Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Reclassification - Effet rétroactif - Indemnité provisoire - Période couverte pour l'indemnité - Groupe Systèmes d'ordinateurs - la présente fait suite à l'audience portant sur les quatre griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - au moment de la présentation des griefs, les fonctionnaires s'estimant lésées occupaient des postes de consultant en support technique (groupe et niveau CS-1) à la division des services de technologie de l'information à la Bibliothèque nationale du Canada - celles-ci ont demandé dans leurs griefs que l'employeur leur paye une indemnité provisoire rattachée aux groupe et niveau CS-1 auxquels elles avaient été reclassifiées, et ce, rétroactivement à la date d'entrée en vigueur de leur reclassification, soit à compter du 1er octobre 1998 - l'arbitre de grief a souligné que dans le cas présent les fonctionnaires s'estimant lésées étaient des personnes employées dans un service de l'administration publique fédérale et donc assujetties à la Politique et au Règlement régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique - ce règlement précise que le terme « rémunération » signifie le traitement et les indemnités, et précise de plus que l'employé a droit à la rémunération prévue pour son groupe et son niveau ainsi que les indemnités selon les conditions concernant leur versement (article 20) - l'arbitre de grief a conclu qu'en ayant donné droit rétroactivement aux traitements annuels précisés aux conventions collectives intervenues avec l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l'employeur avait reconnu que les fonctionnaires s'estimant lésées devaient être considérées comme employées assujetties aux conventions collectives et nécessairement comme faisant partie de l'unité de négociation du groupe de gestion des systèmes d'ordinateurs - l'arbitre de grief a souligné que l'employeur ne pouvait pas, à sa guise, reconnaître que les fonctionnaires rencontrent les éléments pour être considérées comme employées assujetties à une convention collective qu'en regard de certaines parties de la convention collective. Griefs accueillis. Décisions citées :Reid c. Conseil du Trésor, 2003 CRTFP 77; Gunn (166-2-28657); Janveau c. Conseil du Trésor, 2002 CRTFP 2; Association professionnelle des agents du Service extérieur c. Canada, 2003 CAF 162.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-02-19
  • Dossier:  166-2-32082 à 32085
  • Référence:  2004 CRTFP 13

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

ALINE PARKER, SYLVIE LAVOIE-CRITES,
JOHANNE LALONDE, DANIELLE BLAIS

fonctionnaires s'estimant lésées

et

Le Conseil du Trésor
(Archives nationales du Canada)

employeur

Devant :   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour les fonctionnaires
s'estimant lésées
:  
Michel Paquette, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 27 octobre 2003.


[1]    La présente fait suite à l'audience portant sur les quatre griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) par Aline Parker (166-2-32082), Sylvie Lavoie-Crites (166-2-32083), Johanne Lalonde (166-2-32084) et Danielle Blais (166-2-32085).

[2]    Au moment de la présentation des griefs, les fonctionnaires s'estimant lésées occupent des postes de consultant en support technique (groupe et niveau CS-1) à la division des services de technologie de l'information à la Bibliothèque nationale du Canada. Aline Parker et Danielle Blais sont assignées au lieu de travail du 395 de la rue Wellington à Ottawa et Sylvie Lavoie-Crites et Johanne Lalonde sont assignées aux Terrasses de la Chaudière à Hull.

[3]    Les fonctionnaires demandent dans leurs griefs que l'employeur leur paye une indemnité provisoire rattachée aux groupe et niveau CS-1 auxquels elles ont été reclassifiées, le 14 septembre 2001 à partir des groupe et niveau AS-2. Elles demandent ce paiement rétroactivement à la date d'entrée en vigueur de leur reclassification, soit à compter du premier (1er) octobre 1998.

[4]    Trois conventions collectives couvrent la période en cause aux présents griefs. Les conventions collectives et leurs annexes seront désignées comme suit à la présente décision :

- convention de 1997 : réfère à la convention collective signée le 2 décembre 1997 (Code : 303/97) et expirant le 30 avril 1999 (pièce G-14). Le protocole de 1997 réfère à l'annexe F qui traite de l'indemnité provisoire en cette convention collective.

