Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Disposition de la Politique de réaménagement des effectifs - Fonctionnaire déclaré excédentaire - Offre d'emploi raisonnable - Poste brigué par le fonctionnaire s'estimant lésé visé par la PRE ou constituant une promotion - Traitement du poste brigué légèrement supérieur à celui de l'ancien poste du fonctionnaire s'estimant lésé - Définition d'équivalent - Définition applicable ou pas en l'espèce - Dommages-intérêts - le poste d'AS-04 du fonctionnaire s'estimant lésé avait été transféré dans une autre ville et reclassifié à un niveau plus élevé - le fonctionnaire s'estimant lésé avait dit qu'un poste de chef d'équipe PM-04 l'intéressait, et l'employeur n'avait formulé aucune réserve à ce sujet ni à celui de ses compétences - on avait dit au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il serait affecté à un autre poste sans qu'il soit question de l'appendice sur le réaménagement des effectifs, étant donné que l'employeur était d'avis qu'il ne s'appliquait pas dans son cas - au cours de cette période, la CRTFP a rendu une décision dans une autre affaire concernant l'application de la PRE - la décision indiquait que l'appendice de la convention collective sur le réaménagement des effectifs s'appliquait bel et bien - l'employeur a alors envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé une lettre l'informant que l'appendice sur le réaménagement des effectifs s'appliquait à lui - l'intéressé a été informé qu'il n'y avait pas de postes d'AS-04 vacants - on lui a offert un poste de PM-02 - il a accepté ce poste, mais présenté un grief puisqu'il estimait qu'on aurait dû lui offrir le poste de PM-04 - le traitement du poste de PM-04 était plus élevé de 2 000 $ que celui du poste d'AS-04 - l'employeur estimait que passer au poste de PM-04 aurait été une promotion d'après ses règles sur la paye, et il considérait avoir fait une offre d'emploi raisonnable avec le poste de PM-02 - le fonctionnaire s'estimant lésé a invoqué la définition des postes considérés comme « équivalents » de la convention collective pour soutenir qu'on aurait dû lui offrir le poste en question - l'arbitre a jugé que l'employeur n'avait pas respecté la convention collective - l'employeur aurait dû informer par écrit le fonctionnaire s'estimant lésé de son droit de se prévaloir de la PRE dès le transfert de son poste - la PRE exige qu'on offre aux employés excédentaires un poste « équivalent » - c'était le cas d'un poste d'AS-04 - la définition des postes équivalents dans l'appendice sur le réaménagement des effectifs figurait dans la disposition sur l'écart entre les taux de rémunération maximums des deux postes - la définition s'appliquait quand même dans tout l'appendice - conclure autrement aurait signifié qu'on pouvait attribuer des sens différents au mot « équivalent » dans le même appendice - l'arbitre a ordonné à l'employeur de reconstruire la situation telle qu'elle existait dans la période pertinente afin de déterminer quels postes auraient dû être offerts au fonctionnaire s'estimant lésé en application de la PRE - le versement de dommages-intérêts n'était pas justifié.Grief accueilli. Décision citée :Dowton, dossier de la CRTFP no 166-2-16026 (1987).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20041210
  • Dossier:  166-34-32035
  • Référence:  2004 CRTFP 172

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

DONALD W. KREWAY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur



Devant:
Joseph W. Potter, vice-président
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Debra Seaboyer, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Rosalie Armstrong, avocate
Affaire entendue à Regina (Saskatchewan), les 28 et 29 janvier 2004
(observations écrites présentées le 20 octobre, le 5 novembre et le 12 novembre 2004).

[1]    La présente décision résulte d'une décision préliminaire que j'ai rendue relativement à un différend entre les parties en cause en l'instance (Kreway c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 33). Tout a commencé quand M. Donald Kreway a déposé un grief en mai 2002, alléguant que son employeur avait contrevenu à l'appendice « E » de sa convention collective. L'appendice « E » est le texte auquel renvoie la disposition de la convention collective applicable au fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-8) qui traite du réaménagement des effectifs.

[2]    Dans son grief, M. Kreway demande ce qui suit :

[Traduction]

Que je sois déclaré excédentaire à compter du 1er novembre 2001 et nommé au poste de chef d'équipe du recouvrement, PM4, en tant que fonctionnaire excédentaire bénéficiant d'une priorité, à compter du 1er novembre 2001, et qu'on m'accorde toute autre réparation jugée raisonnable dans les circonstances.

