il explique que M. Lamoureux compte plus d'heures supplémentaires que lui dû au fait que M. Lamoureux était payé à temps et demi et que lui, était payé à temps et trois quarts.

[54]   M. Martel est revenu à un horaire de 8 heures parce qu'il voulait faire plus de temps supplémentaire et qu'il était « tanné » de travailler la nuit. Selon l'horaire de 8 heures, il est très rare que M. Martel soit appelé à travailler de nuit. M. Martel travaille au pavillon 9. Au pavillon 9, il y a 4 AC-02 sur un horaire de 12 heures; la majorité travaille l'horaire de 8 heures.

[55]   Conrad Gamache travaille au Service correctionnel depuis le 3 mars 1981. Il est à l'établissement Cowansville depuis août 1989. Il est arrivé à Cowansville comme CX-COF-4 et est devenu AC-02 en 1991 avec la conversion des classifications.

[56]   M. Gamache est payé aux deux semaines, pour une moyenne de 37,5 heures par semaine. Le montant brut de ce chèque demeure sensiblement le même. Tous les mois, il reçoit un autre chèque pour les primes de postes et pour le temps supplémentaire. Ce chèque inclut aussi les primes de travail pour un congé férié, le kilométrage et les repas. Il y a une mention spéciale « congé statutaire » lorsque la prime est pour du travail lors d'un jour férié.

[57]   M. Gamache a travaillé selon l'horaire de 12 heures d'avril à décembre 2002; il remplaçait quelqu'un qui avait plus d'ancienneté que lui, M. Marc Vaillancourt. Lorsque M. Vaillancourt est revenu d'un congé de maladie prolongé, ce dernier a repris son poste et l'horaire de 12 heures. M. Gamache a repris sa « ligne de 8 heures, relève ».

[58]   Lorsqu'il travaillait un horaire de 12 heures, M. Gamache travaillait une fin de semaine sur deux. Depuis qu'il travaillait un horaire de 8 heures, il travaillait deux fins de semaine sur trois. En avril 2003, M. Gamache a repris un horaire de 12 heures lorsque l'officier est reparti.

[59]   M. Gamache indique qu'il est toujours disponible pour du temps supplémentaire. Il signe partout comme quoi il est disponible. M. Gamache fait partie de l'équipe d'intervention d'urgence; cela le favorisait pour effectuer des « urgences pour aller à l'hôpital ». M. Roireau ne fait pas partie de l'équipe d'urgence.

[60]   Durant la période d'avril 2002 à mars 2003, il y a eu plusieurs occasions où M. Gamache a dû participer à des interventions qui lui ont valu de rester 1 heure, une demi-heure ou trois-quarts d'heure en temps supplémentaire. M. Gamache faisait partie de l'équipe d'urgence depuis 1989. Il a donné sa démission de l'équipe d'urgence en 2003.

[61]   Lorsqu'il agissait comme escorte, M. Gamache pouvait être appelé à faire du temps supplémentaire. Ce temps supplémentaire est difficile à prévoir, mais est comptabilisé dans les formulaires comme la pièce P-4. Les heures supplémentaires sont comptabilisées dans la pièce P-4, mais pas le travail lors d'un congé férié.

[62]   La pièce P-2 montre le temps supplémentaire effectué pendant l'année 2001/2002. M. Gamache avait effectué le plus grand nombre d'heures, soit 229,25 heures. M. Gamache a fait un grief pour le principe d'équité, même s'il avait un plus grand nombre d'heures; « c'est pas correct ».

[63]   D'avril 2002 à mars 2003, la disponibilité de M. Gamache n'a pas changé. Il a signé partout, comme avant. Selon la pièce P-3, au 31 juillet 2002, il avait 58 heures accumulées. Son nom est le premier en ombragé à partir du bas de la deuxième page. Sur la pièce P-3, il s'agit d'heures travaillées. Selon M. Gamache, c'est en 2003 que les heures ont été inscrites au taux des heures converties. M. Gamache trouve cela discriminatoire, parce que celui qui est payé à temps et trois quarts va voir son « chiffre monter plus vite ».

[64]   M. Gamache a fait son grief le 3 janvier 2003 (pièce P-7). À ce moment-là, M. Gamache travaillait selon un horaire de 8 heures. M. Gamache introduit la pièce P-8, qui est le cumulatif au 22 février 2003. Son nom est le 10e du bas à la deuxième page; il a 192,76 heures. Il a fait du rattrapage en travaillant selon l'horaire de 8 heures.

[65]   Selon la pièce P-4, le nom de M. Gamache est le deuxième en ombragé sur la deuxième page; il a 205,89 heures. M. Gamache était revenu à un horaire de 12 heures vers la fin mars 2003.

[66]   M. Gamache a voulu présenter une compilation d'heures supplémentaires au 4 mai 2003; l'employeur s'y est opposé en invoquant la non-pertinence de faits postérieurs au grief. La période d'avril 2002 à mars 2003 est déjà en preuve. J'ai maintenu l'objection, car l'information est postérieure au grief et à la période de temps supplémentaire en litige.

[67]   M. Gamache fait remarquer que, dans sa réponse au grief, l'employeur cite des chiffres qui ne correspondent pas aux heures supplémentaires travaillées. L'employeur parle de 222 heures alors que, selon la pièce P-4, M. Gamache avait 205,89 heures à la fin de mars 2003.

[68]   M. Gamache connaît Marc Côté, qui a 283,29 heures, tel qu'indiqué à la pièce P-4. M. Côté est beaucoup moins disponible que M. Gamache, mais il fait tant d'heures parce que ce n'est pas une question de disponibilité mais une question de moindre coût.

[69]   Plusieurs AC signent pour leurs jours de repos, mais il faut qu'ils signent en temps et demi pour être appelés. Il y a beaucoup de zéros à côté de plusieurs noms, car certains AC ne veulent pas faire de temps supplémentaire. Les refus de faire du temps supplémentaire ne sont plus comptabilisés.

[70]   En contre-interrogatoire, M. Gamache explique que l'ordinateur peut seulement imprimer les documents de l'année en cours.

[71]   Selon M. Gamache, les documents présentés indiquent l'iniquité. M. Gamache est familier avec tous les documents, car il a travaillé « à titre de bedeau », c'est-à-dire, comme assistant du surveillant correctionnel responsable de l'établissement. À ce titre, il avait accès à tous les documents concernant le temps supplémentaire.

[72]   M. Gamache a tenté d'obtenir les documents pour 2002 de M. Jean Yves Cyr, qui lui a dit d'aller au magasin. Les boîtes n'y étaient pas.

[73]   M. Gamache n'a pas les chiffres pour le mois d'avril 2002. Il n'a pas non plus les chiffres pour le mois de janvier 2003. M. Gamache a rédigé son grief le 3 janvier 2003.

[74]   M. Gamache a fait un grief parce que, lorsqu'il était rémunéré à temps double pour le temps supplémentaire, on lui faisait passer son tour pour offrir le temps supplémentaire à quelqu'un qui avait plus d'heures que lui. M. Gamache considère que le principe d'équité était violé.

[75]   M. Gamache déclare que lorsqu'il travaillait selon l'horaire des 12 heures, il était l'employé le plus disponible pour faire du temps supplémentaire. M. Gamache était alors plus disponible que M. Roireau.

[76]   M. Gamache se sent lésé par le fait que l'employeur offrait d'abord le temps supplémentaire aux AC rémunérés à temps et demi, même s'ils avaient plus d'heures que lui. Ce n'est pas le nombre d'heures qui est inéquitable, mais la façon dont l'employeur attribue les heures supplémentaires Si la clause 21.10 de la convention collective était respectée, M. Gamache ne se sentirait pas lésé de travailler moins d'heures supplémentaires, en autant que les AC travaillant selon l'horaire de 8 heures et de 12 heures se voient offrir le temps supplémentaire au même rythme. M. Gamache se sent lésé sur le plan des principes, mais également monétairement, par rapport à ses collègues payés à temps et demi. M. Gamache considère qu'il y a un préjudice en terme d'heures et en terme d'argent. M. Gamache se sent lésé de ne pas avoir le choix du moment quand il fait du temps supplémentaire. M. Gamache considère discriminatoire d'inscrire sur les listes les heures au taux des heures converties. M. Gamache est convaincu que les listes d'heures converties ont commencé en 2003. M. Gamache ne peut expliquer les décimales sur la pièce P-8.

[77]   Pierre Sansoucy est surveillant des opérations correctionnelles à l'établissement Cowansville. Il travaille depuis 31 ans au Service correctionnel, dont 30 à Cowansville. Il est responsable d'une unité opérationnelle. En fin de semaine, lorsqu'il travaille, il est responsable de l'établissement. Il est responsable de 21 fonctionnaires.

[78]   M. Sansoucy a géré et actualisé les horaires de travail pendant 6 ans. En 1999, il a fait partie d'un comité qui a créé et mis en marche un horaire de 12 heures pour les AC avec l'aide de l'agent négociateur. Cela a débuté en 2000 avec les AC-01 seulement.

[79]   M. Sansoucy présente en liasse la pièce E-2 qui comprend :

E-2(a) La note de service du 7 mai 1999 du Sous-directeur, Claude Guérin à M. Gordon Hamilton de l'Administration centrale;

E-2(b) La note de service du 14 mars 2002 du Sous-directeur de l'Établissement Cowansville aux AC-2 de Cowansville;

E-2(c) La note de service du 11 février 2003 à la Directrice de l'Établissement Cowansville, signée par le Sous-directeur Claude Guérin et Jean Yves Cyr d'UCCO-SACC-CSN;

E-2(d) L'horaire de travail variable daté du 14 février 2003, en 6 pages;

E-2(e) Un document intitulé « Utilisation des Relèves ».

[80]   M. Sansoucy explique que, vers 1998, certains AC syndiqués avaient fait des demandes aux niveaux régional et national pour des horaires de travail leur permettant une meilleure qualité de vie.

[81]   La direction nationale du Service correctionnel a mandaté la firme privée TA Associés de confectionner des horaires de toutes sortes, peu importe les heures, pour des postes de 8, 9, 10 ou 12 heures. Par la suite, on a demandé à des établissements de se porter volontaires. Les établissements Cowansville et Drummondville ont été choisis parmi les dix prêts à se prêter à un projet pilote.

[82]   Des représentants de la firme privée et de la haute gestion sont venus expliquer la philosophie des horaires de postes, leur fonctionnement et ce qu'ils apporteraient. Les nouveaux horaires de postes devaient rencontrer trois critères : 1) permettre aux employés d'être plus longtemps chez eux pour avoir une qualité de vie; 2) ne pas coûter plus cher que l'horaire en place; 3) rencontrer les besoins des opérations de tous les jours.

[83]   Un comité a été mis sur pied pour l'établissement Cowansville. Le comité composé de huit membres comprenait : M. Sansoucy, surveillant correctionnel; Marc Tremblay, gérant d'unité; Jacques Grenier, Président de la section locale; Mario Roireau, AC-02; Conrad Gamache, AC-02; Johnny Diotte, AC-01; Marc Healy, AC-01; Yvan Paradis, AC-01; et Danielle Verrette, AC-01.