- convention de 1999 : réfère à la convention collective signée le 11 juin 1999 et expirant le 30 avril 2000 (pièce G-15). Le protocole de 1999 réfère à l'annexe E qui traite de l'indemnité provisoire en cette convention collective.

- Convention de 2001 : réfère à la convention collective signée le 28 juin 2001 (Code : 303) et expirant le 30 avril 2002 (pièce G-16). Le protocole de 2001 réfère à l'annexe E qui traite de l'indemnité provisoire en cette convention collective.

Les faits

[5]    Les faits apportés en preuve lors des témoignages de Mme. Johanne Lalonde (témoignant pour les fonctionnaires s'estimant lésées) et M. Denis Martel (témoignant pour l'employeur) ne sont pas contradictoires. Les présents griefs se rapportent à des évènements ayant leur origine en 1998 alors que les fonctionnaires s'estimant lésées occupaient des postes classifiés aux groupe et niveau AS-2. Dans le cadre du nouveau système de classification (NGC - Norme générale de classification) il leur est demandé de vérifier l'exactitude de leurs descriptions de tâches. S'il y a lieu, les nouvelles descriptions de tâches devront être considérées pour fin de reclassification.

[6]    Une réorganisation des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale est envisagée en mai 2000 et la révision des descriptions de tâches entreprise en 1998 est suspendue en attendant les décisions relatives à cette restructuration.

[7]    Le 1er avril 2001, les Archives nationales et la Bibliothèque nationale sont fusionnées pour former la nouvelle entité des services de technologie de l'information. Une reclassification s'impose pour corriger une situation inéquitable, des employés classifiés au groupe CS effectuant les mêmes tâches que des employés classifiés AS. Il a alors été entendu que la reclassification serait rétroactive à octobre 1998 (pièce G-9).

[8]    Le poste de consultant en support technique aux services de technologie de l'information a été reclassifié et les fonctionnaires s'estimant lésées ont été avisées le 14 septembre 2001 que leurs postes étaient réclassifiés aux groupe et niveau CS-1 et ce rétroactivement au 1er octobre 1998 (pièce G-10). Elles ont été avisées par leur employeur de leur nomination aux postes de consultant en support technique (groupe et niveau CS-1) et de leur nouveau traitement le 18 septembre 2001 (pièce G-11).

[9]    Un calcul détaillé des montants qui leur sont dûs en conséquence de la reclassification rétroactive du poste leur est remis par l'employeur (pièce G-7). Dans ce document, le montant qui leur est dû au titre d'indemnité provisoire (terminable allowance) est calculé à compter du mois de mai 1999 (pièce G-7).

[10]    En date du 9 octobre 2001, les fonctionnaires touchées par la reclassification s'informent du moment où elles recevront un paiement concernant l'indemnité provisoire pour la période du 1er octobre 1998 au 31 août 2001. L'employeur leur répond le 11 octobre 2001 que l'indemnité n'est payable qu'à partir de la date de l'avis annonçant la décision de reclassification et non pas de la date d'entrée en vigueur de la reclassification et qu'en conséquence aucune rétroactivité ne leur sera versée (pièce G-12).

[11]    M. Denis Martel expose, lors de son témoignage, le raisonnement ayant motivé la décision de l'employeur. L'employeur a donné application à l'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) qui précise :

... Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même ...

[12]    En plus, le règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition (pièce G-18) prévoit que la rétroactivité s'applique aux taux de rémunération selon les paragraphes suivants :

Partie II - Reclassification dans un groupe ou à un niveau dont le taux de rémunération maximal est supérieur à celui de l'ancien groupe ou niveau

12. 1) Lorsqu'un poste doit être reclassifié dans un groupe ou à un niveau dont le taux de rémunération maximal est supérieur à celui de l'ancien groupe ou niveau, la date d'entrée en vigueur de la reclassification est déterminée par les services de classification compétents, compte tenu de la date à laquelle les fonctions et responsabilités du moment ont été assignées au poste.

2) Le taux de rémunération et la date d'augmentation de traitement de l'employé assigné à un nouveau niveau en vertu du paragraphe (1) sont fixés conformément à la convention collective, au régime de rémunération ou au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, selon le cas.

...