[3]    L'affaire a été mise au rôle et instruite en janvier 2004. Dans ma décision préliminaire (précitée), j'ai écrit ce qui suit au paragraphe 3 :

À l'issue de l'audition de trois témoins, dont M. Kreway, il est devenu manifeste que M. Kreway voulait être nommé à un poste qu'il n'occupait pas et dont les fonctions étaient exercées par un autre fonctionnaire. Personne n'avait informé ce dernier de son droit de prendre part à l'audience et de s'y faire représenter (voir l'affaire Bradley v. Ottawa Professional Firefighters Association (Re) (1967), 63 D.L.R. (2d) 376, [1967] 2 O.R. 311 (C.A.)).

[4]    Par conséquent, j'ai demandé aux parties de me présenter des observations à ce sujet et j'ai écrit ce qui suit au paragraphe 31 de ma décision (précitée) :

Par conséquent, j'en arrive aux conclusions suivantes :

a)Je suis habilité à instruire le renvoi à l'arbitrage;
b)Si l'agent négociateur entend faire valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé a le droit de se voir attribuer un poste qui est actuellement occupé par quelqu'un d'autre, cette personne devrait en être avisée afin qu'il y ait tenue d'une nouvelle audience.

[5]    Le 5 mai 2004, Mme Seaboyer a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) que [traduction] « [...] le syndicat souhaite renvoyer l'affaire à l'arbitrage [...] » et « [...] demande que lui soient communiqués les noms des employés qui pourraient être concernés. Une fois ces renseignements reçus de l'employeur, le syndicat communiquera avec ces personnes pour les informer de leur droit de prendre part à l'audience et de formuler des observations. »

[6]    La Commission a alors mis l'affaire au rôle afin d'en poursuivre l'instruction les 28, 29 et 30 septembre 2004.

[7]    Le 27 juillet 2004, l'employeur a écrit à la Commission pour savoir qui devait être notifié de l'audience prévue en septembre. J'ai réglé cette affaire dans le cadre d'une conversation téléphonique avec Mme Seaboyer (avec l'accord de l'employeur) en août 2004 et j'ai confirmé notre discussion au moyen d'une lettre datée du 26 août 2004 adressée à Mme Seaboyer, avec copie à l'employeur.

[8]    La Commission a reçu une lettre datée du 20 septembre 2004 de l'agent négociateur confirmant que M. Kreway ne demandait plus [traduction] « le déplacement de quiconque à titre de réparation dans le cadre du grief ». Il y était aussi indiqué que les parties avaient entamé des discussions afin de régler l'affaire avant que soit rendue une décision écrite, mais que si leurs efforts échouaient, elles entendaient soumettre des observations écrites.

[9]    La Commission a ensuite été informée le 27 septembre 2004 que les parties étaient incapables d'en arriver à un règlement. Par conséquent, le 1er octobre 2004, la Commission leur a demandé par écrit de fournir leurs observations écrites. La présente décision se rapporte aux questions de fond qui opposent les parties.

La preuve

[10]    En 2001, M. Kreway occupait un poste de vérificateur interne, AS-4, à Regina. Il faisait partie d'un groupe de vérificateurs internes répartis dans divers bureaux de l'ouest du Canada, mais il était le seul à occuper un poste de ce genre à Regina.

[11]    La directrice du bureau de Regina, Mme Marianne Fitzgerald, siégeait à un comité de gestion qui a décidé, en 2001, de regrouper les postes régionaux de vérificateur interne au bureau d'Edmonton. Cette mesure allait entraîner la reclassification des postes au niveau As-05 et nécessiter la tenue d'un concours. Le bureau local dont relevaient les vérificateurs internes ayant échoué au concours aurait alors la responsabilité de leur trouver un autre poste.

[12]    Le 5 mars 2001, M. Kreway a reçu un courriel de la gestionnaire régionale l'informant de cette restructuration imminente (pièce G-1).

[13]    Le 18 octobre 2001, M. Kreway a reçu un autre courriel indiquant que les postes de vérificateur interne étaient regroupés à Edmonton à compter du 1er novembre 2001 (pièce G-2). Le courriel disait en partie ceci :

[Traduction]

[. . .]