[84]   Après discussion, le comité a choisi l'horaire de 12 heures pour les AC-01. Après un essai d'un an, si ça allait bien, l'horaire de postes serait offert aux AC-02 avec les mêmes critères.

[85]   L'horaire de 12 heures a été « pondu » en grande partie par les AC-01 qui ont fait le gros du travail. Les autres vérifiaient si l'horaire était assez flexible pour rencontrer les coûts et besoins d'opération. Après deux ou trois mois, il y a eu consensus. L'étape suivante était d'établir les modalités et outils de tous les jours pour la mise en ouvre tout en respectant la convention collective, c'est-à-dire comment les congés se prendraient, vacances, congés de décès ou familial et le temps supplémentaire. Après entente avec l'agent négociateur, le tout fut présenté à la direction de l'établissement et à l'administration régionale pour approbation.

[86]   L'autorisation a été reçue et l'horaire de 12 heures a débuté en avril 2000 pour les AC-01. Une fois l'horaire en branle, la section locale et les AC-02 ont demandé la même chose pour eux. À cause des différences de fonctions entre les AC-01, qui font de la sécurité statique, et les AC-02, qui font de la sécurité dynamique, l'application de l'horaire de 12 heures était plus restreinte.

[87]   Un comité, auquel les AC-02 Noël Ray et Aldo Ray ont participé, visait à préparer un horaire de 12 heures pour un groupe restreint d'AC-02. Le projet pilote pour les AC-02, après approbation selon le même processus que pour les AC-01, a débuté en avril 2002. Le document à la pièce E-2(b) décrit ce processus. Le document a été envoyé au président local de l'époque, mais M. Sansoucy ne se souvient pas de son nom. Il a aussi été envoyé au coordonnateur aux Opérations correctionnelles, aux gérants d'unité, et aux surveillants correctionnels.

[88]   Le document E-2(c) est celui émis en février 2003 pour l'horaire de 2003/2004. À chaque année, il faut revoir ce qui a fonctionné ou non. Le Sous-directeur, Claude Guérin, et le président local d'UCCO-SACC-CSN, Jean-Yves Cyr, ont indiqué les démarches qui allaient être prises. Les modalités qui ont été adoptées sont décrites au document E-2(d). Ce document indique le nombre d'AC, leurs horaires de travail, les procédures pour l'allocation de vacances, de congés, de journées statutaires, du temps supplémentaire et de formation. Le tout fut signé pour le sous-directeur et par le président local d'UCCO-SACC-CSN, Jean-Yves Cyr. Il n'y a pas eu de changement de modalités en 2003 par rapport à l'année précédente.

[89]   M. Sansoucy décrit qu'avant l'horaire de 12 heures, il n'y avait que du temps supplémentaire rémunéré à temps et demi ou à temps double. La procédure en place depuis des années était d'appeler les AC rémunérés à temps et demi d'abord et, après, ceux rémunérés à temps double. Le but de cette procédure était simplement de gérer les deniers publics à bon escient : de donner le meilleur service au moindre coût tout, en respectant la convention collective et en étant équitable.

[90]   Le taux de rémunération du temps supplémentaire pour les AC travaillant selon l'horaire de 12 heures figurait déjà dans la convention collective (taux et trois quarts). La même philosophie de priorité d'appel a été appliquée et la procédure d'appeler les AC rémunérés à temps et demi avant ceux rémunérés à temps et trois quarts, et ces derniers avant ceux rémunérés à temps double, a été mise en place au tout début du projet pilote de mise en ouvre d'horaire de 12 heures.

[91]   M. Sansoucy explique que tous les AC s'inscrivent sur une liste universelle de disponibilité, comme dans la pièce P-1, à chaque jour de la semaine durant un mois. Ils peuvent le faire au jour le jour en arrivant au travail, ou pour la semaine, ou pour le mois. À droite du formulaire, les AC peuvent indiquer qu'ils ne sont plus disponibles.

[92]   Le surveillant correctionnel enlève le formulaire du jour une fois complété, et se sert de la pièce P-2 pour offrir le temps supplémentaire. Il regarde l'appel nominal, l'horaire de travail et les AC qui ont signé la pièce P-1 pour s'assurer qu'ils ne sont pas sur un autre quart de travail en même temps. Il établit si les AC doivent être payés à temps et demi, temps et trois quarts ou temps double. Un formulaire comme la pièce P-2 est émis à chaque quart de travail. Le gestionnaire travaille sur papier et concrétise le tout sur l'ordinateur lorsqu'il a terminé. Quand l'employeur a terminé et a comblé son besoin en temps supplémentaire, il convertit le nombre d'heures à temps simple.

[93]   Le syndicat local avait demandé que le total des heures supplémentaires soit converti à temps simple à partir des heures payées. Il y a plus d'un an que cette demande a été faite et que les heures converties sont utilisées sur les formulaires, comme la pièce P-2.

[94]   Sur le formulaire (pièce P-2), le surveillant correctionnel (CX-05) inscrit ses initiales. Il y a 10 « CX-05 ». Le CX-05 inscrit l'heure à laquelle il a fait l'appel, « OK » si le temps supplémentaire est accepté ou « refus » quand il est refusé. La mise à jour de la pièce P-2 se fait à tous les quarts de travail. La seule exception est quand les AC sont en voyage pour formation ou escorte. Le formulaire est complété à leur retour.

[95]   Le formulaire (pièce P-2) comprend toute sorte de temps supplémentaire, mais pas les primes pour le travail un jour férié. Le travail un jour férié est traité séparément. Un AC qui travaille selon l'horaire de 12 heures et qui ne travaille pas un jour férié est payé 8 heures; il y a donc un déficit de quatre heures. Ces quatre heures sont accumulées et lorsque le total atteint 12 heures, des mesures sont prises pour que l'AC les remette.

[96]   Le temps supplémentaire est offert selon la disponibilité des AC, en considérant le nombre d'heures supplémentaires accumulées et le taux de rémunération applicable. Le surveillant appelle l'AC rémunéré à temps et demi qui a le moins d'heures accumulées et descend la liste. Ensuite, il passe aux AC rémunérés à temps et trois quarts, en commençant par celui qui a le moins d'heures et descend la liste, arrivant enfin aux AC rémunérés à temps double. Si le premier AC rémunéré à temps et demi qui est disponible est celui qui a le plus d'heures, on va lui offrir de faire du temps supplémentaire.

[97]   Normalement, l'appel en temps supplémentaire se fait vers 5 h 30 du matin pour le quart de jour; sur l'heure du midi pour le quart du soir et à l'heure du souper pour le quart de nuit. Il peut y avoir des exceptions quand il y a des situations d'urgence, comme un détenu blessé, une altercation entre détenus, un besoin d'escorter un détenu ou à l'occasion d'un autre moment de tension, qui font qu'à la fin d'un poste il faut garder des AC en place sans égard à la liste.

[98]   Lorsque la liste de disponibilité est utilisée, il arrive qu'un AC appelle à 10 heures du matin pour savoir si on va offrir du temps supplémentaire. L'AC sait qui est le premier sur la liste. S'il arrive qu'il soit le premier, il dit : « si tu as du temps supplémentaire, book moi; je te rappelle pour confirmer ». Cela se fait souvent. Les AC peuvent vérifier la liste dans le bureau des surveillants correctionnels et le font.

[99]   Selon M. Sansoucy, au cours d'une année, tous les AC se font offrir du temps supplémentaire équitablement. Au cours d'une période d'une année, l'équilibre se fait, car il y a des périodes de pointes, comme en juin, juillet et août, et pendant les périodes des fêtes de Noël et de Pâques. M. Sansoucy a déjà eu à ordonner à des AC de rester en temps supplémentaire parce que la feuille de disponibilité était épuisée. L'ordre est alors donné à l'AC qui a le moins d'ancienneté.

[100]   Selon M. Sansoucy, l'avantage de l'horaire de 12 heures sur celui de 8 heures est une amélioration de la vie sociale et la possibilité de vacances plus longues si le choix de vacances coïncident avec les périodes plus longues de jours de repos. L'horaire de 12 heures prévoit des périodes de repos de 9 jours consécutifs, deux fois en 48 semaines, et à peu près deux périodes de repos de 6 jours consécutifs durant l'année.

[101]   Les périodes de vacances sont choisies dans des blocs de 7 jours. Les AC signent pour les journées qu'ils désirent dans ces blocs. Ils peuvent choisir deux blocs et doivent attendre que tous aient indiqué leur choix pour en choisir d'autres. S'ils prennent seulement deux jours dans un bloc d'une semaine et deux dans un autre bloc, ils doivent quand même attendre que tous aient indiqué leur choix pour prendre leurs autres journées de vacances.

[102]   L'autre avantage de l'horaire de 12 heures est que les AC épargnent sur le transport; ils passent en moyenne 82 jours par année de plus chez eux.

[103]   Pendant les 15 années où M. Sansoucy était surveillant, la politique d'offrir le temps supplémentaire aux AC rémunérés à temps et demi avant ceux rémunérés à temps double a toujours été en vigueur. Selon lui, cette politique est équitable à long terme, car les offre d'heures supplémentaires finissent par s'équilibrer.

[104]   M. Sansoucy a voulu déposer la liste de paye du temps supplémentaire. Les fonctionnaires s'estimant lésés s'y sont objectée, car ce n'est pas lui qui l'a confectionnée, qui l'a demandée et il n'en a aucune connaissance personnelle. J'ai maintenu l'objection.

[105]   Selon M. Sansoucy, Messieurs Roireau et Gamache sont dans la moyenne des AC qui ont fait du temps supplémentaire si on regarde la disponibilité des AC tous les jours. La moyenne comprend tous les AC qui ont des heures comptabilisées.

[106]   Les AC qui travaillent selon l'horaire de 12 heures le font par choix personnel et par ancienneté. Ils peuvent quitter cet horaire de postes mais il y a des ajustements à faire et ils doivent terminer l'horaire en marche. Les remplaçants sont faciles à trouver; il y a des volontaires en attente pour travailler cet horaire. Le choix de l'horaire se fait une fois par année selon une liste par unité. Il y a 2 employés par unité qui travaillent sur l'horaire de 12 heures. Les demandes sont accordées selon l'ancienneté. De manière générale, le projet pilote a bien fonctionné pour la première période d'avril 2002 à 2003.

[107]   En contre-interrogatoire, M. Sansoucy indique qu'il est surveillant correctionnel pour le pavillon 9. Il agit comme surveillant correctionnel responsable des opérations une fin de semaine par mois et lorsqu'il doit remplacer des surveillants absents. Il y a six surveillants responsables de l'établissement, qui doivent couvrir 24 heures par jour, sept jours par semaine. M. Sansoucy a occupé pendant neuf ans le poste de surveillant responsable de l'établissement. Les surveillants responsables ont des horaires de postes par roulement, ils font « la roulette ». M. Sansoucy, comme surveillant responsable d'unité, travaille de jour. Ça fait deux ans qu'il n'est plus obligé de « faire la roulette ». Entre le 1er avril 2002 et le 31 mars 2003, M. Sansoucy n'a eu à travailler aucune fin de semaine, mais a dû prendre la charge de l'établissement 15 fois du lundi au vendredi. La charge est la même de jour; il a dû assigner du temps supplémentaire, etc. Il y a plus d'activités dans la semaine et plus de va-et-vient le jour.

