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Résumé :

Interprétation de la convention collective - Indemnité de rappel - Avis préalable de la nécessité de se présenter au travail - Disposition appropriée : heures supplémentaires ou rappel au travail - le fonctionnaire s'estimant lésé, un infirmier en santé communautaire, a appris six semaines à l'avance qu'il devrait travailler pendant deux fins de semaine de suite afin d'administrer un traitement contre la tuberculose à un de ses patients - il a touché une rémunération d'heures supplémentaires pour les heures travaillées, mais a réclamé une indemnité de rappel - le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que l'employeur était lié par la convention collective qui prévoyait qu'un employé avait droit à une indemnité de rappel s'il était rappelé au travail et qu'il devait se rendre au travail à n'importe quel moment et en dehors des heures normales - selon le fonctionnaire s'estimant lésé, il n'était pas nécessaire qu'un appel soit fait comme tel pour invoquer les dispositions touchant le rappel au travail - l'employeur a fait valoir que la disposition sur le rappel au travail ne s'appliquait pas au fonctionnaire s'estimant lésé parce qu'aucun appel n'avait été fait pour demander au fonctionnaire s'estimant lésé de se rendre au travail du fait que celui-ci en avait été informé longtemps d'avance - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas droit à une indemnité de rappel au travail parce qu'il n'avait pas reçu d'appel le rappelant au travail - l'arbitre a établi qu'un appel téléphonique n'était pas nécessaire et que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas été rappelé au travail - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé savait à l'avance qu'il devait travailler et, par conséquent, dans l'esprit de la convention collective, l'avis n'aurait pas pu être donné dans le cas d'un rappel au travail. Grief rejeté. Décision citée :Canada (Procureur général) c. Redden, [1990] A.C.F. No 950 (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-10-23
  • Dossier:  166-2-31947
  • Référence:  2003 CRTFP 96

Devant la Commission des relation de travail dans la fonction publique



ENTRE

DANIEL HELM
fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Santé Canada)

employeur

Devant:   Joseph W. Potter, vice-président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :    James Bart, L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
le 9 octobre 2003.


[1] Le 13 novembre 2002, Daniel Helm, infirmier en santé communautaire de niveau 3, a déposé un grief afin de demander qu'une indemnité de rappel lui soit versée pour quatre jours en juin 2002, en vertu du paragraphe 10.01 de la convention collective du groupe Services de santé (pièce G-1, date d'expiration : le 30 septembre 2003).

[2] En réponse au grief, l'employeur a affirmé que M. Helm n'avait pas droit à une indemnité de rappel, mais qu'il avait droit à des heures supplémentaires pour les dates en question.

[3] J'ai entendu un témoin. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé trois pièces et l'employeur, cinq. Les faits n'étaient pas en litige et se résument comme suit.

Contexte

[4] Le samedi 8 juin 2002 était un jour de repos prévu à l'horaire de M. Helm. Cependant, il a dû se rendre au travail pour administrer un traitement de tuberculose à un de ses clients. La même situation s'est produite le dimanche 9 juin 2002, ainsi que le samedi et le dimanche de la semaine suivante. M. Helm s'est rendu au travail à chacun de ces jours.

[5] Les personnes atteintes de tuberculose doivent recevoir un traitement tous les jours pendant les deux premiers mois, et M. Helm devait administrer le traitement à ce patient pendant les deux dernières fins de semaine de cette période de deux mois.

[6] M. Helm avait appris qu'il devrait se rendre au travail environ six semaines avant, et il n'était pas en disponibilité pendant ces fins de semaines.

[7] Personne n'a appelé M. Helm pour lui demander de se rendre au travail pendant les journées en question et , s'il l'avait voulu, M. Helm aurait pu se faire remplacer.

Argumentation du fonctionnaire s'estimant lésé

[8] Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a présenté une argumentation par écrit préparée avant l'audience. La version complète est conservée à la Commission. En voici un résumé.

[9] La semaine normale de travail du fonctionnaire s'estimant lésé est du lundi au vendredi. Il est retourné au travail le samedi 8 juin, le dimanche 9 juin, le samedi 15 juin et le dimanche 16 juin 2002.

[10] Le fonctionnaire s'estimant lésé savait bien à l'avance qu'il devrait travailler en dehors de ses heures normales de travail.

[11] Il a fallu environ 15 minutes pour effectuer le travail chaque fois, ainsi qu'environ 15 minutes de déplacement à l'aller et au retour.