Je veux juste vous confirmer les grandes lignes de la restructuration :

  • Le 1er novembre 2001, tous les employés concernés (les titulaires comme ceux en détachement) seront affectés aux nouveaux postes à titre intérimaire (cette mesure ne s'applique évidemment pas au personnel dont le poste actuel est classifié à un niveau supérieur). Ces nominations d'intérim ainsi que les accords de détachement expireront le 1er mai 2002.
  • Un processus de sélection sera mis en place afin de dresser la liste des candidats qualifiés pour les postes d'Edmonton.
  • Les employés (titulaires et personnel en détachement) qui ne veulent pas ou ne sont pas capables d'exercer les fonctions des postes regroupés à Edmonton réintégreront leur poste d'attache ou obtiendront de nouvelles affectations à leur groupe et niveau actuels.

[. . .]

[14]    Le 1er novembre 2001, M. Kreway a obtenu une rémunération d'intérim comme AS-05 jusqu'au mois de mai 2002.

[15]    En octobre 2001, M. Kreway a rencontré Mme Fitzgerald pour lui faire part de ses craintes au sujet de la restructuration; il voulait obtenir l'assurance qu'on serait en mesure de lui offrir un poste au bureau local. En novembre 2001, il s'est entretenu à nouveau avec Mme Fitzgerald, qui l'a informé que s'il ne réussissait pas à obtenir l'un des postes de vérificateur à Edmonton, elle prévoyait lui offrir un poste de chef d'équipe PM-04 à Regina. M. Kreway a témoigné que lorsqu'il avait fait part de son intérêt pour le poste à sa directrice, celle-ci n'avait formulé aucune réserve ni soulevé quelque question au sujet de ses compétences.

[16]    Le poste de chef d'équipe PM-04 était mieux rémunéré que celui de AS-04, même si l'écart n'était, à ce que je vois, que de 2 000 $ environ, mais Mme Fitzgerald s'est dite confiante de pouvoir s'entendre avec le syndicat pour qu'on attribue ce poste à M. Kreway.

[17]    À l'occasion de la même rencontre, M. Kreway a informé Mme Fitzgerald qu'il entendait poser sa candidature à l'un des postes de vérificateur à Edmonton.

[18]    Plus tard au cours du mois de novembre, M. Kreway a rencontré M. Dave Marshall, qui avait entrepris des démarches afin de combler un poste vacant de chef d'équipe PM-04 dans la division des services à la clientèle. M. Marshall lui a demandé si le poste l'intéressait, mais il a répondu qu'il préférait continuer à travailler dans le domaine du recouvrement des recettes. M. Marshall a alors doté le poste par voie de concours.

[19]    Les postes de vérificateur interne à Edmonton ont été classifiés au niveau AS-05 et M. Kreway a posé sa candidature en vue d'en obtenir un. Il a appris en février 2002 qu'il faisait partie des candidats choisis. À ce moment-là, il avait un grief de classification en suspens relativement à son poste AS-04. On a dès lors convenu de mettre la dotation du poste d'Edmonton en veilleuse jusqu'à ce que le grief soit réglé.

[20]    Au début de mars 2002, M. Kreway a appris que son grief de classification avait été rejeté. Jusqu'à ce moment-là, on lui avait dit qu'un autre poste allait lui être attribué sans jamais qu'il soit question de l'appendice sur le réaménagement des effectifs, car l'employeur était d'avis qu'il ne s'appliquait pas à M. Kreway.

[21]    Toujours en mars 2002 M. Kreway a rencontré à nouveau la directrice du bureau de Regina, qui l'a informé qu'il y avait un poste vacant de chef d'équipe au service du recouvrement, mais qu'il devait faire manifester son intérêt avant la fin du mois car on allait procéder à une conversion de postes. M. Kreway a répondu qu'il croyait que la dotation de ces postes faisait l'objet d'un moratoire et la directrice a indiqué qu'elle allait tirer cette question au clair.

[22]    Mme Fitzgerald a consulté un représentant des Ressources humaines, qui lui a appris qu'attribuer un poste PM-04 à M. Kreway serait considéré comme une promotion et qu'on ne pouvait donc pas lui offrir le poste car cela serait contraire aux dispositions sur le réaménagement des effectifs.

[23]    Une semaine plus tard, la directrice a informé M. Kreway qu'elle ne pouvait plus lui offrir le poste de chef d'équipe en raison de l'écart salarial entre son poste d'attache AS-04 et celui de chef d'équipe, qui avait été reclassifié dans le groupe et au niveau MG-03.