[108]   Même quand il travaille à l'unité, M. Sansoucy peut être appelé à remplacer le surveillant correctionnel et devoir compiler des feuilles semblables aux pièces P-2, P-4, P-6 et P-8. Le surveillant responsable qui le fait normalement peut être appelé à des réunions, être en tournée de détention, en rencontres avec « les patrons » ou la gestion des finances ou avoir quelconques obligations qui l'obligent à quitter son bureau. À ce moment-là, M. Sansoucy doit le remplacer.

[109]   M. Sansoucy explique que le surveillant correctionnel a un adjoint au niveau AC-02. C'est un poste assigné par roulement aux AC-02 travaillant des postes de 12 heures.

[110]   M. Sansoucy confirme que la mise en ouvre du projet pilote de l'horaire de 12 heures pour les AC-01 a été faite du temps où l'Alliance de la Fonction publique du Canada (A.F.P.C.) était l'agent négociateur. Ce sont les fonctionnaires de l'établissement qui ont « pondu » un horaire avec la gestion. Ils ont eu la « bénédiction » de l'A.F.P.C.

[111]   L'établissement Matsqui a été le premier a établir de l'horaire de 12 heures et à déterminer les critères pour la mise en ouvre des projets pilotes. Il y a des établissements qui n'ont pas d'horaire de 12 heures.

[112]   M. Sansoucy sait que M. Cyr est le président local d'UCCO-SACC-CSN à l'établissement. Il ne sait pas que Sylvain Martel est le président d'UCCO-SACC-CSN à un autre niveau.

[113]   M. Sansoucy dit qu'il a dû offrir du temps supplémentaires à des AC rémunérés à temps double pendant l'été 2002 et l'été 2003. Il ne l'a pas fait souvent. Il prend ses vacances en août. Il ne peut dire à quelles dates il l'a fait. M. Sansoucy ne se rappelle pas quand il a pris la charge de l'établissement; c'est surtout l'été, quand il n'y a pas assez de relève pour couvrir les vacances. Les surveillants en poste le font à tour de rôle.

[114]   Les surveillants correctionnels se consultent et M. Sansoucy vérifie les listes d'appel nominal et de temps supplémentaire tous les jours; c'est « un automatisme ». Les surveillants ne sont que dix et se connaissent bien; ils sont là depuis 25 à 28 ans sauf les deux derniers. Ils discutent du temps supplémentaire autant que des employés qu'ils surveillent. Ils se réunissent une fois tous les deux mois, quand il faut refaire les « cédules ».

[115]   Selon M. Sansoucy, les heures indiquées à la pièce P-4 sont des heures converties. Celles à la pièce P-3 ne sont pas converties, car il y a des zéros et des cinq. « La transition s'est faite entre les deux à quelque part. » À la pièce P-8, ce sont des heures converties. Il en est de même à la pièce P-6, car on voit des décimales qui se terminent avec des trois et des six. Les heures converties avaient commencé à la pièce P-6 datée du 31 août 2002.

[116]   M. Sansoucy dit que la pièce P-4 indique le résultat à la fin de l'année mais ne comprend pas le temps supplémentaire des congés fériés. Lorsque M. Sansoucy parle de moyenne de temps supplémentaire, il parle d'une moyenne calculée à partir de documents de paye de la Section des finances, qui comprend tout le temps supplémentaire payé aux AC.

[117]   À la fin de l'audience, j'ai accordé la demande des parties de présenter leur argumentation par écrit.

Plaidoirie pour les fonctionnaires s'estimant lésés

[118]   Les fonctionnaires s'estimant lésé ont déposé leur représentations écrites le 26 février 2004. Elles se lisent comme suit :

Tel que convenu lors des audiences des 29 et 30 janvier derniers dans les affaires mentionnées en rubrique, nous vous exposons les arguments pour les agents correctionnels Roireau et Gamache.

Objection préliminaire de l'employeur

L'employeur s'est objecté à votre compétence à entendre les griefs de messieurs Roireau et Gamache à l'effet que les griefs contestent une politique de l'employeur.

A cet égard, nous croyons que l'employeur confond le fond des griefs « mon employeur ne respecte pas l'article 21.10 de la convention collective » avec une question factuelle « la procédure de temps supplémentaire actuelle est discriminatoire. »

L'objection est manifestement erronée. Un employé peut toujours contester n'importe quelle politique ou pratique de l'employeur dans la mesure où l'employeur ne peut s'y fier pour écarter ses obligations dans la convention collective. L'inverse signifierait qu'un employeur pourrait adopter une politique pour faire échec à toute obligation conventionnelle.

L'employeur pour son objection cite l'affaire

Armand (166-2-19560) dans laquelle l'arbitre a jugé qu'il n'avait pas compétence pour interpréter la politique de répartition du temps supplémentaire de l'employeur car cette politique ne faisait pas partie de la convention collective.

Dans

Armand, les employés estimaient que la politique de l'employeur était incorporée à la convention collective. Ils en réclamaient l'application, soit une répartition équitable quotidienne du temps supplémentaire.

Dans notre affaire, il n'est pas question de faire appliquer la politique de répartition du temps supplémentaire de l'établissement Cowansville, mais bien de la contester en raison de sa non-conformité avec les dispositions de l'article 21.10 de la convention collective.

Il est certainement à l'intérieur de votre compétence de déterminer si la pratique le l'employeur se conforme aux dispositions sur la répartition du temps supplémentaire prévues à l'article 21.10.

Arguments sur les griefs

Faits non contestés :

  1. Avant le 1er avril 2002, les 72 agents correctionnels de niveau 2 ( ci-après AC 2) travaillaient 8 heures par jour, effectuaient une rotation de quarts de travail jour et soir. Ils travaillaient en moyenne 37 heures et demie par semaine.

  2. Depuis le 1er avril 2002, 16 AC 2 bénéficient d'un horaire variable. Ils travaillent 12 heures par jour de travail et effectuent une rotation de quart jour (6 hres 50 à 19 hres 20) et de nuit (19 hres à 7 hres). Ils travaillent en moyenne 37 heures et demie par semaine. Les 56 autres AC 2 continuent sur les horaires de 8 heures de travail par jour selon les modalités décrites ci-dessus.

  3. M. Mario Roireau est un AC2 qui travaille à l'établissement de Cowansville sur un horaire journalier de 12 heures depuis le 1er avril 2002 jusqu'à ce jour.

  4. M. Conrad Gamache est un AC2 qui travaille à l'établissement de Cowansville sur un horaire de 12 heures par jour du 1er avril 2002 jusqu'à mi-décembre 2002. Par la suite, il travaillait sur l'horaire de 8 heures par jour de la mi-décembre 2002 au 24 mars 2003.

  5. La direction de l'établissement Cowansville a établi une politique pour la répartition des heures supplémentaires.

  6. Selon cette politique, le cumul des heures supplémentaires est comptabilisé sur une période annuelle s'étalant du 1er avril au 31 mars de l'année suivante.

  7. Les AC 2, quel que soit leur horaire de travail journalier (8 heures ou 12 heures), sont invités à indiquer leur disponibilité à effectuer des heures supplémentaires pour chaque jour et chaque quart de travail sur le formulaire « Signature des AC-2 pour la disponibilité du surtemps » produit à la pièce P-1.

  8. Les heures supplémentaires effectuées par les AC 2 sont comptabilisées à chaque quart de travail et reproduites sur les formulaires « TEMPS SUPP. CX-02's » dans la colonne TOT. Cette colonne est remise à zéro au 1er avril de chaque année.

  9. A chaque quart de travail, un surveillant correctionnel établit une liste des AC 2 disponibles à faire des heures supplémentaires et l'ordre dans lequel les heures supplémentaires seront offertes sur les formulaires « TEMPS SUPP. CX-02' » produits en P-2, P-3, P-4, P-6, P-8

  10. Du 1er avril 2002 au 31 juillet 2002, les heures supplémentaires étaient comptabilisées sur ces formulaires selon le nombre d'heures effectuées. Du 1er août 2002 jusqu'au 31 mars 2003, les heures sont comptabilisées en fonction du taux salarial appliqué. Par exemple, pour 8 heures à taux et demi, 12 heures étaient comptabilisées ; pour 8 heures à taux et trois quart, 14 heures étaient comptabilisées. Documents produits P-3 et P-6.

  11. Les heures supplémentaires à effectuer seront offertes aux employés montrés disponibles sur le formulaire « Signature des AC 2 pour la disponibilité de surtemps » (P- 1) de la façon suivante :

    1. aux employés rémunérés à temps et demi (1 ½ ) qui auront le moins d'heures accumulées. (Formulaire TEMPS SUPP. CX-02's dans la colonne TOT) jusqu'à épuisement de cette catégorie ;

    2. Aux employés rémunérés à temps et trois quart (1 ¾) et qui auront le moins d'heures accumulées. (Formulaire TEMPS SUPP. CX-02's dans la colonne TOT) jusqu'à épuisement de cette catégorie ;

    3. Aux employés rémunérés à temps double (2) et qui auront le moins d'heures accumulées. (Formulaire TEMPS SUPP. CX-02's dans la colonne TOT)

  12. La convention collective prévoit aux articles 21.12 et 21.14 que pour les AC 2 travaillant sur les horaires de 8 heures par jour, les heures supplémentaires seront payées pour chaque 15 minutes complétées à taux et demi (1 ½).

  13. Toutefois, ces mêmes AC 2 seront payés au taux double (2) pour les heures effectuées un 2e jour de repos et suivants consécutifs ou après 8 heures de temps supplémentaires dans une journée civile ou en excédent de 8 heures consécutives supplémentaires dans toute période accolée de travail supplémentaire ou en cas d'urgence si l'employé est tenu de travailler plus de 24 heures consécutives selon les articles 21.13 et 21.14.

  14. Pour les AC2 qui travaillent sur les horaires de 12 heures par jour, la convention collective prévoit à l'article 34 - 5. que les heures supplémentaires effectuées en sus de son horaire un jour de travail normal ou les jours de repos seront payées à taux et trois quart (1¾).

La question en litige

La méthode utilisée par l'employeur pour la répartition des heures supplémentaires viole-t-elle l'article 21.10 de la convention collective ?

L'article 21.10 prévoit :

« Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

  1. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles

  2. attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. CX-1 à CX-1, CX-2 à CX-2, etc.

    et

  3. donner aux employé-e-s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation. »

Selon la preuve présentée, depuis le 1er avril 2002, l'employeur respecte ses obligations à l'effet que l'attribution des heures supplémentaires est faite parmi les employés faisant partie du même groupe, seuls les AC2 peuvent exprimer leur disponibilité à effectuer les heures supplémentaires pour le travail de ce groupe. Les heures supplémentaires sont comptabilisées parmi les employés de ce groupe et niveau. ( pièce P-3, P-4, P-6,P-8)

La procédure utilisée pour connaître les employés qualifiés facilement disponibles, par l'indication de disponibilité à effectuer des heures supplémentaires sur les jours et quarts de travail ( pièce P-1) est raisonnable et à notre avis, conforme à la convention collective.