[12] Pour chacune de ses demandes, le fonctionnaire s'estimant lésé réclame trois heures de rémunération au taux applicable des heures supplémentaires. Le fonctionnaire s'estimant lésé prétend que chacune de ces occasions constituait un rappel au travail et que la rémunération dans ces circonstances est prévue au paragraphe 10.01.

[13] Le paragraphe 10.01 de la convention collective pertinente se lit comme suit :

10.01   Lorsqu'un employé est rappelé au travail ou lorsqu'un employé qui est en disponibilité est rappelé au travail par l'employeur à n'importe quel moment en dehors de ses heures de travail normales, il touche le plus élevé des deux (2) montants suivants :

  1. un minimum de trois (3) heures de salaire au taux applicable des heures supplémentaires,

    ou

  2. la rémunération au taux des heures supplémentaires applicable pour chaque heure qu'il effectue.

[14] Il faudrait préciser le libellé de la convention collective pour que la position de l'employeur quant à l'application des heures supplémentaires puisse être justifiée. L'arbitre est lié par le paragraphe 96(2) de laLoi sur les relations de travail dans la fonction publique, et il ne peut pas modifier la convention collective.

[15] Pour qu'un employé ait droit au minimum garanti, il faut que des conditions fondamentales soient respectées :

  1. L'employé doit recevoir un appel lui demandant de retourner au travail;

    et

  2. Il doit être rappelé au travail à " n'importe quel moment " et " en dehors des heures normales ".

[16] Le libellé du paragraphe 10.01 est clair et sans ambiguïté. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été rappelé au travail et il est retourné au travail en dehors de ses heures normales de travail. Par conséquent, les dispositions du paragraphe 10.01 s'appliquent.

[17] Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a invoqué la jurisprudence suivante :

Canadian Labour Arbitration(troisième édition), Brown et Beatty, 4:2100;

United Electrical, Radio & Machine Workers of America, Local 510 in Re Phillips Electrical Works Limited (Brockville)(1952), 4 L.A.C. 1281;

Re Service Employees International Union, Loc. 268 and United Steel Workers of America, Local 5481(1994), 43 L.A.C. (4th) 76;

Re Burns Foods Ltd. and Canadian Food and Allied Workers, Local P-234(1973), 4 L.A.C. (2d) 4;

International Molders & Allied Workers Union, Local 49, and Webster Manufacturing (London) Ltd.(1971), 23 L.A.C. 37;

Procureur général du Canada c. R.S. Tucket[1979] 1 C.F. 543;

Dicaire et Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise)(dossier de la Commission 166-2-13682);

Jashewski et Conseil du Trésor (Transports Canada)(dossier de la Commission 166-2-13868);

Brouillette et Conseil du Trésor (Anciens combattants)(dossier de la Commission 166-2-21051 à 21067).

Argumentation de l'employeur

[18] Les faits de l'affaire ne sont pas contestés et, bien que le rappel au travail ne soit pas défini dans la convention collective, il ressort clairement de la convention collective que cette disposition ne s'applique pas.

[19] M. Helm n'a jamais reçu d'appel lui signifiant de se rendre au travail. Il était informé de cette exigence depuis longtemps.

[20] DansBrouillette(supra), les éléments de preuve ont démontré que les employés ont été rappelés au travail. La jurisprudence confirme que cela constitue un rappel au travail.

[21] L'avocat de l'employeur a invoqué la jurisprudence suivante :Bourbonnais c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique) (C.A.F)[1984] A.C.F no 1118;Carruthers et Conseil du Trésor (Transports Canada)(dossier de la Commission 166-2-14332 à 14334 et 14314);Pellicore c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada)(dossier de la Commission 166-2-30787).

Réplique

[22] Il n'est pas nécessaire qu'un appel soit effectué comme tel pour pouvoir invoquer les dispositions sur le rappel au travail. DansCanada (Procureur général) c. Redden[1990] A.C.F. no 950, M. Redden, alors qu'il était en disponibilité, a reçu plusieurs appels à la suite desquels il a dû effectuer du travail. À deux occasions, il a dû se rendre à son bureau pour effectuer le travail, alors que dans les autres occasions, il a effectué son travail de la maison.