[13]    Les protocoles d'entente annexés aux conventions collectives précisent que l'indemnité provisoire ne fait pas partie du traitement de l'employé (sous-clause 1(ii) du protocole de 1997; sous-clause 1b) des protocoles de 1999 et 2001). En conséquence, l'employeur en précisant à l'acte de nomination (pièce G-11) que le traitement serait rétroactif au 1er octobre 1998, n'a pas voulu donner un effet rétroactif à l'indemnité provisoire.

[14]    De plus, les protocoles d'entente prévoient que « l'employé reçoit l'indemnité provisoire ... » sans définir le mot « employé ». On doit donc se référer aux conventions collectives qui définissent l'employé comme suit :

« employé » désigne l'employé tel que l'entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui fait partie de l'unité de négociation.

(sous-clause 1 g) de la convention de 1997 et 2.01 e) des conventions collectives de 1999 et de 2001)

[15]    Comme l'appartenance à l'unité de négociation est une situation de fait qui prend effet à la nomination et qu'on ne peut pas y donner une application rétroactive, les fonctionnaires s'estimant lésées ne peuvent être considérées membres de cette unité de négociation du groupe CS qu'en date de leur nomination, soit le 18 septembre 2001. Considérant ces éléments, l'employeur considère qu'il ne pouvait pas donner rétroactivement droit à l'indemnité provisoire.

Plaidoiries

Pour les fonctionnaires s'estimant lésées

[16]    Le représentant de l'Institut professionnel soumet que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique définit comme suit la rémunération :

« rémunération » Traitement ainsi que, notamment, toute allocation journalière ou autre indemnité accordée pour l'exécution des fonctions d'un poste ou d'une charge.

[17]    Il est précisé à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) qu'une nomination prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination. L'article 22 de la LEFP est rédigé comme suit :

Prise d'effet de la nomination

22. Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même.

[18]    Aux présents dossiers, l'acte de nomination, déposé comme pièce G-11, est daté du 18 septembre 2001 et précise que la reclassification prend effet le 1er octobre 1998.

[19]    Selon la Politique sur les conditions d'emploi et le Règlement régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique, la rémunération signifie le traitement et les indemnités. On ne peut pas limiter le terme rémunération strictement au traitement.

[20]    Le règlement concernant la rémunération lors de la reclassification précise que la date d'entrée en vigueur de la reclassification correspond à la date à laquelle les fonctions et responsabilités ont été assignées au poste (alinéa 12.1, pièce G-18). Ces fonctions et responsabilités ont été assumées depuis octobre 1998 dans les présents dossiers et la rémunération doit donc s'appliquer rétroactivement depuis cette date.

[21]    L'annexe F de la convention collective de 1997 (pièce G-14) précise que l'indemnité provisoire ne fait pas partie intégrante du traitement (alinéa 1(ii)). Le texte de ce protocole d'entente ne précise pas que l'indemnité provisoire ne fait pas partie de la rémunération. Le même langage est utilisé à l'alinéa 1b) de l'annexe E de la convention collective de 1999 (pièce G-15) et celle de 2001 (pièce G-16).

[22]    L'arbitre J. Galipeau a reconnu dans la décision Guétré et l'Office national du film du Canada (dossier de la Commission 166-8-12642), que la prime au bilinguisme peut être recouvrée rétroactivement dans le cas d'une reclassification rétroactive. Dans la décision rendue par l'arbitre J.-M. Cantin dans le dossier Gagnon et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 166-2-16987 à 17013), la prime au rendement est sujette à une rétroactivité.

[23]    La présidente suppléante Marguerite-Marie Galipeau précise que l'indemnité provisoire ne fait pas partie intégrante du traitement de l'employé et donc elle n'est pas du traitement dans la décision Janveau et le Conseil du Trésor (2002 CRTFP 2). Les arguments soumis par l'employeur rattachaient le paiement de l'indemnité provisoire à l'appartenance à l'unité de négociation.

Pour l'employeur

[24]    L'employeur soumet que la LEFP prévoit qu'une nomination prend effet à la date précisée dans l'acte de nomination. Le 18 septembre 2001 est la date de prise d'effet de la nomination (pièce G-11). La reclassification a un effet rétroactif en regard du taux de rémunération seulement. Que l'acte de nomination prévoit le versement rétroactif de la rémunération ne fait pas en sorte que cette nomination soit elle-même rétroactive. La date de nomination doit être distinguée de la date d'entrée en vigueur de la reclassification.