Toutefois, la répartition des heures supplémentaires de travail n'est pas répartie sur une base équitable.

La direction de l'établissement de Cowansville a établi une procédure qui ne respecte pas la convention collective en attribuant les heures supplémentaires selon le taux horaire payé à l'employé.

En effet, la méthode de répartition des heures supplémentaires appliquée à cet établissement fait en sorte que les heures supplémentaires sont toujours offertes en premier aux AC2, ayant exprimé leur disponibilité, qui travaillent sur l'horaire de 8 heures par jour.

Ce n'est que s'il n'y a aucun AC2 de disponible travaillant sur l'horaire de 8 heures par jour que les heures supplémentaires seront offertes aux AC-2 qui travaillent sur les horaires de 12 heures, en raison du taux horaire ( 1¾) payé pour les heures supplémentaires.

Les témoignages des divers AC démontrent que cette situation défavorise grandement les AC2 qui travaillent sur l'horaire de 12 heures.

M. Marcel Larocque, AC2, travaille sur l'horaire de 12 heures par jour depuis avril 2002 a accumulé un total de 90,63 au 31 mars 2003 (P-4) malgré une grande disponibilité sauf les lundis soirs. Il estime qu'il faut montrer une grande disponibilité car sur l'horaire de 12 heures, ils sont rarement appelés à effectuer des heures supplémentaires.

M. Michel Martel, AC2 travaillait sur l'horaire de 12 heures par jour toute la période allant du 1er avril 2002 au 31 mars 2003 affiche un total de 129,60 pour l'année, et ce malgré une très grande disponibilité. Il a demandé pour l'exercice suivant de retourner à l'horaire de 8 heures par jour pour pouvoir effectuer plus d'heures supplémentaires.

M. Gilles Leclerc , AC2 , du 1er avril 2002 au 26 août 2002 travaillait sur l'horaire de 12 heures par jour a échangé son horaire avec M. Paul Hinse, AC2 par intérim, qui travaillait sur l'horaire de 8 heures. M. Paul Hinse a ainsi travaillé sur l'horaire 12 heures par jour du 26 août 2002 au 31 mars 2203.

M. Leclerc affichait un total de 45,50 au 31 juillet 2002 (Horaire 12 heures (P-3)

Il affichait un total de 177,52 au 31 mars 2003 ( Retour horaire 8 heures 26 août 2002(P-4) Notez que la plupart des heures supplémentaires ont été effectuées sur l'horaire de 8 heures.

Quant à M. Paul Hinse, il comptabilise un total de 86,00 au 31 août 2003 (Horaire de 8 heures jusqu'au 26 août 2002). Il accumule un total de 151,88 au 31 mars 2003. Encore ici, la plupart des heures supplémentaires ont été effectuées sur l'horaire de 8 heures compte tenu du changement de méthode de comptabilisation des heures en août 2002.

Un des plaignants, M. Roireau, a travaillé sur l'horaire de 12 heures par jour du 1er avril 2002 au 31 mars 2003, était disponible en tout temps, sur tous les quarts de travail pour effectuer des heures supplémentaires, affiche un total de 21,50 au 31 juillet 2002( P-3), 63, 50 au 31 août 2002 et (P-6) et 82,75 au 31 mars 2003 (P-8).

Vous noterez qu'une grande proportion des heures supplémentaires effectuées par M. Roireau l'ont été dans la période d'été soit au mois d'août 2002, une période de pointe pour le recours aux heures supplémentaires selon le témoignage de M. Sanssoucy, surveillant correctionnel à l'établissement de Cowansville. Il est donc moins étonnant dans ce contexte que l'employeur ait eu recours aux services de M. Roireau, même s'il devait le rémunérer au taux 1¾ pour ses heures de travail.

Si nous comparons la situation de M. Roireau avec celle de M. Eric Marcotti, un des témoins, nous réalisons l'ampleur de la répartition non équitable des heures supplémentaires. M. Marcotti est entré en fonction à l'établissement de Cowansville le 10 juillet 2002 à titre d'agent correctionnel de niveau 1(ci-après AC1) sur l'horaire de 8 heures par jour. Il a commencé à travailler des heures supplémentaires en août 2002. Depuis le début d'octobre 2002, il travaille comme AC2 à titre intérimaire sur les horaires de 8 heures par jour. Il n'a jamais travaillé sur l'horaire de 12 heures ni comme AC1 ni comme AC2. M. Marcotti était disponible pour effectuer des heures supplémentaires la plupart du temps, jours de repos et après ses quarts de travail sauf pour les quarts de travail de nuit. Son total au 31 mars 2003 est de 261,01(P-4).

M. Roireau a un total de 82,75 contre un total de 261,01 pour M. Marcotti, un écart de 178,26 entre les deux. M. Marcotti a un total deux fois plus élevé que M. Roireau. De même, les AC2 Lamoureux (277,55), Ouellet (277,88), Roy (281,29) et Côté (283,29) affichent des résultats supérieurs à M. Marcotti.

Bien que nous ne connaissions pas le nombre d'heures effectuées payées à taux double pour M. Marcotti, Lamoureux, Ouellet, Roy et Côté, il reste que compte tenu que les heures supplémentaires effectuées à taux double sont demandées en dernier, l'écart reste très marqué par rapport au total de M. Roireau.

Pour le deuxième plaignant, M. Conrad Gamache, AC 2 , a travaillé sur l'horaire de 12 heures du 1er avril 2002 à mi-décembre 2002. M. Gamache démontre une très grande disponibilité à effectuer des heures supplémentaires, ayant l'habitude de se rendre disponible en tout temps. Il affiche un total de 86, 00 au 31 août 2002 ( P-6). Vous remarquerez, qu'il n'y a que très peu de différence avec le total affiché de 77,55 par monsieur Michel Martel à la même date et autant disponible. Toutefois, si un écart se démarque entre ces deux AC 2 à la fin de l'année (M. Martel 129,60, Gamache 205,89), il s'explique par le fait que M. Gamache a travaillé sur l'horaire 8 heures de mi-décembre à la fin de mars. En raison de sa grande disponibilité à effectuer des heures supplémentaires, il était demandé toujours avant monsieur Martel car ce dernier devait toujours être payé au taux 1¾.

Vous noterez aussi de la pièce P-4 qu'aucun des AC2 identifiés sur la deuxième page du document ayant un total de plus de 145 n'ont travaillé sur les horaires de douze heures toute l'année. M. Hinse a commencé l'horaire de douze heures au 26 août 2002, M. Gamache a quitté l'horaire de 12 heures à mi -décembre 2002 pour y revenir en fin mars 2003 et M. Ferland a commencé l'horaire de 12 heures en mars 2003.

L'employeur, dans sa preuve, a fait grand état des bienfaits reliés à l'horaire de 12 heures qui permet d'effectuer leurs 37 heures et demie en un moins grand nombre de jours que les autres employés. Cet horaire est certes apprécié par les AC qui en bénéficient. Toutefois, vous noterez que ces AC 2 travaillent le même nombre d'heures que leurs confrères et que cet horaire comporte certains inconvénients notamment celui de devoir travailler la nuit.

Vous ne devez pas juger du grief en raison des avantages et inconvénients de l'horaire de 12 heures par rapport aux horaires de 8 heures, mais bien si la répartition des heures supplémentaires entre les AC 2 est équitable puisque la convention collective ne prévoit pas de répartition des heures supplémentaires selon l'horaire de travail ni du taux de rémunération payé à ces heures.

La question de répartition équitable des heures supplémentaires en vertu de l'article 21.10 a fait couler beaucoup d'encre dans les décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

D'abord, l'affaire

Strurt-Smith et le Conseil du Trésor (SCC) CRTFP 166-02-15137.

Dans cette affaire, l'employeur estimait qu'un système de répartition équitable des heures supplémentaires permettait à l'employeur d'accorder priorité aux employés qui devaient être rémunéré à taux et demi(1½) plutôt qu'à taux double (2) car l'employeur doit tenir compte des nécessités du service au moment d'attribuer les heures supplémentaires. L'employé contestait le fait que les heures lui aient été refusées en raison qu'il devait être rémunéré à taux double pour effectuer le travail. L'interprétation de l'employeur a été rejetée dans cette affaire puisque l'arbitre Galipeault estimait que les nécessités du service ont trait à la nature du travail requis et non au coût associé. Étant donné l'écart entre le nombre d'heures supplémentaires effectuées entre les deux employés disponible à les faire, l'arbitre a accordé le grief

L'affaire

Foisy et le Conseil du Trésor (Transports Canada) CRTFP 166-02-17174 et 17175.

Dans cette affaire, il y a des faits similaires à la nôtre et le texte de la convention collective sur la répartition des heures supplémentaires est identique à la nôtre sauf pour la répartition séparée entre les différents niveaux de AC.

Il y avait deux équipes de travail, une qui travaillait sur un horaire de 12 heures, l'autre sur un horaire de semaine de 8 heures par jour. L'équipe sur l'horaire de douze heures bénéficiait d'un nombre supérieur de congés que l'équipe sur l'horaire de 8 heures. Or un certain jour, l'employeur accorde des heures supplémentaires à un employé ayant effectué un total de plus d'heures supplémentaires que d'autres en raison du taux à être payé à cette personne (1½) par rapport au taux double (2) qui devrait être payé aux employés ayant effectué un cumulatif de moins d'heures.

M. Cantin en page 7 de la décision s'exprime ainsi :

« Sur le fond, je suis d'avis qu'il n'est pas raisonnable lorsque vient le temps de se demander si une répartition du travail supplémentaire a été faite sur une base équitable, de ne pas considérer la situation qu'à une seule date précise. Il est possible en effet que pendant une année fiscale, la première fois que l'on offre du temps supplémentaire, quelques employés soient défavorisés. La même situation peut exister pendant plusieurs semaines, si les opportunités de faire du temps supplémentaire ne se présentent pas. »

A la page 8, l'arbitre s'exprime ainsi :

« Je suis d'avis, comme Me Edwards B. Jolliffe, c.r., alors arbitre en chef, dans l'affaire Sumanik, rapportée plus haut, que les mots « de façon équitable » n'ont pas le même sens que les mots « de façon égale » (page18 de la décision). Toutefois, près de six mois après le début de la convention, l'employé Gauthier avait fait environ trois fois plus d'heures supplémentaires que les employés s'estimant lésés. Ceci indique clairement une répartition inéquitable et contraire aux termes de la convention. C'est la conclusion à laquelle j'arrive. » [nos soulignés]

L'affaire Evans et le Conseil du Trésor (SGC-SC) CRTFP 166-02-17195.