[24]    Le poste de vérificateur interne AS-05 à Edmonton étant toujours vacant, M. Kreway a informé son gestionnaire qu'il était prêt à l'accepter. Le poste lui a été offert au moyen d'une lettre datée du 19 mars 2002 (pièce E-5).

[25]    En février 2002, la Commission a rendu une décision indiquant que dans les situations semblables à celle de M. Kreway, les dispositions de la convention collective sur le réaménagement des effectifs devaient s'appliquer. Après avoir pris connaissance de cette décision, le Commissaire adjoint, Région des Prairies, a écrit à M. Kreway le 13 mai 2002 pour l'informer qu'il était [traduction] « touché conformément aux dispositions de l'appendice sur le réaménagement des effectifs de la convention collective actuellement en vigueur [...] » (pièce G-4). C'était la première fois qu'on lui disait qu'il était visé par l'appendice sur le réaménagement des effectifs. Il a dès lors refusé le poste de vérificateur à Edmonton.

[26]    M. Kreway a ensuite reçu une lettre datée du 29 mai 2002, qui disait notamment ceci (pièce G-5) :

[Traduction]

[. . .]

Lors de notre rencontre, vous avez été informé qu'il n'y avait aucun poste vacant prévu dans votre groupe et à votre niveau AS-04 actuels au Bureau des services fiscaux de Regina; par conséquent, votre candidature sera prise en considération relativement à des postes de niveau inférieur. Vous aurez alors droit à des cours de recyclage de même qu'à une protection salariale. On m'a confirmé qu'un poste d'agent de recouvrement PM-2 vous avait été réservé au service du recouvrement ; une demande d'approbation d'une garantie d'une offre d'emploi raisonnable sera donc soumise au Commissaire de l'ADRC pour examen et autorisation finale.

[. . .]

[27]    L'employeur a officiellement offert le poste PM-02 à M. Kreway au moyen d'une lettre datée du 20 septembre 2002 (pièce G-6), dont un passage est reproduit ci-après :

[Traduction]

[. . .]

À l'issue de cet examen, je suis heureux de vous informer, en son nom, que l'Agence des douanes et du revenu du Canada souhaite retenir vos services comme agent de recouvrement, PM-02, Recouvrement des recettes, au Bureau des services fiscaux de Regina. Les dispositions relatives à la protection salariale s'appliquent à cette nomination et vous continuerez dès lors d'être rémunéré comme AS-04.

La directrice du Bureau des services fiscaux de Regina vous offrira bientôt une nomination de durée indéterminée à ce poste à titre d'offre d'emploi raisonnable en vertu de l'appendice sur le réaménagement des effectifs de la convention collective conclue avec l'AFPC. Mme Linda Weins, généraliste en ressources humaines, Bureau des services fiscaux de Regina, communiquera avec vous pour répondre à vos questions et vous fournir des précisions sur la protection salariale.

[. . .]

[28]    M. Kreway a finalement accepté le poste PM-02. Il estimait toutefois que le poste de chef d'équipe aurait dû lui être attribué et il a présenté un grief.

[29]    Mme Connie Blackey, conseillère principale en ressources humaines à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a indiqué qu'en vertu des dispositions sur le réaménagement des effectifs, les employés qui sont touchés par un réaménagement des effectifs doivent recevoir une offre d'emploi raisonnable. La notion de réaménagement des effectifs est décrite de la façon suivante dans l'appendice :

Réaménagement des effectifs (work force adjustment) - Situation qui se produit lorsqu'un administrateur général décide que les services d'un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail, de la suppression d'une fonction, de la réinstallation d'une unité de travail à un endroit où l'employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode d'exécution.

[30]    La définition d'une offre d'emploi raisonnable selon la convention collective conclue entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (pièce G-8) est libellée comme suit :

Offre d'emploi raisonnable (reasonable job offer) - Offre d'emploi pour une période indéterminée dans la fonction publique, habituellement à un niveau équivalent, sans que soient exclues les offres d'emploi à des niveaux plus bas. L'employé-e excédentaire doit être mobile et recyclable. Dans la mesure du possible, l'emploi offert se trouve dans la zone d'affectation de l'employé-e, selon la définition de la Directive sur les voyages d'affaires. Pour les situations de diversification de mode de prestation de service, une offre d'emploi est jugée raisonnable si elle satisfait aux critères établis aux catégories 1 et 2 de la partie VII du présent appendice.