[25]    Selon l'employeur, les fonctionnaires s'estimant lésées sont devenues membres de l'unité de négociation des CS à la date de nomination, soit le 18 septembre 2001. Elles ne peuvent pas être considérées membres de l'unité de négociation au 1er octobre 1998, rien ne pouvant modifier cet état de fait antérieur à la nomination. En conséquence, elles ne rencontrent pas les éléments de la définition d'employé spécifiée à la convention collective et n'ont pas droit aux avantages de la convention collective.

[26]    Suivant l'alinéa d) du protocole d'entente relatif à l'indemnité provisoire, une personne qui cesse d'appartenir à l'unité de négociation n'a plus droit de recevoir le montant d'indemnité provisoire. A contrario, une personne qui devient membre d'une unité de négociation acquiert ainsi le droit à recevoir cette indemnité. La personne devient membre de l'unité de négociation à la date de la nomination (18 septembre 2001) et non pas à la date de rétroaction pour la rémunération.

[27]    Le Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition parle du taux de rémunération qui est associé, selon la convention collective, à la grille des salaires y apparaissant. L'indemnité provisoire ne fait pas partie du traitement de l'employé selon le protocole d'entente relatif à l'indemnité provisoire. La décision Janveau (supra) a confirmé que l'indemnité provisoire ne fait pas partie du traitement et qu'il faut être membre de l'unité de négociation pour y avoir droit.

[28]    Selon la décision Association professionnelle des agents du Service extérieur c. Canada, (2003 CAF 162), l'acte de nomination correspond à l'offre de nomination acceptée par l'employée. Aux présents dossiers, cet acte de nomination est en date du 18 septembre 2001. Dans la décision Andrew Rooney et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-25979), l'arbitre examine l'intention des parties relativement à la rétroactivité d'une reclassification et la limite au taux de rémunération seulement. Aux présents griefs, la rétroactivité doit être strictement limitée au taux de rémunération, de même manière.

Réplique pour les fonctionnaires s'estimant lésées

[29]    En réplique, le représentant des fonctionnaires s'estimant lésées soulève que dans la décision Association professionnelle des agents du Service extérieur (supra), la cour vient à la conclusion qu'il n'y a pas d'autres documents attestant une autre date de nomination. Il ne faut pas donner une portée autre à ce jugement.

[30]    En regard de la décision Andrew Rooney (supra), elle ne porte que sur le temps supplémentaire et ne peut s'appliquer aux présents griefs qui sont relatifs à une toute autre question, à savoir : l'indemnité provisoire.

Motifs de la décision

[31]    Aux présents dossiers, les fonctionnaires s'estimant lésées réclament le paiement rétroactif de l'indemnité provisoire rétroactivement au 1er octobre 1998.

[32]    La preuve démontre que les fonctionnaires s'estimant lésées étaient classifiées à des postes du groupe AS en 1998. Dans le cadre du nouveau système de classification (NGC - Norme générale de classification) qui devait être mis en opération, les fonctionnaires se sont fait demander de vérifier si leur descriptions de tâches étaient à jour (9 avril 1998, pièce G-2). Il s'est avéré que de nouvelles tâches devaient être ajoutées aux descriptions (pièce G-3) et que ces modifications seraient considérées pour une reclassification (pièce G-4).

[33]    Cette révision des descriptions des tâches a été suspendue jusqu'à la réorganisation des Groupes des systèmes (pièce G-6). En avril 2001, les Services techniques de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales ont été fusionnés pour former une nouvelle section pour les services techniques (pièce G-9). À ce moment, le 6 septembre 2001, l'employeur a constaté que des employés classés au groupe AS effectuaient le même travail que ceux classés au groupe CS. Il fut donc décidé de procéder à une reclassification pour corriger l'iniquité de cette situation et que la reclassification devait être rétroactive au mois d'octobre 1998 (pièce G-9).