Clause de convention collective identique sauf pour la répartition des heures à l'intérieur du même AC1 à AC1, AC2 à AC 2. Procédure de répartition identique( inscriptions de disponibilité, cumulatif des heures et préférence de l'employeur au taux et demi (1½).

L'arbitre Chodos s'exprime ainsi :

« La question à trancher ici est clairement de savoir si M. Evans a été traité injustement en ce qui a trait à la répartition des heures supplémentaires, en contravention de la clause 21.11a) de la convention collective applicable. Même une lecture rapide de cette disposition révèle que le droit à une part des heures supplémentaires assignées n'est pas absolu. Ce droit est qualifié, entre autres, par les termes "sous réserve des nécessités du service" et, ce qui est plus important encore aux fins du présent grief, par la disposition selon laquelle "l'employeur fait tout effort raisonnable [...]" (c'est nous qui soulignons) pour répartir les heures supplémentaires équitablement.

J'accepte l'argument selon lequel l'expression "nécessités du service" exclut les considérations de rentabilité. Cela dit, cependant, il est également vrai que le fait de tenir compte des coûts ne constitue pas en soi une violation du principe de la répartition équitable des heures supplémentaires. En effet, l'arbitre en chef Jolliffe a déclaré, lorsqu'il a statué sur l'affaire Sumanik (supra, p. 18), que "[...] les heures supplémentaires devraient être réparties équitablement dans ce sens que sur une période de 28 jours il n'y aurait pas de différence très marquée entre le nombre d'heures faites par chacun des employés, respectivement. Sur une période d'une année, les totaux devraient être approximativement égaux (j'attire l'attention sur le mot "approximativement"). Ce résultat peut être atteint si l'employeur modifie ses directives de mars 1970 de façon à énoncer clairement que le travail au taux double doit être réduit au minimum, mais sous réserve des exigences de la convention collective et particulièrement de l'exigence portant que la répartition des postes devant être exécutés en heures supplémentaires doit être faite sur une base équitable."

Je suis d'avis qu'il n'est pas possible d'évaluer les questions telle la répartition équitable des heures supplémentaires en n'envisageant qu'une période relativement courte. Cette réalité est particulièrement évidente lorsqu'on examine les faits de l'affaire qui nous occupe. Sans doute, si l'on considère la semaine du 4 décembre 1986, y avait-il un écart entre l'employé s'estimant lésé et M. Boudreau quant au nombre de quarts assigné à chacun. Il est tout aussi évident que cet écart était considérablement réduit, sinon éliminée, à la fin du trimestre. J'estime que l'équilibre atteint dans la répartition des heures supplémentaires sur une période de trois mois, comme c'est le cas ici, est conforme à la lettre et à l'esprit de la convention collective. Par conséquent, je conclus que l'employeur, en ce qui concerne l'employé s'estimant lésé, a fait un effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires de façon équitable.

S'il avait été démontré que l'employeur -- en ayant comme ligne de conduite de ne pas assigner d'heures supplémentaires aux employés qui se trouveraient à travailler leur deuxième jour de repos -- avait ainsi créé de réels écarts dans la répartition des heures supplémentaires, je n'aurais pas hésité à conclure que l'employeur avait ainsi violé la convention collective. En l'occurrence, toutefois, la preuve ne permet pas de conclure à une telle violation. [nos soulignés]

En l'espèce, la preuve démontre amplement l'écart qui se creuse entre les AC 2 qui travaillent sur des horaires comprimés des douze heures et les AC2 qui travaillent sur des horaires de 8 heures. Cet écart est dû à la pratique de l'employeur de privilégier l'attribution des heures supplémentaires selon le taux horaire à payer, groupe à taux et demi ( 1½ ) avant groupe de taux et trois quart (1¾ ) et groupe au taux double ( 2 )en dernier, pour les heures effectuées.

Par la suite, une kyrielle de décisions de la CRTFP confirme que la répartition des heures supplémentaires doit être évaluée sur une longue période.

Dans certaines de ces décisions, il est jugé de la répartition équitable des heures supplémentaires par rapport à une moyenne des heures supplémentaires attribuées à tous les employés.

L'employeur dans ses réponses au deuxième palier des griefs de M. Roireau et M. Gamache se base sur cette moyenne pour justifier la répartition des heures supplémentaires qu'il estime équitable.

Nous vous soumettons que cette méthode ne saurait s'appliquer en notre affaire pour les raisons suivantes. Les groupes d'AC2 qui travaillent sur les horaires de 8 heures et ceux qui travaillent sur les horaires de 12 heures n'ont pas le même accès à la répartition des heures supplémentaires au taux de base. Celui de 8 heures est (1½) , celui de 12 heures est de (1¾). En fait, c'est comme si l'employeur confinait les AC2 qui travaillent sur les horaires de 12 heures à la même catégorie que les AC 2 qui seront rémunérés à taux double. De plus, vous devez considérer que les AC2 qui travaillent sur un horaire de 12 heures par jour peuvent exprimer une plus grande disponibilité à effectuer des heures supplémentaires car ils bénéficient d'en moyenne 80 jours de repos de plus que les AC2 qui travaillent sur l'horaire de 8 heures.

Toutefois, par ces moyennes, nous ne pouvons que constater la répartition inéquitable des heures supplémentaires entre les AC 2 en raison de la méthode utilisée par l'employeur et ce sans même tenir compte des disponibilités des AC et du fait que certains d'entre eux ont changé d'horaire de travail.

De la pièce P-3, total des heures cumulées au 31 juillet 2002 :.

Pour les AC2 , sur l'horaire de 12 heures, un total de 358 réparti entre 15 AC2 ,ce qui donne une moyenne de 23.86 .

Pour les AC 2 , sur l'horaire de 8 heures , un total de 2,396,35 réparti entre 48 AC2, une moyenne de 49,92.

Ce qui donne une moyenne totale pour les deux groupes de 43.71 et démontre que les AC2 sur l'horaire de 12 heures sont nettement déficitaires par rapport à ceux qui travaillent sur l'horaire de 8 heures.

De la pièce P-6, total des heures cumulées au 31 août 2002 :

Pour les AC2, sur l'horaire de 12 heures, un total de 559.54 réparti sur 15 AC2, ce qui donne une moyenne de 37.3.

Pour les AC2, sur l'horaire de 8 heures, un total de 3,088.1 réparti entre 50 AC2, ce qui donne une moyenne de 61.76.

A partir d'août 2002, il devient difficile d'établir une moyenne à partir de ces chiffres puisque les heures sont converties en fonction du taux payé . Toutefois, nous pouvons constater que l'écart entre la moyenne des groupes reste toujours assez important.

De la pièce P-4 , le résultat au 31 mars 2003, nous obtenons :

Pour les AC2, sur l'horaire de 12 heures,1,436,33 réparti entre 17 AC 2, ce qui donne en moyenne 86.10

Pour les AC2, sur l'horaire de 8 heures, 7,303,87 réparti entre 54 AC 2, ce qui donne en moyenne 135.25

Ici encore, les heures sont converties, il en résulte quand même un écart très important entre les deux groupes. 86.10 fait 49.2 en heures réelles payées à taux et trois quart et 135.25 fait 90.16 en heures réelles payées à taux et demi. Même en admettant que certaines des heures effectuées sur l'horaire de douze heures ont été rémunérées à taux double et que nous n'avons pas les données, nous pouvons quand même affirmer avec certitude, en étant conservateur, qu'il existe à la fin de l'exercice un écart de plus de 30% pour la répartition des heures supplémentaire entre les deux groupes d'AC2 qui travaillent sur un cadre horaire différent.

Pour notre part, nous estimons que l'écart entre les employés qui effectuent des heures supplémentaires sur les horaires de 12 heures et ceux qui en effectuent sur les horaires de 8 est suffisamment grand pour dire que la répartition des heures supplémentaires entre les AC2 n'est pas équitable et que l'article 21.10 de la convention collective est violée. Conséquemment, vous devriez accorder les griefs.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

Plaidoirie pour l'employeur

[119]   Le 17 mars 2004, l'employeur a déposé les représentations écrites qui suivent :

I) Remarques préliminaires

  1. L'employeur a soulevé, au début de l'audition, une objection préliminaire relativement à la compétence d'un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique à entendre ce dossier. À la lecture des griefs, il est manifeste que les employés remettent en question la procédure d'attribution du temps supplémentaire, qui ne fait nullement partie de la convention collective. L'employeur désire référer à l'objection écrite datée du 17 novembre 2003 et envoyée à la Commission.

  2. Par ailleurs, l'employeur a concédé que cette objection ne devrait être décidée qu'après avoir entendu la preuve du syndicat.

II) Question en litige

  1. L'employeur soumet que la seule question en litige est la suivante : les employés s'estimant lésés, M. Conrad Gamache et M. Mario Roireau, ont-ils été traités de façon équitable dans l'attribution des heures supplémentaires durant la période d'avril 2002 à mars 2003?

  2. Le fardeau de la preuve incombe aux fonctionnaires de démontrer qu'ils ont été traités de façon inéquitable.

III) Argumentation

La procédure de répartition du temps supplémentaire

Historique

  1. M. Pierre Sansoucy a témoigné pour l'employeur sur les faits suivant : En 1998, certains membres du syndicat ont manifesté à l'employeur le souhait d'avoir un horaire de travail qui permettrait une meilleure qualité de vie. L'employeur, au niveau national, a mandaté une compagnie privée afin d'explorer les possibilités d'un nouvel horaire qui répondrait à ce souhait et qui respecterait trois critères : 1) le nouvel horaire permettrait aux employés de demeurer plus longtemps chez eux; 2) Il ne devait pas engendrer des coûts supplémentaires; 3) il devait respecter les exigences opérationnelles du Service Correctionnel.

  2. L'établissement de Cowansville fut l'un des établissements visés par ce nouveau projet-pilote et, afin de l'évaluer adéquatement, un comité de 8 personnes a été mis sur pied en mai 1999. Ce comité était composé de deux gestionnaires et de six employés syndiqués faisant partie des niveaux AC-01 et AC-02. (Pièce E2, Document A)

  3. Les employés s'estimant lésés faisaient partie de ce comité et y ont participés.

  4. Après discussions et consultations, les membres du comité ont porté leur choix sur un horaire de douze (12) heures qui serait applicable en majorité aux AC-01. Si le projet pilote se déroule adéquatement, celui-ci serait étendu aux AC-2.

  5. Le projet pilote a effectivement connu du succès et fut appliqué à un nombre restreint de AC-02 en avril 2002. Il a été déterminé que 16 postes de AC-02 pourraient fonctionner sur un horaire de douze (12) heures. Ces postes ont été facilement comblés et il existe une liste d'attente pour obtenir cet horaire. Les postes ont été attribués selon l'ancienneté.

Les modalités

  1. Afin de gérer ce nouvel horaire, l'employeur et le syndicat ont élaboré et signé des modalités concernant le nombre d'employés, les horaires, les vacances, les congés statutaires, le temps supplémentaire, la formation, les primes de poste etc. (Pièce E2, Documents C, D et E).