[31]    Passer d'un poste AS-04 à un poste PM-04 serait considéré comme une promotion selon les règles appliquées par Mme Blackey. L'offre d'un poste PM-02 constituait, à son point de vue, une offre d'emploi raisonnable. M. Kreway a aussi bénéficié d'une protection salariale dans l'affaire qui nous occupe.

[32]    En février 2002, Mme Blackey a tenu une téléconférence avec M. Kreway et deux autres vérificateurs internes de Winnipeg, tous trois classifiés au niveau AS-04. On a discuté de la possibilité d'attribuer un poste PM-04 à M. Kreway, mais Mme Blackey a déclaré que l'appendice sur le réaménagement des effectifs ne permettait pas un telle chose.

Argumentation de l'agent négociateur

[33]    L'agent négociateur a présenté ses observations écrites le 20 octobre 2004. Le texte intégral en a été versé au dossier de la Commission. Il est allégué que l'employeur a contrevenu aux dispositions de l'appendice « E » de la convention collective pertinente.

[34]    Les questions à trancher, telles qu'elles sont énoncées par l'agent négociateur dans ses observations écrites à la Commission, sont les suivantes :

[Traduction]

  1. L'employeur a-t-il appliqué les dispositions de l'appendice « E » de la convention collective à M. Kreway dans le cadre de la restructuration?

  2. Dans la négative, est-ce que la lettre datée du 12 mai 2002 corrige l'omission de l'employeur d'appliquer les dispositions de la convention collective et d'indemniser intégralement M. Kreway?
    [Nota : La lettre est en réalité datée du 13 mai.]

  3. Dans la négative, est-ce que le poste PM-04 est équivalent au poste AS-04?

  4. Le cas échéant, M. Kreway aurait-il dû se voir offrir le poste de chef d'équipe PM-04 en novembre 2001 et aurait-il dû y être nommé en vertu de la protection prévue à l'appendice « E » de l'appendice sur le réaménagement des effectifs?

[35]    Concernant la première question, l'employeur a pris la décision de regrouper les employés à Edmonton à compter de novembre 2001. Cette mesure aurait dû entraîner l'application des dispositions de la convention collective relatives au réaménagement des effectifs ; or, ce n'est qu'en mai 2002 que M. Kreway a reçu la lettre à cet effet. Par conséquent, il est indéniable que l'employeur n'a pas appliqué la convention collective au moment opportun.

[36]    La deuxième question consiste à déterminer si la lettre de l'employeur datée du 13 mai a corrigé l'omission d'appliquer la convention collective.

[37]    La lettre de mai 2002 avait pour but d'offrir à M. Kreway un poste d'agent de recouvrement PM-02, c'est-à-dire un poste de niveau très certainement inférieur à celui de son poste AS-04 déclaré superflu. La preuve de M. Kreway indique qu'il y avait d'autres postes de chef d'équipe PM-04 vacants durant la période comprise entre les mois de novembre 2001 et mai 2002, mais qu'il n'a reçu aucune offre ni aucune nomination officielle. Même si le fonctionnaire s'estimant lésé a bénéficié d'une protection salariale, la lettre du mois de mai n'a pas corrigé l'omission de l'employeur ni ne l'a indemnisé intégralement.

[38]    La troisième question consiste à déterminer si le poste PM-04 est équivalent au poste AS-04.

[39]    L'appendice « E » dit que des postes sont considérés comme équivalents lorsque l'écart entre le taux de rémunération maximal du poste assorti d'un traitement plus élevé et le taux de rémunération maximal du poste assorti d'un traitement moins élevé ne dépasse pas 6 %. La rémunération des postes PM-04 et AS-04 cadre clairement avec cette définition.

[40]    La quatrième et dernière question consiste à déterminer si le poste de chef d'équipe PM-04 aurait dû aurait être offert à M. Kreway en novembre 2001.

[41]    M. Kreway aurait dû recevoir l'avis de déclaration d'employé excédentaire en novembre 2001, et si cela avait été le cas, on lui aurait fort probablement offert le poste de chef d'équipe PM-04. Mme Fitzgerald lui a constamment répété qu'il n'avait pas de raisons de s'inquiéter puisqu'on allait lui attribuer un poste de chef d'équipe.