[23] La convention collective de M. Redden se lit comme suit :

M-30.04 04 L'employé-e en disponibilité qui est tenu de rentrer au travail touche, en plus de l'indemnité de disponibilité, le plus élevé des deux montants suivants :
  1. la rémunération au taux applicable des heures supplémentaires pour les heures effectuées,

    ou

  2. un minimum de quatre (4) heure de rémunération au taux horaire, sauf que ce minimum ne s'applique que la première fois que l'employé-e est tenu de se présenter au travail pendant une période de disponibilité de huit (8) heures.

[24] La Cour d'appel fédérale a statué que M. Redden n'avait pas à se rendre physiquement au travail pour toucher des indemnités en vertu de la disposition ci-haut. Même s'il avait travaillé de la maison, il pouvait se prévaloir des dispositions du paragraphe M-30.04.

[25] De même, M. Helm n'était pas tenu de recevoir un appel lui disant de se rendre au travail. Il devait y aller et c'est ce qu'il a fait. Les dispositions du paragraphe 10.01 devraient s'appliquer.

Décision

[26] Les faits ne sont pas en cause. M. Helm savait depuis environ six semaines qu'il devrait se rendre au travail le samedi 8 juin, le dimanche 9 juin, le samedi 15 juin et le dimanche 16 juin. Ces journées étaient toutes des journées de repos pour M. Helm. Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis que personne ne l'avait appelé pour lui signifier de se rendre au travail.

[27] M. Helm a demandé un minimum de trois heures de rémunération pour chacune de ces occasions, en vertu de l'alinéa 10.01a). L'employeur a modifié la demande en versant une rémunération d'heures supplémentaires pour les heures réelles de travail.

[28] Il s'agit ici de savoir si la disposition du paragraphe 10.01 s'applique dans les circonstances particulières.

[29] Il est de droit constant de déclarer que les arbitres sont liés par les dispositions particulières de la convention collective. Dans la présente affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait droit à un minimum de trois heures de rémunération s'il avait été rappelé au travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé a lui-même déclaré qu'il n'avait pas reçu d'appel lui disant de se rendre au travail. M. Helm savait au moins six semaines à l'avance qu'il devrait se rendre au travail.

[30] Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé prétend qu'il n'est pas nécessaire de recevoir un appel comme tel pour avoir droit aux indemnités prévues au paragraphe 10.01. Il citeRedden(supra) à l'appui de cette affirmation. D'après ce que je comprends du jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'affaireRedden(supra), il appert que M. Redden pouvait se prévaloir des dispositions de la convention collective parce qu'il a) avait été appelé et b) qu'il avait dû travailler. Le fait qu'il soit allé ou non au travail n'était pas un élément déterminant. Cependant, deux éléments qui étaient présents permettaient à M. Redden de toucher des indemnités en vertu du paragraphe M-30.04 (analogue aux dispositions de rappel au travail). En premier lieu, l'employeur l'a appelé et, en deuxième lieu, il a dû travailler (même s'il pouvait effectuer le travail de la maison).

[31] Dans le cas de M. Helm, le premier critère n'a pas été respecté. Il n'a pas été appelé. Ce fait n'est pas contesté. À mon avis, pour que la disposition sur le rappel au travail s'applique, il faut qu'un appel soit fait. La convention collective est très claire à cet égard. Elle se lit comme suit : " Lorsqu'un employé est rappelé au travail ... ". Il n'y a pas eu d'appel fait à M. Helm pour lui signifier de se rendre au travail. Cela ne signifie pas que l'appel doit se faire sous forme d'un appel téléphonique. Dans certaines circonstances, l'employé pourrait recevoir un courriel, par exemple, le rappelant au travail. Toutefois, en l'espèce, le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'il n'avait pas reçu d'appel. Par ailleurs, le fait que l'exigence de travailler était connue bien à l'avance (depuis plus de six semaines en l'occurrence), vient appuyer, selon moi, le fait qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au travail. Le paragraphe 9.03 de la convention collective se lit comme suit :

Sauf dans les cas d'urgence, de rappel au travail, de disponibilité ou d'accord mutuel, l'employeur donne, lorsque cela est possible, un préavis d'au moins douze (12) heures de toute nécessité d'effectuer des heures supplémentaires.

[32] L'esprit de la convention collective est telle que, de façon générale, un avis ne peut pas être donné dans le cas d'un rappel au travail, mais il peut être donné dans le cas d'heures supplémentaires. Compte tenu de l'existence d'un avis d'environ six semaines, la situation de rappel au travail ne s'applique pas.

[33] Pour ces motifs, le grief est rejeté.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 23 octobre 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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