  2. En ce qui concerne les heures supplémentaires, les employés sur l'horaire de douze (12) heures seraient rémunérés à temps et trois quarts (1 ¾). Ainsi, la liste de priorité pour l'appel en temps supplémentaire s'effectuera selon l'ordre suivant (Pièce E2, Document D) :

    • Les employés disponibles, sur l'horaire de huit (8) heures, payés à temps et demi (1 ½);

    • Les employés disponibles, sur l'horaire de douze (12) heures, payés à temps et trois quarts (1 ¾);

    • Les employés disponibles et payés à temps double.

  3. Cette procédure à été reconduite à nouveau et signée par Claude Guérin, sous-directeur, et Jean Yves Cyr, représentant du syndicat UCCO-SACC en février 2003. (Pièce E2, document C).

  4. C'est précisément cette procédure que contestent les employés s'estimant lésés, messieurs Mario Roireau et Conrad Gamache, en alléguant qu'elle contrevient à la convention collective puisqu'elle ne respecte pas le principe d'équité dans l'attribution des heures supplémentaires. Nous référons aux arguments écrits de Mme Lalande et à la question en litige qu'elle suggère à la Commission.

La procédure de répartition du TS et la convention collective

  1. Contrairement à ce que prétendent les employés s'estimant lésés, la « méthode » utilisée pour allouer les heures supplémentaires n'est pas déterminante lorsqu'il s'agit d'évaluer si le temps supplémentaire est réparti de façon équitable.

  2. L'employeur soumet que la convention collective ne traite aucunement de la méthode, la politique ou la procédure qui devraient être utilisées afin de s'efforcer de répartir équitablement les heures supplémentaires. Ainsi, peu importe la méthode utilisée, c'est le résultat factuel, calculé sur une période assez significative, qui détermine si un employé a été lésé par rapport à ses collègues. Le simple fait que la priorité lors de l'appel est donnée aux employés qui sont rémunérés à temps et demi (1 ½), avant ceux rémunérés à temps et trois quarts (1 ¾) n'est pas pertinent et est loin de constituer une preuve à l'effet que le temps supplémentaire n'est pas distribué de façon équitable.

  3. Dans le dossier Archer (Dossier de la Commission No 166-2-13812 à 13817), l'employeur avait établi une procédure à l'effet que les employés disponibles et payés au taux normal majoré de moitié ou multiplié par deux se verront offrir le temps supplémentaire. Par contre, les employés payés deux fois et demie le taux horaire normal ne seront appelés que dans des circonstances exceptionnelles. De la même façon que Messieurs Roireau et Gamache, les employés avaient allégué que cela contrevenait au principe d'équité. Leur grief ayant été rejeté et la cour fédérale d'appel (Archer c. Canada, [1984] A.C.F. no 352 (Q.L.), A-1195-83), en révisant le dossier, a noté ce qui suit :

    Sans nous prononcer à l'égard de la décision de l'arbitre, selon laquelle la clause 15.03 de la convention collective dont il est ici question s'applique seulement aux heures supplémentaires non facultatives, nous sommes tous d'avis que la politique mise en oeuvre en l'espèce n'était pas incompatible avec cette clause.

    [Nos soulignés]

  4. Selon le même principe, dans le dossier Zelisko (Dossier de la Commission 166-2-31346), l'employeur avait adopté une politique sur la façon dont certaines tâches d'escortes, qui donnaient ouverture à du temps supplémentaire, étaient offertes aux employés. L'arbitre a souligné le principe suivant :

    En ma qualité d'arbitre de griefs, la LRTFP ne m'accorde pas le pouvoir de modifier une politique de l'employeur, comme je le ferais en ordonnant que la Politique régionale sur l'escorte soit modifiée. Je n'ai pas non plus compétence pour ordonner à l'employeur d'offrir aux fonctionnaires la possibilité d'accomplir des tâches d'escorte par roulement, en ce qui concerne le deuxième volet du redressement réclamé. La méthode de l'employeur pour déterminer comment les agents d'escorte sont affectés est de son ressort, mais je peux par contre déterminer si, dans son affectation de ces agents, l'employeur s'est efforcé autant que possible d'offrir de façon équitable du travail supplémentaire aux agents facilement disponibles qualifiés, pendant la période visée.

    [Nos soulignés]

Prise en compte des taux de rémunération lors de la répartition.

  1. Le fait que l'employeur tienne compte des taux de rémunération lorsqu'il doit offrir du temps supplémentaire aux employés est légitime et n'est pas incompatible avec les principes de la convention collective. À cet effet, l'arbitre dans le dossier Evans (Dossier de la Commission 166-2-17195) émet l'avis suivant :

    J'accepte l'argument selon lequel l'expression "nécessités du service" exclut les considérations de rentabilité. Cela dit, cependant, il est également vrai que le fait de tenir compte des coûts ne constitue pas en soi une violation du principe de la répartition équitable des heures supplémentaires

    [Nos soulignés]

  2. Encore plus éloquente, la décision Lay (Dossier de la Commission 166-2-14889) réfère sur ce point à l'affaire Archer et l'arbitre énonce de façon claire le principe que la répartition équitable des heures supplémentaires n'est pas nécessairement perturbée lorsque l'employeur tient compte des taux de rémunération. Au contraire, il en a le droit :

    Je voudrais également rappeler la décision de l'arbitre Pyle dans l'affaire Archer (supra) et celle de la Cour d'appel fédérale, selon lesquelles l'employeur ne déroge pas à la clause 15.03 lorsqu'il tient compte des majorations dans la répartition des possibilités de travail supplémentaire.

    Si l'employeur a le droit de tenir compte des majorations lorsqu'il attribue les heures supplémentaires, il s'ensuit deux choses. Premièrement, il faut en conclure que le deuxième chef de la demande de mesures correctives, à savoir que l'employeur soit tenu d'offrir les heures supplémentaires de supervision à des superviseurs indépendamment de leur taux de rémunération, doit être rejeté. L'employeur a le droit de contourner les employés à qui il faudrait verser une indemnité élevée pour proposer le travail supplémentaire à ceux qui n'ont droit qu'à une majoration inférieure, sans égard au nombre d'heures supplémentaires accumulées par les employés à ce moment du cycle.

    La deuxième conclusion, qui découle en partie de la première, est que dans certaines conditions les employés ne peuvent faire valoir un droit à telle possibilité de travail supplémentaire. L'équité ne peut être établie au jour le jour, mais seulement sur une longue durée

    [Nos soulignés]

  3. Ainsi, l'employeur soumet que, bien qu'il accorde une priorité aux employés payés à temps et demi, cela ne crée en rien une incompatibilité ou une violation de la convention collective si en bout de ligne, sur une période d'un an par exemple, la répartition des heures supplémentaires est équilibrée et équitable.

La distribution équitable des heures supplémentaires

Les principes

  1. Il est primordial, avant d'entamer une analyse de la preuve, de souligner le principe connu que l'équité dans la répartition des heures supplémentaires ne signifie pas l'égalité dans cette répartition. Il est virtuellement impossible pour un employeur tel le Service Correctionnel de pouvoir octroyer le même nombre d'heures supplémentaires à tous les employés. D'une part, la convention collective ne l'exige d'aucune façon et, d'autre part, la distribution des heures supplémentaires implique la considération d'une foule de facteurs qui dépendent autant des exigences opérationnelles que des employés eux-mêmes. Ces facteurs sont, par exemple, la disponibilité indiquée par les employés sur le formulaire, leur disponibilité effective lorsqu'ils reçoivent l'appel, la flexibilité des différents horaires, la période de l'année, l'imprévisibilité de certains évènements etc.

  2. La décision qui illustre le mieux cette notion d'équité est Sumanik (Dossier de la Commission No 166-2-395). Plusieurs décisions se sont par la suite inspirées des propos de l'arbitre en chef Jolliffe qui a indiqué :

    […][J]e ne peux accepter l'allégation de l'employé s'estimant lésé à l'effet que les heures supplémentaires devraient être réparties « de façon égale » entre les employés. Ce qui peut être équitable n'est pas nécessairement égal. Toutefois, les heures supplémentaires devraient être réparties équitablement dans ce sens que sur une période de 28 jours il n'y aurait pas de différences très marquée entre le nombre d'heures faites par chacun des employés, respectivement. Sur une période d'une année, les totaux devraient être approximativement égaux (j'attire l'attention sur le mot "approximativement").

  3. Ainsi, non seulement la réalité fait en sorte qu'il y aurait toujours une disparité entre les employés, mais surtout, il faut comparer ce qui peut être comparable. En d'autres termes, il serait illogique de comparer un employé qui a très peu d'heures supplémentaires parce qu'il ne souhaitait pas en faire ou qu'il n'était pas disponible, avec un employé qui est toujours disponible lorsqu'il est appelé.

  4. L'employeur soumet donc que les employés Mario Roireau et Conrad Gamache ne peuvent se contenter d'alléguer que la procédure de répartition du temps supplémentaire viole la convention parce qu'elle donne priorité à certains employés en fonction du taux de rémunération de ces heures. Du surcroît, il n'est pas non plus suffisant d'exposer des chiffres pour fin de comparaison sans prendre en compte tous les facteurs pertinents qui peuvent expliquer les raisons pour lesquelles certains employés ont fait beaucoup plus de temps supplémentaire que d'autres. Regardons la preuve présentée par les employés s'estimant lésés.

La preuve

  1. L'agent négociateur a présenté sept témoins incluant les deux employés s'estimant lésés. Le but de ces témoignages consistait essentiellement à tenter de démontrer que les employés étaient moins appelés à faire du temps supplémentaire lorsqu'ils étaient sur l'horaire de douze (12) heures.

  2. Il est important, à ce stade-ci, de mentionner que toute la preuve présentée par le syndicat au niveau de la comparaison entre les employés ne repose que sur un seul document, présenté en plusieurs versions en fonction de la date à laquelle il a été imprimé (Pièces P2, P3, P4, P6 et P8). Ce document dresse la liste des employés ainsi que le nombre d'heures de temps supplémentaires attribuées. Ce document représente un outil utilisé par l'employeur pour garder un contrôle sur les appels qu'il effectue aux employés et sur la priorité qu'il doit accorder lorsqu'il a besoin d'octroyer le temps supplémentaire. Par contre, ce document ne donne aucune indication sur les différents facteurs mentionnés plus haut et qui font en sorte qu'il y aurait nécessairement une disparité entre les employés. En effet, ce document ne montre pas la fréquence des disponibilités de chacun. Il ne montre pas si les employés, bien qu'ils se soient montrés disponibles, n'ont peut-être pas pu répondre à l'appel et ne sont pas venus travailler et inversement. Ce document ne prend pas non plus en compte les heures supplémentaires effectuées lors d'un congé statutaire. Il n'indique pas si le temps supplémentaire est effectué à temps double ou pas. En somme, ce document est un outil, sans plus, qui permet à l'employeur de gérer un des aspects de la répartition du temps supplémentaire. La seule preuve complémentaire que le syndicat a présentée est le témoignage verbal de certains agents correctionnels qui, en appui aux employés s'estimant lésés, laissaient entendre qu'ils n'étaient pas satisfaits de l'horaire de douze (12) puisqu'il y avait moins d'opportunité pour le temps supplémentaire. Passons en revue leurs témoignages.