[34]    Les fonctionnaires s'estimant lésées avaient été avisées, en date du 14 septembre 2001, que leurs descriptions de tâches avaient été soumises pour fins de classification et que leurs postes ont été classifiés aux groupe et niveau (CS-01) à compter du 1er octobre 1998 (pièce G-10). L'employeur leur confirme leurs nominations en ces postes le 15 septembre 2001, ainsi que leurs traitements qui seront majorés pour la période du 1er octobre 1998 au 30 août 2001 plus la prime au bilinguisme de 800 $ par année (pièce G-11).

[35]    Suite à la réception des chèques de rétroactivité, les fonctionnaires s'estimant lésées réclament à l'employeur un paiement rétroactif de l'indemnité provisoire prévue à l'annexe F de la convention collective expirant le 30 avril 1999 ou à l'annexe E des conventions collectives suivantes (pièce G-12). L'employeur les a avisées de son refus le 11 octobre 2001 en précisant que l'indemnité provisoire est payable seulement à la date de la lettre de reclassification et non la date d'entrée en vigueur de la reclassification (pièce G-12).

[36]    Les extraits suivants du protocole d'entente 2001 sont pertinents aux présents griefs :

Préambule

En vue d'essayer de résoudre les problèmes de maintien du personnel en poste, l'employeur offrira une indemnité spéciale aux titulaires des postes aux niveaux CS-1 à CS-5 qui exercent les fonctions du Groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs.

Application

  1. Les parties conviennent que les titulaires des postes susmentionnés seront admissibles à une « indemnité provisoire » dont le montant et les conditions sont établis ci-après :
a)    Cette indemnité sera versée conformément à l'échelle-calendrier qui suit :

INDEMNITÉ PROVISOIRE

Paiements mensuels allant de mai 2000 à avril 2002

CS-1                                              $139 $

...

b)    L'indemnité provisoire stipulée ci-dessus ne fait pas partie intégrante du traitement de l'employé.

c)    L'employé reçoit l'indemnité provisoire pour chaque mois civil pour lequel l'employé a touché au moins dix (10) jours de rémunération.

d)    L'indemnité provisoire n'est pas versée à une personne ou à l'égard d'une personne qui cesse d'appartenir à l'unité de négociation avant la date de signature de la présente convention.

e)    Sous réserve de l'alinéa f) ci-dessous, le montant de l'indemnité provisoire à verser est celui stipulé à l'alinéa 1a) pour le niveau prescrit dans le certificat de nomination du poste d'attache de l'employé

f)    L'employé qui est tenu par l'employeur d'exercer les fonctions d'un poste de niveau supérieur au sein de l'unité de négociation des CS, conformément au paragraphe 47.05, touche une indemnité provisoire qui est calculée au prorata de la période correspondant à chaque niveau.

2. Les employés à temps partiel touchent une indemnité proportionnelle.

...

(pièce G-16)

[37]    Le protocole d'entente de 1999 comprend les mêmes stipulations, sauf en ce qui a trait au montant des indemnités provisoires versables aux titulaires des postes (pièce G-15). Pour les titulaires détenant des postes de groupe et niveau CS-1, le paiement mensuel de mai 1999 y est fixé à 438 $ et le paiement mensuel allant de juin 1999 à avril 2000 y est fixé à 139 $.

[38]    Les mêmes stipulations de base apparaissaient au protocole d'entente de 1997, sous les alinéas identifiés différemment (pièce G-14). Les éléments suivants diffèrent :

Cette indemnité provisoire sera versée conformément à l'échelle-calendrier qui suit :

INDEMNITÉ PROVISOIRE

Niveau 2 décembre 1997 paiements mensuels
Du 1er janv. 1998 au
1er avril 1999*
30 avril 1999   Total  
CS1 605 $ 130 $ 450 $ 3 135 $

...

*L'indemnité prend effet le premier jour du mois.

...

(iii) Le 2 décembre 1997, tous les employés de l'unité de négociation reçoivent le montant indiqué à l'alinéa i), le 2 décembre 1997.

(iv) À compter du 1er janvier 1998, l'employé reçoit l'indemnité provisoire pour chaque mois civil pour lequel l'employé à touché au moins dix jours de rémunération, le mois précédent.

v) Tous les employés faisant partie de l'unité de négociation le 30 avril 1999 reçoivent l'indemnité prévue pour cette date.

...