[42]    Mme Seaboyer renvoie aux affaires suivantes : Alliance de la Fonction publique du Canada et Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 23; Alliance de la Fonction publique du Canada et Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 78; Alliance de la Fonction publique du Canada et Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 6 et Canadian Corps of Commissionaires and the Public Service Alliance of Canada Re : Grievances of M. Churchill, C. Birbeck, S. Widenmaier, and C. Trueman - Supplementary Award issued December 3, 2003, (non publiée).

[43]    Depuis qu'il a présenté son grief, M. Kreway a réussi un concours de chef d'équipe MG-03, suivant la nouvelle classification, et il a été nommé à ce poste. L'agent négociateur demande dès lors à la Commission de déclarer que l'employeur a contrevenu aux dispositions de l'appendice « E » de la convention collective et de statuer sur les questions résultant d'une telle déclaration, notamment en décidant si M. Kreway a subi une perte pécuniaire.

[44]    De plus, l'agent négociateur demande à la Commission d'accorder un montant forfaitaire de 1 000 $ à M. Kreway à titre de dommages-intérêts.

Argumentation de l'employeur

[45]    Les observations écrites de l'employeur sont datées du 5 novembre 2004 et le texte intégral en a été versé au dossier de la Commission.

[46]    L'employeur est d'avis que l'offre d'un poste de chef d'équipe PM-04 aurait constitué une promotion pour M. Kreway et que, par conséquent, il ne pouvait s'agir d'une offre d'emploi raisonnable. L'appendice « E » ne stipule pas qu'une offre d'emploi raisonnable doit être une occasion d'avancement.

[47]    L'agent négociateur soutient dans ses observations que la règle de « 6 % » signifie qu'attribuer un poste PM-04 à un employé qui occupe un poste AS-04 à un poste PM-04 constitue l'attribution d'un poste « équivalent ». La définition de ce terme s'applique aux « échanges de postes », où un employé excédentaire change de poste avec un employé non touché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Passer d'un poste AS-04 à un poste PM-04 est considéré comme une promotion.

[48]    L'objet de la directive sur le réaménagement des effectifs est d'assurer la sécurité d'emploi des employés en leur garantissant une offre d'emploi raisonnable. Le 1er avril 2002, l'employeur a offert à M. Kreway un poste de niveau AS-05, qu'il a refusé. Le seul autre poste vacant était celui de niveau PM-02.

[49]    Mme Fitzgerald s'est trompée en laissant croire au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il pourrait avoir un poste de chef d'équipe. Cela permet toutefois d'établir les prétentions du fonctionnaire s'estimant lésé compte tenu, notamment, du fait qu'il a lui-même tardé à accepter un poste vacant de niveau supérieur.

[50]    Même si M. Kreway obtenait une déclaration selon laquelle il est devenu un employé excédentaire le 1er novembre 2001, une chose est parfaitement claire et c'est qu'il n'aurait pas droit à un poste PM-04. Une telle déclaration se trouverait, en réalité, à lui ouvrir droit à une promotion.

[51]    Pour ce qui touche la question des dommages-intérêts, aucune preuve n'a été produite pour établir que M. Kreway a subi quelque préjudice. On ne peut pas joindre une demande de dommages-intérêts lorsqu'il n'existe aucune justification concrète.

Réfutation de l'agent négociateur

[52]    Le texte intégral de la réfutation datée du 15 novembre 2004 a été versé au dossier de la Commission.

[53]    L'agent négociateur soutient que le poste PM-04 constituait une offre d'emploi raisonnable justement parce qu'il ne s'agissait pas d'une promotion.

[54]    Le terme « équivalent » est défini seulement à l'article 6.2.7 sur le réaménagement des effectifs, même s'il est utilisé ailleurs dans le texte. Par conséquent, il faut lui attribuer le même sens chaque fois qu'il apparaît dans l'appendice parce qu'il n'existe aucune autre définition ou que celle-ci ne se limite pas expressément aux échanges de postes. Puisque le poste PM-04 est compris dans les postes « équivalents » selon la règle de « 6 % », on ne peut donc pas le considérer comme une promotion.

[55]    M. Kreway a soutenu la même thèse pendant toute la durée du processus, c'est-à-dire qu'il croit (et le syndicat partage son point de vue) que si l'employeur avait appliqué correctement l'appendice sur le réaménagement des effectifs en novembre 2001, on lui aurait fait une offre d'emploi raisonnable en lui proposant l'un des postes PM-04 qui étaient vacants à ce moment-là.