Gilles Leclerc

  1. M. Leclerc a témoigné, entre autres, à l'effet qu'il ne voulait plus rester sur l'horaire de douze (12) heures parce qu'il faisait moins de temps supplémentaire. Or, au fur et à mesure des questions qui lui sont posées, il finit par admettre qu'il a quitté l'horaire de douze (12) heures à cause du décès de son père et que le principe de cet horaire ne lui convenait tout simplement pas dans les circonstances. Par ailleurs, M. Leclerc a admis qu'il n'y a quasiment pas d'employés qui avait changé d'horaire comme lui pour revenir à l'horaire de huit (8) heures.

Michel Martel

  1. M. Martel prétend également qu'il a quitté l'horaire de douze (12) heures afin de pouvoir faire plus de temps supplémentaire. Il ajoute par la suite que la raison est également qu'il était « tanné » de travailler de nuit et qu'il préférait l'horaire de huit (8) heures qui permet davantage de travail de jour. Par ailleurs, son témoignage au niveau de sa disponibilité à faire du temps supplémentaire a été très vague. Il s'est contenté de déclarer qu'il s'inscrivait régulièrement, « mais pas à chaque jour, quand ça fitte dans mon horaire ».

Eric Marcotti

  1. M. Marcotti soutient qu'il a fait beaucoup d'heures supplémentaires principalement parce qu'il a toujours été sur l'horaire de huit (8) heures. Loin de justifier cette conclusion, il ajoute plutôt, par la suite, qu'il est quasiment toujours disponible sauf les nuits. De surcroît, il n'a pas pris de vacances pendant la période où il était AC-02 intérimaire. Son témoignage n'est qu'une preuve de plus que ce sont les circonstances spécifiques de chaque individu qui déterminent sur une longue période les raisons pour lesquelles un employé a beaucoup plus d'heures que ses collègues.

Paul Hinse

  1. Par des acrobaties arithmétiques, le syndicat tente de démontrer à travers ce témoin que la majorité des heures effectuée au 31 août 2003 a été fait sur l'horaire de huit (8) heures et qu'au 31 mars 2003, tenant compte du changement de méthode de comptabilisation (heures payées au lieu d'heures travaillées), le total atteint 151.88. Or, quelle est la valeur probante de cet argument? L'employeur soumet que cela ne démontre rien sinon que l'on constate que le total des heures effectuées, selon le document auquel il est fait référence, se trouve dans la moyenne des employés au bout de la période d'un an.

Marcel Larocque

  1. Tout au long de son témoignage, M. Larocque s'est plaint avec véhémence de l'horaire de douze (12) heures. Il a également insisté sur le fait qu'il n'était pas payé s'il ne travaillait pas durant un congé férié et qu'il n'était payé que huit (8) heures s'il travaillait un jour férié. D'une part, toutes ses affirmations erronées sur le fonctionnement des journées fériées minent grandement sa crédibilité. En effet, les employés sont bel et bien payés douze (12) heures en temps supplémentaire lorsqu'ils travaillent un jour férié, en plus de leur rémunération normale. D'autre part, il a été obligé d'admettre que malgré toutes ses doléances, il n'a jamais fait de grief et est incapable de le justifier.

Mario Roireau et Conrad Gamache (employés s'estimant lésés)

  1. À l'issue des deux témoignages des employés s'estimant lésés, il devenait clair qu'ils étaient insatisfaits de la procédure de répartition des heures supplémentaire qui donnait la priorité aux employés sur l'horaire de huit (8) heures payés à temps et demi (1 ½). Par contre, les témoignages n'ont pas démontré qu'ils avaient été lésés personnellement par cette procédure de répartition, tenant compte, entre autre, de la période d'un an et de leur disponibilité.

  2. En premier lieu, soulignons que M. Gamache est un des employés ayant fait le plus d'heures supplémentaires durant l'année 2002-2003, tout type d'horaire confondu. Il suffit de se référer à son témoignage - au point d'être qualifié de « Champion des heures supplémentaires » par sa représentante - et aux documents qu'il a lui-même présentés (Pièces P2, P3, P4, P6, P8). Lorsque contre-interrogé sur les raisons pour lesquelles il estime être lésé, M. Gamache déclare que c'est plutôt une question de principe et d'équité pour ses collègues qu'il a fait ce grief. Lorsque questionné sur le préjudice que la procédure lui cause personnellement, il est incapable de répondre et se contente d'alléguer qu'il aurait simplement été encore plus appelé et qu'il aurait eu encore plus d'argent.

  3. Sur ces seules admissions de M. Gamache, le grief devrait être rejeté. L'article 91 et 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont clairs à l'effet qu'un grief couvre les situations où l'employé s'estime lésé personnellement. Il n'est aucunement question de déposer un grief en son nom pour le soi-disant préjudice qu'aurait subi d'autres employés.

    91. (1)   Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

    a)   par l'interprétation ou l'application à son égard : […]

    92. (1)   Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

    a)   l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; […]

  4. Quant à Mario Roireau, celui-ci témoigne qu'il était toujours disponible avant avril 2002 sauf les jours de repos. Par contre, vers avril 2002 (début de la période pertinente), il était un peu moins disponible et inscrivait son nom pour les jours de repos seulement. En d'autre terme, M. Roireau concède qu'au moment du dépôt du grief, celui-ci était moins disponible pour effectuer du temps supplémentaire. Par ailleurs, lors de son témoignage, M. Roireau n'a aucune idée du nombre d'heures supplémentaires qu'il a effectué pour aucun des mois de l'année en question. Il ne sait pas non plus combien d'heures ses collègues ont effectué. En somme, il n'est au courant d'aucune donnée qui lui permet de ce se comparer avec les autres employés. Enfin, M. Roireau a pris des vacances qui lui ont permis, compte tenu de l'horaire particulier du douze (12) heures, de s'absenter un total de 20 jours consécutifs dans la période de juillet et août 2002. Cela a également réduit sa disponibilité pour le temps supplémentaire.

  5. L'employeur soumet qu'à sa face même, la preuve présentée par M. Roireau et M. Gamache est manifestement laconique et dépouillée. Ils ont manifestement déposé un grief contestant le principe de la procédure de répartition du temps supplémentaire sans être capables de se décharger du fardeau de prouver que cette répartition a été appliquée de façon inéquitable à leur endroit.

IV) Conclusion

  1. Comme il a été souligné plus haut, l'employeur soumet respectueusement que le rôle d'un arbitre de la Commission n'est pas de juger la procédure ou la politique appliquée par l'employeur, qui d'ailleurs ne fait pas partie de la convention collective. En ce sens, l'employeur maintient son objection préliminaire.

  2. Le rôle d'un arbitre de la Commission, en revanche, est bien de vérifier, selon la preuve présentée, si l'article 21.10 de la convention a été violée et que les employés s'estimant lésés ont été traités de manière inéquitable sur une période d'un an. Nous soumettons respectueusement que les employés s'estimant lésés ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve sur ce point.

  3. Pour tous ces motifs, l'employeur demande respectueusement le rejet des griefs.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

[120]   Les fonctionnaires s'estimant lésés ont répliqué ce qui suit le 22 mars 2004 :

Par la présente, nous exposons notre réplique aux arguments exposés par Me Karl Chemsi dans son courrier du 17 mars 2003 pour les dossiers de griefs mentionnés en rubrique.

Premièrement, l'employeur vous soumet que le syndicat a participé à l'implantation du nouvel horaire et qu'il adhérait aux conditions de la pièce E-2. Certes, des employés ont participé à la mise en place de l'horaire de douze heures, mais la seule preuve que vous ayez quant à la participation du syndicat, est à l'effet qu'il a eu des consultations locales sur le sujet. La signature de M. Cyr sur la pièce E-2c) démontre son approbation à la procédure mise en place pour avril 2003, période non pertinente à notre grief.

De plus, même s'il y avait eu entente réelle avec le syndicat sur toutes les conditions d'implantation de l'horaire de douze heures, ce que nous nions formellement, un représentant local du syndicat ne peut à lui seul approuver des modifications à la convention collective. Seuls les signataires à la convention collective peuvent la modifier soit : le Conseil du Trésor et l'exécutif national du syndicat UCCO-SACC-CSN. Nous vous référons à l'article 51 de la convention collective et à la page 95, pour les parties signataires.

Le représentant de l'employeur s'attache à certains commentaires émis par les agents correctionnels de niveau 2 dans leurs témoignages. Par exemple, les commentaires de M. Larocque à l'égard de la rémunération les jours fériés importe peu en notre affaire. Que les AC2 aient été rémunérés pour une partie ou toute la journée de travail quand ils doivent travailler un jour férié, n'est pas pertinent car, à l'établissement de Cowansville, le travail les jours fériés n'est pas comptabilisé dans la répartition des heures supplémentaires. Pas plus, ne sont pertinents les commentaires du représentant de l'employeur à l'égard des raisons pour lesquelles quelques AC2 ont quitté l'horaire de douze heures pour revenir à l'horaire de 8 heures.

La preuve démontre amplement qu'il existait et existe toujours une iniquité dans la répartition des heures supplémentaires parmi les AC2 à cause de la priorité accordée par l'employeur aux AC2 disponibles ayant le moins d'heures à leur actif devant être rémunérés à taux et demi.

Les principes établis par les décisions de la CRTFP sur la répartition équitable des heures supplémentaires semblent assez clairs. L'employeur peut tenir compte des coûts dans l'attribution des heures supplémentaires en autant que sur une période relativement longue les heures soient réparties équitablement.

Pour notre part, nous estimons que, quand il devient plus difficile pour un groupe d'employés de se voir attribuer des heures supplémentaires en raison de la rémunération accordée comme en l'espèce, taux de base 1½ horaire de 8 heures et 1¾ horaire de 12 heures, l'article 21.10 de la convention collective sera violée

[sic], car en ces circonstances l'écart marqué du nombre d'heures attribué entre les deux groupes ne permet pas une répartition équitable des heures supplémentaires.

Ainsi, les commentaires de l'arbitre dans l'affaire Sumanik prennent tout leur sens. Les heures supplémentaires ne doivent pas être réparties de façon égale, mais sur la période de référence, il ne doit pas y avoir de différence très marquée entre le nombre d'heures faites par chacun des employés. Les totaux devraient être relativement égaux.

Il en résulte qu'en notre affaire si l'employeur réalisant qu'un groupe d'AC 2 est pénalisé dans l'attribution des heures supplémentaires au détriment d'un autre groupe au cours de la période de référence, il doit réajuster le déséquilibre et permettre une répartition plus équitable des heures supplémentaires entre les AC2.

Les décisions citées par l'employeur, Archer et Lay portent sur un autre libellé de convention collective où l'employeur s'obligeait à réduire les heures supplémentaires au minimum, cette disposition n'est pas présente dans la convention collective couvrant les agents correctionnels. A notre avis, ces décisions ne sont pas incompatibles avec notre position.