[39]    Les extraits suivants du Règlement régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique (annexé comme appendice A de la politique sur les Conditions d'emploi, pièce G-17) sont pertinents aux présents griefs :

Interprétation

2. Dans le présent règlement, l'expression

...

employé signifie une personne employée dans un service de la partie I classée dans l'une des catégories professionnelles énumérées et définies à l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (...)

...

indemnité désigne la rémunération payable

(i) à l'égard d'un poste, ou d'un certain nombre de postes d'un groupe en raison de fonctions de nature spéciale,

(ii) pour les fonctions qu'un employé est tenu d'exercer en plus des fonctions de son poste (allowance);

...

niveau de titularisation désigne le groupe et le niveau auxquels l'employé a été nommé, ou muté en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, autre que dans une situation d'affectation intérimaire (substantive level);

...

rémunération signifie le traitement et les indemnités (remuneration);

...

Rémunération - Généralités

   Droit à la rémunération

20.1) Sous la réserve du présent règlement et de tout autre édit du Conseil du Trésor, tout employé a le droit de toucher, pour services rendus, le taux de rémunération prévu dans la convention collective applicable ou le taux approuvé par le Conseil du Trésor applicable à son groupe et à son niveau de classification.

20.2) Sauf indication contraire dans le règlement, les taux de rémunération et les indemnités de même que toute autre allocation établis par le Conseil du Trésor applicables immédiatement avant l'entrée en vigueur du présent règlement ainsi que les conditions concernant leur versement continuent de s'appliquer.

...

[40]    Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que l'employeur donne aux lois et aux règlements applicables ainsi qu'aux conventions collectives et aux protocoles d'entente intervenus relativement à l'indemnité provisoire pour l'unité de négociation du groupe des systèmes d'ordinateurs.

[41]    En premier lieu, il faut établir qui, selon le protocole d'entente, est en droit de recevoir l'indemnité provisoire et, en second lieu, si les fonctionnaires s'estimant lésées peuvent être considérées bénéficiaires. Les préambules des protocoles d'entente précisent spécifiquement que deux éléments doivent être rencontrés par le personnel en poste pour qu'il se voit offrir une telle indemnité :

- premièrement : il faut qu'il soit titulaire des postes aux niveaux CS-1 à CS-5 et;

- deuxièmement : il faut qu'il exerce les fonctions du Groupe de la gestion des systèmes d'ordinateur.

[42]    Les fonctionnaires s'estimant lésées rencontrent ces deux éléments au moment de leur reclassification qui leur reconnaît, en date du 14 septembre 2001, que leur postes ont été reclassifiées aux groupe et niveau CS-01 et ce à compter du 1er octobre 1998 (pièce G-10). En date du 6 septembre 2001, l'employeur reconnaît qu'elles effectuaient les fonctions du Groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs depuis le mois d'octobre 1998 (pièce G-9). Il leur est confirmé, le 18 septembre 2001, que leurs nominations aux postes de consultant en support technique s'applique pour la période du 1er octobre 1998 au 30 août 2001 et que ceci entraîne un réajustement du traitement annuel plus la prime au bilinguisme pour toute cette période (pièce G-11).

[43]    Les préambules des protocoles d'entente stipulent que les titulaires des postes susmentionnés (groupe et niveau CS-1 à CS-5) et qui en exercent les fonctions sont admissibles à une indemnité provisoire dont le montant et les conditions sont établis par la suite. Ces éléments se retrouvent dans chacune des trois conventions collectives pertinentes aux présents griefs. L'article 1 des protocoles reprend les éléments apparaissant au préambule. En conséquence, je dois donc conclure que les fonctionnaires s'estimant lésées doivent être considérées comme admissibles à une indemnité provisoire car elles sont reconnues titulaires des postes et exercent les fonctions des groupe et niveau CS-1 de par la reclassification de leurs postes et leurs nominations effectives au 1er octobre 1998.

[44]    À la décision Dorothy Reid et le Conseil du Trésor (2003 CRTFP 77), l'arbitre Ken Norman vient à la conclusion que le droit à l'indemnité provisoire est rattaché, pour une période donnée, à l'exécution des tâches et responsabilités d'un poste. Sur ce point particulier, l'arbitre Ken Norman se dit en accord avec l'arbitre J.W. Potter qui est venu à cette conclusion au dossier Gunn (dossier de la Commission 166-2-28657).