Motifs de la décision

[56]    Les faits de l'affaire montrent que le poste de vérificateur interne de M. Kreway à Regina a été regroupé avec d'autres postes semblables à Edmonton le 1er novembre 2001 et que M. Kreway en a été avisé au moyen d'un courriel daté du 18 octobre 2001.

[57]    À ce moment-là, l'employeur a omis d'appliquer les dispositions sur le réaménagement des effectifs parce qu'il ne croyait pas qu'elles étaient pertinentes. Il s'est toutefois ravisé en prenant connaissance d'une décision de la CRTFP rendue le 20 février 2002 sur l'application de l'appendice sur le réaménagement des effectifs (2002 CRTFP 23).

[58]    Le 13 mai 2002, M. Kreway a reçu une lettre en vertu des dispositions sur le réaménagement des effectifs dans laquelle l'employeur l'informait notamment de ce qui suit :

[Traduction]

[. . .]

[...] en raison de l'abolition de la fonction de vérification interne à Regina, votre poste de vérificateur interne, AS-04, est devenu superflu. Par conséquent, vos services ne sont plus requis à ce titre et vous êtes régi par les dispositions de l'appendice sur le réaménagement des effectifs de la convention collective actuelle conclue avec l'AFPC.

[. . .]

[59]    Il est incontestable que l'employeur reconnaissait que la situation de M. Kreway nécessitait l'application des dispositions sur le réaménagement des effectifs. C'est donc sans difficulté que j'en arrive à la conclusion que M. Kreway aurait dû être déclaré excédentaire le 1er novembre 2001 et autorisé à se prévaloir des dispositions sur le réaménagement des effectifs à ce moment-là.

[60]    L'agent négociateur soutient que le fait que cela ne se soit pas produit confirme que l'employeur a contrevenu aux dispositions de la convention collective.

[61]    En vertu de l'appendice sur le réaménagement des effectifs, les employés touchés ont le droit d'être informés par écrit que leurs services ne sont plus requis (article 1.1.6). Cette lettre leur expose aussi les diverses options qui s'offrent à eux. Or, le 1er novembre 2001, M. Kreway n'a pas reçu de lettre de ce genre alors qu'il était en droit d'en recevoir une; par conséquent, l'employeur a contrevenu aux dispositions de la convention collective.

[62]    L'avis écrit (daté du 13 mai 2002) que M. Kreway a reçu en vertu des dispositions sur le réaménagement des effectifs disait notamment ceci :

[Traduction]

[...] Cependant, comme il n'y a pas de poste équivalent au vôtre qui soit vacant à l'heure actuelle, nous envisageons actuellement la possibilité de vous attribuer un poste de niveau inférieur assorti d'une protection salariale.

[63]    Si l'employeur avait respecté les modalités de la convention collective, cette lettre aurait été rédigée en novembre 2001. Or, c'est en mai 2002 qu'on a établi la liste des postes équivalents disponibles. Ce que l'employeur aurait dû faire, à mon sens, c'est dresser la liste des postes qui étaient vacants en novembre 2001, puis envoyer à M. Kreway la lettre prévue par les dispositions sur le réaménagement des effectifs.

[64]    Aucun élément de preuve ne m'a été présenté au sujet des postes qui étaient vacants le 1er novembre 2001. Peut-être y avait-il un autre poste AS-04 qui aurait pu être offert au fonctionnaire si la lettre prévue par les dispositions sur le réaménagement des effectifs lui avait été envoyée comme il se devait. Je ne peux tout simplement pas répondre à cette question en me fondant sur la preuve qui m'a été présentée à ce jour.

[65]    L'employeur soutient qu'il n'aurait pas offert le poste de chef d'équipe PM-04 à M. Kreway parce que cela représentait une promotion. L'agent négociateur affirme pour sa part qu'il s'agit d'un poste de niveau équivalent. Lequel des deux a raison?

[66]    Afin de trancher cette question, nous devons déterminer si les dispositions sur le réaménagement des effectifs définissent le terme « équivalent ». Le seul endroit où l'on m'a dit qu'il y avait une définition c'est au paragraphe 6.2.7., où l'on peut lire ceci :

C'est le cas lorsque l'écart entre le taux de rémunération maximal du poste assorti d'un traitement plus élevé et le taux de rémunération maximal du poste assorti d'un traitement moins élevé ne dépasse pas 6 %.