Dans la décision Zelisko, citée par l'employeur, le débat portait à savoir si les heures supplémentaires effectuées pour un travail d'escorte à l'extérieur devaient être attribuées aux employés ayant logé le grief et non pas nécessairement sur la répartition équitable des heures supplémentaires des employés en général.

Pour terminer, l'employeur vous soumet que le grief de M. Gamache doit être rejeté car incapable de démontrer les raisons pour lesquelles il estime être lésé. M. Gamache est certes très disponible à faire du temps supplémentaire et il dépanne souvent l'employeur qui a besoin de ses services. Toutefois, il est faux de prétendre qu'il n 'a pas été lésé personnellement ; la violation de la convention collective par l'employeur le lésait indirectement pour la période ou il travaillait sur l'horaire de douze heures.

Quant à M. Roireau, le représentant de l'employeur a sûrement mal entendu son témoignage puisque M. Roireau a témoigné à l'effet que c'est au début de l'implantation de l'horaire de douze heures qu'il a étendu sa disponibilité à effectuer des heures supplémentaires car il devenait extrêmement difficile d'en obtenir. De même, vous ne devriez pas accorder trop de poids à l'argument de l'employeur à l'effet que M. Roireau ait pu bénéficier de vacances puisque la vase majorité des employés prennent des vacances qui réduisent leur disponibilité à effectuer des heures supplémentaires et, ce fait a peu d'incidence sur la répartition des heures supplémentaires annuellement.

[…]

Motifs de decision

[121]   La question en litige est l'application de la clause 21.10 de la convention collective. Est-ce que la politique de l'employeur, qui vise à effectuer le temps supplémentaire au moindre coût, amène une répartition inéquitable du temps supplémentaire?

[122]   La clause 21.10 se lit :

21.10   Répartition des heures supplémentaires

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

  1. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés [sic] facilement disponibles,
  2. attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. CX-1 à CX-1, CX-2 à CX-2, etc.,

    et
  3. donner aux employé-e-s, qui sont obligés [sic] de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

[123]   Concernant la question de compétence, je trouve surprenante l'objection de l'employeur. Il est clair que l'objet du grief est la répartition du temps supplémentaire et la clause 21.10. Si l'absence de contravention à la convention collective peut mener au rejet du grief, il ne le rend pas inarbitrable.

[124]   Le fardeau de prouver l'iniquité de la répartition du temps supplémentaire revient aux fonctionnaires s'estimant lésés. Ils ne s'en sont pas déchargé.

[125]   À première vue, lorsqu'on regarde les documents de compilation du temps supplémentaire, les pièces P-2, P-3, P-4, P-6 et P-8, il peut sembler que les agents de correction qui travaillent selon l'horaire de 12 heures se retrouvent plus souvent au commencement de la liste et que les AC qui ont les plus grands nombres d'heures supplémentaires accumulées se retrouvent majoritairement en fin de la liste et travaillent sur l'horaire de 8 heures. Il faut plus qu'un regard au classement pour conclure à une répartition inéquitable du temps supplémentaire; il faut regarder tous les critères qui influencent le classement.

[126]   Les parties s'entendent que la période de répartition du temps supplémentaire est l'année financière. La pièce P-4, qui est la compilation en ordre ascendant du temps supplémentaire au 31 mars 2003, est donc des plus pertinentes. Malheureusement, la pièce P-4 ne donne que des informations sur le classement final, en nombre d'heures converties. J'accepte comme probable que la présence de décimales se terminant en 3, 1 et 6 est une indication que les heures travaillées ont été converties en heures payées. Sur les pièces P-2 et P-3, les témoins sont unanimes à dire que la compilation se faisait en heures travaillées. Sur la pièce P-6, datée le 31 août 2002, les décimales plus variées apparaissent déjà. Je conclus que les heures converties ont commencé à apparaître à partir d'août 2002 et que, en mars 2003, la conversion était en place.

[127]   Le temps supplémentaire étant attribué d'abord sur une base volontaire, un critère très important est la disponibilité des AC. Les parties ont convenu d'un système élaboré pour indiquer la disponibilité. La pièce P-1 en est une illustration. Ce n'est que lorsque personne n'est disponible que l'employeur va ordonner à l'AC ayant le moins d'ancienneté de travailler le temps supplémentaire dont personne ne veut.

[128]   La preuve qui m'a été faite démontre l'importance du critère de disponibilité. Les fonctionnaires s'estimant lésés ne remettent pas en cause ce critère. D'ailleurs, M. Gamache s'appuie sur ce critère pour justifier son grief, alors qu'il figure près « des champions » du temps supplémentaire. M. Gamache a témoigné que, en vertu de sa disponibilité, il est juste qu'il ait plus d'heures que M. Roireau. Il est d'avis qu'il devrait avoir plus d'heures que des AC-02 qui travaillent l'horaire de 8 heures et qui ont plus d'heures que M. Gamache.

[129]   À part le témoignage des fonctionnaires s'estimant lésés et de Messieurs Leclerc, Marcotty, Larocque, Hinse et Martel, il n'y a aucune preuve de la disponibilité des AC-02 pour le temps supplémentaire.

[130]   Les témoignages sur la disponibilité sont imprécis et impossibles à vérifier de façon indépendante. Une grande part de subjectivité colore cette preuve et la rend peu fiable.

[131]   Sur la base du témoignage de M. Gamache, il semble équitable que M. Roireau ait moins d'heures accumulées de temps supplémentaire que lui. M. Roireau ne m'a pas démontré de façon claire et précise qu'il était plus ou aussi disponible que les cinq AC qui ont le plus d'heures supplémentaires accumulées sur la pièce P-4. M. Roireau n'a pas produit de preuve concrète des dates où il aurait dû se faire offrir du temps supplémentaire, pour démontrer que quelqu'un d'autre ayant plus d'heures se soit fait offrir du temps supplémentaire à sa place et que cela a affecté sa place dans la compilation finale.

[132]   M. Gamache, qui est le 18e sur la pièce P-4, avec 205,89 heures, alors qu'il était premier sur la pièce P-2, avec 229,25 heures ne m'a pas non plus démontré de façon concrète que les AC qui le devancent étaient moins disponibles que lui.

[133]   De plus, M. Eric Marcotty a témoigné qu'il ne sait pas pourquoi on lui offrait plus souvent du temps supplémentaire. M. Marcotty terminera sa période de probation en juillet 2004; il a donc très peu d'ancienneté et n'a pris aucun congé annuel durant l'année 2002/2003. La preuve a établi que, lorsqu'il n'y a plus de volontaires, le temps supplémentaire est attribué selon l'ordre inverse d'ancienneté. Est-ce que l'attribution du temps supplémentaire « forcé » ou non volontaire sur une base d'ancienneté peut constituer une preuve de répartition inéquitable du temps supplémentaire? Ça pourrait être le cas, possiblement dans un autre contexte, mais pas dans le contexte de l'établissement Cowansville, où la majeure partie du temps supplémentaire est répartie sur une base volontaire et où les fonctionnaires s'estimant lésés se plaignent de n'avoir pas eu un plus grand nombre d'heures supplémentaires. Ce facteur peut expliquer des disparités, mais n'est pas inéquitable.

[134]   Un autre témoignage s'est révélé très intéressant et les fonctionnaires s'estimant lésés, en voulant prouver que des AC ont quitté l'horaire de 12 heures à cause du temps supplémentaire, m'ont fait la preuve que, dans un cas au moins, l'horaire de 8 heures n'a pas favorisé M. Leclerc. En regardant les chiffres, on voit à la pièce P-3 que M. Leclerc, qui travaille à ce moment-là selon l'horaire de 12 heures depuis avril, a accumulé 45,5 heures non converties. Si on convertit ces heures sur la base de temps et trois quarts, on obtient 79,625 heures converties. Donc, durant le tiers de l'année, M. Leclerc accumule 79,625 converties. Selon la pièce P-4, à la fin de l'année M. Leclerc a accumulé un total de 177,52 heures. Il a donc accumulé 97,895 heures converties durant les deux derniers tiers de l'année. Si on tient compte du fait que M. Leclerc a quitté l'horaire de 12 heures le 18 août 2002, on ne peut conclure que son changement d'horaire de postes a affecté le total de ses heures supplémentaires. Si on répartit en tiers d'année les heures obtenues après juillet, M. Leclerc a obtenu 48,95 heures converties pour chacun des tiers d'année où il a travaillé selon l'horaire de 8 heures. Ce cas prouve que le fait de travailler selon l'horaire de 12 heures et d'être payé à temps et trois quarts pour le temps supplémentaire ne mène pas obligatoirement à se voir offrir moins d'heures supplémentaires que lorsqu'on est payé à temps et demi, comme cela arrive selon l'horaire de 8 heures.

[135]   Les témoignages de Messieurs Larocque, Martel et Hinse ne sont pas suffisamment précis pour me convaincre que seul le facteur de moindre coût peut expliquer les disparités qui paraissent sur les documents de compilation du temps supplémentaire, même si eux semblent en être convaincus. Une répartition équitable ne signifie pas une distribution uniforme du temps supplémentaire. Il peut y avoir des écarts dans le nombre d'heures accumulées si ces écarts sont le produit de facteurs justes ou acceptées par les parties.

[136]   Le fardeau de preuve qui incombait aux fonctionnaires s'estimant lésés va au-delà de démontrer que des fonctionnaires sont convaincus que la répartition du temps supplémentaire est inéquitable. Il faut des preuves concrètes qui démontrent que, après analyse de tous les facteurs qui pourraient expliquer une disparité au nombre d'heures accumulées, seul demeure le facteur d'iniquité. Or, ici, cela n'a pas été fait. Bien que l'argument des fonctionnaires s'estimant lésés puisse paraître séduisant à première vue, il ne résiste pas à l'examen de la preuve. On ne sait pas comment ont joué le facteur de disponibilité, le facteur d'attribution forcée des heures supplémentaires ou le facteur de qualifications. M. Gamache a témoigné faire partie de l'équipe d'urgence, facteur qui l'amène à remplir certaines fonctions qui peuvent provoquer des heures supplémentaires qui ne pourraient être distribuées à tous les autres AC-02.

[137]   Finalement, je ne peux ignorer que l'horaire des postes de 12 heures est comblé sur une base volontaire par des AC qui le choisissent parce qu'il leur apporte entre autres bénéfices, la possibilité de passer un plus grand nombre de jours à l'extérieur du travail. Il me faudrait une preuve tangible de disponibilité à faire du temps supplémentaire pour que je prenne pour acquis que les AC sur l'horaire de 12 heures sont aussi disponibles que ceux sur l'horaire de 8 heures. Dans les cas présents, cette preuve ne m'a pas été faite.

[138]   En résumé, je conclus que les fonctionnaires s'estimant lésés ne m'ont pas prouvé que la répartition du temps supplémentaire à l'établissement Cowansville était inéquitable. Les griefs de Mario Roireau et de Conrad Gamache sont donc rejetés.

Evelyne Henry,
commissaire

OTTAWA, le 8 juillet 2004

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