[45]    Plus précisément, M. Gerald Gunn avait réclamé le paiement de l'indemnité provisoire prévue à l'annexe F de la convention collective du groupe Gestion des systèmes d'ordinateurs. Le protocole d'entente en cause est le même qu'aux présents dossiers. Le vice-président J.W. Potter, agissant comme arbitre dans ce dossier, a précisé dans sa décision que le fonctionnaire doit satisfaire aux conditions préalables énoncées dans le préambule du protocole d'entente avant d'avoir droit à l'indemnité. Le fonctionnaire a démontré à la satisfaction de l'arbitre qu'il était titulaire du poste de CS au 2 décembre 1997, malgré qu'il était en congé non payé à cette date, et qu'il exerçait les fonctions d'un poste au sein du groupe CS (bien qu'il ne le fit pas concrètement le 2 décembre 1997) et rencontrait donc les conditions préalables du préambule.

[46]    Je suis en accord avec les arbitres Potter et Norman en ce que le fonctionnaire a droit à l'indemnité provisoire s'il rencontre les éléments précisés au préambule des protocoles d'entente, à savoir : être titulaire d'un poste de classification CS et exercer les fonctions du poste. Aux présents dossiers, les fonctionnaires s'estimant lésées rencontrent ces deux éléments et l'employeur a reconnu que ces éléments étaient rencontrés depuis le 1er octobre 1998. Les fonctionnaires s'estimant lésées rencontrent les critères les rendant admissibles à l'indemnité provisoire.

[47]    Une partie du litige découle de l'utilisation du terme « employé » aux alinéas 1(ii) à 1(v) du protocole d'entente de 1997 et aux alinéas 1b) et c) des protocoles d'entente de 1999 et 2001. Je ne crois pas que l'utilisation du mot « employé » à ces alinéas précisant des « conditions » d'application puisse exclure les titulaires des postes de niveaux CS-1 à CS-5 exerçant les fonctions du groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs de leur admissibilité à l'indemnité provisoire comme l'a soumis l'employeur.

[48]    L'objet du protocole d'entente étant de résoudre le problème du maintien en poste du personnel de l'unité de négociation du groupe des systèmes d'ordinateurs, il va de soi que la définition du terme « employé » de la convention collective doit y recevoir application. Seuls ceux faisant partie de l'unité de négociation du groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs peuvent bénéficier des termes de la convention collective et du protocole qui y est inclus.

[49]    Ainsi, l'utilisation du mot « employé » aux protocoles ne change en rien au fait que les parties avaient manifestement l'intention de restreindre le droit de recevoir une indemnité provisoire aux titulaires des postes classifiés de CS-1 à CS-5 et qui exercent les fonctions du groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs suivant les termes mêmes des protocoles d'entente. En d'autres termes, on ne peut pas faire bénéficier à des personnes qui ne rencontrent pas tous les éléments précisés de la définition d'employé certains avantages de ces conventions collectives et de leurs annexes. Les conventions collectives ne leur seraient pas applicables selon l'article 1.01 car ces personnes ne seraient pas assujetties aux dites conventions collectives si elles ne sont pas membres de l'unité de négociation.

[50]    L'objectif visé par la reclassification des personnes du groupe AS vers le groupe CS doit être pris en considération. La note de service en date du 6 septembre 2001 précise bien qu'une iniquité découle du fait que les personnes classées à des groupes et niveaux différents effectuent exactement les mêmes fonctions et responsabilités (pièce G-9) suite à la fusion du groupe des systèmes des Archives nationales avec le groupe des systèmes de la Bibliothèque nationale.

[51]    Je considère que la position de l'employeur, c'est-à-dire que des personnes classifiés au groupe CS rétroactivement au 1er octobre 1998 et effectuant les fonctions reconnues comme de ce niveau depuis cette date ne seraient pas admissibles à une indemnité provisoire suivant les termes de protocole d'entente, est inconséquente et ferait perdurer l'iniquité constatée au mémo du 6 septembre 2001 pour toute la période du 1er octobre 1998 au 30 août 2001. Dans cette éventualité, les nouveaux CS (anciens AS) ne recevraient pas l'indemnité provisoire, comme les CS déjà classifiés à ce niveau la recevaient, conservant ainsi une iniquité au niveau du montant d'argent reçu en échange d'une prestation de services identique fournie par les deux groupes.