[67]    L'employeur affirme que cette définition ne s'applique pas à une offre d'emploi raisonnable parce qu'elle se trouve sous la rubrique « Échange de postes » et qu'elle se limite à ce type de mesure. Accepter cette thèse équivaudrait à attribuer des sens différents au terme « équivalent » dans le même appendice. Les parties se sont appliquées à définir ce qu'est un poste « équivalent » et si leur intention était d'utiliser une autre définition dans le cas d'une offre d'emploi raisonnable, elles l'auraient indiqué, ce qu'elles n'ont pas fait. Par conséquent, la définition qui se trouve au paragraphe 6.2.7 doit s'appliquer à mon sens à toutes les dispositions de l'appendice.

[68]    Vu cette définition, je suis d'avis qu'un poste PM-04 aurait constitué une offre d'emploi raisonnable à un niveau équivalent. Je suis encouragé dans ma décision par le fait que M. Marshall et Mme Fitzgerald ont chacun offert un poste PM-04 à M. Kreway, quoique de manière officieuse dans les deux cas. Je trouve insensé que l'employeur puisse offrir le poste à titre officieux, mais pas à titre officiel.

[69]    L'employeur doit maintenant reconstituer la situation telle qu'elle existait en novembre 2001 et décider quels postes auraient pu être offerts à M. Kreway en vertu des dispositions sur le réaménagement des effectifs. Cette décision doit être communiquée à l'agent négociateur ainsi qu'à M. Kreway. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis arrivé, cette étape est nécessaire afin que je puisse me prononcer sur ce que l'employeur aurait fait s'il avait envoyé l'avis écrit en novembre 2001 comme il y était tenu.

[70]    Dans ses observations écrites, l'agent négociateur demande le versement d'un montant de $1,000 en dommages-intérêts. Je refuse d'accéder à cette demande pour les motifs suivants. En premier lieu, l'omission d'appliquer les dispositions de la convention collective résulte de la conviction honnête, quoique erronée, que les dispositions sur le réaménagement des effectifs ne s'appliquaient pas dans les circonstances. Il n'y a aucune intention coupable ni aucune mauvaise foi de la part de l'employeur et nul n'a prétendu le contraire. En second lieu, dès qu'il s'est rendu compte que les dispositions sur le réaménagement des effectifs s'appliquaient, l'employeur s'est empressé d'envoyer une lettre à M. Kreway pour le mettre au courant des options qui s'offraient à lui. L'employeur a donc agi rapidement. Je suis d'avis que ce n'est pas un cas où il convient d'accorder des dommages-intérêts et je refuse de le faire.

[71]    Le fonctionnaire s'estimant lésé demande qu'on lui attribue un poste de chef d'équipe. Il n'y a rien dans les dispositions sur le réaménagement des effectifs qui donne le droit à un employé d'exiger qu'on le nomme à un poste particulier. M. Kreway a le droit de recevoir une offre d'emploi raisonnable, au sens que revêtait cette expression le 1er novembre 2001. Ainsi qu'il est indiqué dans l'affaire Dowton (dossier de la CRTFP 166-2-16026 (1987)), à la page 23 de la décision :

[. . .]

. . . Les seuls pouvoirs de révision dont je suis investi en tant qu'arbitre se limitent à déterminer si les dispositions de la Politique concernant le réaménagement des effectifs ont été correctement appliquées dans le cas de l'employé s'estimant lésé, mais je n'ai pas le pouvoir d'aller plus loin [. . .]

. . .

[72]    Bref, je conclus que l'employeur a effectivement contrevenu aux dispositions de la convention collective en omettant d'appliquer les dispositions sur le réaménagement des effectifs, comme il aurait dû le faire, en novembre 2001. De plus, au vu des faits de l'affaire, je conclus que le poste PM-04 aurait constitué un poste équivalent. L'employeur doit dresser la liste des postes qui étaient vacants en novembre 2001 afin de déterminer quel poste il aurait offert à M. Kreway si les dispositions sur le réaménagement des effectifs avaient été appliquées comme il se devait à ce moment-là. À l'issue de cet examen, les parties doivent se réunir pour déterminer à quel échelon M. Kreway devrait se situer dans ses fonctions actuelles.

[73]    Je demeurerai saisi de cette question si les parties m'adressent une demande en ce sens dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.

Joseph W. Potter,
Vice-président

OTTAWA, le 10 décembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.