[52]    Les fonctionnaires s'estimant lésées sont des personnes employés dans un service de l'administration publique fédérale et sont assujetties à la Politique et au Règlement régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique. Ce règlement précise que le terme rémunération signifie le traitement et les indemnités. Il précise de plus que l'employé à droit à la rémunération prévu pour son groupe et son niveau ainsi que les indemnités selon les conditions concernant leur versement (article 20). Je considère que ce règlement permet que les fonctionnaires s'estimant lésées puissent recevoir une indemnité en plus du taux de rémunération prévu à la convention collective pour leur groupe et leur niveau.

[53]    L'article 22 de la LEFP prévoit que la nomination prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination. Aux présents dossiers, l'acte de nomination précise la prise d'effet au 1er octobre 1998 (pièce G-11). Cette date respecte le paragraphe 12.1 du Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition qui précise qu'elle doit tenir compte du moment ou les fonctions et responsabilités ont été assignées au poste. Aux présents dossiers, la date d'entrée en vigueur de la reclassification respecte cette exigence, l'employeur ayant reconnu que les fonctions étaient assumées depuis le 1er octobre 1998 (pièces G-9, G-10 et G-11). Ainsi, l'entrée en vigueur rétroactive de la reclassification aux présents dossiers est effectuée conformément au règlement.

[54]    L'argument de l'employeur selon lequel les fonctionnaires s'estimant lésées ne peuvent recevoir rétroactivement l'indemnité provisoire au motif qu'elles ne peuvent être considérées rétroactivement membres de l'unité de négociation, ne peut pas être accepté. Dans les faits, l'employeur a accepté d'appliquer rétroactivement certains éléments de la convention collective aux fonctionnaires s'estimant lésées, entre autres : le traitement annuel et la prime au bilinguisme (pièce G-11). Or, pour que le taux de traitement prévu à une convention collective puisse s'appliquer à une personne, celle-ci doit nécessairement être assujettie à la convention collective, tout particulièrement en rencontrant les éléments caractérisant un employé assujetti, c'est-à-dire, être un employé tel que l'entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et faire partie de l'unité de négociation selon l'alinéa 2.01 g) de la convention 1997 ou 2.01 e) des conventions collectives 1999 et 2001. En donnant droit rétroactivement aux traitements annuels précisés aux conventions collectives intervenues avec l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l'employeur a reconnu que les fonctionnaires s'estimant lésées devaient être considérées comme employés assujettis aux conventions collectives et nécessairement comme faisant partie de l'unité de négociation du groupe de gestion des systèmes d'ordinateurs telle que définie à l'alinéa 2.01 a) de la convention 1997 ou 2.01 r) des conventions collectives 1999 et 2001. L'employeur ne peut pas, à sa guise, reconnaître que les fonctionnaires rencontrent les éléments pour être considérées comme employés assujettis à une convention collective qu'en regard de certaines parties de la convention collective. En conséquence, les fonctionnaires s'estimant lésées doivent être considérées membres de l'unité de négociation du Groupe des Systèmes d'ordinateurs et couvertes par les conventions collectives et leurs annexes et ce à computer du 1er octobre 1998.

[55]    La décision Janveau (supra) considère le cas d'un fonctionnaire qui a cessé d'appartenir au groupe CS. La situation est nettement différente de celle aux présents dossiers et cette décision ne peut pas recevoir application. Les questions dans les litiges soumis par l'employeur en regard du moment auquel une personne est considérée comme fonctionnaire, Association professionnelle des agents du Service extérieur (supra) et l'application rétroactive des primes de temps supplémentaire ne sont d'aucun appui pour résoudre les présents dossiers.

[56]    Par ces motifs, je fais droit aux griefs et ordonne à l'employeur de verser aux fonctionnaires s'estimant lésées les montants d'indemnité provisoire auxquels elles ont droit et ce à compter du 1er octobre 1998.

[57]    Je conserve juridiction pour les prochains 90 jours en regard de tout problème pouvant résulter de l'application de la présente décision.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 19 février 2004.

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